- Speaker #0
J'ai pas de caca d'œil. Les caca d'œil, c'est quand t'es petit, c'est pas quand t'es quadra. Pourquoi quand on est petit, d'ailleurs, on se réveille toujours avec des... Si,
- Speaker #1
si, aussi.
- Speaker #0
Ah bon ? Moi, j'en ai plus depuis... Au moins 30 ans, j'ai plus de caca d'œil.
- Speaker #1
Bon, si.
- Speaker #0
Bah, tu vois, on l'a le... Je ne l'ai l'impro. Un matin, on s'est réveillés et bim, 40 piges. Comment ça va les quadras ? Bienvenue dans votre univers, bienvenue dans Quadra. Ensemble, on va parler des joies et des galères de la quarantaine. Vous savez, cette période où vous vous rendez compte que ce qui prend plus de poids que vous, ce sont vos responsabilités. Alors installez-vous bien, merci à ceux qui s'abonnent, pensez à mettre la petite cloche et le petit pouce pour ne rien rater de Quadra. Mais surtout, laissez vos commentaires, vos histoires, vos anecdotes pour peut-être vous aussi venir au micro de Quadra. Quadra est diffusé sur les plateformes audio comme Spotify, Apple Podcasts, Deezer, etc. Mais aussi sur YouTube et sur les réseaux sociaux Instagram et TikTok Quadra. Dans chaque épisode, je serai avec des personnalités inspirantes qui viendront nous raconter leur parcours, leur vision de la quarantaine, comment ils l'abordent, comment ils la vivent, comment ils l'ont vécu pour certains, mais aussi avec des experts qui viendront aussi nous parler de la quarantaine dans la société aujourd'hui. L'idée d'Enquadra, c'est de traverser cette période de la quarantaine en vous apportant des tips, des témoignages, le tout dans le respect, la bienveillance, mais surtout la bonne humeur. Donc faites une pause dans le Quadruunivers, lâchez les biberons, lâchez les applis de rencontre et bienvenue. Comment ça va les Quadras ? Je suis aujourd'hui avec Maximilien Cuisinart, propriétaire et chef du restaurant Mano à Boulogne-Biancourt. Maximilien, il a un parcours un peu atypique. D'abord judoka, puis des études de droit, puis chef, on va revenir dessus. Et puis surtout, il a une façon de voir la gastronomie d'une manière un peu moins traditionnelle. Maximilien, bonjour, comment ça va ?
- Speaker #1
Ça va et toi ?
- Speaker #0
Ça va très bien, je suis très content de te recevoir. Je voulais un chef, parce que vu que j'adore bouffer, ça se voit. Et qu'en plus je suis déjà venu manger à Mano, du coup voilà pourquoi je voulais un chef. Ton parcours va donc du judo, ensuite études de droit, puis chef. Comment on passe du rêve de judoka, parce que c'est un gros niveau, j'ai pu le comprendre, à celui de chef ? Est-ce que tu peux me raconter un peu justement ce parcours atypique ?
- Speaker #1
T'as bien résumé. C'est les trois plus grosses choses qui me sont arrivées dans la vie. Alors du coup, le judo, je l'ai commencé tout petit. Mon papa est judoka. Et donc, je suis baigné dans le judo depuis que je suis né. J'ai grandi sur un tapis toute ma vie. Et même là, j'ai dû arrêter, j'expliquerai après, mais de par certains accidents. Donc du coup, le judo fait une grande place dans ma vie. Ah, une grande place, pardon, dans ma vie. Carrière de droit, très courte.
- Speaker #0
J'ai oublié de te dire très courte.
- Speaker #1
Alors, tout le monde dit oui, t'as voulu être avocat pour être en université. Non, non, je voulais vraiment fac de droit. Je voulais vraiment être avocat. Sauf qu'en fait, j'ai vraiment beaucoup de mal à me concentrer derrière une feuille ou un ordinateur. Je ne suis pas étonné. J'avais un gros souci de concentration. Et malgré que j'ai des bonnes notes, j'ai eu la chance d'avoir un... Un prof de TD, un chargé de TD qui m'a dit mais c'est pas fait pour vous, c'est pas possible, même si vous avez des bonnes notes. Enfin j'ouvrais jamais, j'ouvrais jamais un bouquin ni un cahier. La seule chose que j'ouvrais c'était le code civil pour avoir les bons termes. Mais j'avais des notes catastrophiques en histoire du droit, enfin tous les trucs où il faut vraiment rester concentré. Par contre dès que c'était en instinct ou une étude de cas, j'avais des très bonnes notes. Mais mon prof m'a dit c'est pas possible. Au lieu d'être avocat, je me suis mis à les cuisiner.
- Speaker #0
Mais comment on décide ça ?
- Speaker #1
J'ai eu la chance d'avoir des parents qui m'ont laissé faire. ce que je voulais. C'est-à-dire qu'ils ne m'ont pas forcé à « tu seras journaliste, tu seras avocat, tu seras médecin, dentiste, ce que tu veux » . À la base, moi, je voulais être boulanger petit, mais comme tous les gamins, est-ce qu'on peut aller manger des bonbons ? Après, j'ai voulu être pompier. Pompier de Paris, d'où la petite histoire avec le judo, c'est que j'ai eu un accident de deux ronds qui a fait que j'ai eu une fracture du rein. En gros, j'ai eu le rein percé. En gros, j'ai failli crever. Et donc, du coup, j'ai dû arrêter le judo pendant un an et demi. Et le fait est que comme les pompiers ont eu la cause de cet accident, en gros, pour la petite histoire, ils m'ont laissé repartir. Sauf que j'ai appris que c'était illégal, tout ça, tout ça. Bon, après, ça, c'est la vie. Je suis encore sur mes deux jambes et tout va bien. Mais donc, j'ai dû arrêter le judo pendant un an et demi. J'avais 18, 19 ans. Sauf qu'en fait, dans une carrière de sportif, un an, c'est énorme. J'aurais pu remonter sur les tatamis en tant que sportif de haut niveau. Le truc est que, un an et demi, j'ai eu aussi la malchance que mes coachs... En fait, je n'étais pas le seul judoka.
- Speaker #0
Ben non,
- Speaker #1
je ne sais pas. Je ne peux pas dire que tu es une bête de foire, qu'on est 15 dans la même catégorie et qu'il y en a un qui part, il y en a un autre qui se remplace. Ça se passe comme ça. Mais dans le club où j'étais, ça se passait plutôt bien. C'est juste qu'en fait, je pense que les infos se sont mal transmises. Et en fait, ils n'étaient même pas au courant que j'avais eu un accident. Ils ont pensé que j'avais abandonné. C'est un peu bizarre. Ce qui fait qu'en fait, je n'ai pas repris le judo en compétition après cet accident.
- Speaker #0
Et à ce moment-là, tu avais encore cette envie de travailler de la boulangerie, de la cuisine ?
- Speaker #1
Après l'accident de Scoot, c'était l'année du bac. Donc l'année du bac, d'ailleurs, je passe le bonjour à tous mes profs, à Jean-Rémy Le Bac, mon prof de maths surtout. En même temps, je peux comprendre, j'avais trois de moyenne toute l'année. J'ai eu mon accident pendant six mois. La terminale, je n'y suis presque pas allé en présentiel. Il faut savoir que j'ai eu 15,5 au bac.
- Speaker #0
Et bah voilà.
- Speaker #1
Donc en gros, oui, j'ai eu l'accident, j'ai mon bac, je pars en fac de droit. Ça se passe très bien, mais comme j'expliquais tout à l'heure, on est sur le côté où je ne suis pas scolaire. C'est que j'ai du mal à me centrer. Et que quand tu es en droit, tu as 8 ans, avec le barreau, et si tu ne loupes pas une année, les UV, les machins, c'est très scolaire. Il faut rester derrière une feuille, il faut apprendre par cœur. C'est des trucs que moi, je ne sais pas faire.
- Speaker #0
C'est marrant parce que moi qui te connais, je suis... T'imagines tellement pas, justement, dans le côté j'apprends par cœur, je suis les trucs à fond.
- Speaker #1
Pour moi, c'est un supplice d'apprendre par cœur, c'est un supplice de faire ce qu'il imagine tellement. Et ouais, ça m'a valu deux, trois fois quand même. Il y a des choses dans la vie que tu dois quand même savoir par cœur, avec un numéro de téléphone ou une date de naissance. Ce genre de trucs, oui, quand j'ai pas envie de retenir, je retiens pas.
- Speaker #0
Et comment on en arrive justement à la cuisine ?
- Speaker #1
Je suis en fac de droit. J'ai eu un petit malheur, c'est que j'ai perdu mon meilleur ami à ce moment-là. Il y a aussi ce côté-là, c'est-à-dire qu'au moment où je suis en train de passer mes UV pour l'université et aller en deuxième année, on n'est pas dans une période très très très heureuse. Je fais un peu des bêtises, des bachins, des trucs. J'ai un peu de sous et je décide d'aller en Angleterre pour apprendre l'anglais. Et en fait, en Angleterre, je suis resté neuf mois exactement là-bas. Et je suis en colloque avec une nana qui est en école de cuisine au Cordon Bleu à Londres. Et en fait, je me rends compte que c'est cool. Enfin, je vois ce qu'elle fait, ses courses qu'elle ramène. Et puis je me dis, mais je suis en fait... Ça, je sais faire aussi. Donc moi, je cuisinais déjà avec ma mère. J'étais vraiment en cuisine déjà, peu de vie à préparer ce genre de trucs. Après, à dire que ma vocation, oui, j'ai toujours eu su... Cuisiner, c'est pas du tout ça.
- Speaker #0
T'aimais bien, c'est tout.
- Speaker #1
J'aimais ça. Mais après, j'ai appris à aimer d'autres trucs. Dans le métier de cuisinier, dans le métier d'être dans un restaurant, il y a d'autres trucs qui ont fait que j'ai apprécié. C'est ce que j'apprécie toujours, ce métier. J'ai aussi été livreur de pizza. Le mec a tout fait ! Ouais, gamin, adolescent, entre 15 et 20, j'ai fait pas mal de trucs.
- Speaker #0
Après Pilote Délico, je me suis dit tiens,
- Speaker #1
je vais faire parachutiste. Mais ouais, en fait, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de petits jobs qui étaient liés à la bouffe. Donc livreur de pizza, j'ai aussi fait la plonge dans un resto. J'ai fait des crêpes aussi. J'ai fait beaucoup de choses autour de la bouffe. Tu te dis, à un moment, peut-être s'y rapprocher. Mais je n'avais pas envie de passer forcément à un CAP cuisine ou autre. Je me dis, en fait, pour moi, la cuisine, tu allais la prendre sur le tas. En allant travailler dans un restaurant, par contre, la gestion, le management, tout ce qui touche aux trucs qui me font chier, il va falloir que je la prenne. Parce que si ça me fait chier, je ne vais pas le faire. Et c'est à ce moment-là où tu pêches. Donc, l'idée, ce n'était pas forcément de tout savoir faire, mais plutôt remplir les blancs sur lesquels tu sais que tu vas avoir des problèmes.
- Speaker #0
Oui, parce que tu ne pouvais pas te limiter. que à la cuisine. C'est ça. Et justement, tu as travaillé dans des cuisines prestigieuses. Qu'est-ce que tu as appris de ces expériences ? Comment tu as trouvé ton style, justement ?
- Speaker #1
Alors, pour moi, mon style, il n'est pas encore bien, bien défini. Bon,
- Speaker #0
quand même. Tu as quand même un style de cuisine particulier. Je vous invite à regarder les vidéos de Maximilien sur Insta. Vous verrez qu'il a son style.
- Speaker #1
Alors, j'ai un style, mais pour moi, il n'est pas encore vraiment abouti. Après, comme dirait l'autre, on apprend tous les jours, que ce soit en cuisine ou dans un autre métier. Moi, vraiment, l'idée de la cuisine, c'est justement, je suis en perpétuel apprentissage. Je ne sais même pas le définir. Je pense que les autres le définiront pour mieux que moi. Et puis, je suis un piètre vendeur de moi-même. Donc, je peux vendre n'importe quoi, sauf moi.
- Speaker #0
Je ferai la promo du Manon.
- Speaker #1
Je pense que ce sera bien.
- Speaker #0
Et donc, justement, dans ces cuisines prestigieuses, qu'est-ce que tu en as gardé comme souvenir ? Qu'est-ce que tu as appris d'important là-bas ?
- Speaker #1
Moi, vraiment mes passages, alors que ce soit le plus long passage que j'ai eu dans un étoilé, ou alors les extras que j'ai pu faire dans certaines cuisines, je crois que c'est vraiment la rigueur. que du coup, moi, je suis... C'est pas que je suis quelqu'un de rigoureux. Des fois, on me dit, ouais, t'es maniaque ou pas. Enfin, ça dépend des... Je suis très maniaque dans mon restaurant en cuisine, comme je ne le suis absolument pas à la maison. Ou alors, quand je décide de... Je sais pas comment expliquer. Quand je vais faire le ménage, tout va être carré. Par contre, oui, ça peut arriver que je laisse un peu le bordel et que ça traîne un peu partout. C'était plus le côté où, ouais, la rigueur. J'ai appris des techniques de cuisine où il faut vraiment être minutieux. ou en fait, si tu ne fais pas ça comme ça, ça ne fonctionnera pas. Peut-être aussi ce côté où il faut respecter les règles. J'ai commencé avec un chef, avec Juan, qui est rigoureux, qui savait ce qu'il voulait, mais on était quand même à la cool. Voilà, on fait à manger, c'est tranquille, on ne sauve pas des vies. Quand je suis allé chez Jérôme Bancetel, qui est aujourd'hui 3 étoiles, il a aussi ce mojo où on ne sauve pas des vies. Mais voilà, il n'y a pas... C'est comme ça, en fait. Et puis en fait, aujourd'hui, je le comprends. À l'époque, je ne comprenais pas. Je me suis dit, en fait, on fait à manger, tranquille. Ce n'est pas parce que ta volaille n'est pas coupée comme ça que c'est grave. Mais c'est la rigueur que tu as dans un trois étoiles. C'est la rigueur. C'est comme ça, en fait. Puis, si tu n'as pas envie d'être là, tu pars.
- Speaker #0
Oui, il y en a d'autres.
- Speaker #1
C'était un choix de voir comment ça se passe. J'ai appris des techniques de cuisine. Comme moi, je n'ai pas fait d'école. Je fais un BTS, mais en gestion hôtelière. Je n'ai pas fait un BTS cuisine. J'ai fait un cours de cuisine. Tout ce que je sais aujourd'hui en cuisine, je le dois à tous les chefs avec qui j'ai bossé, donc Juan, Chef Banktel, Yappablo, tous les gens, même un apprenti m'a déjà appris quelque chose, parce qu'en fait, comme je n'ai pas appris les bases, le fait de regarder aujourd'hui... À l'époque, c'était des livres, maintenant on a Internet. Mais oui, nous, à l'époque, on avait des bouquins, on avait les magazines où on regardait comment cuisiner.
- Speaker #0
À l'approche de la quarantaine, est-ce que ta vision de la cuisine... a évolué par rapport à ce que tu as appris. Est-ce que du coup, c'est une décennie qui te fait peur ?
- Speaker #1
Tu parles de 40 à 50 ? Oui.
- Speaker #0
Et comment tu appréhendes ton métier justement ? Alors moi,
- Speaker #1
je ne fais pas peur. Justement, j'ai envie de voir. Parce que comme à la base, je ne devais pas être cuisinier et qu'en fait, j'ai vraiment choisi mon métier. Ça n'a pas été quelque chose qu'on m'a imposé. Je n'ai pas ce côté où à 40 ans, je change de vie. Moi, ça y est, je l'ai déjà fait. Je voulais être avocat, je voulais être prof de sport. Je voulais être pompier, je voulais être ci, je voulais être ça. Là, ça y est, j'ai choisi. Je suis très heureux maintenant. Il y a peut-être d'autres facettes en tant que chef de cuisine, patron de restaurant, que je vais faire. Peut-être adapter, peut-être un peu plus penser à ce que toi, tu veux vraiment. Quelle cuisine ? Tu me parlais tout à l'heure, j'ai un type de cuisine. Oui, j'ai ton style. Il y a certaines choses que je fais aussi au restaurant qui sont faites parce que ça se vend, on ne va pas se mentir, c'est un business. Maintenant, peut-être aussi penser à moi. Qu'est-ce que j'ai vraiment envie de faire ? Et puis, si je te donne un exemple, j'ouvre un deuxième restaurant. Ça sera, voilà, c'est ça que j'ai envie, en fait. Ou alors, je change le concept de Mano, je ne sais pas. Mais ça sera, ouais, voilà, c'est ça. Ça, c'est moi. Puis si tu n'as pas envie, ce n'est pas grave, va dans un autre. Ne me critique pas, je fais de mon mieux. Mais si tu n'es pas content,
- Speaker #0
ailleurs. Oui, donc quelque chose qui te ressemble pour cette dédicace-là. Oui,
- Speaker #1
je pense que c'est plus ça. Il y a un moment pendant 10 ans, on va dire, parce que ça va faire bientôt 13, 14 ans maintenant que je suis cuisinier. Oui, pendant, on va dire... 4 ans à Mano et 4 ans à Plancha l'autre restaurant où je travaillais où je faisais pour faire plaisir après si tu fais pour faire plaisir évidemment mais c'est pas comme quand tu fais un repas de Noël où tu sais que ta mère aime ça, ta femme aime ça et quand tu fais un repas pour tes potes tu sais qu'ils aiment ça pour leur faire plaisir, là en fait si les gens ils viennent dans ton restaurant c'est pour manger ce que toi tu aimes et ce que tu fais dans l'idée ça serait plutôt de faire moi ce que j'aime et de leur faire découvrir vraiment moi ce que j'aime Que ce soit un échange.
- Speaker #0
Et justement, parler de génération, comment tu perçois la génération qui te suit, le derrière, que ce soit la... Donc nous on est X, donc il y a Y et Z derrière nous. Comment tu l'aperçois cette génération et surtout dans ton métier ? Comment tu les vois ? Est-ce que tu vois des changements par rapport à toi ?
- Speaker #1
Nous dans notre métier, nous on s'est fait exploiter. Et les autres avant. T'as les anciens avant nous qui te disent « Oui, ils ont rien dans le sac, ils ont pas envie de bosser. » Mais en même temps, c'est normal. On faisait 80 heures par semaine à toucher le SMIC. À l'époque, le SMIC, c'était 1400 euros. Enfin, à un moment où... Enfin, tu vois, c'est chaud. 80 heures par... Et il y a d'autres métiers. Il n'y a pas que nous à la restauration. Toi, journaliste ou autre. Les pigistes, les machins. Enfin, c'est les gars, les anciens qui disent « Oui, nous, à l'époque... » Ben ouais, mais vous, à votre époque, si vous avez envie de vous faire... Moi, je les comprends. Après, maintenant, il y a deux, trois trucs où, en fait, tu ne peux pas avoir ça sans rien faire. Tu ne peux pas devenir chef de cuisine, propriétaire, sans rien faire. Il y a du taf derrière. Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui, tel ou tel chef est connu et que c'est une star de YouTube. Bisous et loi. Il a bossé derrière. Je te donne l'exemple de lui parce que c'est un très, très bon ami qui est le chef en vogue. Les gars, ils tartinent et ils tartinent encore. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas dans son resto tous les jours et que tu ne le vois pas qu'il ne bosse pas. Ça, je pense que la génération, je ne sais plus comment tu l'appelles.
- Speaker #0
Y et Z.
- Speaker #1
Y et Z ne le voient pas. Ils pensent que je vais acheter un nouvel iPhone, je vais faire des vidéos et ça va fonctionner. Déjà, il faut savoir cuisiner. Il y a plein de travail derrière. Je pense que les... J'entends le fait que genre, style, moi je veux pas faire comme mon père, charbonner et rien avoir, c'est ou avoir plus, mais il faut quand même charbonner.
- Speaker #0
Ouais, il y a un minimum de travail.
- Speaker #1
C'est ça.
- Speaker #0
T'as ouvert Mano pendant la crise, la crise sanitaire. Comment tu l'as vécu cette période ? Parce que bon, t'as rencontré des embuts justement, t'étais sur un projet qui s'est retrouvé coupé. Comment tu l'as vécu ce truc-là ?
- Speaker #1
C'était la meilleure période de ma vie.
- Speaker #2
Ah ouais ?
- Speaker #1
Non, c'était chaud. Alors j'ai ouvert Mano avec un associé, aujourd'hui je suis tout seul mais... J'ai racheté ses parmi nos motikés. On décide d'ouvrir un restaurant. Le Covid n'existe pas. Donc dans l'idée de la création, on est en début 2019. Tout va bien, enfin, tranquillou. Ça roule quoi. Voilà. Tu visites des lieux comme tout business quoi. Que ce soit la restauration ou ce que tu veux. Donc on signe la promesse d'achat le 15 décembre 2019. On est en train d'en parler du Covid. Mais pour moi c'est comme la grippe aviaire quoi. Puis ça commence à prendre un peu d'ampleur. Puis ça commence à faire peur. On sait très bien faire peur à la télé. Il faut savoir, pour la vraie histoire, c'est que le jour où... Je crois que c'est le 16 ou le 13 mars, où on nous a dit, on ferme les restaurants, et je devais signer. Je devais signer pour récupérer les clés. Tant mieux !
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
dans un sens, c'est cool, parce que du coup, je ne devais pas payer les loyers. Mais du coup, donc en gros, le 16 mars, on me dit, tu ne pourras pas faire ce que tu veux. ne pourra pas ouvrir ton restaurant. Et là, je suis effondré. C'était chaud. J'étais pas bien. J'étais pas bien. En plus, on ne pouvait même pas sortir. Je ne sais pas si... Là, on ne s'en rappelle plus parce qu'aujourd'hui, le Covid est loin. Mais à l'époque, on ne pouvait pas sortir. Moi, j'avais un associé, on ne pouvait pas se voir. On ne pouvait même pas... On ne pouvait rien faire. Oui,
- Speaker #0
et puis tu ne pouvais même pas aller voir les lieux.
- Speaker #1
On ne pouvait pas sortir. Donc c'était une tannée, on avait peur, on savait pas ce que c'était. On savait pas... Enfin moi je me souviens au début je prenais ça à la rigolade, sortir masqué. J'allais faire mes courses avec un masque de catch tu vois. Mais parce que j'en avais marre en fait. Tu m'enfermes une journée. En fait le fait que ça vienne pas de moi, si je décide de rester chez moi c'est pas mon problème. Mais là on m'enfermait moi, je comprenais pas. On nous expliquait rien. On nous disait « Ah quand t'es le 15 jours ? » Ouais mais ça a duré deux ans, il y a un moment non.
- Speaker #0
Et tu gardais quand même ce projet de Mano ?
- Speaker #1
Ah j'avais, non, il y a un moment, il y a un jour où je lui ai appelé mon associé et je lui ai dit on fait quoi ? On continue, on arrête ? Parce que moi j'ai mon compte en banque qui... T'as quand même besoin de vivre, ça devient négatif, donc tu préviens quand même ta banque, le machin, le truc, mais ta banque en fait, elle est dans le même problème que toi, parce qu'elle ne sait pas ce qui se passe avec le Covid, elle ne sait pas ce qu'on fait, on n'a pas eu les aides.
- Speaker #0
Bah non, puisque vous n'avez pas commencé.
- Speaker #1
On n'a rien eu du tout.
- Speaker #0
Mais vous êtes vraiment tombé...
- Speaker #1
Ah ouais ouais ouais, c'est ce que je dis à tout le monde. Moi, on m'a dit, bravo, vous allez créer de l'emploi, monsieur Cusniard, c'est formidable. Mais non, non, c'était sur le coup, psychologiquement, aujourd'hui, j'en parle avec du recul, mais je suis presque fier d'être encore debout, tu vois, parce que j'aurais pu vriller, quoi.
- Speaker #0
Non, mais tu peux être fier surtout d'avoir gardé le projet et de ne pas avoir lâché. Et justement, chez Mano, tu as une phrase, tu dis, les clients peuvent venir en short et en tongs. Pourquoi ? Parce que c'est pour casser les codes de la gastronomie traditionnelle ? Est-ce que c'est important pour toi de garder ?
- Speaker #1
La phrase ne vient pas de moi, elle vient vraiment de Juan, parce qu'en fait, au restaurant que lui a ouvert à Plancha à Boulogne, où j'ai travaillé là-bas 7 ans, c'était l'idée. Et moi, je voulais la garder, en fait, cette ambiance de... On fait du gastro, mais juste dans l'assiette. J'adore aller manger dans les gastros, dans les 1, 2, 3 étoiles, où j'exagère, mais tu fais ça, tu jettes ta serviette et elle n'a pas le temps. Elle est déjà pliée. J'exagère, mais c'est clairement comme ça, tu vois. C'est ça. J'adore, je suis parti dans un palace la dernière fois. On t'accompagne pour aller aux toilettes. Mais oui. Et t'as envie de faire la blague, tu veux me la tenir ?
- Speaker #0
Oui, il y a un truc qui m'a toujours marqué quand tu vas dans un gastro. Ça m'a fait ça au Pré-Catalan. J'y avais été et tu sais, au moment où les plats arrivent, il y a une armée de mecs qui arrivent. Tout le monde est servi en même temps. T'en poses tout. Mais c'est l'arme.
- Speaker #1
Les cloches.
- Speaker #0
C'est une arme. Non mais là, tu te tiens. T'as le mec qui pose l'assiette, t'as celui qui enlève la cloche, t'as celui qui t'annonce le plat, et ça, par personne, autour de la table, quoi. C'est fou ! Mais oui, je comprends le coup de la serviette. Mais du coup, chez Manon,
- Speaker #1
vous avez... Attention, je ne critique pas ce genre d'établissement. C'est agréable. Il faut qu'on le garde. Parce que c'est quand même notre art de vivre, le métier de l'altab à la française. C'est ça. Moi, je ne voulais pas du tout ça. C'est-à-dire que moi, je voulais vraiment garder ce côté où on fait du gastro dans les assiettes. J'essaye de faire au mieux. Et surtout, il y a des fois où c'est tout l'inverse. Tu peux avoir un plat hyper régressif et que les gens adorent. On parle d'un croque-monsieur où, en fait, au final, les gens, des fois, tu te poses des questions, tu te fais tellement chier à faire certaines choses. Et en fait, là, eux, très bien. Mais dans l'idée, c'était ça. Du coup, venir en short et en tonk, c'est plutôt venez comme vous êtes.
- Speaker #0
Et la gastronomie, c'est dans l'assiette.
- Speaker #1
C'est ça. Et c'est surtout aussi de le côté où je ne veux pas que mes clients, ils soient guindés. Par exemple, on ne change pas les couverts à Manon. Déjà de une pour l'écologie, pour éviter de faire tourner le lave-vaisselle 100 fois. Et en fait, c'est un gain de temps. Moi, on est une petite équipe. Donc, en fait... Si je dois laver les couverts, les machins, c'est aussi du travail derrière, on ne s'en rend peut-être pas compte, mais il faut les essuyer, les laver, les machins, les trucs. Et il y en a, des fois ça les dérange, oui, alors vous ne me changez pas les verres, vous ne me changez pas ci, vous ne me changez pas ça. En fait, c'est ça que je veux dire, c'est qu'on est dans un resto un peu comme à la maison. En gros, je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire.
- Speaker #0
Tu es à la maison, mais tu manques une qualité au-dessus. C'est ça. Justement, à l'approche de la quarantaine, la cuisine c'est quand même un métier prenant et usant aussi, on ne va pas se mentir. Comment tu arrives à concilier vie pro et vie perso ? Comment tu te sens, toi, physiquement ?
- Speaker #1
Je suis en plein travail là-dessus, en réflexion de qu'est-ce que je vais faire dans les années à venir. Mais on en parlait dernièrement avec un pote cuisinier. Je fais, mais moi, je ne tiens plus à faire les 7 heures, une heure du mat avec 15 minutes de pause. Ça m'a usé. C'est drôle, j'ai des photos de quand j'ai commencé vraiment et en 5 ans. Enfin, j'ai pris 20 piges dans la gueule. T'es marqué, t'es fatigué, t'as pas... Enfin, en fait, t'as... C'est pour la bonne cause, parce qu'en fait, ça te fait plaisir, tu le fais. Mais est-ce que tu en as conscience ? Je ne suis pas sûr. C'est tellement dans un cercle vicieux où en fait, on te dit « Bah non, mais en fait, si tu ne fais pas ça, tu n'es pas une machine, machin, des trucs. » Alors ouais, aujourd'hui, j'ai été la plus grosse machine de guerre, mais elle est exténuée, la machine, tu vois.
- Speaker #0
Quand on va à Manon, on le voit, puisque la cuisine est ouverte, donc on le voit travailler, on voit que tu n'es pas juste là à dire « Fais ci, fais ça » . Donc, je peux en témoigner. Avec toutes ces reconversions, avec là où tu en es aujourd'hui sur ce parcours, parcours, avec la quarantaine qui approche, c'est quoi ta philosophie de vie en deux mots ?
- Speaker #1
Par rapport à mon métier, déjà, on ne sauve pas des vies. Je ne suis pas médecin et déjà, il y a des médecins, je ne sais même pas comment ils font ce métier. Mais ouais, on ne sauve pas des vies. Moi, je fais à manger. Ma philosophie de vie, si je dois la résumer en deux mots, ça va être court, mais je fais du mieux que je peux.
- Speaker #0
Si tu devais comparer ton parcours à un menu dégustation ou à une recette ? Tu mettrais quoi comme ingrédients ? Ou ce serait quoi les plats, par exemple, de 20 à 30, de 30 à 40 ? De 20 à 30 ?
- Speaker #1
De 20 à 30, c'est le ceviche, ouais. Non, mais tu vois, en plus, c'est mon plat signature. Donc, c'est le truc plein de peps. C'est acide, c'est... ça tabasse, il y a de la mâche. Enfin, tu vois, c'est un truc où... Puis à la base, le ceviche, en Amérique latine, c'est pas un plat gastro, c'est un truc que tu manges dans la rue. J'ai eu la chance d'aller en Colombie. C'est vraiment un truc qui te sert ça dans un gobelet. Tu manges comme ça, ça peut. Puis côté acidulé, côté tu manges vite, côté faut... On y va quoi.
- Speaker #0
Et 30-40 ?
- Speaker #1
30-40 ? 30-40, on est sur un truc un peu plus mousse, un peu plus gras. Mais on garde de l'acidité, tu vois. Je sais pas, il y a de la purée, de la purée de pommes de terre. Il y a un peu de beurre. Il y a des Saint-Jacques. Mais tu termines avec toujours un petit filet de citron. Tu vois, tu as le côté réconfortant de la purée. On est plus sur 35-40. Je ne suis pas encore dans les 40.
- Speaker #0
J'espère que 45 ans, ça ne sert pas de la soupe. Quel message tu donnerais à ceux qui hésitent à se lancer dans la cuisine ?
- Speaker #1
Franchement, allez-y. Ce n'est pas grave. C'est dur. C'est dur. Si tu as vraiment envie, essaye. Et puis au pire, tu peux changer.
- Speaker #0
T'en es la preuve.
- Speaker #1
Ouais, essaye. Moi, c'est par du principe que je peux pas savoir ce que tu veux vraiment tout de suite. Moi, je me souviens, c'est un truc que j'ai dit à ma mère où il fallait remplir le truc post-bac. Qu'est-ce que tu vas faire après le bac ? Mais qu'est-ce que je sais pas. Et je me souviens, ma mère, elle me dit, ouais, faut le faire demain. Sinon, tu vas pas pouvoir. Je fais, mais maman, je sais pas. Je sais pas. Donc, je l'ai rempli. J'ai fait un BTS commerce international. Je suis resté. Un mois là-bas. J'ai arrêté, j'ai fait autre chose, je suis parti en droit après. Je sais pas.
- Speaker #0
Oui, bien sûr, on leur met la pression.
- Speaker #1
Mais on nous la mise et on la met en col. Les gamins, les gamins, enfin, on a été des gamins. Je ne sais pas, tu ne peux pas forcer. On est trop jeune pour décider.
- Speaker #0
C'est quoi les choses dont tu es le plus fier ?
- Speaker #1
Ma femme m'a posé la même question il y a deux jours. Et je n'ai pas su répondre. Je n'arrive pas à être personnellement fier de moi. Du coup, j'ai réfléchi. Si par exemple, là, moi je sortais de mon corps et je me regardais, je suis fier d'avoir créé un restaurant, je suis fier d'avoir un restaurant qui fonctionne. qui est rentable. J'ai une belle note sur Google. Ce que je veux dire, c'est que je n'ai pas juste un restaurant. Ce n'est pas juste j'ai un restaurant. J'ai un bon restaurant qui fonctionne. On parle en bien du restaurant, on parle en bien de moi. Oui, je suis fier de ça. Je suis fier, je ne sais pas, je suis fier de vieillir, on va dire.
- Speaker #0
Très bien. Tu as des regrets ?
- Speaker #1
Jamais.
- Speaker #0
Pour finir, je vais te poser cinq questions. Il va falloir que tu répondes en un mot. C'est des questions... C'est des questions souvenirs, nostalgie, quadra. T'es prêt ? Prends un coup de... Alors, c'est de l'eau. Malheureusement pour toi, Maximilien, je sais que tu préfères quand c'est anisé. Mais là, c'est de l'eau.
- Speaker #1
C'est prouvé.
- Speaker #0
Le goût d'un bonbon de quadra qui te manque. L'émission de ton enfance qui a disparu.
- Speaker #1
Club Dorothée.
- Speaker #0
Un truc que disaient tes parents quand t'étais petit qui te saoulait et qui t'applique pourtant malgré toi aujourd'hui.
- Speaker #1
Il me disait « range ta chambre » et j'range ma chambre. Par exemple. Ah, je ne l'ai pas.
- Speaker #0
Un adjectif pour qualifier la génération Z ?
- Speaker #1
J'ai votre cul.
- Speaker #0
Et toi, tu te voyais faire quoi à 40 ans ?
- Speaker #1
Vraiment à 40 ans ? Je me voyais sur un yacht. Mais on n'y est pas encore. Je suis sur un matelas pneumatique, mais j'ai toujours l'idée de yacht. Ou alors non, plutôt d'un voilier maintenant, tu vois. Oh, bah très bien. Un peu plus smooth.
- Speaker #0
Merci Maximilien. Pour ceux qui veulent goûter au restaurant Mano, c'est donc à Boulogne-Biancourt au... si je ne me trompe pas 46 rue de l'ancienne mairie exactement on est d'accord et je vous conseille vraiment d'y aller parce que c'est vraiment très très bon et on peut y aller en tongs et en shirt on se retrouve très vite pour un nouvel épisode de Quadra et puis encore merci Maximilien moi je vais venir manger à Manon à très vite salut Quadra
- Speaker #2
Bonsoir, je suis le chef de l'équipe de l'Université de Montréal.