- Speaker #0
Quoi c'est ? Eh, madame ! Oh, tu me regardes ça ?
- Speaker #1
3e épisode et on reçoit déjà une star. Bon, si tu suis, toi-même tu sais que c'est la deuxième fois qu'on reçoit une star. La première, c'était Noam Sinsou. Makoumé, Makoumé, superstar. Mais voilà, c'est comme ça, quand t'es à ce niveau-là, dans le ciel, les étoiles, t'en as autant que tu veux. Une, deux... Trois, levons le rideau. Soade Muse porte la Martinique, sa culture, ses figures imaginaires et sa langue sur les planches les plus pailletées du monde. Je l'ai reçue en mars 2024, dans un entretien exceptionnel, quelques semaines avant qu'il ne foule les planches du drag race global All Stars de RuPaul. Si vous ne comprenez pas un traître mot de ce que je viens de dire, rassurez-vous, dans moins d'une heure, vous saurez tout. Bienvenue dans le monde après la fin du monde. Bienvenue dans un cabaret caribéen où tout recommence. Soa Demuz, bonjour.
- Speaker #0
Salut.
- Speaker #1
Salut, salut. On te souhaite la bienvenue ici au Garage Populaire à Fort-de-France. On est très, très fiers de te recevoir pour cet épisode du podcast. Alors, dans quelques heures, tu vas briller devant un public déjà acquis. au Passio 19 pour ta prestation. Il y a en Martinique des gens qui savent que tu es une star. Des personnes qui ne savent pas, qui n'ont pas suivi les premiers épisodes de Drag Race, qui ne savent peut-être même pas ce qu'est Drag Race. Est-ce que tu peux expliquer s'il te plaît à la Caraïbe qui est Soa Demus ?
- Speaker #0
D'ailleurs, merci premièrement. Merci de m'accueillir. On va faire la position un peu protocolaire. Merci beaucoup de m'accueillir.
- Speaker #1
Je vous remercie.
- Speaker #0
Et du coup, ma quille est Sois de Mieux. Sois de Mieux, c'est, je dirais, artiste pluridisciplinaire. J'ai un cabaret dans le 18e qui s'appelle La Bouche que je co-organise avec trois autres artistes que j'adore. Et en fait, je suis quelqu'un qui touche à tout. Tant qu'il y a quelque chose qui se présente devant moi et que je pense le faire, tout ce qui se présente devant moi la plupart du temps, c'est comme des opportunités. Donc, je me lance et le dragon fait partie. Je ne vais pas... En fait... Je me considère drague parce que j'utilise le skills du drague. Mais c'est vraiment parce que j'ai fait Drag Race qu'aujourd'hui, je peux dire que je suis drag queen. Parce qu'avant, je me considérais plutôt comme artiste pluridisciplinaire et créature de cabaret. J'aimais bien, je préférais le terme créature de cabaret parce que du coup, quand tu entends créature, déjà le genre, il est, tu ne sais pas trop en fait. Et il est un peu flou et c'est un peu moi, ma performativité, elle est basée sur le trouble. J'adore.
- Speaker #1
La question nous tourne. Et d'ailleurs, en termes de performativité, toi, comment est-ce que tu te présentes ? Comment est-ce que tu t'identifies dans ces cabarets ou bien là, même entre nous ? Comment tu joues de ça, justement ?
- Speaker #0
C'est un peu par rapport à mon égo, mais j'adore charmer. Ça veut dire que je vais adorer charmer un garçon ou une fille. Je m'en fous. J'aime bien créer ce trouble qui... qui créent une forme un peu comme un chant de sirène, tu vois, un peu une sorte de succube. Je me suis beaucoup, j'ai fait beaucoup de recherches aussi par rapport à justement à la diablesse qu'on parle beaucoup en Martinique, sur Lilith et tout ça. Et en fait, c'était souvent des femmes qui étaient un peu mises sur le côté parce que soit elles refusaient d'accepter les avances d'un mec, donc du coup, ah, c'est la fille du diable, parce que voilà, elles refusaient ça. Ou soit parce qu'elles n'ont pas écouté des personnes qui sont au-dessus d'elles. Par exemple, je ne sais pas, quand je parle de Lilith, Quand je parle de Lilith, c'est un peu elle qui a dit « moi je ne vais pas faire le missionnaire avec Adam » . Elle a dit « moi c'est mort » , donc elle s'est cassée. Mais j'aime bien ce côté un peu de rébellion, ça me parle un peu plus.
- Speaker #1
Et alors, quand on t'a proposé de participer aux premiers épisodes de Gragrée, cette compétition, vous vous êtes affronté en toute camaraderie, cela dit. Oui, oui.
- Speaker #0
Pour la première saison, c'était la camaraderie.
- Speaker #1
Oui, en toute camaraderie !
- Speaker #0
Il n'y avait pas d'argent dans l'histoire. Oui,
- Speaker #1
c'est sûr. Des drag queens confirmées ou des drag queens qui commencent leur carrière. Toi, comment est-ce que ça a commencé cette aventure pour toi ?
- Speaker #0
Tu veux dire en drag race, c'est ça ?
- Speaker #1
Oui, en drag race. Comment tu as connu ? D'ailleurs, le programme se lançait. Donc, comment ça s'est passé ?
- Speaker #0
Pour faire court, j'étais encore en marketing à cette époque-là. Et si tu veux, tu avais... C'est moi qui en suis ancien, écoute le truc. Tu avais YouTube au début. ça dépassait pas, genre c'était vraiment que des extraits, c'était le grand max 3 minutes de vidéo. Donc il y a...
- Speaker #1
Pouh ! Longtemps.
- Speaker #0
Voilà, il y a un petit moment quand même...
- Speaker #1
Non mais j'ai vu ta bio, tu sais on est nés la même année. Tu vois ce que je veux dire !
- Speaker #0
Donc du coup en fait tu vois je voyais des extraits de Drag Race, je me suis dit mais qu'est-ce que c'est que ce délire ? Mais tu sais je l'ai regardé et puis après j'ai continué ma vie et tout ça, et puis un jour je suis tombé justement sur un épisode qui était je pense la saison 4 ? Ouais. Et j'ai été, mais je me suis dit, waouh. Mais je ne me suis pas dit, ah, j'ai envie de faire ça. Je me suis juste dit, putain, j'ai juste envie de moi, d'avoir des costumes et de performer comme ça sur scène. Moi, tu me donnes ça, je suis l'enfant le plus heureux du monde, tu vois. Après, quand j'ai vu que c'était une compète, moi, je ne suis pas très dans la compétition et j'ai un problème avec ça.
- Speaker #1
Elle est esthétique, en fait.
- Speaker #0
L'esthétique me branle. Elle est connectée aussi au cabaret, d'une certaine manière. En tout cas, en France, tu vois.
- Speaker #1
Et toi, tu avais déjà commencé ?
- Speaker #0
J'avais déjà commencé. J'ai commencé par du burlesque. Je faisais de l'effeuillage dans des caves à Paris. It's been a long time though. J'ai commencé comme ça. Et après, je me suis dirigé dans la danse contemporaine. Après, le cabaret est arrivé. Et le drag, c'est un peu initié dans le truc. Mais c'était plus parce que j'utilisais un skills qu'on appelle le lip sync, qui est la synchronisation labiale. Et pour moi, c'est vraiment le... le summum de tout pour moi une drag queen doit vraiment savoir ce que c'est que le lip-sync c'est pas juste faire une chanson faire la balle dessus non il faut qu'on sente que tu transmets la musique limite qu'on oublie et c'est ça vraiment qui t'a plu en fait cette interprétation cette approche vraiment théâtrale et
- Speaker #1
d'incarnation du personnage c'est ça et ça joue aussi c'est toute la réflexion qu'il peut y avoir autour des drag queens justement cette performance que l'on fait d'un personnage d'une voix d'une... d'une personnalité. C'est ça,
- Speaker #0
mais après, si tu veux, pour moi, il y a différents styles de drague. qui vont dire oui, moi, j'ai créé mon alter ego, donc du coup, ma version super-héros, etc. Moi, c'était vraiment, c'était moi. En tout cas, dans la Grey Season, une version française, c'était moi. Je ne dissociais pas, en fait. J'étais juste en mode, OK, le thème, c'est ça. Je mets juste un peu de maquillage, mais ça reste la même tête.
- Speaker #1
Et c'est Soadmus, c'est présent.
- Speaker #0
Soadmus, c'est moi, en fait. Et puis, on m'appelle toujours Soa, alors que ce n'est pas forcément mon nom de naissance. Mais ça a été moi qui ai décidé à mes 15 ans. C'était à l'époque au lycée Schellcher. J'ai sorti un peu en crise d'ado devant mes parents. Et je leur ai dit, écoute, le prénom que tu as utilisé avant, ce n'est pas le mien. Maintenant, je m'appelle Soa.
- Speaker #1
Alors, parlons justement de ça, de ton parcours. On va revenir au cabaret tout à l'heure. Parce que ça, c'est vraiment extraordinaire ce que tu fais, ce que tu produis. Et on peut quand même être fier aussi, dans le territoire, d'avoir des entrepreneurs, des entrepreneuses qui sont dans le spectacle vivant. et on va voir On est fiers de nos artistes, mais en fait, les drag queens martiniquaises, guadeloupéennes, guyanaises sont aussi des artistes de grand talent, des professionnels qu'on connaît peu finalement. C'est ça ? Oui, on connaît peu.
- Speaker #0
Parce que pour moi, le drag, c'est vraiment une intersection de qualités artistiques. Parce que sinon, en fait, en termes d'histoire, le drag, c'était juste William Dorceswan en 1846 aux Etats-Unis, qui sort de l'esclavage. C'est un mec noir qui commence à... se dire ok j'ai envie de mettre des robes. Donc commence à mettre des robes et puis il invite tous ses copains, ses copines à jouer un peu sur le genre, mettre des grandes robes etc et faire des balles. Et en fait c'était la seule personne qui avait des grandes robes avec des longues traînes. Ouais. To drag. To drag. To drag,
- Speaker #1
c'est tirer la traîne.
- Speaker #0
Voilà. Ramener la traîne vers soi. Donc il s'est proclamé en mode Oh, so I'm the queen of drag. Voilà. Ça sort de là. Donc après si ça reste juste, bah ok donc... Du coup, c'est utiliser peut-être des vêtements qui n'appartiennent pas forcément à la vision de la société, si t'es comme ci, comme ça. Et du coup, lui a commencé déjà à déconstruire ça. Et ça a été l'une des premières personnes, en tout cas aux Etats-Unis, à se faire arrêter pour des mœurs non conformes.
- Speaker #1
Et là, pour le coup, on pourrait clairement se dire, comme pour le voguing, sur lequel on a fait un autre épisode, si vous suivez ou si vous ne l'avez pas encore vu, n'hésitez pas à écouter notre épisode avec Noam. Et donc, finalement, ça a du sens, carrément. que dans la Caraïbe, on ait des cabarets, on ait des présentations, on ait des stars. Finalement, qu'il y ait des drag queens caribéennes, c'est la base. Et pourtant, il est où le cabaret martiniquais ?
- Speaker #0
C'est exactement là où je me... En fait, c'est ça aussi. Bien sûr qu'il n'y a pas un cabaret, le terme cabaret, parce que ça vient de la France. Mais la Martinique, c'est peut-être un style artistique tel que le bancoulélé, etc. Mais je pense que le cabaret, en tout cas, et... Il ne demande qu'à être construit. Parce que ça ne fait pas forcément partie de notre histoire. Et c'était, en tout cas à l'époque en France, c'était un moyen de se moquer de l'État et de la société d'une certaine manière. Le cabaret, c'est ultra politique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, tu allais dans les sous-sols pour voir des cabarets où déjà la question du genre était déjà dedans. On déconstruisait déjà le genre. Il y a par exemple un exemple type, c'est Madame Arthur, qui a eu les premières femmes trans telles que... Bon. Bicoccinelle, des légendes du cabaret. Et chez nous aussi, on a des légendes du cabaret telles que Lisette Malidor, qui est d'origine martiniquaise, qui a bossé au Folies Pigalle, si je ne dis pas de bêtises, Folies Bergère, c'était la première meneuse de revue noire. Je ne parle pas de Joséphine Baker.
- Speaker #1
Et dont on parle tout le temps, mais on peut dire d'Aïdo. Et en plus, Joséphine Baker,
- Speaker #0
elle n'est pas...
- Speaker #1
On va chercher notre héroïne hors du territoire français, comme si c'était quelque chose qui relevait de l'altérité, qui était hors de la République, finalement, si on l'intègre bien, parce que oui, elle a participé à la résistance. Voilà,
- Speaker #0
oui, bon,
- Speaker #1
oui. C'est aussi une bonne façon finalement, peut-être qu'on silencie aussi d'autres histoires qui sont des histoires bien...
- Speaker #0
Je pense que c'est ça.
- Speaker #1
Des histoires de Noirs en France. de Noirs de France, même de Noirs colonisés.
- Speaker #0
Je pense que l'histoire, imaginons que s'il y avait un cassis, il y a le cabaret d'outre-mer, l'histoire est totalement différente que le cabaret que tu trouves en France. Elle n'aurait pas du tout la même histoire, pas du tout la même énergie. Là où je voudrais venir, c'est que le cabaret a... Il y a différents styles de cabaret. Moi, je viens vraiment du cabaret politisé, queer surtout. Mon cabaret, il est queer.
- Speaker #1
Mais ton cabaret, il est queer, mais est-ce qu'il est afrodescendant ? Est-ce qu'il se pose la question de la caribéanité ? Ou est-ce qu'il est dans des codes occidentaux ?
- Speaker #0
C'est moi qui apporte justement cette question-là. C'est pour ça que, par exemple, je fais des performances en créole, parce que j'adore faire de l'épicerie en créole aussi. parce que je me dis en fait Les créoles, c'est aussi une langue française, ça fait partie de la langue française. Donc si on n'est pas capable de te parler du patois, du sud, du je ne sais pas quoi, en fait, non, ça fait aussi partie de notre histoire. Donc c'est des personnes queers, bien sûr qu'il y a une majorité de personnes blanches, mais là, ça commence à s'ouvrir un peu plus. Mais mon rêve aurait été de faire un cabaret ici, surtout de chercher les... Parce qu'il y a des artistes ici, je ne sais pas encore éclos, mais dès qu'ils sentent qu'ils sont dans cette... Dans cette un peu d'effervescence d'artistes artistiques et qu'ils ont besoin de découvrir, ils se cassent.
- Speaker #1
On l'a bien vu quand il y a eu le premier, quand il y a eu le ballroom.
- Speaker #0
En décembre dernier.
- Speaker #1
Justement, au carnaval. Le vendredi, le samedi, le samedi gras. Ah,
- Speaker #0
février,
- Speaker #1
par exemple. Oui, c'était ça.
- Speaker #0
Parce qu'il y a eu le départ de Guillaume,
- Speaker #1
c'est ça ? Oui, exactement. On les embrasse d'ailleurs et c'était extraordinaire. Et là, on voit tout le talent qui couvre dans le territoire. Et ce talent-là... Si ce talent-là n'est pas valorisé, si ce talent-là n'a pas un espace pour s'exprimer, pour se développer, qu'est-ce qui se passe ? Comme on n'a pas l'opportunité de développement, même de développement professionnel, tout simplement de perdre de l'argent, parce que c'est bien beau de danser, de se transformer, de tout ça, mais à un moment, il faut bien vivre. Il faut remplir le frigo et payer les factures. Donc, quel est le cadre dans lequel on accueille tout ce talent ? Et finalement, ce talent, il s'en va. Et c'est peut-être de ça qu'on va parler maintenant, parce que là, on voit très bien qu'est-ce qui t'anime, mais qu'est-ce qui te passionne ? Quel a été ton parcours ? Et dans ce parcours, on va peut-être comprendre toute la difficulté qu'il peut y avoir à projeter un futur et projeter des projets dans la Caraïbe lorsque l'on est une personne queer. Et c'est ça qu'on aimerait discuter avec toi aujourd'hui. Alors, comment ça s'est passé ? Quel a été ton parcours de vie ? Et à quel moment l'identité queer a pu intervenir dans tes choix, dans ton parcours de vie ?
- Speaker #0
Elle a toujours été là. Moi, je pense que mon identité queer est la première. Tu sais, j'ai cette blague, parce que ça ne s'est pas passé comme ça, mais je raconte cette blague où je dis que, parce que c'est faux, ma mère, en fait, n'a jamais voulu savoir le genre de l'enfant qu'elle avait dans le ventre. Et au moment de l'accouchement, quand elle demande au médecin, « Alors, c'est un garçon ou c'est une fille ? » Et puis le médecin répond « Non » . En fait, mon imaginaire, c'est qu'en fait, moi, je suis juste un non. Ni l'un ni l'autre. Donc, la question n'a jamais été... La question, en tout cas, queer, elle a... Elle a toujours été en tout cas autour de moi et aussi dans mes choix d'une certaine manière. Mais en tout cas, moi, je suis arrivé ici à Quinze Piges, au lycée Bellevue.
- Speaker #1
Alors attends, avant,
- Speaker #0
tu étais où ? Moi, j'étais en France.
- Speaker #1
Et en France où ? En France où ? Je me suis dit que c'était important. Oui,
- Speaker #0
alors oui, j'étais en France. Je suis né en France, exactement, au Nessoubois, en lieu parisien, dans le 93. Et j'y suis resté 15 ans. et à mes 15 ans je suis revenu à un En France, quoi. Enfin, je suis revenu en Martinique, j'ai suivi le daron qui disait « je veux retrouver mes racines » .
- Speaker #1
Comment ça s'est passé quand tu étais justement dans le 93 ? Comment ça s'est passé pour toi, ton enfant, son adolescent ?
- Speaker #0
Tu sais, quand j'ai fait Drag Race, je pense qu'ils ont voulu aussi indirectement, quand j'ai parlé à la banlieue, de dire « ouais, ça a été difficile pour toi » . Oui, bien sûr, c'était pas facile. On m'appelait très vite, ça a été, on m'appelait la fille. J'ai jamais compris pourquoi m'ont appelé la fille C'est arrivé à un stade où On m'appelait la fille, je me retournais en mode « Ouais, qu'est-ce qu'il y a ? » C'était mon surnom.
- Speaker #1
Alors que les gens, ils disaient « La fille » pas en pensant dans quelques propositions.
- Speaker #0
Voilà, parce que j'avais des manières efféminées. Là, vous ne voyez pas, mais je fais des gros guillemets. Donc du coup, ce n'était pas forcément facile, mais indirectement, ça m'a un peu forgé à ne pas me laisser faire. Et j'étais un peu, c'est un cliché, mais j'étais vraiment, tu sais... Toutes les filles étaient autour de moi, j'étais vraiment la bonne copine. Ce qui veut dire que quand tu avais des soirées anniversaires, et que je faisais mon anniversaire, j'invitais toutes les copines, en tout cas, limite du collège, et tu avais tous les mecs qui étaient en mode, là, bizarrement, s'adoucissaient. J'avais ces...
- Speaker #1
Pour pouvoir être invitée aussi.
- Speaker #0
Exactement. S'adoucissaient en mode, ouais, je peux ramener du fanta, si tu veux. Enfin, tu vois... Il y avait un peu ce truc-là, parce qu'ils savaient qu'ils pouvaient pécho des mecs dans mon anniversaire. Donc, du coup, il y a eu ce truc-là. Non, je ne les invitais jamais. Donc du coup ils avaient le son et voilà mais oui... Écoute, c'est assez bizarre parce que je pense que j'ai aussi beaucoup effacé de trauma autour de ça pour essayer de me renforcer. Et c'est surtout quand je suis arrivé en Martinique, la gifle a été multipliée par 10 000.
- Speaker #1
Peut-être que chaque chose a son temps pour arriver.
- Speaker #0
T'as capté. Exactement.
- Speaker #1
Et alors du coup, ton papa veut retrouver sa racine.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Tu as dit, je ne me permets pas. Et donc du coup, retour au pays, retour aux racines. Et alors, comment ça se passe ? Tu étais avec ton père et ta mère ?
- Speaker #0
Ma mère, oui, oui. Mon père est parti en premier. Et ma mère et moi, on l'a suivi quelques temps après. Je finissais juste ma troisième et après, j'allais commencer ma seconde. Ok,
- Speaker #1
au lycée.
- Speaker #0
Au lycée Bellevue. Bellevue,
- Speaker #1
ouais.
- Speaker #0
J'ai fait quatre lycées quand même ici.
- Speaker #1
Ah oui, quand même.
- Speaker #0
J'ai fait Bellevue, Chellcher, Lameppe et Alic. Non. Bellevue-Chêcher, la MEP à Alic.
- Speaker #1
Tu pourrais écrire un mémoire sur l'éducation.
- Speaker #0
Let it go ! Franchement, il y a moyen. Parce qu'en fait, j'ai été choisé. J'ai fait ma première année, lycée Bellevue, seconde artistique. Bon, OK, ils m'ont fait redoubler. Donc moi, j'ai fait, OK, vas-y, je vais partir à Chêcher pour faire une seconde théâtre. J'ai encore là, je ne travaillais pas. Je n'ai pas encore travaillé. je ne comprenais pas où j'étais et du coup il y avait si tu veux il y avait trois choix. C'est soit je faisais un BEP agriculture, un BEP vente, soit un BEP secrétariat. Mon père, pour me faire chier, m'a dit « Tu vas faire agriculture pour la peine ou pour le travail ? » « Agriculture ! » J'ai fait du secrétariat, bien entendu. Et du coup, après, je suis retourné à la MEP où j'ai fini avec un bac technique, STG, communication, je ne sais pas quoi.
- Speaker #1
Mais mine de rien, tout ça, ça t'a quand même énormément forgé. Attends, parce Finalement, tu as fait de l'arc.
- Speaker #0
un artiste pluridisciplinaire ça fait théâtre quand même ça sert un tout petit peu après j'ai joué j'ai oublié de dire ça monte j'ai joué quand même à l'Atrium à 15 ans je voulais pas aller à l'école mais j'ai travaillé dans une compagnie de théâtre qui s'appelle Théâtre C il y a eu qu'ils ont accueilli Mike Fede oui Mike Fede ouais Martinichéry qui est à Berlin maintenant etc enfin bref c'est là d'où j'ai vécu dans ça c'est l'époque de Fèdre non ?
- Speaker #1
ah
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #1
avec Mike Fede avec Aurélie Dalmart oui peut-être il jouait Hippolyte
- Speaker #0
Mike Fede jouait Hippolyte tu ne connaissais pas Mike Fede allez chercher c'est un super comédien Martin il y a vraiment un mec génial je suis limite ton amoureux de lui quand j'ai vu sur scène c'est qui ce gars et en fait si tu veux qui jouait Hippolyte dans Fede à la triomphe et à cette époque-là il y avait aussi Annabelle Langron qui était l'une des seules femmes, à mon avis, gothiques du Martinique. Noires, sombres, têtes rasées, etc. C'était vraiment... Moi, je me suis dit... C'était là,
- Speaker #1
ta maison, en fait. C'était le théâtre.
- Speaker #0
C'était sur scène. Moi, j'étais gothique. Je suis arrivé gothique ici à 15 Piges, lycée Bellevue. Par exemple, premier cours, tu arrives dans le cours. Je me rappelle, ma prof principale, c'était une prof d'histoire-géographie. Elle m'a vu juste avec des petits brassets à piques. Avec des petits piques.
- Speaker #1
C'était Pimki.
- Speaker #0
pour te dire le truc ridicule, tu vois. Elle m'a dit, ah, on ne s'habille pas comme ça ici. Ce n'est pas un truc... Tu vois, direct. Pour me faire la honte devant les autres.
- Speaker #1
Alors que je ne trouvais vraiment pas très... Tu n'es pas à t'accaler vraiment à avoir un impact sur tes résultats ? J'étais gothique,
- Speaker #0
mais gothique, ça va. je mettais des t-shirts Linkin Park. C'est pas... C'est pas un gros truc, quand même. Mais pour moi, j'étais gothique. OK, mais c'était avant,
- Speaker #1
quoi. Alors, du coup, le théâtre, ça a été finalement l'espace où tu as pu te développer plus que dans l'espace scolaire. Totalement. Et pourtant, parce que tu as quand même eu des opportunités de développement culturel, de développement artistique. Tu étais dans une compagnie. Tu as vu que c'était possible aussi, puisque tu as vu des personnes qui affichaient une certaine diversité d'identité. de performances de profil. Et pourtant, à l'issue de tout ça, on reprend l'avion et on repart.
- Speaker #0
Tu sais, comme Mike Fede, comme Annabelle Langren, Nelson Madel, toute cette bande-là d'artistes extraordinaires, surdoués pour moi en termes du théâtre, c'était un truc de fou, et qui sont partis. Il voulait faire une grande école aussi de théâtre ? Oui,
- Speaker #1
c'est vrai qu'on a beaucoup d'artistes qui partent et qui reviennent. Évidemment, mais on a aussi beaucoup d'artistes qui partent et qui reviennent. Alors pourquoi ? Est-ce que c'est plus difficile ? Peut-être pas, parce qu'il y en a aussi qui reviennent. Peut-être qu'il y a aussi des artistes queers qui reviennent. Mais ce retour, et puis développer aussi une carrière dans l'espace caribéen, est-ce que tu y as pensé ? Est-ce que tu parlais tout à l'heure cabaret, justement ? Est-ce qu'il y a la question professionnelle aussi seulement de la formation ? Ou bien est-ce que tu es arrivé aussi à te projeter dans une vie ici ?
- Speaker #0
Je suis trop nomade pour ça. Écoute le truc, j'ai 35 ans, j'ai vu du monde. Bon Dieu, quelle horloge, quelle horreur. Non, c'est bien 35 ans.
- Speaker #1
C'est bien 35 ans, je t'assure. Non, non, non. À quel moment ? Enfin bref, c'est un autre sujet. Merci, merci. Ça va aller, ça va aller.
- Speaker #0
Mais si tu veux, j'ai toujours... Maintenant, aujourd'hui, à cet âge-là, après toute ma carrière artistique, et qui touche du bois, ça va, enfin... qui évolue encore, je me dis en fait si j'ai eu ces opportunités là parce que j'ai rencontré des gens. Ma vie artistique s'est construite comme ça. J'ai toujours voulu faire la scène bien sûr mais j'ai eu des opportunités parce que des gens m'ont ouvert des portes tu vois. Et c'est des personnes qui sans eux, enfin je les oublierai jamais tu vois. Donc moi j'ai un peu envie de jouer un peu ce rôle là de la marraine à bonnes fées et de me dire vas-y en fait je vais te donner les possibilités. Ou c'est d'en créer ou en fait tu veux devenir ça ok je te montre comment on fait parce que ben... Sinon, c'est toujours les mêmes personnes qu'on va voir ici. Et ça reste encore un cercle fermé, le milieu du théâtre et tout ça. On reste un peu dans ce cercle un peu fermé, privilégié. Et du coup, à mon avis, il y a...
- Speaker #1
plein de jeunes qui vont jamais se dire en fait moi je peux faire du théâtre parce que concrètement c'est pas pour moi Oui parce que concrètement la scène queer elle se développe énormément dans le milieu du théâtre au niveau international, en France, tu vas vraiment avoir même au Festival d'Avignon des cycles incroyables avec des sujets, des personnages queers et pourtant à l'atrium on voit pas grand chose
- Speaker #0
En fait il se passe pas grand chose quoi Ah il se passe plein de choses mais pas ça En termes qui ?
- Speaker #1
C'est un peu, oui.
- Speaker #0
C'est un peu léger. Tu vois, je vais te dire, j'ai vu, en prenant l'avion, j'ai vu une pièce de théâtre dont je ne sais plus le nom, dont un acteur jouait le rôle d'une personne homosexuelle, on va dire ça comme ça, enfin, une personne gay. Et le stéréotype, comme si genre, ta sexualité doit gouverner comment tu es, donc tu avais très bien compris qu'il n'était pas du tout homosexuel. qu'il avait tendance à casser son poignet, à mettre du rose, à parler comme ça, parce que c'est comme ça qu'on voit un homosexuel,
- Speaker #1
tu vois, aujourd'hui. J'ai envie de te poser la question, quand même, parce qu'on en voit des personnages qu'on pourrait dire queers dans le paysage théâtral, dans le monde du spectacle Jean Martinique. Qu'est-ce que tu penses, toi, du Banco Lélé ?
- Speaker #0
Waouh ! Très bonne question. C'est une... Je pense que le bankoulélé, c'est comme le carnaval d'une certaine manière. On veut dire beaucoup de choses, mais on se cache derrière. On veut se moquer, on se moque beaucoup. Mais bizarrement, les personnes qui se travestissent à chaque fois pendant le... Tu m'excuses, hein. Si tu fais du bankoulélé, tu te travestis beaucoup. Et ton personnage, il y a quelque chose que tu essaies de dire pour moi derrière tout ça. Et je pense que ça, c'est... Ouais, c'est un truc à l'ancienne, quoi. Ça a mal vieilli aussi. Je pense que même s'il y a une jeunesse qui essaye de reprendre... Pardon. Cette idée un peu du Banco Ely, ça reste encore misogyne, homophobe, transphobe aussi. Et c'est totalement accepté. Tu vois que quand ils sont en train de faire leurs blagues, les gens rigolent. Je me dis, les gars, mais déjà, premièrement, pour moi, t'es pas un comédien. C'est une grosse blague. J'espère que les gens entendront ça. Parce que quand tu montes sur scène, t'as ce privilège d'arriver sur scène. Ce qui veut dire que déjà, t'as un privilège, les gens t'écoutent. Il faut avoir conscience de ça, pour moi, quand tu montes sur scène. C'est un privilège. Ce qui veut dire que tu as le pouvoir de faire partir les gens. en vacances d'eux-mêmes. Parce que la vie en dehors, elle est assez difficile. Par contre, si toi, le message que tu donnes, c'est un message qui est misogyne, LGBTQIA+, ophobe, moi je le fais comme ça quand ça met tout le monde, grossophobe aussi, enfin bref, ça n'a pas de sens et tu continues à nourrir un p...
- Speaker #1
ce cercle vicieux mais peut-être que ça en a un parce qu'il y a quand même des milliers de personnes qui viennent et qui s'assoient et qui applaudissent parce que pour le coup on n'a pas rempli une seule salle de la Trium avec un spectacle queer mais par contre des spectacles de Banco Lélé ils ont fait salle pleine à la salle de Mécésaire sans problème est-ce
- Speaker #0
qu'il n'y a pas quand même un public pour applaudir des blagues misogynes homophobes transphobes en Martinique mais tu sais mais même dans le public tu peux voir aussi des personnes qui font partie de la communauté qui adorent ce genre de spectacle tu vois Après pour moi la personne qui... qui s'en sort un peu dans cette histoire. Et pour moi, c'est un peu du Banco Lillet. Ce qu'il fait, c'est que Cleveland, concrètement, utilise les termes du Banco Lillet. Viviane Émigré, je le vois à chaque fois quand je vois Cleveland. C'est son inspiration première. Il ne va peut-être pas le dire, mais c'est son inspiration. Ça se voit, ça se sent, ça s'entend même. Et il arrive, mais par contre, il n'a pas... Ça reste toujours, en fait, les femmes, les hommes. Mais bizarrement, il n'y a pas encore de... terme autour de la communauté queer, tu vois. Mais il n'y a pas un cliché non plus. Il essaye, si tu veux, j'ai l'impression, d'essayer de faire un sort de pied d'égalité en mode et en même temps de faire des discours un peu pseudo philosophiques de genre ouais, te laisse pas prendre par un gars qui te l'a fait à l'envers, etc. Bon oui, ok, mais ça, au bout d'un moment, je pense qu'on le sait. Mais ouais, pour moi, c'est la personne qui je me dis ouais, ok. Tu me donnes peut-être de l'espoir, mais sinon le reste, en vrai,
- Speaker #1
je ne comprends pas. Alors du coup, le cabaret de Soa et de Muse en Martinique, le jour où ils voient le jour aller, on rêve, tu fais ton retour au pays, ou pas forcément parce que tu restes nomade. Et ça, c'est un concept assez intéressant aussi, même chez les personnes queer dans les Amériques, cette idée de la...
- Speaker #0
Découverte ?
- Speaker #1
De la transnationalité, c'est-à-dire aussi que de vivre... de vivre la frontière pas comme une contrainte, mais aussi comme un espace de création. En fait, on peut habiter un espace entre deux genres, par exemple, parce que ces genres sont juste créés, assignés, mais peut-être qu'ils n'ont pas de réalité concrète. À ce moment-là, on peut aussi se dire qu'on a créé une frontière entre deux pays, mais est-ce qu'elle a une réalité concrète ? On peut se défaire autant de la frontière entre les pays que de la frontière entre les genres. Et du coup, peut-être que quand on est dans les communautés queer, on peut avoir... dans sa réflexion artistique aussi, cette réflexion sur moi, je n'ai pas besoin de me dire de tel ou tel espace, je suis entre les espaces. Je ne suis même pas de tous les espaces, je suis entre les espaces.
- Speaker #0
C'est pour ça que moi, par exemple, quand on me pose la question tes pronoms, c'est quoi ? C'est il, elle, yel, etc. C'est comme tu veux, mais moi j'aurais bien voulu dire universel. C'est comme ça que moi je me vois. C'est que je préfère l'idée d'être une... Après, ça c'est mes délires un peu, mais je pense que j'ai trop fumé quand j'étais jeune. C'est un peu cette idée d'énergie C'est juste une énergie pure Parce que j'ai entre mes jambes Ok mais ça me concerne moi Mais enfin J'aime bien cette idée d'énergie Et de découvrir aussi C'est pour ça que là En ce moment Je voyage beaucoup J'étais au Brésil J'étais au Canada Et je me nourris Et je me dis Ah ouais l'année prochaine Je veux aller à Bamako Enfin j'ai envie de Allez Faut que maintenant Je suis arrivé dans un stade Où j'ai besoin de voir J'ai pas envie de me dire Ok c'est soit en fait C'est soit je reste en France Ou je reste en Martinique Parce qu'il y a un peu ce truc là
- Speaker #1
T'es obligé de choisir ?
- Speaker #0
C'est ça, soit l'un soit l'autre Le monde entier,
- Speaker #1
voilà Je veux manger, j'ai faim et j'ai envie de voir ce qui se passe ailleurs Alors une fois que t'as digéré tout ça Et que depuis cet espace Depuis le sommet de la frontière Des frontières, tu nous crées le cabaret Carribert, tu nous le crées carrément Parce que comme tu l'as dit Il y a tellement de nous là-dedans Et en même temps tellement d'ailleurs Et en fait il faut construire quelque chose, peut-être même que tu peux changer le nom Est-ce que tu aurais un mot Pour définir ça ? Vas-y fais-nous la Vas-y fais-nous la programmation De ce lieu merveilleux Où on pourra rêver Des futurs
- Speaker #0
Moi je pense que je serais parti sur la mythologie Déjà en tout cas Il y a un truc qui me parle autour de ça Parce que c'est un peu l'idée du mystère Moi je suis un peu dans ce délire là, un peu sombre aussi Mais il se base pour moi Si imaginons qu'il faudrait Trouver déjà un nom pour le cabaret En Martinique J'aurais même pas trouvé un Je ne sais pas si j'aurais peut-être appelé ça la vie, peut-être juste la vie. De voir en fait de différentes personnalités. Il y a l'idée aussi du compteur, du yékra, peut-être retravailler justement cette...
- Speaker #1
Partir de l'oralité.
- Speaker #0
De l'oralité et travailler aussi sur du son. Parce qu'il y a aussi des gens qui sont super beaux dans la musique ici. Donc il y a tellement... Je vois aussi de travailler aussi une forme d'érotisme aussi. Peut-être comment... Qu'est-ce que l'érotisme aux Antilles ? Parce qu'il y a aussi cette idée, pour moi, du cabarel. Moi, j'ai travaillé aussi beaucoup mon érotisme et ma sexualité, en tout cas, quand je faisais du burlesque.
- Speaker #1
Oui, tu faisais de l'effeuillage. Oui,
- Speaker #0
de l'effeuillage. Je suis sûre qu'on pourrait avoir des effeuilleurs ou des effeuilleuses ici de malade mental, tu vois. Des danseurs de fous. Leur donner assez aussi au cirque.
- Speaker #1
Je ne sais pas. Tu imagines, il y a l'effeuillage Chata, par exemple. Oh my God,
- Speaker #0
arrête de me dire des choses comme ça. Tu imagines ? Mais rachez-poil, les filles. Mais tu rigoles ou quoi ? De ouf ? Mais oui, mais c'est ce qu'on veut en fait. Je pense que c'est... C'est ce qu'on veut aujourd'hui. C'est qu'on essaye de créer, avec toute notre histoire, un nouveau cabaret. Mais effectivement, trouver un autre mot pour le cabaret, ce serait sympa.
- Speaker #1
Oui. Écoute, je pense qu'on peut lancer la question sur la page. Let's go ! N'hésitez pas, on cherche un nom pour ce que serait un cabaret queer, ce que serait un cabaret... caribéens. C'est vrai qu'il y en a eu dans d'autres îles, n'est-ce pas ? Des versions très coloniales, des versions qui... Ben oui, quand on va à Cuba... Voilà !
- Speaker #0
Également,
- Speaker #1
ce sont d'autres qui ont sexualisé nos corps, qui ont créé un discours sur nos corps, sur nos expressions, sur nos expressions artistiques et scéniques. Et cette fois-ci, peut-être que nous avons aussi l'occasion... de définir, de construire nos propres expressions. Mais c'est ça.
- Speaker #0
En plus, je pense qu'on a déjà le casting. On a Noah, on a Snake Ninja, on a Tahani. Enfin, il y a plein d'artistes justement issus justement des Antilles avec qui on pourrait peut-être à ce moment-là voyager dans différents... Ah oui, je sais comment je leur ai appris le cabaret.
- Speaker #1
Allez, vas-y.
- Speaker #0
La diaspora.
- Speaker #1
La diaspora.
- Speaker #0
Parce qu'en fait, j'explique pourquoi. Moi, j'ai un spectacle que je suis en train de créer qui est une trilogie qui s'appelle Diaspora où... Mon idée, là je travaille à ce moment au CND de Pantin et au Carreau du Temple aussi. Ma première c'est, je vais à l'île de la Réunion en juin, et je vous emmène avec moi Mami Wata et Chetan qui est d'origine hénonaise. Et en fait justement on va déconstruire le drague et parler de la puissance du drague, mais de la communauté noire et s'en déconstruire aussi. Donc je pense que, ouais, si je vais... Si je viens ici, je ramène tous les artistes que je connais et on crée un cabaret ici. Et on cherche ces artistes en herbe qui n'ont pas forcément les capacités de soit créer un costume, soit de créer un show, etc. Et on essaye de faire un échange et on lui dit à la fin, tu montes sur scène et après tu nous suis. On essaie de faire une sorte de grosse tournée. Je pense qu'il a besoin de bouger le cabaret. S'il y a un cabaret ici, il faut qu'il soit aussi en Guadeloupe. Il faut qu'il y ait une sorte de communication. Je pense qu'il faut qu'il bouge un petit peu.
- Speaker #1
Je me posais la question aussi en ce qui concerne le cabaret des drag kings. Et il y en a, c'est sûr. Finalement, on a tout de suite ce cliché, cette vision du travestissement masculin vers féminin. On prend les trucs à la goutte de pierre.
- Speaker #0
On explique la drague.
- Speaker #1
Finalement, qu'est-ce qui se passe pour...
- Speaker #0
Les drag kings ?
- Speaker #1
Pour les drag kings, pourquoi est-ce qu'on n'a pas autant de visibilité ? Et puis pourquoi est-ce que l'enjeu paraît peut-être moins évident de mettre en valeur ces identités ?
- Speaker #0
Ok, moi ce que je peux te dire, par exemple, quand je pense à un drag king d'origine guadeloupéenne qui s'appelle, je ne connais pas son nom, mais Ophélie Jo, qui est aussi comédienne, mais qui est aussi du drag king. Là, comme ça, en vrai, c'est juste parce que... La visibilité du drag king n'est pas forcément la même que la drag queen parce que imaginons où Paul aurait pu totalement dans ses émissions avoir des drag kings, il y en avait déjà. Sauf que il n'a pas voulu parce que c'est un...
- Speaker #1
Paul c'est une très grande star.
- Speaker #0
Ouais et puis elle est un peu fatiguée la mamie quand même tu vois. C'est bon, elle commence à laisser la place tu vois. Mais c'est vrai hein. Mais je pense qu'en France en tout cas, c'est un peu le tea, je pense pas que j'ai le droit de le dire mais je m'en fous je le dis quand même. Ils avaient l'idée de commencer à avoir des drag kings dans les émissions sauf qu'en fait on leur a dit... Tant que nous, en fait, aux États-Unis, je ne sais pas quand, on ne va pas sortir un braquing, vous n'allez pas sortir un braquing avant nous.
- Speaker #1
Mais il y a quand même peut-être un double niveau d'oppression. Parce que du coup, peut-être aussi que les communautés lesbiennes, les communautés trans aussi peuvent se poser des questions sur ce manque de visibilité. Parce que finalement, les personnes concernées par des discriminations et qui sont nées avec... assigner filles à la naissance, que ce soit des filles lesbiennes, des garçons trans, sont victimes d'une première violence qui est leur invisibilisation, leur part du principe que ça n'existe pas, ou alors c'est une grosse blague, et finalement, si le drague a pu jouer le rôle de rendre visible et aussi de questionner les frontières entre les genres et de participer même à la réflexion et à la recherche sur ces sujets-là, On espérait quand même aussi qu'ils puissent se poser la question de la visibilité des possibilités.
- Speaker #0
On est sûr, et c'est ça que j'explique à chaque fois, c'est que Drag Race, pour faire juste clair et précis, Drag Race, à la base, c'était une parodie. Dans le sens où RuPaul, il regardait American Next Top Model avec Aya Abang. En fait, il s'est dit, je vais faire la même chose avec des drag queens. En blague ! C'est pour ça que quand tu vois la saison 1 que tu peux retrouver sur Netflix, il y a un filtre flou, c'est ultra coloré. Mais c'est l'idée du cliché. Il a voulu créer un cliché où différentes drag queens s'affrontent. Mais à la base, c'était une parodie. Sauf qu'il s'est rendu compte que toute la communauté était en mode... Wow !
- Speaker #1
Donc il s'est dit,
- Speaker #0
je peux faire de la tulle. Parce qu'il m'en faut. Du coup, il a commencé à créer un empire. Je ne peux pas montrer, mais le drag race, c'est ça du mouvement drag.
- Speaker #1
C'est clair. Mais en fait... Parce qu'on est quand même dans un podcast féministe, finalement. Bien sûr. On se rend compte que dans ce business-là, il y a énormément d'argent, même s'il y a aussi énormément de misère. Il y a tout un prolétariat du drague. Laisse tomber. Il y a tout un prolétariat du drague, parce que ces personnes-là restent aussi des personnes extrêmement exposées à un certain nombre de violences. Parce que là, on est en train de rêver, on se fait notre fantasme, notre grand rêve, mais on reste quand même dans un territoire, en Martinique, où plus de la moitié de la population considère l'homophobie comme une sexualité contre-native. Tu sais quoi,
- Speaker #0
en fait ? je pense que je suis totalement d'accord avec toi mais moi si je peux ajouter aussi il y a quelque chose qui est dans le visuel aussi ouais j'ai déjà performé dans des endroits ou des entreprises de conducteurs de poids lourds etc et j'étais seul tout talonné
- Speaker #1
etc je peux t'assurer que j'étais pas à l'aise mais c'est comment tu non mais finalement ça se passe bien ouais ce que je veux te dire c'est que malgré tout ça en fait ça marche oui bien sûr le business tourne totalement malgré l'homophobie malgré la transphobie ... et malgré tout ce qui peut se passer aussi dans le prolétariat ça passe mais cette manne, cet argent il va quand même à des personnes qui ont été assignées hommes à la naissance et donc c'est quand même un questionnement mais peut-être qu'on ne va pas le résoudre aujourd'hui mais en tout cas on peut arriver à un cabaret qui dans un espace où on questionne aussi tous les systèmes de domination qui est la Caraïbe Maintenant, il... qui puisse être à la fois écologiste, décoloniale et aussi féministe.
- Speaker #0
C'est totalement possible. Là, je suis arrivé ici en Martinique, mais avant, j'étais avec Virginie Despentes pour un spectacle qui s'appelle Woke. Et justement, l'histoire de ce spectacle, c'est quatre personnes queers qui essayent... Enfin non, trois, ok, bon bref, mais qui essayent d'écrire une pièce de théâtre parce qu'on leur a donné de l'argent. Il y a une subvention, on leur a donné de l'argent, on leur a dit « bon ok, vous avez deux ans pour écrire une pièce de théâtre » . Et l'histoire c'est ça. C'est que du coup, ils essayent aussi de faire une pièce de théâtre, c'est pour ça qu'elle s'appelle Woke, parce qu'elle essaye d'être consciente en fait de tout ce qui l'entoure, tu vois. C'est pas juste « ok, on va écrire ça » . Non, c'est qu'on essaye que tout le monde, quand tout le monde voit cette pièce, qui premièrement sont concernés, deuxièmement, on prend un petit peu aussi plein la gueule parce que si on pense à ça, on doit penser à ça aussi. et inversement, tu vois.
- Speaker #1
Toutes ces choses-là sont imbriquées.
- Speaker #0
Totalement. Du coup, c'est ultra dense. Et c'est ça qui, pour moi, fait la beauté de ce spectacle. Mais je pense que c'est ce qui pourrait faire la beauté aussi d'un cabaret en Martinique. C'est que ça danse, c'est que ça est brut. Tu vois, ça peut être ultra beau visuellement, mais il faut qu'il y ait quelque chose de la terre. Parce que c'est ça aussi, je pense, l'histoire ici, dans mon avis.
- Speaker #1
Je crois que là, je dis écoutez à tout le monde Je crois que là, on a un projet On tient un truc On se bouge On cherche la thune On organise, on monte des projets Je sais qu'il y a d'autres personnes qui sont intéressées par ce projet Donc n'hésitez pas
- Speaker #0
Merci beaucoup Merci beaucoup
- Speaker #1
Merci beaucoup d'avoir partagé ce super témoignage avec nous Merci beaucoup On doit déjà te laisser partir parce que tu dois aller te préparer pour un super show qui va avoir lieu ce soir. Non, vous ne pouvez pas y aller déjà parce que c'est déjà passé, mais surtout parce que c'est complet et c'est au Passio 19. Voilà, on embrasse tous les partenaires aussi de Cap Caraïbe qui participent, qui ont aussi participé à ton déplacement en Martinique et qui nous permettent aussi de discuter avec toi. Donc à bientôt, ici, ailleurs, sur les frontières, partout. puisque c'est ça en fait. Voilà, il y a ça qui existe. Merci beaucoup. Merci beaucoup. Merci à toi.
- Speaker #0
Ciao, ciao. Psst,
- Speaker #1
psst, psst.
- Speaker #0
La question. Agence Composite.