Transcription

• Speaker #0

  Percher.

• Speaker #1

  Premier jour de l'expérience.

• Speaker #0

  7 jours et 7 nuits à 25 mètres de haut.

• Speaker #1

  Je souhaite comprendre ce qu'est la condition végétale, m'extraire du monde des humains, vivre avec ce chêne.

• Speaker #0

  Ronan Moinet mène une expérience dans un chêne centenaire pour comprendre le monde des plantes.

• Speaker #1

  Mais qu'est-ce que...

• Speaker #0

  Percher, épisode 1, l'ascension.

• Speaker #1

  Hey, hey, oh ! Printemps 2022, premier jour et premier enregistrement pour le projet Percher. Arrivé au pied du chêne qui doit faire bien 2 mètres de diamètre, un sacré tronc. J'ai suivi la trace du lierre. Il s'élance, il monte et il fait de grandes hanses dans lesquelles je me suis faufilé. Et comme lui, je suis monté jusqu'au sommet, 20, 25 mètres de haut. Au pied du chêne, j'ai laissé ma montre et mon téléphone. Coupé. Je m'apprête à vivre 7 jours, seul, sans heure et sans communication humaine. J'ai emmené le moins de matos possible. De quoi manger, de quoi dormir, de quoi boire, et de quoi enregistrer ce carnet de bord sonore et tenir un carnet de bord papier. C'est tout. Je vais passer les prochaines heures à installer mon triplex végétal. Un trampoline, une chaise à mac et un ramac. A suivre. Je suis un peu en sueur. J'ai passé ces deux dernières heures à tendre des cordes, à faire des nœuds. Nœud d'huître, cabestan, nœud de chaise, l'installation du triplex végétal. Premier étage. là où je suis assis actuellement, 15 mètres au-dessus du sol, mon trampoline. Un cercle de 2 mètres de diamètre sur lequel je peux m'allonger et où je stocke l'ensemble de ma nourriture, mon eau, ma popote. Deuxième étage, la chaise à mac. Cinq mètres au-dessus de moi, elle est suspendue sur une grosse branche charpentière et elle flotte dans le vide. C'est là que je vais laisser mon matériel d'enregistrement sonore, mon carnet de bord, papier, pour pouvoir récolter les fruits de l'expérience. les moyens de transport humain. Et enfin, 25 mètres au-dessus du sol, troisième étage, le hamac dans lequel je vais passer toutes mes nuits. Il est entouré d'une toile de tente, un tarp de couleur verte qui me protégera en cas d'orage. Dans cette expérience tout est constamment attaché, assuré. Les objets sont suspendus à l'aide de cordes et moi je porte en permanence un beau de relié à une corde principale, ma ligne de vie. C'est avec elle que je me déplace dans l'arbre. Mais durant les sept prochains jours, je vais tenter de minimiser mes mouvements. Je vais tenter d'adopter la posture du chêne. Immobile. Objectif ? La métamorphose. Hé ! La vue du ciel doit être 14h, 15h... Je n'ai pas l'heure dans cette aventure. En tout cas, je suis sur le trampoline, en tailleur, pour mon premier déjeuner de l'expérience. Préparation déshydratée pour riz et poulet lyophilisé au curry. Poids réhydraté, 370 grammes. Énergie, 511 kilocalories. Temps de réhydratation, 10 minutes. Précis. Je suis dans la chaise hamac depuis une heure peut-être, un peu plus haut que sur la plateforme précédente. Je sens que je commence à m'extraire du sol. L'arbre avec lequel je vais passer toute cette aventure se déploie dans les quatre directions. Nord, sud, est, ouest. Et tout autour de nous, d'autres chaînes, ils semblent un peu me regarder. Qu'est-ce que vient faire un humain comme moi ici ? Perplexe. Mais bon, après tout, les arbres ne choisissent pas l'endroit où ils grandissent, ils ne choisissent pas leurs voisins. Ils acceptent. J'accepte. Je reviens sur ce que j'écrivais ce matin. L'immobilité. Je me suis complètement planté. Je vis depuis quelques heures au gré des balancements de ce chêne. Il n'est pas du tout immobile. Il se déplace dans toutes les directions. Les branches craquent, se plient, se déplacent. C'est... des coups à choper le mal de mer. Le terme exact est donc plutôt instabilité. C'est encore moi. Je ressens finalement comme un double balancement. Celui de la chaise à mac et celui de l'arbre. Ils semblent communiquer l'un et l'autre. Très agréable finalement. Écoutez le paysage sonore et lâchez prise. Pénombre. J'ai dû m'assoupir. Un long moment. Il y a une dizaine de minutes, en rouvrant les yeux, il faisait beaucoup plus sombre et une lumière rougeoyante descendait sur l'écorce du chêne. Constatant que la nuit s'était déjà annoncée, j'ai... J'ai d'abord pensé que c'était les derniers rayons du soleil. Mais dans la pénombre, il n'y avait plus que cette tâche. Unique. D'une vingtaine de centimètres. Aux rousses orangées. un écureuil. Il descendait tout doucement le long du tronc et il ne semblait pas me voir. D'abord à dix mètres, puis cinq, trois, deux, à portée de main. Rouge, deux panachées blanches, deux pupilles noires et d'immenses griffes au bout des pattes. Fascination pour l'animal, puis... un réflexe de survie. J'ai honte. Pris par la peur qu'ils viennent bouffer tout mon muesli du matin, j'ai complètement vrillé. J'ai crié. Il est reparti dans l'autre sens à toute vitesse, à sauter dans l'arbre voisin, puis celui d'après, et encore un autre, pour aller finalement se cacher dans un chêne. C'est un coup d'énorme. Premier jour et redécouverte de mes réflexes de survie, mise en évidence de mes instincts primaires. Pour demain, moi, Mok n'ai pas très horizontal, voire carrément penché. À suivre.

• Speaker #0

  Percher, une création de Ronan Moinet, produite par Bruit Vert. S'il vous a plu, n'hésitez pas à partager ce podcast. Et rendez-vous pour l'épisode 2, Je ne suis pas seule.