Description
Le Français par l'absurde
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
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Le Français par l'absurde
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Transcription
Dictionnaire des idées confuses par François Herdé, épisode suivant. Coucou les lettrés, coucou les sachants, et bienvenue à tous les autres. L'autre jour, j'étais invité à un vernissage. Un vernissage très très chic, genre... genre... gris rouge. Si vous voyez ce que je veux dire. Les visiteurs se promenaient nonchalamment entre les œuvres, en laissant échapper à voix haute des commentaires intelligents. Et, parfois même, sans doute par erreur, des commentaires intelligibles. Des trucs comme le cubot noir depuis Dubuffet. au moins, au moins bien par la perspective. C'est fini, c'est vraiment fini, on n'en peut plus de la perspective. Bref, on s'amusait bien à reconnaître ceux qui étaient là et ceux qui n'en étaient pas, en subodorant la raison de l'absence, bien entendu. Peut-être une mauvaise grippe, c'est possible, mais peut-être, j'avais bien l'idée, peut-être une perte irrémédiable d'influence dans le milieu. Mais oui, la sale histoire... Il y a ça l'histoire de la phrase maladroite dans un article de Beaux-Arts en juin 1983. Vous voyez ce que je veux dire ? Oui, ça doit être ça. Le thème de l'exposition était le regard de l'autre. Le regard de l'autre. Et, parmi les œuvres figurées, un miroir, juste un miroir. On pouvait tourner autour, on pouvait se placer en biais, ça permettait de regarder les autres, enfin bon, moi j'ai pas très bien compris. On pouvait aussi se placer juste en face, et là, devinez ce qu'on voyait quand on était juste en face. Et bien envoyez-vous. Enfin, nous. Enfin, moi, en l'occurrence. Envoyez-moi. Alors, je suis un peu surpris quand même, parce que je pensais que le coup du miroir, c'était vieux comme Velázquez, mais peut-être pas. Enfin, bon. Bref, il y avait un miroir. Et alors, qu'est-ce que vous faites quand vous êtes face à un miroir ? Et bien, si vous, vous ne savez pas, je vais vous le dire. Quand vous êtes face à un miroir, vous vous regardez. Eh bien oui, eh bien oui, garantie, vous vous regardez. Et puis vous vous trouvez beau, vous vous trouvez moche, vous vous trouvez guiré, vous vous trouvez blafard, vous vous trouvez réparmatif ou avenant, enfin, à chacun son truc. Et j'en étais là de maigre et mince, lorsque mon reflet a pris comme... comme une existence autonome. Moi, mais en différent. Et il m'a interpellé. Il parlait. Il parlait, le reflet. Tiens, vous ici. Je suis content de vous voir. Je commençais à m'ennuyer. Je ne sais pas pourquoi. Mais vous m'avez l'air sympathique. Quelque chose d'un peu familier, sans doute. Par exemple, vous avez un gros nez. Vous avez des lunettes. Moi, pareil. Je dois créer des liens, ça. Un peu freudien, sans doute. Mais rien contre Freud, j'espère. Non, parce que Freud, c'est... C'est comme le gluten ou la CSG, CRDS, il y en a qui sont complètement intolérants. On a beau essayer de les raisonner, rien à faire. Et puis il a continué, il a continué, il a continué. Et qu'est-ce que vous faites dans la vie ? Vous n'êtes pas sûr ? Pas ça alors. On va vous épargner. On doit avoir le même âge, non ? A peu près ? Oui, mais d'un autre côté, moi, l'âge, je dis toujours, ça ne veut rien dire. Et puis, plus on vieillit, quand même, plus ça veut dire quelque chose. Mais bon, à nos âges, ça va encore, n'est-ce pas ? On tient la route. Je vous aurais bien demandé comment vous vous appelez, mais comme je n'ai aucune mémoire des noms, ça ne sert à rien. Vous pourriez me dire que vous vous appelez Dertal, prénom néant. Dans une minute, j'aurai oublié. Donc, ne me dites pas. Mais votre tête, votre tête me dit quelque chose. Ne soyez pas acteur ou un truc un peu prétentieux comme ça, non ? Ah, ou alors vous habitez le 15e. Vous habitez le 15e comme moi. Oui, oui, ça doit être ça. Ben oui, c'est forcément ça. On aurait des voisins. Pour que votre tête me soit familière comme ça. Eh ben oui, ça y est, ça y est, ça y est, j'ai, j'ai. C'est vous qui tenez la boucherie de vos girards. Vers le 200, 220, dans ces Ausha. Oui, si, si, c'est vous. Non ? Vous êtes sûr ? Vous avez vendu la boucherie. C'est à cause des vegans, c'est ça ? Ah ben ça, ça m'étonne. Ça, ça m'étonne. Oh là là là ! Récemment, j'ai lu que certains véganes sont complètement intolérants. À quoi ? Je ne sais pas. Mais quand on parle d'intolérance, vous, je ne sais pas. Mais moi, je pense au gluten. Invraisemblable le nombre d'intolérants au gluten. L'intolérance progresse chaque jour ici. Chaque jour. Et chacun est intolérant à quelque chose de nouveau. C'est plus invraisemblable. Imaginez que le gluten soit intolérant à la CSG-CRDS. Vous voyez le problème ? Vous, par exemple, c'est parce que vous êtes bouché que vous aimez la CSG-CRDS. Non ? Ben non. Je me trompe. Ah bon, vous n'êtes pas bouché ? Ça, c'est vous qui le dites. Là, c'est vous qui le dites, vous êtes dans le déni, mon garçon. Ben oui, oui. Et puis, ne le prenez pas mal, mais physiquement, vous avez une tête de boucher. Vous n'avez pas du tout une tête de CSG, CRDS. Excusez-moi de vous le dire, mais ça se voit tout de suite. En revanche, boucher, là, oui. Non, boucher, rien à dire. Boucher, mais attention, attention, mal entendu. Boucher, pas l'adjectif. Non, non, pas non, le métier, le noble métier, bien entendu. Si, si, je vous assure, vous avez une tête de boucher. Il y a des gens comme ça qui ont la tête du métier. Ben vous, c'est pas ministre, c'est pas cosmonaute, c'est boucher. Ça c'est absolument sûr, sûr et certain. Noble métier au demeurant. Et ça me fait plaisir de parler à un boucher, parce que ça change, je veux dire, dans cet environnement ça change. C'est un peu le problème du miroir, on ne sait jamais sur qui je vais tomber. Si je pouvais choisir mon interlocuteur, ça ne se passerait pas comme ça. N'imaginez pas le nombre de déceptions que l'on fait face dans ce métier. Avec les beaux, on ne se regardait pas dans les miroirs, à la rigueur. Mais la plupart du temps, c'est des gens comme vous. On se demande pourquoi ils font ça d'ailleurs. La CSG, CRDS, on s'en fout. Mais c'est l'intolérance au miroir qu'il faudrait inventer. On serait plus tranquille. Enfin, notez qu'il y a parfois des exceptions. Vous, par exemple. On sent que vous êtes un bon commerçant. Vous laissez parler vos pires. Bon, allez. J'ai été enchanté de faire votre connaissance. À bientôt dans votre boucherie. Oui, c'est ça, à bientôt. Et comme je m'éloignais du miroir, je l'entendis mûr. Un peu collant, mais plutôt sympa ce boucher. Prenez-en de la graine, vous devez la cultiver. Et c'est ainsi que le caramel finit dans une galerie.
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Dictionnaire des idées confuses par François Herdé, épisode suivant. Coucou les lettrés, coucou les sachants, et bienvenue à tous les autres. L'autre jour, j'étais invité à un vernissage. Un vernissage très très chic, genre... genre... gris rouge. Si vous voyez ce que je veux dire. Les visiteurs se promenaient nonchalamment entre les œuvres, en laissant échapper à voix haute des commentaires intelligents. Et, parfois même, sans doute par erreur, des commentaires intelligibles. Des trucs comme le cubot noir depuis Dubuffet. au moins, au moins bien par la perspective. C'est fini, c'est vraiment fini, on n'en peut plus de la perspective. Bref, on s'amusait bien à reconnaître ceux qui étaient là et ceux qui n'en étaient pas, en subodorant la raison de l'absence, bien entendu. Peut-être une mauvaise grippe, c'est possible, mais peut-être, j'avais bien l'idée, peut-être une perte irrémédiable d'influence dans le milieu. Mais oui, la sale histoire... Il y a ça l'histoire de la phrase maladroite dans un article de Beaux-Arts en juin 1983. Vous voyez ce que je veux dire ? Oui, ça doit être ça. Le thème de l'exposition était le regard de l'autre. Le regard de l'autre. Et, parmi les œuvres figurées, un miroir, juste un miroir. On pouvait tourner autour, on pouvait se placer en biais, ça permettait de regarder les autres, enfin bon, moi j'ai pas très bien compris. On pouvait aussi se placer juste en face, et là, devinez ce qu'on voyait quand on était juste en face. Et bien envoyez-vous. Enfin, nous. Enfin, moi, en l'occurrence. Envoyez-moi. Alors, je suis un peu surpris quand même, parce que je pensais que le coup du miroir, c'était vieux comme Velázquez, mais peut-être pas. Enfin, bon. Bref, il y avait un miroir. Et alors, qu'est-ce que vous faites quand vous êtes face à un miroir ? Et bien, si vous, vous ne savez pas, je vais vous le dire. Quand vous êtes face à un miroir, vous vous regardez. Eh bien oui, eh bien oui, garantie, vous vous regardez. Et puis vous vous trouvez beau, vous vous trouvez moche, vous vous trouvez guiré, vous vous trouvez blafard, vous vous trouvez réparmatif ou avenant, enfin, à chacun son truc. Et j'en étais là de maigre et mince, lorsque mon reflet a pris comme... comme une existence autonome. Moi, mais en différent. Et il m'a interpellé. Il parlait. Il parlait, le reflet. Tiens, vous ici. Je suis content de vous voir. Je commençais à m'ennuyer. Je ne sais pas pourquoi. Mais vous m'avez l'air sympathique. Quelque chose d'un peu familier, sans doute. Par exemple, vous avez un gros nez. Vous avez des lunettes. Moi, pareil. Je dois créer des liens, ça. Un peu freudien, sans doute. Mais rien contre Freud, j'espère. Non, parce que Freud, c'est... C'est comme le gluten ou la CSG, CRDS, il y en a qui sont complètement intolérants. On a beau essayer de les raisonner, rien à faire. Et puis il a continué, il a continué, il a continué. Et qu'est-ce que vous faites dans la vie ? Vous n'êtes pas sûr ? Pas ça alors. On va vous épargner. On doit avoir le même âge, non ? A peu près ? Oui, mais d'un autre côté, moi, l'âge, je dis toujours, ça ne veut rien dire. Et puis, plus on vieillit, quand même, plus ça veut dire quelque chose. Mais bon, à nos âges, ça va encore, n'est-ce pas ? On tient la route. Je vous aurais bien demandé comment vous vous appelez, mais comme je n'ai aucune mémoire des noms, ça ne sert à rien. Vous pourriez me dire que vous vous appelez Dertal, prénom néant. Dans une minute, j'aurai oublié. Donc, ne me dites pas. Mais votre tête, votre tête me dit quelque chose. Ne soyez pas acteur ou un truc un peu prétentieux comme ça, non ? Ah, ou alors vous habitez le 15e. Vous habitez le 15e comme moi. Oui, oui, ça doit être ça. Ben oui, c'est forcément ça. On aurait des voisins. Pour que votre tête me soit familière comme ça. Eh ben oui, ça y est, ça y est, ça y est, j'ai, j'ai. C'est vous qui tenez la boucherie de vos girards. Vers le 200, 220, dans ces Ausha. Oui, si, si, c'est vous. Non ? Vous êtes sûr ? Vous avez vendu la boucherie. C'est à cause des vegans, c'est ça ? Ah ben ça, ça m'étonne. Ça, ça m'étonne. Oh là là là ! Récemment, j'ai lu que certains véganes sont complètement intolérants. À quoi ? Je ne sais pas. Mais quand on parle d'intolérance, vous, je ne sais pas. Mais moi, je pense au gluten. Invraisemblable le nombre d'intolérants au gluten. L'intolérance progresse chaque jour ici. Chaque jour. Et chacun est intolérant à quelque chose de nouveau. C'est plus invraisemblable. Imaginez que le gluten soit intolérant à la CSG-CRDS. Vous voyez le problème ? Vous, par exemple, c'est parce que vous êtes bouché que vous aimez la CSG-CRDS. Non ? Ben non. Je me trompe. Ah bon, vous n'êtes pas bouché ? Ça, c'est vous qui le dites. Là, c'est vous qui le dites, vous êtes dans le déni, mon garçon. Ben oui, oui. Et puis, ne le prenez pas mal, mais physiquement, vous avez une tête de boucher. Vous n'avez pas du tout une tête de CSG, CRDS. Excusez-moi de vous le dire, mais ça se voit tout de suite. En revanche, boucher, là, oui. Non, boucher, rien à dire. Boucher, mais attention, attention, mal entendu. Boucher, pas l'adjectif. Non, non, pas non, le métier, le noble métier, bien entendu. Si, si, je vous assure, vous avez une tête de boucher. Il y a des gens comme ça qui ont la tête du métier. Ben vous, c'est pas ministre, c'est pas cosmonaute, c'est boucher. Ça c'est absolument sûr, sûr et certain. Noble métier au demeurant. Et ça me fait plaisir de parler à un boucher, parce que ça change, je veux dire, dans cet environnement ça change. C'est un peu le problème du miroir, on ne sait jamais sur qui je vais tomber. Si je pouvais choisir mon interlocuteur, ça ne se passerait pas comme ça. N'imaginez pas le nombre de déceptions que l'on fait face dans ce métier. Avec les beaux, on ne se regardait pas dans les miroirs, à la rigueur. Mais la plupart du temps, c'est des gens comme vous. On se demande pourquoi ils font ça d'ailleurs. La CSG, CRDS, on s'en fout. Mais c'est l'intolérance au miroir qu'il faudrait inventer. On serait plus tranquille. Enfin, notez qu'il y a parfois des exceptions. Vous, par exemple. On sent que vous êtes un bon commerçant. Vous laissez parler vos pires. Bon, allez. J'ai été enchanté de faire votre connaissance. À bientôt dans votre boucherie. Oui, c'est ça, à bientôt. Et comme je m'éloignais du miroir, je l'entendis mûr. Un peu collant, mais plutôt sympa ce boucher. Prenez-en de la graine, vous devez la cultiver. Et c'est ainsi que le caramel finit dans une galerie.
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Dictionnaire des idées confuses par François Herdé, épisode suivant. Coucou les lettrés, coucou les sachants, et bienvenue à tous les autres. L'autre jour, j'étais invité à un vernissage. Un vernissage très très chic, genre... genre... gris rouge. Si vous voyez ce que je veux dire. Les visiteurs se promenaient nonchalamment entre les œuvres, en laissant échapper à voix haute des commentaires intelligents. Et, parfois même, sans doute par erreur, des commentaires intelligibles. Des trucs comme le cubot noir depuis Dubuffet. au moins, au moins bien par la perspective. C'est fini, c'est vraiment fini, on n'en peut plus de la perspective. Bref, on s'amusait bien à reconnaître ceux qui étaient là et ceux qui n'en étaient pas, en subodorant la raison de l'absence, bien entendu. Peut-être une mauvaise grippe, c'est possible, mais peut-être, j'avais bien l'idée, peut-être une perte irrémédiable d'influence dans le milieu. Mais oui, la sale histoire... Il y a ça l'histoire de la phrase maladroite dans un article de Beaux-Arts en juin 1983. Vous voyez ce que je veux dire ? Oui, ça doit être ça. Le thème de l'exposition était le regard de l'autre. Le regard de l'autre. Et, parmi les œuvres figurées, un miroir, juste un miroir. On pouvait tourner autour, on pouvait se placer en biais, ça permettait de regarder les autres, enfin bon, moi j'ai pas très bien compris. On pouvait aussi se placer juste en face, et là, devinez ce qu'on voyait quand on était juste en face. Et bien envoyez-vous. Enfin, nous. Enfin, moi, en l'occurrence. Envoyez-moi. Alors, je suis un peu surpris quand même, parce que je pensais que le coup du miroir, c'était vieux comme Velázquez, mais peut-être pas. Enfin, bon. Bref, il y avait un miroir. Et alors, qu'est-ce que vous faites quand vous êtes face à un miroir ? Et bien, si vous, vous ne savez pas, je vais vous le dire. Quand vous êtes face à un miroir, vous vous regardez. Eh bien oui, eh bien oui, garantie, vous vous regardez. Et puis vous vous trouvez beau, vous vous trouvez moche, vous vous trouvez guiré, vous vous trouvez blafard, vous vous trouvez réparmatif ou avenant, enfin, à chacun son truc. Et j'en étais là de maigre et mince, lorsque mon reflet a pris comme... comme une existence autonome. Moi, mais en différent. Et il m'a interpellé. Il parlait. Il parlait, le reflet. Tiens, vous ici. Je suis content de vous voir. Je commençais à m'ennuyer. Je ne sais pas pourquoi. Mais vous m'avez l'air sympathique. Quelque chose d'un peu familier, sans doute. Par exemple, vous avez un gros nez. Vous avez des lunettes. Moi, pareil. Je dois créer des liens, ça. Un peu freudien, sans doute. Mais rien contre Freud, j'espère. Non, parce que Freud, c'est... C'est comme le gluten ou la CSG, CRDS, il y en a qui sont complètement intolérants. On a beau essayer de les raisonner, rien à faire. Et puis il a continué, il a continué, il a continué. Et qu'est-ce que vous faites dans la vie ? Vous n'êtes pas sûr ? Pas ça alors. On va vous épargner. On doit avoir le même âge, non ? A peu près ? Oui, mais d'un autre côté, moi, l'âge, je dis toujours, ça ne veut rien dire. Et puis, plus on vieillit, quand même, plus ça veut dire quelque chose. Mais bon, à nos âges, ça va encore, n'est-ce pas ? On tient la route. Je vous aurais bien demandé comment vous vous appelez, mais comme je n'ai aucune mémoire des noms, ça ne sert à rien. Vous pourriez me dire que vous vous appelez Dertal, prénom néant. Dans une minute, j'aurai oublié. Donc, ne me dites pas. Mais votre tête, votre tête me dit quelque chose. Ne soyez pas acteur ou un truc un peu prétentieux comme ça, non ? Ah, ou alors vous habitez le 15e. Vous habitez le 15e comme moi. Oui, oui, ça doit être ça. Ben oui, c'est forcément ça. On aurait des voisins. Pour que votre tête me soit familière comme ça. Eh ben oui, ça y est, ça y est, ça y est, j'ai, j'ai. C'est vous qui tenez la boucherie de vos girards. Vers le 200, 220, dans ces Ausha. Oui, si, si, c'est vous. Non ? Vous êtes sûr ? Vous avez vendu la boucherie. C'est à cause des vegans, c'est ça ? Ah ben ça, ça m'étonne. Ça, ça m'étonne. Oh là là là ! Récemment, j'ai lu que certains véganes sont complètement intolérants. À quoi ? Je ne sais pas. Mais quand on parle d'intolérance, vous, je ne sais pas. Mais moi, je pense au gluten. Invraisemblable le nombre d'intolérants au gluten. L'intolérance progresse chaque jour ici. Chaque jour. Et chacun est intolérant à quelque chose de nouveau. C'est plus invraisemblable. Imaginez que le gluten soit intolérant à la CSG-CRDS. Vous voyez le problème ? Vous, par exemple, c'est parce que vous êtes bouché que vous aimez la CSG-CRDS. Non ? Ben non. Je me trompe. Ah bon, vous n'êtes pas bouché ? Ça, c'est vous qui le dites. Là, c'est vous qui le dites, vous êtes dans le déni, mon garçon. Ben oui, oui. Et puis, ne le prenez pas mal, mais physiquement, vous avez une tête de boucher. Vous n'avez pas du tout une tête de CSG, CRDS. Excusez-moi de vous le dire, mais ça se voit tout de suite. En revanche, boucher, là, oui. Non, boucher, rien à dire. Boucher, mais attention, attention, mal entendu. Boucher, pas l'adjectif. Non, non, pas non, le métier, le noble métier, bien entendu. Si, si, je vous assure, vous avez une tête de boucher. Il y a des gens comme ça qui ont la tête du métier. Ben vous, c'est pas ministre, c'est pas cosmonaute, c'est boucher. Ça c'est absolument sûr, sûr et certain. Noble métier au demeurant. Et ça me fait plaisir de parler à un boucher, parce que ça change, je veux dire, dans cet environnement ça change. C'est un peu le problème du miroir, on ne sait jamais sur qui je vais tomber. Si je pouvais choisir mon interlocuteur, ça ne se passerait pas comme ça. N'imaginez pas le nombre de déceptions que l'on fait face dans ce métier. Avec les beaux, on ne se regardait pas dans les miroirs, à la rigueur. Mais la plupart du temps, c'est des gens comme vous. On se demande pourquoi ils font ça d'ailleurs. La CSG, CRDS, on s'en fout. Mais c'est l'intolérance au miroir qu'il faudrait inventer. On serait plus tranquille. Enfin, notez qu'il y a parfois des exceptions. Vous, par exemple. On sent que vous êtes un bon commerçant. Vous laissez parler vos pires. Bon, allez. J'ai été enchanté de faire votre connaissance. À bientôt dans votre boucherie. Oui, c'est ça, à bientôt. Et comme je m'éloignais du miroir, je l'entendis mûr. Un peu collant, mais plutôt sympa ce boucher. Prenez-en de la graine, vous devez la cultiver. Et c'est ainsi que le caramel finit dans une galerie.
Description
Le Français par l'absurde
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Transcription
Dictionnaire des idées confuses par François Herdé, épisode suivant. Coucou les lettrés, coucou les sachants, et bienvenue à tous les autres. L'autre jour, j'étais invité à un vernissage. Un vernissage très très chic, genre... genre... gris rouge. Si vous voyez ce que je veux dire. Les visiteurs se promenaient nonchalamment entre les œuvres, en laissant échapper à voix haute des commentaires intelligents. Et, parfois même, sans doute par erreur, des commentaires intelligibles. Des trucs comme le cubot noir depuis Dubuffet. au moins, au moins bien par la perspective. C'est fini, c'est vraiment fini, on n'en peut plus de la perspective. Bref, on s'amusait bien à reconnaître ceux qui étaient là et ceux qui n'en étaient pas, en subodorant la raison de l'absence, bien entendu. Peut-être une mauvaise grippe, c'est possible, mais peut-être, j'avais bien l'idée, peut-être une perte irrémédiable d'influence dans le milieu. Mais oui, la sale histoire... Il y a ça l'histoire de la phrase maladroite dans un article de Beaux-Arts en juin 1983. Vous voyez ce que je veux dire ? Oui, ça doit être ça. Le thème de l'exposition était le regard de l'autre. Le regard de l'autre. Et, parmi les œuvres figurées, un miroir, juste un miroir. On pouvait tourner autour, on pouvait se placer en biais, ça permettait de regarder les autres, enfin bon, moi j'ai pas très bien compris. On pouvait aussi se placer juste en face, et là, devinez ce qu'on voyait quand on était juste en face. Et bien envoyez-vous. Enfin, nous. Enfin, moi, en l'occurrence. Envoyez-moi. Alors, je suis un peu surpris quand même, parce que je pensais que le coup du miroir, c'était vieux comme Velázquez, mais peut-être pas. Enfin, bon. Bref, il y avait un miroir. Et alors, qu'est-ce que vous faites quand vous êtes face à un miroir ? Et bien, si vous, vous ne savez pas, je vais vous le dire. Quand vous êtes face à un miroir, vous vous regardez. Eh bien oui, eh bien oui, garantie, vous vous regardez. Et puis vous vous trouvez beau, vous vous trouvez moche, vous vous trouvez guiré, vous vous trouvez blafard, vous vous trouvez réparmatif ou avenant, enfin, à chacun son truc. Et j'en étais là de maigre et mince, lorsque mon reflet a pris comme... comme une existence autonome. Moi, mais en différent. Et il m'a interpellé. Il parlait. Il parlait, le reflet. Tiens, vous ici. Je suis content de vous voir. Je commençais à m'ennuyer. Je ne sais pas pourquoi. Mais vous m'avez l'air sympathique. Quelque chose d'un peu familier, sans doute. Par exemple, vous avez un gros nez. Vous avez des lunettes. Moi, pareil. Je dois créer des liens, ça. Un peu freudien, sans doute. Mais rien contre Freud, j'espère. Non, parce que Freud, c'est... C'est comme le gluten ou la CSG, CRDS, il y en a qui sont complètement intolérants. On a beau essayer de les raisonner, rien à faire. Et puis il a continué, il a continué, il a continué. Et qu'est-ce que vous faites dans la vie ? Vous n'êtes pas sûr ? Pas ça alors. On va vous épargner. On doit avoir le même âge, non ? A peu près ? Oui, mais d'un autre côté, moi, l'âge, je dis toujours, ça ne veut rien dire. Et puis, plus on vieillit, quand même, plus ça veut dire quelque chose. Mais bon, à nos âges, ça va encore, n'est-ce pas ? On tient la route. Je vous aurais bien demandé comment vous vous appelez, mais comme je n'ai aucune mémoire des noms, ça ne sert à rien. Vous pourriez me dire que vous vous appelez Dertal, prénom néant. Dans une minute, j'aurai oublié. Donc, ne me dites pas. Mais votre tête, votre tête me dit quelque chose. Ne soyez pas acteur ou un truc un peu prétentieux comme ça, non ? Ah, ou alors vous habitez le 15e. Vous habitez le 15e comme moi. Oui, oui, ça doit être ça. Ben oui, c'est forcément ça. On aurait des voisins. Pour que votre tête me soit familière comme ça. Eh ben oui, ça y est, ça y est, ça y est, j'ai, j'ai. C'est vous qui tenez la boucherie de vos girards. Vers le 200, 220, dans ces Ausha. Oui, si, si, c'est vous. Non ? Vous êtes sûr ? Vous avez vendu la boucherie. C'est à cause des vegans, c'est ça ? Ah ben ça, ça m'étonne. Ça, ça m'étonne. Oh là là là ! Récemment, j'ai lu que certains véganes sont complètement intolérants. À quoi ? Je ne sais pas. Mais quand on parle d'intolérance, vous, je ne sais pas. Mais moi, je pense au gluten. Invraisemblable le nombre d'intolérants au gluten. L'intolérance progresse chaque jour ici. Chaque jour. Et chacun est intolérant à quelque chose de nouveau. C'est plus invraisemblable. Imaginez que le gluten soit intolérant à la CSG-CRDS. Vous voyez le problème ? Vous, par exemple, c'est parce que vous êtes bouché que vous aimez la CSG-CRDS. Non ? Ben non. Je me trompe. Ah bon, vous n'êtes pas bouché ? Ça, c'est vous qui le dites. Là, c'est vous qui le dites, vous êtes dans le déni, mon garçon. Ben oui, oui. Et puis, ne le prenez pas mal, mais physiquement, vous avez une tête de boucher. Vous n'avez pas du tout une tête de CSG, CRDS. Excusez-moi de vous le dire, mais ça se voit tout de suite. En revanche, boucher, là, oui. Non, boucher, rien à dire. Boucher, mais attention, attention, mal entendu. Boucher, pas l'adjectif. Non, non, pas non, le métier, le noble métier, bien entendu. Si, si, je vous assure, vous avez une tête de boucher. Il y a des gens comme ça qui ont la tête du métier. Ben vous, c'est pas ministre, c'est pas cosmonaute, c'est boucher. Ça c'est absolument sûr, sûr et certain. Noble métier au demeurant. Et ça me fait plaisir de parler à un boucher, parce que ça change, je veux dire, dans cet environnement ça change. C'est un peu le problème du miroir, on ne sait jamais sur qui je vais tomber. Si je pouvais choisir mon interlocuteur, ça ne se passerait pas comme ça. N'imaginez pas le nombre de déceptions que l'on fait face dans ce métier. Avec les beaux, on ne se regardait pas dans les miroirs, à la rigueur. Mais la plupart du temps, c'est des gens comme vous. On se demande pourquoi ils font ça d'ailleurs. La CSG, CRDS, on s'en fout. Mais c'est l'intolérance au miroir qu'il faudrait inventer. On serait plus tranquille. Enfin, notez qu'il y a parfois des exceptions. Vous, par exemple. On sent que vous êtes un bon commerçant. Vous laissez parler vos pires. Bon, allez. J'ai été enchanté de faire votre connaissance. À bientôt dans votre boucherie. Oui, c'est ça, à bientôt. Et comme je m'éloignais du miroir, je l'entendis mûr. Un peu collant, mais plutôt sympa ce boucher. Prenez-en de la graine, vous devez la cultiver. Et c'est ainsi que le caramel finit dans une galerie.
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