Speaker #0On m'a dit que j'allais devoir vivre avec, quand j'ai parlé de ma douleur qui ne partait pas, quand j'ai expliqué que j'avais tout essayé mais que ça revenait toujours, quand j'ai dit que j'étais fatiguée d'avoir mal, on m'a répondu il va falloir apprendre à vivre avec. Et je me suis sentie condamnée, comme si c'était fini, comme si je devais juste m'adapter à cette souffrance. Alors j'ai serré les dents, j'ai appris à faire comme si, mais à l'intérieur j'étais à bout. Ce n'est pas juste la douleur, c'est ce qu'elle m'empêche de vivre. et l'idée que je devrais m'en contenter. C'est ça qui me fait le plus mal. Dans quel contexte on entend cette phrase ? On m'a dit que j'allais devoir vivre avec. Souvent après des examens médicaux qui ne trouvent rien de précis, des traitements qui ne fonctionnent pas, ou même, surtout même, face à des douleurs un peu invisibles, du style de la fatigue chronique, des douleurs musculaires, des migraines, des troubles digestifs, une tension constante, ou même pour des douleurs émotionnelles récurrentes. Du style anxiété, tristesse persistante, colère. Donc cette phrase, elle peut venir des médecins, des psychologues aussi, des psys, ceux qui s'occupent de la santé mentale. Ça peut être aussi des proches. Et souvent, c'est dit pour nous apporter une forme de soulagement. C'est une tentative de nous soulager en nous disant, d'une certaine façon, accepte, fais avec, quoi. Mais ce qu'on entend, nous, quand on entend cette phrase-là, intérieurement, c'est qu'il n'y a plus d'espoir. Et quand on vit déjà avec une douleur qui nous épuise parce que ça nous fatigue, cette phrase, elle a un coût de plus. Et encore une fois, c'est une phrase qui va nous figer, qui va nous enfermer et qui va nous faire perdre confiance, espoir en la vie. Ce que j'ai envie de donner comme explication, et ce qui est très important selon moi, c'est qu'il y a une grande différence entre accepter ce qu'on ressent et se résigner à ne plus bouger. Parce que quand on dit à quelqu'un « tu vas devoir vivre avec » , on le prive d'une chose qui est pour moi essentielle, c'est le pouvoir d'agir sur son propre corps. Et quand je dis ça, ce n'est pas dans le sens de guérir à tout prix et de vouloir supprimer la douleur à tout prix, mais plutôt dans le sens de retrouver du mouvement, de la présence, de la sécurité, retourner dans quelque chose aussi d'agréable, parce qu'on a oublié qu'on pouvait aussi avoir des sensations agréables dans le corps. Le problème, c'est que la douleur chronique n'est pas seulement un symptôme médical. Elle a souvent une dimension émotionnelle, mentale, nerveuse. Et tant qu'on ne prend pas en compte le corps dans sa globalité, c'est-à-dire tête-corps, ce qu'il a vécu, ce qu'il retient, ce qu'il exprime, on ne fait qu'éteindre le signal sans regarder l'origine. Bien sûr, je prends en considération aussi les accidents. Ça n'enlève rien à l'événement, à ce qui s'est passé. Mais je parle aussi dans la profondeur de la douleur. Et dans beaucoup de cas, en fait, ce n'est pas une question de tout guérir, c'est une question de mieux vivre avec son corps, de libérer ce qui a été accumulé et de réapprendre à sentir autrement. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire autrement ? Pour moi, il y a une autre voie que la résignation, clairement. Et elle ne passe pas par « je vais penser positif » ou « je vais faire abstraction de ce que je ressens » ou « je souffre en silence » . Mais ça passe. part du ressenti. C'est toujours et encore revenir dans le corps, alors pas pour le contrôler, mais pour l'écouter, encore une fois. Réguler le système nerveux, donc souvent bloqué en mode survie, à cause de la douleur qui est persistante, qui est présente. C'est bouger différemment. C'est aussi respirer autrement, relâcher ce qui peut l'être, grâce au mouvement, à la respiration. D'ailleurs, avec la respiration, je me rends compte, je fais des séances vraiment de breastwork bien spécifiques. pour des personnes qui ont des douleurs. Et la respiration, le fait de respirer en conscience, d'apporter beaucoup plus d'énergie au corps, ça nous fait ressentir notre corps différemment, autrement que dans la douleur. Donc vraiment, la respiration aussi a d'énormes bienfaits sur la gestion de la douleur. Donc ça, c'était une petite aparté. Et aussi, ce qu'on peut faire autrement, c'est nommer, pleurer, crier parfois, et ne plus faire semblant. Parce que c'est vrai que quand on a un corps douloureux, parce que... Je le dis toujours, à un moment donné, en fait, on devient une douleur. On s'identifie complètement à la douleur. C'est ça aussi qui devient une problématique, parce qu'une douleur qui était à la main ou juste au dos devient tout mon corps. Et on ne s'autorise plus, en fait. À un moment donné, on a l'impression de saouler les gens. On a honte, on en a marre, en fait, de dire qu'on a mal ou de dire qu'on ne peut pas faire ça parce qu'on a mal. Moi, ce que je préconise, c'est de nommer quand même, de pleurer, de crier parfois, d'exprimer en fait ce qui se passe, de ne plus faire semblant, d'arrêter de vouloir épargner les autres parce qu'en épargnant les autres, ce n'est pas nous qu'on épargne. Donc voilà, d'exprimer en tout cas pour aussi commencer ce travail de désidentification parce qu'on est bien plus qu'une douleur. J'aime bien donner cet exemple, par exemple, j'ai mal à la main. Ma main n'est qu'une infime partie de mon corps. Je ne sais pas, ça doit représenter un pourcentage, je ne sais pas, peut-être 2% de mon corps, peut-être plus, je ne sais pas, mais en tout cas, c'est une infime partie. Et tout le reste de mon corps n'est pas douleur, mais j'ai oublié parce que je me suis confondue avec ma main. Donc le travail aussi qu'on peut faire ensemble, c'est se rendre compte de tout le reste du corps, sortir de la main, puisque tout le reste n'est pas douleur. Donc vraiment reconnecter, ressentir. tous les espaces où il n'y a pas de douleur, c'est nos espaces ressources, nos espaces de régénération, là où vraiment on peut se ressourcer et trouver justement toute notre force, nos capacités, pour pouvoir affronter, mieux gérer cette douleur qui n'est qu'une infime partie de notre corps. Je trouve que ça permet de nous redonner du pouvoir aussi à ce qu'on ressent, à ce qui se passe pour nous, là où finalement on t'avait dit qu'il n'y avait plus rien à faire. et encore une fois j'insiste je ne promets pas et personne ne peut te promettre la disparition de la douleur, mais on peut retrouver une qualité de vie, un équilibre, une paix intérieure, une nouvelle relation à soi, plus apaisée. Ça pour moi c'est une certitude. Je vais conclure cet épisode en te disant que si tu as entendu cette phrase, si tu as intégré à un moment donné que tu devais vivre avec sans jamais te plaindre, j'ai envie de te dire encore une fois aujourd'hui que tu as le droit de remettre ça en question. Tu n'es pas condamné à souffrir en silence. Tu n'as pas à rester figé dans cette douleur. Ton corps, ce n'est pas ton ennemi, encore une fois. Et même s'il a mal, il peut redevenir un espace d'apaisement. Petit à petit, à ton rythme. Pas seul, parce que c'est compliqué. Mais surtout, surtout pas en silence. Merci de m'avoir écouté. J'espère que cet épisode a pu t'aider. Et je te dis à la semaine prochaine pour un nouvel épisode.