Speaker #0Salut à vous, auditeurs d'élite, et bienvenue à tous les autres. Ce matin, j'ai reçu une lettre de la jeune Soisic de Ploubazlanek dans les Côtes d'Armor. Je vous la lis. Cher François Herdé, j'aime bien vos podcasts, même si souvent je n'y comprends rien. Est-ce que tu crois qu'il faudrait donner une amende à ceux qui parlent pour ne rien dire ? Je vous embrasse. Ta Soisic. Merci Soisic, merci, merci. Les lettres me surprennent toujours un petit peu, mais elles me font très plaisir. Et elles me font plaisir notamment parce qu'elles sont pleines de bon sens et d'imagination en même temps. Taxer les bavards. Comme tu y vas. Comme tu y vas. Imagine un monde où l'on serait imposé sur la parole. Je ne sais pas moi, un euro les 1000 mots par jour par exemple, et puis un euro les 500 suivants, et puis un euro les 250 suivants, etc. 1000 mots, ça peut paraître beaucoup, mais je t'assure, on ne dit pas grand-chose avec 1000 mots par jour. Ou alors, il faudrait faire une exception pour les podcasteurs peut-être. Parce que ce n'est pas qu'on est bavard. Non, non, oh là là, loin de là. Mais parler, c'est un peu notre métier quand même. Et puis, soyons honnêtes, on ne sait pas bien faire autre chose. C'est spécifique, podcasteur. Moi, par exemple, je serais capable de faire un autre métier. Celui de votre métier, je ne saurais pas faire. Notez que je n'ai rien contre les croquements. Rien, rien, rien du tout. J'adore les cimetières d'ailleurs. Mais croquements, moi, je ne pourrais pas. Le costume, non, c'est pas un problème. Le noir, c'est plutôt élégant. Et puis, si en dessous, je porte un caleçon Mickey, ça ne me regarde pas, j'ai le droit. Donc, le costume, non. L'air compassé, non. L'air compassé pendant 7 heures par jour, on passe encore. Non, le vrai problème pour le croque-mort, c'est qu'on attend de lui qu'il n'émette absolument aucun son. Aucun. Et donc, imaginez une seconde qu'un croque-mort prenne la parole et dise devant l'Assemblée, haut et fort, « Et c'est ainsi que le caramel devint fou ! » Vous voyez le problème. Donc, non. Ma chère Soisic, non. Taxez ceux qui parlent, que ce soit à bon ou à mauvais escient. taxer ceux qui parlent même trop, ce n'est pas une bonne idée. En revanche, moi, une idée, tu m'en as donné une. Et si plutôt que de taxer ceux qui parlent beaucoup, voire trop, et si on taxait la richesse intérieure ? Pourquoi la richesse intérieure ? Mais justement parce que celle-là a du chapeau fisc. Et le fisc, il n'aime pas trop ça. Et puis en plus, il a des gros besoins, le fisc. Et donc, il imagine des paradis fiscaux, où il y aurait les riches de l'intérieur, un endroit où se retrouveraient tous ceux qui donnent sans compter du talent, de l'attention, de l'amour. Une grande île où se retrouveraient tous les magnifiques. Léonard de Vinci, Don Quichotte, Jésus, Bouddha, Mère Thérésa, Claude Monet, ma copine Clarisse. Bref, la crème de la crème, comme disent les américains. Comme j'aimerais en faire partie de cette crème de la crème. Le problème, c'est que vouloir en faire partie, ça montre que je n'en suis pas. Et puis comment taxer ces gens-là ? Ils sont certes très riches, mais pas de cette richesse-là. Pourtant, nous aurions tous besoin de profiter de la richesse qu'ils ont. Il faudrait les nationaliser, ces gens-là. Ils deviendraient un service public. Il y a des pays comme le Bhoutan qui mesurent le bonheur intérieur brut, de préférence à leurs produits intérieurs bruts. Et là, Alice en son pays, ou Gavroche, ou Gaston Lagaffe, ils contribuent bien plus que vous, moi, ou même Bill Gates. Mais comment le ministère des Finances pourrait-il en piquer juste un peu au passage ? Pas trop, parce qu'il ne faut pas les dénaturer, mais juste un peu pour ses besoins. Facile, hein ? On ne va quand même pas me mettre en prison pour richesse intérieure non déclarée. On n'en est pas là quand même. On n'en est pas là, mais c'est un risque que des tas de gens prennent manifestement très au sérieux. Je ne peux pas allumer la télé ou passer du temps sur Internet sans avoir à subir tout un tas de zozos qui font tout. pour nous faire croire qu'ils n'ont aucune richesse intérieure. Rien, nada. Certains qui font semblant, évidemment. Mais beaucoup d'entre eux jouent tellement bien que je me demande s'ils font vraiment semblant. Surtout ceux qui n'habitent pas notre beau pays. Car eux n'ont rien à craindre du fisc français, donc ils n'ont pas besoin de faire semblant. Et pourtant... Et pourtant. Et puis il y a les vrais riches. Les nababs. Ceux qui font ressortir le meilleur chez les autres. Eux, ce sont des magiciens. Quand vous les croisez, vous vous sentez un peu plus humain. Un peu plus pluridimensionnel. Nous qui résonnons si trop souvent par oui et par non, ils nous ouvrent des savannes de subtilité, de générosité. Il y a des gens qui vous grandissent. Et chacun d'entre nous peut être une girafe. D'ailleurs, souvenez-vous du slogan de mai 68. « Nous sommes tous des girafes allemandes ! » La richesse intérieure grandit lorsqu'elle est partagée. Et donc, merci aux magiciens, ils feraient presque de nous des contribuables heureux. Et c'est ainsi que le caramel devint taxé.