- Speaker #0
La sexualité, c'est là pour qu'on a le plaisir, alors qu'à tout un coup, le plaisir est devenu quelque chose.
- Speaker #1
C'est l'un des plus grands biblistes mondialement reconnus. C'est le directeur du Collège de France. Il s'agit de Thomas Römer.
- Speaker #0
La sexualité a toujours été beaucoup plus débordante que juste la procréation.
- Speaker #1
Et en même temps, dans la Bible, pour tous les homophobes bibliques, il y a Sodome et Gomorre.
- Speaker #0
Là, il faut juste lire attentivement le texte pour voir que ça n'a rien à voir avec l'homosexualité. D'ailleurs, le terme de sodomie... pour les homosexuels, c'est un peu bizarre.
- Speaker #1
Tous ces gens qui lisent la Bible en se disant « Tout est vrai » , la lisent à la lettre et puis d'un coup, on leur dit « Ben non, peut-être ces grands personnages auxquels on s'attache n'ont jamais existé » .
- Speaker #0
Si on parle d'Abraham, d'Isaac, Jacob, c'est des belles histoires. À l'époque, il n'y avait pas de télé, alors on peut dire « Ça ne s'est jamais passé » . Mais en même temps, on peut dire aussi « Ça se passe tous les jours » .
- Speaker #1
L'Adam, qui est comme une espèce d'androgyne, au fond.
- Speaker #0
Adam et Amal. Mais en fait, ce n'est pas si clair que ça. Adam, ce n'est pas utilisé comme un nom. propre, c'est en fait le terrien.
- Speaker #1
J'ai l'impression que tu décris finalement une société un peu pansexuelle déjà depuis... Qu'est-ce que tu sais de toi ? Qu'est-ce que tu peux nous dire de la place des femmes à l'époque ?
- Speaker #0
On voit quand même que les femmes principales, elles ont quand même leur mot à dire.
- Speaker #1
Plus je t'écoute, plus je pense que les auditeurs et auditrices font l'expérience d'avoir de moins en moins de certitude sur la Bible. Mais alors, est-ce que ce livre est encore sacré ? C'est un des plus grands biblistes mondialement reconnus. C'est le directeur du Collège de France et au Collège de France, on ne postule pas, non, on vient vous chercher. Il s'agit de Thomas Romer et Thomas Romer, c'est un professeur d'Ancien Testament et si on est venu le chercher, c'est précisément parce qu'il est innovant, percutant, extrêmement pointu. Il a écrit de nombreux ouvrages dont les plus percutants sont peut-être « L'invention de Dieu aux éditions du Seuil » , « Dieu obscur » , « Sexe, cruauté et violence dans l'Ancien Testament » . Ou encore, l'homosexualité dans le Proche-Orient ancien et dans la Bible, aux éditions de Labore et Fides. Et tout récemment, il va sortir un livre qui s'appelle La Bible, qu'est-ce que ça change ? C'est donc Thomas Romer qui est mon invité aujourd'hui. On a abordé tellement de sujets importants et qui ne peuvent que t'intéresser. J'ai appris des choses incroyables, des mots que je ne connaissais même pas, des histoires dans la Bible qui vont te décaper. Tu n'as jamais entendu ça, je t'invite vraiment à écouter jusqu'au bout parce que c'est juste passionnant. Tu risques peut-être en route d'être con. complètement déconcerté sur l'approche de la Bible, sur qui a écrit la Bible, sur la question d'Adam et Ève ou bien encore sur l'homosexualité dans la Bible, même les questions trans et d'intersexe. Tu vas vraiment en prendre plein la vue et plein les yeux et plein le regard. Je te souhaite vraiment une très bonne écoute. On va retrouver maintenant mon invité incroyable de ce podcast, c'est Thomas Romer. Bienvenue Thomas Romer, je suis tellement contente et honorée de t'avoir pour ce podcast aujourd'hui. On dit Thomas ou Thomas ?
- Speaker #0
Les deux en fait. Chez les Allemands c'est Thomas, ici en France c'est plutôt en Suisse c'est Thomas.
- Speaker #1
Donc justement en fait Thomas tu es d'origine allemande.
- Speaker #0
Voilà, je suis né à Mannheim il y a bien longtemps, je pense qu'on ne dira pas la date.
- Speaker #1
Ok, on va déparler ça. Alors du coup Thomas, je sais que beaucoup de gens te connaissent, pour ceux qui ne te connaissent pas, pourquoi est-ce que les gens font tellement appel à toi dans ta vie ? Salut c'est Carolina Costa, avant de poursuivre cet épisode j'ai une très bonne nouvelle pour toi. Tu n'as pas besoin de prendre de notes. Mon équipe a créé une fiche qui récapitule tout ce qui a été dit, les phrases pépites, les meilleurs conseils, les meilleurs moments et tous les outils avec les liens. Tu peux télécharger cette fiche gratuitement et maintenant en cliquant simplement sur le lien qui se trouve dans la description de ce podcast. Ne le rate pas et on se retrouve tout de suite avec mon invité.
- Speaker #0
Je pense que la seule raison que je peux imaginer, c'est que je m'occupe de la Bible et que la Bible intrigue quand même pas mal de gens. croyants ou pas croyants, chrétiens ou d'autres religions. Donc, peut-être c'est à cause de ça. Et j'aime bien aussi transmettre des choses.
- Speaker #1
Bon, ça, c'est très, très chouette. Mais tu n'es pas pasteur, tu es théologien.
- Speaker #0
Oui, j'étais très, très vaguement pasteur, c'est-à-dire. En fait, je ne vais pas raconter toute ma vie parce que je ne pensais pas au sujet. Mais quand j'étais à Paris, où je suis arrivé après mes études en Allemagne, Je voulais rester un peu dans l'enseignement, j'étais à l'Institut protestant théologie. Et la professeure qui était là-bas, Françoise Smith, m'a dit, écoute, on n'a pas trop de sous, mais je vais te faire une sorte de package. Donc tu vas enseigner, mais en même temps, tu seras pasteur dans un endroit pas trop loin. Un endroit pas trop loin, c'était Nancy, comme même à l'époque où j'étais. Et donc, du coup, j'étais à mi-temps pasteur stagiaire pendant deux ans à Nancy. Je m'occupais surtout des étudiants, c'est une grande ville universitaire, ça, ça me plaisait. Mais après, je me suis rendu compte que, ben voilà, on ne parle pas pas de vocation, mais ça, ce n'était pas pour moi ma vocation. Je n'aimais pas trop les enterrements, les baptêmes. Et puis, je n'aimais surtout pas donner des certitudes à des gens. Je voyais souvent les gens venaient avec des questions un peu existentielles. Ils voulaient qu'on leur donne des certitudes. Et moi, je pense que la Bible ne donne pas forcément des certitudes. Elle pose beaucoup de questions. et nous accompagner au niveau des certitudes. Donc je me suis dit, au mieux que j'aille dans la recherche et l'enseignement.
- Speaker #1
C'est ça, donc tu es devenu un des plus grands chercheurs biblistes.
- Speaker #0
Je ne sais pas, je suis assez petit.
- Speaker #1
Et tu es donc aussi directeur du Collège de France, ce qui veut dire aussi que cette branche de la Bible est entrée dans un lieu quand même très laïque.
- Speaker #0
Tout à fait. Alors ça, c'est intéressant parce qu'en France, la Bible est considérée comme une histoire un peu privée. Ça se fait dans les églises, dans les synagogues et dans l'enseignement universitaire à Pastrasbourg et Metz, où il y a à l'époque eu le Concordat, puisqu'ils étaient allemands. Donc, lorsqu'on a décidé de séparer les églises ou les institutions religieuses et l'État, donc ils ont gardé en fait leur faculté. Mais autrement, c'est vrai qu'à Paris ou ailleurs en France, la théologie, la Bible, ça se fait dans des instituts protestants ou catholiques ou dans des écoles juives, mais pas tellement à l'université. Donc, c'est très bien le Collège de France. Moi, je vais faire un peu de pub pour le Collège de France. Le Collège de France, la devise en latin, c'est « D'autres, c'est omnia » . Donc, tout peut s'enseigner, et même la Bible.
- Speaker #1
Donc, évidemment, tu as une approche très scientifique, si on peut le dire comme ça. Puis, c'est ce qu'on va un petit peu regarder ensemble pendant ce podcast ensemble. Mais pour faire un petit peu connaissance avec toi, je me demandais, est-ce que tu peux nous raconter un petit peu dans quel type de famille tu as grandi ? Parce qu'évidemment, tu as ce rapport à la Bible qui a dû évoluer au fil de ta vie. Oui, tout à fait. Quel a été le visage de ton enfance ?
- Speaker #0
Moi, j'ai grandi dans une famille qui est en fait une famille de réfugiés, parce qu'ils sont arrivés de l'Est. Maintenant, c'est la Pologne, donc de la Pomeranie, la Silesie, qui est redevenue polonaise. Et durant la guerre, ils ont dû s'enfuir. Mon père était soldat à 18 ans et puis il a été fait prisonnier de guerre par les Américains. Donc, il était en fait stationné à Mannheim. et ma mère l'a suivie avec... pas mal de problèmes parce qu'il était dans la partie l'est de l'Allemagne et puis on ne pouvait pas tellement passer de l'est à l'ouest. En fait, il est arrivé. Et donc, en fait, on habitait dans un quartier où il y avait des logements qui étaient appelés des logements de réfugiés. Moi, je ne me suis jamais rendu compte qu'en fait, on parlait de réfugiés. Moi, je me sentais de Manheim parce que je suis né là-bas. Mais peut-être ça m'a donné aussi une certaine sensibilité un peu par rapport aux déplacements, aux migrations et tout ça qui m'ont toujours un peu préoccupé. Alors la famille était protestante. Mon père était conseiller presbytéral, ma mère faisait pas mal de choses à l'église. Donc une bonne famille protestante avec un grand-père qui n'habitait pas chez nous, mais aussi très protestant. Et ce qui m'avait intrigué, c'est sa manière de s'occuper de la Bible quand il y avait un problème dans la famille. Il prenait la Bible, un aiguille ou un crayon, il l'ouvre quelque part, comme ça, et tac, il pointait un verset. Et ce verset était censé donner la réponse à des questions qui, en effet, préoccupaient la famille ou qui les préoccupaient. Et puis ça ne marche presque jamais, donc il fallait en effet interpréter, interpréter, surinterpréter pour trouver quelque chose. Et ça, ça m'avait intrigué. Donc je me suis dit, mais c'est quoi ce livre ? Et j'avais d'abord une Bible. pour les enfants. Et après, j'ai demandé une vraie Bible. Ma mère a dit, oh, c'est un peu compliqué. Et puis, elle m'a quand même donné une Bible de Luther. C'est vrai, c'est un peu compliqué. Mais en même temps, ça m'a un peu fasciné. Et puis, ça m'a un peu accompagné aussi ma jeunesse. J'étais dans des groupes de jeunes, dans la paroisse, etc. Et puis, moi, je n'avais pas vraiment l'idée de faire la théologie. C'est venu un peu... Je n'avais jamais de plan de carrière. En fait, je voulais faire du français. À un moment, je voulais faire de la psychologie. Je voulais faire beaucoup de choses. Et en fait, la théologie me tombait un peu dessus.
- Speaker #1
Alors, avant qu'on parle de ça, j'ai quand même un truc, parce que ça m'a fait très rigoler, parce que je lisais un petit peu une interview de toi dans un de tes livres, et j'ai retrouvé ça, et je voulais voir si ça te rappelait quelque chose. Tu peux l'ouvrir.
- Speaker #0
Je peux l'ouvrir. Ah oui, ça, c'est les fameux lozungen. Oui,
- Speaker #1
et c'est ma grand-mère de la lune.
- Speaker #0
Magnifique, magnifique. Alors, je ne les ai pas connus comme ça. Je les ai connus en cahier, en fait, déjà tirés.
- Speaker #1
Voilà, donc juste peut-être pour expliquer pour ceux qui ne vont pas nous le croire. C'est une petite boîte avec des...
- Speaker #0
Je ne sais pas si...
- Speaker #1
Eh bien, comme on a des auditeurs et des auditrices, en fait,
- Speaker #0
c'est une petite boîte. Qui, en fait, ont des petits, des tout petits cartons où il y a des passages bibliques, en fait, je crois, du Nouveau Testament, surtout. Si je comprends bien, en fait, il tire au sort pour chaque jour, ça vient de Hernoud, donc une communauté un peu piétiste, qui en fait, ça continue chaque année. Chaque année, il tire au sort pour chaque jour de la semaine, une loison, une parole, et ensuite il l'accompagne. Alors là, ils vont chercher, pas avec l'aiguille, mais ils vont chercher dans l'Ancien Testament ce qui sera un peu un équivalent, une opposition, qui peut accompagner ça. Et ma mère, elle lisait ça, en fait, je crois tous les soirs, avec... Elle avait un calendrier où il y avait les lozungen et aussi un petit texte pour expliquer tout ça. Donc ça m'a peut-être sans doute aussi marqué.
- Speaker #1
Donc ça t'a vraiment accompagné,
- Speaker #0
la Bible a fait partie de l'environnement. Puis après, je n'avais pas trop non plus une passion immense. En même temps, j'étais quand même intrigué. Puis voilà, comme je disais, pour les études, je n'avais pas trop d'idées. Et finalement, je suis tombé sur la théologie. Et puis, surtout à l'époque, quand on faisait des études, on pouvait faire un peu ce qu'on voulait. Ça menait un peu à tout. Donc j'ai des collègues aujourd'hui. qui ont fait la théologie avec moi, certains sont dans les banques, dans le journalisme, dans la carrière diplomatique. En fait, à l'époque, c'était très ouvert. Et ça, c'est une bonne chose. Aujourd'hui, c'est quand même hyper spécialisé, déjà dès le début. Tu décides de ta vie à l'âge de 16, 17, 18 ans. Et à l'époque, ce n'était pas vraiment encore si clair que ça.
- Speaker #1
Ok, oui.
- Speaker #0
Ah ben justement, parce que j'ai effectivement lu que du coup, tu as aussi un enseignant qui t'a dit, tiens, mais tu pourrais peut-être faire la théologie.
- Speaker #1
C'était mon prof d'allemand, en fait. C'était mon prof d'allemand. Je faisais des, voilà, il nous faisait faire des petites compositions, des réflexions. Puis il trouvait apparemment que j'avais un certain feeling pour des questions un peu spirituelles, ou je ne sais pas comment il faut le dire. Il m'a dit, mais je vous vois assez bien avec la théologie. Puis ça m'a un peu étonné du coup, mais peut-être il n'avait pas totalement entendu.
- Speaker #0
Donc après, tu as évidemment un long parcours académique. Tu as aussi révolutionné des choses dans ce monde académique.
- Speaker #1
Révolutionné ? Je ne sais pas. Mais disons, ce qui m'avait en effet, et souvent je pensais comme ça dans la vie, quand j'ai commencé mes études à Heidelberg, je suis tombé sur un prof qui nous disait en fait tout ce que vous avez dans les livres. sur l'explication comment la Bible, surtout la Bible juive, l'Ancien Testament, la première partie, le Pentateuil, comment ça a été composé, tout ça, vous allez voir, d'ici 10-15 ans, ces théories-là, elles ne marcheront plus. Et beaucoup de mes collègues, ils étaient un peu embêtés parce qu'ils ont dit, bon, maintenant qu'est-ce qu'on va apprendre pour les examens ? Donc ils avaient une approche un peu utilitariste en disant, voilà, on ne sait pas quoi faire. Moi, je trouvais ça plutôt excitant en disant, si on peut réinventer les choses, c'est très très bien. Et donc, je me suis un peu appliqué suite à ses cours à lui, son contact avec lui, le contact avec lui, d'explorer d'autres manières de comprendre le Pentateuch, c'est-à-dire ses premiers livres de la Bible.
- Speaker #0
Justement, on va développer tout ça. Donc, nous, dans ce podcast, on va essayer effectivement de s'adresser à des personnes qui connaissent très peu ou alors qui ont beaucoup été, comment dire, trop, comment on dit, quand ils ont été gavés. Beaucoup de gens qui ont été gavés par la Bible ou des lectures un peu littéralistes. Alors, je vais essayer de me mettre un petit peu à la place de toutes ces personnes. Donc, j'ai pris effectivement cet objet. Donc,
- Speaker #1
une Bible,
- Speaker #0
c'est je crois la moins chère qu'on peut trouver sur le marché.
- Speaker #1
Qui coûte le prix d'un café, c'est ça ?
- Speaker #0
Donc, je te le passe et puis je te propose. Ben voilà, on a cet objet dans les mains. C'est quoi ?
- Speaker #1
Ben, c'est... En fait, je dis toujours, ce n'est pas un livre, même si ça ressemble à un livre. Il faut plutôt s'imaginer ça comme ça, comme une bibliothèque. Et ce qu'on a dedans, c'est des livres qui, à l'origine, étaient transmis de manière séparée. Et qu'à un moment donné, on a décidé de les mettre sur un rayon ou sur deux rayons. Et c'est devenu après la Bible. Mais c'est seulement depuis qu'on a inventé l'imprimerie. Avant, les livres anciens qui étaient copiés par les moines, ce n'était pas dans un livre comme ça d'ailleurs. C'était pas proche. Oui, c'était pas relié. Ils n'auraient pas pu faire des pages aussi petites, des impressions aussi petites. Là, il faut avoir des bonnes lunettes. Mais donc, la Bible, c'est une bibliothèque qui, en fait, peut varier selon les religions.
- Speaker #0
Tiens, tiens, comment ça ? Il y a plusieurs religions dans la Bible ?
- Speaker #1
Il y a plusieurs religions dans la Bible. Il y a d'abord le judaïsme, qui est un peu à l'origine de tout ça. Et la Bible, en plus, les juifs n'aiment pas trop. Maintenant, ils parlent aussi de Bible, mais c'est un terme plus chrétien que juif. Mais la Bible juive, pour faire court, en fait, c'est...
- Speaker #0
Il l'appelle comment du coup ?
- Speaker #1
Il s'appelle ça avec un mot artificiel, Tanakh. Tanakh, T, c'est pour Torah, c'est le Pentateuch, c'est la première partie.
- Speaker #0
Les cinq premiers livres de la Bible.
- Speaker #1
Voilà, c'est ça. N, c'est pour Nevi'im, donc Im c'est le pluriel, Navi c'est le prophète, donc c'est la deuxième partie, c'est les prophètes. Et trois, Ketuvim, donc vous voyez, on peut faire l'hébreu, c'est très facile, il y a encore un Im, un pluriel. C'est les écrits, donc c'est le reste. Donc au lieu de parler de la Bible, il garde un peu l'idée que c'est en fait un regroupement de collections différentes, Tanakh, Torah, Nevi'im, Ketuvim. Mais parfois il parle de Bible aussi parce que ça s'est un peu imprégné dans le monde occidental. Alors la Bible juive, souvent on dit c'est l'Ancien Testament des chrétiens, parce qu'il manque évidemment le Nouveau Testament qui parle de Jésus et les juifs n'y croient pas trop à cette histoire. Donc on peut dire ça, mais ce n'est pas tout à fait vrai parce que les Anciens Testaments, Merci. Il n'y en a pas un seul non plus. D'ailleurs,
- Speaker #0
si je suis sur la table des matières, c'est ce qui se passe en fait.
- Speaker #1
Alors si je regarde la table des matières, je ne sais pas quelle table on a ici. Parce qu'elle est située au début. Là, c'est une Bible protestante déjà. Il y a plusieurs types de Bibles. Voilà, si on prend les Bibles catholiques, il y a en effet des livres qui ne se trouvent pas ici dans l'Ancien Testament protestant. Parce que les Bibles catholiques... se sont basés sur des traductions grecques, des textes bibliques. Mais il y avait aussi d'autres histoires en grec, comme par exemple, je ne sais pas, le livre de Taubit, ou le livre de Judith, qui massacre le général Assyrien, qui était intégré dans la Bible catholique. Et chez les orthodoxes, ils ont encore mis bien plus. D'accord. Et les protestants, ils ont dit, « Ben non, on ne va apprendre que les textes de la Bible juive. » Donc... Donc ça, c'est vrai, à ce niveau-là, ça correspond. Il y a une autre grande différence, tout est aussi dans l'organisation. Puisque dans la Bible juive, on termine avec les livres des chroniques qui racontent l'arrivée du roi perse qui invite les Juifs qui sont en exil à Babylone de rentrer. Et dans tous les anciens testaments, on termine toujours avec les prophètes, puisque les prophètes annoncent la restauration et surtout la venue du Messie. Et puis après, quand on continue à... avec la partie chrétienne, par exemple, le Nouveau Testament. En fait, ça prépare, donc c'est en fait une sorte d'organisation pour qu'après on peut continuer à dire « Ah oui, c'était déjà annoncé par Esaïe, par Jérémie, par Malachi ou par qui sais-je » . Et donc, en fait, pour vrai dire, il n'y a aucune Bible chrétienne dont l'Ancien Testament est tout à fait l'équivalent de la Bible juive. Peut-être le protestantisme au niveau du nombre et des livres, Mais pas au niveau de l'organisation. Et l'organisation, parfois, c'est quand même aussi assez important.
- Speaker #0
Ça raconte quelque chose déjà.
- Speaker #1
Oui, exactement. Donc,
- Speaker #0
si je prends une table des matières, au fond de la plupart des bibles, disons, c'est vrai que c'est marqué Ancien Testament et Nouveau Testament. Et donc, tu nous dis que dans cet Ancien Testament, disons de manière traditionnelle, par exemple, là sur celle que tu as, on a une organisation particulière. Mais alors, ça veut dire que s'il y a autant de livres différents, il y a plusieurs auteurs.
- Speaker #1
Il y a plusieurs auteurs. et puis surtout pour l'Ancien Testament. Si on prend les textes les plus anciens jusqu'aux textes les plus récents, on a presque, je dirais, grosso modo, vite ou 700 ans de différence entre les textes les plus anciens et les textes les plus récents.
- Speaker #0
Et le plus ancien texte du Abbé, c'est la Genèse ?
- Speaker #1
Disons non, certainement. En plus, il faut faire attention parce qu'en fait, un livre n'a pas été écrit d'un seul trait. Par exemple, si je prends la Genèse, on a des origines du monde des humains autour de Babel. Après, les patriarches, il ne faut pas oublier les matriarches, les traditionnels des patriarches. Abraham, Isaac et Jacob. Et on a l'impression qu'Abraham est plus ancien. Mais au niveau de la mise par écrit, l'histoire la plus ancienne des trois, c'est Jacob. Donc, on a un peu...
- Speaker #0
Jacob précèderait Abraham.
- Speaker #1
Il précèderait au niveau... Au niveau de la mise par écrit, la plus ancienne histoire de Jacob, mais toutes les histoires ont été revisées. Il faut te dire, on écrivait ça non pas comme ça, mais on avait des papiers russes, des rouleaux de papier, parfois aussi de peau, et on écrivait là-dessus.
- Speaker #0
Pourquoi ils ont écrit finalement ? Parce que peut-être ils se racontaient ça le soir autour du feu ?
- Speaker #1
Au début, certaines histoires, certainement, peut-être pas tous, mais les histoires de Jacob, on peut imaginer, c'est encore plus ancien. Qui sont des nomades aussi, des bergers ? Des nomades, des bergers qui sont pas toujours très théologiques en fait. Ils font des tricheries, ils trompent le frère, ils sont polygames. Des histoires très humaines en fait. Puis les femmes aussi se chamaillent, donc c'est très humain. Et c'est des belles histoires. À l'époque, il n'y a pas de télé, il n'y a pas d'Instagram. C'est un peu une feuilleton qu'on peut se raconter. Et c'est possible que d'abord l'histoire de Jacob a été transmise au... au coin de feu, par les anciens. Et puis après, à un moment donné, on a fait de Jacob l'ancêtre d'Israël. Puisque si on lit l'histoire de Jacob, il y a une histoire très bizarre. Tout d'un coup, on rencontre un être bizarre qui lutte avec lui. Et puis on ne sait pas qui c'est. On appelle le rêve de Jacob. Non, ça c'est autre chose. Le rêve de Jacob, ça c'est quand il découvre le sanctuaire de Bethel. Là, certains disent que c'est peut-être aussi un rêve, mais en fait, il veut traverser, il est en train de rencontrer son frère Esaü, avec lequel il s'est vraiment beaucoup fâché, mais à cause de sa propre faute, parce qu'il se fait passer pour Esaü pour obtenir la bénédiction de son père. Alors ça, c'est aussi pas très théologique, de certaine manière, mais toujours est-il, donc au moment où il prépare cette rencontre. Il rencontre, lors d'un passage d'une petite rivière, un être qui se bat avec lui. Et après, c'est un peu comme dans les films de vampires, parce que quand le soleil se lève, cet être bizarre dit « il faut que tu me laisses » . Et puis Jacob dit « je ne te laisse pas si tu ne me bénis pas » . Et puis après, il sera béni, mais il changera aussi de nom. De Jacob, il deviendra Israël, parce que c'est une sorte d'étymologie populaire. dit qu'il s'est battu avec Dieu. Et ça peut signifier de... Dieu aussi. Et donc là, on voit comment Jacob devient en fait une sorte d'ancêtre d'Israël, puisqu'il change de nom. Mais avant, c'était en effet un clan nomade dont on racontait les histoires. Et peut-être il trouvait ça très drôle qu'il a en fait un peu triché. Et après, tout ça est réorganisé pour en faire une sorte d'histoire un peu plus théologique. Au moment où on a commencé à écrire tout ça, Bye ! Il faut se dire, déjà, le support, si vous prenez du papier russe, ça ne se conserve pas hyper bien. Les Mésopotamiens, ceux qui sont en Iran, Irak, ils étaient plus malins, ils avaient pris de l'argile. Ils avaient en fait incisé des tablettes d'argile, ils avaient incisé ça avec des stylets. Et ça, après, souvent, on les mettait au four pour cuire. Et ça, c'est le moyen de stockage mieux que les clés. Ce qu'on a trouvé encore aujourd'hui, c'est une roulette, on peut le lire. Il y a des rouleaux de papier. Les rouleaux de papier, les plus anciens, ça date d'il y a 5000 ans. Et puis pour les rouleaux de papier russes, après 30-40 ans, ça s'abîme. Et surtout dans un environnement un peu humide, ça ne se conserve pas. Donc on va réécrire. Et quand on réécrit, on en profite aussi pour changer, pour ajouter des choses.
- Speaker #0
C'est vrai, du coup, c'est comme une génération plus tard.
- Speaker #1
Une génération réinvente un peu, disons réinvente, réinterprète l'histoire. Mais ça, on le fait tous. Si on prend la génération qui nous précède, on n'a pas toujours la même histoire, la même vue de l'histoire. Et puis, dans la Bible, c'est déjà un peu ça.
- Speaker #0
Mais est-ce que ça veut dire du coup, parce qu'il y a ce documentaire dans lequel tu as participé avec Finkelstein et Zilberman, qui s'appelle La Bible dévoilée. où vous avez quand même, vous développez une thèse qui risque d'en choquer plus d'un qui nous écoute, c'est qu'effectivement, ces personnages n'auraient... probablement jamais existé. Avant de poursuivre l'épisode d'aujourd'hui, je tiens à remercier le sponsor de cet épisode. Et ce sponsor, c'est moi, ou plus précisément ma mission de pasteur sur le web. Et je suis ravie de vous présenter deux magnifiques opportunités pour vous accompagner de manière personnalisée dans votre cheminement spirituel. La première, au Puy de l'Évangile, un espace de ressources et de rencontres online à mes côtés pour cheminer ensemble sur la voie du Christ. Conçue pour explorer la Bible, renforcer votre relation avec Dieu et trouver un nouvel élan dans votre foi. La seconde opportunité, la communauté Agapé, elle va encore plus loin. Elle inclut tout ce que propose le premier programme avec en plus des formations complètes et approfondies sur l'étude et l'interprétation de la Bible et bien d'autres thématiques essentielles de la foi. Une véritable expérience intérieure de la voie du Christ, des mises en pratique très concrètes qui vous permettront de vivre une transformation spirituelle très profonde. Ces deux programmes sont ouverts en ce moment, mais leurs portes se refermeront bientôt pour nous permettre de nous consacrer pleinement à l'accueil et l'accompagnement des nouveaux membres. Les liens pour en savoir plus sont sous cette vidéo dans la description. Vous avez aussi la possibilité de soutenir ce ministère web de l'Église protestante de Genève par un don. Votre contribution permet de maintenir tout le contenu gratuit que vous aimez, comme ce podcast, mais aussi les vidéos YouTube, le blog Ma Lettre du Mardi, les reels et les publications inspirantes. Elle soutient également, bien sûr, l'équipe qui travaille à mes côtés, monteuses, développeurs et stratèges digitaux. Merci infiniment pour votre générosité et votre confiance. Vous êtes une partie essentielle de cette mission et c'est une grâce de cheminer avec vous. Maintenant, il est temps pour moi de vous laisser avec notre invité.
- Speaker #1
Alors, si on prend, ça dépend de qui on parle. Si on parle d'Abraham, d'Isaac, Jacob, Moïse.
- Speaker #0
Des patriarches, là, oui.
- Speaker #1
Donc là, c'est en fait des figures légendaires. C'est un peu comme le roi Arthur. Donc, je ne peux pas t'affirmer qu'il n'y a jamais eu un monsieur Jacob, un monsieur Abraham, mais tout ce qu'on raconte, donc là, on a du mal à baser ça sur des événements historiques précis, dont des bibles anciens. Je ne sais pas s'ils ont encore le cas. Souvent, il y avait des petites chronologies. Je ne sais pas s'ils ont encore le cas là. On dit Abraham 1700 ou parfois 1500 ou 1300. Dans les Bibles plus récents, on a un peu abandonné ça, mais on voulait toujours enraciner ça dans un contexte...
- Speaker #0
La vérité historique.
- Speaker #1
Voilà. Et ça, ce n'est pas le cas. Mais ça pose une question très philosophique. C'est quoi la vérité, comme demande Pilate ? Exactement.
- Speaker #0
Parce que c'est ça, en fait. Je me dis, tous ces gens qui lisent la Bible en se disant « Tout est vrai » , la lisent à la lettre, et puis d'un coup, on leur dit « Ben non, en fait, peut-être ces grands personnages auxquels on s'attache n'ont jamais existé. » Du coup... à quoi ça sert de lire la Bible ? Est-ce que c'est encore pertinent ? Est-ce que Dieu parle encore dans la Bible ?
- Speaker #1
Mais alors, on peut retourner la question. Est-ce que le judaïsme ou le christianisme ou les christianismes se sont fondés sur l'historicité des faits ou sur les textes qui relatent un certain nombre d'histoires ? Parce que pour le Nouveau Testament, c'est un peu la même chose.
- Speaker #0
Oui, sauf que quand même, Jésus, on a beaucoup de probabilités historiques aujourd'hui qui disent que ça a existé.
- Speaker #1
Est-ce que c'est le Jésus historique ? qui est à l'origine du christianisme. Où est-ce que ça part ? Parce qu'en fait, si on prend les textes les plus anciens du christianisme, c'est les lettres...
- Speaker #0
De toute façon, tu vas me consulter, là, je sens.
- Speaker #1
C'est pas grave. Les lettres de Paul, il dit, « Jésus est mort et ressuscité. » OK. Il raconte rien sur le Jésus historique, sur les miracles, sur les guérisons, tout ça. Donc, dans les textes les plus anciens, en fait, on a une confession de foi. Et puis après, on va se dire, « Mais c'est Jésus, il a fait quoi ? » Donc on va raconter des histoires, donc certes peut-être en débats historiques, mais c'est un peu la même chose. Donc le fondement du christianisme, ce n'est pas le Jésus historique, c'est la foi dans la résurrection.
- Speaker #0
Au fond, est-ce qu'on pourrait dire que c'est une expérience ?
- Speaker #1
Alors ça peut être une expérience, et je pense que c'est une conviction. Souvent, la foi est paradoxale, parce que pareil, beaucoup de textes bibliques ont été écrits. à un moment où ce petit peuple était en exil à Babylone, on aurait pu se dire que l'histoire s'arrête. Et puis non, malgré tout, on va dire que c'est Yahvé, le dieu d'Israël, qui est le seul dieu, alors que d'autres avaient dit qu'il se fait battre par les babyloniens, etc. Donc on a cette idée un peu paradoxale. On va affirmer contre les évidences une certaine conviction qui donne de l'espoir. Le christianisme, c'est un peu la même chose pour moi. Et donc l'historicité des figures, je pense que c'est une question un peu moderne. lié à un certain positivisme. Et vrai doit être historique. Mais ce qu'on appelle les mythes, les mythes sont vrais aussi d'une certaine manière. Si je prends l'histoire de Cain Abel, alors on peut dire que ça ne s'est jamais passé. Mais en même temps, on peut dire aussi que ça se passe tous les jours parce que c'est en fait quelque chose, une histoire qui nous renvoie à nous-mêmes, à nos frustrations, à nos penchants vers la violence, etc. Et donc, je n'ai pas besoin d'avoir une vraie histoire de Cain et Abel. L'histoire telle qu'elle est transmise par la Bible me renvoie à un certain nombre de questions, peut-être aussi des pistes de réponse. Et du coup, l'historicité, c'est un peu secondaire.
- Speaker #0
Donc la vérité n'est pas à chercher dans l'histoire véridique, mais dans quelque chose qui est vécu.
- Speaker #1
Non, c'est dans l'historicité, je pense, dans le vécu, dans ce que véhiculent ces textes. Ça ne veut pas dire que tout est inventé de toutes pièces. Quand on regarde l'histoire des rois, donc à partir de David Salomon, ça c'est déjà un peu compliqué. Ils n'ont pas existé encore plus ? Oui, peut-être, quand même. C'est un peu comme Jésus. On a quelques petites possibilités, mais après, les rois, je ne sais pas, comme Omri, comme quel roi ?
- Speaker #0
Ojosias.
- Speaker #1
Là, on a aussi des inscriptions assyriens ou babyloniens qui mentionnent les mêmes rois.
- Speaker #0
Donc l'archéologie vient quand même...
- Speaker #1
Donc là, on peut voir que les histoires sur le roi d'Israël, elles se trouvent dans les annales sans doute. Et puis, en grande partie, il y a toujours une interprétation théologique de ce qu'ils ont fait. Parce que les rois qui sont très mal jugés, d'autres qui sont bien jugés, mais au niveau de leur existence, oui, on peut dire... Mais de nouveau. même s'ils ont existé. Ce qui est important, ce n'est pas tellement qu'ils ont existé, c'est ce qu'on raconte sur ces rois.
- Speaker #0
C'est ce qu'on peut tirer au fond de cette histoire-là. Mais toi, Thomas, quand tu lis la Bible, parce que tu te passionnes pour cette Bible, qu'est-ce que tu y as cherché au fond ? Qu'est-ce que tu y cherches aussi ?
- Speaker #1
Je pense que c'est un peu un reflet d'une longue histoire dont nous faisons partie. On peut lire la Bible, évidemment, de très différentes manières. Quand je fais mes cours... d'abord à l'université, au Collège de France, j'essaie vraiment de comprendre un peu les contextes historiques, etc. Mais souvent, je fais une première lecture, en fait, où j'essaie juste un peu de me laisser un peu habiter par l'histoire. Et ce qui, à mon avis, est assez passionnant avec la Bible, même si on lit la même histoire pour la xième fois, parfois on peut être, en effet, interloqué, mais pourquoi je n'ai jamais vu ça ? Pourquoi il y a ça ? Et après, évidemment, c'est mieux aussi. Tout le monde ne peut pas le faire. C'est bien d'avoir les traductions, mais parfois c'est bien aussi de comparer les traductions si on ne sait pas les langues originelles ou de lire en hébreu ou en grec.
- Speaker #0
Donc en fait, dans ton tout propre chemin de chercheur, tu as quand même une première rencontre, on pourrait dire, avec le texte.
- Speaker #1
Je pense qu'il ne faut pas tout de suite regarder ce que disent les collègues, ce que disent les autres chercheurs. Je pense qu'il faut d'abord avoir une rencontre avec le texte. Le texte, c'est un vis-à-vis. Le texte, parfois... il peut intriguer, il peut donner du courage, il peut faire beaucoup de choses.
- Speaker #0
Il a un pouvoir, en fait, finalement.
- Speaker #1
C'est comme un vis-à-vis, quand même. Et le fait que c'est quand même, sauf erreur, le livre le plus vendu au monde, ça dit quand même quelque chose.
- Speaker #0
Donc, c'est vraiment quand même quelque chose qui t'accompagne aussi sur le plan humain, en fait.
- Speaker #1
Certainement, parce qu'autrement, en fait, se consacrer un peu toute sa vie, même si c'est une bibliothèque, je trouve que c'est un peu futile.
- Speaker #0
Ils ont déjà commencé toute leur vie à Liliane et l'Odyssée.
- Speaker #1
Oui, aussi, c'est un peu pareil. C'est un peu pareil, tout à fait.
- Speaker #0
Donc, si on ouvre maintenant, je commence avec le premier livre, qui est La Genève.
- Speaker #1
Donc,
- Speaker #0
le commencement. Tu les connais par cœur, j'imagine. Le premier récit, c'est La création du monde. Alors, évidemment, est-ce que le monde a été créé en sept jours ? Là,
- Speaker #1
il y a déjà quelque chose qui m'énerve. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Parce que là, il faut une mini-introduction. Et la dernière phrase, tu n'as pas lu. Son action se situe jusqu'à vers 1800 avant Jésus-Christ. Donc la création a eu lieu à 1800 avant Jésus-Christ.
- Speaker #0
Donc là, tu es aussi en train de nous rendre attentifs à une chose. Quand quelqu'un veut démarrer la lecture de la Bible, il faut les gens pour faire.
- Speaker #1
Il faut avoir ces commentaires-là, surtout quand ça vient de la...
- Speaker #0
Il faut prendre une bonne traduction, toi,
- Speaker #1
tu constates quoi ? Une bonne traduction, je suis d'accord. Alors, la taube, c'est assez bon, la traduction de la Bible. Ils ont des introductions, mais ils abstiennent des choses comme ça. Après, il y a la Pléiade, c'est un peu vieillot, mais c'est très, très joli, c'est très beau. Et la Nouvelle Bible seconde, c'est bien aussi. Donc,
- Speaker #0
c'est ce que tu recommandes.
- Speaker #1
Après, je pense que pour toutes les traductions, c'est possible. Après, il y a des traductions un peu étonnantes. Alors, je ne sais pas si tu connais encore la traduction shuraki.
- Speaker #0
Oui, j'adore. Alors,
- Speaker #1
shuraki, on adore. Parce qu'il essaie en fait de rendre un peu l'hébreu ou le grec pour le Nouveau Testament. Parce qu'il faut dire, Chouraki a aussi traduit le Nouveau Testament, il a aussi traduit le Coran. Donc c'est un passionné de ces textes des monothéismes. Mais je pense qu'avec Chouraki, c'est bien quand on comprend un peu l'hébreu ou le grec, parce que tous les jeux de mots, quand il dit les matriciels... Est-ce qu'on va dire que c'est le miséricordieux ? Parce qu'on peut le dire parce que la matrice, c'est la racine de l'utérus qui est utilisée pour miséricordieux, parce qu'on est touché dans les entrailles, etc. Donc c'est une traduction qui souvent a des bons trouvailles. Mais pour quelqu'un qui ne sait pas les langues originelles, je ne sais pas si c'est aussi clair que ça.
- Speaker #0
Mais pas commencer par Chouraki.
- Speaker #1
On peut le prendre avec d'autres, par exemple. Voilà, on peut passer sur ça. Tout à fait.
- Speaker #0
Et donc, on a ce premier texte qui est le commencement de la création du monde. Il y a quand même beaucoup de chrétiens aujourd'hui qui continuent et persistent de croire, ou aussi dans l'islam, j'entends ça aussi, puisqu'ils ont aussi quand même la Bible avec nous, en tout cas qu'ils reconnaissent d'une certaine manière.
- Speaker #1
D'une certaine manière. Voilà,
- Speaker #0
je nuance, parce que pour eux, il y a beaucoup d'erreurs, justement. Mais comment tu... Toi, qu'est-ce que tu réponds à un créationniste qui te dit... C'est écrit.
- Speaker #1
Les créationnistes, entre eux, en fait, ne sont pas toujours d'accord non plus, parce que certains disent que c'est quand même symbolique, d'une certaine manière, c'est un peu... Parce qu'on parle d'intelligence design, ça veut dire que c'est la version un peu soft, où on dit qu'en fait, c'est un peu des étapes, mais qui ne sont pas forcément de jour à jour.
- Speaker #0
Ah oui, qu'un jour ne représente pas forcément un jour.
- Speaker #1
Pas forcément un jour, puisque le psaume n'en dit qu'un jour, c'est mille ans. C'est ça. Mais même ça, je pense que le problème, c'est que si on fait quand même un peu confiance à la science, donc là, il y a quand même une image du monde. En fait, la Terre est au centre de l'univers. Est-ce qu'elle connaît déjà l'univers ? Puisqu'on apprend que le Soleil, la Lune, les étoiles sont accrochées en haut pour illuminer la Terre. Donc ça, évidemment, l'idée de l'univers où la Terre sera au centre, et puis le Soleil et les autres lunes... Merci. C'est juste là pour illuminer cette terre. C'est un peu curieux quand même. Et je pense qu'on peut... Alors où ? Alors il faut dire que tous les scientifiques depuis Galilée, en fait, se sont trompés. Je pense que ça, ce n'est pas l'idée. Et donc, je pense qu'il faut situer, évidemment, ces textes dans leur environnement. À l'époque, c'était un peu comme ça qu'on imaginait le monde. Et aujourd'hui, en fait, il faut essayer de comprendre qu'est-ce qu'on veut dire avec cette histoire. Il faut savoir que ça s'est vraiment passé comme ça. D'ailleurs, on a un autre problème, parce que dans le premier récit... Quand on arrive aux humains, il y a déjà homme et femme. Donc, ils sont déjà là. Après, quand on en tourne, on arrive au chapitre 2. Là, il y a un homme ou un être humain.
- Speaker #0
L'Adam.
- Speaker #1
L'Adam, qui n'est pas encore Adam-Mal, mais qui est Adam-Mal beaucoup plus tard. Mais là, du coup, on se dit, mais il y a un seul être humain au début. Donc, comment faut-on comprendre ça ? Et ça montre déjà qu'on a en fait une collection de différents récits sur les origines qui disent des choses différentes sur... Dieu, le monde et les humains.
- Speaker #0
Et justement, par exemple, celui de l'Adam, qui est comme une espèce d'androgyne, au fond, il a les deux...
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Alors, évidemment, si on regarde un peu les peintures, ou même un peu l'inconscient, ou les catéchismes, j'ai l'impression que le premier Adam est un mâle. Mais en fait, ce n'est pas si clair que ça. Parce qu'Adam, ce n'est pas utilisé comme un nom propre, c'est en fait le terrien, l'être humain.
- Speaker #0
Le glaibeux, il dit Chourac d'ailleurs. Voilà, le glaibeux.
- Speaker #1
Il prit de l'argile de la terre. Et après, quand la femme arrive, en fait, c'est plutôt, là aussi, une question de difficulté de traduction. Ici, je ne sais pas comment ils disent. La femme, il prit une de ses côtes. Oui, la côte d'Adam. Mais le mot hébreu, en fait, c'est plutôt le côté.
- Speaker #0
Donc elle n'a pas été tirée de la côte d'Adam. Non,
- Speaker #1
c'est une autre sorte de...
- Speaker #0
Un visage,
- Speaker #1
un côté. Il les coupe un peu en deux. Je pensais plutôt ça. C'est en fait une différenciation. Et c'est seulement à ce moment-là que, dans le texte biblique, on va parler d'hommes et femmes, ish et isha. Avant, on parle simplement de l'être humain. et donc du coup oui alors les rabbins ou certains rabbins disent c'est androgyne ou un être asexué on ne sait pas trop c'est le premier être et puis en fait la différenciation sexuelle intervient après coup et quand tu dis que ça devient du coup cette différenciation entre ish et isha ça ça veut dire homme et femme ou bien c'est mâle et femelle parce qu'il y a oui alors c'est un peu les deux c'est un peu les deux mais c'est la différenciation donc en fait parce que mais la différenciation il n'est pas encore reconnue par les humains, mais déjà elle est là. Et en fait, l'histoire se termine de cette première partie, en disant qu'ils étaient tous les deux nus, mais ils n'en avaient pas honte. Honte, ce n'est pas forcément l'idée un peu morale, mais c'est un peu la pudeur. Donc ils ne se sont pas vraiment rendus compte que, voilà, tout nu, ils ne se ressemblent pas forcément. C'est ça, et puis ils ne savent pas trop. quoi en faire ? Et ça, il faut que le serpent arrive, qu'il y a la transgression.
- Speaker #0
Alors, juste avant encore d'aller dans cette transgression, parce qu'aujourd'hui, vu que, par exemple, la science est un petit peu, finalement, comme tout à l'heure, l'histoire du Big Bang, enfin, la science a avancé, on sait qu'il y a des personnes intersexes, par exemple, où il y a aussi la question des personnes trans, parce que souvent, dans les milieux littéralistes et fondamentalistes, on va nous brandir ces versets en disant, ben voilà, depuis le début, le plan de Dieu, c'est un homme, une femme, il n'y a pas d'autre genre, c'est ça. Oui,
- Speaker #1
mais je pense que l'important, ce n'est pas forcément que ce soit homme-femme. Évidemment, on prend le modèle le plus courant. Mais ce qui est important, c'est d'abord qu'il dit qu'il faut un vis-à-vis. Alors, le vis-à-vis, on a d'autres histoires dans le Proche-Orient ancien où ce n'est pas forcément une femme. Quand on prend l'histoire que je recommande à tout le monde, Gilgamesh, c'est vraiment le grand best-seller.
- Speaker #0
Donc, c'est dans la Bible,
- Speaker #1
mais c'est une autre... Et qui a beaucoup influencé, d'ailleurs, certains auteurs bibliques. Donc, Gilgamesh, il y a aussi ce roi Gilgamesh qui, à l'origine, est seul et un peu bizarre. Et puis, les habitants de la ville qu'il dirige, Our, ils viennent voir les dieux en disant « on en a marre de ce Gilgamesh » . Et puis, les dieux disent « il lui faut un vis-à-vis » . Mais alors, pour lui créer un vis-à-vis, ils vont créer un kidou. qui est d'abord un être qui vit avec les animaux, mais une fois qu'il est civilisé, c'est un homme, en fait, c'est deux hommes, deux mâles. Et puis ça ne pose pas de problème. Donc, je pense que l'important, c'est cette idée qui est aussi dite dans la Bible, il n'est pas bon que l'être humain soit seul. Mais pour combler la solitude, il y a plusieurs manières de la combler.
- Speaker #0
Mais on peut quand même dire que la société hébraïque de l'époque, je ne sais pas comment la nommer, mais Elle est quand même très patriarcale, elle a quand même le modèle du masculin dominant, c'est ça ? Certainement,
- Speaker #1
certainement. Aussi, quand on parle des auteurs de la Bible, 95% d'hommes, je ne sais pas s'il y a une femme qui ne sait rien, mais disons, c'est clair. Donc, évidemment, ils prennent en fait le modèle qu'ils veulent promouvoir, que l'Église a en se promouvant. Mais en même temps, il y a quand même des histoires qui ressemblent un peu à... Aguil Gamesh et Enkidu, c'est par exemple David et Jonathan.
- Speaker #0
Oui, je pense que c'est ces deux. Donc là,
- Speaker #1
il y a aussi, ce n'est pas une arbitrière exclusive, parce que les deux ont des femmes, mais en même temps, il y a une arbitrière tellement profonde, qui est aussi un peu sexuée quand même, quand on lit attentivement le texte, qu'on voit quand même que c'est quelque chose dont les auteurs de ces textes étaient tout à fait conscients. Et que ça ne les a pas gênés non plus de présenter le premier roi d'Israël de cette manière-là.
- Speaker #0
Donc, en fait, juste pour bien préciser, David et Jonathan, parfois aussi dans des lectures queer, par exemple, sont présentés comme un couple.
- Speaker #1
Tout à fait. Ils sont un couple. Évidemment, ce n'est pas un couple exclusif. Mais je pense que c'est tout à fait légitime que dans les milieux gays ou queer, on se réfère à cette histoire.
- Speaker #0
C'est vrai que si on invitait nos auditeurs à bien regarder ce récit, parce que c'est vrai que moi, je l'avais aussi du coup lu avec ce regard-là. Et c'est vrai que c'est impressionnant. Et d'ailleurs, ce qui est très beau, c'est que justement, même s'il y a peut-être une partie un peu érotique suggérée, mais c'est surtout l'amour très profond qu'il y a entre ces deux, les larmes de Jonathan qui pleurent vraiment de son être aimé.
- Speaker #1
C'est ça, tout à fait. Alors, on peut faire une lecture très politique en disant on veut montrer que le fils de Saül prend le parti de l'ennemi de Saül, mais je pense que c'est un peu trop réducteur. C'est peut-être aussi un aspect, mais je crois derrière. J'ai l'impression que c'est quand même un peu influencé par cette histoire de Gilgamesh à Enkidu, c'est aussi des figures royales un peu. Et donc pour dire que c'est aussi une manière de vivre sa vie. Et même si c'est en marge de la société à l'époque, c'est quand même bien que ça soit entré dans la Bible.
- Speaker #0
Et en même temps, dans la Bible, je suis obligée d'en parler du coup maintenant, c'est qu'il y a, pour tous les homophobes bibliques, on va les appeler comme ça, qui vont tout de suite brandir, par exemple, face à ça, en disant, oui, mais dans le Lévitique, c'est marqué, tu ne coucheras pas comme tu couches avec une femme, etc. Il y a Sodome et Gomorre. Qu'est-ce que toi, qui as écrit ce génial texte, ce génial biboué presque, que je recommande vraiment,
- Speaker #1
l'homosexualité dans le proche orientalien. Héloïse, bonjour. L'étudiante à l'époque, voilà. En fait, ce qu'on peut dire, ça dépend de nouveau un peu des textes. Si on prend Sodome et Gomorre, donc là, il faut juste lire attentivement le texte. pour voir que ça n'a rien à voir avec l'homosexualité. D'ailleurs, le terme de sodomie pour les homosexuels, c'est un peu bizarre. D'ailleurs, ce n'est pas dans toutes les langues. En allemand, sodomie, c'est en fait la soophilie. C'est le rapport sexuel avec des animaux. Je ne sais pas d'où ils ont tiré ça.
- Speaker #0
Mais ce mot sodomie en français, ils l'ont tiré de... C'est une histoire.
- Speaker #1
Mais si on regarde l'histoire attentivement, en fait, ce qui est en jeu, c'est l'agression des habitants par rapport à ces deux inconnus, ces deux visiteurs que l'hôte accueille. Alors on peut dire peut-être qu'il y a une volonté de viol, mais ce n'est pas l'homosexualité. D'ailleurs, il faut peut-être rappeler que même le concept d'homosexualité, un concept très moderne que les auteurs bibliques n'avaient pas du tout en tête. mais on voit très bien en fait que ça tourne plutôt à un non-respect de l'hospitalité, parce qu'encore dans le Nouveau Testament, quand Jésus parle de Sodome et Gomorre... Si Jésus parle de Sodom et Gomorrah, c'est plutôt pour dire que si on ne vous accueille pas, donc en parlant à ses disciples, cette ville sera traitée pire que Sodom et Gomorrah. Donc ça veut dire en effet, dans la lecture de Jésus, Sodom et Gomorrah, c'est un non-respect de l'hospitalité. Donc là, je pense que ça n'a rien à voir avec une quelconque homosexualité. C'est plutôt, à la limite, on peut dire, une sorte de volonté d'abaisser. Les visiteurs, on les violent. Et ça, c'est quelque chose qu'on trouve jusqu'à aujourd'hui, soit dans les prisons, soit dans des contextes de guerre, où ce n'est pas du tout des actes homosexuels, mais on dégrade quelqu'un en le transformant en femme. Donc ça, malheureusement, ça continue jusqu'à aujourd'hui. Et en ce qui concerne l'histoire du Lévitique, alors là, c'est aussi un peu... Pardon ?
- Speaker #0
C'est vrai que c'est incroyable. J'avais jamais entendu cette histoire de... présentation de Sodome par Jésus, parce que c'est vrai qu'on se dit toujours que Jésus n'a rien dit sur l'homosexualité.
- Speaker #1
Mais il a parlé de Sodome. Du coup, il n'a rien dit non plus sur l'homosexualité. Il a eu une lecture de cette histoire en disant, en fait, c'est le non-respect de l'homosexualité.
- Speaker #0
Donc en fait, il est en train de donner quelque part la clé d'interprétation.
- Speaker #1
Et puis, ça vient, je pense, cette lecture qui fait un lien entre Sodome et l'homosexualité. Je pense que ça vient au moment de... de la rencontre entre le judaïsme naissant et la civilisation grecque. Parce qu'on sait que Sodome devient peut-être une sorte de symbole pour Jérusalem. On sait qu'à Jérusalem, il y a un gymnase où les jeunes et les faibles sont nus. Et puis il y a peut-être aussi cette idée de la pédarastie. La pédarastie, en fait, l'idée que les hommes âgés introduisent les jeunes à la sexualité. Ce n'est pas forcément une sorte de relation homosexuelle exclusive, mais l'idée, c'est que c'est les aînés qui montrent aux jeunes comment faire pour bien faire de cette manière.
- Speaker #0
C'est une question que je me suis quand même posée. Ce mot pédérastie et cette pratique-là, quand même, dans l'Antiquité, est-ce que quand même, c'est pas aujourd'hui, on le qualifierait quand même de pédophilie ?
- Speaker #1
Alors, je ne sais pas quel âge ils ont, les jeunes. Ils ont 15, 16 ans. L'idée, c'est... Je ne sais pas s'il faut faire la comparaison. C'est une bonne question. L'idée, en fait, c'est qu'il faut qu'ils soient introduits. C'est-à-dire, on a ça encore aujourd'hui dans quelques civilisations africaines aussi. Au moment de la circoncision, on amène les jeunes et puis on ne sait pas trop ce que l'oncle fait avec eux. Mais donc, c'est un peu cette idée initiatique. Et puis, en fait, on ne dit pas que les Grecs étaient tous des pédés. Ce n'est pas vrai non plus, parce qu'après, on attend quand même que les gens se marient. donc euh Quelqu'un qui est faible et qui couche avec un homme, c'est tout à fait normal. Mais à un moment donné, on imagine aussi qu'il prend une femme et ils font d'une famille. Donc, il faut un peu faire attention parce que parfois, dans des milieux gays, il y a parfois une sorte de glorification de la civilisation grecque. Je dirais que c'est un peu, en plus, comme tu dis aussi, la relation entre des gens âgés, des très jeunes. Je ne peux pas maintenant dire quel âge ils avaient. Quand même aussi, on peut poser des questions. Voilà, donc c'est peut-être à ce moment-là qu'on a relu l'histoire de Sodom et Gomorrah, en mettant un peu l'accent sur les rapports, je ne vais même pas dire homosexuels, mais des rapports hommes-hommes. Pour moi, ça n'a rien à voir. Après, l'histoire du Lévitique, c'est une histoire aussi un peu de genre. En fait, l'idée du Lévitique, c'est quoi ? Un homme ne couche pas avec un homme comme on couche avec une femme. Alors, c'est quoi l'idée ? C'est que l'idée, c'est que si un homme couche avec un homme, comme on couche avec une femme, il y a l'actif et la partie passive. Tant qu'il quitte, aujourd'hui, on peut imaginer les choses un peu différemment. Et donc, en fait, pour un homme, jouer le rôle d'une femme, à cette époque-là, ça pose problème. C'est accepté dans certains milieux. Il y a les eunuques, il y a... Ah, mais qu'est-ce que c'est que les eunuques ?
- Speaker #0
Alors, justement, ça aussi, parce que ça, ça, on pourrait le rapprocher pour les personnes là aussi intersexes.
- Speaker #1
Il y a des... Alors... Il y a plutôt... Alors, les euniques, c'est vraiment les gens qui coupent le sexe, où on écrase les testicules.
- Speaker #0
Oui, parce que je sais que Jésus en parle aussi, mais il dit qu'il y en a qui sont nés comme ça.
- Speaker #1
Alors ça, on ne sait pas très bien ce qu'il en pense. Alors, pour les euniques qui sont faits euniques, donc souvent, dans l'Antiquité, c'est ceux qui sont en charge du harem ou qui surveillent, en fait, les femmes du roi ou des hauts fonctionnaires. Après, on a ce qu'on appelle les assinous. Alors ça, c'est plus intéressant pour les trans, parce que les asinos, je pense, c'est en effet des hommes qui... Alors, est-ce qu'ils sont transgenres, transsexes ? C'est difficile de savoir. Mais en fait, c'est des hommes avec lesquels on couche comme si on couche avec une femme. Et il y a une déesse qui est très, très connue, c'est la déesse Ishtar, qui est tantôt représentée de manière très, très féminine. mais tantôt aussi très, très masculin, parfois même avec un barbe, avec des armes, etc. Et c'est une déesse liée à la sexualité, mais elle n'enfante jamais. Elle est très portée sur le sexe. Ok.
- Speaker #0
Je pensais qu'on est plutôt dans le monde...
- Speaker #1
Je pense qu'on l'a connue aussi au Levant.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
Connue aussi au Levant parce qu'il y a dans le temple, si on parle de la réforme de Josias, donc Josias qui vide un peu le temple de toutes sortes de...
- Speaker #0
De pratique,
- Speaker #1
il y a des femmes qui font des choses pour la Reine du Ciel. Alors, est-ce que la Reine du Ciel, est-ce que c'est Ishtar ou une autre déesse ? Mais je pense qu'elle était connue quand même, Ishtar. Et là, parce que c'est assinou, c'est trans, on avait apparemment aussi dans le Temple Jérusalem.
- Speaker #0
Mais les asinos, c'est quelque chose que tu trouves dans la Bible ou ça fait partie des créos ?
- Speaker #1
Alors, on a dans la Bible un mot pour les prostituées sacrées. Sacrées, on ne sait pas trop ce que ça veut dire. Et c'est à la fin des hommes et des femmes. Et donc, ceux qui sont des hommes, on n'imagine pas, c'est peut-être aussi des hommes un peu trans. Donc, cette pratique, elle existe quelque part. Et c'est toujours un peu la marginalité, comme aujourd'hui. Donc, on a un discours officiel, très moral. Mais en même temps, il y a des petits arrangements. On peut aller voir quand même d'autres femmes. Les hommes bien mariés, ils vont aller voir des garçons. Donc, c'était déjà à l'époque, en fait.
- Speaker #0
En fait, quand je t'écoute, j'ai l'impression que tu décris finalement une société un peu pansexuelle, déjà,
- Speaker #1
depuis... Je pense que la sexualité a toujours été beaucoup plus débordante. Que juste la procréation, et puis cette limitation à une sexualité procréation, certains disent que c'est lié à la révolution industrielle, où en fait il faut que les hommes ne se dispersent pas trop, ils ont leurs femmes qui s'occupent d'eux, et puis donc en fait une sorte de généralisation d'une certaine image de la femme. Quand l'Église catholique vous parle, en fait, sortez. d'ordre biologique qui sera là depuis les origines. C'est un ordre du 18e ou 19e. Je pense qu'il ne faut pas oublier ça.
- Speaker #0
C'est-à-dire, si je redis ce que tu dis, parce que c'est vrai que quand on lit ce fameux récit de la Genèse, Adam et Ève, multiplié, ce qui est souvent traduit par « faites des enfants » . Oui,
- Speaker #1
tout à fait. Oui, multipliez-vous. C'est sûr que, évidemment, l'être humain est là pour peupler la Terre. Mais c'est jamais dit que c'est la seule. Et puis, si on a, par exemple, le cantique des cantiques, il y a une sorte de célébration de la sexualité où d'ailleurs la femme prend autant la parole que l'homme, ce qui est intéressant aussi à l'époque.
- Speaker #0
Ils ne sont pas mariés ?
- Speaker #1
Ils ne sont pas mariés. Ils vont s'éloigner dans les champs pour être un peu tranquilles. Bon, ça envoie quand même aussi que la sexualité, c'est encore autre chose que faire des enfants.
- Speaker #0
Donc toi, tu dis en fait, cette image-là du couple, entre guillemets naturel, biblique. En fait, c'est une invention...
- Speaker #1
C'est un peu une construction plus politique peut-être que théologique que l'Église catholique a mis en avant pour décrire à quoi sert la sexualité. Mais encore si on lit, même Luther, il dit la sexualité c'est là pour qu'on a du plaisir. Donc il n'est pas contre faire des enfants, bien sûr. Mais il insiste aussi sur le plaisir, alors qu'à tout un coup le plaisir est devenu quelque chose...
- Speaker #0
De mal.
- Speaker #1
De mal, que ce soit chez les catholiques, mais aussi dans des milieux un peu, ce qu'il faut dire, piétistes, fondamentalistes. L'exualité, bon, il faut le faire, mais il ne faut même pas se déshabiller. Il faut juste avoir un petit trou pour que l'on puisse faire ce qu'il faut faire. C'est quand même bizarre.
- Speaker #0
Et puis, justement, vu que tu parlais des femmes et que tu parlais des matriarches tout à l'heure, qui est un peu un mot qu'on a dû inventer le reste de notre temps, c'est vrai qu'il y a... C'est vrai qu'aujourd'hui, par exemple, souvent j'aime bien quand on dit les patriarches et les matriarches, et puis quand on parle d'Abraham et Sarah et Agar, ou par exemple de Jacob, Rachel et Léa, qu'est-ce que tu sais de toi, qu'est-ce que tu peux nous dire de la place des femmes à l'époque ? Est-ce que vraiment on a cette image parfois que ce sont des esclaves, pas des esclaves, mais qu'elles n'ont pas beaucoup de droits ?
- Speaker #1
Alors, quand on regarde par exemple l'histoire d'Abraham avec ses femmes Isaac et Jacob, on voit quand même que les femmes... principales, ils ont quand même leur mot à dire. C'est quand même Sarah qui dit à Abraham, écoute, tu vas coucher avec Agar parce qu'il me faut une descendance. Ensuite, les deux femmes, Léa et Rachel, ils disent à Jacob, tu vas coucher avec telle servante ou telle servante et ça sera compté comme une descendance pour moi. Donc les hommes, ils suivent. Ils ont quand même un certain pouvoir. Rebecca va quand même aussi se jouer de son mari parce qu'elle veut que c'est Jacob qui ait la bénédiction. Donc ils ne sont pas si passifs que ça. Ils ne sont pas si passifs, ils prennent quand même des initiatives un peu comme leur mari.
- Speaker #0
Et d'ailleurs, j'étais hyper surprise de découvrir que justement, si je me souviens bien, c'est Rachel, quand elle va rencontrer Jacob, en fait, il est dit qu'elle est bergère.
- Speaker #1
Bergère, je ne me souviens plus.
- Speaker #0
Alors, j'ai lu ça dans une traduction, c'est possible ?
- Speaker #1
Des troupeaux, voilà. Souvent, les filles, comme chez Moïse, vont aller abreuver les bétails. Donc ça, en effet, je ne sais pas si c'est... On peut dire au moins, les jeunes filles peuvent faire ça aussi. peut-être plus à travail des garçons. Ce qu'on s'imagine. Par exemple, l'histoire de Moïse, quand il rencontre Zipporah, apparemment ce prêtre-là, il n'a que des filles, donc ils vont aussi faire abreuver le troupeau. Puis Moïse va les défendre contre d'autres clans. Mais c'est vrai que l'idée que les femmes soient totalement soumises...
- Speaker #0
Ou que les femmes soient à la cuisine. Par exemple, j'ai aussi lu que Jacob fait un potage.
- Speaker #1
Il fait aussi la cuisine. Il fait aussi la cuisine. Il fait une soupe de lentilles, on ne sait pas trop, pour son frère. Parce que c'est une autre manière de raconter comment il a réussi à garder, disons, à récupérer le droit de premier-né. il y a deux histoires, une fois avec la tricherie où il se fait passer pour Esaü, et l'autre où Esaü lui vend son droit de promener. Mais c'est vrai que parfois, les frontières sont un peu floues. Après, comme on disait tout à l'heure, il ne faut pas non plus vouloir lire les textes contre les évidences. C'est des textes qui ont été écrits à un moment où on avait une certaine idée, une certaine hiérarchie. La polygamie existe. Elle n'est peut-être pas si répandue que ça parce qu'elle coûte cher. Donc tout le monde ne peut pas être polygame. Donc il faut déjà avoir une certaine puissance un peu économique. Mais elle existe, elle n'est pas interdite. Et donc pour revenir à cette histoire du lévitique, il y a quand même cette idée qu'un homme est supérieur à une femme parce que la femme est quand même liée un peu à la passivité. Donc, mélanger les genres à ce niveau-là, c'est considéré comme pas très juste. Mais en même temps, comme on disait également, il y a quand même toujours un peu des espaces marginals. Je ne sais pas s'il faut parler de marginal, mais des espaces qui ne sont pas au centre, mais où peuvent évoluer toutes sortes d'autres choses.
- Speaker #0
C'est ça qui est passionnant en discutant avec toi, Thomas, c'est qu'on se rend compte que finalement, plus on lit la Bible, plus on voit qu'il y a des paradoxes, qu'il y a vraiment de tout. Comme tu dis, on voit les marges et elles sont quand même écrites. Si ce podcast est en train de te passionner, dis-toi qu'il en existe beaucoup d'autres en audio et en vidéo. Alors pour ne rien rater, je t'invite à t'inscrire à ma lettre que j'envoie tous les mardis pour annoncer les sorties, mais aussi avec un message percutant, contemporain, moderne et inclusif pour t'encourager dans ton chemin de foi. Tu trouveras toutes les informations et les liens juste en dessous de cet épisode dans le descriptif. Et maintenant, on retrouve tout de suite mon invité.
- Speaker #1
Les marges sont écrites, c'est ça ce qui est magnifique dans la Bible. on n'a jamais vraiment censuré à ce niveau-là. Même pas faire, justement, ce qu'on disait tout à l'heure dans la Genèse, on a deux histoires de création des humains. N'importe qui peut se rendre compte que ce n'est pas la même chose. Mais on les a mis ensemble, sans dire que le premier est meilleur que le deuxième. Dans le Nouveau Testament, pourquoi on a quatre évangiles ? On aurait pu se dire aussi, on choisit, je ne sais pas trop, Jean ou Matthieu. Mais on a quand même gardé les quatre. Et après, quand on les lit attentivement, les images qu'on a après de Jésus ne sont pas tout à fait identiques non plus. Si on les lit Luc ou Jean, Mathieu ou Marc, voilà.
- Speaker #0
Donc ça nous immunise en vérité. C'est comme si dans la Bible elle-même, il y avait l'antidote pour éviter le fondamentalisme.
- Speaker #1
Il y a déjà ça dans la Bible. Et je pense qu'il faudrait un peu de nouveau apprendre du judaïsme. Parce que dans le christianisme, après, on est passé par cette idée de mettre de l'ordre dans tout ça. On a eu d'abord Thomas d'Aquin, puis après les grands sommes théologiques jusqu'à Karl Barth. Peu importe si on le connaît ou pas. Mais il y a toujours cette idée de faire une théologie. D'ailleurs, quand je faisais mes études, on parlait de la théologie de l'Ancien Testament, la théologie du Nouveau Testament. Et puis dans le judaïsme, on a plutôt l'idée d'un débat. Quand on prend le Talmud, qui rassemble un peu les discussions rabbiniques, surtout sur la Torah, le Pentateuch. On voit, elles ne sont jamais d'accord entre eux. On ne va pas forcément dire, un tel a raison, un tel a tort. Ce qui est mis un peu en avant, c'est le fait que ce texte-là nous invite, en fait, à échanger. Qui dit, moi, je le dis comme ça, moi, je lis ça comme ça.
- Speaker #0
Comment ça se fait ?
- Speaker #1
Tout est possible, mais... Déjà, qu'on essaye d'expliquer pourquoi on le lit comme ça, puis qu'on arrive aussi à entendre un autre qui va dire, moi, je le comprends comme ça. Et je pense que c'est très important. Donc, je pense qu'une bonne manière de lire la Bible, c'est aussi de la lire un peu en petits comités. peut-être pas forcément aux autres, donc on peut bien sûr la lire seule, mais c'est bien aussi de le lire un peu en groupe, parce que là, on peut tout de suite un peu voir comment le texte peut provoquer selon, d'être aussi l'histoire de tout un chacun ou chacune, comment le texte peut provoquer des réactions différentes.
- Speaker #0
Comme tu disais tout à l'heure, en fait, plus tu la lis toi avec les années, plus il y a des choses qui...
- Speaker #1
Oui, puis jamais, c'est un peu ce qu'on a appelé Pafat dans le judaïsme, la lecture infinie. La Bible a quelque chose d'une lecture infinie. Pour le judaïsme, c'était plutôt l'idée que les textes bibliques, d'abord, ils étaient écrits sans les voyelles. Il n'y a que les consonnes.
- Speaker #0
Tu peux nous expliquer ça ? C'est donc la langue originelle.
- Speaker #1
Alors, l'hébreu, à l'origine, un peu comme d'ailleurs l'arabe, à l'origine, on ne met, et encore jusqu'à aujourd'hui dans les journaux en Israël, on ne met que les consonnes.
- Speaker #0
Donc, on doit deviner les voyelles.
- Speaker #1
Donc, après, dans le contexte, on arrive souvent un peu à deviner. Mais si je te donnais un mot, je ne sais pas, M-R. La consonne M-R.
- Speaker #0
Ah, ça peut être Amar, Omé...
- Speaker #1
Non, mais en français. Ah, pardon. Je me suis sentie en examen. Non, juste pour montrer un peu aux gens. La M-R, ça peut être, je ne sais pas, la mer, le mur, mire.
- Speaker #0
Oui, c'est ça, il y a plein de possibilités.
- Speaker #1
Et puis évidemment, dans le contexte, ça devient plus simple, mais le judaïsme, à un moment, ils ont même joué un peu avec ça, en disant, bon, ça veut dire ça. Et puis c'est seulement dans un deuxième temps, au Moyen-Âge, qu'on s'est dit, il faut un peu organiser. Et donc on a inventé des petits signes qui désignent le A, le E, le I. D'ailleurs, c'est un peu comparable à ce qui s'est passé pour le Coran, c'est un peu la même chose, donc on a stabilisé un peu la lecture. Mais l'idée est un peu d'une lecture infinie. Même après, il y a des rabbins qui se sont amusés en disant, si on enlève les voyelles, on pourra aussi imaginer que c'est comme ça. Donc, on ne s'interdit pas, en fait, d'être un peu inventif par rapport au texte.
- Speaker #0
C'est génial, c'est très libérateur, ça, de se dire qu'en fait, dès l'origine, quand on a une traduction en français, on est un peu déjà…
- Speaker #1
Là, on vous donne le sens un peu, c'est ça. C'est ça,
- Speaker #0
une petite orientation.
- Speaker #1
Après, on voulait faire ça aussi avec la Bible hébraïque. mais je pense qu'il y a quand même toujours un peu ce souvenir que... Il y a une différence entre les consonnes et les voyelles. D'ailleurs, après, les protestants qui savaient ça, il y a eu toute une histoire, je ne sais pas si on va parler de ça, de l'inspiration, comment le texte biblique peut être inspiré, donc insoufflé par Dieu. Et donc, il y avait tout un débat de savoir est-ce que c'est seulement les consonnes qui sont inspirées ou aussi les voyelles, parce qu'ils savaient très bien, après Erasme et tout ça, qu'il y avait en fait des manuscrits où les voyelles sont venues après coup. Et d'ailleurs, les textes les plus anciens que nous avons, les textes de Qumran, c'est un endroit sur la mer morte. Là, les textes n'ont pas les voyelles.
- Speaker #0
Donc ça, c'est les manuscrits les plus anciens de la Bible ?
- Speaker #1
Ce qu'on a actuellement, qui date du troisième, plutôt deuxième siècle avant l'ère chrétienne.
- Speaker #0
Donc c'est en fait des écrits dont on sait qu'ils sont beaucoup plus anciens, du huitième siècle avant Jésus-Christ, mais on n'a que les manuscrits ?
- Speaker #1
Disons matériels, on n'a que ces manuscrits-là. Alors après, si on dit que ça vient du huitième siècle... On est un peu dans l'hypothèse. À un moment, on pensait même aller jusqu'au dixième. Aujourd'hui, on est devenu un peu plus prudent. Mais en même temps, quand on regarde Qumran, on se rend compte que ce n'est pas parce que parfois, il y a après les minimalistes qui disent, si on n'a que Qumran, il faut commencer avec Qumran. Et donc, il n'y a pas des textes plus anciens que Qumran. Mais il y a quand même le fait que le même livre, donc c'est toujours fragmentaire. Mais si je prends le Deutéronome, on a deux fragments... pas d'en bas d'eux. On a 20 fragments du Deutéronome et souvent il y a des petits différences. Et donc qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire si on a là déjà des rouleaux du même livre et qui ont des différences, ça veut dire qu'il y a déjà une histoire de la transmission qui doit être antérieure. Alors jusqu'à quand ? Ça reste évidemment à discuter, mais il semble difficile de dire tout commence avec Qumran. Heureusement qu'on a Qumran parce que là on a au moins des certitudes un peu matérielles.
- Speaker #0
J'allais te dire, plus je t'écoute, plus, je pense, que les auditeurs et auditrices font l'expérience d'avoir de moins en moins de certitude sur la Bible.
- Speaker #1
C'est peut-être bien. C'est peut-être bien parce que c'est peut-être aussi une manière de relire les textes sans trop de préjugés et de dire, voilà, comment je vais lire et comment je vais comprendre ces textes.
- Speaker #0
Mais alors, est-ce que ce livre est encore sacré ?
- Speaker #1
Ça dépend de ce qu'on appelle sacré. Disons, si on dit que c'est intouchable, peut-être pas. Mais sacré dans le sens que c'est une histoire un peu spéciale qui se crée autour de la Bible, que ce soit dans les christianismes ou dans les judaïsmes. Je pense que ce livre garde un statut particulier. C'est ça, sacré, parce que sacré à l'origine, c'est mis à part. Et mis à part, oui, d'une certaine manière, parce que ce n'est pas, à mon avis, un livre comme les autres. Il y a tellement de densité, à la fois historique, mais aussi, je dirais, théologique. dans ses différents livres. Et ça montre que le fait qu'on le lit encore aujourd'hui, ça montre quand même qu'il y a des choses qui nous parlent. Peut-être des choses qui nous parlent moins. On n'est pas obligé de mettre tout au même niveau.
- Speaker #0
Alors Thomas, toi, en tant qu'être humain, qui as cheminé toutes ces années, est-ce que tu crois, est-ce que tu as l'hypothèse que puisque ce n'est pas un livre comme les autres, est-ce qu'au fond, peut-être, Dieu existe et l'a quand même inspiré ?
- Speaker #1
Alors, je ne sais pas. Alors, tous les tentatives de prouver l'existence de Dieu, à mon avis, se loupaient. Et la foi, comme le dit l'épître aux Hébreux, c'est justement quelque chose qu'on ne peut pas prouver. C'est plutôt une position de vie. Mais le fait que c'est un texte qui nous renvoie toujours des choses, et pour beaucoup de gens, c'est un texte qui les accompagne, et aussi dans des situations compliquées. Je pense qu'il y a quand même quelque chose. Alors, est-ce que c'est Dieu, ou la transcendance, ou peu importe comment on veut l'appeler ? Mais il y a quelque chose, je pense, c'est quand même ce qu'on peut dire. Après, ça prouve rien. Mais ça prouve seulement que c'est un livre qui nous parle tous les jours, si on veut bien faire l'effort de le lire. Après, on peut aussi dire, je m'en fous, je lis autre chose, pourquoi pas. Mais je pense qu'il y a quand même beaucoup de gens aussi, ce que je vois souvent aussi dans mes cours au Collège de France, il y a beaucoup de gens qui disent, mais moi, j'étais traumatisé avec cette Bible, parce qu'on m'a tellement raconté des choses là-dessus. et là je veux redécouvrir Et souvent, c'est une sorte de libération, simplement de redécouvrir sans qu'on a déjà une certaine idée de lecture dans une certaine perspective, qu'il soit catholique, protestant, juif ou d'autre. Donc, il faut aussi parfois libérer ou, disons, défendre la Bible contre ses interprètes. Ça, c'est important aussi. Je pense parfois, je me dis aussi, je suis un peu, ou j'essaye un peu d'être l'avocat de la Bible contre toutes sortes de récupérations. Après, peut-être que je récupère aussi, parce qu'il ne faut pas être non plus naïf. Chaque fois qu'on lit, on a aussi sa propre histoire, ses propres contextes, ses propres vécus. Mais je pense que si on est lucide, on peut aussi dire, essayons quand même de se réapproprier ce texte sans passer tout de suite par telle ou telle case protestant, catholique, juif.
- Speaker #0
Mais c'est vrai que ce n'est pas un exercice facile, comme tu disais, j'essaie de lire cette... texte et puis d'oublier tout ce que j'en sais ou bien tout ce que j'ai entendu et de trouver juste une lecture nouvelle.
- Speaker #1
Voilà, donc je pense que c'est vrai qu'on a toujours une sorte, pas tous, mais beaucoup de gens ont quand même une certaine socialisation qui est liée à certains textes, mais c'est rare qu'on a lu tous les textes. Puis si, c'est pour ça, je pense, si on les lit peut-être à plusieurs, c'est aussi une manière d'entendre d'autres, puis ça, ça peut aussi un peu déplacer. les compréhensions qu'on peut avoir sur ces textes.
- Speaker #0
Quel est ton texte préféré dans toute cette Bible que tu as étudiée ?
- Speaker #1
Moi, j'aime beaucoup Joseph, mais j'aime surtout Jonas, parce que Jonas, ça montre une chose, que Dieu peut changer la vie. Parce que souvent aussi, surtout dans le christianisme, on veut présenter Dieu, il est ceci, Dieu, il est ceci. Dans l'histoire de Jonas, c'est quand même assez intéressant. Dieu dit, il faut que tu ailles annoncer la destruction de Ninive. Puis Jonas ne veut pas y aller, après il y va, et puis Dieu dit, finalement je ne vais pas détruire, parce qu'ils font du jeûne, ils changent d'attitude, même les animaux se mettent. Et puis Jonas est très mécontent. Mais pourquoi il est mécontent Jonas ? Bizarre, non ? Parce que dans le Deutéronome, il est dit, au chapitre 18, si un prophète annonce quelque chose au nom de Yahvé, c'est le nom du Dieu d'Israël, et si ça n'arrive pas, c'est un faux prophète. Donc Jonas, il est narcissique quelque part. Il dit « moi j'ai annoncé, tu m'as dit, tu vas détruire. »
- Speaker #0
« Tu fais tout ce qu'il fallait. »
- Speaker #1
Et puis maintenant, tu dis « je ne détruis pas » . C'est aussi un apprentissage par rapport à nos certitudes sur Dieu. Donc les théologiens, souvent, ils pensent qu'ils savent tout sur Dieu. Et puis, du coup, Dieu peut surprendre. Donc du coup, Jonas doit un peu apprendre que Dieu peut changer la vie. Et puis, ce n'est pas forcément comme il l'a même. Il imagine, lui, les choses. Et je trouve que c'est une belle histoire.
- Speaker #0
C'est très joli, oui. Du coup, ça me conduit à peut-être développer une dernière chose. C'est effectivement, tu as écrit un livre qui s'appelle quand même Dieu, une invention humaine. Qu'est-ce qui t'a amusé à ça ?
- Speaker #1
Ça s'appelle l'invention de Dieu.
- Speaker #0
L'invention de Dieu,
- Speaker #1
pardon. C'est un peu plus subtil.
- Speaker #0
Oui, donc tu as écrit l'invention de Dieu.
- Speaker #1
L'invention, oui. Parce que c'est un livre qui se veut historique. Et qui se veut ce qu'un historien ou une historienne peut dire aujourd'hui sur l'origine du dieu biblique qu'il y avait. Mais invention, moi j'avais bien, au début je ne savais pas très bien pour tout te dire, c'était l'éditeur qui m'avait dit, voilà, prenez ce titre. Au début je me suis dit, parce que je voulais faire une histoire du dieu Yahvé. Il m'a dit, oh ça, ça ne va pas. Si tu fais une invention de Dieu, c'est beaucoup mieux. Et après je me suis dit, oui, mais invention c'est aussi... découvrir. Un inventeur, c'est aussi quelqu'un qui découvre quelque chose. Donc, il y a un peu une double compréhension. Donc, évidemment, on invente des histoires sur ce dieu, mais on les invente parce qu'on a découvert quelque chose. Donc, pour moi, c'est une manière, en fait, de mettre ensemble à la fin. Le fait qu'il y a des expériences qu'on n'a pas mal à reconstruire, mais qui mènent ensuite à l'invention d'histoires, mais ces histoires elles-mêmes peuvent se baser sur au pas seulement de l'expérience, mais peut-être aussi sur des événements historiques ou sur des enjeux religieux ou théologiques ou politiques ou n'importe. Donc finalement, j'aime assez ce titre, mais dans certains pays, quand on a traduit le livre, certains ont parlé de l'invention de Dieu, certains ont mis les origines de Dieu. On pensait que ça pourrait être choqué, mais en même temps, je ne pensais pas si choquant que ça. On s'invente, parce que même Luther, et je ne sais pas si je l'ai dit dans le livre, mais souvent quand je fais des conférences là-dessus, Luther dit qu'est-ce que c'est un Dieu. Dans son commentaire sur les dix commandements, il dit qu'est-ce que c'est un Dieu. Et il dit, c'est sur quoi tu mets tout ton espoir, toute ton espérance. Tu peux dire, voilà, tu t'inventes en Dieu, mais tu peux le dire aussi, c'est là où tu as besoin de mettre ta confiance, ton espoir, etc. Donc voilà, je pense que ce n'est pas si choquant que ça.
- Speaker #0
Mais c'est vrai que ça peut peut-être aussi rejoindre une problématique que des fois les gens se posent quand justement ils lisent la Bible. Entre ce premier testament et le nouveau, c'est de voir tout d'un coup parfois un dieu vengeur qui tue les premiers dieux en Égypte, un dieu qui a ses violents, un dieu des armées, un dieu de la guerre. Et puis justement, tout d'un coup, on a le dieu de miséricorde. On a l'impression qu'il vient et puis les gens se demandent parfois mais est-ce que c'est le même, précisément ? Est-ce que c'est le même dieu ?
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Alors, je ne sais pas s'il y a une évolution. D'ailleurs, je pense que cette opposition, on vient de parler de Jonas, là où c'est plutôt un dieu de miséricorde, parce qu'il dit « je ne vais pas détruire Ninive, bien qu'ils avaient bien mérité » . C'est aussi les plus grands ennemis d'Israël, c'est quand même les Assyriens. Ninive, c'est la capitale des Assyriens. Donc, cette opposition entre l'Ancien et le Nouveau Testament, qui a parfois mené quand même à un certain antisémitisme ou anti-judaïsme. Le dieu des Juifs, ce n'est pas le dieu des chrétiens. Ça, je pense que c'est dangereux. Et si on regarde bien le Nouveau Testament, tout n'est pas non plus paix, joie et bonne humeur. Donc, c'est quand même un peu plus complexe. Par exemple, moi, je trouve un texte qui est assez difficile dans le Nouveau Testament. C'est Matthieu 25. Matthieu 25, c'est un peu l'annonce du jugement dernier. Où là, on dit en fait, il y a ceux qui sont condamnés à la damnation éternelle. Je pense que ça, ça a beaucoup plus traumatisé les gens que l'Ancien Testament. Donc là, l'idée, c'est une fois tu as ce jugement, tu es damné pour l'éternité. Et ça, dans l'Ancien Testament, tu n'as jamais ça. Tu annonces un jugement, elle se fâche, elle se met en colère. Mais parfois, elle tourne.
- Speaker #0
Il est toujours inattendu, en fait. Il est inattendu,
- Speaker #1
puis c'est vrai, il y a des expériences difficiles dans le livre de Job, etc. Mais se dire qu'il y a une sorte de jugement définitif, c'est plus dans le nouveau que dans le premier. Et après l'apocalypse de Jean, où il y a aussi une sorte de grande guerre cosmique, ce n'est pas non plus très paisible. Donc Jésus n'est pas toujours très paisible non plus, je pense. Et puis il ne faut pas oublier que pendant trois, quatre siècles, les premiers chrétiens, en fait, ils n'avaient pas le Nouveau Testament. Le Nouveau Testament s'est mis en place. Il y avait des textes déjà, des lettres de Paul qui circulaient. Après, au premier siècle, il y a aussi les évangiles, mais ils n'étaient pas encore considérés comme une sorte d'appendice ou de...
- Speaker #0
De nouvelle Bible, on va dire.
- Speaker #1
De nouvelle Bible ou de deuxième partie d'une Bible. Donc ça, on a dû attendre. Ça veut dire aussi que pour les chrétiens, l'Ancien Testament faisait partie ou c'était d'abord la seule Bible. Je suis parfois un peu gêné quand je vois qu'on publie le Nouveau Testament comme un livre à part, alors que ça n'a jamais été sa vocation. Le Nouveau Testament a toujours voulu accompagner la première partie de la Bible chrétienne et pas la substituer à cette Bible. Personnellement, je n'aime pas ça.
- Speaker #0
C'est vrai que quand je t'entends, je me rends compte, enfin moi je dis souvent Jésus était juif, etc. Mais c'est vrai que ça va totalement avec le fait que les Écritures sacrées pour lui, c'est la...
- Speaker #1
C'est comme il parle de l'île des prophètes, il parle du Pentateuch, des livres prophétiques, enfin des psaumes. Sa Bible, c'était... Évidemment, il n'y avait pas encore les Épitres de Paul ou d'autres, c'est sûr.
- Speaker #0
Alors j'ai quatre dernières questions très courtes.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Alors Thomas, si tu pouvais rencontrer un personnage biblique, qui serait-il et qu'est-ce que tu aurais envie de lui demander ?
- Speaker #1
Alors, le personnage biblique, c'est tous des personnes anonymes. Je serais bien aimé rencontrer le dernier rédacteur du Pentateuque qui a mis ensemble la première partie de la Bible. Et puis, je suis envie de lui demander s'il y a un peu de vérité dans les idées que j'ai sur la formation du Pentateuch.
- Speaker #0
C'est génial, j'adore. Si Dieu te donne un vœu à exaucer, qu'est-ce que tu lui demanderais ?
- Speaker #1
Un vœu à exaucer ? Un vœu par rapport à la Bible ou par rapport à...
- Speaker #0
Par rapport à la Bible, allez !
- Speaker #1
Si le vœu à exaucer, c'est qu'il me présente tous les auteurs et rédacteurs de la Bible.
- Speaker #0
J'ai reçu Valérie Nicolet avant toi, professeure de Nouveau Testament. Elle a écrit une petite question pour toi. Elle ne savait pas que ce serait toi. Donc, elle a dit une question qui lui viendrait à l'esprit, à laquelle le prochain invité pourrait répondre.
- Speaker #1
Je découvre. Quelle est ta fête chrétienne préférée et pourquoi ? Alors, ce n'est pas très compliqué. C'est Noël et ce n'est pas une fête chrétienne.
- Speaker #0
C'est-à-dire du fait de la version non chrétienne ?
- Speaker #1
C'est-à-dire, non, c'est une fête, à mon avis, ce que j'aime avec chrétien. Bon, alors on peut discuter éternellement sur Noël, mais au début, quand j'étais un peu plus protestant austrique, je me suis dit, mais Noël, c'est n'importe quoi. Et après, je me dis, maintenant, avec tous les défauts qu'on veut bien donner à cette fête, moi, je trouve que c'est une fête où tout le monde se retrouve. C'est en même temps que Hanoukka. Les musulmans le fêtent aussi. Le sapin, qui n'a absolument rien à voir avec le noël, mais il est partout. Donc, à mon avis, c'est un fête qui fait du lien. Et bon, évidemment, on peut dire la question, disons, le côté négatif, c'est très commercial. Mais en même temps, c'est aussi une fête où il y a les ténèbres, on met des lumières. Et puis, moi, j'aime de plus en plus Noël.
- Speaker #0
Merci de nous faire reviviter ce Noël qui vient. Merci beaucoup, Thomas. Du coup, je vais te laisser, toi, écrire une question pour la prochaine personne qui sera invitée sans que tu saches qui c'est. Alors,
- Speaker #1
je le mets sur ce feuille-là ?
- Speaker #0
Oui, tu peux,
- Speaker #1
oui. Voilà, tu peux le lire.
- Speaker #0
Ah, c'est très joli. Je me réjouis. Merci infiniment, Thomas. Vraiment, c'était un plaisir de t'écouter, de découvrir, de faire vraiment cette expérience avec toi. de redécouvrir « Je trouve la Bible autrement » et toutes ces interpellations et ces interrogations. Merci mille fois.
- Speaker #1
Merci pour tout ce travail de faire un peu disséminer la Bible aussi ailleurs que dans les églises ou dans les synagogues.
- Speaker #0
Merci Thomas, à bientôt et Joyeux Noël. Voilà, j'espère que cet épisode t'a plu. Et maintenant, j'ai un petit mot pour toi de fin. De nombreuses pépites ont été échangées dans ce podcast. Il y a peut-être des infos que tu aurais aimé garder, des liens qui auraient pu t'être utiles. Eh bien, si tu n'as pas pris de notes, ce n'est pas grave, j'ai une bonne nouvelle, nous l'avons fait pour toi. Nous avons résumé tous les moments forts de cette émission avec tous les liens dans une fiche gratuite que tu peux télécharger maintenant en cliquant simplement sur le lien qui se trouve dans la description de ce podcast. Tu entres ton email et tu reçois ça tout de suite. Et si cette émission t'a plu, évidemment, n'hésite pas à nous mettre 5 étoiles sur la plateforme et nous laisser un commentaire. Tu sais que ça nous aide à propager la bonne nouvelle de l'amour absolu du Christ. Je te bénis. Et je te souhaite de te retrouver dans la prochaine émission.