- Speaker #0
Ça serait pas mal si l'Église pouvait sortir de l'alternative maman ou prostituée pour le rôle des femmes. Aujourd'hui,
- Speaker #1
c'est une professeure inédite et incroyablement moderne que je reçois à mon micro. Il s'agit de Valérie Nicolet.
- Speaker #0
Je ne comprends pas pourquoi pour une question du XXIe siècle, on va aller chercher la réponse au Ier siècle. Pourquoi on ne fait pas ça dans d'autres domaines de la vie ? Par exemple, si on prend une question un peu moins controversée, aujourd'hui, il y a quand même pas mal d'interrogations autour de « est-ce que je prends l'avion ou pas ? » pour des raisons écologiques. personne ne se dit, ah bah tiens je vais aller voir ce que la Bible dit sur est-ce que je peux prendre l'avion ou pas ok on parle du divorce dans la Bible au premier siècle, mais le divorce au premier siècle c'est pas la même chose on est vraiment pas dans la même situation ça veut pas dire après, parce qu'après évidemment le mouvement d'après c'est dire, bah alors la Bible ça sert à rien je vois pas pourquoi je la lis c'est pas utile, c'est de la paresse en fait, c'est de la paresse intellectuelle de faire ça, on est des êtres humains qui ont la capacité extraordinaire d'entrer en dialogue. Le récit de la création, c'est un texte qui est extrêmement porteur de sens pour la communauté trans et pour les personnes qui s'identifient comme non-binaires, parce que ça dit que c'est une réalité d'abord qui existe et qui existait depuis longtemps. Et puis, pour les textes bibliques, il y a une place pour les personnes dont l'identité est caractérisée par ça. Mais pour la communauté trans, c'est quand même vraiment important. Il n'y a rien à changer à son identité. C'est vrai que je suis très...
- Speaker #1
Frappé, enfin ton argument là, je ne l'avais jamais entendu comme ça, du fait qu'il n'y a pas de condition, c'est-à-dire que pour personne il n'y a de condition, c'est vrai. Est-ce qu'on pourrait dire que la Bible est misogyne ? Aujourd'hui, c'est une professeure inédite et incroyablement moderne que je reçois à mon micro, il s'agit de Valérie Nicolet. Elle est professeure de Nouveau Testament et de grec ancien biblique à l'Institut protestant luthéro-réformé de théologie à Paris. Elle privilégie une approche historico des textes bibliques avec des approches féministes et queer. Oui, oui, tu as bien entendu, dans ce podcast, tu risques d'être dérouté d'entendre des choses que tu n'as peut-être jamais entendues par ailleurs. Et pourtant, c'est bien une prof de théologie qui est en train de former tous les futurs pasteurs de notre Église et je m'en réjouis beaucoup. Que ce soit sur le sexe avant le mariage, les questions d'inclusivité, découvrir qui sont les eunuques, le royaume de Dieu, les femmes dans la Bible. Nous avons abordé tout un tas de sujets qui vont probablement t'intéresser et nous te réservons... de grosses surprises, donc je t'invite vraiment à écouter jusqu'à la fin ce podcast. Alors c'est parti, on démarre tout de suite avec Valérie Nicolet à mon micro. Bonjour Valérie Nicolet !
- Speaker #0
Bonjour !
- Speaker #1
Bienvenue dans ce podcast, on est très heureux de t'avoir et l'honneur de pouvoir t'écouter, toi qui es professeure, qui travailles tous ces sujets évidemment bien plus que nous. Alors pour les gens qui ne te connaissent pas, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots pour nous dire d'où tu viens et comment tu es arrivée dans ce monde de la théologie ?
- Speaker #0
Oui, merci beaucoup d'abord de m'avoir invitée. Donc, comment je suis arrivée dans le monde de la théologie ? En fait, je suis née dans le monde de la théologie. Mon papa était pasteur et puis j'ai toujours su, en fait très jeune, que je voulais être pasteur. Les gens étaient assez étonnés quand j'avais 12-13 ans, ils me demandaient ce que je voulais faire, puis j'étais là, je veux être pasteur. Je ne suis pas devenue pasteur, en fait. Finalement, c'est les études qui m'ont plu. J'ai fait une partie de mes études en Suisse. à la faculté à l'époque à Neuchâtel et ensuite à l'université de Lausanne. Et puis ensuite je suis partie, je pense qu'à cette période-là, dans les années 90, on était beaucoup à trouver que la Suisse était vraiment trop petite, on venait de refuser l'adhésion à l'Union Européenne et puis on avait vraiment envie de sortir des frontières. Donc je suis partie et j'ai fait mon doctorat aux Etats-Unis. Donc j'ai habité pendant presque dix ans aux États-Unis et puis ensuite je suis revenue en Europe par la Suède et maintenant en France où je travaille comme prof dans un institut qui forme les futurs pasteurs de l'église protestante unie de France. Oui,
- Speaker #1
et donc tu disais finalement tu n'es pas devenue pasteur, alors il y a parfois une théorie qui court comme quoi quand on arrive à la faculté de théologie alors on pourrait... perdre la foi parce que les études qui sont très académiques, très scientifiques, très historiques, au fond, elles décapent un peu les écritures. Est-ce que c'est ce qui t'est arrivé ?
- Speaker #0
Non, c'est pas ça qui m'est arrivé. En fait, pour moi, je savais assez bien ce que j'allais trouver à la faculté parce que, justement, comme mon père travaillait dans le milieu ecclésial, dans le milieu de l'Église, il avait beaucoup de contacts, on avait pas mal de contacts avec les profs à Neuchâtel qui étaient des anciens collègues à lui d'études. Donc, j'étais Je n'étais pas surprise. En fait, moi, l'expérience de la faculté, ça a plutôt été une expérience libératrice. Parce que j'avais l'impression, quand j'avais 16-17 ans, je trouvais que vraiment les textes bibliques, c'était des textes qui ne me parlaient pas du tout. Je me disais, mais moi, je ne crois pas dans ces histoires de miracles. C'est ça, exactement. Je ne pense pas que Jésus a marché sur l'eau, par exemple. Et du coup, j'avais l'impression que... Il n'y avait plus rien qui restait, en fait, que je ne pouvais pas... Enfin, je me disais, mais si je ne crois pas en ces histoires, comment est-ce que la Bible, elle peut fonctionner pour moi ? En fait, pour moi, c'est vraiment la fac qui m'a donné des réponses à ça, en me rendant, en me faisant réfléchir aux propositions de sens, en fait, à ce que la Bible peut donner comme sens à l'existence. Et puis que ça, ça ne dépend pas des histoires de miracles comme ça. Mais c'est une vraie réflexion sur comment l'être humain réfléchit son rapport au monde, son rapport aux autres, son rapport à Dieu. Et ça, j'ai trouvé que c'était intéressant.
- Speaker #1
En fait, on pourrait dire que c'est la fac que tu as appris à penser par toi-même et à élaborer des interprétations qui aident à vivre. Est-ce que c'est ça ?
- Speaker #0
Oui, je crois que c'est vraiment exactement ça. Mais du coup, ça m'a aussi fait comprendre qu'en fait, je n'étais pas faite pour être pasteur. et que ce que j'aimais vraiment, c'était la recherche en fait. Et donc, j'ai continué et puis je n'ai jamais arrêté de travailler sur ces textes.
- Speaker #1
Salut, c'est Carolina Costa. Avant de poursuivre cet épisode, j'ai une très bonne nouvelle pour toi. Tu n'as pas besoin de prendre de notes. Mon équipe a créé une fiche qui récapitule tout ce qui a été dit, les phrases pépites, les meilleurs conseils, les meilleurs moments et tous les outils avec les liens. Tu peux télécharger cette fiche gratuitement et maintenant. en cliquant simplement sur le lien qui se trouve dans la description de ce podcast. Ne le rate pas et on se retrouve tout de suite avec mon invité. Une des questions que se posent parfois les gens, c'est qui a écrit justement, qui se cache derrière ces écrits du Nouveau Testament, plus particulièrement aujourd'hui avec toi ? Et puis aussi, pourquoi il y a ces quatre évangiles ?
- Speaker #0
Oui, c'est une bonne question, je trouve, parce qu'on a envie de savoir. C'est un peu la question du journaliste. Comment est-ce qu'on sait ces choses sur Jésus ? Qui c'est qui les a dit ? La question est en fait plus excitante que la réponse. Parce que souvent la réponse c'est qu'on ne sait pas. Et moi j'aime bien cette réponse, on ne sait pas, parce que ça donne envie d'aller plus loin. Et puis du coup on entre dans un travail qui est beaucoup plus le travail de l'historien, où on essaye de reconstruire des hypothèses. Donc on se dit, tiens ça pourrait être comme ça. Donc ce qu'on pense aujourd'hui, en tout cas une des théories sur... Qui c'est qui a écrit les évangiles ? C'est que, environ dans les années 80 ou 90, après la naissance de Jésus, les premières personnes qui avaient connu Jésus commençaient de mourir. Et que donc, on avait peur de perdre la trace orale. Parce que dans l'Antiquité, c'était beaucoup plus important de raconter les choses plutôt que d'élire. Et donc, tant que les gens étaient vivants, on racontait les choses. Et puis au moment où les gens commencent de mourir, on se dit, il faut peut-être qu'on mette par écrit, parce qu'on va perdre cette trace-là. Et ce que je trouve assez fascinant, c'est qu'on s'est justement dit, on va mettre par écrit, pas une histoire. Je ne sais pas si c'était volontaire ou pas, mais dès le départ, il y avait l'idée que l'effet, au fond, que Jésus pouvait avoir sur les gens était multiple. Et puis que, du coup, on retient. de multiples manières de raconter cette histoire. Je trouve que c'est un assez beau présupposé de départ pour une vie de foi, de se rendre compte que le rapport à Jésus, ce n'est pas un rapport unique, et ce n'est pas juste mon rapport, mais il y a plein de façons différentes de se rattacher à ce personnage.
- Speaker #1
Oui, il y a autant de manières de rencontrer le Christ que de personnes. D'ailleurs, je crois que c'est la finale de l'évangile de Luc où il dit « Il y aurait encore tellement d'histoires à raconter qu'il n'y aurait pas assez de livres dans le monde pour pouvoir les inscrire. » Je crois qu'il y a une...
- Speaker #0
Exactement, dans une des finales. Je me suis plutôt à fait... Il me semble qu'il y a quelque chose de similaire dans Jean aussi.
- Speaker #1
Peut-être que c'est chez Jean.
- Speaker #0
Je crois que c'est chez Jean. Mais peu importe en fait. Mais cette idée que finalement ce qui compte c'est un rapport... qui a un rapport personnel avec la figure du Christ. Après, c'est aussi intéressant de voir que l'Église a quand même aussi décidé dès le départ qu'on ne pouvait pas dire n'importe quoi. Donc il y a un tas d'histoires, il y a d'autres écrits à propos de Jésus qu'on ne retrouve pas dans ce qu'on appelle le canon. Donc le fait qu'à un moment donné... probablement vers le IVe siècle, l'Église décide de limiter et crée ce qu'on appelle le canon. Donc, choisit des livres qu'on met ensemble pour dire, ben voilà, ça, c'est ce qu'on croit, en fait. Et on voit qu'il y a quand même un processus de sélection. Alors, on peut s'interroger sur les raisons, etc., mais ça montre quand même, et ça, je trouve aussi que c'est important, que ce n'est pas juste l'expérience personnelle, mais c'est aussi le lien à la communauté. Et ce n'est pas juste moi, tout seule dans mon coin, qui me dit « Ah ben pour moi, Jésus, c'est comme ça » . Mais c'est aussi, est-ce que ça peut faire sens dans un groupe plus large ? Et je trouve qu'aujourd'hui, dans une société où on est quand même vraiment hyper individualisé, c'est aussi important de se rendre compte de ça, que ce n'est pas juste mon propre rapport à Jésus, mais qu'il y a d'autres choses qui se jouent au tout.
- Speaker #1
Oui, ça c'est quelque chose qui moi aussi me tient beaucoup à cœur, il y a l'expérience personnelle, mais ensuite c'est vrai que les textes bibliques, quand on va les partager à plusieurs, il y a plusieurs résonances, et puis en fait je trouve cette expérience de découvrir que le sens... dépassent toujours chacun de nos sens, mais que mis ensemble, on goûte à quelque chose de... presque comme si on percevait qu'il y avait une vérité, mais qui nous dépasse quand même.
- Speaker #0
Oui, je pense que ce travail collectif autour des textes, c'est hyper important. Et puis, sans compter le fait qu'en fait, il y a une longue histoire. On n'est de loin pas les premiers à lire ces textes et on peut entrer en dialogue avec plein de gens. Et sur les textes bibliques, je trouve l'intelligence collective a quelque chose à dire de plus que juste notre propre rapport. personnel.
- Speaker #1
Et justement, tu parlais de, voilà, toi, ta difficulté à te dire, tiens, mais ces textes un peu magiques de Jésus marche sur l'eau, etc. Du coup, c'est vrai qu'une question qui revient aussi, c'est, mais alors, est-ce que c'est vrai ? Est-ce que c'est faux ? Pourquoi on écrit ça comme ça ? Qu'est-ce que ça veut dire, finalement ?
- Speaker #0
La question du vrai, la question de la vérité, je trouve que c'est une question qui est très profonde et importante à approfondir. Parce que quand on dit, est-ce que c'est vrai ou est-ce que c'est pas vrai ? En fait, ça ne touche pas encore vraiment à ce que le récit veut faire. Je pense qu'on a tous fait l'expérience quand on raconte une histoire, par exemple. On se dit, on a les éléments, on sait ce qui s'est passé, etc. Mais selon qu'on la raconte, je ne sais pas, à ses copains à l'école ou comme ça, on va choisir des morceaux et qu'on va mettre ensemble pour que l'histoire, elle marche. Qu'elle fasse rire ou qu'elle fasse pleurer ou en tout cas qu'elle... qu'elle suscite quelque chose chez la personne à qui on la raconte. Et c'est la même chose avec les histoires à propos de Jésus. On a des choses, on arrive à reconstruire un certain nombre de choses qu'on pense qui se sont produites, mais après, chaque personne, ou chaque... Je pense que c'est plutôt des communautés, je ne pense pas que c'est une personne toute seule qui a écrit l'Évangile, mais chaque communauté met ensemble les morceaux et les met ensemble pour dire quelque chose. Et donc, par exemple... Quand on raconte que Jésus a marché sur l'eau, personnellement, parce que j'ai grandi dans une société où la science positive, le rationalisme, etc. est important, je ne pense pas qu'on peut marcher sur l'eau. Mais ça ne veut pas pour autant dire, si on veut, que l'histoire n'est pas vraie. Elle n'est pas vraie au sens des critères scientifiques. Mais elle dit quelque chose qu'on a perçu de Jésus. C'est-à-dire qu'il avait... Peut-être aujourd'hui, on utiliserait le mot « aura » . J'aime pas tellement ce mot, mais disons qu'il avait une autorité qui voulait dire qu'il avait la capacité de contrôler les éléments, donc l'eau, la production de la terre, par exemple, des choses comme ça. Et qu'est-ce qu'on veut dire par ça ? Ça veut simplement dire que c'est un signe que c'est une personne qui est particulière. Aujourd'hui, on utiliserait peut-être autre chose, parce que... Il faut réfléchir à quels sont les symboles qui font qu'une personne représente un lien avec le divin, en fait. Et dans l'Antiquité, pouvoir contrôler les éléments, l'eau, le vent, etc., c'est une manière de dire qu'il a un lien avec le divin particulier. Donc du coup, la question « est-ce que c'est vrai, c'est pas vrai ? » , elle perd un peu de son importance. Évidemment que selon certains critères, c'est pas vrai, mais ça dit quelque chose de Jésus qui peut être vrai. dans certains contextes.
- Speaker #1
Il y a une espèce de vérité rationnelle et puis il y a la vérité du cœur, j'ai presque envie de dire la vérité de la foi, quelque chose qui navigue un petit peu entre ces deux zones. Oui,
- Speaker #0
et en même temps, je trouve que c'est important de voir que cette vérité du cœur, je ne sais pas, spirituelle, je ne sais pas très bien comment l'appeler, ce n'est pas non plus quelque chose qui est complètement... Ça ne manque pas de rationalité, en fait. C'est-à-dire que ce n'est pas pour rien qu'on montre Jésus. Par exemple, on dit que Jésus guérit les aveugles. Et vraiment, guérir les aveugles dans l'Antiquité, c'est aussi un signe qu'on est spécial. Jésus n'est pas le seul à guérir les aveugles. Il y a des histoires à propos d'empereurs romains qui auraient guéri les aveugles. Donc ça montre qu'on pense que cette personne est un peu différente du commun des mortels.
- Speaker #1
Et puis elle est guérissante peut-être aussi.
- Speaker #0
Oui, justement. Après on peut se l'approprier en se disant... Oui, est-ce que justement il y a quelque chose de positif ? Et c'est clair que le présupposé de la foi chrétienne, au fond, c'est de dire « Oui, ça continue d'avoir un impact pour nous aujourd'hui. » Mais je trouve que c'est important de voir qu'il y a aussi une logique dans le monde ancien. Ce n'est pas juste... Je ne sais pas, qu'on invente n'importe quoi, en fait. On le fait vraiment dans un système qui fait sens dans l'Antiquité.
- Speaker #1
Oui, alors, toujours dans ce prolongement-là, là, on parlait de vérité, de rationalité. Une autre question qui revient souvent aussi, c'est que du coup, parfois, les gens sont un peu perdus quand ils rentrent dans ce monde où on décortique les textes, où on commence à faire de l'historico-critique, etc. Les gens, parfois, disent après, oui, mais alors, quelles sont les vraies paroles de Jésus ? qu'est-ce qui est vraiment la parole de Dieu ? Comment savoir si c'est Dieu qui parle ?
- Speaker #0
Oui, je trouve... Moi, j'aime bien faire le parallèle avec... Je ne sais pas si vous êtes fan de Harry Potter ou du Seigneur des Anneaux. Il y a absolument des gens qui vont avoir le même esprit de décortiquer le Seigneur des Anneaux ou la saga de Harry Potter pour comprendre les étapes, etc. En fait, on fait un peu la même chose avec les textes bibliques. Du coup, effectivement, il y a eu tout un travail, notamment dans les années, je dirais, autour des années 70-80, où l'obsession, c'était de se dire, est-ce qu'on peut remonter aux paroles de Jésus ? Oui, le vrai Jésus. Le vrai, exactement. Il y a même une société qui s'est mise en place, donc de biblistes, de gens qui étudient la Bible, où ils votaient pour savoir s'ils pensaient que cette parole, c'était Jésus, il l'avait vraiment dit. Ils avaient des petites billes, je crois, noires et blanches. Ils votaient et puis après, ils imprimaient le texte en disant ce qui est en rouge, on est sûr que c'est Jésus qui l'a dit. Ce qui est en noir, on n'est pas tout à fait sûr. Et puis ce qui est en gris, on n'est vraiment pas très sûr. C'est rigolo, mais je ne trouve pas que c'est ça qui est le plus utile. Parce qu'évidemment que la figure de Jésus, elle a pris une importance. extrême au fond pour le christianisme. Mais ce qu'on voit dans les premiers textes, c'est au fond que ce qui est particulier autour de Jésus, c'est que le mouvement qui se crée autour de lui, le groupe autour de lui, arrive à survivre à sa mort. Et finalement, de nouveau, je pense que ce rôle de la communauté, de temps en temps, on le néglige un petit peu. Ce que Jésus a dit, vraiment dit, oui, ça serait chouette de l'avoir, mais... En même temps, la communauté, elle existe parce qu'elle a perçu quelque chose et qu'elle continue ce travail. Et puis peut-être qu'elle invente des paroles de Jésus, mais pourquoi pas ? Parce qu'elle se dit, ça, c'est quelque chose que Jésus aurait pu dire. Ça vaudrait la peine qu'on l'entende. Et je trouve en fait que si on fait confiance à Jésus et si on fait confiance, dans le sens d'avoir la foi, si on fait confiance à la communauté qui vient après, c'est pas très important de savoir si c'est Jésus qui l'a dit. ou quelqu'un d'autre.
- Speaker #1
J'aime beaucoup ce que tu dis. En fait, ça me fait vraiment penser à comme on dit que Jésus est traversé par lui-même, par cette parole divine, cette parole qui relève, qui guérit, qui met debout, qui ravive l'espérance ou le courage ou quelque chose comme ça. Je trouve très joli que tu mettes l'accent sur les gens qui en ont vécu parce que quelque part finalement, la vérification de cette parole qui traverse les siècles, en fait, c'est la puissance de vie, on pourrait dire la puissance de résurrection qu'elle peut mettre dans une communauté qui est passée par un truc horrible qui était la crucifixion, etc.
- Speaker #0
Je trouve qu'il y a des moments, pas toujours, parce que l'Église est une institution humaine et puis elle est pleine de faiblesses et elle est traversée aussi justement par des trucs épouvantables et puis c'est quelque chose de très décourageant quand on réfléchit à l'Église aujourd'hui, que ce soit du côté catholique ou du côté protestant, il y a vraiment un tas de choses qui ne vont pas du tout. Mais il y a des moments... où tout à coup on se dit, ah ben tiens, quand même, il y a quelque chose de la grâce qui anime la personne de Jésus qui peut par moment se retrouver dans l'action de l'Église. Et ça, je me dis, c'est quelque chose de très touchant, je trouve, de voir ces moments de grâce, même s'ils sont évidemment toujours plus rares que ce qu'on espère. Mais ces moments de grâce, quand ils apparaissent, je trouve que je me dis, ben tiens, là, il y a quelque chose quand même qui fait que... Peut-être que ça vaut la peine de ne pas jeter toute l'Église à la poubelle.
- Speaker #1
Mais d'ailleurs, c'est frappant parce que, de toute façon, les premières communautés qui ont justement mis ces récits par écrit, ils ne se sont pas mentis à eux-mêmes, ils ne se sont pas fait passer pour des super chrétiens qui assurent et tout. Au contraire, on les voit justement faillir, et puis Jésus les remettra à leur place, la concurrence, qui sait qui va être le premier, etc. Mais en fait, finalement, je trouve qu'il y a quand même tous les éléments de l'autocritique. au cœur même des évangiles.
- Speaker #0
Et même, de temps en temps, je trouve aussi... Alors, il y a des fois où c'est explicite, où on voit justement, effectivement, exactement ce mécanisme que tu soulignes, où Jésus leur dit « mais non, mais là, vous faites n'importe quoi » . Puis, il y a des moments aussi où, moi, je trouve extraordinaire la diversité, en fait, des textes bibliques. Je pense, par exemple, au début du livre des Actes, on a cette première communauté qui est écrite, ils mettent tout ensemble, ils vivent ensemble. On a vraiment l'impression, on se dit « waouh, c'est Woodstock chez les chrétiens, tout marche super bien » . Et puis, dans quasiment le même chapitre, en fait, après, il y a un couple qui vient, qui veut rejoindre la communauté. Et donc, la condition, c'est qu'ils doivent tout vendre leur bien. Et eux, de manière, moi, je trouve très raisonnable. Si j'avais été eux, j'aurais fait la même chose. Ils ont vendu toutes leurs propriétés, mais ils ont gardé un petit peu d'argent. Mais ils ont donné tout le reste à la communauté. C'est déjà pas mal. Alors ça, c'est évidemment pas du tout suffisant. Et puis, les pauvres, je veux dire, vraiment, ils sont... foudroyé sur place et il meurt sur place d'une mort épouvantable. Et quand on se lit ce texte, on se dit mais ça, ça ne va vraiment pas. Je suis désolée, ce n'est pas possible. Donc, je trouve que cette contradiction, cette imperfection, ces moments épouvantables dans l'Église, on les a dès le départ. Parce que c'est une institution humaine. Et je trouve qu'il y a... Ça veut dire justement qu'on peut toujours critiquer l'Église, à mon avis. On peut toujours... exiger de l'Église qu'elle soit meilleure que ce qu'elle est. Et puis on doit aussi, je pense que c'est aussi bien si on peut reconnaître tout à coup les moments où elle est traversée de quelque chose qui redonne confiance. Et on se dit, je pense, je lisais le travail d'une étudiante qui revient sur la position de Bonhoeffer, par exemple, pendant la Deuxième Guerre mondiale.
- Speaker #1
Dietrich Bonhoeffer, qui était un protestant-pasteur théologien allemand, et qui a résisté contre Hitler, en juste quand même ... Donc un attentat, il était arrêté et ensuite fusillé.
- Speaker #0
Exactement. Et la manière dont il décrit, lui, son action contre le nazisme, son investissement, porté vraiment par sa foi, je me dis, tiens, ça serait un moment de grâce quand même. Pas besoin d'en faire un saint non plus, mais c'est juste de reconnaître qu'il y a des moments où l'Église fait des choses bien.
- Speaker #1
Tu as dit « Ah ben là, dans les actes, on voit qu'il y a quelque chose avec lequel je ne suis pas du tout d'accord. » Alors j'aimerais bien qu'on aille un peu justement sur ce terrain de comment, quand on relit aujourd'hui la Bible, 20 siècles plus tard, forcément avec toutes les avancées scientifiques, sociales, etc. Est-ce qu'on pourrait dire que la Bible est misogyne ?
- Speaker #0
Je ne dirais pas qu'elle est misogyne au sens où on l'entend aujourd'hui, c'est-à-dire d'une haine. disons, calculée contre les femmes. Mais elle est l'objet, elle est le produit de son temps. Donc elle vient d'une société qui est une société complètement patriarcale, où les femmes ont des rôles qui sont extrêmement limités, où elles ne sont même pas considérées comme des personnes. En fait, c'est des objets, ça fait partie du foyer. Dans ce sens-là, oui, évidemment. Ce n'est pas un livre qui va prôner l'émancipation des femmes. Et bien souvent, les femmes, ce sont des personnages qui ne sont pas nommés, elles n'ont pas la parole, elles ont des rôles qui sont simplement subordonnés. Donc, de ce point de vue-là, si on le comprend comme ça, oui, la Bible, elle est misogyne. Mais je pense que ce n'est pas toute l'histoire non plus.
- Speaker #1
Justement, est-ce que tu pourrais nous rappeler ici, quelle est la condition de la femme ? au premier siècle, quand Jésus les rencontre, en fait.
- Speaker #0
Alors, si on réfléchit un petit peu à la manière dont les femmes sont traitées au premier siècle, je pense que l'élément dont il faut peut-être se souvenir le plus, c'est l'importance de la provenance sociale. C'est-à-dire, il y a une minorité de femmes qui vont venir vraiment des couches les plus privilégiées de la société, qui sont des femmes qui peuvent avoir de l'argent, qui peuvent être éduquées, peuvent être libérées au fond de la tutelle d'un homme, soit parce qu'elles sont veuves, ou bien plus rarement parce qu'elles ne se sont pas mariées, mais peut-être parce qu'elles sont veuves et qu'elles n'ont pas dû se remarier. Donc ces femmes-là ont une certaine autonomie. Et forcément, c'est de ces femmes-là qu'on va pouvoir reconstruire l'histoire, parce qu'il y a des traces à propos de ces femmes-là. L'immense majorité de la population, et là je dirais c'est disons femmes et hommes confondus, sont des personnes qui vivent de manière assez précaire, et où l'organisation du foyer se fait autour du père de famille qui possède l'ensemble de ce qui est dans sa maison. Donc que ça soit... Les enfants, les servantes, les serviteurs, les esclaves, les animaux, et sa femme aussi, ou ses femmes, dans certaines sociétés. Au premier siècle, il n'y a plus tellement de polygamie dans l'Antiquité. Et donc, dans ce contexte-là, évidemment, les femmes sont, je pense, quand même vraiment particulièrement objectivées. Et puis surtout, elles ont très peu d'autonomie. On construit aussi de temps en temps, mais ça c'est en train d'être un peu remis en question, on dit aussi souvent que les femmes, c'était leur espace, en fait c'est l'espace à l'intérieur de la maison, et puis qu'elles n'avaient pas tellement accès aux espaces publics, où c'était plutôt les hommes. Et en fait, ça c'est un développement assez récent dans la recherche, où on se dit qu'à vrai dire, il y avait probablement quand même un espace aussi qui pouvait être habité publiquement par les femmes. Mais la construction, encore je dirais traditionnelle, c'est de dire que les femmes sont réservées dans l'espace de la maison, et puis les hommes sont ceux qui peuvent aller dehors, qui participent au commerce, etc.
- Speaker #1
Du coup, est-ce que les femmes peuvent aller dans les synagogues ou aux temples de Jérusalem ?
- Speaker #0
Oui, alors il y a eu pas mal de travail dans les 50 dernières années pour essayer de reconstruire le rôle des femmes dans la vie religieuse de l'Antiquité. on trouve effectivement des femmes qui ont des rôles, qui peuvent aussi avoir des rôles d'autorité, de leadership, si on veut dire, dans les synagogues, dans le temple, probablement. moins, jusqu'à quand le temple à Jérusalem, donc le temple qui a été reconstruit, agrandi par le roi Hérode, dans le temple, les femmes n'avaient probablement pas de rôle, elles ne pouvaient pas être prêtresses ou des choses comme ça, mais dans les synagogues, oui, elles peuvent avoir des rôles d'autorité.
- Speaker #1
Comment ça se fait que du coup, quand on ouvre l'évangile de Luc, qui est au chapitre 2, les versets 36 à 38, il y a un personnage qui est en train de se faire dont je ne m'étais jamais rendue compte, mais qui en fait est quand même écrit noir sur blanc. Il s'agit de Anne, la prophétesse. Qui du coup est ce personnage ? On découvre ce mot prophète, prophétesse, qu'on n'a pas l'habitude d'entendre.
- Speaker #0
En fait, il y a plusieurs prophétesses qui sont mentionnées dans l'Ancien Testament aussi. La plus célèbre, c'est peut-être Hulda, qui est mentionnée. Il me semble qu'il y en a une qui s'appelle Anne aussi. Oui,
- Speaker #1
c'est la maman de Samuel.
- Speaker #0
Je ne sais pas si elle est présentée comme prophète.
- Speaker #1
Non, mais c'est vrai qu'elle paie beaucoup, puis c'est le prêtre qui la voit.
- Speaker #0
Mais en tout cas, justement, la prophétesse Hulda. Et donc, le prophétisme, c'est important. Il y a un certain nombre de femmes, en fait, qui sont présentées comme prophétesses. Ça, c'était un rôle qui était reconnu. Nous, on a tendance un petit peu... Avoir les prophètes comme des gens un peu illuminés, qui prédisent le futur. Nostradamus. C'était à ça que je pensais, exactement. Dans l'Antiquité, ce n'est pas tout à fait ça, le prophète. Ou la prophétesse, d'ailleurs. Il y a, je pense, le rôle du prophète de transmettre ce que la divinité veut. Et là, je pense que les femmes, dans l'Antiquité, étaient perçues comme un... un canal particulièrement efficace, parce qu'on avait un peu l'idée que, de toute façon, une femme, elle ne pouvait pas penser par elle-même. Et donc, du coup...
- Speaker #1
C'est intelligent,
- Speaker #0
quoi. C'était un canal beaucoup plus direct. Ce n'était pas la femme qui pouvait modifier les paroles de Dieu parce qu'elle n'était pas capable. C'est incroyable.
- Speaker #1
C'est super intéressant, oui.
- Speaker #0
Il y a un passage super intéressant, mais c'est un peu une petite digression, mais dans un des évangiles apocryphes. Dans l'évangile qui est attribué à Marie-Madeleine, l'évangile de Marie, il a été rendu célèbre par le Da Vinci Code, parce qu'on dit que Jésus embrassait beaucoup Marie-Madeleine. Mais bref, dans cet évangile-là, Marie raconte un certain nombre de révélations qu'elle aurait reçues de Jésus aux disciples. Et Pierre vient lui dire, non mais tu racontes n'importe quoi, ce n'est pas du tout ce que Jésus nous a dit à nous, donc je ne vois pas quelle est ton autorité pour raconter ça. Et la réponse de Marie, je trouvais vraiment extraordinaire dans cet évangile. D'abord, elle se met à pleurer. C'est assez typique de comment les femmes réagissaient. Elle se met à pleurer. Et puis après, ça, c'est la deuxième réaction. Et c'est une réaction que je trouve plus intéressante. Elle dit à Pierre, mais tu sais bien que je ne suis qu'une femme. Comment est-ce que j'aurais pu inventer ces choses-là ? Je ne suis pas capable d'inventer ces choses-là. Donc, c'est forcément Jésus. qui a dû me les dire. Et en fait, cet argument, il est assez génial, parce que ça retourne le préjugé sexiste de « de toute façon, les femmes, c'est des imbéciles » pour dire « justement, je suis une imbécile, donc mes paroles ne peuvent que venir de Jésus » . Et dans l'évangile de Marie, on donne vraiment raison à Marie à la fin de la discussion. Mais donc, pour revenir aux prophétesses, il y a cette idée justement que la femme peut être un canal privilégié de la parole divine. On voit ça aussi dans le personnage par exemple de l'oracle de la Pithy, celle qui donnait les prophéties d'Apollon à Delphes. qu'on rencontre aussi comme personnage un peu dans la culture populaire, elle transmet des infos. Mais le rôle du prophète, c'est aussi au fond de mettre à l'épreuve le roi ou la personne d'autorité quand... cette personne prend le mauvais chemin. L'exemple classique, là, c'est David et Nathan. Quand David viole Betsama, Nathan, il lui fait comprendre que c'est vraiment pas cool comme comportement.
- Speaker #1
Il est passé à côté du plan divin.
- Speaker #0
Exactement. Donc, il y a aussi cette dimension, je dirais, de contestation, mais aussi d'enseignement, du coup. Et je pense que c'est... vraiment important de voir que dans le Nouveau Testament, on a un certain nombre de femmes qui sont qualifiées de prophétesses et dont le rôle est probablement lié à l'enseignement.
- Speaker #1
Et l'enseignement lesquels alors ?
- Speaker #0
On a justement Anne, là qui reconnaît au fond, qui voit quelque chose que les autres ne voient pas au sujet de l'enfant Jésus. Et puis dans un Corinthien, de manière assez... célèbre, Paul va écrire en fait à un groupe de femmes et il va leur expliquer qu'elles ne peuvent pas prophétiser sans porter un voile. On a beaucoup, beaucoup, la discussion, elle a beaucoup discuté de savoir pourquoi est-ce qu'il fallait porter un voile, etc. Mais au fond, ce qui est, moi, je trouve encore plus intéressant, c'est que ça veut dire qu'il y avait à Corinthe un groupe de prophétesses à qui Paul dit, vous pouvez prophétiser. C'est pas le problème, c'est vraiment pas le problème. Mais voilà comment vous devez le faire. Et il reconnaît aussi, dans la même lettre, il explique que le don de prophétie, c'est justement le don d'enseigner. Donc ça veut dire qu'il y avait ce groupe de prophétesses, en tout cas à Corinthe, qui prophétisent et quand on dit prophétiser, dans l'Antiquité, il faut vraiment penser enseigner. Et ça, je trouve que c'est... Enfin, pour moi, je suis tellement contente d'avoir la trace de ces quelques femmes à Corinthe. Parce que si on avait... S'il y en avait quelques-unes à Corinthe, il y en avait ailleurs, forcément. On n'a pas de trace de l'existence de ces femmes, mais elles existaient.
- Speaker #1
Est-ce que vous pourriez dire que la Samaritaine, dans l'évangile de Jean, ou bien justement Myriam de Magdala, sont aussi des prophétesses ?
- Speaker #0
Oui, on pourrait dire ça, je pense. historiquement, je ne sais pas si je le formulerais comme ça, mais pour comprendre le personnage de la Samaritaine, en fait, peut-être, je dirais plutôt, dans le cas de la Samaritaine et dans le cas de Marie-Madeleine, je parlerais plutôt d'apôtre, en fait. Parce qu'on a cette idée, qui est sûre, qui a été canonisée dans le catholicisme, que les douze disciples, c'est les douze apôtres, c'est eux qui ont le...
- Speaker #1
D'ailleurs, tu pourrais nous redire, que signifie être apôtre, justement, entre disciple et apôtre ?
- Speaker #0
Oui, c'est une bonne question. Donc apôtre, je peux faire un peu de grec, ça vient de apostolos et apostolos ça veut dire en fait bêtement celui qui est envoyé. Mais c'est devenu un terme technique je dirais parce qu'on dit pour être apôtre, il faut avoir été disciple du Jésus terrestre, donc de celui qui vivait au premier siècle en Galilée. Et puis il faut avoir été témoin d'une apparition, donc il faut l'avoir vu ressusciter. Donc du coup, dans la tradition catholique, ça restreint au groupe des douze. qui sont définis, c'est pas les mêmes douze partout dans les évangiles, mais en tout cas, disons, il y a Pierre, il y a Jacques, il y a Jean, Matthieu, etc. Et ceux-là, c'est les douze apôtres. Ça, c'est une première définition. Il y a une autre définition qui est celle qu'on trouve plutôt chez Paul, en fait, chez l'apôtre, lui-même se présente comme apôtre, mais il ne serait peut-être pas considéré comme apôtre par certains, qui est l'idée que... Peu importe que tu aies été disciple du Jésus terrestre, ça l'arrange bien parce que lui, il n'était justement pas disciple de Jésus quand Jésus était en vie. Donc Paul,
- Speaker #1
juste pour rappeler, lui vit une apparition, mais bien après la mort de Jésus.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Donc il ne l'a pas connu de son vivant.
- Speaker #0
Alors Paul a connu, enfin, est-ce qu'il a connu Jésus de son vivant ou pas ? En tout cas, ils sont plus ou moins contemporains. Mais il a surtout d'abord commencé par être très, très opposé au mouvement de Jésus. Donc effectivement, il a cette apparition qui lui fait comprendre. qui le fait changer d'avis sur la figure de Jésus. Et donc Paul va dire, pour être apôtre, il faut avoir une apparition de Jésus, et puis il faut avoir une mission. Il faut avoir été envoyé, très littéralement en fait. Bon, justement, Paul ça l'arrange bien, parce que comme ça, il peut se mettre parmi les apôtres. Donc c'est un groupe un peu, selon la définition de Paul, c'est un groupe plus large. Et si on prend cette définition au sérieux, Mais à vrai dire, la Samaritaine et Marie-Madeleine, elles qualifient aussi, selon la définition plus restrictive du groupe des douze, elles sont disciples de Jésus quand il est vivant et elles sont envoyées en mission. La Samaritaine, c'est vraiment assez extraordinaire, le récit qui est raconté, parce qu'elles rencontrent. Jésus, elle a une discussion assez longue avec lui, comparée aux autres, notamment si on veut regarder, comparée aux disciples hommes, elle parle beaucoup plus avec Jésus qu'eux. Et puis il l'envoie, il lui dit va faire ça dans ton village, explique ces choses-là, et elle le fait. Donc elle correspond en fait à tous les critères qu'il faut pour la considérer comme une apôtre. On ne la considère évidemment pas comme une apôtre. Elle n'a même pas de nom, l'apôtre. Donc évidemment, voilà. Mais pour moi, ça montre quand même que pour les premières communautés, d'avoir des femmes qui faisaient œuvre de mission et qui étaient disciples de Jésus, ce n'était pas un problème.
- Speaker #1
Mais sinon, d'ailleurs, ils n'en auraient pas parlé. Moi, c'est ça quand même qui me frappe. C'est que je me dis que si c'est dans les évangiles, c'est que ça doit être tellement important qu'ils ne pouvaient pas ne pas leur raconter.
- Speaker #0
Ne pas en parler, oui. Et puis bon, alors après ça montre aussi la samaritaine, si on réfléchit alors là, du coup en termes d'un tout petit peu de théorie féministe, la samaritaine elle se place, je ne sais pas si tu as déjà entendu parler de l'intersectionnalité. L'intersectionnalité c'est un courant du féminisme qui prend en compte non seulement les désavantages, je le dis un peu simplement liés au fait d'être femme, mais qu'il les croise aussi avec d'autres marginalisations. Donc, si on est femme, on est un peu désavantagé pour certaines choses. Si on n'est pas éduquée ou si on est racisé ou des choses comme ça qui font que c'est de plus en plus difficile. C'est un cumul, exactement. Et la Samaritaine, dans ce sens-là, elle cumule un certain nombre de difficultés. Bon, elle est samaritaine, ils n'étaient pas très fans, les juifs samaritains. Donc,
- Speaker #1
considérés plutôt comme étrangères.
- Speaker #0
Exactement. Bon, c'est une femme. C'est en plus pas un avantage dans l'Antiquité. Sa situation maritale n'est pas très claire. Est-ce qu'elle a eu plusieurs maris ? Comment ça marche ? Ce n'est pas très clair non plus.
- Speaker #1
D'ailleurs, par rapport à ça, parce que j'ai un peu travaillé récemment là-dessus, je me disais, au fond, quand on a été mariés avec quatre hommes, plus le dernier qui est le compagnon, je crois que même c'était cinq hommes, plus le dernier qui est le compagnon, on se dit que cette femme n'a pas eu beaucoup de temps. droit à la parole, peut-être, en fait. Parce que c'est ça qui fait aussi qu'elle parle comme ça beaucoup. Tout d'un coup, c'est un homme qui lui donne la parole. Enfin, je trouvais qu'il y avait comme une grosse présence de ces hommes. Tout d'un coup, là, elle est un peu libre de...
- Speaker #0
Oui, mais elle le rencontre tout seul, en fait. Parce qu'effectivement, si elle a été mariée quatre ou cinq fois, soit c'est que probablement, c'est que ses maris sont décédés. Probablement qu'ils sont plus âgés qu'elle aussi. Parce que dans l'Antiquité, l'idée c'était que si un homme perdait sa femme, notamment en couche, il allait se remarier mais avec une femme plus jeune pour pouvoir continuer d'avoir des enfants. Parce que c'était à ça que ça servait en fait. Donc oui, effectivement, je pense qu'il y a peut-être un espace, en tout cas la manière dont Jean raconte l'histoire. Là aussi, c'est typique, une histoire, est-ce que ça s'est vraiment passé ou pas, ce n'est pas très important. Qu'est-ce que ça dit ? Et on voit bien que c'est une histoire qu'on arrive à élargir au-delà du cadre restreint. Donc, elle rencontre Jésus dans un lieu isolé, elle est seule, à une heure où il n'y a pas beaucoup de monde autour du puits. est-ce qu'elle doit venir parce qu'on la laisse pas venir aux heures où c'est plus agréable de venir parce qu'elle y va à midi où vraiment il fait quand même très très chaud. C'est normalement il va plutôt en fin de journée plutôt en fin de journée ou bien peut-être tôt le matin comme nous quand on arrose nos fleurs c'est pas malin d'arroser à midi en plein soleil donc tout ça fait que cette rencontre elle est effectivement spéciale et je pense que en fait là typiquement pour moi c'est un endroit où l'église Elle a manqué quelque chose. Elle avait cette opportunité d'intégrer ces figures justement un peu marginalisées et de profiter d'un espace de liberté. Et cet espace de liberté, clairement, quand même, dans la tradition chrétienne, il a été refermé et dans certains contextes, refermé assez brutalement.
- Speaker #1
Parce que justement, si on revient à cette histoire de Marie de Magdala, Marie-Madeleine, qui est quand même du coup l'apôtre des apôtres, la première finalement, puisqu'elle est envoyée la première à vivre l'apparition. Et il semblerait que peut-être c'est vrai, est-ce que c'est vrai qu'elle a peut-être eu elle-même une communauté de personnes ? Et c'est vrai que c'est quand même incroyable qu'elle ait pu écrire cet évangile apocryphe. Il faudrait peut-être plus qu'on redise ce qu'est un évangile apocryphe. Et pourquoi elle n'est pas intégrée au canon ?
- Speaker #0
Sur la figure de Marie, Marie Madeleine, Marie de Magdala, Marie la Magdaléenne, ça dépend un peu comment on choisit de traduire la manière dont elle est présentée. C'est une figure qui est vraiment assez fascinante pour l'Antiquité. qui avait probablement plus d'importance que ce que l'Église allait entendre. Alors, l'évangile qui lui est attribué, Marie-Madeleine, l'évangile de Marie, ce n'est pas forcément sûr que ce soit elle qui l'ait écrit. Mais c'est intéressant qu'on l'utilise au fond. Comme figure pour porter un évangile. Ça, c'est quelque chose qui s'est fait pour tous les évangiles. Il n'y a aucun des évangiles où on sait qu'il a écrit. Mais à chaque fois, on utilise des figures qui étaient relativement importantes. Et on dit, en fait, cet évangile, il est attribué à cette personne-là.
- Speaker #1
C'est le seul qui est attribué à une femme, du coup.
- Speaker #0
C'est le seul qui est attribué à Marie-Madeleine. Alors, je pense qu'on peut lire ça de deux manières différentes, en fait. On peut se dire, effectivement, c'était une figure importante, avec une communauté autour, qui est perçue comme étant celle qui succède à Jésus. Parce que je disais, ok, il y a ce mouvement où les communautés, elles continuent, au fond, l'œuvre de Jésus. Mais il y a aussi de la compétition, en fait. Donc, de savoir qui est... Je ne suis pas sûre qu'à la base, l'idée, c'était qu'il y ait plusieurs communautés. L'idée, c'était peut-être quand même que nous... la manière dont on reprend l'héritage de Jésus, c'est juste. Donc il y a d'un côté les traditions qui s'attachent à la famille de Jésus, toutes les traditions autour du frère de Jésus, un Jacques, plutôt dans le contexte de la Judée, donc autour de Jérusalem. on a des traditions qui s'attachent à la figure de Pierre qui vont se concrétiser au fond à Rome justement et puis on a des traditions qui se rattachent à la figure de Marie alors il y a deux manières de lire ça je dirais parce que c'est des traditions qui n'ont pas été retenues dans le canon une manière de lire ça c'est de se dire c'était vraiment une figure importante mais l'église a décidé de ne pas garder ces traditions liées à une femme. L'autre façon, c'est aussi de se dire, peut-être que toutes les grandes figures masculines, elles étaient prises. On s'est dit, tant pis, nous on prend Marie-Madeleine parce qu'il ne reste plus que Marie-Madeleine. Et puis on utilise cette figure de Marie-Madeleine. Mais dans les deux cas, ça veut quand même dire qu'elle avait assez d'importance. pour qu'on considère que c'était une stratégie qui avait peut-être une chance d'aboutir, de la choisir comme figure tutélaire, comme la figure symbolique de cette commune.
- Speaker #1
Avant de poursuivre l'épisode d'aujourd'hui, je tiens à remercier le sponsor de cet épisode. Et ce sponsor, c'est moi, ou plus précisément ma mission de pasteur sur le web. Et je suis ravie de vous présenter deux magnifiques opportunités pour vous accompagner de manière... personnalisées dans votre cheminement spirituel. La première, au Puy de l'Évangile, un espace de ressources et de rencontres online à mes côtés pour cheminer ensemble sur la voie du Christ, conçue pour explorer la Bible, renforcer votre relation avec Dieu et trouver un nouvel élan dans votre foi. La seconde opportunité, la communauté Agapé, elle va encore plus loin. Elle inclut tout ce que propose le premier programme avec en plus des formations complètes et approfondies sur l'étude et l'interprétation de la Bible et bien d'autres thématiques essentielles de la foi. Une véritable expérience intérieure de la voie du Christ, des mises en pratique très concrètes qui vous permettront de vivre une transformation spirituelle très profonde. Ces deux programmes sont ouverts en ce moment, mais leurs portes se refermeront bientôt pour nous permettre de nous consacrer pleinement à l'accueil et l'accompagnement des nouveaux membres. Les liens pour en savoir plus sont sous cette vidéo, dans la description. Vous avez aussi la possibilité de soutenir ce ministère web de l'Église protestante de Genève par un don. Votre contribution permet de maintenir tout le contenu gratuit que vous aimez, comme ce podcast, mais aussi les vidéos YouTube, le blog Ma Lettre du Mardi, les reels et les publications inspirantes. Elle soutient également bien sûr l'équipe qui travaille à mes côtés, monteuses, développeurs et stratèges digitaux. Merci infiniment pour votre générosité et votre confiance. Vous êtes une partie essentielle de cette mission et c'est une grâce de cheminer avec vous. Maintenant, il est temps pour moi de vous laisser. avec notre invité. Ce qui, évidemment, est très fort, je trouve, aujourd'hui, d'entendre ces récits de femmes avec ces rôles de leadership ou de prédicatrices. Évidemment, ça va totalement à l'encontre de tellement d'églises chrétiennes aujourd'hui. Bout de chrétiens aussi m'attaquent, par exemple, sur les réseaux sociaux, parce que je suis une femme pasteur. Et en fait, tout est dans les évangiles. Au fond, les premières... Est-ce que prophétesse, apôtre, c'est pas finalement un petit peu ce qu'on est quand on devient pasteur ? Comment tu ferais ce lien ?
- Speaker #0
Oui, pour moi, ça me paraît évident que, si on réfléchit à la notion de vocation pastorale, par exemple, il y a vraiment des éléments dans les évangiles qui permettent totalement de soutenir ça. La fin de l'Épître aux Romains, par exemple, on parle de Phébé qui est ministre d'une église. Elle est ministre, elle n'est pas... servante ou diakonesse, le terme c'est diakonos, mais le terme diakonos, il est traduit pour les hommes dans la Bible partout, il est traduit par ministre.
- Speaker #1
C'est en fait en charge de communauté.
- Speaker #0
C'est ça, elle est la chef de la communauté. Et ça veut dire, si on est la chef de la communauté, ça veut dire qu'on enseigne, ça veut dire qu'on a les capacités de faire ça. Donc, pour moi, il n'y a pas de... Enfin, je dis, il y a plein de problèmes dans la Bible, je ne dis pas, mais dans la Bible, À mon avis, il n'y a pas tellement de difficultés à avoir une possibilité pour les femmes d'occuper des positions d'autorité dans les églises. Il y a évidemment quelques versets qui disent que les femmes doivent être silencieuses et tout ça, mais c'est probablement justement des versets qui interviennent parce que dans les communautés, dans les premières communautés, les femmes n'étaient précisément pas silencieuses et avaient un espace où s'exprimer. Et que c'est seulement à partir du milieu, début du deuxième siècle comme ça, qu'on a commencé à restreindre le rôle des femmes dans la communauté.
- Speaker #1
Donc en fait, si on veut résumer bien, c'est que Jésus est un libérateur pour les femmes, quelque part ? Est-ce que tu trouves qu'il libère quand même les femmes ? Un féministe ou pas ?
- Speaker #0
Non, je ne pense pas qu'il est féministe dans ce sens-là. J'hésite toujours à utiliser ça parce que je me dis, après le... le danger de ça un peu, et ça s'est vu d'ailleurs dans le féminisme, c'est de dire les juifs, ils étaient très méchants avec les femmes et puis Jésus, il est venu, puis lui, il était vraiment gentil avec les femmes. Je pense que c'est pas vrai. Je pense qu'il y avait des possibilités pour les femmes d'être actives dans le culte avant la venue de Jésus. Là où il y a quelque chose qui s'est joué, c'est plutôt que le mouvement de Jésus a eu un attrait pour les femmes et en fait, on ne leur a pas bloqué l'accès. probablement un attrait parce qu'elles n'avaient peut-être plus besoin de se marier, elles n'avaient peut-être pas besoin d'avoir des enfants, ce qui était quand même la cause de mortalité la plus répandue dans l'Antiquité. Et donc... Il y avait des opportunités et on n'a pas fermé ces opportunités. Mais je pense que, pour le dire, ce n'est pas Jésus qui les a créées ces opportunités. Simplement, il n'a pas bloqué l'axe. Donc, dans ce sens-là, oui, peut-être qu'il était féministe, mais je crois plutôt que c'était un mouvement qui était vraiment ouvert et qui accueillait les gens sans faire beaucoup de distinctions sur justement les critères qu'on... qu'on utilise généralement pour restreindre l'accès, que ce soit le genre ou l'origine sociale ou même la sexualité.
- Speaker #1
Justement, j'allais y venir parce qu'en fait, quand on t'entend parler comme ça, vraiment c'est le mot inclusivité qui émerge, ce Jésus qui accueille toutes et tous tels qu'ils sont. Alors si on va un petit peu sur ce terrain de l'inclusivité... Qu'est-ce que les gens qui... Il y a des églises encore qui sont homophobes, c'est-à-dire qui refusent l'accès, je ne sais pas moi, à la table de communion, même à l'église pour les personnes LGBT.
- Speaker #0
Alors que Jésus,
- Speaker #1
qu'est-ce qu'il en dit ? Comment toi tu relis ça avec les approches textuelles queer ?
- Speaker #0
Alors Jésus d'abord en fait il n'en dit rien.
- Speaker #1
Il n'en dit rien.
- Speaker #0
Il ne parle jamais. des personnes homosexuelles dans les évangiles. Je pense qu'on peut justement essayer de comprendre son attitude et ensuite se dire comment est-ce qu'elle devrait enseigner l'Église. Et je pense que ce qu'on peut reconstruire de son ministère sur la base des évangiles, c'est que justement, il n'y a pas de critères quant aux personnes qui se mettent à sa suite. fait qu'elles veulent se mettre à sa suite. Après, ça ne veut pas dire que elles sont toutes extraordinaires et que tout à coup elles sont transformées et qu'elles deviennent extraordinaires. C'est aussi ça que je trouve assez fou. C'est que les gens n'ont pas besoin de changer. Parce que tu disais, il y a certaines églises qui sont homophobes ou qui ne permettent pas la communion, mais il y a aussi des églises qui se disent accueillantes, et en fait la condition de l'accueil, c'est d'abandonner un certain nombre de traits d'identité, de renoncer à son homosexualité ou d'être guéri de son homosexualité. Pour moi, ça, ce n'est pas de l'accueil. Enfin, c'est dangereux comme pratique. Donc, il me semble que ce qu'on peut reconstruire de la pratique de Jésus, c'est justement que les gens ne doivent pas changer pour se mettre à sa suite. Il y a une exigence de temps en temps, la femme adultère, par exemple, il va lui dire « va et ne pêche plus » . Mais qu'est-ce que ça veut dire « va et ne pêche plus » ? et ça c'est à nous je pense de construire ça et de réfléchir
- Speaker #1
Oui c'est marrant parce que j'ai travaillé le texte de la femme adultère donc cette femme qui est prise en flagrant délit d'adultère par des hommes dont on ne sait pas très bien s'ils l'ont piégée déjà ou pas et qu'ils la mettent au milieu, c'est juste pour rappeler à nos auditeurs et puis il y a tous ces hommes de tous âges d'ailleurs et puis il va renvoyer enfin oui il la met devant tout le monde pour que tout le monde la voit ... Et en même temps, tout le monde ensuite est invité à se regarder lui-même. Est-ce que vous-même, vous passez pas, vous ratez pas la cible de Dieu ? Et c'est vrai qu'après, le texte dit, les plus âgés s'en vont jusqu'aux plus jeunes. Et puis après, effectivement, il y a cette parole un peu énigmatique, va et ne recommence pas. On peut comprendre comme ça,
- Speaker #0
au fond.
- Speaker #1
C'est-à-dire que comme s'il soulignait quand même qu'il y a des choses, au fond, qui ne nous mènent pas vers la vie. Parce qu'en fait, ce qu'elle avait fait, elle avait quand même conduit plutôt vers la mort. C'est comme ça que je le relisais un petit peu.
- Speaker #0
Mais c'est vrai que je suis très... Frappé,
- Speaker #1
enfin ton argument là, je ne l'avais jamais entendu comme ça, du fait qu'il n'y a pas de conditions, c'est-à-dire pour personne il y a de conditions, c'est vrai. Et d'ailleurs, je me souviens aussi d'avoir lu dans un évangile, il était écrit que des disciples, qui étaient des disciples, en fait s'en vont, parce que finalement ça ne leur correspond pas,
- Speaker #0
ou c'est trop difficile.
- Speaker #1
Ça je trouvais aussi intéressant. Donc il y a une vraie liberté en fait.
- Speaker #0
La liberté de s'en aller, oui, tout à fait. Non, l'exemple, je pense, le plus frappant de cette absence totale. d'exigence dans un certain sens, c'est la figure de Pierre. La figure de Pierre qui devient quand même une des figures principales du christianisme. Saint Pierre qui détient les clés du paradis et tout ça. Au moment de la mort de Jésus, c'est une figure qui est quand même assez méprisable. Il n'a aucun courage, il est lâche, il ne veut pas... Après, je le comprends. Moi, j'aurais peut-être fait pareil. Je n'aurais pas aimé me retrouver dans une situation où potentiellement je pouvais être arrêtée et mourir. Mais ça veut dire que le seuil, en fait, il est très bas. Après, ça ne veut pas non plus dire qu'il n'y a pas des exigences qu'on veut.
- Speaker #1
L'exigence, c'est le commandement d'amour.
- Speaker #0
C'est ça. Les exigences, elles ne sont pas sur... Elles ne sont en fait vraiment pas centrées autour de la sexualité, par exemple. Ou des pratiques. La morale, au sens où on l'entend aujourd'hui. Elles sont centrées sur comment est-ce que je vis mon rapport au monde. Et effectivement, je pense qu'on pourrait le montrer. une des exigences qui traverse le texte et qui me semble éthiquement quand même responsable, c'est justement de privilégier plutôt la vie, plutôt que de conduire vers des pratiques mortifères.
- Speaker #1
Alors le problème de cette éthique telle que tu la déclares maintenant, c'est qu'évidemment il y a tous ces autres sujets qui vont émerger et qui font que les chrétiens ne sont pas toujours d'accord. Donc par exemple, peut-on avoir des rapports sexuels avant le mariage ?
- Speaker #0
Que dit Jésus ? Jésus, je pense qu'il ne dit rien là-dessus. Déjà le mariage tel qu'on le connaît aujourd'hui, c'est une invention récente. Ça date de la modernité en fait. Alors évidemment que probablement dans l'Antiquité, les jeunes filles, de préserver la virginité d'une jeune fille avant son mariage, c'était important. C'était une pratique culturelle au fond. C'était une pratique culturelle. Et puis les jeunes filles, elles se mariaient entre 12 et 16 ans.
- Speaker #1
Entre 12 et 16 ans, on le dit bien.
- Speaker #0
Ce n'est pas tout à fait la même chose quand on se marie entre, je ne sais pas, 28 et 35 ans aujourd'hui. Donc je pense que c'est vraiment... Moi, je refuse vraiment un traitement du texte biblique où on poserait une question, et puis on ouvre la Bible, et puis on trouve la réponse. La Bible n'a pas été écrite pour ça. La Bible a été écrite pour rendre témoignage de... du lien qu'on peut avoir avec Dieu. Et du coup, j'ai désolé, mais on a plus de travail à faire que juste ouvrir la Bible et puis voir s'il y a la réponse dedans. On est nous aussi obligés d'entrer en dialogue.
- Speaker #1
C'est non, on en est fort, mais c'est vrai que c'est plus facile d'essayer de chercher des réponses. C'est un peu ça la difficulté, peut-être.
- Speaker #0
Oui, bien sûr.
- Speaker #1
Parce que je suis obligée de... Je te repose quand même des questions. Oui,
- Speaker #0
bien sûr.
- Speaker #1
Je demande les gens, tu vois, voilà, alors est-ce que le divorce est autorisé ? On ouvre la Bible, on regarde.
- Speaker #0
Oui, on peut faire ça, mais c'est comme... Je dois avouer que c'est une logique qui m'échappe un tout petit peu. Je ne comprends pas pourquoi, pour une question du XXIe siècle, on va aller... chercher la réponse au premier siècle. Pourquoi on ne fait pas ça dans d'autres domaines de la vie ? Je veux dire, on ne se dit jamais... Est-ce que, par exemple, si on prend une question un peu moins controversée, mais aujourd'hui il y a quand même pas mal d'interrogations autour de est-ce que je prends l'avion ou pas, pour des raisons écologiques. Personne ne se dit, ah bah tiens, je vais aller voir ce que la Bible dit sur est-ce que je peux prendre l'avion ou pas. Mais ok, on parle du divorce dans la Bible. au premier siècle, mais le divorce au premier siècle, c'est pas la même. On n'est vraiment pas dans la même situation. Donc, ça veut pas dire après, parce qu'après, évidemment, le mouvement d'après, c'est dire, bah alors la Bible, ça sert à rien, je vois pas pourquoi je la lis, c'est pas utile. Et là aussi, je trouve, pour moi... c'est de la paresse en fait, c'est de la paresse intellectuelle de faire ça. On est des êtres humains qui ont la capacité extraordinaire d'entrer en dialogue. Et du coup, quand on lit les textes bibliques, on peut entrer en dialogue avec eux. Puis on peut se dire, à ce moment-là, il y en a un pour plein de raisons qu'on peut reconstruire, si on a envie ou pas, mais qui a dit, le divorce, ce serait mieux pas. Mais même au premier siècle, on discutait de savoir ça. Du coup, après, c'est... Ok, mais qu'est-ce que je fais ? Comment je discute ? Puis je peux lire d'autres personnes, je peux en parler à mon pasteur, je peux en parler autour de moi et réfléchir et décider pour moi-même si le divorce, c'est bien ou pas. Mais on ne peut pas... Je suis désolée, la Bible, ce n'est pas juste un service... Sinon, vous prenez... Vous savez, aux États-Unis, il y a le... Oh, je sais que ça va être beaucoup trop long. La 8-ball, vous ? Ah, je ne connais pas. C'est génial. C'est une boule de billard qu'on secoue. Et puis, on pose une question. Après, ça donne la réponse. C'est genre oui ou non. Et puis, de temps en temps, ma réponse préférée, c'est outcome cloudy. Donc, genre, le résultat est nuageux. Donc, en fait, on ne sait pas.
- Speaker #1
Je crois que tu l'as bien dit, c'est une question de paresse. Au fond, on est obligé avec la Bible, en fait, quelque part, elle nous oblige à aller un petit peu plus loin et pas prendre la simplicité au premier.
- Speaker #0
À travailler un tout petit peu. Pour moi, c'est très enrichissant, ce dialogue. Je l'échangerai pour rien au monde. C'est pour ça aussi que je fais le métier.
- Speaker #1
Il y a des personnages dont je n'avais jamais vraiment entendu parler, pourtant on les lit, les évangiles, c'est les personnages des eunuques. Est-ce que tu pourrais nous dire un petit peu qui sont ces personnes qui apparaissent à deux ou trois reprises dans le Nouveau Testament ?
- Speaker #0
Ils sont mentionnés quelques fois aussi dans l'Ancien Testament. Et puis ils apparaissent aussi dans le Nouveau, alors surtout justement dans un récit qui est assez connu, qui est dans les Actes des Apôtres, où on a quelqu'un qui est présenté comme un eunuque qui va à Jérusalem et qui en rentrant rencontre un apôtre, justement Philippe, et va être baptisé au nom du Christ. Les eunuques dans l'Antiquité On peut être eunuque de diverses manières en fait. On entre un peu dans des questions un petit peu techniques. On parle apparemment dans l'Antiquité d'eunuques qui sont eunuques de naissance. Mais la plupart des eunuques sont des eunuques fabriquées, soit parce qu'on leur a écrasé les testicules ou bien même qu'on les castre entièrement. C'était souvent... des personnes qui pouvaient, c'est le cas d'ailleurs dans le livre des actes, c'était des personnes qui pouvaient être au service de femmes puissantes parce que justement on n'avait pas le risque avec un eunuque d'une lignée qui serait une lignée qui ne serait pas la lignée généalogique contrôlée, si on veut, de la descendance royale. Donc un eunuque pouvait s'occuper, comme il le fait dans Acte VIII de la Reine.
- Speaker #1
Donc pour Slaire,
- Speaker #0
un eunuque ne peut pas faire d'enfant et ne pas avoir d'enfant. Ça dépend un petit peu comment il a été castré. Il peut avoir des relations sexuelles, mais il est stérile, en fait, si on lui a simplement... écraser les testicules, il n'aura pas d'enfant mais il pourrait éventuellement encore avoir des relations sexuelles. Mais ça c'était je veux dire, ils n'étaient pas fans de ça, des relations sexuelles en dehors du mariage, surtout pour les femmes mais au moins il n'y avait pas d'enfant. Une femme puissante on ne sait pas trop, voilà exactement mais au moins il n'y avait pas le risque d'avoir des bâtards, pour le dire un peu de façon facile. Et donc, dans l'Ancien Testament, il y a deux mentions des eunuques. Il y en a une qui est très négative, en fait. Et puis, il y en a une autre où on dit que quand le royaume des cieux sera établi, en fait, Dieu, le Dieu de l'Ancien Testament, va élever les eunuques et puis va en faire un nom qu'on n'effacera jamais. Donc, c'est... catégorie assez ambiguë dans l'Antiquité parce qu'ils ne sont ni vraiment des hommes ni vraiment des femmes.
- Speaker #1
Du coup, ma question, je pense, c'est est-ce que là, en fait, on ne serait pas en train de parler de personnes intersexes, en fait ?
- Speaker #0
Je ne pense pas de personnes intersexes techniquement, parce que techniquement, intersexe, c'est vraiment un être avec des caractéristiques et masculines et féminines pour les organes génitaux. Mais on pourrait parler de personnes ... En tout cas, peut-être non-binaires, par exemple, si on utilise un terme qui est utilisé aujourd'hui, qui ne se qualifie ni vraiment comme homme, ni vraiment comme femme. C'est aussi un personnage, évidemment, qui a une importance pour les personnes qui s'identifient comme trans. Parce que, dans l'Antiquité, la conception du genre... Aujourd'hui, c'est un peu remis en question, c'est justement très discuté autour de ces questions d'identité de genre. Mais dans l'Antiquité, on a un pôle où finalement, il y a le fait d'être homme, d'être masculin, et il y a tout le reste, ou être mâle, pour le dire plus correctement. Et puis, il y a tout le reste. Et donc, on peut être mâle ou masculin si on a des organes génitaux masculins, mais aussi si on est... libre et si on est, par exemple, dans le monde gréco-romain, si on est un citoyen romain. Dès le moment où il y a une de ces caractéristiques qui manque, on va s'éloigner du pôle du masculin et on va se rapprocher du pôle féminin qui est évidemment un pôle qu'il faut absolument éviter. Donc le nuque, il est assez... Il occupe une place assez intéressante parce que il n'est pas mal, parce qu'il a à cause ses organes génitaux. En même temps, il a quand même pas mal de pouvoir, parce qu'il est au service d'une reine dans Acte VIII. Il a probablement de l'argent, il a son propre chariot, il s'occupe du trésor de la reine, il possède un rouleau du prophète Esaïe, donc c'est quelqu'un de fortuné. Tout ça le rapproche du pôle masculin. Mais c'est un eunuque, donc il se rapproche aussi du pôle féminin. Donc il occupe vraiment un espace ambigu, en fait, dans l'Antiquité. Et du coup, c'est un personnage qui a été beaucoup... utilisé ou qui a un rôle important, je dirais, dans la manière dont les personnes trans chrétiennes lisent le Nouveau Testament, lisent la Bible, aussi pour réfléchir à leur position, parce que les églises n'ont pas forcément non plus une politique d'accueil très claire vis-à-vis des personnes trans. Et donc, le personnage de l'Eunuque fonctionne comme un symbole, je dirais, assez fort pour ces communautés-là, pour une place, parce que... Dans le récit avec le nuque, il rencontre Philippe et à un moment donné, il discute autour du rouleau du prophète Esaïe. Philippe lui apprend un certain nombre de choses et le nuque dit « qu'est-ce qui m'empêche d'être baptisé ? » Et en fait, Philippe ne répond pas et il y a un baptême. Et ce qui est intéressant, c'est que cette question « qu'est-ce qui m'empêche d'être baptisé ? » En fait, dans l'Antiquité, il y aurait eu plein de choses qui l'empêchaient d'être baptisé, notamment dans le judaïsme parce qu'il y a toutes ces restrictions autour. du statut d'Eunuque. Et le symbole de baptiser l'Eunuque montre que tous ces éléments-là n'ont en fait pas d'importance. C'est aussi évidemment une manière de dire, vous voyez, les Eunuques, maintenant, ils ont un nom pour toujours, donc le Royaume des Cieux est bien là. Il devient un symbole du Royaume des Cieux. Mais pour la communauté trans, c'est quand même vraiment important qu'il n'y ait pas de réponse qui est donnée. Puis surtout, on ne dit pas non plus à l'Eunuque qu'après, il doit changer. C'est ça,
- Speaker #1
de ne pas en revient, cette idée d'inclusivité. pas de condition.
- Speaker #0
Exactement. Et puis il reste, il fait partie de la communauté en tant qu'eunuque. Et ça, je trouve que c'est vraiment, enfin pour moi, c'est une leçon assez importante. Il n'y a rien à changer à son identité.
- Speaker #1
C'est presque plus pour moi, mais parce que c'est vrai qu'elle est très énigmatique, cette phrase de Jésus dans l'évangile de Matthieu, chapitre 19 verset 12, dit « Il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère. » Donc justement, qui sont nés comme ça. Il y en a qui le sont devenus par les humains. Et il y en a qui se sont rendus tels. eux-mêmes à cause du royaume des cieux. Du coup, je comprends que c'est en lien avec cette prophétie de l'Ancien Testament.
- Speaker #0
Oui, peut-être, oui, effectivement. Après, il y avait des cultes, il y a un culte notamment autour de là, mais je ne pense pas que c'est ça qui est visé là, mais un culte autour de la figure d'une divinité si belle, où apparemment les prêtres de si belle étaient castrés.
- Speaker #1
Ah, ok, donc ils avaient comme cette idée d'accéder quand même au plus près de la divinité.
- Speaker #0
Oui, je ne sais pas très bien l'idée. Parce qu'après, il y a aussi des gens qui remettent ça en cause, que les personnes se seraient vraiment castrées elles-mêmes. Puis il y a un père de l'Église, il me semble, dont on raconte, qui s'est castré. Maintenant, je ne sais plus lequel c'est.
- Speaker #1
Mais est-ce que ça pourrait être en lien avec, puisque tu as beaucoup travaillé sur cette question de l'identité chez Paul, justement dans l'Épître aux Galates, où il dit qu'il n'y aura plus ni juif, ni grec, ni homme, ni femme, justement. Est-ce que ça pourrait être lié ?
- Speaker #0
Peut-être.
- Speaker #1
Quelle est cette identité qu'on reçoit dans le Christ ?
- Speaker #0
Oui. Donc oui, ce verset qui est important dans Galate 3, je crois que c'est le verset 28, il n'y a plus ni juif ni grec, il n'y a plus ni homme libre ni esclave, il n'y a plus l'homme et la femme. Donc toutes ces distinctions, ça veut dire que n'importe qui peut entrer. dans le peuple élu. Après, ça ne veut pas dire aussi non plus, et puis ça, on le voit vraiment dans la manière dont Paul va construire comment les gens doivent se comporter. Les différences, elles restent, mais ça n'empêche pas d'entrer. Sur l'homme et la femme, moi, j'ai plutôt l'impression, je ne suis pas sûre que ça se rattache nécessairement au statut d'eunuque, même si, en tout cas, justement, ça n'exclut pas du tout l'inclusion d'un eunuque. Je pense que c'est plutôt lié à un mythe. de l'Antiquité qui est... C'est un peu compliqué, mais c'est le mythe de l'Androgyne. C'est l'idée que la première créature créée par Dieu dans l'Ancien Testament, c'est une créature qui... C'est là-dedans, en fait. Qui réunit le mâle et la femelle. Qui serait, pour le coup, une créature intersexe. Et que donc, l'idée, c'est que quand on revient au statut de la création avant la chute... la transgression du commandement, on reviendrait à cette créature qui unit le masculin et le féminin et qui est plus élevée, si on veut, que l'Adam et Ève divisées. Ça aussi, c'est évidemment, le récit de la création, c'est un texte qui est extrêmement porteur de sens pour la communauté trans et pour... les personnes qui s'identifient comme non-binaires parce que ça dit, ben oui, c'est quelque chose, c'est une réalité d'abord qui existe et qui existait depuis longtemps. Et puis, pour les textes bibliques, il y a une place pour les personnes dont l'identité est caractérisée par ça.
- Speaker #1
Si ce podcast est en train de te passionner, dis-toi qu'il en existe beaucoup d'autres, en audio et en vidéo. Alors, pour ne rien rater, je t'invite à t'inscrire à ma lettre que j'envoie tous les mardis pour annoncer les sorties, mais aussi avec un message percutant, contemporain, moderne et inclusif pour t'encourager dans ton chemin de foi. Tu trouveras toutes les informations et les liens juste en dessous de cet épisode dans le descriptif. Et maintenant, on retrouve tout de suite mon invité. En fait, des fois, on caricature un petit peu les rôles des femmes dans les églises. On navigue entre la maman pure comme Marie, et puis de ce côté, cette soi-disant prostituée que n'était pas Marie-Madeleine, mais dont on quantifie un peu souvent comme ça. Est-ce qu'on pourrait approcher un petit peu cette figure de Marie, la maman de Jésus, dont en plus, on a dit tout à l'heure qu'elle avait des frères, puisque tu parlais de la famille de Jésus. Qu'est-ce qu'on pourrait découvrir d'un peu plus intéressant sur ce personnage ?
- Speaker #0
Oui, je pense que ce serait pas mal si l'Église pouvait sortir de l'alternative maman ou prostituée pour le rôle des femmes.
- Speaker #1
Est-ce que Marie déjà était vierge ? Parce qu'on la présente toujours comme ça et puis tu parlais de la vérité des textes bibliques.
- Speaker #0
Oui. Alors, il y a des chances, disons, si on reprend cette histoire justement que Marie a été destinée à Joseph probablement à l'âge de 12 ans. C'était plus ou moins quand on avait ses premières règles. On va choquer toujours là. Mais oui, mais c'est vrai. Ça, pour le coup, je pense que c'est assez historique. Après, elle n'a pas tout de suite été mise dans la maison de Joseph. Je pense que c'était plutôt vers 16 ans et puis justement dans les familles un peu plus aisées, probablement un petit peu plus tard. Mais on voit beaucoup Marie comme ça. C'est les représentations qu'on a. Toutes les représentations de Marie, quasiment, elle est assise avec un bébé sur les genoux. Il y a un côté très beau aussi à ça, et puis toutes les représentations. Où elle allait, par exemple, où il y a quand même aussi, je pense, quelque chose avec le corps, à quoi on ferait bien aussi de réfléchir en Église, l'importance du corps. Mais moi, ce que j'aimerais quand même aussi souligner, c'est que la figure de Marie, par exemple, dans l'Évangile de Luc, en fait, elle est beaucoup plus proche de la révolutionnaire. que de la maman. D'abord, c'est aussi la première disciple. C'est elle, quand Luc dit toujours, elle écoutait tout ça, elle méditait dans son cœur, en fait, c'est quand même une assez bonne attitude de disciple, je dirais. Alors on dit toujours, oui, mais c'est sa maman, alors c'est normal. C'est pas parce qu'on est maman que ça n'a pas de valeur, le fait qu'on prend au sérieux ce que dit Jésus. Donc je pense qu'on a tendance à minimiser l'investissement de la figure de Marie dans le mouvement de Jésus, parce que c'est sa maman. Donc ça, je trouve qu'il faut faire attention à ça. Et puis, dans l'évangile de Luc, on met quand même dans la bouche de Marie les paroles d'un cantique qui vise à renverser l'ordre du monde. Alors, le Magnificat. C'est pas juste Marie qui se réjouit tellement d'être à la maman de Jésus, c'est Marie qui dit avec ce qui m'arrive, l'ordre du monde est en train d'être renversé. Les puissances seront renversées, les orgueilleux. vont perdre leur trône, ceux qui ont faim auront à manger, les pauvres enfin c'est vraiment les derniers seront les premiers. Et ça c'est Marie qui le dit.
- Speaker #1
Et elle-même tu crois qu'elle fait partie de ces humbles ?
- Speaker #0
Elle se présente comme ça en tout cas. Elle dit que Dieu a regardé vers sa... c'est le mot qui est utilisé, c'est le mot esclave en fait.
- Speaker #1
Qui est plus fort esclave que servante en fait.
- Speaker #0
Oui absolument. Donc oui je pense que là elle est vraiment symboliquement présentée comme celle qui est le plus bas dans l'échelle sociale. Après, c'est aussi... Donc, ça montre, je trouve aussi, quand même le potentiel, si on revient justement au rôle de l'Église, il y a un potentiel pour la justice sociale, en fait, qui est souligné ici et qui est souligné par notamment la... Avant même que Jésus, parce que Jésus a le même discours, en fait, un peu plus loin dans l'Évangile de Luc, il va dire qu'il est venu pour libérer... les emprisonnés, qu'on comprend de nouveau qu'on a beaucoup psychologisé. Oui, ça va être le salut personnel et tout, mais dans l'évangile de Luc, c'est la révolution, vraiment. Et la première personne à dire ça, c'est Marie, dans l'évangile de Luc.
- Speaker #1
C'est vrai que quand tu mets l'accent là-dessus, on entend, on voit, je trouve, le petit Jésus qui va grandir dans une ambiance complètement différente de ce qu'on a dans l'imaginaire habituel. Plutôt avec une maman qui... Je trouve qu'il ressemble beaucoup plus à la maman des noces de cana, qui un peu lui dit, bon, maintenant, il faut y aller, mon chéri, là, il va falloir bouger les choses.
- Speaker #0
Exactement. On pourrait très bien... De nouveau, c'est des hypothèses. Je ne dis pas que ça s'est passé comme ça. Mais je trouve que dans l'Église, on a eu tendance à privilégier une manière de voir les choses.
- Speaker #1
Une femme soumise, en fait.
- Speaker #0
Voilà, qui apprend de son fils, etc. Alors qu'on pourrait très bien imaginer une hypothèse où dans le monde ancien, surtout dans les premières années. Après, quand les enfants deviennent un peu plus grands, le père joue un rôle plus important dans l'éducation. Mais dans les premières années, c'est la maman qui éduque les enfants. Et donc, on pourrait très bien imaginer que les petites idées de Jésus sur justement la justice sociale ou comme ça, ça lui vient, ça passe aussi par sa mère, en fait.
- Speaker #1
Et puis peut-être aussi, du coup, ça pourrait expliquer pourquoi Jésus est si ouvert à l'accueil de ses femmes disciples,
- Speaker #0
puisque possiblement,
- Speaker #1
il a déjà ce modèle. Dans sa maman, en fait. Oui.
- Speaker #0
Et on voit, je trouve aussi, c'est intéressant de voir que on commence aussi à avoir des représentations maintenant contemporaines de Marie et Jésus, qui sont des représentations beaucoup plus ancrées justement dans la logique de la justice sociale, où c'est madone et enfant. Ça peut être des réfugiés, ou des personnes qui sont... qui souffrent, qui sont pauvres, qui sont rejetés et qui demandent en fait un autre type de traitement.
- Speaker #1
Et puis, si j'en reviens à cette question de la virginité de Marie, parce que tous les évangiles n'en parlent pas, est-ce que tu pourrais nous parler un petit peu de ça ?
- Speaker #0
Oui, en fait, c'est que Luc et Mathieu qui en parlent. Et de nouveau, c'est quelque chose qui fait sens. Dans le contexte ancien, ça nous dit quelque chose de comment il faut comprendre Marie. C'est comme un petit signal pour dire, ben voilà, on vous présente Marie comme vierge, et il faut le comprendre aussi en lien avec un certain nombre de textes de l'Ancien Testament, qui disent que le Messie va être lié. à une jeune fille. Alors en plus, il y a un problème de traduction, on n'a peut-être pas besoin d'entrer là-dedans, mais il y a un passage par le grec qui fait qu'on lit jeune fille beaucoup plus comme vierge, alors que, au barrière de moi, ça veut dire jeune fille. Et puis alors après, il y a un phénomène assez extraordinaire qui montre aussi l'importance de la figure de Marie, qu'on a pas mal perdue dans le protestantisme. Mais au premier siècle, il y a un texte qui est écrit qui s'appelle le Protévangile de Jacques. qui raconte en fait la vie de Marie avant qu'elle accouche. Et on voit très bien qu'au fur et à mesure que Jésus se rapproche de plus en plus d'une figure divine, du coup on est aussi obligé de raconter de plus en plus l'histoire de sa naissance comme étant aussi l'histoire de quelqu'un qui va devenir Dieu ou qui va être divinisé. Et du coup Marie devient de plus en plus... diviniser elle aussi. On raconte, le protévangile de Jacques, que l'histoire de la petite enfance de Marie, c'est extraordinaire. On lui donne des origines nobles, on dit qu'elle est sainte, elle est sacrée, donc il ne faut pas qu'elle mette le pied par terre, elle vit dans le temple. Enfin, vraiment, il y a plein de choses qui contribuent à ce qu'on construise ça et c'est là qu'on commence à avoir très fortement l'idée, parce que dans les évangiles, on a l'idée que Marie est vierge. avant le mariage. Ce qui, disons, je dirais un peu la base, c'est normal.
- Speaker #1
Oui, pour l'époque, la culture, ça pourrait pas être autrement. Oui,
- Speaker #0
ça serait vraiment, justement, si elle n'était pas, c'est un problème. Mais dans le protévangile de Jacques,
- Speaker #1
c'est un problème, puisqu'à la base, ils savent pas qui est le père et puis ils veulent la lapider parce que, justement, elle est enceinte de leur mariage.
- Speaker #0
Et puis c'est l'accusation qu'on va... jetée aux chrétiens pour décrédibiliser le mouvement en disant « elle n'est pas du tout vierge, elle avait couché avec un soldat romain et puis c'est comme ça qu'elle est tombée enceinte en fait » . Donc c'est un vrai problème.
- Speaker #1
Ou qu'elle aurait pu être violée ?
- Speaker #0
Elle aurait pu être violée, mais dans l'Antiquité, de toute façon, c'est toujours la faible qui pose problème. C'est elle qui a été infidèle. Et donc c'est après seulement qu'on commence aussi à développer l'idée qu'elle va être vierge même après l'accouchement et qu'elle reste évidemment vierge jusqu'à la fin. Et puis qu'on a ensuite tous les dogmes de Mario dans le catholicisme, du fait qu'elle ne meurt pas vraiment mais qu'elle s'endort et puis qu'elle est emmenée ensuite au ciel. Et puis qu'elle... qu'elle continue de vivre, en fait.
- Speaker #1
Je trouve que c'est fascinant parce qu'en fait, on voit qu'on a toujours beaucoup de mal à imaginer que ce Dieu de l'univers, là, le Créateur, passe à travers le ventre très concret, très réel d'une femme, comme, je le disais l'autre jour, en fait, tous les êtres humains sont passés par le ventre d'une femme, et donc que Dieu n'avait pas d'autre chemin pour s'incarner que de passer dans celui d'une femme, et qu'on a toujours besoin, comme si le corps de la femme était impur, et donc il faut préserver cette pureté parce qu'on ne pourrait pas traverser l'impur.
- Speaker #0
C'est exactement ça, en fait. La manière dont on voit très bien ça dans la destinée de Marie, en fait. Elle devient de plus en plus pure. Jusqu'à ce qu'on la compare quasiment à l'arche, en fait, mais où elle devient vraiment plus qu'un contenant. Elle est un contenant.
- Speaker #1
Désincarnée, en fait. Oui,
- Speaker #0
et qui ne transmet absolument rien à Jésus. C'est juste... Oui, effectivement, c'est la puissance divine qui passe à travers elle. Et puis, c'est pas que Jésus ne reçoit aucune qualité ou défaut, évidemment, de Marie. Le seul évangile qui ne fait pas ça, enfin, Jean ne fait pas ça, mais Jean fait autre chose, mais le seul évangile qui ne fait pas ça, c'est l'évangile de Marc. L'évangile de Marc, qui est le plus ancien, ne s'intéresse pas du tout à la naissance de Jésus. Jésus arrive sur la scène, il est adulte, et puis voilà. Ça montre aussi... L'évolution du mouvement, c'est-à-dire qu'au fur et à mesure qu'on commence à projeter un certain nombre de choses sur la figure de Jésus, on va aussi devoir, entre guillemets, lui inventer une naissance particulière pour montrer que dès le départ, dès le début, il était bien celui qui était le choisi, si on veut. Et ça, c'est pareil, on voit ça avec la figure de Moïse, on voit ça avec, je ne sais pas, le bébé Hercule, c'est pareil. héros doivent être des héros depuis la naissance.
- Speaker #1
Je pense que quand, avec tout ce que tu as partagé aujourd'hui, j'ai l'impression que ce qui émerge beaucoup, c'est cette histoire que le royaume n'a précisément rien de spectaculaire ou de magique. Jésus le dit lui-même souvent, ça. Mais c'est des petites choses qui sont en fait dans l'ordinaire du quotidien. Mais qu'est-ce qu'on a du mal ? J'ai l'impression que naturellement, les chrétiennes et les chrétiens, mais les gens du monde entier, on a besoin de magique.
- Speaker #0
Oui, et puis je pense aussi que c'est normal qu'on ait besoin de magie. Mais je trouve qu'une interprétation, à mon avis, qui est très juste du royaume, c'est une interprétation qui n'est pas du tout dans la Bible, mais c'est un passage du Seigneur des Anneaux, où quand... Gandalf choisit Bilbo, donc le Hobbit. Quelqu'un lui dit, je ne sais plus exactement comment c'est l'histoire, mais quelqu'un lui dit, mais qu'est-ce que tu veux faire avec ce Hobbit ? Je veux dire, les Hobbits, ils n'ont jamais rien fait d'extraordinaire dans la vie. Et Gandalf répond, en fait, justement, de temps en temps, contre les plus grands maux, on a besoin des actions les plus quotidiennes, des plus petits, et c'est ça qui change le monde. Et je trouve que c'est une très, très belle manière d'insister sur... Ça pourrait être la graine de moutarde dans l'évangile. Les petites choses qui font que si on les fait bien, puis si on les fait avec honnêteté, avec confiance, ça peut changer le monde. Mais ce n'est pas très spectaculaire. Après, moi je ne dis pas, on a besoin du spectaculaire, heureusement. Oui, bien sûr, ça fait partie.
- Speaker #1
J'aime beaucoup cette petite conclusion. J'ai trois questions pour terminer ce podcast avec toi. D'abord, c'est si tu pouvais rencontrer un personnage biblique, ce serait qui et tu aurais envie de lui dire quoi ?
- Speaker #0
Ça, c'est vraiment une question super difficile.
- Speaker #1
À part Jésus.
- Speaker #0
Non, ce ne serait pas Jésus que j'aurais envie de rencontrer. La réponse qu'on attendrait, c'est Paul, j'imagine. Mais ce n'est pas vraiment Paul. Je pense que ce serait une des femmes, en fait. Rien que pour leur demander leur nom, quoi. Ah ouais, c'est le lit, ouais.
- Speaker #1
Dieu te donne un vœu à exaucer, celui que tu veux. Qu'est-ce que tu lui demandes ?
- Speaker #0
Un pouvoir... Comment est-ce qu'on dit ? Me téléporter.
- Speaker #1
Le pouvoir de la téléportation.
- Speaker #0
C'est ça. Le temps. Le temps pour elle. Oui.
- Speaker #1
Et puis, on a un petit jeu qu'on inaugure du coup avec toi. On aura un prochain invité, on ne sait pas encore qui c'est, mais on aimerait te proposer de lui poser une question. Et je vais te proposer de l'écrire, comme ça il va le découvrir à la prochaine.
- Speaker #0
Ah ouais, c'est dur ça. Mais justement une question... Ce que tu veux. Bon, qu'il soit lié peut-être à la fois aux églises ou aux écrits. Mais je peux réfléchir un petit peu. Bien sûr, on va te laisser. Voilà. Ok, très chouette, je me réjouis de répondre à cette question.
- Speaker #1
Est-ce que tu as envie d'ajouter quelque chose qu'on n'aurait pas dit, ou un sujet ?
- Speaker #0
Non, je crois que ça va.
- Speaker #1
Valérie et Nicolas, merci beaucoup pour tout ce que tu nous as transmis aujourd'hui. Je me réjouis que tous les étudiants, tes étudiants des facultés de théologie te rencontrent et bénéficient de tes approches qui sont modernes, contemporaines. Merci pour ce que tu fais pour notre Église et pour le monde chrétien.
- Speaker #0
Merci beaucoup.
- Speaker #1
À une prochaine, je l'espère. Voilà, j'espère que cet épisode t'a plu. Et maintenant, j'ai un petit mot pour toi de fin. De nombreuses pépites ont été échangées dans ce podcast. Il y a peut-être des infos que tu aurais aimé garder, des liens qui auraient pu t'être utiles. Eh bien, si tu n'as pas pris de notes, c'est pas grave, j'ai une bonne nouvelle, nous l'avons fait pour toi. Nous avons résumé tous les moments forts de cette émission avec tous les liens dans une fiche gratuite que tu peux télécharger maintenant en cliquant simplement sur le lien qui se trouve dans la description de ce podcast. Tu entres ton email et tu reçois ça tout de suite. Et si cette émission t'a plu, évidemment, n'hésite pas à nous mettre 5 étoiles sur la plateforme et nous laisser un commentaire. Tu sais que ça nous aide à propager la bonne nouvelle de l'amour absolu du Christ. Je te bénis et je te souhaite de te retrouver dans la prochaine émission.