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#14 Peut-on préserver sa santé mentale quand on est RH ? Avec Adrien Chignard cover
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Psyboulot

#14 Peut-on préserver sa santé mentale quand on est RH ? Avec Adrien Chignard

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23min |04/05/2025
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23min |04/05/2025
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Description

Ils soutiennent, apaisent, régulent…

Mais qui prend soin des DRH ?


🎧 Dans cet épisode de Psy Boulot, Marie-Claire Valentini reçoit Adrien Chignard, psychologue du travail et fondateur de Sens & Cohérence, pour aborder un angle mort des organisations : la santé mentale des professionnels RH.

💬 Entre burn-out, change fatigue, charge émotionnelle, usure professionnelle, et conflits mal régulés, les DRH sont souvent la variable d’ajustement d’un système en tension.
Fonction stratégique ? Peut-être.
Fonction protégée ? Rarement.

👉 Est-il possible de rester en bonne santé mentale quand on est DRH ?
👉 Quelles sont les conditions pour exercer ce métier sans sombrer ?
👉 Et quand faut-il partir pour se préserver ?

🧠 Un échange sans filtre, documenté et humain, avec des pistes concrètes pour :

  • rompre avec la logique sacrificielle,

  • retrouver du pouvoir d’agir,

  • poser des limites saines,

  • et mieux comprendre ce que traverse la fonction RH aujourd’hui.

🎧 À écouter d’urgence si vous travaillez dans, avec, ou autour des ressources humaines.

burn-out, DRH, RH, santé mentale, risques psychosociaux, usure professionnelle, change fatigue, psychologie du travail, charge émotionnelle, fonction RH, Adrien Chignard, podcast RH, Psy Boulot, départ, soutien, régulation managériale, reconnaissance, résilience RH

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue sur Psyboulot, le podcast qui éclaire les coulisses du boulot. Je suis Marie-Claire Valentini, dirigeante EDRH. Je partage avec vous et mes invités mes interrogations et réflexions sur le monde professionnel. C'est après avoir étudié la psycho que j'ai eu envie de créer Psyboulot, un podcast qui décrypte les comportements humains et les dynamiques en entreprise. Ici, pas de pensée magique, pas de recette unique, je vous donne rendez-vous à chaque épisode pour un nouveau défi du monde du travail. Hello ! Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Adrien Chignard, psychologue du travail à des organisations et fondateur du cabinet Sens et cohérence. On va parler d'un angle mort, la santé mentale des DRH. Ils sont au cœur des transformations, des conflits, des décisions sensibles. Ils incarnent l'organisation, mais eux, qui les soutient ? Dans cet échange, Adrien va nous partager ses constats, ses convictions et surtout, des pistes concrètes pour aller mieux. Bonjour Adrien.

  • Speaker #1

    Salut Marie-Claire.

  • Speaker #0

    Alors, on parle beaucoup de santé mentale au travail, mais rarement de celle des DRH. Pourquoi, selon toi, c'est un sujet à prendre au sérieux aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Premièrement, parce qu'en fait, souvent la fonction RH, c'est elle qui soutient le reste du corps social. C'est-à-dire que c'est une fonction qui relève souvent de la vocation. On ne fait pas RH comme ça par accident, parce que ce sont des métiers qui sont difficiles, qui sont exigeants, qui sollicitent des compétences qui sont quand même plurielles. Et on en parle peu parce qu'en fait, ce sont un peu des fonctions de l'ombre, c'est-à-dire on aide, on soutient, on consolide, on accompagne, on pose du cadre. Parfois, on a des tâches qui sont ingrates à faire, mais c'est un peu comme la fonction de la paye. Personne ne remercie la spécialiste de la paye quand il reçoit sa paye. En revanche, on va la voir pour dire qu'on n'est pas content le jour où il y a une erreur de paye. Donc, c'est une fonction qui est souvent une fonction qui est malade de la reconnaissance, la fonction RH.

  • Speaker #0

    Et alors, est-ce que selon toi, justement, c'est un débat que j'ai souvent eu avec des collègues psychologues du travail, Est-ce que selon toi, il y a des raisons ? spécifique qui explique parfois la souffrance dans cette fonction. Et est-ce que finalement, il y a une spécificité aux enjeux de cette fonction ?

  • Speaker #1

    En fait, il y a des raisons qui sont un petit peu singulières, parce que déjà, c'est une fonction qui vit souvent ce qu'on appelle un impact émotionnel par personne interposée. En fait, si tu regardes un grand rapport qui s'appelle le rapport IRES, c'est Health in Restructuring, la santé dans les restructurations, ça nous dit quoi ? Ça nous dit que la fonction RH n'est pas forcément toujours touchée elle-même, même si on en parlera, elle l'est de plus en plus quand même. mais elle voit des personnes qu'elle connaît, qui sont des collègues, des personnes qu'elle apprécie ou qu'elle estime, qui sont amenées à partir dans les plans, dans les mobilités, dans les restructurations. Et puis, la vie est ainsi faite en ce moment qu'on a une incertitude qui est forte sur l'avenir. Et la fonction RH, elle est très sollicitée, parce que la fonction RH, c'est aussi celle qui répond à tout ce que les managers ont peur de faire ou sur lesquels ils sont en difficulté. Parce que c'est facile d'être un manager qui annonce des bonnes nouvelles et qui donne des enveloppes, mais c'est difficile de dire je ne suis pas content de ton boulot, tu n'auras pas ta mobilité, tu n'auras pas ta prime, tu n'auras pas ton augment. Donc souvent, on délègue ça à la fonction RH qui se prend, elle, toute cette charge émotionnelle. On voit aussi, mine de rien, une hyper fréquence des changements organisationnels. Depuis une vingtaine d'années, on change d'orgas toutes les 24 ou tous les 36 mois dans les grandes entreprises. Et à chaque fois, ça finit par éroder les facultés d'adaptation des personnes en situation de travail. Parce que changer, ça nous consomme de la bande passante, de la ressource. et ça crée ce que les Canadiens appellent un change fatigue, c'est-à-dire une érosion des facultés à changer. Et parce que la fonction RH, elle doit systématiquement avoir, comme on dit, le wording expliqué, les gains, les bénéfices, ce qu'on va faire, soutenir des personnes qui sont en situation d'incertitude, donc d'anxiété, et ça consomme beaucoup d'énergie. Et en fait, la difficulté qu'on va rencontrer, c'est qu'on a pas mal de RH, effectivement, qui ont été mis dans les centres de services partagés, ces shared business services, et qui sont dans cette logique un peu de ticketing, c'est-à-dire que Un petit peu comme tu vas à la poissonnerie, tu dois prendre ton ticket pour derrière qu'on vienne te servir. Et la grande difficulté que ça va créer, c'est qu'en fait, on va éloigner les fonctions support que sont les fonctions RH des utilisateurs qui sont localisés un petit peu partout, notamment en France. Et ça crée des insatisfactions, ça crée des incompréhensions parce que la distance, elle est propice à la conflictualité. Donc, ça met encore la fonction RH dans une situation qui est encore plus délicate qu'elle l'était auparavant. Il ne faut pas oublier que... Et c'est ce que nous dit la grande enquête Sumer. Le premier motif de risque psychosocial et de stress au travail, c'est la confrontation à des usagers qui sont inciviles, agressifs ou agressants. Mais quand tu dois appeler une plateforme que tu ne connais pas ton RH au bout de la France pour avoir une info, nécessairement, ça va générer de l'incivilité. Et donc, la fonction RH prend ça en pleine poire.

  • Speaker #0

    Toi, tu rencontres plein de DRH. Adrien, certaines sont tes clientes. Du coup, de quoi elles te témoignent comme difficultés et comme impact sur leur santé mentale face à ces situations que tu nous décris ?

  • Speaker #1

    Je pense que la plus grande difficulté, c'est une charge de travail qui est considérable et une charge mentale folle, parce qu'effectivement, comme ce sont des fonctions qui sont perçues comme des centres de coût plus que comme des centres de profit, on fait des économies dans tous les sens, et il y a une hyper sollicitation de la fonction RH. Puis cette sollicitation, elle n'est pas juste une sollicitation opérationnelle ou de process, c'est aussi une sollicitation très émotionnelle, et on fait face, et moi je vois beaucoup de personnes dans la fonction RH qui me parlent de ce qu'on va appeler cette usure compassionnelle, quelque part cette usure de l'empathie. en disant mais en fait j'ai tellement donné, donné, donné qu'aujourd'hui j'ai l'impression que ma peau est plus épaisse, que je suis beaucoup moins sensible à ce qui se passe et je ne me reconnais pas nécessairement dans tout ça. Et l'hyperfréquence des changements finit par générer une forme d'usure aussi dans les facultés d'adaptation. Et donc moi je vois les fonctions RH qui me disent j'ai envie de devenir DG d'une petite ONG ou j'ai envie d'aller sur une PME parce que j'ai besoin d'avoir des leviers d'action, c'est-à-dire que quand tu es en France mais que tout se décide à San Francisco, à New York ou quoi que ce soit, ça finit par générer des non-sens. On te demande d'appliquer des choses qui, pour toi, dans un contexte français, ne sont pas nécessairement des choses qui sont applicables en tant que telles.

  • Speaker #0

    Tu as parlé, quand on a discuté pour préparer l'entretien, de la RH comme étant une variable d'ajustement. Est-ce que tu peux nous dire, même si tu viens un petit peu de nous l'expliquer, ce qui se passe concrètement ?

  • Speaker #1

    En fait, je dis souvent que la RH est une variable d'ajustement d'un système dysfonctionnel, c'est-à-dire qu'on a des managers qui ne sont pas toujours formés, on a des managers qui ne sont pas toujours... compétents. En France, le management, c'est malheureusement trop souvent une récompense et pas toujours perçu comme une compétence. Donc, ce n'est pas accompagné pour développer le manager et toutes ces carences managériales, mais je ne jette pas l'opprobre sur les managers, c'est compliqué de manager, c'est compliqué de gérer des changements et c'est compliqué d'être soutenant vis-à-vis de son équipe quand soi-même, on n'est pas soutenu en tant que tel. Et donc, la variable d'ajustement de ces systèmes dysfonctionnels, c'est l'hyper-implication à la fois en termes de temps, en termes d'heures, mais aussi d'implication émotionnelle, il y a une usure émotionnelle du travail de la fonction RH, parce que C'est elle qui vient boucher les trous quand le navire est en train de prendre l'eau.

  • Speaker #0

    Et on retrouve des difficultés aussi, il me semble, dans des situations où les DRH font beaucoup face aussi aux conflits. J'ai l'impression, et tu me l'avais confirmé, qu'il y a aujourd'hui une explosion du nombre d'enquêtes harcèlement. Qu'est-ce que ça dit, selon toi, de la position de cette fonction dans ces situations-là ? Et comment elle fait cette fonction pour tenir dans des situations de forte tension ?

  • Speaker #1

    Oui, nous on fait un x10 en l'espace de 4 ans sur les enquêtes harcèlement. C'est quelque chose qui est vraiment en train de bondir et de grandir énormément. On doit en faire 80 par an, ce qui est considérable.

  • Speaker #0

    C'est énorme.

  • Speaker #1

    Ce que l'on voit, c'est que l'enquête harcèlement, c'est toujours la conséquence d'une régulation managériale qui n'a pas été faite au bon moment. C'est-à-dire que bien souvent, il y avait des signaux avant-coureurs qui n'ont pas été régulés parce que pour tout un tas d'excellentes ou mauvaises raisons, on ne l'a pas fait. Et donc, c'est le RH ou la fonction RH qui se récupère cette espèce de patate chaude. il faut en faire quelque chose c'est systématiquement déceptif et difficile les enquêtes harcèlement et on met la fonction RH dans cette logique d'espèce de médiateur, de régulateur, mais qui est très difficile parce que lorsqu'on en arrive à des situations de harcèlement présumé, on a vraiment abrasé, presque détruit la relation entre deux personnes et on est encore là dans une logique d'exigence émotionnelle parce qu'on est dans une gestion de la conflictualité, mais qui peut dire j'adore les conflits ? Personne n'aime ça, c'est vraiment quelque chose de compliqué. Et on demande à la fonction RH de faire des arbitrages, de pouvoir procéder à des recadrages, parfois de la mobilité, des licenciements, des sanctions, ce qui n'est pas nécessairement la partie du métier qui est la plus agréable. Alors certes, il faut la faire et personne n'est contre ça. Simplement, quand c'est de plus en plus aigre et de moins en moins doux, alors c'est souvent beaucoup plus indigeste.

  • Speaker #0

    Comment, d'après toi, on peut préserver sa santé mentale quand on occupe cette fonction-là ? Et j'ai presque envie de te poser une question assez franche, c'est… Est-ce qu'on peut être en bonne santé mentale quand on est DRH sur le long terme ? C'est quoi les conditions pour exercer le métier sans trop s'abîmer ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y en a plusieurs. La première, c'est de ne pas rester tout seul. C'est-à-dire qu'on sait que le premier rempart contre la détresse psychologique, c'est le soutien des pairs. Il y a des communautés de DRH qui viennent un peu normaliser ce qui se passe. C'est-à-dire que si tu parles avec des collègues d'autres maisons, d'autres boîtes ou même des DRH de ta boîte qui sont sur d'autres sites, Le fait de se dire, je galère là-dessus, ça j'en ai marre, ça c'est difficile, ça je n'y arrive pas. Que les autres te disent, mais moi c'est pareil en fait. Ça t'évite d'avoir cette espèce d'erreur fondamentale d'attribution en psychologie qui vise à imaginer que si tu n'y arrives pas, c'est de ta faute, que tu n'es pas assez bon, que tu es mismatch ou quoi que ce soit. L'idée d'entendre, mais toi aussi tu galères, pour toi aussi c'est difficile. Ok, donc je ne suis pas tout seul en fait. La problématique, elle n'est pas personnelle, elle est situationnelle et contextuelle. Ça permet déjà de mieux vivre les choses. La deuxième chose, c'est de demander du soutien. On le sait, les DRH les plus soutenants sont les DRH les plus soutenus. Donc, comment effectivement la ligne managériale de la fonction RH octroie de la délégation de pouvoir, fait confiance à une vision RH et non pas simplement une simple administration du personnel qui serait un petit peu datée. Et puis, on le sait, le secret de la performance durable, c'est la fréquence de la récupération. C'est comment en tant que DRH, je n'ai pas une logique sacrificielle dans ma façon de fonctionner. Comment je prends du temps pour moi ? Comment je pose des jours de RTT, des jours de congés ? Comment je ne finis pas tous les soirs à 20h, mais je prends des moments, au moins un moment dans la semaine où j'ai ce temps sanctuaire où... Je vais non pas me reposer, mais me ressourcer, faire des choses qui sont en accord avec mes besoins, avec mes valeurs, avec ce qui est fondamental pour moi. Le fameux, ce que disaient nos grands-parents, le qui veut voyager loin, ménage sa aventure. Qui veut être RH longtemps, s'octroie régulièrement justement du bon temps.

  • Speaker #0

    Tu parles beaucoup du soutien des pertes. On parle même parfois, très souvent, s'agissant des managers. Concrètement, qu'est-ce qui aide vraiment ? Et est-ce qu'on peut repenser l'organisation de cette fonction pour la protéger ? Je m'interroge aussi sur la question du soutien de la direction générale, parce que c'est une fonction qui vient finalement exécuter quelque chose et qui doit par nature être en coopération ou doit avoir une alliance très solide avec le dirigeant ou la direction. Comment tu vois les choses ?

  • Speaker #1

    En fait, toutes les fonctions vont exécuter quelque chose, parce que le principe d'un contrat de travail, c'est que c'est un lien de subordination à un employeur. Donc nécessairement, quelqu'un décide et d'autres vont pouvoir montrer une déclinaison opérationnelle des décisions qui ont été prises en amont. Donc ça, ce n'est pas le propre de la fonction RH, c'est le propre d'un contrat de travail, aussi simple qu'il soit. Après, la question, c'est est-ce qu'on est dans une logique d'exécution, dans une logique de co-construction ? Si on veut que la RH soit porteuse de messages, on n'est jamais aussi convaincant que quand on est convaincu. On n'est jamais aussi convaincu que quand on a contribué à... à poser les questions, à construire le message ensemble, à construire la vision. Moi, les RH que je vois rester les plus longtemps en poste, c'est ceux qui font des binômes avec la direction, qui sont entre guillemets le pendant humain, on va dire, d'une vision RH. Moi, je ne crois pas que la RH, ça soit une somme de tâches qu'on accole les unes aux autres parce qu'on peut pagailler, pagailler, ça tout le monde sait le faire, mais s'il n'y a pas de phare au bout de la nuit, en fait, on tourne en rond. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est de voir comment la RH peut contribuer. à être ce qu'on appelle le business partner, mais ce n'est pas juste des termes, parce que sinon ça n'aurait pas de sens, c'est comment ils sont un moyen en service de la perpétuation de la raison d'être de l'entreprise. Si la seule vocation de l'entreprise, c'est de produire de la valeur, alors on a besoin d'avoir des hommes, des femmes, qui sont effectivement recrutés, fidélisés, engagés, mobilisés, soutenus, accompagnés, et la fonction RH, elle va pouvoir fiouler tout ça. Et donc, il y a une vision business qui est pensée, derrière, on regarde comment on a besoin de la fonction RH, on va l'inféoder au business, mais... Il y a des inféodations qui ne sont pas mauvaises, parce que le but du jeu, c'est de servir effectivement la perpétuation de cette raison d'être de l'entreprise pour qu'il y ait du profit, pour qu'on puisse croître, pour qu'on puisse gagner des marchés et pour que derrière, on puisse avoir une redistribution saine de la valeur qui a été créée.

  • Speaker #0

    Moi, j'assiste aujourd'hui quand même à une forte émergence d'autres modalités d'exercice de cette fonction. Il y a beaucoup de DRH qui deviennent DRH en temps partagé. Qu'est-ce que ça dit de cette fonction-là ? Tu crois que ça résout le problème quand on s'inscrit finalement dans une relation qui est peut-être plus commerciale et de prestation de service avec une organisation, avec un dirigeant ?

  • Speaker #1

    Moi, tous ceux que j'ai connus des RH en ton partagé, souvent, ils sont hyper heureux pour une raison simple. Ils ont retrouvé quelque chose qui, moi, est un grand driver motivationnel pour moi aussi, c'est qu'ils ont retrouvé la liberté de ton. Parce qu'en fait, si on vient les prendre, c'est parce qu'ils sont compétents. Et c'est comme des DRH de transition. Moi, j'ai pas mal de copains ou de copines qui sont devenus DRH de transition. et qui disent pour une fois, j'ai plus à avaler mon chapeau, ma casquette ou mon sombrero, c'est-à-dire que je peux parler à la fois quand je suis en CSSCT, en CSE, je peux parler comme je veux avec les élus, je ne les prends pas pour des imbéciles, je leur dis la vérité, on a des discours qui sont parfois durs à entendre, mais à chaque fois d'ailleurs le dialogue social s'améliore dans ces situations-là, parce qu'il vaut mieux une vraie tristesse qu'une fausse joie, les élus, moi je suis un ancien élu devenu patron, les élus sont capables de comprendre plein de choses, dès lors qu'on leur adresse des messages de sincérité, qu'ils n'ont pas l'impression qu'on les prend pour des imbéciles. Et ils comprennent. dans la plupart des cas, les situations, les contraintes budgétaires, économiques, situationnelles ou stratégiques qu'on va avoir. Moi, j'ai un très bon ami qui est DRH de transition dans des situations qui sont catastrophiques et à chaque fois, ce qui fait la différence, c'est justement cette faculté à adresser des messages, mais aussi avec la direction, parce que c'est un peu simple d'avoir une lecture qui viserait à dire qu'il faut être dans une logique de bras de fer avec les élus. On peut être adversaire sans être ennemi et heureusement qu'on fonctionne comme ça, mais on peut l'être aussi avec son propre boss. Le DRH, c'est aussi celui qui doit être un peu l'empêcheur, le tourner en rond. Et c'est plus facile quand tu es DRH de transition, tu n'as pas de contrat de subordination en tant que tel, mais juste un contrat commercial pour dire, OK, moi, je comprends votre nouvel organe, mais là-dessus, là-dessus et là-dessus, en fait, il y a des angles morts et ça ne fonctionnera pas. En fait, le fait de pouvoir avoir ce discours qui est un discours de sincérité, ce discours de vérité et ce discours qui est, à mon avis, un discours de lucidité parce que le DRH a vocation à lever le voile sur les impensés managériaux parce que... du prêt-à-penser managérial, on en a tout le temps. En fait, on ne fait pas le mieux, on fait la même chose que les autres, sauf que parfois, les autres, ils font des conneries. Et donc, c'est important que quelqu'un puisse challenger les orgades, challenger les projets, challenger les managers, puis se recadrer aussi parce que quand tu es RH pendant très longtemps au même endroit, il y a aussi, et c'est logique, ce n'est pas grave, mais des relations affectives qui se créent, tout un tas d'emprises sur des sujets qui font que ça peut limiter parfois ta faculté à adresser des messages difficiles. Moi, je crois que la fonction RH, elle est essentielle. pour avoir cette vision hélicoptère, cette vision méta, pour nous sortir un peu parfois de l'opérationnel ou du quotidien et pour se reposer la question de, OK, on va dans quelle direction et comment on y va ?

  • Speaker #0

    Alors tu vois, je partage à 100% ce que tu dis, et l'autre fois, j'ai discuté pourtant avec une DRH, avec qui je partageais ses constats sur l'évolution de la fonction, et qui disait, moi en fait, je trouve que finalement, le fait d'aller vers des façons d'exercer le métier différentes, c'est une fuite en avant. C'est-à-dire qu'elle disait, finalement, en fait, c'est pas très bon sur cette fonction-là, et sur la santé de cette fonction-là, parce que si on est obligé de prendre son indépendance, Pour aller bien, c'est que c'est la fin des haricots. Puis elle disait, dans les sociétés, il ne peut pas non plus avoir des DRH qui sont là que quelques jours par semaine. Donc, quelles sont les pistes pour toi pour sortir de cet impasse-là ? Si tu as des idées.

  • Speaker #1

    Mais en fait, pour moi, ce n'est ni une fuite en avant, ni une fuite en arrière. Ce sont des modalités d'exercice de la profession qui sont différentes. Mais comme tu en as qui ont été dans le marketing pendant longtemps et qui viennent consultant dans un second temps parce qu'ils préfèrent avoir aussi une diversité ou une variété. En fait, ça répond aussi à des aspirations singulières des personnes qui viennent rencontrer des besoins spécifiques d'une société. Quand tu es une société où tu es 80 personnes, est-ce que tu as besoin d'avoir un DRH à temps plein ? Je ne suis pas sûr. Quand tu as un DRH qui vient deux jours par semaine pour faire le job et autres, après tout, pourquoi pas ? Moi, je trouve que c'est simplement une modalité d'organisation de l'activité qui peut répondre à des enjeux spécifiques. Et c'est aussi ce qui permet à des petites structures qui sont en hypercroissance ou qui vivent des situations qui sont complexes de pouvoir se doter parfois de compétences expertes. pas sur un full-time, mais qui ne pourraient pas se les payer sur un full-time. Et je trouve ça très intéressant de se dire que je travaille avec une structure des énergies renouvelables qui est en hypercroissance dans l'ouest de la France. Ils ont commencé effectivement avec une logique d'une DRH qui était là un jour par semaine, mais quelqu'un d'expérimenté, de capé, en fait, qui leur a permis... permis de scaler véritablement parce que c'est grâce à la compétence et à l'expertise qu'ils ont pu très rapidement éviter toutes les petites erreurs des petites boîtes, des petites startups et monter, se processer, avoir des vrais contrats de travail, respecter véritablement les conditions de succès. Donc moi, je trouve que c'est une excellente chose. Après, la question, ce n'est pas tant de savoir. Pour moi, c'est comme le télétravail. Est-ce que c'est bien ou mauvais ? Ce n'est pas une bonne question. Le télétravail, c'est une modalité d'organisation, de la création de valeur. C'est un outil et un outil, comme souvent, il se définit par la pertinence de son usage. C'est super d'avoir un marteau pour planter un clou, c'est moins bon pour aller fracasser le crâne de son voisin. Donc l'outil se définit effectivement par la pertinence de cet usage. Et bien, moi, la question, c'est quelles sont les conditions qu'on doit donner à un DRH pour qu'il soit motivé, en bonne santé, et on les connaît. Enfin, je veux dire, un DRH qui est soutenu d'un point de vue de ses besoins fondamentaux, qui a de l'autonomie, c'est-à-dire que ce n'est pas juste un pouce bouton, il ne doit pas demander une autorisation pour dépenser 50 balles. Donc, on lui explique quel est le cadre, mais à l'intérieur de tout ça, il a la possibilité qu'on lui fasse confiance. Il a un vrai management sur le candidat d'autonomie. Deuxièmement, c'est quelqu'un conforme parce que la fonction RH est une fonction qui est extrêmement exigeante sur bien des sujets. Le recrutement a changé, la formation a changé, l'intégration a changé, l'onboarding a changé, la QVT a changé, le droit du travail a changé, la jurisprudence évolue. On doit pouvoir se former tout au long de la vie quand on est dans une fonction RH parce que l'être humain évolue, le business évolue. Pourquoi la fonction RH n'évoluerait pas ? Et souvent, c'est la grande absence, c'est-à-dire qu'elle forme tout le monde, mais elle ne se forme pas parce qu'en fait, elle n'a jamais eu le temps de le faire en tant que telle. De l'autonomie, de la compétence, c'est-à-dire qu'on fasse du feedback aussi à la fonction RH sur la place qu'elle occupe et sa position fondamentale dans la détermination de la création de valeur, parce que sinon, elle fait plein de trucs, mais personne ne le voit parce que c'est invisible. Autonomie, compétence, et puis tout ce qui va être l'ordre de son appel de l'affiliation ou de l'appartenance, c'est-à-dire comment on va intégrer la fonction RH dans un comex, en lui donnant une vraie place, ce n'est pas toujours elle qui parle en dernier. Parce qu'effectivement, on pense que la production et que les sales, en tout cas la top line, sont les plus importants. Non, la RH a aussi vocation à parler de l'état des troupes, de la situation, comment on va pouvoir trouver les bonnes compétences, les développer, les maintenir. Donc, si on sait soutenir les besoins fondamentaux de cette fonction RH, en fait, elle va très bien.

  • Speaker #0

    Je crois que tu aimes bien parler, c'est la théorie de Dessy et Ryan.

  • Speaker #1

    Oui, l'autodétermination.

  • Speaker #0

    Oui, l'autodétermination, j'écoute toujours avec la plus grande attention. Contrairement à d'autres discours, dont deux gens que j'ai reçus dans le podcast, Quand on en a parlé, tu disais que parfois partir, quand on est trop coincé, c'est la seule option saine. Est-ce que tu peux expliquer un peu plus ? Parce que j'ai eu un débat dans un autre épisode avec quelqu'un qui, c'était aussi hyper intéressant de l'écouter, qui disait que parfois partir, ce n'était pas possible pour tout le monde. Ça pouvait être parfois une option un peu de bobo parce que tout le monde ne peut pas se le permettre. Et quand je t'avais interrogé là-dessus, tu avais vivement réagi. Et je veux bien que tu me redonnes peut-être ta position, ta réflexion quand on a préparé l'épisode. Parce que parfois, tu dis que c'est salutaire de partir quand on est trop coincé dans cette fonction-là.

  • Speaker #1

    L'idée, c'est toujours la même, c'est-à-dire que partir, ce n'est pas forcément simple, ce n'est pas forcément agréable, mais ça peut être très sain, c'est-à-dire est-ce qu'il vaut mieux rester dans un environnement qu'on connaît mais qui est devenu toxique que d'aller découvrir un environnement qui est nouveau mais qui pourrait être effectivement favorable à notre santé. Donc, ce n'est pas pour moi un truc de bobo ou pas de bobo parce que ça n'a pas véritablement de sens là encore à part à poser un regard stéréotypé sur les personnes ou sur les situations. Bien sûr, quand tu es opérateur de découpe, Dans une usine, dans la meuse où tu fais des salades, forcément, changer de boulot toutes les deux semaines, ce n'est pas nécessairement possible. Quoique, il y en a qui le font, il y a de la mobilité aussi dans ces territoires-là. Mais quand l'environnement est devenu envivable, quand les conditions, on va dire, d'exercice de l'activité sont telles que ça t'irrite la santé physique ou mentale, bien entendu qu'il y a des évitements qui sont sains. Et il y a parfois des environnements dont il faut partir. Et puis, parce que, pour l'avoir connu aussi dans plein de boîtes, Quand dans un service, tu as trois personnes sur cinq qui se barrent, c'est aussi comme ça que ça fait réfléchir. C'est qu'il faut parfois être au pied du mur pour se rendre compte qu'on va dans la mauvaise direction. Combien de clients j'ai accompagnés qui ont mis des années avant de vraiment se mettre sur les sujets, mais ils se sont mis sur les sujets le jour où il s'est passé quelque chose de dramatique. Est-ce qu'on a vraiment besoin d'attendre qu'il se passe quelque chose de dramatique pour agir ou pour partir ? Je ne crois pas. Donc je pense que c'est difficile de quitter son job, tout le monde, parce que... ça suscite de l'incertitude, de l'anxiété, de l'insécurité économique. Je peux comprendre que ça soit quelque chose de difficile, mais un, ce n'est pas parce que c'est difficile que c'est impossible, et deux, la question encore, ce n'est pas tant de savoir si c'est possible ou pas possible, la question c'est quelles sont les conditions de succès de ces transitions réussies. Oui,

  • Speaker #0

    parfois c'est une histoire de… c'est presque vital quoi.

  • Speaker #1

    Bien sûr, bien sûr. Si tu fais l'objet de pratiques vexatoires, répétées, ce qu'on pourrait qualifier de harcèlement, je pense qu'il est bon de pouvoir partir pour sauver sa peau.

  • Speaker #0

    On s'achemine vers la fin de notre échange qui a été très riche. Évidemment, il y a plein de DRH qui nous écoutent. Qu'est-ce que tu aurais envie de leur dire comme premier petit pas pour peut-être prendre soin d'eux et repenser leur santé mentale, toi qui es au cœur des organisations ?

  • Speaker #1

    Je pense que la première chose à faire, je l'ai dit, c'est le soutien des pairs, c'est-à-dire avoir un collectif de DRH avec lesquels ils peuvent parler parce que ça, c'est vraiment fondamental. Et puis, on n'est jamais à l'abri d'apprendre une bonne chose à gauche ou à droite. Il y a vraiment cette question de la fréquence de la récupération, comment on se met des temps, on va pouvoir prendre l'air, prendre un petit peu de distance émotionnelle par rapport à tout ça. Et puis si vraiment ça ne marche pas, appelez-moi.

  • Speaker #0

    Ça marche. Un grand merci pour cet échange plein d'enseignements, très riche. Puis j'ai été très heureuse de te recevoir. Je t'ai écoutée à de nombreuses reprises chez d'autres confrères. Donc c'était vraiment un grand plaisir. Merci beaucoup Adrien.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup et c'était un plaisir partagé.

  • Speaker #0

    C'est la fin de cet épisode. Merci de nous avoir écoutés. Si vous souhaitez nous soutenir, pensez à vous abonner et à nous mettre 5 étoiles. Avant de vous quitter, je vous donne rendez-vous sur ma page LinkedIn ou sur le compte Instagram de Psyboulot. Si vous souhaitez échanger, me suggérer des invités et même venir témoigner à mon micro. A très vite sur Psyboulot.

Description

Ils soutiennent, apaisent, régulent…

Mais qui prend soin des DRH ?


🎧 Dans cet épisode de Psy Boulot, Marie-Claire Valentini reçoit Adrien Chignard, psychologue du travail et fondateur de Sens & Cohérence, pour aborder un angle mort des organisations : la santé mentale des professionnels RH.

💬 Entre burn-out, change fatigue, charge émotionnelle, usure professionnelle, et conflits mal régulés, les DRH sont souvent la variable d’ajustement d’un système en tension.
Fonction stratégique ? Peut-être.
Fonction protégée ? Rarement.

👉 Est-il possible de rester en bonne santé mentale quand on est DRH ?
👉 Quelles sont les conditions pour exercer ce métier sans sombrer ?
👉 Et quand faut-il partir pour se préserver ?

🧠 Un échange sans filtre, documenté et humain, avec des pistes concrètes pour :

  • rompre avec la logique sacrificielle,

  • retrouver du pouvoir d’agir,

  • poser des limites saines,

  • et mieux comprendre ce que traverse la fonction RH aujourd’hui.

🎧 À écouter d’urgence si vous travaillez dans, avec, ou autour des ressources humaines.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue sur Psyboulot, le podcast qui éclaire les coulisses du boulot. Je suis Marie-Claire Valentini, dirigeante EDRH. Je partage avec vous et mes invités mes interrogations et réflexions sur le monde professionnel. C'est après avoir étudié la psycho que j'ai eu envie de créer Psyboulot, un podcast qui décrypte les comportements humains et les dynamiques en entreprise. Ici, pas de pensée magique, pas de recette unique, je vous donne rendez-vous à chaque épisode pour un nouveau défi du monde du travail. Hello ! Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Adrien Chignard, psychologue du travail à des organisations et fondateur du cabinet Sens et cohérence. On va parler d'un angle mort, la santé mentale des DRH. Ils sont au cœur des transformations, des conflits, des décisions sensibles. Ils incarnent l'organisation, mais eux, qui les soutient ? Dans cet échange, Adrien va nous partager ses constats, ses convictions et surtout, des pistes concrètes pour aller mieux. Bonjour Adrien.

  • Speaker #1

    Salut Marie-Claire.

  • Speaker #0

    Alors, on parle beaucoup de santé mentale au travail, mais rarement de celle des DRH. Pourquoi, selon toi, c'est un sujet à prendre au sérieux aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Premièrement, parce qu'en fait, souvent la fonction RH, c'est elle qui soutient le reste du corps social. C'est-à-dire que c'est une fonction qui relève souvent de la vocation. On ne fait pas RH comme ça par accident, parce que ce sont des métiers qui sont difficiles, qui sont exigeants, qui sollicitent des compétences qui sont quand même plurielles. Et on en parle peu parce qu'en fait, ce sont un peu des fonctions de l'ombre, c'est-à-dire on aide, on soutient, on consolide, on accompagne, on pose du cadre. Parfois, on a des tâches qui sont ingrates à faire, mais c'est un peu comme la fonction de la paye. Personne ne remercie la spécialiste de la paye quand il reçoit sa paye. En revanche, on va la voir pour dire qu'on n'est pas content le jour où il y a une erreur de paye. Donc, c'est une fonction qui est souvent une fonction qui est malade de la reconnaissance, la fonction RH.

  • Speaker #0

    Et alors, est-ce que selon toi, justement, c'est un débat que j'ai souvent eu avec des collègues psychologues du travail, Est-ce que selon toi, il y a des raisons ? spécifique qui explique parfois la souffrance dans cette fonction. Et est-ce que finalement, il y a une spécificité aux enjeux de cette fonction ?

  • Speaker #1

    En fait, il y a des raisons qui sont un petit peu singulières, parce que déjà, c'est une fonction qui vit souvent ce qu'on appelle un impact émotionnel par personne interposée. En fait, si tu regardes un grand rapport qui s'appelle le rapport IRES, c'est Health in Restructuring, la santé dans les restructurations, ça nous dit quoi ? Ça nous dit que la fonction RH n'est pas forcément toujours touchée elle-même, même si on en parlera, elle l'est de plus en plus quand même. mais elle voit des personnes qu'elle connaît, qui sont des collègues, des personnes qu'elle apprécie ou qu'elle estime, qui sont amenées à partir dans les plans, dans les mobilités, dans les restructurations. Et puis, la vie est ainsi faite en ce moment qu'on a une incertitude qui est forte sur l'avenir. Et la fonction RH, elle est très sollicitée, parce que la fonction RH, c'est aussi celle qui répond à tout ce que les managers ont peur de faire ou sur lesquels ils sont en difficulté. Parce que c'est facile d'être un manager qui annonce des bonnes nouvelles et qui donne des enveloppes, mais c'est difficile de dire je ne suis pas content de ton boulot, tu n'auras pas ta mobilité, tu n'auras pas ta prime, tu n'auras pas ton augment. Donc souvent, on délègue ça à la fonction RH qui se prend, elle, toute cette charge émotionnelle. On voit aussi, mine de rien, une hyper fréquence des changements organisationnels. Depuis une vingtaine d'années, on change d'orgas toutes les 24 ou tous les 36 mois dans les grandes entreprises. Et à chaque fois, ça finit par éroder les facultés d'adaptation des personnes en situation de travail. Parce que changer, ça nous consomme de la bande passante, de la ressource. et ça crée ce que les Canadiens appellent un change fatigue, c'est-à-dire une érosion des facultés à changer. Et parce que la fonction RH, elle doit systématiquement avoir, comme on dit, le wording expliqué, les gains, les bénéfices, ce qu'on va faire, soutenir des personnes qui sont en situation d'incertitude, donc d'anxiété, et ça consomme beaucoup d'énergie. Et en fait, la difficulté qu'on va rencontrer, c'est qu'on a pas mal de RH, effectivement, qui ont été mis dans les centres de services partagés, ces shared business services, et qui sont dans cette logique un peu de ticketing, c'est-à-dire que Un petit peu comme tu vas à la poissonnerie, tu dois prendre ton ticket pour derrière qu'on vienne te servir. Et la grande difficulté que ça va créer, c'est qu'en fait, on va éloigner les fonctions support que sont les fonctions RH des utilisateurs qui sont localisés un petit peu partout, notamment en France. Et ça crée des insatisfactions, ça crée des incompréhensions parce que la distance, elle est propice à la conflictualité. Donc, ça met encore la fonction RH dans une situation qui est encore plus délicate qu'elle l'était auparavant. Il ne faut pas oublier que... Et c'est ce que nous dit la grande enquête Sumer. Le premier motif de risque psychosocial et de stress au travail, c'est la confrontation à des usagers qui sont inciviles, agressifs ou agressants. Mais quand tu dois appeler une plateforme que tu ne connais pas ton RH au bout de la France pour avoir une info, nécessairement, ça va générer de l'incivilité. Et donc, la fonction RH prend ça en pleine poire.

  • Speaker #0

    Toi, tu rencontres plein de DRH. Adrien, certaines sont tes clientes. Du coup, de quoi elles te témoignent comme difficultés et comme impact sur leur santé mentale face à ces situations que tu nous décris ?

  • Speaker #1

    Je pense que la plus grande difficulté, c'est une charge de travail qui est considérable et une charge mentale folle, parce qu'effectivement, comme ce sont des fonctions qui sont perçues comme des centres de coût plus que comme des centres de profit, on fait des économies dans tous les sens, et il y a une hyper sollicitation de la fonction RH. Puis cette sollicitation, elle n'est pas juste une sollicitation opérationnelle ou de process, c'est aussi une sollicitation très émotionnelle, et on fait face, et moi je vois beaucoup de personnes dans la fonction RH qui me parlent de ce qu'on va appeler cette usure compassionnelle, quelque part cette usure de l'empathie. en disant mais en fait j'ai tellement donné, donné, donné qu'aujourd'hui j'ai l'impression que ma peau est plus épaisse, que je suis beaucoup moins sensible à ce qui se passe et je ne me reconnais pas nécessairement dans tout ça. Et l'hyperfréquence des changements finit par générer une forme d'usure aussi dans les facultés d'adaptation. Et donc moi je vois les fonctions RH qui me disent j'ai envie de devenir DG d'une petite ONG ou j'ai envie d'aller sur une PME parce que j'ai besoin d'avoir des leviers d'action, c'est-à-dire que quand tu es en France mais que tout se décide à San Francisco, à New York ou quoi que ce soit, ça finit par générer des non-sens. On te demande d'appliquer des choses qui, pour toi, dans un contexte français, ne sont pas nécessairement des choses qui sont applicables en tant que telles.

  • Speaker #0

    Tu as parlé, quand on a discuté pour préparer l'entretien, de la RH comme étant une variable d'ajustement. Est-ce que tu peux nous dire, même si tu viens un petit peu de nous l'expliquer, ce qui se passe concrètement ?

  • Speaker #1

    En fait, je dis souvent que la RH est une variable d'ajustement d'un système dysfonctionnel, c'est-à-dire qu'on a des managers qui ne sont pas toujours formés, on a des managers qui ne sont pas toujours... compétents. En France, le management, c'est malheureusement trop souvent une récompense et pas toujours perçu comme une compétence. Donc, ce n'est pas accompagné pour développer le manager et toutes ces carences managériales, mais je ne jette pas l'opprobre sur les managers, c'est compliqué de manager, c'est compliqué de gérer des changements et c'est compliqué d'être soutenant vis-à-vis de son équipe quand soi-même, on n'est pas soutenu en tant que tel. Et donc, la variable d'ajustement de ces systèmes dysfonctionnels, c'est l'hyper-implication à la fois en termes de temps, en termes d'heures, mais aussi d'implication émotionnelle, il y a une usure émotionnelle du travail de la fonction RH, parce que C'est elle qui vient boucher les trous quand le navire est en train de prendre l'eau.

  • Speaker #0

    Et on retrouve des difficultés aussi, il me semble, dans des situations où les DRH font beaucoup face aussi aux conflits. J'ai l'impression, et tu me l'avais confirmé, qu'il y a aujourd'hui une explosion du nombre d'enquêtes harcèlement. Qu'est-ce que ça dit, selon toi, de la position de cette fonction dans ces situations-là ? Et comment elle fait cette fonction pour tenir dans des situations de forte tension ?

  • Speaker #1

    Oui, nous on fait un x10 en l'espace de 4 ans sur les enquêtes harcèlement. C'est quelque chose qui est vraiment en train de bondir et de grandir énormément. On doit en faire 80 par an, ce qui est considérable.

  • Speaker #0

    C'est énorme.

  • Speaker #1

    Ce que l'on voit, c'est que l'enquête harcèlement, c'est toujours la conséquence d'une régulation managériale qui n'a pas été faite au bon moment. C'est-à-dire que bien souvent, il y avait des signaux avant-coureurs qui n'ont pas été régulés parce que pour tout un tas d'excellentes ou mauvaises raisons, on ne l'a pas fait. Et donc, c'est le RH ou la fonction RH qui se récupère cette espèce de patate chaude. il faut en faire quelque chose c'est systématiquement déceptif et difficile les enquêtes harcèlement et on met la fonction RH dans cette logique d'espèce de médiateur, de régulateur, mais qui est très difficile parce que lorsqu'on en arrive à des situations de harcèlement présumé, on a vraiment abrasé, presque détruit la relation entre deux personnes et on est encore là dans une logique d'exigence émotionnelle parce qu'on est dans une gestion de la conflictualité, mais qui peut dire j'adore les conflits ? Personne n'aime ça, c'est vraiment quelque chose de compliqué. Et on demande à la fonction RH de faire des arbitrages, de pouvoir procéder à des recadrages, parfois de la mobilité, des licenciements, des sanctions, ce qui n'est pas nécessairement la partie du métier qui est la plus agréable. Alors certes, il faut la faire et personne n'est contre ça. Simplement, quand c'est de plus en plus aigre et de moins en moins doux, alors c'est souvent beaucoup plus indigeste.

  • Speaker #0

    Comment, d'après toi, on peut préserver sa santé mentale quand on occupe cette fonction-là ? Et j'ai presque envie de te poser une question assez franche, c'est… Est-ce qu'on peut être en bonne santé mentale quand on est DRH sur le long terme ? C'est quoi les conditions pour exercer le métier sans trop s'abîmer ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y en a plusieurs. La première, c'est de ne pas rester tout seul. C'est-à-dire qu'on sait que le premier rempart contre la détresse psychologique, c'est le soutien des pairs. Il y a des communautés de DRH qui viennent un peu normaliser ce qui se passe. C'est-à-dire que si tu parles avec des collègues d'autres maisons, d'autres boîtes ou même des DRH de ta boîte qui sont sur d'autres sites, Le fait de se dire, je galère là-dessus, ça j'en ai marre, ça c'est difficile, ça je n'y arrive pas. Que les autres te disent, mais moi c'est pareil en fait. Ça t'évite d'avoir cette espèce d'erreur fondamentale d'attribution en psychologie qui vise à imaginer que si tu n'y arrives pas, c'est de ta faute, que tu n'es pas assez bon, que tu es mismatch ou quoi que ce soit. L'idée d'entendre, mais toi aussi tu galères, pour toi aussi c'est difficile. Ok, donc je ne suis pas tout seul en fait. La problématique, elle n'est pas personnelle, elle est situationnelle et contextuelle. Ça permet déjà de mieux vivre les choses. La deuxième chose, c'est de demander du soutien. On le sait, les DRH les plus soutenants sont les DRH les plus soutenus. Donc, comment effectivement la ligne managériale de la fonction RH octroie de la délégation de pouvoir, fait confiance à une vision RH et non pas simplement une simple administration du personnel qui serait un petit peu datée. Et puis, on le sait, le secret de la performance durable, c'est la fréquence de la récupération. C'est comment en tant que DRH, je n'ai pas une logique sacrificielle dans ma façon de fonctionner. Comment je prends du temps pour moi ? Comment je pose des jours de RTT, des jours de congés ? Comment je ne finis pas tous les soirs à 20h, mais je prends des moments, au moins un moment dans la semaine où j'ai ce temps sanctuaire où... Je vais non pas me reposer, mais me ressourcer, faire des choses qui sont en accord avec mes besoins, avec mes valeurs, avec ce qui est fondamental pour moi. Le fameux, ce que disaient nos grands-parents, le qui veut voyager loin, ménage sa aventure. Qui veut être RH longtemps, s'octroie régulièrement justement du bon temps.

  • Speaker #0

    Tu parles beaucoup du soutien des pertes. On parle même parfois, très souvent, s'agissant des managers. Concrètement, qu'est-ce qui aide vraiment ? Et est-ce qu'on peut repenser l'organisation de cette fonction pour la protéger ? Je m'interroge aussi sur la question du soutien de la direction générale, parce que c'est une fonction qui vient finalement exécuter quelque chose et qui doit par nature être en coopération ou doit avoir une alliance très solide avec le dirigeant ou la direction. Comment tu vois les choses ?

  • Speaker #1

    En fait, toutes les fonctions vont exécuter quelque chose, parce que le principe d'un contrat de travail, c'est que c'est un lien de subordination à un employeur. Donc nécessairement, quelqu'un décide et d'autres vont pouvoir montrer une déclinaison opérationnelle des décisions qui ont été prises en amont. Donc ça, ce n'est pas le propre de la fonction RH, c'est le propre d'un contrat de travail, aussi simple qu'il soit. Après, la question, c'est est-ce qu'on est dans une logique d'exécution, dans une logique de co-construction ? Si on veut que la RH soit porteuse de messages, on n'est jamais aussi convaincant que quand on est convaincu. On n'est jamais aussi convaincu que quand on a contribué à... à poser les questions, à construire le message ensemble, à construire la vision. Moi, les RH que je vois rester les plus longtemps en poste, c'est ceux qui font des binômes avec la direction, qui sont entre guillemets le pendant humain, on va dire, d'une vision RH. Moi, je ne crois pas que la RH, ça soit une somme de tâches qu'on accole les unes aux autres parce qu'on peut pagailler, pagailler, ça tout le monde sait le faire, mais s'il n'y a pas de phare au bout de la nuit, en fait, on tourne en rond. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est de voir comment la RH peut contribuer. à être ce qu'on appelle le business partner, mais ce n'est pas juste des termes, parce que sinon ça n'aurait pas de sens, c'est comment ils sont un moyen en service de la perpétuation de la raison d'être de l'entreprise. Si la seule vocation de l'entreprise, c'est de produire de la valeur, alors on a besoin d'avoir des hommes, des femmes, qui sont effectivement recrutés, fidélisés, engagés, mobilisés, soutenus, accompagnés, et la fonction RH, elle va pouvoir fiouler tout ça. Et donc, il y a une vision business qui est pensée, derrière, on regarde comment on a besoin de la fonction RH, on va l'inféoder au business, mais... Il y a des inféodations qui ne sont pas mauvaises, parce que le but du jeu, c'est de servir effectivement la perpétuation de cette raison d'être de l'entreprise pour qu'il y ait du profit, pour qu'on puisse croître, pour qu'on puisse gagner des marchés et pour que derrière, on puisse avoir une redistribution saine de la valeur qui a été créée.

  • Speaker #0

    Moi, j'assiste aujourd'hui quand même à une forte émergence d'autres modalités d'exercice de cette fonction. Il y a beaucoup de DRH qui deviennent DRH en temps partagé. Qu'est-ce que ça dit de cette fonction-là ? Tu crois que ça résout le problème quand on s'inscrit finalement dans une relation qui est peut-être plus commerciale et de prestation de service avec une organisation, avec un dirigeant ?

  • Speaker #1

    Moi, tous ceux que j'ai connus des RH en ton partagé, souvent, ils sont hyper heureux pour une raison simple. Ils ont retrouvé quelque chose qui, moi, est un grand driver motivationnel pour moi aussi, c'est qu'ils ont retrouvé la liberté de ton. Parce qu'en fait, si on vient les prendre, c'est parce qu'ils sont compétents. Et c'est comme des DRH de transition. Moi, j'ai pas mal de copains ou de copines qui sont devenus DRH de transition. et qui disent pour une fois, j'ai plus à avaler mon chapeau, ma casquette ou mon sombrero, c'est-à-dire que je peux parler à la fois quand je suis en CSSCT, en CSE, je peux parler comme je veux avec les élus, je ne les prends pas pour des imbéciles, je leur dis la vérité, on a des discours qui sont parfois durs à entendre, mais à chaque fois d'ailleurs le dialogue social s'améliore dans ces situations-là, parce qu'il vaut mieux une vraie tristesse qu'une fausse joie, les élus, moi je suis un ancien élu devenu patron, les élus sont capables de comprendre plein de choses, dès lors qu'on leur adresse des messages de sincérité, qu'ils n'ont pas l'impression qu'on les prend pour des imbéciles. Et ils comprennent. dans la plupart des cas, les situations, les contraintes budgétaires, économiques, situationnelles ou stratégiques qu'on va avoir. Moi, j'ai un très bon ami qui est DRH de transition dans des situations qui sont catastrophiques et à chaque fois, ce qui fait la différence, c'est justement cette faculté à adresser des messages, mais aussi avec la direction, parce que c'est un peu simple d'avoir une lecture qui viserait à dire qu'il faut être dans une logique de bras de fer avec les élus. On peut être adversaire sans être ennemi et heureusement qu'on fonctionne comme ça, mais on peut l'être aussi avec son propre boss. Le DRH, c'est aussi celui qui doit être un peu l'empêcheur, le tourner en rond. Et c'est plus facile quand tu es DRH de transition, tu n'as pas de contrat de subordination en tant que tel, mais juste un contrat commercial pour dire, OK, moi, je comprends votre nouvel organe, mais là-dessus, là-dessus et là-dessus, en fait, il y a des angles morts et ça ne fonctionnera pas. En fait, le fait de pouvoir avoir ce discours qui est un discours de sincérité, ce discours de vérité et ce discours qui est, à mon avis, un discours de lucidité parce que le DRH a vocation à lever le voile sur les impensés managériaux parce que... du prêt-à-penser managérial, on en a tout le temps. En fait, on ne fait pas le mieux, on fait la même chose que les autres, sauf que parfois, les autres, ils font des conneries. Et donc, c'est important que quelqu'un puisse challenger les orgades, challenger les projets, challenger les managers, puis se recadrer aussi parce que quand tu es RH pendant très longtemps au même endroit, il y a aussi, et c'est logique, ce n'est pas grave, mais des relations affectives qui se créent, tout un tas d'emprises sur des sujets qui font que ça peut limiter parfois ta faculté à adresser des messages difficiles. Moi, je crois que la fonction RH, elle est essentielle. pour avoir cette vision hélicoptère, cette vision méta, pour nous sortir un peu parfois de l'opérationnel ou du quotidien et pour se reposer la question de, OK, on va dans quelle direction et comment on y va ?

  • Speaker #0

    Alors tu vois, je partage à 100% ce que tu dis, et l'autre fois, j'ai discuté pourtant avec une DRH, avec qui je partageais ses constats sur l'évolution de la fonction, et qui disait, moi en fait, je trouve que finalement, le fait d'aller vers des façons d'exercer le métier différentes, c'est une fuite en avant. C'est-à-dire qu'elle disait, finalement, en fait, c'est pas très bon sur cette fonction-là, et sur la santé de cette fonction-là, parce que si on est obligé de prendre son indépendance, Pour aller bien, c'est que c'est la fin des haricots. Puis elle disait, dans les sociétés, il ne peut pas non plus avoir des DRH qui sont là que quelques jours par semaine. Donc, quelles sont les pistes pour toi pour sortir de cet impasse-là ? Si tu as des idées.

  • Speaker #1

    Mais en fait, pour moi, ce n'est ni une fuite en avant, ni une fuite en arrière. Ce sont des modalités d'exercice de la profession qui sont différentes. Mais comme tu en as qui ont été dans le marketing pendant longtemps et qui viennent consultant dans un second temps parce qu'ils préfèrent avoir aussi une diversité ou une variété. En fait, ça répond aussi à des aspirations singulières des personnes qui viennent rencontrer des besoins spécifiques d'une société. Quand tu es une société où tu es 80 personnes, est-ce que tu as besoin d'avoir un DRH à temps plein ? Je ne suis pas sûr. Quand tu as un DRH qui vient deux jours par semaine pour faire le job et autres, après tout, pourquoi pas ? Moi, je trouve que c'est simplement une modalité d'organisation de l'activité qui peut répondre à des enjeux spécifiques. Et c'est aussi ce qui permet à des petites structures qui sont en hypercroissance ou qui vivent des situations qui sont complexes de pouvoir se doter parfois de compétences expertes. pas sur un full-time, mais qui ne pourraient pas se les payer sur un full-time. Et je trouve ça très intéressant de se dire que je travaille avec une structure des énergies renouvelables qui est en hypercroissance dans l'ouest de la France. Ils ont commencé effectivement avec une logique d'une DRH qui était là un jour par semaine, mais quelqu'un d'expérimenté, de capé, en fait, qui leur a permis... permis de scaler véritablement parce que c'est grâce à la compétence et à l'expertise qu'ils ont pu très rapidement éviter toutes les petites erreurs des petites boîtes, des petites startups et monter, se processer, avoir des vrais contrats de travail, respecter véritablement les conditions de succès. Donc moi, je trouve que c'est une excellente chose. Après, la question, ce n'est pas tant de savoir. Pour moi, c'est comme le télétravail. Est-ce que c'est bien ou mauvais ? Ce n'est pas une bonne question. Le télétravail, c'est une modalité d'organisation, de la création de valeur. C'est un outil et un outil, comme souvent, il se définit par la pertinence de son usage. C'est super d'avoir un marteau pour planter un clou, c'est moins bon pour aller fracasser le crâne de son voisin. Donc l'outil se définit effectivement par la pertinence de cet usage. Et bien, moi, la question, c'est quelles sont les conditions qu'on doit donner à un DRH pour qu'il soit motivé, en bonne santé, et on les connaît. Enfin, je veux dire, un DRH qui est soutenu d'un point de vue de ses besoins fondamentaux, qui a de l'autonomie, c'est-à-dire que ce n'est pas juste un pouce bouton, il ne doit pas demander une autorisation pour dépenser 50 balles. Donc, on lui explique quel est le cadre, mais à l'intérieur de tout ça, il a la possibilité qu'on lui fasse confiance. Il a un vrai management sur le candidat d'autonomie. Deuxièmement, c'est quelqu'un conforme parce que la fonction RH est une fonction qui est extrêmement exigeante sur bien des sujets. Le recrutement a changé, la formation a changé, l'intégration a changé, l'onboarding a changé, la QVT a changé, le droit du travail a changé, la jurisprudence évolue. On doit pouvoir se former tout au long de la vie quand on est dans une fonction RH parce que l'être humain évolue, le business évolue. Pourquoi la fonction RH n'évoluerait pas ? Et souvent, c'est la grande absence, c'est-à-dire qu'elle forme tout le monde, mais elle ne se forme pas parce qu'en fait, elle n'a jamais eu le temps de le faire en tant que telle. De l'autonomie, de la compétence, c'est-à-dire qu'on fasse du feedback aussi à la fonction RH sur la place qu'elle occupe et sa position fondamentale dans la détermination de la création de valeur, parce que sinon, elle fait plein de trucs, mais personne ne le voit parce que c'est invisible. Autonomie, compétence, et puis tout ce qui va être l'ordre de son appel de l'affiliation ou de l'appartenance, c'est-à-dire comment on va intégrer la fonction RH dans un comex, en lui donnant une vraie place, ce n'est pas toujours elle qui parle en dernier. Parce qu'effectivement, on pense que la production et que les sales, en tout cas la top line, sont les plus importants. Non, la RH a aussi vocation à parler de l'état des troupes, de la situation, comment on va pouvoir trouver les bonnes compétences, les développer, les maintenir. Donc, si on sait soutenir les besoins fondamentaux de cette fonction RH, en fait, elle va très bien.

  • Speaker #0

    Je crois que tu aimes bien parler, c'est la théorie de Dessy et Ryan.

  • Speaker #1

    Oui, l'autodétermination.

  • Speaker #0

    Oui, l'autodétermination, j'écoute toujours avec la plus grande attention. Contrairement à d'autres discours, dont deux gens que j'ai reçus dans le podcast, Quand on en a parlé, tu disais que parfois partir, quand on est trop coincé, c'est la seule option saine. Est-ce que tu peux expliquer un peu plus ? Parce que j'ai eu un débat dans un autre épisode avec quelqu'un qui, c'était aussi hyper intéressant de l'écouter, qui disait que parfois partir, ce n'était pas possible pour tout le monde. Ça pouvait être parfois une option un peu de bobo parce que tout le monde ne peut pas se le permettre. Et quand je t'avais interrogé là-dessus, tu avais vivement réagi. Et je veux bien que tu me redonnes peut-être ta position, ta réflexion quand on a préparé l'épisode. Parce que parfois, tu dis que c'est salutaire de partir quand on est trop coincé dans cette fonction-là.

  • Speaker #1

    L'idée, c'est toujours la même, c'est-à-dire que partir, ce n'est pas forcément simple, ce n'est pas forcément agréable, mais ça peut être très sain, c'est-à-dire est-ce qu'il vaut mieux rester dans un environnement qu'on connaît mais qui est devenu toxique que d'aller découvrir un environnement qui est nouveau mais qui pourrait être effectivement favorable à notre santé. Donc, ce n'est pas pour moi un truc de bobo ou pas de bobo parce que ça n'a pas véritablement de sens là encore à part à poser un regard stéréotypé sur les personnes ou sur les situations. Bien sûr, quand tu es opérateur de découpe, Dans une usine, dans la meuse où tu fais des salades, forcément, changer de boulot toutes les deux semaines, ce n'est pas nécessairement possible. Quoique, il y en a qui le font, il y a de la mobilité aussi dans ces territoires-là. Mais quand l'environnement est devenu envivable, quand les conditions, on va dire, d'exercice de l'activité sont telles que ça t'irrite la santé physique ou mentale, bien entendu qu'il y a des évitements qui sont sains. Et il y a parfois des environnements dont il faut partir. Et puis, parce que, pour l'avoir connu aussi dans plein de boîtes, Quand dans un service, tu as trois personnes sur cinq qui se barrent, c'est aussi comme ça que ça fait réfléchir. C'est qu'il faut parfois être au pied du mur pour se rendre compte qu'on va dans la mauvaise direction. Combien de clients j'ai accompagnés qui ont mis des années avant de vraiment se mettre sur les sujets, mais ils se sont mis sur les sujets le jour où il s'est passé quelque chose de dramatique. Est-ce qu'on a vraiment besoin d'attendre qu'il se passe quelque chose de dramatique pour agir ou pour partir ? Je ne crois pas. Donc je pense que c'est difficile de quitter son job, tout le monde, parce que... ça suscite de l'incertitude, de l'anxiété, de l'insécurité économique. Je peux comprendre que ça soit quelque chose de difficile, mais un, ce n'est pas parce que c'est difficile que c'est impossible, et deux, la question encore, ce n'est pas tant de savoir si c'est possible ou pas possible, la question c'est quelles sont les conditions de succès de ces transitions réussies. Oui,

  • Speaker #0

    parfois c'est une histoire de… c'est presque vital quoi.

  • Speaker #1

    Bien sûr, bien sûr. Si tu fais l'objet de pratiques vexatoires, répétées, ce qu'on pourrait qualifier de harcèlement, je pense qu'il est bon de pouvoir partir pour sauver sa peau.

  • Speaker #0

    On s'achemine vers la fin de notre échange qui a été très riche. Évidemment, il y a plein de DRH qui nous écoutent. Qu'est-ce que tu aurais envie de leur dire comme premier petit pas pour peut-être prendre soin d'eux et repenser leur santé mentale, toi qui es au cœur des organisations ?

  • Speaker #1

    Je pense que la première chose à faire, je l'ai dit, c'est le soutien des pairs, c'est-à-dire avoir un collectif de DRH avec lesquels ils peuvent parler parce que ça, c'est vraiment fondamental. Et puis, on n'est jamais à l'abri d'apprendre une bonne chose à gauche ou à droite. Il y a vraiment cette question de la fréquence de la récupération, comment on se met des temps, on va pouvoir prendre l'air, prendre un petit peu de distance émotionnelle par rapport à tout ça. Et puis si vraiment ça ne marche pas, appelez-moi.

  • Speaker #0

    Ça marche. Un grand merci pour cet échange plein d'enseignements, très riche. Puis j'ai été très heureuse de te recevoir. Je t'ai écoutée à de nombreuses reprises chez d'autres confrères. Donc c'était vraiment un grand plaisir. Merci beaucoup Adrien.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup et c'était un plaisir partagé.

  • Speaker #0

    C'est la fin de cet épisode. Merci de nous avoir écoutés. Si vous souhaitez nous soutenir, pensez à vous abonner et à nous mettre 5 étoiles. Avant de vous quitter, je vous donne rendez-vous sur ma page LinkedIn ou sur le compte Instagram de Psyboulot. Si vous souhaitez échanger, me suggérer des invités et même venir témoigner à mon micro. A très vite sur Psyboulot.

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Ils soutiennent, apaisent, régulent…

Mais qui prend soin des DRH ?


🎧 Dans cet épisode de Psy Boulot, Marie-Claire Valentini reçoit Adrien Chignard, psychologue du travail et fondateur de Sens & Cohérence, pour aborder un angle mort des organisations : la santé mentale des professionnels RH.

💬 Entre burn-out, change fatigue, charge émotionnelle, usure professionnelle, et conflits mal régulés, les DRH sont souvent la variable d’ajustement d’un système en tension.
Fonction stratégique ? Peut-être.
Fonction protégée ? Rarement.

👉 Est-il possible de rester en bonne santé mentale quand on est DRH ?
👉 Quelles sont les conditions pour exercer ce métier sans sombrer ?
👉 Et quand faut-il partir pour se préserver ?

🧠 Un échange sans filtre, documenté et humain, avec des pistes concrètes pour :

  • rompre avec la logique sacrificielle,

  • retrouver du pouvoir d’agir,

  • poser des limites saines,

  • et mieux comprendre ce que traverse la fonction RH aujourd’hui.

🎧 À écouter d’urgence si vous travaillez dans, avec, ou autour des ressources humaines.

burn-out, DRH, RH, santé mentale, risques psychosociaux, usure professionnelle, change fatigue, psychologie du travail, charge émotionnelle, fonction RH, Adrien Chignard, podcast RH, Psy Boulot, départ, soutien, régulation managériale, reconnaissance, résilience RH

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue sur Psyboulot, le podcast qui éclaire les coulisses du boulot. Je suis Marie-Claire Valentini, dirigeante EDRH. Je partage avec vous et mes invités mes interrogations et réflexions sur le monde professionnel. C'est après avoir étudié la psycho que j'ai eu envie de créer Psyboulot, un podcast qui décrypte les comportements humains et les dynamiques en entreprise. Ici, pas de pensée magique, pas de recette unique, je vous donne rendez-vous à chaque épisode pour un nouveau défi du monde du travail. Hello ! Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Adrien Chignard, psychologue du travail à des organisations et fondateur du cabinet Sens et cohérence. On va parler d'un angle mort, la santé mentale des DRH. Ils sont au cœur des transformations, des conflits, des décisions sensibles. Ils incarnent l'organisation, mais eux, qui les soutient ? Dans cet échange, Adrien va nous partager ses constats, ses convictions et surtout, des pistes concrètes pour aller mieux. Bonjour Adrien.

  • Speaker #1

    Salut Marie-Claire.

  • Speaker #0

    Alors, on parle beaucoup de santé mentale au travail, mais rarement de celle des DRH. Pourquoi, selon toi, c'est un sujet à prendre au sérieux aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Premièrement, parce qu'en fait, souvent la fonction RH, c'est elle qui soutient le reste du corps social. C'est-à-dire que c'est une fonction qui relève souvent de la vocation. On ne fait pas RH comme ça par accident, parce que ce sont des métiers qui sont difficiles, qui sont exigeants, qui sollicitent des compétences qui sont quand même plurielles. Et on en parle peu parce qu'en fait, ce sont un peu des fonctions de l'ombre, c'est-à-dire on aide, on soutient, on consolide, on accompagne, on pose du cadre. Parfois, on a des tâches qui sont ingrates à faire, mais c'est un peu comme la fonction de la paye. Personne ne remercie la spécialiste de la paye quand il reçoit sa paye. En revanche, on va la voir pour dire qu'on n'est pas content le jour où il y a une erreur de paye. Donc, c'est une fonction qui est souvent une fonction qui est malade de la reconnaissance, la fonction RH.

  • Speaker #0

    Et alors, est-ce que selon toi, justement, c'est un débat que j'ai souvent eu avec des collègues psychologues du travail, Est-ce que selon toi, il y a des raisons ? spécifique qui explique parfois la souffrance dans cette fonction. Et est-ce que finalement, il y a une spécificité aux enjeux de cette fonction ?

  • Speaker #1

    En fait, il y a des raisons qui sont un petit peu singulières, parce que déjà, c'est une fonction qui vit souvent ce qu'on appelle un impact émotionnel par personne interposée. En fait, si tu regardes un grand rapport qui s'appelle le rapport IRES, c'est Health in Restructuring, la santé dans les restructurations, ça nous dit quoi ? Ça nous dit que la fonction RH n'est pas forcément toujours touchée elle-même, même si on en parlera, elle l'est de plus en plus quand même. mais elle voit des personnes qu'elle connaît, qui sont des collègues, des personnes qu'elle apprécie ou qu'elle estime, qui sont amenées à partir dans les plans, dans les mobilités, dans les restructurations. Et puis, la vie est ainsi faite en ce moment qu'on a une incertitude qui est forte sur l'avenir. Et la fonction RH, elle est très sollicitée, parce que la fonction RH, c'est aussi celle qui répond à tout ce que les managers ont peur de faire ou sur lesquels ils sont en difficulté. Parce que c'est facile d'être un manager qui annonce des bonnes nouvelles et qui donne des enveloppes, mais c'est difficile de dire je ne suis pas content de ton boulot, tu n'auras pas ta mobilité, tu n'auras pas ta prime, tu n'auras pas ton augment. Donc souvent, on délègue ça à la fonction RH qui se prend, elle, toute cette charge émotionnelle. On voit aussi, mine de rien, une hyper fréquence des changements organisationnels. Depuis une vingtaine d'années, on change d'orgas toutes les 24 ou tous les 36 mois dans les grandes entreprises. Et à chaque fois, ça finit par éroder les facultés d'adaptation des personnes en situation de travail. Parce que changer, ça nous consomme de la bande passante, de la ressource. et ça crée ce que les Canadiens appellent un change fatigue, c'est-à-dire une érosion des facultés à changer. Et parce que la fonction RH, elle doit systématiquement avoir, comme on dit, le wording expliqué, les gains, les bénéfices, ce qu'on va faire, soutenir des personnes qui sont en situation d'incertitude, donc d'anxiété, et ça consomme beaucoup d'énergie. Et en fait, la difficulté qu'on va rencontrer, c'est qu'on a pas mal de RH, effectivement, qui ont été mis dans les centres de services partagés, ces shared business services, et qui sont dans cette logique un peu de ticketing, c'est-à-dire que Un petit peu comme tu vas à la poissonnerie, tu dois prendre ton ticket pour derrière qu'on vienne te servir. Et la grande difficulté que ça va créer, c'est qu'en fait, on va éloigner les fonctions support que sont les fonctions RH des utilisateurs qui sont localisés un petit peu partout, notamment en France. Et ça crée des insatisfactions, ça crée des incompréhensions parce que la distance, elle est propice à la conflictualité. Donc, ça met encore la fonction RH dans une situation qui est encore plus délicate qu'elle l'était auparavant. Il ne faut pas oublier que... Et c'est ce que nous dit la grande enquête Sumer. Le premier motif de risque psychosocial et de stress au travail, c'est la confrontation à des usagers qui sont inciviles, agressifs ou agressants. Mais quand tu dois appeler une plateforme que tu ne connais pas ton RH au bout de la France pour avoir une info, nécessairement, ça va générer de l'incivilité. Et donc, la fonction RH prend ça en pleine poire.

  • Speaker #0

    Toi, tu rencontres plein de DRH. Adrien, certaines sont tes clientes. Du coup, de quoi elles te témoignent comme difficultés et comme impact sur leur santé mentale face à ces situations que tu nous décris ?

  • Speaker #1

    Je pense que la plus grande difficulté, c'est une charge de travail qui est considérable et une charge mentale folle, parce qu'effectivement, comme ce sont des fonctions qui sont perçues comme des centres de coût plus que comme des centres de profit, on fait des économies dans tous les sens, et il y a une hyper sollicitation de la fonction RH. Puis cette sollicitation, elle n'est pas juste une sollicitation opérationnelle ou de process, c'est aussi une sollicitation très émotionnelle, et on fait face, et moi je vois beaucoup de personnes dans la fonction RH qui me parlent de ce qu'on va appeler cette usure compassionnelle, quelque part cette usure de l'empathie. en disant mais en fait j'ai tellement donné, donné, donné qu'aujourd'hui j'ai l'impression que ma peau est plus épaisse, que je suis beaucoup moins sensible à ce qui se passe et je ne me reconnais pas nécessairement dans tout ça. Et l'hyperfréquence des changements finit par générer une forme d'usure aussi dans les facultés d'adaptation. Et donc moi je vois les fonctions RH qui me disent j'ai envie de devenir DG d'une petite ONG ou j'ai envie d'aller sur une PME parce que j'ai besoin d'avoir des leviers d'action, c'est-à-dire que quand tu es en France mais que tout se décide à San Francisco, à New York ou quoi que ce soit, ça finit par générer des non-sens. On te demande d'appliquer des choses qui, pour toi, dans un contexte français, ne sont pas nécessairement des choses qui sont applicables en tant que telles.

  • Speaker #0

    Tu as parlé, quand on a discuté pour préparer l'entretien, de la RH comme étant une variable d'ajustement. Est-ce que tu peux nous dire, même si tu viens un petit peu de nous l'expliquer, ce qui se passe concrètement ?

  • Speaker #1

    En fait, je dis souvent que la RH est une variable d'ajustement d'un système dysfonctionnel, c'est-à-dire qu'on a des managers qui ne sont pas toujours formés, on a des managers qui ne sont pas toujours... compétents. En France, le management, c'est malheureusement trop souvent une récompense et pas toujours perçu comme une compétence. Donc, ce n'est pas accompagné pour développer le manager et toutes ces carences managériales, mais je ne jette pas l'opprobre sur les managers, c'est compliqué de manager, c'est compliqué de gérer des changements et c'est compliqué d'être soutenant vis-à-vis de son équipe quand soi-même, on n'est pas soutenu en tant que tel. Et donc, la variable d'ajustement de ces systèmes dysfonctionnels, c'est l'hyper-implication à la fois en termes de temps, en termes d'heures, mais aussi d'implication émotionnelle, il y a une usure émotionnelle du travail de la fonction RH, parce que C'est elle qui vient boucher les trous quand le navire est en train de prendre l'eau.

  • Speaker #0

    Et on retrouve des difficultés aussi, il me semble, dans des situations où les DRH font beaucoup face aussi aux conflits. J'ai l'impression, et tu me l'avais confirmé, qu'il y a aujourd'hui une explosion du nombre d'enquêtes harcèlement. Qu'est-ce que ça dit, selon toi, de la position de cette fonction dans ces situations-là ? Et comment elle fait cette fonction pour tenir dans des situations de forte tension ?

  • Speaker #1

    Oui, nous on fait un x10 en l'espace de 4 ans sur les enquêtes harcèlement. C'est quelque chose qui est vraiment en train de bondir et de grandir énormément. On doit en faire 80 par an, ce qui est considérable.

  • Speaker #0

    C'est énorme.

  • Speaker #1

    Ce que l'on voit, c'est que l'enquête harcèlement, c'est toujours la conséquence d'une régulation managériale qui n'a pas été faite au bon moment. C'est-à-dire que bien souvent, il y avait des signaux avant-coureurs qui n'ont pas été régulés parce que pour tout un tas d'excellentes ou mauvaises raisons, on ne l'a pas fait. Et donc, c'est le RH ou la fonction RH qui se récupère cette espèce de patate chaude. il faut en faire quelque chose c'est systématiquement déceptif et difficile les enquêtes harcèlement et on met la fonction RH dans cette logique d'espèce de médiateur, de régulateur, mais qui est très difficile parce que lorsqu'on en arrive à des situations de harcèlement présumé, on a vraiment abrasé, presque détruit la relation entre deux personnes et on est encore là dans une logique d'exigence émotionnelle parce qu'on est dans une gestion de la conflictualité, mais qui peut dire j'adore les conflits ? Personne n'aime ça, c'est vraiment quelque chose de compliqué. Et on demande à la fonction RH de faire des arbitrages, de pouvoir procéder à des recadrages, parfois de la mobilité, des licenciements, des sanctions, ce qui n'est pas nécessairement la partie du métier qui est la plus agréable. Alors certes, il faut la faire et personne n'est contre ça. Simplement, quand c'est de plus en plus aigre et de moins en moins doux, alors c'est souvent beaucoup plus indigeste.

  • Speaker #0

    Comment, d'après toi, on peut préserver sa santé mentale quand on occupe cette fonction-là ? Et j'ai presque envie de te poser une question assez franche, c'est… Est-ce qu'on peut être en bonne santé mentale quand on est DRH sur le long terme ? C'est quoi les conditions pour exercer le métier sans trop s'abîmer ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y en a plusieurs. La première, c'est de ne pas rester tout seul. C'est-à-dire qu'on sait que le premier rempart contre la détresse psychologique, c'est le soutien des pairs. Il y a des communautés de DRH qui viennent un peu normaliser ce qui se passe. C'est-à-dire que si tu parles avec des collègues d'autres maisons, d'autres boîtes ou même des DRH de ta boîte qui sont sur d'autres sites, Le fait de se dire, je galère là-dessus, ça j'en ai marre, ça c'est difficile, ça je n'y arrive pas. Que les autres te disent, mais moi c'est pareil en fait. Ça t'évite d'avoir cette espèce d'erreur fondamentale d'attribution en psychologie qui vise à imaginer que si tu n'y arrives pas, c'est de ta faute, que tu n'es pas assez bon, que tu es mismatch ou quoi que ce soit. L'idée d'entendre, mais toi aussi tu galères, pour toi aussi c'est difficile. Ok, donc je ne suis pas tout seul en fait. La problématique, elle n'est pas personnelle, elle est situationnelle et contextuelle. Ça permet déjà de mieux vivre les choses. La deuxième chose, c'est de demander du soutien. On le sait, les DRH les plus soutenants sont les DRH les plus soutenus. Donc, comment effectivement la ligne managériale de la fonction RH octroie de la délégation de pouvoir, fait confiance à une vision RH et non pas simplement une simple administration du personnel qui serait un petit peu datée. Et puis, on le sait, le secret de la performance durable, c'est la fréquence de la récupération. C'est comment en tant que DRH, je n'ai pas une logique sacrificielle dans ma façon de fonctionner. Comment je prends du temps pour moi ? Comment je pose des jours de RTT, des jours de congés ? Comment je ne finis pas tous les soirs à 20h, mais je prends des moments, au moins un moment dans la semaine où j'ai ce temps sanctuaire où... Je vais non pas me reposer, mais me ressourcer, faire des choses qui sont en accord avec mes besoins, avec mes valeurs, avec ce qui est fondamental pour moi. Le fameux, ce que disaient nos grands-parents, le qui veut voyager loin, ménage sa aventure. Qui veut être RH longtemps, s'octroie régulièrement justement du bon temps.

  • Speaker #0

    Tu parles beaucoup du soutien des pertes. On parle même parfois, très souvent, s'agissant des managers. Concrètement, qu'est-ce qui aide vraiment ? Et est-ce qu'on peut repenser l'organisation de cette fonction pour la protéger ? Je m'interroge aussi sur la question du soutien de la direction générale, parce que c'est une fonction qui vient finalement exécuter quelque chose et qui doit par nature être en coopération ou doit avoir une alliance très solide avec le dirigeant ou la direction. Comment tu vois les choses ?

  • Speaker #1

    En fait, toutes les fonctions vont exécuter quelque chose, parce que le principe d'un contrat de travail, c'est que c'est un lien de subordination à un employeur. Donc nécessairement, quelqu'un décide et d'autres vont pouvoir montrer une déclinaison opérationnelle des décisions qui ont été prises en amont. Donc ça, ce n'est pas le propre de la fonction RH, c'est le propre d'un contrat de travail, aussi simple qu'il soit. Après, la question, c'est est-ce qu'on est dans une logique d'exécution, dans une logique de co-construction ? Si on veut que la RH soit porteuse de messages, on n'est jamais aussi convaincant que quand on est convaincu. On n'est jamais aussi convaincu que quand on a contribué à... à poser les questions, à construire le message ensemble, à construire la vision. Moi, les RH que je vois rester les plus longtemps en poste, c'est ceux qui font des binômes avec la direction, qui sont entre guillemets le pendant humain, on va dire, d'une vision RH. Moi, je ne crois pas que la RH, ça soit une somme de tâches qu'on accole les unes aux autres parce qu'on peut pagailler, pagailler, ça tout le monde sait le faire, mais s'il n'y a pas de phare au bout de la nuit, en fait, on tourne en rond. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est de voir comment la RH peut contribuer. à être ce qu'on appelle le business partner, mais ce n'est pas juste des termes, parce que sinon ça n'aurait pas de sens, c'est comment ils sont un moyen en service de la perpétuation de la raison d'être de l'entreprise. Si la seule vocation de l'entreprise, c'est de produire de la valeur, alors on a besoin d'avoir des hommes, des femmes, qui sont effectivement recrutés, fidélisés, engagés, mobilisés, soutenus, accompagnés, et la fonction RH, elle va pouvoir fiouler tout ça. Et donc, il y a une vision business qui est pensée, derrière, on regarde comment on a besoin de la fonction RH, on va l'inféoder au business, mais... Il y a des inféodations qui ne sont pas mauvaises, parce que le but du jeu, c'est de servir effectivement la perpétuation de cette raison d'être de l'entreprise pour qu'il y ait du profit, pour qu'on puisse croître, pour qu'on puisse gagner des marchés et pour que derrière, on puisse avoir une redistribution saine de la valeur qui a été créée.

  • Speaker #0

    Moi, j'assiste aujourd'hui quand même à une forte émergence d'autres modalités d'exercice de cette fonction. Il y a beaucoup de DRH qui deviennent DRH en temps partagé. Qu'est-ce que ça dit de cette fonction-là ? Tu crois que ça résout le problème quand on s'inscrit finalement dans une relation qui est peut-être plus commerciale et de prestation de service avec une organisation, avec un dirigeant ?

  • Speaker #1

    Moi, tous ceux que j'ai connus des RH en ton partagé, souvent, ils sont hyper heureux pour une raison simple. Ils ont retrouvé quelque chose qui, moi, est un grand driver motivationnel pour moi aussi, c'est qu'ils ont retrouvé la liberté de ton. Parce qu'en fait, si on vient les prendre, c'est parce qu'ils sont compétents. Et c'est comme des DRH de transition. Moi, j'ai pas mal de copains ou de copines qui sont devenus DRH de transition. et qui disent pour une fois, j'ai plus à avaler mon chapeau, ma casquette ou mon sombrero, c'est-à-dire que je peux parler à la fois quand je suis en CSSCT, en CSE, je peux parler comme je veux avec les élus, je ne les prends pas pour des imbéciles, je leur dis la vérité, on a des discours qui sont parfois durs à entendre, mais à chaque fois d'ailleurs le dialogue social s'améliore dans ces situations-là, parce qu'il vaut mieux une vraie tristesse qu'une fausse joie, les élus, moi je suis un ancien élu devenu patron, les élus sont capables de comprendre plein de choses, dès lors qu'on leur adresse des messages de sincérité, qu'ils n'ont pas l'impression qu'on les prend pour des imbéciles. Et ils comprennent. dans la plupart des cas, les situations, les contraintes budgétaires, économiques, situationnelles ou stratégiques qu'on va avoir. Moi, j'ai un très bon ami qui est DRH de transition dans des situations qui sont catastrophiques et à chaque fois, ce qui fait la différence, c'est justement cette faculté à adresser des messages, mais aussi avec la direction, parce que c'est un peu simple d'avoir une lecture qui viserait à dire qu'il faut être dans une logique de bras de fer avec les élus. On peut être adversaire sans être ennemi et heureusement qu'on fonctionne comme ça, mais on peut l'être aussi avec son propre boss. Le DRH, c'est aussi celui qui doit être un peu l'empêcheur, le tourner en rond. Et c'est plus facile quand tu es DRH de transition, tu n'as pas de contrat de subordination en tant que tel, mais juste un contrat commercial pour dire, OK, moi, je comprends votre nouvel organe, mais là-dessus, là-dessus et là-dessus, en fait, il y a des angles morts et ça ne fonctionnera pas. En fait, le fait de pouvoir avoir ce discours qui est un discours de sincérité, ce discours de vérité et ce discours qui est, à mon avis, un discours de lucidité parce que le DRH a vocation à lever le voile sur les impensés managériaux parce que... du prêt-à-penser managérial, on en a tout le temps. En fait, on ne fait pas le mieux, on fait la même chose que les autres, sauf que parfois, les autres, ils font des conneries. Et donc, c'est important que quelqu'un puisse challenger les orgades, challenger les projets, challenger les managers, puis se recadrer aussi parce que quand tu es RH pendant très longtemps au même endroit, il y a aussi, et c'est logique, ce n'est pas grave, mais des relations affectives qui se créent, tout un tas d'emprises sur des sujets qui font que ça peut limiter parfois ta faculté à adresser des messages difficiles. Moi, je crois que la fonction RH, elle est essentielle. pour avoir cette vision hélicoptère, cette vision méta, pour nous sortir un peu parfois de l'opérationnel ou du quotidien et pour se reposer la question de, OK, on va dans quelle direction et comment on y va ?

  • Speaker #0

    Alors tu vois, je partage à 100% ce que tu dis, et l'autre fois, j'ai discuté pourtant avec une DRH, avec qui je partageais ses constats sur l'évolution de la fonction, et qui disait, moi en fait, je trouve que finalement, le fait d'aller vers des façons d'exercer le métier différentes, c'est une fuite en avant. C'est-à-dire qu'elle disait, finalement, en fait, c'est pas très bon sur cette fonction-là, et sur la santé de cette fonction-là, parce que si on est obligé de prendre son indépendance, Pour aller bien, c'est que c'est la fin des haricots. Puis elle disait, dans les sociétés, il ne peut pas non plus avoir des DRH qui sont là que quelques jours par semaine. Donc, quelles sont les pistes pour toi pour sortir de cet impasse-là ? Si tu as des idées.

  • Speaker #1

    Mais en fait, pour moi, ce n'est ni une fuite en avant, ni une fuite en arrière. Ce sont des modalités d'exercice de la profession qui sont différentes. Mais comme tu en as qui ont été dans le marketing pendant longtemps et qui viennent consultant dans un second temps parce qu'ils préfèrent avoir aussi une diversité ou une variété. En fait, ça répond aussi à des aspirations singulières des personnes qui viennent rencontrer des besoins spécifiques d'une société. Quand tu es une société où tu es 80 personnes, est-ce que tu as besoin d'avoir un DRH à temps plein ? Je ne suis pas sûr. Quand tu as un DRH qui vient deux jours par semaine pour faire le job et autres, après tout, pourquoi pas ? Moi, je trouve que c'est simplement une modalité d'organisation de l'activité qui peut répondre à des enjeux spécifiques. Et c'est aussi ce qui permet à des petites structures qui sont en hypercroissance ou qui vivent des situations qui sont complexes de pouvoir se doter parfois de compétences expertes. pas sur un full-time, mais qui ne pourraient pas se les payer sur un full-time. Et je trouve ça très intéressant de se dire que je travaille avec une structure des énergies renouvelables qui est en hypercroissance dans l'ouest de la France. Ils ont commencé effectivement avec une logique d'une DRH qui était là un jour par semaine, mais quelqu'un d'expérimenté, de capé, en fait, qui leur a permis... permis de scaler véritablement parce que c'est grâce à la compétence et à l'expertise qu'ils ont pu très rapidement éviter toutes les petites erreurs des petites boîtes, des petites startups et monter, se processer, avoir des vrais contrats de travail, respecter véritablement les conditions de succès. Donc moi, je trouve que c'est une excellente chose. Après, la question, ce n'est pas tant de savoir. Pour moi, c'est comme le télétravail. Est-ce que c'est bien ou mauvais ? Ce n'est pas une bonne question. Le télétravail, c'est une modalité d'organisation, de la création de valeur. C'est un outil et un outil, comme souvent, il se définit par la pertinence de son usage. C'est super d'avoir un marteau pour planter un clou, c'est moins bon pour aller fracasser le crâne de son voisin. Donc l'outil se définit effectivement par la pertinence de cet usage. Et bien, moi, la question, c'est quelles sont les conditions qu'on doit donner à un DRH pour qu'il soit motivé, en bonne santé, et on les connaît. Enfin, je veux dire, un DRH qui est soutenu d'un point de vue de ses besoins fondamentaux, qui a de l'autonomie, c'est-à-dire que ce n'est pas juste un pouce bouton, il ne doit pas demander une autorisation pour dépenser 50 balles. Donc, on lui explique quel est le cadre, mais à l'intérieur de tout ça, il a la possibilité qu'on lui fasse confiance. Il a un vrai management sur le candidat d'autonomie. Deuxièmement, c'est quelqu'un conforme parce que la fonction RH est une fonction qui est extrêmement exigeante sur bien des sujets. Le recrutement a changé, la formation a changé, l'intégration a changé, l'onboarding a changé, la QVT a changé, le droit du travail a changé, la jurisprudence évolue. On doit pouvoir se former tout au long de la vie quand on est dans une fonction RH parce que l'être humain évolue, le business évolue. Pourquoi la fonction RH n'évoluerait pas ? Et souvent, c'est la grande absence, c'est-à-dire qu'elle forme tout le monde, mais elle ne se forme pas parce qu'en fait, elle n'a jamais eu le temps de le faire en tant que telle. De l'autonomie, de la compétence, c'est-à-dire qu'on fasse du feedback aussi à la fonction RH sur la place qu'elle occupe et sa position fondamentale dans la détermination de la création de valeur, parce que sinon, elle fait plein de trucs, mais personne ne le voit parce que c'est invisible. Autonomie, compétence, et puis tout ce qui va être l'ordre de son appel de l'affiliation ou de l'appartenance, c'est-à-dire comment on va intégrer la fonction RH dans un comex, en lui donnant une vraie place, ce n'est pas toujours elle qui parle en dernier. Parce qu'effectivement, on pense que la production et que les sales, en tout cas la top line, sont les plus importants. Non, la RH a aussi vocation à parler de l'état des troupes, de la situation, comment on va pouvoir trouver les bonnes compétences, les développer, les maintenir. Donc, si on sait soutenir les besoins fondamentaux de cette fonction RH, en fait, elle va très bien.

  • Speaker #0

    Je crois que tu aimes bien parler, c'est la théorie de Dessy et Ryan.

  • Speaker #1

    Oui, l'autodétermination.

  • Speaker #0

    Oui, l'autodétermination, j'écoute toujours avec la plus grande attention. Contrairement à d'autres discours, dont deux gens que j'ai reçus dans le podcast, Quand on en a parlé, tu disais que parfois partir, quand on est trop coincé, c'est la seule option saine. Est-ce que tu peux expliquer un peu plus ? Parce que j'ai eu un débat dans un autre épisode avec quelqu'un qui, c'était aussi hyper intéressant de l'écouter, qui disait que parfois partir, ce n'était pas possible pour tout le monde. Ça pouvait être parfois une option un peu de bobo parce que tout le monde ne peut pas se le permettre. Et quand je t'avais interrogé là-dessus, tu avais vivement réagi. Et je veux bien que tu me redonnes peut-être ta position, ta réflexion quand on a préparé l'épisode. Parce que parfois, tu dis que c'est salutaire de partir quand on est trop coincé dans cette fonction-là.

  • Speaker #1

    L'idée, c'est toujours la même, c'est-à-dire que partir, ce n'est pas forcément simple, ce n'est pas forcément agréable, mais ça peut être très sain, c'est-à-dire est-ce qu'il vaut mieux rester dans un environnement qu'on connaît mais qui est devenu toxique que d'aller découvrir un environnement qui est nouveau mais qui pourrait être effectivement favorable à notre santé. Donc, ce n'est pas pour moi un truc de bobo ou pas de bobo parce que ça n'a pas véritablement de sens là encore à part à poser un regard stéréotypé sur les personnes ou sur les situations. Bien sûr, quand tu es opérateur de découpe, Dans une usine, dans la meuse où tu fais des salades, forcément, changer de boulot toutes les deux semaines, ce n'est pas nécessairement possible. Quoique, il y en a qui le font, il y a de la mobilité aussi dans ces territoires-là. Mais quand l'environnement est devenu envivable, quand les conditions, on va dire, d'exercice de l'activité sont telles que ça t'irrite la santé physique ou mentale, bien entendu qu'il y a des évitements qui sont sains. Et il y a parfois des environnements dont il faut partir. Et puis, parce que, pour l'avoir connu aussi dans plein de boîtes, Quand dans un service, tu as trois personnes sur cinq qui se barrent, c'est aussi comme ça que ça fait réfléchir. C'est qu'il faut parfois être au pied du mur pour se rendre compte qu'on va dans la mauvaise direction. Combien de clients j'ai accompagnés qui ont mis des années avant de vraiment se mettre sur les sujets, mais ils se sont mis sur les sujets le jour où il s'est passé quelque chose de dramatique. Est-ce qu'on a vraiment besoin d'attendre qu'il se passe quelque chose de dramatique pour agir ou pour partir ? Je ne crois pas. Donc je pense que c'est difficile de quitter son job, tout le monde, parce que... ça suscite de l'incertitude, de l'anxiété, de l'insécurité économique. Je peux comprendre que ça soit quelque chose de difficile, mais un, ce n'est pas parce que c'est difficile que c'est impossible, et deux, la question encore, ce n'est pas tant de savoir si c'est possible ou pas possible, la question c'est quelles sont les conditions de succès de ces transitions réussies. Oui,

  • Speaker #0

    parfois c'est une histoire de… c'est presque vital quoi.

  • Speaker #1

    Bien sûr, bien sûr. Si tu fais l'objet de pratiques vexatoires, répétées, ce qu'on pourrait qualifier de harcèlement, je pense qu'il est bon de pouvoir partir pour sauver sa peau.

  • Speaker #0

    On s'achemine vers la fin de notre échange qui a été très riche. Évidemment, il y a plein de DRH qui nous écoutent. Qu'est-ce que tu aurais envie de leur dire comme premier petit pas pour peut-être prendre soin d'eux et repenser leur santé mentale, toi qui es au cœur des organisations ?

  • Speaker #1

    Je pense que la première chose à faire, je l'ai dit, c'est le soutien des pairs, c'est-à-dire avoir un collectif de DRH avec lesquels ils peuvent parler parce que ça, c'est vraiment fondamental. Et puis, on n'est jamais à l'abri d'apprendre une bonne chose à gauche ou à droite. Il y a vraiment cette question de la fréquence de la récupération, comment on se met des temps, on va pouvoir prendre l'air, prendre un petit peu de distance émotionnelle par rapport à tout ça. Et puis si vraiment ça ne marche pas, appelez-moi.

  • Speaker #0

    Ça marche. Un grand merci pour cet échange plein d'enseignements, très riche. Puis j'ai été très heureuse de te recevoir. Je t'ai écoutée à de nombreuses reprises chez d'autres confrères. Donc c'était vraiment un grand plaisir. Merci beaucoup Adrien.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup et c'était un plaisir partagé.

  • Speaker #0

    C'est la fin de cet épisode. Merci de nous avoir écoutés. Si vous souhaitez nous soutenir, pensez à vous abonner et à nous mettre 5 étoiles. Avant de vous quitter, je vous donne rendez-vous sur ma page LinkedIn ou sur le compte Instagram de Psyboulot. Si vous souhaitez échanger, me suggérer des invités et même venir témoigner à mon micro. A très vite sur Psyboulot.

Description

Ils soutiennent, apaisent, régulent…

Mais qui prend soin des DRH ?


🎧 Dans cet épisode de Psy Boulot, Marie-Claire Valentini reçoit Adrien Chignard, psychologue du travail et fondateur de Sens & Cohérence, pour aborder un angle mort des organisations : la santé mentale des professionnels RH.

💬 Entre burn-out, change fatigue, charge émotionnelle, usure professionnelle, et conflits mal régulés, les DRH sont souvent la variable d’ajustement d’un système en tension.
Fonction stratégique ? Peut-être.
Fonction protégée ? Rarement.

👉 Est-il possible de rester en bonne santé mentale quand on est DRH ?
👉 Quelles sont les conditions pour exercer ce métier sans sombrer ?
👉 Et quand faut-il partir pour se préserver ?

🧠 Un échange sans filtre, documenté et humain, avec des pistes concrètes pour :

  • rompre avec la logique sacrificielle,

  • retrouver du pouvoir d’agir,

  • poser des limites saines,

  • et mieux comprendre ce que traverse la fonction RH aujourd’hui.

🎧 À écouter d’urgence si vous travaillez dans, avec, ou autour des ressources humaines.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue sur Psyboulot, le podcast qui éclaire les coulisses du boulot. Je suis Marie-Claire Valentini, dirigeante EDRH. Je partage avec vous et mes invités mes interrogations et réflexions sur le monde professionnel. C'est après avoir étudié la psycho que j'ai eu envie de créer Psyboulot, un podcast qui décrypte les comportements humains et les dynamiques en entreprise. Ici, pas de pensée magique, pas de recette unique, je vous donne rendez-vous à chaque épisode pour un nouveau défi du monde du travail. Hello ! Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Adrien Chignard, psychologue du travail à des organisations et fondateur du cabinet Sens et cohérence. On va parler d'un angle mort, la santé mentale des DRH. Ils sont au cœur des transformations, des conflits, des décisions sensibles. Ils incarnent l'organisation, mais eux, qui les soutient ? Dans cet échange, Adrien va nous partager ses constats, ses convictions et surtout, des pistes concrètes pour aller mieux. Bonjour Adrien.

  • Speaker #1

    Salut Marie-Claire.

  • Speaker #0

    Alors, on parle beaucoup de santé mentale au travail, mais rarement de celle des DRH. Pourquoi, selon toi, c'est un sujet à prendre au sérieux aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Premièrement, parce qu'en fait, souvent la fonction RH, c'est elle qui soutient le reste du corps social. C'est-à-dire que c'est une fonction qui relève souvent de la vocation. On ne fait pas RH comme ça par accident, parce que ce sont des métiers qui sont difficiles, qui sont exigeants, qui sollicitent des compétences qui sont quand même plurielles. Et on en parle peu parce qu'en fait, ce sont un peu des fonctions de l'ombre, c'est-à-dire on aide, on soutient, on consolide, on accompagne, on pose du cadre. Parfois, on a des tâches qui sont ingrates à faire, mais c'est un peu comme la fonction de la paye. Personne ne remercie la spécialiste de la paye quand il reçoit sa paye. En revanche, on va la voir pour dire qu'on n'est pas content le jour où il y a une erreur de paye. Donc, c'est une fonction qui est souvent une fonction qui est malade de la reconnaissance, la fonction RH.

  • Speaker #0

    Et alors, est-ce que selon toi, justement, c'est un débat que j'ai souvent eu avec des collègues psychologues du travail, Est-ce que selon toi, il y a des raisons ? spécifique qui explique parfois la souffrance dans cette fonction. Et est-ce que finalement, il y a une spécificité aux enjeux de cette fonction ?

  • Speaker #1

    En fait, il y a des raisons qui sont un petit peu singulières, parce que déjà, c'est une fonction qui vit souvent ce qu'on appelle un impact émotionnel par personne interposée. En fait, si tu regardes un grand rapport qui s'appelle le rapport IRES, c'est Health in Restructuring, la santé dans les restructurations, ça nous dit quoi ? Ça nous dit que la fonction RH n'est pas forcément toujours touchée elle-même, même si on en parlera, elle l'est de plus en plus quand même. mais elle voit des personnes qu'elle connaît, qui sont des collègues, des personnes qu'elle apprécie ou qu'elle estime, qui sont amenées à partir dans les plans, dans les mobilités, dans les restructurations. Et puis, la vie est ainsi faite en ce moment qu'on a une incertitude qui est forte sur l'avenir. Et la fonction RH, elle est très sollicitée, parce que la fonction RH, c'est aussi celle qui répond à tout ce que les managers ont peur de faire ou sur lesquels ils sont en difficulté. Parce que c'est facile d'être un manager qui annonce des bonnes nouvelles et qui donne des enveloppes, mais c'est difficile de dire je ne suis pas content de ton boulot, tu n'auras pas ta mobilité, tu n'auras pas ta prime, tu n'auras pas ton augment. Donc souvent, on délègue ça à la fonction RH qui se prend, elle, toute cette charge émotionnelle. On voit aussi, mine de rien, une hyper fréquence des changements organisationnels. Depuis une vingtaine d'années, on change d'orgas toutes les 24 ou tous les 36 mois dans les grandes entreprises. Et à chaque fois, ça finit par éroder les facultés d'adaptation des personnes en situation de travail. Parce que changer, ça nous consomme de la bande passante, de la ressource. et ça crée ce que les Canadiens appellent un change fatigue, c'est-à-dire une érosion des facultés à changer. Et parce que la fonction RH, elle doit systématiquement avoir, comme on dit, le wording expliqué, les gains, les bénéfices, ce qu'on va faire, soutenir des personnes qui sont en situation d'incertitude, donc d'anxiété, et ça consomme beaucoup d'énergie. Et en fait, la difficulté qu'on va rencontrer, c'est qu'on a pas mal de RH, effectivement, qui ont été mis dans les centres de services partagés, ces shared business services, et qui sont dans cette logique un peu de ticketing, c'est-à-dire que Un petit peu comme tu vas à la poissonnerie, tu dois prendre ton ticket pour derrière qu'on vienne te servir. Et la grande difficulté que ça va créer, c'est qu'en fait, on va éloigner les fonctions support que sont les fonctions RH des utilisateurs qui sont localisés un petit peu partout, notamment en France. Et ça crée des insatisfactions, ça crée des incompréhensions parce que la distance, elle est propice à la conflictualité. Donc, ça met encore la fonction RH dans une situation qui est encore plus délicate qu'elle l'était auparavant. Il ne faut pas oublier que... Et c'est ce que nous dit la grande enquête Sumer. Le premier motif de risque psychosocial et de stress au travail, c'est la confrontation à des usagers qui sont inciviles, agressifs ou agressants. Mais quand tu dois appeler une plateforme que tu ne connais pas ton RH au bout de la France pour avoir une info, nécessairement, ça va générer de l'incivilité. Et donc, la fonction RH prend ça en pleine poire.

  • Speaker #0

    Toi, tu rencontres plein de DRH. Adrien, certaines sont tes clientes. Du coup, de quoi elles te témoignent comme difficultés et comme impact sur leur santé mentale face à ces situations que tu nous décris ?

  • Speaker #1

    Je pense que la plus grande difficulté, c'est une charge de travail qui est considérable et une charge mentale folle, parce qu'effectivement, comme ce sont des fonctions qui sont perçues comme des centres de coût plus que comme des centres de profit, on fait des économies dans tous les sens, et il y a une hyper sollicitation de la fonction RH. Puis cette sollicitation, elle n'est pas juste une sollicitation opérationnelle ou de process, c'est aussi une sollicitation très émotionnelle, et on fait face, et moi je vois beaucoup de personnes dans la fonction RH qui me parlent de ce qu'on va appeler cette usure compassionnelle, quelque part cette usure de l'empathie. en disant mais en fait j'ai tellement donné, donné, donné qu'aujourd'hui j'ai l'impression que ma peau est plus épaisse, que je suis beaucoup moins sensible à ce qui se passe et je ne me reconnais pas nécessairement dans tout ça. Et l'hyperfréquence des changements finit par générer une forme d'usure aussi dans les facultés d'adaptation. Et donc moi je vois les fonctions RH qui me disent j'ai envie de devenir DG d'une petite ONG ou j'ai envie d'aller sur une PME parce que j'ai besoin d'avoir des leviers d'action, c'est-à-dire que quand tu es en France mais que tout se décide à San Francisco, à New York ou quoi que ce soit, ça finit par générer des non-sens. On te demande d'appliquer des choses qui, pour toi, dans un contexte français, ne sont pas nécessairement des choses qui sont applicables en tant que telles.

  • Speaker #0

    Tu as parlé, quand on a discuté pour préparer l'entretien, de la RH comme étant une variable d'ajustement. Est-ce que tu peux nous dire, même si tu viens un petit peu de nous l'expliquer, ce qui se passe concrètement ?

  • Speaker #1

    En fait, je dis souvent que la RH est une variable d'ajustement d'un système dysfonctionnel, c'est-à-dire qu'on a des managers qui ne sont pas toujours formés, on a des managers qui ne sont pas toujours... compétents. En France, le management, c'est malheureusement trop souvent une récompense et pas toujours perçu comme une compétence. Donc, ce n'est pas accompagné pour développer le manager et toutes ces carences managériales, mais je ne jette pas l'opprobre sur les managers, c'est compliqué de manager, c'est compliqué de gérer des changements et c'est compliqué d'être soutenant vis-à-vis de son équipe quand soi-même, on n'est pas soutenu en tant que tel. Et donc, la variable d'ajustement de ces systèmes dysfonctionnels, c'est l'hyper-implication à la fois en termes de temps, en termes d'heures, mais aussi d'implication émotionnelle, il y a une usure émotionnelle du travail de la fonction RH, parce que C'est elle qui vient boucher les trous quand le navire est en train de prendre l'eau.

  • Speaker #0

    Et on retrouve des difficultés aussi, il me semble, dans des situations où les DRH font beaucoup face aussi aux conflits. J'ai l'impression, et tu me l'avais confirmé, qu'il y a aujourd'hui une explosion du nombre d'enquêtes harcèlement. Qu'est-ce que ça dit, selon toi, de la position de cette fonction dans ces situations-là ? Et comment elle fait cette fonction pour tenir dans des situations de forte tension ?

  • Speaker #1

    Oui, nous on fait un x10 en l'espace de 4 ans sur les enquêtes harcèlement. C'est quelque chose qui est vraiment en train de bondir et de grandir énormément. On doit en faire 80 par an, ce qui est considérable.

  • Speaker #0

    C'est énorme.

  • Speaker #1

    Ce que l'on voit, c'est que l'enquête harcèlement, c'est toujours la conséquence d'une régulation managériale qui n'a pas été faite au bon moment. C'est-à-dire que bien souvent, il y avait des signaux avant-coureurs qui n'ont pas été régulés parce que pour tout un tas d'excellentes ou mauvaises raisons, on ne l'a pas fait. Et donc, c'est le RH ou la fonction RH qui se récupère cette espèce de patate chaude. il faut en faire quelque chose c'est systématiquement déceptif et difficile les enquêtes harcèlement et on met la fonction RH dans cette logique d'espèce de médiateur, de régulateur, mais qui est très difficile parce que lorsqu'on en arrive à des situations de harcèlement présumé, on a vraiment abrasé, presque détruit la relation entre deux personnes et on est encore là dans une logique d'exigence émotionnelle parce qu'on est dans une gestion de la conflictualité, mais qui peut dire j'adore les conflits ? Personne n'aime ça, c'est vraiment quelque chose de compliqué. Et on demande à la fonction RH de faire des arbitrages, de pouvoir procéder à des recadrages, parfois de la mobilité, des licenciements, des sanctions, ce qui n'est pas nécessairement la partie du métier qui est la plus agréable. Alors certes, il faut la faire et personne n'est contre ça. Simplement, quand c'est de plus en plus aigre et de moins en moins doux, alors c'est souvent beaucoup plus indigeste.

  • Speaker #0

    Comment, d'après toi, on peut préserver sa santé mentale quand on occupe cette fonction-là ? Et j'ai presque envie de te poser une question assez franche, c'est… Est-ce qu'on peut être en bonne santé mentale quand on est DRH sur le long terme ? C'est quoi les conditions pour exercer le métier sans trop s'abîmer ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y en a plusieurs. La première, c'est de ne pas rester tout seul. C'est-à-dire qu'on sait que le premier rempart contre la détresse psychologique, c'est le soutien des pairs. Il y a des communautés de DRH qui viennent un peu normaliser ce qui se passe. C'est-à-dire que si tu parles avec des collègues d'autres maisons, d'autres boîtes ou même des DRH de ta boîte qui sont sur d'autres sites, Le fait de se dire, je galère là-dessus, ça j'en ai marre, ça c'est difficile, ça je n'y arrive pas. Que les autres te disent, mais moi c'est pareil en fait. Ça t'évite d'avoir cette espèce d'erreur fondamentale d'attribution en psychologie qui vise à imaginer que si tu n'y arrives pas, c'est de ta faute, que tu n'es pas assez bon, que tu es mismatch ou quoi que ce soit. L'idée d'entendre, mais toi aussi tu galères, pour toi aussi c'est difficile. Ok, donc je ne suis pas tout seul en fait. La problématique, elle n'est pas personnelle, elle est situationnelle et contextuelle. Ça permet déjà de mieux vivre les choses. La deuxième chose, c'est de demander du soutien. On le sait, les DRH les plus soutenants sont les DRH les plus soutenus. Donc, comment effectivement la ligne managériale de la fonction RH octroie de la délégation de pouvoir, fait confiance à une vision RH et non pas simplement une simple administration du personnel qui serait un petit peu datée. Et puis, on le sait, le secret de la performance durable, c'est la fréquence de la récupération. C'est comment en tant que DRH, je n'ai pas une logique sacrificielle dans ma façon de fonctionner. Comment je prends du temps pour moi ? Comment je pose des jours de RTT, des jours de congés ? Comment je ne finis pas tous les soirs à 20h, mais je prends des moments, au moins un moment dans la semaine où j'ai ce temps sanctuaire où... Je vais non pas me reposer, mais me ressourcer, faire des choses qui sont en accord avec mes besoins, avec mes valeurs, avec ce qui est fondamental pour moi. Le fameux, ce que disaient nos grands-parents, le qui veut voyager loin, ménage sa aventure. Qui veut être RH longtemps, s'octroie régulièrement justement du bon temps.

  • Speaker #0

    Tu parles beaucoup du soutien des pertes. On parle même parfois, très souvent, s'agissant des managers. Concrètement, qu'est-ce qui aide vraiment ? Et est-ce qu'on peut repenser l'organisation de cette fonction pour la protéger ? Je m'interroge aussi sur la question du soutien de la direction générale, parce que c'est une fonction qui vient finalement exécuter quelque chose et qui doit par nature être en coopération ou doit avoir une alliance très solide avec le dirigeant ou la direction. Comment tu vois les choses ?

  • Speaker #1

    En fait, toutes les fonctions vont exécuter quelque chose, parce que le principe d'un contrat de travail, c'est que c'est un lien de subordination à un employeur. Donc nécessairement, quelqu'un décide et d'autres vont pouvoir montrer une déclinaison opérationnelle des décisions qui ont été prises en amont. Donc ça, ce n'est pas le propre de la fonction RH, c'est le propre d'un contrat de travail, aussi simple qu'il soit. Après, la question, c'est est-ce qu'on est dans une logique d'exécution, dans une logique de co-construction ? Si on veut que la RH soit porteuse de messages, on n'est jamais aussi convaincant que quand on est convaincu. On n'est jamais aussi convaincu que quand on a contribué à... à poser les questions, à construire le message ensemble, à construire la vision. Moi, les RH que je vois rester les plus longtemps en poste, c'est ceux qui font des binômes avec la direction, qui sont entre guillemets le pendant humain, on va dire, d'une vision RH. Moi, je ne crois pas que la RH, ça soit une somme de tâches qu'on accole les unes aux autres parce qu'on peut pagailler, pagailler, ça tout le monde sait le faire, mais s'il n'y a pas de phare au bout de la nuit, en fait, on tourne en rond. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est de voir comment la RH peut contribuer. à être ce qu'on appelle le business partner, mais ce n'est pas juste des termes, parce que sinon ça n'aurait pas de sens, c'est comment ils sont un moyen en service de la perpétuation de la raison d'être de l'entreprise. Si la seule vocation de l'entreprise, c'est de produire de la valeur, alors on a besoin d'avoir des hommes, des femmes, qui sont effectivement recrutés, fidélisés, engagés, mobilisés, soutenus, accompagnés, et la fonction RH, elle va pouvoir fiouler tout ça. Et donc, il y a une vision business qui est pensée, derrière, on regarde comment on a besoin de la fonction RH, on va l'inféoder au business, mais... Il y a des inféodations qui ne sont pas mauvaises, parce que le but du jeu, c'est de servir effectivement la perpétuation de cette raison d'être de l'entreprise pour qu'il y ait du profit, pour qu'on puisse croître, pour qu'on puisse gagner des marchés et pour que derrière, on puisse avoir une redistribution saine de la valeur qui a été créée.

  • Speaker #0

    Moi, j'assiste aujourd'hui quand même à une forte émergence d'autres modalités d'exercice de cette fonction. Il y a beaucoup de DRH qui deviennent DRH en temps partagé. Qu'est-ce que ça dit de cette fonction-là ? Tu crois que ça résout le problème quand on s'inscrit finalement dans une relation qui est peut-être plus commerciale et de prestation de service avec une organisation, avec un dirigeant ?

  • Speaker #1

    Moi, tous ceux que j'ai connus des RH en ton partagé, souvent, ils sont hyper heureux pour une raison simple. Ils ont retrouvé quelque chose qui, moi, est un grand driver motivationnel pour moi aussi, c'est qu'ils ont retrouvé la liberté de ton. Parce qu'en fait, si on vient les prendre, c'est parce qu'ils sont compétents. Et c'est comme des DRH de transition. Moi, j'ai pas mal de copains ou de copines qui sont devenus DRH de transition. et qui disent pour une fois, j'ai plus à avaler mon chapeau, ma casquette ou mon sombrero, c'est-à-dire que je peux parler à la fois quand je suis en CSSCT, en CSE, je peux parler comme je veux avec les élus, je ne les prends pas pour des imbéciles, je leur dis la vérité, on a des discours qui sont parfois durs à entendre, mais à chaque fois d'ailleurs le dialogue social s'améliore dans ces situations-là, parce qu'il vaut mieux une vraie tristesse qu'une fausse joie, les élus, moi je suis un ancien élu devenu patron, les élus sont capables de comprendre plein de choses, dès lors qu'on leur adresse des messages de sincérité, qu'ils n'ont pas l'impression qu'on les prend pour des imbéciles. Et ils comprennent. dans la plupart des cas, les situations, les contraintes budgétaires, économiques, situationnelles ou stratégiques qu'on va avoir. Moi, j'ai un très bon ami qui est DRH de transition dans des situations qui sont catastrophiques et à chaque fois, ce qui fait la différence, c'est justement cette faculté à adresser des messages, mais aussi avec la direction, parce que c'est un peu simple d'avoir une lecture qui viserait à dire qu'il faut être dans une logique de bras de fer avec les élus. On peut être adversaire sans être ennemi et heureusement qu'on fonctionne comme ça, mais on peut l'être aussi avec son propre boss. Le DRH, c'est aussi celui qui doit être un peu l'empêcheur, le tourner en rond. Et c'est plus facile quand tu es DRH de transition, tu n'as pas de contrat de subordination en tant que tel, mais juste un contrat commercial pour dire, OK, moi, je comprends votre nouvel organe, mais là-dessus, là-dessus et là-dessus, en fait, il y a des angles morts et ça ne fonctionnera pas. En fait, le fait de pouvoir avoir ce discours qui est un discours de sincérité, ce discours de vérité et ce discours qui est, à mon avis, un discours de lucidité parce que le DRH a vocation à lever le voile sur les impensés managériaux parce que... du prêt-à-penser managérial, on en a tout le temps. En fait, on ne fait pas le mieux, on fait la même chose que les autres, sauf que parfois, les autres, ils font des conneries. Et donc, c'est important que quelqu'un puisse challenger les orgades, challenger les projets, challenger les managers, puis se recadrer aussi parce que quand tu es RH pendant très longtemps au même endroit, il y a aussi, et c'est logique, ce n'est pas grave, mais des relations affectives qui se créent, tout un tas d'emprises sur des sujets qui font que ça peut limiter parfois ta faculté à adresser des messages difficiles. Moi, je crois que la fonction RH, elle est essentielle. pour avoir cette vision hélicoptère, cette vision méta, pour nous sortir un peu parfois de l'opérationnel ou du quotidien et pour se reposer la question de, OK, on va dans quelle direction et comment on y va ?

  • Speaker #0

    Alors tu vois, je partage à 100% ce que tu dis, et l'autre fois, j'ai discuté pourtant avec une DRH, avec qui je partageais ses constats sur l'évolution de la fonction, et qui disait, moi en fait, je trouve que finalement, le fait d'aller vers des façons d'exercer le métier différentes, c'est une fuite en avant. C'est-à-dire qu'elle disait, finalement, en fait, c'est pas très bon sur cette fonction-là, et sur la santé de cette fonction-là, parce que si on est obligé de prendre son indépendance, Pour aller bien, c'est que c'est la fin des haricots. Puis elle disait, dans les sociétés, il ne peut pas non plus avoir des DRH qui sont là que quelques jours par semaine. Donc, quelles sont les pistes pour toi pour sortir de cet impasse-là ? Si tu as des idées.

  • Speaker #1

    Mais en fait, pour moi, ce n'est ni une fuite en avant, ni une fuite en arrière. Ce sont des modalités d'exercice de la profession qui sont différentes. Mais comme tu en as qui ont été dans le marketing pendant longtemps et qui viennent consultant dans un second temps parce qu'ils préfèrent avoir aussi une diversité ou une variété. En fait, ça répond aussi à des aspirations singulières des personnes qui viennent rencontrer des besoins spécifiques d'une société. Quand tu es une société où tu es 80 personnes, est-ce que tu as besoin d'avoir un DRH à temps plein ? Je ne suis pas sûr. Quand tu as un DRH qui vient deux jours par semaine pour faire le job et autres, après tout, pourquoi pas ? Moi, je trouve que c'est simplement une modalité d'organisation de l'activité qui peut répondre à des enjeux spécifiques. Et c'est aussi ce qui permet à des petites structures qui sont en hypercroissance ou qui vivent des situations qui sont complexes de pouvoir se doter parfois de compétences expertes. pas sur un full-time, mais qui ne pourraient pas se les payer sur un full-time. Et je trouve ça très intéressant de se dire que je travaille avec une structure des énergies renouvelables qui est en hypercroissance dans l'ouest de la France. Ils ont commencé effectivement avec une logique d'une DRH qui était là un jour par semaine, mais quelqu'un d'expérimenté, de capé, en fait, qui leur a permis... permis de scaler véritablement parce que c'est grâce à la compétence et à l'expertise qu'ils ont pu très rapidement éviter toutes les petites erreurs des petites boîtes, des petites startups et monter, se processer, avoir des vrais contrats de travail, respecter véritablement les conditions de succès. Donc moi, je trouve que c'est une excellente chose. Après, la question, ce n'est pas tant de savoir. Pour moi, c'est comme le télétravail. Est-ce que c'est bien ou mauvais ? Ce n'est pas une bonne question. Le télétravail, c'est une modalité d'organisation, de la création de valeur. C'est un outil et un outil, comme souvent, il se définit par la pertinence de son usage. C'est super d'avoir un marteau pour planter un clou, c'est moins bon pour aller fracasser le crâne de son voisin. Donc l'outil se définit effectivement par la pertinence de cet usage. Et bien, moi, la question, c'est quelles sont les conditions qu'on doit donner à un DRH pour qu'il soit motivé, en bonne santé, et on les connaît. Enfin, je veux dire, un DRH qui est soutenu d'un point de vue de ses besoins fondamentaux, qui a de l'autonomie, c'est-à-dire que ce n'est pas juste un pouce bouton, il ne doit pas demander une autorisation pour dépenser 50 balles. Donc, on lui explique quel est le cadre, mais à l'intérieur de tout ça, il a la possibilité qu'on lui fasse confiance. Il a un vrai management sur le candidat d'autonomie. Deuxièmement, c'est quelqu'un conforme parce que la fonction RH est une fonction qui est extrêmement exigeante sur bien des sujets. Le recrutement a changé, la formation a changé, l'intégration a changé, l'onboarding a changé, la QVT a changé, le droit du travail a changé, la jurisprudence évolue. On doit pouvoir se former tout au long de la vie quand on est dans une fonction RH parce que l'être humain évolue, le business évolue. Pourquoi la fonction RH n'évoluerait pas ? Et souvent, c'est la grande absence, c'est-à-dire qu'elle forme tout le monde, mais elle ne se forme pas parce qu'en fait, elle n'a jamais eu le temps de le faire en tant que telle. De l'autonomie, de la compétence, c'est-à-dire qu'on fasse du feedback aussi à la fonction RH sur la place qu'elle occupe et sa position fondamentale dans la détermination de la création de valeur, parce que sinon, elle fait plein de trucs, mais personne ne le voit parce que c'est invisible. Autonomie, compétence, et puis tout ce qui va être l'ordre de son appel de l'affiliation ou de l'appartenance, c'est-à-dire comment on va intégrer la fonction RH dans un comex, en lui donnant une vraie place, ce n'est pas toujours elle qui parle en dernier. Parce qu'effectivement, on pense que la production et que les sales, en tout cas la top line, sont les plus importants. Non, la RH a aussi vocation à parler de l'état des troupes, de la situation, comment on va pouvoir trouver les bonnes compétences, les développer, les maintenir. Donc, si on sait soutenir les besoins fondamentaux de cette fonction RH, en fait, elle va très bien.

  • Speaker #0

    Je crois que tu aimes bien parler, c'est la théorie de Dessy et Ryan.

  • Speaker #1

    Oui, l'autodétermination.

  • Speaker #0

    Oui, l'autodétermination, j'écoute toujours avec la plus grande attention. Contrairement à d'autres discours, dont deux gens que j'ai reçus dans le podcast, Quand on en a parlé, tu disais que parfois partir, quand on est trop coincé, c'est la seule option saine. Est-ce que tu peux expliquer un peu plus ? Parce que j'ai eu un débat dans un autre épisode avec quelqu'un qui, c'était aussi hyper intéressant de l'écouter, qui disait que parfois partir, ce n'était pas possible pour tout le monde. Ça pouvait être parfois une option un peu de bobo parce que tout le monde ne peut pas se le permettre. Et quand je t'avais interrogé là-dessus, tu avais vivement réagi. Et je veux bien que tu me redonnes peut-être ta position, ta réflexion quand on a préparé l'épisode. Parce que parfois, tu dis que c'est salutaire de partir quand on est trop coincé dans cette fonction-là.

  • Speaker #1

    L'idée, c'est toujours la même, c'est-à-dire que partir, ce n'est pas forcément simple, ce n'est pas forcément agréable, mais ça peut être très sain, c'est-à-dire est-ce qu'il vaut mieux rester dans un environnement qu'on connaît mais qui est devenu toxique que d'aller découvrir un environnement qui est nouveau mais qui pourrait être effectivement favorable à notre santé. Donc, ce n'est pas pour moi un truc de bobo ou pas de bobo parce que ça n'a pas véritablement de sens là encore à part à poser un regard stéréotypé sur les personnes ou sur les situations. Bien sûr, quand tu es opérateur de découpe, Dans une usine, dans la meuse où tu fais des salades, forcément, changer de boulot toutes les deux semaines, ce n'est pas nécessairement possible. Quoique, il y en a qui le font, il y a de la mobilité aussi dans ces territoires-là. Mais quand l'environnement est devenu envivable, quand les conditions, on va dire, d'exercice de l'activité sont telles que ça t'irrite la santé physique ou mentale, bien entendu qu'il y a des évitements qui sont sains. Et il y a parfois des environnements dont il faut partir. Et puis, parce que, pour l'avoir connu aussi dans plein de boîtes, Quand dans un service, tu as trois personnes sur cinq qui se barrent, c'est aussi comme ça que ça fait réfléchir. C'est qu'il faut parfois être au pied du mur pour se rendre compte qu'on va dans la mauvaise direction. Combien de clients j'ai accompagnés qui ont mis des années avant de vraiment se mettre sur les sujets, mais ils se sont mis sur les sujets le jour où il s'est passé quelque chose de dramatique. Est-ce qu'on a vraiment besoin d'attendre qu'il se passe quelque chose de dramatique pour agir ou pour partir ? Je ne crois pas. Donc je pense que c'est difficile de quitter son job, tout le monde, parce que... ça suscite de l'incertitude, de l'anxiété, de l'insécurité économique. Je peux comprendre que ça soit quelque chose de difficile, mais un, ce n'est pas parce que c'est difficile que c'est impossible, et deux, la question encore, ce n'est pas tant de savoir si c'est possible ou pas possible, la question c'est quelles sont les conditions de succès de ces transitions réussies. Oui,

  • Speaker #0

    parfois c'est une histoire de… c'est presque vital quoi.

  • Speaker #1

    Bien sûr, bien sûr. Si tu fais l'objet de pratiques vexatoires, répétées, ce qu'on pourrait qualifier de harcèlement, je pense qu'il est bon de pouvoir partir pour sauver sa peau.

  • Speaker #0

    On s'achemine vers la fin de notre échange qui a été très riche. Évidemment, il y a plein de DRH qui nous écoutent. Qu'est-ce que tu aurais envie de leur dire comme premier petit pas pour peut-être prendre soin d'eux et repenser leur santé mentale, toi qui es au cœur des organisations ?

  • Speaker #1

    Je pense que la première chose à faire, je l'ai dit, c'est le soutien des pairs, c'est-à-dire avoir un collectif de DRH avec lesquels ils peuvent parler parce que ça, c'est vraiment fondamental. Et puis, on n'est jamais à l'abri d'apprendre une bonne chose à gauche ou à droite. Il y a vraiment cette question de la fréquence de la récupération, comment on se met des temps, on va pouvoir prendre l'air, prendre un petit peu de distance émotionnelle par rapport à tout ça. Et puis si vraiment ça ne marche pas, appelez-moi.

  • Speaker #0

    Ça marche. Un grand merci pour cet échange plein d'enseignements, très riche. Puis j'ai été très heureuse de te recevoir. Je t'ai écoutée à de nombreuses reprises chez d'autres confrères. Donc c'était vraiment un grand plaisir. Merci beaucoup Adrien.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup et c'était un plaisir partagé.

  • Speaker #0

    C'est la fin de cet épisode. Merci de nous avoir écoutés. Si vous souhaitez nous soutenir, pensez à vous abonner et à nous mettre 5 étoiles. Avant de vous quitter, je vous donne rendez-vous sur ma page LinkedIn ou sur le compte Instagram de Psyboulot. Si vous souhaitez échanger, me suggérer des invités et même venir témoigner à mon micro. A très vite sur Psyboulot.

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