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Raconte - Des histoires qui inspirent, connectent et transforment.

José Bové - Luttes continues • De la lutte contre les OGM à la mobilisation des jeunes : José Bové et l'engagement collectif pour l'avenir

José Bové - Luttes continues • De la lutte contre les OGM à la mobilisation des jeunes : José Bové et l'engagement collectif pour l'avenir

51min |10/10/2024
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51min |10/10/2024
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Description

Quel est le point commun entre le McDonald's de Millau, le Parlement européen, et le plateau du Larzac ? 🤔

Au tournant du millénaire, cet homme a incarné la lutte altermondialiste. Lui, c'est José Bové. Un homme que rien ne prédestinait à devenir ce qu'il est aujourd'hui. N'étant pas issu du milieu agricole, il s'est pourtant imposé comme une figure emblématique, à la fois sur la scène internationale et médiatique, allant jusqu'à se présenter à l'élection présidentielle française. 🌍

Dans ce nouvel épisode, nous avons eu l'occasion de revisiter son parcours exceptionnel et de décrypter les événements clés qui ont forgé cet homme au caractère inspirant, à travers ses luttes continues. 💪


Dans cet épisode captivant de "Raconte", nous avons l'honneur d'accueillir José Bové, une figure emblématique de l'activisme et de la lutte pour la justice sociale. À travers son récit inspirant, Bové nous plonge dans son parcours, de son enfance près de Bordeaux à son installation sur le plateau du Larzac, où il s'est engagé contre l'extension d'un camp militaire, un acte qui a marqué le début de son implication dans le mouvement altermondialiste. Ce témoignage puissant nous rappelle l'importance de l'engagement collectif et des actions concrètes pour bâtir un monde plus juste.


Au fil de la conversation, José Bové partage ses réflexions sur l'activisme, l'agriculture durable et la nécessité de défendre nos valeurs face aux défis contemporains. En tant que membre actif de la Confédération paysanne, il évoque ses combats acharnés contre les OGM et la malbouffe, des enjeux qui touchent chacun d'entre nous au quotidien. Son expérience en tant que député européen enrichit également notre compréhension des luttes menées à Bruxelles pour défendre les droits des agriculteurs et promouvoir des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.


L'épisode aborde également la montée de la mobilisation des jeunes pour le climat, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Bové souligne l'importance de cette nouvelle génération d'activistes, qui incarne l'espoir et la détermination nécessaires pour affronter les défis environnementaux actuels. Il nous rappelle que la lutte pour la justice sociale et environnementale est un combat continu, qui nécessite solidarité et persévérance.


En conclusion, José Bové partage ses réflexions sur la peur et l'engagement, nous incitant à vivre en cohérence avec nos valeurs. Cet épisode de "Raconte" est une véritable invitation à la réflexion et à l'action. Que vous soyez déjà engagé dans des luttes sociales ou simplement curieux d'en apprendre davantage sur ces enjeux cruciaux, cet échange avec Bové vous inspirera à prendre part à ce mouvement pour un avenir meilleur. Ne manquez pas cette occasion de découvrir un témoignage riche d'enseignements et d'émotions, qui vous incitera à réfléchir à votre propre engagement dans la société. Écoutez dès maintenant cet épisode passionnant et laissez-vous porter par les mots d'un homme qui a fait de son combat une véritable vocation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je dirais que ce n'est pas mon tempérament de fixer des divines, ce n'est pas ça la question. Ce qui est intéressant, c'est de construire des mobilisations, si on est convaincu qu'une clause en vaut la peine, et d'essayer d'avancer pour gagner le combat.

  • Speaker #1

    Imaginez un monde où chaque histoire trouve sa voie, où chaque talent éclaire notre époque. Raconte est un média digital natif à l'écoute de notre temps. Les interviews grand format sont le premier chapitre de l'univers raconte. Écoutez-les en podcast, visionnez-les en vidéo et préservez-les grâce à nos publications imprimées collector. Notre passion pour l'image est infinie. Raconte, c'est le fond avec la forme. Préparez-vous à voyager au-delà des horizons connus. aux côtés de celles et ceux qui les redéfinissent. Bienvenue dans l'Odyssée raconte. Raconte la rencontre.

  • Speaker #2

    Bonjour José Bové.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Ça va pas mal. Ça pourrait être pire.

  • Speaker #2

    Ah bon ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il pourrait pleuvoir.

  • Speaker #2

    On est à l'intérieur, donc ça va.

  • Speaker #0

    Ça va, il y a un beau ciel, tout va bien.

  • Speaker #2

    C'est vrai que tu connais un peu Bruxelles en même temps.

  • Speaker #0

    Ça va, j'ai vécu quelques années, 10 ans. Puis je connaissais avant aussi, donc ça, voilà. Je ne suis pas surpris quand je reviens ici.

  • Speaker #2

    Mais justement, en parlant d'avant, d'où tu viens ?

  • Speaker #0

    D'où je viens ? C'est une longue histoire, une vieille histoire maintenant à force. Je suis né à côté de Bordeaux. J'ai vécu ensuite quelques années aux États-Unis avec mes parents, dans les années 50, au milieu des années 50, et je suis revenu en France à 7 ans. Et voilà, et donc là après, j'ai habité avec eux dans la région parisienne, parce qu'ils travaillaient là-bas, et voilà. Et à 20 ans, je me suis installé sur le Larzac. Donc ça fait maintenant plus de 50 ans.

  • Speaker #2

    Justement, par exemple... de ton installation dans le Larzac.

  • Speaker #0

    Sture, le Larzac. Je ne vis pas dans les grottes.

  • Speaker #2

    Tu es un homme de la terre, pourtant.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans la terre, tu n'es pas obligé de vivre dans la grotte.

  • Speaker #2

    Justement, comment tu es arrivé au Larzac ? Il y a un élément déclencheur par rapport à ça ?

  • Speaker #0

    C'est assez simple. Moi, je suis, à ce moment-là, je suis objecteur de conscience. C'est-à-dire que je refuse de faire le service militaire. Je suis engagé dans un mouvement contre la bombe atomique et donc je suis très actif dans ce mouvement. C'est à ce moment-là que l'extension du camp militaire du Larzac est décidée par le ministre des Armées français et donc là... Un mouvement se met en route et donc j'y participe naturellement et je viens faire des chantiers sur le Koss. Et en 1975, je peux m'installer. Les paysans me donnent l'autorisation d'occuper illégalement une ferme dont le propriétaire a vendu les terres à l'armée. Et donc c'est comme ça que je m'installe avec ma famille dans le hameau de Morodon qui est au nord-est du Larzac. Et donc c'est toujours là où j'habite aujourd'hui. pas dans la même maison parce qu'elle était liée à la ferme, mais c'est là où on a pu construire ensuite notre maison pour y rester.

  • Speaker #2

    Tu étais un peu zadiste avant l'heure en fait ?

  • Speaker #0

    Le mot n'existait pas encore vraiment. On disait squatteur à l'époque, il n'y avait pas de... Zadiste n'existait pas comme mouvement donc on était squatteur. Il y avait relativement peu de squatteurs parce qu'il fallait que le mouvement reste assez bien organisé donc les paysans ont autorisé donc on a été à peu près en tournée. peut-être sept familles à s'installer dans ces années-là sur le plateau pour participer à la lutte et ensuite pour construire l'avenir.

  • Speaker #2

    Ok. Et comment ça s'est déclenché, ça ? Comment tu as décidé d'aller au Larzac ? C'est une rencontre ? Il y a un élément déclencheur ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est un engagement. C'est un engagement pour soutenir ce combat et pour essayer d'empêcher l'extension du camp militaire, ce qui a quand même réussi en 1981, puisque le camp, le projet a été abandonné. Mais je dirais que c'est à la fois le... Cette envie, cet engagement et puis en même temps la découverte d'un territoire incroyable, de paysages assez particuliers en France. Ce sont les Larzac, mais il y a d'autres causes comme le Côte Noire, le Côte Méjean, le Côte de Sauve-Terre, qui sont des hauts plateaux avec des grandes vallées entre, comme la vallée de la Dorbie ou la vallée du Tarn. Et ça fait des paysages avec une vue très lointaine. Et c'est peut-être la... L'enfance aux Etats-Unis qui m'ont donné le goût de cette... de ces grands paysages et donc c'est là où je me suis retrouvé le plus à ressentir ce que j'avais pu ressentir enfant et quand on sort de la maison c'est vrai que on a une vue à plus de 100 km de distance quoi donc c'est vrai que j'ai beaucoup de mal ensuite à vivre dans des endroits fermés dans des villes ou même dans des paysages où on ne peut pas voir l'horizon tu viens de parler de ton enfance

  • Speaker #2

    Comment tu étais enfant ou ado ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas ce que ça veut dire ça.

  • Speaker #2

    Ton trait de caractère à l'époque, tu étais quel genre d'enfant ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, moi ça dépend. Rien de vraiment spécial, si ce n'est que oui, il y avait pas de... Non, il y a des choses que je refusais, et quand je refusais, je refusais. Donc c'est vrai que j'ai peut-être aussi ce caractère à être capable de dire non et à assumer pourquoi je dis non. Et j'ai eu la chance d'être soutenu par mes parents, surtout ma mère. Chaque fois, j'ai pu avoir des conflits en disant non. Ma mère a toujours été là à partir du moment où je pouvais expliquer et dire pourquoi je disais non. Je crois que ça, ça a été une grande force d'être soutenu dans ces moments d'opposition, que ce soit au niveau de l'école ou encore après.

  • Speaker #2

    Donc déjà à l'école, en fait, tu me disais un petit peu ?

  • Speaker #0

    Je ne me disais pas, je m'affirmais.

  • Speaker #2

    Ok.

  • Speaker #0

    Il y a des choses que je ne supportais pas, donc comme je ne les supportais pas, je disais non.

  • Speaker #2

    Et par exemple quoi ?

  • Speaker #0

    Par exemple, ce sont des choses toutes simples d'enfants. C'est faire la sieste quand vous n'avez pas envie de la faire. Si vous n'avez pas envie de dormir, vous n'avez pas envie de dormir. La maîtresse, c'est dans les toutes petites classes, qui vous oblige à refaire un dessin parce que le dessin n'est pas conforme au dessin qu'elle voulait que ce soit. Décrir un animal, par exemple un écureuil avec une queue relevée, alors que quand il traverse et qu'il court, l'écureuil a une queue droite. Ça, c'est idiot de vouloir faire ça à un enfant. Donc j'ai dit non. Ma mère a été convoquée et on s'est retrouvés là encore devant une nouvelle explication et je n'ai pas cédé.

  • Speaker #2

    Bien, bien. Ça donne déjà un peu les traits de caractère du personnage que tu allais devenir en fait.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si c'est le personnage, en tout cas de ma personnalité, ça c'est sûr.

  • Speaker #2

    Et quand tu arrives, on va revenir au Larzac, quand tu arrives là-bas, qu'est-ce que tu fais au début ? Tu arrives dans cette ferme, elle est plus ou moins abandonnée, tu la retapes, tu fais quoi ?

  • Speaker #0

    C'est des longues années parce qu'à la fois il faut s'installer. vivre au quotidien et participer effectivement au combat qui à ces moments-là est important. Donc c'est beaucoup de temps passé, c'est beaucoup de temps en réunion, mais aussi en marche, en tout type de manifestation. Donc tout est assez compliqué, il prend beaucoup de temps, parce que dans la ferme qu'on habite, il n'y a pas l'eau, il n'y a pas l'électricité, il n'y a pas le téléphone, il n'y a pas de route. Donc tout ça a été... disons orchestré pour que les gens ne restent pas. C'est pour ça qu'il n'y a aucune infrastructure. Et donc il faut apprendre à vivre de cette manière-là, faire en sorte qu'on puisse vivre en famille avec des enfants, même dans ces situations les plus difficiles. Et puis c'est la mise en place du troupeau, des activités qui permettent là aussi de vivre de son travail. Donc tout se fait en même temps. Et donc c'est vrai qu'avec le recul, tout ça est assez dense comme vie. Au seul moment quand on le vit, les choses passent bien.

  • Speaker #2

    Vous étiez presque un peu en autosuffisance en fait ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'on est sur un endroit dur. Le Kos, on est à 800, presque 900 mètres d'altitude. La végétation est difficile, le temps est quand même rude, avec des hivers assez longs et l'été très chaud, donc pas beaucoup d'eau. Donc non, on ne peut pas, ce n'est pas une terre de maraîchage, on peut faire un potager, mais peu. Donc c'est de l'élevage, c'est surtout l'élevage de brebis, principalement pour le lait, le fromage, la transformation. Donc ça c'est ce qui permet effectivement de tirer un revenu, qui permet de vivre. Mais c'est difficile en même temps parce que chaque matin on peut être expulsé, dans la mesure où on occupe des terres dont l'armée revendique la propriété.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire que c'est des paysages assez durs, assez rudes, dans un climat... pas forcément facile pour les cultures. Est-ce que tu crois que ce type de paysage forge des caractères forts ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je dirais que pour habiter sur le plateau, il faut avoir et le coup de foudre, et l'envie d'accepter ce genre de végétation. de roche parce que c'est très minéral comme paysage. Et donc si on n'est pas attiré par ce type de paysage, je pense qu'on n'en reste pas. D'ailleurs c'est pour ça que la densité de population est assez faible parce que c'est un paysage rude. On est à peu près 3 habitants au kilomètre carré, donc ce n'est pas beaucoup non plus. Mais voilà, donc je dirais qu'il faut être en adéquation avec le lieu.

  • Speaker #2

    Après t'être établi, etc., vous avez commencé à vivre sur place, à installer les troupeaux, etc. Et là, tu es devenu vraiment militant de manière très active. Comment ça s'est dessiné, ça ?

  • Speaker #0

    Non, je l'étais quand je me suis installé. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est arrivé pendant ou après. Non, c'était vraiment... Si je me suis installé, l'installation en elle-même était anacte. militant parce que c'était effectivement à la fois illégal et donc un acte, un endroit où je me suis installé était un lieu stratégique pour l'extension du corps militaire donc en un instant là c'était clairement poser un acte concret mais pas seul avec l'ensemble des paysans qui étaient autour donc voilà donc c'était un engagement mais il y aurait que ça la victoire Contre l'extension du camp militaire en 1981, quand François Mitterrand est élu, permet de concrétiser non plus le non à l'extension, mais le oui à une nouvelle forme d'organisation de la gestion des terres, le fait qu'on puisse organiser sur un espace de plusieurs milliers d'hectares, près de 8000 hectares, une gestion du foncier, vraiment au service à la fois des paysans et qui... permet l'installation, parce que l'un des grands drames de l'agriculture, c'est le nombre de jeunes qui s'installent, qui est en très grande diminution année après année, alors que là, sur notre territoire, on a pu augmenter la population agricole de 25%. Et donc depuis, depuis plus de 40 ans maintenant, cette population ne diminue pas, on a toujours plus de candidats que de terres à disposition pour installer des jeunes. Donc ça, c'est quand même une... Comment dire, une concrétisation. C'est-à-dire qu'il faut dire non, mais en même temps, en ayant une proposition alternative, concrète, qu'on peut mettre en place. Et ça a été tout ça, un peu l'enjeu de l'après 81 sur le Larzac.

  • Speaker #2

    Justement, par rapport à cette proposition, comment vous avez été reçus par les locaux quand vous vous êtes installés ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il n'y avait pas de soucis dans la mesure où notre installation se faisait avec eux. C'est-à-dire que c'est pas que, contrairement souvent à des mouvements qui vont faire une occupation, on dit une ZAD aujourd'hui, nous c'était intégré au mouvement, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas s'installer si on n'était pas accepté, si c'était pas le mouvement qui décidait de nous donner l'autorisation de nous installer. Parce que toute installation pouvait aussi mettre en péril la stratégie globale. de lutte, donc ça se faisait en accord. Donc à partir du moment où on était installés, ça veut dire qu'on était aussi défendus, s'il y avait une intervention de l'armée ou de la police pour nous chasser, on était défendus, donc il fallait vraiment être complètement en adéquation, et ça c'est quelque chose qui est important. Donc je n'ai jamais été dans cette situation de confrontation, mais plutôt au contraire de solidarité, et après... On a construit ça ensemble et quand on lutte pendant des années ensemble, ça finit par faire une famille.

  • Speaker #2

    Et cette famille s'est développée, beaucoup de gens sont venus vous rejoindre, etc.

  • Speaker #0

    Mais il y a eu beaucoup de monde pendant les rassemblements, pendant des grands événements sur le plateau. Mais le nombre d'habitants a relativement peu évolué, on est très peu. Au début, le Larzac, la lutte concerne 103 familles, aujourd'hui on est peut-être 130 familles. ou 140 maximum, donc c'est pas... ça n'a rien à voir, c'est... Le Larzac n'a rien de folklorique, n'a jamais été une espèce de Woodstock permanent, où ça, ça a été dans le mythe des journaux de raconter des choses sur des moments où il y a des grands rassemblements qui durent deux ou trois jours, et où là on peut être effectivement des dizaines de milliers, mais ce sont des moments très particuliers, très singuliers, où comme dans les marches, quand on arrive, quand on marche à pied à Paris, là... il y a 100 000 personnes à l'arrivée, donc c'est des choses très particulières sur des moments précis, mais pas du tout sur la vie quotidienne. Donc il y a eu beaucoup de mythes qui ont été... qui ont été racontées sur le Larzac, on fait beaucoup fantasmer avec cette phrase, notamment complètement débile et idiote, pour définir en gros le début des années 70, soit les gens s'engageraient, soit ils allaient élever des chèvres sur le Larzac. D'ailleurs, ils disaient dans le Larzac, qui était déjà la faute, et en plus élever des chèvres, alors qu'il n'y a pas de chèvres, il y a juste un troupeau de chèvres d'un agriculteur, il n'y a jamais eu plus de chèvres. C'est toujours un pays de banlieue. Donc ça, c'est une image de fantasme, mais qui continue à exister aujourd'hui, comme une tant que... Sauf que c'est complètement faux. C'est peut-être le seul endroit entre les Cévennes et les Pyrénées où, justement, il n'y a pas eu d'installation de communautés ou de groupes de ce genre-là dans les années 70.

  • Speaker #1

    Raconte. Le média intimiste, mais pas indiscret.

  • Speaker #2

    On avance un peu dans le temps, on passe maintenant dans les années 80. Comment elles se passent pour toi les années 80 ?

  • Speaker #0

    Les années 80, c'est les années de construction, c'est les années où on a gagné la lutte contre l'extension du camp militaire. Donc on met en place tous les outils de gestion de la terre. Donc ça c'est important et c'est ce qui permet ensuite d'installer. Donc ça c'est un long travail qu'on fait avec les ministères, avec... Voilà l'administration pour obtenir cette possibilité de gérer nous-mêmes. L'État nous confie la gestion de toutes les terres qui avaient été expropriées pour faire le camp. Il nous les a confiées par bail amphithéotique. Donc ça veut dire qu'on a tous les droits du propriétaire. Et donc tout le monde est propriétaire collectivement et individuellement est locataire des terres. Donc c'est une construction juridique. qui permet justement d'avoir une autonomie complète sur cette gestion sans que ce soit l'État qui s'en occupe. Donc ça, je dirais que ça nous... c'est vraiment... ça s'est pris énormément de temps. Et ensuite, c'est en parallèle la naissance de la Confédération paysanne, un travailleur paysan avant qui a précédé, puis la Confédération paysanne est le début de l'engagement aussi, de la lutte dans le cadre du soutien aux... aux producteurs qui font du rock fort donc là je suis très engagé et voilà là ça démarre vraiment la période je dirais syndical de mes engagements c'est à cette période que tu deviens une personnalité grand public partout en france et même à l'étranger pas vraiment dans les années 80 on va dire plutôt que c'est dans les 90 parce que tout ça ça prend là aussi beaucoup C'est beaucoup d'engagement, beaucoup de déplacements à Paris, à Bruxelles, dans le cadre du syndicat, par rapport à la politique agricole européenne. Donc tout ça, c'est énormément de temps, de relations qui se nouent. Et le début du combat contre, à l'époque, le GATT, qui était l'accord sur le commerce international et les droits de douane, qui intègre au milieu, à partir de 1986, les... l'agriculture et les services dans ces négociations commerciales. Et ça donne naissance évidemment en 1995 à l'Organisation Mondiale du Commerce. Donc tout ça est une véritable rupture avec l'ensemble de la régulation de l'agriculture et des marchés agricoles. Et donc voilà, là c'est le début d'un autre combat, d'un combat au niveau international. et qui nous amène à la fois à rencontrer beaucoup de gens, mais aussi à se défendre localement, parce qu'avec toutes les crises sanitaires qu'il y a eu, on est arrivé à faire interdire les hormones dans l'élevage. Et quand les États-Unis décident d'importer, avec la naissance de l'OMC, d'exporter en Europe du bœuf aux hormones, on dit non, l'Europe dit non, et on est condamné par le tribunal de l'OMC qui donne l'autorisation. aux États-Unis de surtaxer le Roquefort à 100% quand il arriverait aux États-Unis. D'où le démontage du McDo qui est en fait le symbole du fast-food. Mais une autre chaîne, ça aurait été la même chose, mais c'est à ce moment-là que se construit ce fast-food. Donc voilà, il y a une confrontation entre d'un côté une agriculture traditionnelle avec des produits d'appellation. d'origine face à une agriculture industrielle et de l'alimentation standardisée. Donc voilà, c'est ce démontage qui catalyse cette nouvelle résistance internationale qui donne naissance à l'alter mondialisme. Et voilà, ce démontage devient le symbole avec évidemment tout ce qui s'est passé ensuite.

  • Speaker #2

    Tu le dis parfaitement, tu deviens un symbole à ce moment-là.

  • Speaker #0

    C'est le montage qui est le symbole, mais pas... Je deviens le symbole dans le symbole, ou peut-être le porte-parole qui incarne le mouvement dans la mesure où je suis un... incarcéré pendant plus d'un mois, je refuse de payer la caution, donc tout ça devient quelque chose de... et ce sont des petits paysans américains qui payent la caution pour que je sorte de prison. Donc tout ça crée évidemment une situation et puis une dynamique tout à fait nouvelle.

  • Speaker #2

    Tu viens justement de parler de ce fameux McDo à Mio et de ton emprisonnement. Donc là tu vas dire que tu es un peu jusqu'au boutiste dans ton combat et à juste titre. Tu arrives en prison, qu'est-ce que tu te dis ? J'ai été trop loin ou au contraire j'ai gagné ? Quel est ton ressenti à ce moment-là quand tu arrives le soir même à la prison ?

  • Speaker #0

    Quand je me rends à la justice et que la juge me dit qu'elle me met en prison préventive, le temps qu'elle mène son enquête, etc. Je lui demande si elle est vraiment sûre, si elle a bien rempli tous les documents, et je lui demande si elle est vraiment sûre de ce qu'elle a fait. qu'elle fait, évidemment qu'elle me dit oui, et donc je lui demande de lui serrer la main, donc elle me serre la main, elle ne comprend pas bien, et je la remercie, je lui dis là vous venez de nous faire gagner 10 ans, parce qu'effectivement en rentrant rentrant dans ce processus d'incarcération, ça fait une caisse de résonance formidable. Donc pour moi, aller en prison n'est pas du tout comme si je sortais du paysage. Au contraire, ça accentue la mobilisation. Donc la prison fait partie de l'action. Et c'est donc pas du tout, moi je ne le vis pas du tout comme quelque chose de, comment on peut dire ça, d'inacceptable ou comme si j'ai...... comme quelque chose d'angoissant, mais au contraire, c'est une autre façon de participer au combat. Et évidemment, ça amène des centaines de personnes, des milliers de personnes devant la prison, puis ensuite, ça crée une dynamique incroyable qui fait que dès que je sors de prison, on annonce qu'on part deux mois après à Seattle pour le rassemblement contre l'OMC, qui a lieu au mois de novembre 1999. Donc il y a une dynamique qui se construit et donc se démontre. a permis aux gens de comprendre que c'était pas juste des choses abstraites, des lignes de compte, mais que c'était quelque chose qui rentrait dans leur vie quotidienne. Comme on a souvent dit, l'OMC on en mange trois fois par jour chaque fois qu'on s'en met à table. C'est à dire que tous les produits qui arrivent, toute la logique industrielle, toute la logique de la circulation de l'alimentation à travers la planète, on l'a trois fois dans son assiette tous les jours. Donc les choix choix qu'on fait détermine aussi ce qu'on peut transformer au niveau international.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire, est-ce que manger, c'est voter ?

  • Speaker #0

    Je dirais qu'on participe et que c'est clairement un choix politique. Manger, c'est se nourrir, la façon dont on se nourrit, c'est poser un acte politique.

  • Speaker #1

    Raconte, où chaque format donne vie à une histoire.

  • Speaker #2

    quand tu étais on va dire au moment très fort de toutes ces actions tu es vraiment sur dans tous les médias etc donc on est on est autour de l'an 2000 toujours par rapport à ce mcdo et aux événements qui vont suivre est ce que tu t'es dit un moment il ya une limite à mon combat ou pas

  • Speaker #0

    Je dirais que ce n'est pas mon tempérament de fixer des limites, ce n'est pas ça la question. Ce qui est intéressant, c'est de construire des mobilisations, si on est convaincu qu'une cause en vaut la peine, et d'essayer d'avancer. gagner le combat. Alors parfois on peut gagner globalement, parfois c'est un combat particulier, mais ce qui est important c'est de démarrer. Par contre le temps que ça va prendre, ça on est incapable de le savoir. Toutes les Les batailles de l'ARZAC, ça a duré 11 ans. Quand on s'est battu contre les OGM en France, avant qu'on gagne la première manche en 2008, ça a mis là aussi 12 ans, etc. Donc souvent, les combats sont longs. On ne le sait pas au départ. On démarre et puis voilà. Il faut rester chaque fois bien clair par rapport à son objectif et de mettre les moyens nécessaires pour gagner. Mais c'est un engagement en soi.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire que c'est plusieurs combats qui se sont passés dans le temps. Quand tu as gagné le premier grand combat étant le Darzak, est-ce que d'un moment tu t'es dit, c'est bon, on a eu gain de cause, on a gagné, tu aurais pu rester là en étant tout à fait satisfait, mais non, tu as repris d'autres combats, tu as continué. Tu vois ça un peu comme des rounds à chaque fois.

  • Speaker #0

    Je dirais que les choses s'en suivent. On gagne le Larzac, donc on empêche ce projet destructeur, mais on construit une alternative avec l'installation de nouveaux paysans, avec nos outils fonciers. Puis après, avec le syndicalisme, on est sur une autre forme de défense d'un territoire, mais par l'économie. Et là aussi, c'est important de mener la bataille. Et ça, ça nous amène en même temps... à l'OMC, à la malbouffe, comme on l'appelle à ce moment-là. Et puis de là, ça amène aussi à ce qui se passe dans les champs, comment les semences, nos semences vont être privatisées par des firmes. Donc c'est le combat des OGM et donc de la biodiversité aussi. Et donc je dirais que les choses s'emboîtent et avancent au fur et à mesure. Donc c'est même pas, on réfléchit pas en se disant qu'est-ce qu'on a envie de faire. Non, c'est une cohérence, une logique. À partir du moment où on est engagé dans un type de mouvement avec une forme d'action, effectivement, on essaye d'avancer pas à pas. Mais parfois, il y a des choses auxquelles on ne s'attend pas qui arrivent et auxquelles il faut faire face, comme au milieu des années 2000, 2010, quand on apprend que... Le gouvernement est en train de donner des autorisations pour faire des forages, pour chercher du gaz de schiste à côté de chez nous, sur la commune où on a la ferme. C'est un grand permis. C'est en train de se passer au niveau français dans plusieurs endroits, mais aussi au niveau européen, en Pologne, en Angleterre. Donc ça devient une autre mobilisation, mais qui est toujours liée à la défense d'un territoire et en même temps de... Voilà, si on fait de la fracturation hydraulique pour chercher ce gaz, ce sont les nappes phréatiques qui sont menacées. En plus, sur des territoires où il n'y a pas d'eau, c'est effectivement quelque chose qui marque et qui amène tout le monde à se mobilier. Donc, je dirais que c'est une acuité à la fois... à la réalité de ce qui se passe et à laquelle on ne peut pas être indifférent et donc on se mobilise. Et donc ça, c'est un peu la cohérence de ces actions les unes qui s'emboîtent les unes dans les autres et qui au final, quand on les regarde avec un peu de recul, ont un sens assez logique au final.

  • Speaker #2

    Une filiation, vraiment.

  • Speaker #0

    Oui, on peut dire ça.

  • Speaker #2

    Parce que tu pars, au début le combat c'est contre l'extension de l'armée, du camp, et après c'est les pétroliers. Donc il y a toujours un ennemi qui est là en embuscade, si je puis dire, à défier.

  • Speaker #0

    Alors à la fois, il y a un combat, alors un ennemi, est-ce que c'est vraiment le terme, est-ce que c'est pas vraiment la guerre non plus ? Il faut essayer, un adversaire en tout cas c'est sûr, et donc il faut essayer de gagner ça. Mais toujours avec le... L'idée de... c'est-à-dire que le combat n'a de sens que si on a l'alternative en vision en même temps, et si ensuite on essaye de la mettre en œuvre. contre l'extension du corps militaire. Après, une fois qu'on a gagné, on peut installer de nouveaux paysans et donc occuper mieux cet espace. Si on se bat contre la malbouffe, c'est quel mode d'agriculture ? Comment réduire les pesticides et comment avoir une agriculture ? Voilà, aller vers l'agriculture biologique ou d'autres, mais qui respecte le sol. Donc, je dirais que c'est ça aussi. et puis avoir des circuits d'alimentation différents que faire des grandes navigations d'un continent à un autre qui n'a pas de sens. Donc ça c'est l'alternative en même temps, où les OGM c'est des semences paysannes, et la fracturation hydraulique c'est aussi d'autres énergies que les énergies fossiles. Et donc chaque fois, il faut qu'on... Je pense que ce qui peut faire aussi la cohérence, c'est d'avoir en permanence une alternative. C'est pas dire non pour dire non, mais c'est dire non parce que... on ne peut mettre en place un projet alternatif et c'est ce qui donne du sens au combat. C'est-à-dire que le combat n'est pas simplement un rejet, un refus, mais aussi une affirmation constructive. On peut dire un refus constructif.

  • Speaker #1

    En parlant de constructif, depuis quelques années, la jeune génération est très engagée et aussi beaucoup de femmes parmi elles. Quel est ton regard sur les réactions des jeunes pour le climat, Greta Thunberg, Camille Etienne ? C'est un peu finalement, on peut aussi voir une filiation avec Técomba.

  • Speaker #0

    Alors, moi je trouve que toute cette génération qui est montée autour du climat, de la lutte contre le réchauffement climatique, je pense que c'est quelque chose d'intéressant parce que ça a été très large et on peut dire que c'est un peu le même type de mouvement qui était né il y a 20 ans avec l'altermondialisme, c'est quelque chose qui a recouvert le... L'ensemble des pays, de manière assez rapide et assez fulgurante, avec des naissances de personnes qui ont incarné ces combats, qui ont mélangé à la fois des militants et beaucoup de jeunes, et en même temps des scientifiques. C'était assez intéressant ce mélange entre le GIEC et les mobilisations de jeunes. Donc ça crée à la fois des mouvements de masse, et puis des actions de protestation pour essayer d'alerter. des images de colère. Donc c'est vrai que ça, par exemple, comme ce qu'ont fait Extinction Rebellion ou d'autres, quand ils ont aspergé des vitres de peinture en se demandant si la représentation de la nature était plus importante que la nature elle-même. Donc ça, voilà, et puis ça crée de la polémique, du débat. Ce sont des actions uniquement symboliques de dénonciation, mais qui sont importantes dans la naissance d'un mouvement pour comprendre pourquoi. Et puis petit à petit, on voit... qu'il y a de plus en plus d'actions très concrètes pour bloquer tel projet industriel d'extraction de charbon comme en Allemagne, ou de projet pétrolier, de dénonciation des multinationales. Et donc là, ces mouvements, ces structures avancent. Alors le problème, c'est qu'on est toujours en train de courir derrière la catastrophe, parce qu'effectivement, le réchauffement climatique est devenu le combat central, non pas pour le principe, pour le plaisir de... d'essayer de le focaliser, mais simplement ça organise tout ce qui va se passer dans les dizaines d'années à venir, entre l'invivabilité de certaines zones sur le planète, la fin de l'agriculture, les populations ne pourront pas vivre, donc partant, étant obligé de traverser la Méditerranée pour ce qui nous concerne, mais c'est très vrai dans toute l'Asie, et donc là ce sont des mobilisations. des populations qui vont être obligées de migrer partout, donc ce n'est pas du tout évident, et puis c'est en même temps des conditions de vie de plus en plus dures, donc tout ça crée effectivement une situation qui oblige à repenser globalement les grands équilibres. Donc je dirais que cette mobilisation est pour moi à la fois la continuité dans une prise de conscience qu'on vit sur une seule planète et que dont tout... tout ce qui se passe dessus est interconnecté dans ses conséquences. Et donc, il faut agir à ce niveau-là. Donc, c'est cette continuation-là. Et en même temps, c'est un stade aussi plus global qu'on avait dans nos réflexions, mais plutôt dans des groupes réduits sur à la fois les risques de la fin des ressources naturelles et en même temps les conséquences de leur utilisation de plus en plus importantes. Et voilà, donc ces mouvements aujourd'hui sont en train de concrétiser ça, avec la grande difficulté pour ces associations, ces mouvements de la société civile, de pouvoir créer le rapport de force avec les gouvernements ou les institutions. Et là on voit qu'il y a énormément de freins, de lobbies qui sont là en face pour essayer d'empêcher effectivement qu'il y ait une transformation radicale. des institutions et des modes de production, des modes de consommation. Voilà, donc là effectivement c'est le combat maintenant, je dirais, le plus important.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui te fait peur en fait, à titre très personnel ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, je dirais que c'est quelque chose qui ne m'anime pas, je ne suis pas animé par des peurs qui me bloquent.

  • Speaker #1

    Tu n'as pas de croyance imitante ?

  • Speaker #0

    Je dirais que rien ne me fera... Je n'ai pas peur des conséquences dans un engagement de ce qui peut arriver ou m'arriver. Je vais plutôt réfléchir pour comment faire en sorte que les choses puissent avancer et être efficaces. Voilà, donc non, je n'ai pas de peur personnelle par rapport aux conséquences. qui peut y avoir. Donc voilà, non c'est pas du tout quelque chose qui m'anime et qui est un frein ou un moteur en tout cas, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Tu fais passer la cause avant ta personne. Non,

  • Speaker #0

    c'est pas ça ce que je suis en train de dire. C'est que l'engagement est important mais que l'engagement n'est pas lié. L'engager, dire la peur, quand on est habité par la peur, on est bloqué, on peut pas agir. Donc là, je dirais que la première chose à faire, le premier travail sur soi-même à faire, Quand on commence un engagement, qu'on pense qu'il faut faire quelque chose, c'est d'abord de vaincre ses propres peurs pour ne pas être encombré par les peurs, parce que les peurs annihilent tout. Donc on n'ose pas agir, on n'ose pas se montrer, on n'ose pas parler, etc. Donc voilà, ça c'est effectivement quelque chose qui arrête les gens. Mais je pense que... Il faut dépasser ça et c'est parce qu'on dépasse les peurs qu'on est capable de faire des choses.

  • Speaker #1

    Ça serait quoi ton conseil pour les jeunes militants actuels ?

  • Speaker #0

    Peut-être que le premier... Non, ce que je leur dirais, c'est après la prise de conscience, après la colère... Contre ce qui est en train de se passer, contre l'avenir qui semble de plus en plus bouché, il faut passer le pas et rentrer dans l'engagement. Et cet engagement, ce n'est pas simplement se battre sur une cause, mais je dirais que ça engage sa vie aussi entière par rapport au mode de vie. Et ça, ça me paraît important. L'engagement et la façon de vivre sont deux choses inséparables.

  • Speaker #1

    On va en revenir un peu plus loin dans ta carrière. Il y a un point pivot assez important, c'est que tu es passé de militant à homme politique. Tu étais candidat à la réaction présidentielle et tu es devenu eurodéputé par la suite. Comment on vit un changement comme ça où tu passes du militant au gouvernant ?

  • Speaker #0

    Pour moi, je n'ai pas vécu de... Je ne l'ai pas vécu comme quelque chose de changé d'engagement. C'est-à-dire que je l'ai vécu comme une continuation des combats que j'ai pu mener en tant que syndicaliste ou dans la société civile. Les élections présidentielles arrivent à un moment où, c'est vrai qu'il y a les carcans des partis politiques sont tels, qu'il n'y a pas d'expression forcément. de candidats qui représenteraient une alternative sans être enfermés dans la logique des partis. Et donc ma candidature, qui est une candidature dont on sait très bien qu'elle n'ira pas, qu'elle ne fera pas un score parce que c'est tellement en cours, c'est tellement avec peu de moyens, mais le pari c'est de montrer qu'on est en capacité avec des collectifs de citoyens de construire déjà la possibilité de se présenter, donc d'avoir... les 500 signatures nécessaires en France pour se présenter. Donc c'est déjà un pari en soi de réussir à faire ça, ce qu'on arrive à faire. Donc voilà, je dirais que c'est le point de départ aussi d'une idée qu'on peut s'engager sans être dans une logique de parti au sens traditionnel du terme. Et ça, je dirais, c'est 2007. Et en 2008, là, avec Danny Cohn-Bendit et d'autres, on réfléchit à cette idée de... Parce qu'on a eu ce combat en France qui a été très important en 2005 sur le traité constitutionnel européen où il y a eu une opposition très forte entre le oui et le non et puis c'est le non qui l'a emporté. Et Dany avait défendu le oui, moi j'avais défendu le non et donc j'étais un des porte-parole. Sur les questions économiques notamment, c'était là-dessus le point d'affrontement. Est-ce qu'il fallait accepter, moi je disais non, de faire rentrer dans ce texte constitutionnel européen des réglementations, des directives économiques. Et ça, ça n'avait évidemment pas de sens. Donc un traité constitutionnel, c'est d'abord des valeurs et des modes de fonctionnement de cette démocratie. Et en rien, des règles économiques qui figent complètement à un moment donné. Donc c'est une bataille. Et on décide en 2009 avec Dany de sortir de ce cadre du oui et du non, mais en disant... Le plus important, c'est vers où on veut aller et pas d'où on vient. Donc, notre vision européenne, c'est celle à la fois de cette Europe fédérale, basée sur des valeurs, et en même temps fondée sur le principe dont on parlait tout à l'heure, sur l'écologie et aussi donc par rapport déjà au réchauffement climatique et toutes ses conséquences, donc transformation des modes d'économie, etc. Et là, effectivement, c'est une aventure. On décide ça et moi, effectivement, je m'engage parce que je pense, après mon expérience syndicale, où j'ai souvent été à Bruxelles pour débattre de la PAC, donc je connais aussi ces mécanismes, je pense que c'est le meilleur moyen pour moi de continuer les combats que j'ai menés jusqu'à présent en apportant aussi une autre façon peut-être d'être député européen par rapport à mon histoire, par rapport à mon vécu. Donc voilà.

  • Speaker #1

    C'est très atypique par rapport à tes camarades députés européens, en fait, dans ton profil.

  • Speaker #0

    Je suis un peu atypique, oui, clairement, puisque je ne suis pas adhérent à un parti politique. Je suis ancien syndicaliste, donc bien évidemment, j'arrête, parce qu'il ne faut pas mélanger le syndicalisme avec un poste d'élu politique. Ça n'a pas de sens, quoi. Mais donc voilà, moi j'amène ma pratique et mon expertise, puisque souvent, le politique reproche. aux gens de la société civile ou syndicaliste d'être avec, on leur dénie même souvent la légitimité de pouvoir parler, d'expliquer les choses. Les politiques souvent se croyant au-dessus d'autres formes de représentation et dont le syndicalisme est une des expressions de la société civile. Et donc là, moi j'apporte mon expertise dans une enceinte où, à partir du moment où je suis élu, Je suis reconnu de la même manière et donc c'est assez étonnant mais ça change pas grand chose et donc je m'engage à la fois sur les questions agricoles et sur les questions de commerce international, les accords de libre-échange et tout ça et ça devient donc dans le cadre de mon travail parlementaire mon travail principal.

  • Speaker #1

    Et maintenant que tu es au cœur de la machine européenne, c'est quand même très différent dans ses fonctionnements, les intérêts ne sont pas du tout les mêmes, tu as parlé des obis etc. C'est des choses que tu as vécues. Comment ça se passe très concrètement ?

  • Speaker #0

    Je dirais que les lobbies, je les connais déjà, puisque je m'affronte aux lobbies depuis des années, notamment le lobby agricole, le lobby sur les produits chimiques, l'histoire du glyphosate, l'histoire des OGM, tout ce qu'il y a, voilà. Toutes ces questions-là, donc je suis parfaitement... Je ne suis pas naïf quand j'arrive, je sais très bien comment se construisent les rapports de force, et ce n'est pas du tout une surprise pour moi. Au contraire, c'est pour ça que je prends des modes de fonctionnement qui font que je ne suis pas en contact avec les lobbies, et que je peux justement faire en sorte de mettre une barrière entre cette logique de défense des intérêts privés des entreprises, des intérêts à court terme face à l'intérêt général.

  • Speaker #1

    C'est très présent en Europe. Pardon ? C'est très présent en Europe.

  • Speaker #0

    C'est logique qu'au niveau européen, c'est là où soit les pressions, puisque c'est là où effectivement se décident les lois, pour prendre un mot courant, qui concernent plus de 500 millions d'habitants et qui concernent 27 ou 28 pays à l'époque. Donc c'est logique que ça soit là qu'est lieu la confrontation, parce que la plupart des lois nationales découlent des directives et des règlements européens. Donc c'est important effectivement. de se battre là, parce que c'est là où toute l'influence, et comme le Parlement est assez transparent, effectivement tous les intérêts privés se déversent là. Et donc c'est que petit à petit que les règles se mettent en place pour empêcher ces gens-là de pouvoir corrompre ou de pouvoir influencer de manière néfaste les élus qui sont censés représenter les citoyens.

  • Speaker #1

    On arrive maintenant ici en avril 2024. Il y a un biopic sur une partie de ta vie, une partie très précise vient de sortir. Tu es militant depuis des décennies. Ce n'est pas courant pour des militants d'avoir un biopic, précisons-le, en partie fictionnel. Comment tu vis un truc pareil ?

  • Speaker #0

    Alors, quand je discute avec Antoine Rimbaud, qui est le réalisateur du film Une affaire de principe, dès le début, parce que j'ai écrit ce... C'est le chapitre d'un livre que j'avais fait qui s'appelle All the top à Bruxelles sur toutes mes confrontations avec différents types de lobbies quand je suis élu au Parlement européen. Et de suite dans notre discussion, Antoine me dit mais on ne fait pas un biopic Et moi je dis évidemment on ne fait pas un biopic, ça n'a pas de sens On raconte une histoire d'un lobby qui essaye d'influencer et comment une équipe avec deux, trois députés en soutien et mes assistants, on se bat. contre la Commission, contre le président de la Commission, Barroso, etc. et puis l'OLAF, enfin bref, toutes ces choses-là, à partir du fait du renvoi d'un commissaire européen qui est mon adversaire politique, parce que c'est lui qui défend les OGM, c'est lui qui défend l'alimentation industrielle, donc effectivement c'est mon opposé. Et comme il se fait licencier, et que ça me paraît très bizarre et que j'y crois pas une seconde, c'est ce qui m'amène à faire l'enquête et donc à me retrouver au cœur de ce combat face à l'industrie du tabac, qui n'était pas mon combat principal, puisque c'est une notoriété publique que je fume la pipe et que donc je ne suis pas engagé. Je ne suis pas opposé, au contraire, au combat des associations. Mais disons que ce n'est pas mon engagement principal et ce n'est pas là où je milite ou dans le cadre du Parlement, je fais mon travail. Mais je me retrouve là dans cette histoire et on mène cette bataille. et au final on arrive à découvrir ce qui se passe. Donc je dirais que c'est plutôt un film sur l'engagement, sur la façon de mener un combat dans un cadre très singulier. Et l'idée c'est de montrer comment un député ou un petit groupe de députés peut changer les choses parce qu'ils vont jusqu'au bout du travail dans un cadre tout à fait singulier et particulier qu'est le Parlement européen. Donc c'est un film... on va dire qu'il est beaucoup plus gloire, donc moi je sers de personnel parce que c'est moi qui l'ai vécu, donc Boulie Lanner interprète ce député et construit à partir de là effectivement ce personnage qui résiste. Et bon, je crois qu'Antoine Rimbaud est arrivé à faire quelque chose qui fait que ce n'est pas un film, comme souvent dans les films américains, où on copie la personne jusqu'à la ressemblance. C'est pas du tout ça. Il part de ce que je suis, et à partir de là, Bouli fait cette interprétation incroyable et magnifique qui dépasse, en fait, qui n'est pas une transcription du réel. Donc je dirais que c'est une... Le cinéma permet, au contraire, de faire ressortir dans un temps limité une histoire qui dure presque deux ans et qui, grâce... au talent du cinéaste, devient quelque chose qui peut parler à tout le monde et soit aussi d'autres sujets que ce qu'on va là. Donc c'est plutôt un, l'idée de dire, la démocratie peut gagner contre des volontés privées et en même temps l'engagement est nécessaire. Et l'engagement, ce n'est pas simplement que dans la société civile, mais c'est aussi, on peut être engagé et élu en même temps. Voilà, c'est plutôt cette idée-là qui est lancée, plutôt que de vouloir un film qui soit un film qui retrace un bout de ma vie, parce que ce n'est pas ça l'idée en soi du film, ça va plus loin que ça.

  • Speaker #1

    On arrive tout doucement au terme de cette interview. Je voulais juste te demander encore trois choses. Ton plus beau souvenir, ton pire souvenir, et qui tu voudrais voir dans Raconte ? À ta place.

  • Speaker #0

    Qui j'aimerais voir ?

  • Speaker #1

    Entendre, à ta place aujourd'hui, qui tu veux interviewer, sur la chaise où tu es présent.

  • Speaker #0

    Alors, quel serait mon plus beau souvenir ? J'ai tellement de beaux souvenirs que c'est très... Ça, c'est quelque chose que... Je ne vis pas... Alors, c'est curieux, c'est que je ne vis pas ni dans les regrets de choses que je n'ai pas pu faire, ni dans la... Je ne fantasme pas les plus belles choses. Ce n'est pas quelque chose qui soit de ce... Je ne vis pas dans ce type de rapport.

  • Speaker #1

    Tu n'es pas nostalgique ?

  • Speaker #0

    Ni nostalgique, et je n'ai pas de regrets non plus. J'essaye de vivre ma vie, de construire ma vie. Est-ce que j'ai été au bon endroit au bon moment, qui fait que j'ai pu... Mon énergie, j'ai pu la mettre au service d'un certain nombre de combats. Mais c'est aussi ma vie, parce que c'est ce que je disais précédemment, c'est qu'on ne peut pas couper l'engagement et la façon de vivre, et les modes de vie. Pour moi, c'est fondamental. d'être en cohérence entre son engagement et sa façon de vivre. Alors, ce n'est pas toujours facile, on ne réussit pas à tous les coups, mais pour moi c'est ça qui est important. Et je me dis que, ben voilà, si... Je dirais que la chose la plus importante presque, alors c'est à titre personnel, c'est que si par exemple, brutalement, je dois décéder là, juste après l'interview, est-ce que je regrette comment j'ai vécu ? Est-ce que je regrette de ne pas avoir plus ? Et en fait, pour moi, ce qui est important, c'est de me dire, voilà, j'ai fait ce que j'avais à faire, je l'ai fait comme j'ai cru qu'il fallait le faire. Et c'est ça qui est important. Et donc, voilà, pour moi, c'est de ne pas être ni dans l'angoisse. Mais dans cette idée que si je peux vivre 1000 ans, tant mieux. Si ça s'arrête, ce n'est pas grave non plus, c'est bien aussi.

  • Speaker #1

    Et dernière question, qui tu voudrais voir à ta place pour être interviewé ?

  • Speaker #0

    Ça, ce n'est pas moi qui décide, mais c'est...

  • Speaker #1

    Tu lances une invitation.

  • Speaker #0

    C'est à toi qu'il faut dire ça.

  • Speaker #1

    L'étudiant, c'est déjà bien rempli, mais tu peux lancer une invitation.

  • Speaker #0

    Je peux inviter ? Non, le problème, c'est que ceux que j'aimerais voir sont... malheureusement souvent déjà décédé et donc si à travers ça, à travers une caméra, on était capable de faire revivre des personnes pour les entendre, ça, ça serait merveilleux.

  • Speaker #1

    Et tu penses à quelqu'un en particulier ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnes. J'avais un maître toujours que j'aime beaucoup qui s'appelle Jacques Ellul, qui était un philosophe, qui était un des premiers qui a... était incapable de théoriser sur cette société technicienne, sur cette société où la technique, où les moyens l'emportent sur les objectifs finaux. Et donc, voilà, qui pour moi a été la personne qui m'a amené, je dirais, à penser de manière intéressante et à agir en même temps. Donc, qui m'a à la fois donné l'envie... d'avoir une pensée la plus cohérente possible et d'agir aussi. Après, on peut donner plein de personnages, mais voilà. L'important, c'est de parler de quelqu'un qui, moi, a été mon formateur et que j'ai eu la chance de rencontrer. Et il m'a accompagné dans mes premières années d'engagement par sa pensée radicale.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, José Bové.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    et ses requêtes. Merci pour votre écoute. Retrouvez nos photographies et écrits sur raconte.media ainsi que sur nos réseaux sociaux. Raconte est une création originale d'Anthony Dehé et Michel Bourgeois du studio DB Création spécialisé en design de marques et photographies. Vous avez apprécié cette rencontre ? Partagez-la sur vos réseaux sociaux et laissez-nous une note sur votre plateforme préférée. Cela contribue réellement à la visibilité de Raconte. Une suggestion d'invité ? Écrivez-nous.

Chapters

  • Introduction et présentation de José Bové

    00:05

  • Les origines de José Bové et son parcours jusqu'au Larzac

    01:13

  • L'engagement contre l'extension du camp militaire du Larzac

    02:12

  • Les années 80 : victoires et luttes pour la gestion des terres

    04:21

  • L'engagement syndical et les combats internationaux

    07:45

  • L'impact de l'OMC et la lutte contre la malbouffe

    20:02

  • Réflexions sur les mouvements actuels et l'engagement des jeunes

    27:40

  • De militant à homme politique : le parcours de Bové

    36:30

  • Conclusion : le film "Une affaire de principe" et l'héritage de José Bové

    43:31

Description

Quel est le point commun entre le McDonald's de Millau, le Parlement européen, et le plateau du Larzac ? 🤔

Au tournant du millénaire, cet homme a incarné la lutte altermondialiste. Lui, c'est José Bové. Un homme que rien ne prédestinait à devenir ce qu'il est aujourd'hui. N'étant pas issu du milieu agricole, il s'est pourtant imposé comme une figure emblématique, à la fois sur la scène internationale et médiatique, allant jusqu'à se présenter à l'élection présidentielle française. 🌍

Dans ce nouvel épisode, nous avons eu l'occasion de revisiter son parcours exceptionnel et de décrypter les événements clés qui ont forgé cet homme au caractère inspirant, à travers ses luttes continues. 💪


Dans cet épisode captivant de "Raconte", nous avons l'honneur d'accueillir José Bové, une figure emblématique de l'activisme et de la lutte pour la justice sociale. À travers son récit inspirant, Bové nous plonge dans son parcours, de son enfance près de Bordeaux à son installation sur le plateau du Larzac, où il s'est engagé contre l'extension d'un camp militaire, un acte qui a marqué le début de son implication dans le mouvement altermondialiste. Ce témoignage puissant nous rappelle l'importance de l'engagement collectif et des actions concrètes pour bâtir un monde plus juste.


Au fil de la conversation, José Bové partage ses réflexions sur l'activisme, l'agriculture durable et la nécessité de défendre nos valeurs face aux défis contemporains. En tant que membre actif de la Confédération paysanne, il évoque ses combats acharnés contre les OGM et la malbouffe, des enjeux qui touchent chacun d'entre nous au quotidien. Son expérience en tant que député européen enrichit également notre compréhension des luttes menées à Bruxelles pour défendre les droits des agriculteurs et promouvoir des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.


L'épisode aborde également la montée de la mobilisation des jeunes pour le climat, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Bové souligne l'importance de cette nouvelle génération d'activistes, qui incarne l'espoir et la détermination nécessaires pour affronter les défis environnementaux actuels. Il nous rappelle que la lutte pour la justice sociale et environnementale est un combat continu, qui nécessite solidarité et persévérance.


En conclusion, José Bové partage ses réflexions sur la peur et l'engagement, nous incitant à vivre en cohérence avec nos valeurs. Cet épisode de "Raconte" est une véritable invitation à la réflexion et à l'action. Que vous soyez déjà engagé dans des luttes sociales ou simplement curieux d'en apprendre davantage sur ces enjeux cruciaux, cet échange avec Bové vous inspirera à prendre part à ce mouvement pour un avenir meilleur. Ne manquez pas cette occasion de découvrir un témoignage riche d'enseignements et d'émotions, qui vous incitera à réfléchir à votre propre engagement dans la société. Écoutez dès maintenant cet épisode passionnant et laissez-vous porter par les mots d'un homme qui a fait de son combat une véritable vocation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je dirais que ce n'est pas mon tempérament de fixer des divines, ce n'est pas ça la question. Ce qui est intéressant, c'est de construire des mobilisations, si on est convaincu qu'une clause en vaut la peine, et d'essayer d'avancer pour gagner le combat.

  • Speaker #1

    Imaginez un monde où chaque histoire trouve sa voie, où chaque talent éclaire notre époque. Raconte est un média digital natif à l'écoute de notre temps. Les interviews grand format sont le premier chapitre de l'univers raconte. Écoutez-les en podcast, visionnez-les en vidéo et préservez-les grâce à nos publications imprimées collector. Notre passion pour l'image est infinie. Raconte, c'est le fond avec la forme. Préparez-vous à voyager au-delà des horizons connus. aux côtés de celles et ceux qui les redéfinissent. Bienvenue dans l'Odyssée raconte. Raconte la rencontre.

  • Speaker #2

    Bonjour José Bové.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Ça va pas mal. Ça pourrait être pire.

  • Speaker #2

    Ah bon ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il pourrait pleuvoir.

  • Speaker #2

    On est à l'intérieur, donc ça va.

  • Speaker #0

    Ça va, il y a un beau ciel, tout va bien.

  • Speaker #2

    C'est vrai que tu connais un peu Bruxelles en même temps.

  • Speaker #0

    Ça va, j'ai vécu quelques années, 10 ans. Puis je connaissais avant aussi, donc ça, voilà. Je ne suis pas surpris quand je reviens ici.

  • Speaker #2

    Mais justement, en parlant d'avant, d'où tu viens ?

  • Speaker #0

    D'où je viens ? C'est une longue histoire, une vieille histoire maintenant à force. Je suis né à côté de Bordeaux. J'ai vécu ensuite quelques années aux États-Unis avec mes parents, dans les années 50, au milieu des années 50, et je suis revenu en France à 7 ans. Et voilà, et donc là après, j'ai habité avec eux dans la région parisienne, parce qu'ils travaillaient là-bas, et voilà. Et à 20 ans, je me suis installé sur le Larzac. Donc ça fait maintenant plus de 50 ans.

  • Speaker #2

    Justement, par exemple... de ton installation dans le Larzac.

  • Speaker #0

    Sture, le Larzac. Je ne vis pas dans les grottes.

  • Speaker #2

    Tu es un homme de la terre, pourtant.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans la terre, tu n'es pas obligé de vivre dans la grotte.

  • Speaker #2

    Justement, comment tu es arrivé au Larzac ? Il y a un élément déclencheur par rapport à ça ?

  • Speaker #0

    C'est assez simple. Moi, je suis, à ce moment-là, je suis objecteur de conscience. C'est-à-dire que je refuse de faire le service militaire. Je suis engagé dans un mouvement contre la bombe atomique et donc je suis très actif dans ce mouvement. C'est à ce moment-là que l'extension du camp militaire du Larzac est décidée par le ministre des Armées français et donc là... Un mouvement se met en route et donc j'y participe naturellement et je viens faire des chantiers sur le Koss. Et en 1975, je peux m'installer. Les paysans me donnent l'autorisation d'occuper illégalement une ferme dont le propriétaire a vendu les terres à l'armée. Et donc c'est comme ça que je m'installe avec ma famille dans le hameau de Morodon qui est au nord-est du Larzac. Et donc c'est toujours là où j'habite aujourd'hui. pas dans la même maison parce qu'elle était liée à la ferme, mais c'est là où on a pu construire ensuite notre maison pour y rester.

  • Speaker #2

    Tu étais un peu zadiste avant l'heure en fait ?

  • Speaker #0

    Le mot n'existait pas encore vraiment. On disait squatteur à l'époque, il n'y avait pas de... Zadiste n'existait pas comme mouvement donc on était squatteur. Il y avait relativement peu de squatteurs parce qu'il fallait que le mouvement reste assez bien organisé donc les paysans ont autorisé donc on a été à peu près en tournée. peut-être sept familles à s'installer dans ces années-là sur le plateau pour participer à la lutte et ensuite pour construire l'avenir.

  • Speaker #2

    Ok. Et comment ça s'est déclenché, ça ? Comment tu as décidé d'aller au Larzac ? C'est une rencontre ? Il y a un élément déclencheur ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est un engagement. C'est un engagement pour soutenir ce combat et pour essayer d'empêcher l'extension du camp militaire, ce qui a quand même réussi en 1981, puisque le camp, le projet a été abandonné. Mais je dirais que c'est à la fois le... Cette envie, cet engagement et puis en même temps la découverte d'un territoire incroyable, de paysages assez particuliers en France. Ce sont les Larzac, mais il y a d'autres causes comme le Côte Noire, le Côte Méjean, le Côte de Sauve-Terre, qui sont des hauts plateaux avec des grandes vallées entre, comme la vallée de la Dorbie ou la vallée du Tarn. Et ça fait des paysages avec une vue très lointaine. Et c'est peut-être la... L'enfance aux Etats-Unis qui m'ont donné le goût de cette... de ces grands paysages et donc c'est là où je me suis retrouvé le plus à ressentir ce que j'avais pu ressentir enfant et quand on sort de la maison c'est vrai que on a une vue à plus de 100 km de distance quoi donc c'est vrai que j'ai beaucoup de mal ensuite à vivre dans des endroits fermés dans des villes ou même dans des paysages où on ne peut pas voir l'horizon tu viens de parler de ton enfance

  • Speaker #2

    Comment tu étais enfant ou ado ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas ce que ça veut dire ça.

  • Speaker #2

    Ton trait de caractère à l'époque, tu étais quel genre d'enfant ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, moi ça dépend. Rien de vraiment spécial, si ce n'est que oui, il y avait pas de... Non, il y a des choses que je refusais, et quand je refusais, je refusais. Donc c'est vrai que j'ai peut-être aussi ce caractère à être capable de dire non et à assumer pourquoi je dis non. Et j'ai eu la chance d'être soutenu par mes parents, surtout ma mère. Chaque fois, j'ai pu avoir des conflits en disant non. Ma mère a toujours été là à partir du moment où je pouvais expliquer et dire pourquoi je disais non. Je crois que ça, ça a été une grande force d'être soutenu dans ces moments d'opposition, que ce soit au niveau de l'école ou encore après.

  • Speaker #2

    Donc déjà à l'école, en fait, tu me disais un petit peu ?

  • Speaker #0

    Je ne me disais pas, je m'affirmais.

  • Speaker #2

    Ok.

  • Speaker #0

    Il y a des choses que je ne supportais pas, donc comme je ne les supportais pas, je disais non.

  • Speaker #2

    Et par exemple quoi ?

  • Speaker #0

    Par exemple, ce sont des choses toutes simples d'enfants. C'est faire la sieste quand vous n'avez pas envie de la faire. Si vous n'avez pas envie de dormir, vous n'avez pas envie de dormir. La maîtresse, c'est dans les toutes petites classes, qui vous oblige à refaire un dessin parce que le dessin n'est pas conforme au dessin qu'elle voulait que ce soit. Décrir un animal, par exemple un écureuil avec une queue relevée, alors que quand il traverse et qu'il court, l'écureuil a une queue droite. Ça, c'est idiot de vouloir faire ça à un enfant. Donc j'ai dit non. Ma mère a été convoquée et on s'est retrouvés là encore devant une nouvelle explication et je n'ai pas cédé.

  • Speaker #2

    Bien, bien. Ça donne déjà un peu les traits de caractère du personnage que tu allais devenir en fait.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si c'est le personnage, en tout cas de ma personnalité, ça c'est sûr.

  • Speaker #2

    Et quand tu arrives, on va revenir au Larzac, quand tu arrives là-bas, qu'est-ce que tu fais au début ? Tu arrives dans cette ferme, elle est plus ou moins abandonnée, tu la retapes, tu fais quoi ?

  • Speaker #0

    C'est des longues années parce qu'à la fois il faut s'installer. vivre au quotidien et participer effectivement au combat qui à ces moments-là est important. Donc c'est beaucoup de temps passé, c'est beaucoup de temps en réunion, mais aussi en marche, en tout type de manifestation. Donc tout est assez compliqué, il prend beaucoup de temps, parce que dans la ferme qu'on habite, il n'y a pas l'eau, il n'y a pas l'électricité, il n'y a pas le téléphone, il n'y a pas de route. Donc tout ça a été... disons orchestré pour que les gens ne restent pas. C'est pour ça qu'il n'y a aucune infrastructure. Et donc il faut apprendre à vivre de cette manière-là, faire en sorte qu'on puisse vivre en famille avec des enfants, même dans ces situations les plus difficiles. Et puis c'est la mise en place du troupeau, des activités qui permettent là aussi de vivre de son travail. Donc tout se fait en même temps. Et donc c'est vrai qu'avec le recul, tout ça est assez dense comme vie. Au seul moment quand on le vit, les choses passent bien.

  • Speaker #2

    Vous étiez presque un peu en autosuffisance en fait ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'on est sur un endroit dur. Le Kos, on est à 800, presque 900 mètres d'altitude. La végétation est difficile, le temps est quand même rude, avec des hivers assez longs et l'été très chaud, donc pas beaucoup d'eau. Donc non, on ne peut pas, ce n'est pas une terre de maraîchage, on peut faire un potager, mais peu. Donc c'est de l'élevage, c'est surtout l'élevage de brebis, principalement pour le lait, le fromage, la transformation. Donc ça c'est ce qui permet effectivement de tirer un revenu, qui permet de vivre. Mais c'est difficile en même temps parce que chaque matin on peut être expulsé, dans la mesure où on occupe des terres dont l'armée revendique la propriété.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire que c'est des paysages assez durs, assez rudes, dans un climat... pas forcément facile pour les cultures. Est-ce que tu crois que ce type de paysage forge des caractères forts ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je dirais que pour habiter sur le plateau, il faut avoir et le coup de foudre, et l'envie d'accepter ce genre de végétation. de roche parce que c'est très minéral comme paysage. Et donc si on n'est pas attiré par ce type de paysage, je pense qu'on n'en reste pas. D'ailleurs c'est pour ça que la densité de population est assez faible parce que c'est un paysage rude. On est à peu près 3 habitants au kilomètre carré, donc ce n'est pas beaucoup non plus. Mais voilà, donc je dirais qu'il faut être en adéquation avec le lieu.

  • Speaker #2

    Après t'être établi, etc., vous avez commencé à vivre sur place, à installer les troupeaux, etc. Et là, tu es devenu vraiment militant de manière très active. Comment ça s'est dessiné, ça ?

  • Speaker #0

    Non, je l'étais quand je me suis installé. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est arrivé pendant ou après. Non, c'était vraiment... Si je me suis installé, l'installation en elle-même était anacte. militant parce que c'était effectivement à la fois illégal et donc un acte, un endroit où je me suis installé était un lieu stratégique pour l'extension du corps militaire donc en un instant là c'était clairement poser un acte concret mais pas seul avec l'ensemble des paysans qui étaient autour donc voilà donc c'était un engagement mais il y aurait que ça la victoire Contre l'extension du camp militaire en 1981, quand François Mitterrand est élu, permet de concrétiser non plus le non à l'extension, mais le oui à une nouvelle forme d'organisation de la gestion des terres, le fait qu'on puisse organiser sur un espace de plusieurs milliers d'hectares, près de 8000 hectares, une gestion du foncier, vraiment au service à la fois des paysans et qui... permet l'installation, parce que l'un des grands drames de l'agriculture, c'est le nombre de jeunes qui s'installent, qui est en très grande diminution année après année, alors que là, sur notre territoire, on a pu augmenter la population agricole de 25%. Et donc depuis, depuis plus de 40 ans maintenant, cette population ne diminue pas, on a toujours plus de candidats que de terres à disposition pour installer des jeunes. Donc ça, c'est quand même une... Comment dire, une concrétisation. C'est-à-dire qu'il faut dire non, mais en même temps, en ayant une proposition alternative, concrète, qu'on peut mettre en place. Et ça a été tout ça, un peu l'enjeu de l'après 81 sur le Larzac.

  • Speaker #2

    Justement, par rapport à cette proposition, comment vous avez été reçus par les locaux quand vous vous êtes installés ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il n'y avait pas de soucis dans la mesure où notre installation se faisait avec eux. C'est-à-dire que c'est pas que, contrairement souvent à des mouvements qui vont faire une occupation, on dit une ZAD aujourd'hui, nous c'était intégré au mouvement, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas s'installer si on n'était pas accepté, si c'était pas le mouvement qui décidait de nous donner l'autorisation de nous installer. Parce que toute installation pouvait aussi mettre en péril la stratégie globale. de lutte, donc ça se faisait en accord. Donc à partir du moment où on était installés, ça veut dire qu'on était aussi défendus, s'il y avait une intervention de l'armée ou de la police pour nous chasser, on était défendus, donc il fallait vraiment être complètement en adéquation, et ça c'est quelque chose qui est important. Donc je n'ai jamais été dans cette situation de confrontation, mais plutôt au contraire de solidarité, et après... On a construit ça ensemble et quand on lutte pendant des années ensemble, ça finit par faire une famille.

  • Speaker #2

    Et cette famille s'est développée, beaucoup de gens sont venus vous rejoindre, etc.

  • Speaker #0

    Mais il y a eu beaucoup de monde pendant les rassemblements, pendant des grands événements sur le plateau. Mais le nombre d'habitants a relativement peu évolué, on est très peu. Au début, le Larzac, la lutte concerne 103 familles, aujourd'hui on est peut-être 130 familles. ou 140 maximum, donc c'est pas... ça n'a rien à voir, c'est... Le Larzac n'a rien de folklorique, n'a jamais été une espèce de Woodstock permanent, où ça, ça a été dans le mythe des journaux de raconter des choses sur des moments où il y a des grands rassemblements qui durent deux ou trois jours, et où là on peut être effectivement des dizaines de milliers, mais ce sont des moments très particuliers, très singuliers, où comme dans les marches, quand on arrive, quand on marche à pied à Paris, là... il y a 100 000 personnes à l'arrivée, donc c'est des choses très particulières sur des moments précis, mais pas du tout sur la vie quotidienne. Donc il y a eu beaucoup de mythes qui ont été... qui ont été racontées sur le Larzac, on fait beaucoup fantasmer avec cette phrase, notamment complètement débile et idiote, pour définir en gros le début des années 70, soit les gens s'engageraient, soit ils allaient élever des chèvres sur le Larzac. D'ailleurs, ils disaient dans le Larzac, qui était déjà la faute, et en plus élever des chèvres, alors qu'il n'y a pas de chèvres, il y a juste un troupeau de chèvres d'un agriculteur, il n'y a jamais eu plus de chèvres. C'est toujours un pays de banlieue. Donc ça, c'est une image de fantasme, mais qui continue à exister aujourd'hui, comme une tant que... Sauf que c'est complètement faux. C'est peut-être le seul endroit entre les Cévennes et les Pyrénées où, justement, il n'y a pas eu d'installation de communautés ou de groupes de ce genre-là dans les années 70.

  • Speaker #1

    Raconte. Le média intimiste, mais pas indiscret.

  • Speaker #2

    On avance un peu dans le temps, on passe maintenant dans les années 80. Comment elles se passent pour toi les années 80 ?

  • Speaker #0

    Les années 80, c'est les années de construction, c'est les années où on a gagné la lutte contre l'extension du camp militaire. Donc on met en place tous les outils de gestion de la terre. Donc ça c'est important et c'est ce qui permet ensuite d'installer. Donc ça c'est un long travail qu'on fait avec les ministères, avec... Voilà l'administration pour obtenir cette possibilité de gérer nous-mêmes. L'État nous confie la gestion de toutes les terres qui avaient été expropriées pour faire le camp. Il nous les a confiées par bail amphithéotique. Donc ça veut dire qu'on a tous les droits du propriétaire. Et donc tout le monde est propriétaire collectivement et individuellement est locataire des terres. Donc c'est une construction juridique. qui permet justement d'avoir une autonomie complète sur cette gestion sans que ce soit l'État qui s'en occupe. Donc ça, je dirais que ça nous... c'est vraiment... ça s'est pris énormément de temps. Et ensuite, c'est en parallèle la naissance de la Confédération paysanne, un travailleur paysan avant qui a précédé, puis la Confédération paysanne est le début de l'engagement aussi, de la lutte dans le cadre du soutien aux... aux producteurs qui font du rock fort donc là je suis très engagé et voilà là ça démarre vraiment la période je dirais syndical de mes engagements c'est à cette période que tu deviens une personnalité grand public partout en france et même à l'étranger pas vraiment dans les années 80 on va dire plutôt que c'est dans les 90 parce que tout ça ça prend là aussi beaucoup C'est beaucoup d'engagement, beaucoup de déplacements à Paris, à Bruxelles, dans le cadre du syndicat, par rapport à la politique agricole européenne. Donc tout ça, c'est énormément de temps, de relations qui se nouent. Et le début du combat contre, à l'époque, le GATT, qui était l'accord sur le commerce international et les droits de douane, qui intègre au milieu, à partir de 1986, les... l'agriculture et les services dans ces négociations commerciales. Et ça donne naissance évidemment en 1995 à l'Organisation Mondiale du Commerce. Donc tout ça est une véritable rupture avec l'ensemble de la régulation de l'agriculture et des marchés agricoles. Et donc voilà, là c'est le début d'un autre combat, d'un combat au niveau international. et qui nous amène à la fois à rencontrer beaucoup de gens, mais aussi à se défendre localement, parce qu'avec toutes les crises sanitaires qu'il y a eu, on est arrivé à faire interdire les hormones dans l'élevage. Et quand les États-Unis décident d'importer, avec la naissance de l'OMC, d'exporter en Europe du bœuf aux hormones, on dit non, l'Europe dit non, et on est condamné par le tribunal de l'OMC qui donne l'autorisation. aux États-Unis de surtaxer le Roquefort à 100% quand il arriverait aux États-Unis. D'où le démontage du McDo qui est en fait le symbole du fast-food. Mais une autre chaîne, ça aurait été la même chose, mais c'est à ce moment-là que se construit ce fast-food. Donc voilà, il y a une confrontation entre d'un côté une agriculture traditionnelle avec des produits d'appellation. d'origine face à une agriculture industrielle et de l'alimentation standardisée. Donc voilà, c'est ce démontage qui catalyse cette nouvelle résistance internationale qui donne naissance à l'alter mondialisme. Et voilà, ce démontage devient le symbole avec évidemment tout ce qui s'est passé ensuite.

  • Speaker #2

    Tu le dis parfaitement, tu deviens un symbole à ce moment-là.

  • Speaker #0

    C'est le montage qui est le symbole, mais pas... Je deviens le symbole dans le symbole, ou peut-être le porte-parole qui incarne le mouvement dans la mesure où je suis un... incarcéré pendant plus d'un mois, je refuse de payer la caution, donc tout ça devient quelque chose de... et ce sont des petits paysans américains qui payent la caution pour que je sorte de prison. Donc tout ça crée évidemment une situation et puis une dynamique tout à fait nouvelle.

  • Speaker #2

    Tu viens justement de parler de ce fameux McDo à Mio et de ton emprisonnement. Donc là tu vas dire que tu es un peu jusqu'au boutiste dans ton combat et à juste titre. Tu arrives en prison, qu'est-ce que tu te dis ? J'ai été trop loin ou au contraire j'ai gagné ? Quel est ton ressenti à ce moment-là quand tu arrives le soir même à la prison ?

  • Speaker #0

    Quand je me rends à la justice et que la juge me dit qu'elle me met en prison préventive, le temps qu'elle mène son enquête, etc. Je lui demande si elle est vraiment sûre, si elle a bien rempli tous les documents, et je lui demande si elle est vraiment sûre de ce qu'elle a fait. qu'elle fait, évidemment qu'elle me dit oui, et donc je lui demande de lui serrer la main, donc elle me serre la main, elle ne comprend pas bien, et je la remercie, je lui dis là vous venez de nous faire gagner 10 ans, parce qu'effectivement en rentrant rentrant dans ce processus d'incarcération, ça fait une caisse de résonance formidable. Donc pour moi, aller en prison n'est pas du tout comme si je sortais du paysage. Au contraire, ça accentue la mobilisation. Donc la prison fait partie de l'action. Et c'est donc pas du tout, moi je ne le vis pas du tout comme quelque chose de, comment on peut dire ça, d'inacceptable ou comme si j'ai...... comme quelque chose d'angoissant, mais au contraire, c'est une autre façon de participer au combat. Et évidemment, ça amène des centaines de personnes, des milliers de personnes devant la prison, puis ensuite, ça crée une dynamique incroyable qui fait que dès que je sors de prison, on annonce qu'on part deux mois après à Seattle pour le rassemblement contre l'OMC, qui a lieu au mois de novembre 1999. Donc il y a une dynamique qui se construit et donc se démontre. a permis aux gens de comprendre que c'était pas juste des choses abstraites, des lignes de compte, mais que c'était quelque chose qui rentrait dans leur vie quotidienne. Comme on a souvent dit, l'OMC on en mange trois fois par jour chaque fois qu'on s'en met à table. C'est à dire que tous les produits qui arrivent, toute la logique industrielle, toute la logique de la circulation de l'alimentation à travers la planète, on l'a trois fois dans son assiette tous les jours. Donc les choix choix qu'on fait détermine aussi ce qu'on peut transformer au niveau international.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire, est-ce que manger, c'est voter ?

  • Speaker #0

    Je dirais qu'on participe et que c'est clairement un choix politique. Manger, c'est se nourrir, la façon dont on se nourrit, c'est poser un acte politique.

  • Speaker #1

    Raconte, où chaque format donne vie à une histoire.

  • Speaker #2

    quand tu étais on va dire au moment très fort de toutes ces actions tu es vraiment sur dans tous les médias etc donc on est on est autour de l'an 2000 toujours par rapport à ce mcdo et aux événements qui vont suivre est ce que tu t'es dit un moment il ya une limite à mon combat ou pas

  • Speaker #0

    Je dirais que ce n'est pas mon tempérament de fixer des limites, ce n'est pas ça la question. Ce qui est intéressant, c'est de construire des mobilisations, si on est convaincu qu'une cause en vaut la peine, et d'essayer d'avancer. gagner le combat. Alors parfois on peut gagner globalement, parfois c'est un combat particulier, mais ce qui est important c'est de démarrer. Par contre le temps que ça va prendre, ça on est incapable de le savoir. Toutes les Les batailles de l'ARZAC, ça a duré 11 ans. Quand on s'est battu contre les OGM en France, avant qu'on gagne la première manche en 2008, ça a mis là aussi 12 ans, etc. Donc souvent, les combats sont longs. On ne le sait pas au départ. On démarre et puis voilà. Il faut rester chaque fois bien clair par rapport à son objectif et de mettre les moyens nécessaires pour gagner. Mais c'est un engagement en soi.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire que c'est plusieurs combats qui se sont passés dans le temps. Quand tu as gagné le premier grand combat étant le Darzak, est-ce que d'un moment tu t'es dit, c'est bon, on a eu gain de cause, on a gagné, tu aurais pu rester là en étant tout à fait satisfait, mais non, tu as repris d'autres combats, tu as continué. Tu vois ça un peu comme des rounds à chaque fois.

  • Speaker #0

    Je dirais que les choses s'en suivent. On gagne le Larzac, donc on empêche ce projet destructeur, mais on construit une alternative avec l'installation de nouveaux paysans, avec nos outils fonciers. Puis après, avec le syndicalisme, on est sur une autre forme de défense d'un territoire, mais par l'économie. Et là aussi, c'est important de mener la bataille. Et ça, ça nous amène en même temps... à l'OMC, à la malbouffe, comme on l'appelle à ce moment-là. Et puis de là, ça amène aussi à ce qui se passe dans les champs, comment les semences, nos semences vont être privatisées par des firmes. Donc c'est le combat des OGM et donc de la biodiversité aussi. Et donc je dirais que les choses s'emboîtent et avancent au fur et à mesure. Donc c'est même pas, on réfléchit pas en se disant qu'est-ce qu'on a envie de faire. Non, c'est une cohérence, une logique. À partir du moment où on est engagé dans un type de mouvement avec une forme d'action, effectivement, on essaye d'avancer pas à pas. Mais parfois, il y a des choses auxquelles on ne s'attend pas qui arrivent et auxquelles il faut faire face, comme au milieu des années 2000, 2010, quand on apprend que... Le gouvernement est en train de donner des autorisations pour faire des forages, pour chercher du gaz de schiste à côté de chez nous, sur la commune où on a la ferme. C'est un grand permis. C'est en train de se passer au niveau français dans plusieurs endroits, mais aussi au niveau européen, en Pologne, en Angleterre. Donc ça devient une autre mobilisation, mais qui est toujours liée à la défense d'un territoire et en même temps de... Voilà, si on fait de la fracturation hydraulique pour chercher ce gaz, ce sont les nappes phréatiques qui sont menacées. En plus, sur des territoires où il n'y a pas d'eau, c'est effectivement quelque chose qui marque et qui amène tout le monde à se mobilier. Donc, je dirais que c'est une acuité à la fois... à la réalité de ce qui se passe et à laquelle on ne peut pas être indifférent et donc on se mobilise. Et donc ça, c'est un peu la cohérence de ces actions les unes qui s'emboîtent les unes dans les autres et qui au final, quand on les regarde avec un peu de recul, ont un sens assez logique au final.

  • Speaker #2

    Une filiation, vraiment.

  • Speaker #0

    Oui, on peut dire ça.

  • Speaker #2

    Parce que tu pars, au début le combat c'est contre l'extension de l'armée, du camp, et après c'est les pétroliers. Donc il y a toujours un ennemi qui est là en embuscade, si je puis dire, à défier.

  • Speaker #0

    Alors à la fois, il y a un combat, alors un ennemi, est-ce que c'est vraiment le terme, est-ce que c'est pas vraiment la guerre non plus ? Il faut essayer, un adversaire en tout cas c'est sûr, et donc il faut essayer de gagner ça. Mais toujours avec le... L'idée de... c'est-à-dire que le combat n'a de sens que si on a l'alternative en vision en même temps, et si ensuite on essaye de la mettre en œuvre. contre l'extension du corps militaire. Après, une fois qu'on a gagné, on peut installer de nouveaux paysans et donc occuper mieux cet espace. Si on se bat contre la malbouffe, c'est quel mode d'agriculture ? Comment réduire les pesticides et comment avoir une agriculture ? Voilà, aller vers l'agriculture biologique ou d'autres, mais qui respecte le sol. Donc, je dirais que c'est ça aussi. et puis avoir des circuits d'alimentation différents que faire des grandes navigations d'un continent à un autre qui n'a pas de sens. Donc ça c'est l'alternative en même temps, où les OGM c'est des semences paysannes, et la fracturation hydraulique c'est aussi d'autres énergies que les énergies fossiles. Et donc chaque fois, il faut qu'on... Je pense que ce qui peut faire aussi la cohérence, c'est d'avoir en permanence une alternative. C'est pas dire non pour dire non, mais c'est dire non parce que... on ne peut mettre en place un projet alternatif et c'est ce qui donne du sens au combat. C'est-à-dire que le combat n'est pas simplement un rejet, un refus, mais aussi une affirmation constructive. On peut dire un refus constructif.

  • Speaker #1

    En parlant de constructif, depuis quelques années, la jeune génération est très engagée et aussi beaucoup de femmes parmi elles. Quel est ton regard sur les réactions des jeunes pour le climat, Greta Thunberg, Camille Etienne ? C'est un peu finalement, on peut aussi voir une filiation avec Técomba.

  • Speaker #0

    Alors, moi je trouve que toute cette génération qui est montée autour du climat, de la lutte contre le réchauffement climatique, je pense que c'est quelque chose d'intéressant parce que ça a été très large et on peut dire que c'est un peu le même type de mouvement qui était né il y a 20 ans avec l'altermondialisme, c'est quelque chose qui a recouvert le... L'ensemble des pays, de manière assez rapide et assez fulgurante, avec des naissances de personnes qui ont incarné ces combats, qui ont mélangé à la fois des militants et beaucoup de jeunes, et en même temps des scientifiques. C'était assez intéressant ce mélange entre le GIEC et les mobilisations de jeunes. Donc ça crée à la fois des mouvements de masse, et puis des actions de protestation pour essayer d'alerter. des images de colère. Donc c'est vrai que ça, par exemple, comme ce qu'ont fait Extinction Rebellion ou d'autres, quand ils ont aspergé des vitres de peinture en se demandant si la représentation de la nature était plus importante que la nature elle-même. Donc ça, voilà, et puis ça crée de la polémique, du débat. Ce sont des actions uniquement symboliques de dénonciation, mais qui sont importantes dans la naissance d'un mouvement pour comprendre pourquoi. Et puis petit à petit, on voit... qu'il y a de plus en plus d'actions très concrètes pour bloquer tel projet industriel d'extraction de charbon comme en Allemagne, ou de projet pétrolier, de dénonciation des multinationales. Et donc là, ces mouvements, ces structures avancent. Alors le problème, c'est qu'on est toujours en train de courir derrière la catastrophe, parce qu'effectivement, le réchauffement climatique est devenu le combat central, non pas pour le principe, pour le plaisir de... d'essayer de le focaliser, mais simplement ça organise tout ce qui va se passer dans les dizaines d'années à venir, entre l'invivabilité de certaines zones sur le planète, la fin de l'agriculture, les populations ne pourront pas vivre, donc partant, étant obligé de traverser la Méditerranée pour ce qui nous concerne, mais c'est très vrai dans toute l'Asie, et donc là ce sont des mobilisations. des populations qui vont être obligées de migrer partout, donc ce n'est pas du tout évident, et puis c'est en même temps des conditions de vie de plus en plus dures, donc tout ça crée effectivement une situation qui oblige à repenser globalement les grands équilibres. Donc je dirais que cette mobilisation est pour moi à la fois la continuité dans une prise de conscience qu'on vit sur une seule planète et que dont tout... tout ce qui se passe dessus est interconnecté dans ses conséquences. Et donc, il faut agir à ce niveau-là. Donc, c'est cette continuation-là. Et en même temps, c'est un stade aussi plus global qu'on avait dans nos réflexions, mais plutôt dans des groupes réduits sur à la fois les risques de la fin des ressources naturelles et en même temps les conséquences de leur utilisation de plus en plus importantes. Et voilà, donc ces mouvements aujourd'hui sont en train de concrétiser ça, avec la grande difficulté pour ces associations, ces mouvements de la société civile, de pouvoir créer le rapport de force avec les gouvernements ou les institutions. Et là on voit qu'il y a énormément de freins, de lobbies qui sont là en face pour essayer d'empêcher effectivement qu'il y ait une transformation radicale. des institutions et des modes de production, des modes de consommation. Voilà, donc là effectivement c'est le combat maintenant, je dirais, le plus important.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui te fait peur en fait, à titre très personnel ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, je dirais que c'est quelque chose qui ne m'anime pas, je ne suis pas animé par des peurs qui me bloquent.

  • Speaker #1

    Tu n'as pas de croyance imitante ?

  • Speaker #0

    Je dirais que rien ne me fera... Je n'ai pas peur des conséquences dans un engagement de ce qui peut arriver ou m'arriver. Je vais plutôt réfléchir pour comment faire en sorte que les choses puissent avancer et être efficaces. Voilà, donc non, je n'ai pas de peur personnelle par rapport aux conséquences. qui peut y avoir. Donc voilà, non c'est pas du tout quelque chose qui m'anime et qui est un frein ou un moteur en tout cas, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Tu fais passer la cause avant ta personne. Non,

  • Speaker #0

    c'est pas ça ce que je suis en train de dire. C'est que l'engagement est important mais que l'engagement n'est pas lié. L'engager, dire la peur, quand on est habité par la peur, on est bloqué, on peut pas agir. Donc là, je dirais que la première chose à faire, le premier travail sur soi-même à faire, Quand on commence un engagement, qu'on pense qu'il faut faire quelque chose, c'est d'abord de vaincre ses propres peurs pour ne pas être encombré par les peurs, parce que les peurs annihilent tout. Donc on n'ose pas agir, on n'ose pas se montrer, on n'ose pas parler, etc. Donc voilà, ça c'est effectivement quelque chose qui arrête les gens. Mais je pense que... Il faut dépasser ça et c'est parce qu'on dépasse les peurs qu'on est capable de faire des choses.

  • Speaker #1

    Ça serait quoi ton conseil pour les jeunes militants actuels ?

  • Speaker #0

    Peut-être que le premier... Non, ce que je leur dirais, c'est après la prise de conscience, après la colère... Contre ce qui est en train de se passer, contre l'avenir qui semble de plus en plus bouché, il faut passer le pas et rentrer dans l'engagement. Et cet engagement, ce n'est pas simplement se battre sur une cause, mais je dirais que ça engage sa vie aussi entière par rapport au mode de vie. Et ça, ça me paraît important. L'engagement et la façon de vivre sont deux choses inséparables.

  • Speaker #1

    On va en revenir un peu plus loin dans ta carrière. Il y a un point pivot assez important, c'est que tu es passé de militant à homme politique. Tu étais candidat à la réaction présidentielle et tu es devenu eurodéputé par la suite. Comment on vit un changement comme ça où tu passes du militant au gouvernant ?

  • Speaker #0

    Pour moi, je n'ai pas vécu de... Je ne l'ai pas vécu comme quelque chose de changé d'engagement. C'est-à-dire que je l'ai vécu comme une continuation des combats que j'ai pu mener en tant que syndicaliste ou dans la société civile. Les élections présidentielles arrivent à un moment où, c'est vrai qu'il y a les carcans des partis politiques sont tels, qu'il n'y a pas d'expression forcément. de candidats qui représenteraient une alternative sans être enfermés dans la logique des partis. Et donc ma candidature, qui est une candidature dont on sait très bien qu'elle n'ira pas, qu'elle ne fera pas un score parce que c'est tellement en cours, c'est tellement avec peu de moyens, mais le pari c'est de montrer qu'on est en capacité avec des collectifs de citoyens de construire déjà la possibilité de se présenter, donc d'avoir... les 500 signatures nécessaires en France pour se présenter. Donc c'est déjà un pari en soi de réussir à faire ça, ce qu'on arrive à faire. Donc voilà, je dirais que c'est le point de départ aussi d'une idée qu'on peut s'engager sans être dans une logique de parti au sens traditionnel du terme. Et ça, je dirais, c'est 2007. Et en 2008, là, avec Danny Cohn-Bendit et d'autres, on réfléchit à cette idée de... Parce qu'on a eu ce combat en France qui a été très important en 2005 sur le traité constitutionnel européen où il y a eu une opposition très forte entre le oui et le non et puis c'est le non qui l'a emporté. Et Dany avait défendu le oui, moi j'avais défendu le non et donc j'étais un des porte-parole. Sur les questions économiques notamment, c'était là-dessus le point d'affrontement. Est-ce qu'il fallait accepter, moi je disais non, de faire rentrer dans ce texte constitutionnel européen des réglementations, des directives économiques. Et ça, ça n'avait évidemment pas de sens. Donc un traité constitutionnel, c'est d'abord des valeurs et des modes de fonctionnement de cette démocratie. Et en rien, des règles économiques qui figent complètement à un moment donné. Donc c'est une bataille. Et on décide en 2009 avec Dany de sortir de ce cadre du oui et du non, mais en disant... Le plus important, c'est vers où on veut aller et pas d'où on vient. Donc, notre vision européenne, c'est celle à la fois de cette Europe fédérale, basée sur des valeurs, et en même temps fondée sur le principe dont on parlait tout à l'heure, sur l'écologie et aussi donc par rapport déjà au réchauffement climatique et toutes ses conséquences, donc transformation des modes d'économie, etc. Et là, effectivement, c'est une aventure. On décide ça et moi, effectivement, je m'engage parce que je pense, après mon expérience syndicale, où j'ai souvent été à Bruxelles pour débattre de la PAC, donc je connais aussi ces mécanismes, je pense que c'est le meilleur moyen pour moi de continuer les combats que j'ai menés jusqu'à présent en apportant aussi une autre façon peut-être d'être député européen par rapport à mon histoire, par rapport à mon vécu. Donc voilà.

  • Speaker #1

    C'est très atypique par rapport à tes camarades députés européens, en fait, dans ton profil.

  • Speaker #0

    Je suis un peu atypique, oui, clairement, puisque je ne suis pas adhérent à un parti politique. Je suis ancien syndicaliste, donc bien évidemment, j'arrête, parce qu'il ne faut pas mélanger le syndicalisme avec un poste d'élu politique. Ça n'a pas de sens, quoi. Mais donc voilà, moi j'amène ma pratique et mon expertise, puisque souvent, le politique reproche. aux gens de la société civile ou syndicaliste d'être avec, on leur dénie même souvent la légitimité de pouvoir parler, d'expliquer les choses. Les politiques souvent se croyant au-dessus d'autres formes de représentation et dont le syndicalisme est une des expressions de la société civile. Et donc là, moi j'apporte mon expertise dans une enceinte où, à partir du moment où je suis élu, Je suis reconnu de la même manière et donc c'est assez étonnant mais ça change pas grand chose et donc je m'engage à la fois sur les questions agricoles et sur les questions de commerce international, les accords de libre-échange et tout ça et ça devient donc dans le cadre de mon travail parlementaire mon travail principal.

  • Speaker #1

    Et maintenant que tu es au cœur de la machine européenne, c'est quand même très différent dans ses fonctionnements, les intérêts ne sont pas du tout les mêmes, tu as parlé des obis etc. C'est des choses que tu as vécues. Comment ça se passe très concrètement ?

  • Speaker #0

    Je dirais que les lobbies, je les connais déjà, puisque je m'affronte aux lobbies depuis des années, notamment le lobby agricole, le lobby sur les produits chimiques, l'histoire du glyphosate, l'histoire des OGM, tout ce qu'il y a, voilà. Toutes ces questions-là, donc je suis parfaitement... Je ne suis pas naïf quand j'arrive, je sais très bien comment se construisent les rapports de force, et ce n'est pas du tout une surprise pour moi. Au contraire, c'est pour ça que je prends des modes de fonctionnement qui font que je ne suis pas en contact avec les lobbies, et que je peux justement faire en sorte de mettre une barrière entre cette logique de défense des intérêts privés des entreprises, des intérêts à court terme face à l'intérêt général.

  • Speaker #1

    C'est très présent en Europe. Pardon ? C'est très présent en Europe.

  • Speaker #0

    C'est logique qu'au niveau européen, c'est là où soit les pressions, puisque c'est là où effectivement se décident les lois, pour prendre un mot courant, qui concernent plus de 500 millions d'habitants et qui concernent 27 ou 28 pays à l'époque. Donc c'est logique que ça soit là qu'est lieu la confrontation, parce que la plupart des lois nationales découlent des directives et des règlements européens. Donc c'est important effectivement. de se battre là, parce que c'est là où toute l'influence, et comme le Parlement est assez transparent, effectivement tous les intérêts privés se déversent là. Et donc c'est que petit à petit que les règles se mettent en place pour empêcher ces gens-là de pouvoir corrompre ou de pouvoir influencer de manière néfaste les élus qui sont censés représenter les citoyens.

  • Speaker #1

    On arrive maintenant ici en avril 2024. Il y a un biopic sur une partie de ta vie, une partie très précise vient de sortir. Tu es militant depuis des décennies. Ce n'est pas courant pour des militants d'avoir un biopic, précisons-le, en partie fictionnel. Comment tu vis un truc pareil ?

  • Speaker #0

    Alors, quand je discute avec Antoine Rimbaud, qui est le réalisateur du film Une affaire de principe, dès le début, parce que j'ai écrit ce... C'est le chapitre d'un livre que j'avais fait qui s'appelle All the top à Bruxelles sur toutes mes confrontations avec différents types de lobbies quand je suis élu au Parlement européen. Et de suite dans notre discussion, Antoine me dit mais on ne fait pas un biopic Et moi je dis évidemment on ne fait pas un biopic, ça n'a pas de sens On raconte une histoire d'un lobby qui essaye d'influencer et comment une équipe avec deux, trois députés en soutien et mes assistants, on se bat. contre la Commission, contre le président de la Commission, Barroso, etc. et puis l'OLAF, enfin bref, toutes ces choses-là, à partir du fait du renvoi d'un commissaire européen qui est mon adversaire politique, parce que c'est lui qui défend les OGM, c'est lui qui défend l'alimentation industrielle, donc effectivement c'est mon opposé. Et comme il se fait licencier, et que ça me paraît très bizarre et que j'y crois pas une seconde, c'est ce qui m'amène à faire l'enquête et donc à me retrouver au cœur de ce combat face à l'industrie du tabac, qui n'était pas mon combat principal, puisque c'est une notoriété publique que je fume la pipe et que donc je ne suis pas engagé. Je ne suis pas opposé, au contraire, au combat des associations. Mais disons que ce n'est pas mon engagement principal et ce n'est pas là où je milite ou dans le cadre du Parlement, je fais mon travail. Mais je me retrouve là dans cette histoire et on mène cette bataille. et au final on arrive à découvrir ce qui se passe. Donc je dirais que c'est plutôt un film sur l'engagement, sur la façon de mener un combat dans un cadre très singulier. Et l'idée c'est de montrer comment un député ou un petit groupe de députés peut changer les choses parce qu'ils vont jusqu'au bout du travail dans un cadre tout à fait singulier et particulier qu'est le Parlement européen. Donc c'est un film... on va dire qu'il est beaucoup plus gloire, donc moi je sers de personnel parce que c'est moi qui l'ai vécu, donc Boulie Lanner interprète ce député et construit à partir de là effectivement ce personnage qui résiste. Et bon, je crois qu'Antoine Rimbaud est arrivé à faire quelque chose qui fait que ce n'est pas un film, comme souvent dans les films américains, où on copie la personne jusqu'à la ressemblance. C'est pas du tout ça. Il part de ce que je suis, et à partir de là, Bouli fait cette interprétation incroyable et magnifique qui dépasse, en fait, qui n'est pas une transcription du réel. Donc je dirais que c'est une... Le cinéma permet, au contraire, de faire ressortir dans un temps limité une histoire qui dure presque deux ans et qui, grâce... au talent du cinéaste, devient quelque chose qui peut parler à tout le monde et soit aussi d'autres sujets que ce qu'on va là. Donc c'est plutôt un, l'idée de dire, la démocratie peut gagner contre des volontés privées et en même temps l'engagement est nécessaire. Et l'engagement, ce n'est pas simplement que dans la société civile, mais c'est aussi, on peut être engagé et élu en même temps. Voilà, c'est plutôt cette idée-là qui est lancée, plutôt que de vouloir un film qui soit un film qui retrace un bout de ma vie, parce que ce n'est pas ça l'idée en soi du film, ça va plus loin que ça.

  • Speaker #1

    On arrive tout doucement au terme de cette interview. Je voulais juste te demander encore trois choses. Ton plus beau souvenir, ton pire souvenir, et qui tu voudrais voir dans Raconte ? À ta place.

  • Speaker #0

    Qui j'aimerais voir ?

  • Speaker #1

    Entendre, à ta place aujourd'hui, qui tu veux interviewer, sur la chaise où tu es présent.

  • Speaker #0

    Alors, quel serait mon plus beau souvenir ? J'ai tellement de beaux souvenirs que c'est très... Ça, c'est quelque chose que... Je ne vis pas... Alors, c'est curieux, c'est que je ne vis pas ni dans les regrets de choses que je n'ai pas pu faire, ni dans la... Je ne fantasme pas les plus belles choses. Ce n'est pas quelque chose qui soit de ce... Je ne vis pas dans ce type de rapport.

  • Speaker #1

    Tu n'es pas nostalgique ?

  • Speaker #0

    Ni nostalgique, et je n'ai pas de regrets non plus. J'essaye de vivre ma vie, de construire ma vie. Est-ce que j'ai été au bon endroit au bon moment, qui fait que j'ai pu... Mon énergie, j'ai pu la mettre au service d'un certain nombre de combats. Mais c'est aussi ma vie, parce que c'est ce que je disais précédemment, c'est qu'on ne peut pas couper l'engagement et la façon de vivre, et les modes de vie. Pour moi, c'est fondamental. d'être en cohérence entre son engagement et sa façon de vivre. Alors, ce n'est pas toujours facile, on ne réussit pas à tous les coups, mais pour moi c'est ça qui est important. Et je me dis que, ben voilà, si... Je dirais que la chose la plus importante presque, alors c'est à titre personnel, c'est que si par exemple, brutalement, je dois décéder là, juste après l'interview, est-ce que je regrette comment j'ai vécu ? Est-ce que je regrette de ne pas avoir plus ? Et en fait, pour moi, ce qui est important, c'est de me dire, voilà, j'ai fait ce que j'avais à faire, je l'ai fait comme j'ai cru qu'il fallait le faire. Et c'est ça qui est important. Et donc, voilà, pour moi, c'est de ne pas être ni dans l'angoisse. Mais dans cette idée que si je peux vivre 1000 ans, tant mieux. Si ça s'arrête, ce n'est pas grave non plus, c'est bien aussi.

  • Speaker #1

    Et dernière question, qui tu voudrais voir à ta place pour être interviewé ?

  • Speaker #0

    Ça, ce n'est pas moi qui décide, mais c'est...

  • Speaker #1

    Tu lances une invitation.

  • Speaker #0

    C'est à toi qu'il faut dire ça.

  • Speaker #1

    L'étudiant, c'est déjà bien rempli, mais tu peux lancer une invitation.

  • Speaker #0

    Je peux inviter ? Non, le problème, c'est que ceux que j'aimerais voir sont... malheureusement souvent déjà décédé et donc si à travers ça, à travers une caméra, on était capable de faire revivre des personnes pour les entendre, ça, ça serait merveilleux.

  • Speaker #1

    Et tu penses à quelqu'un en particulier ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnes. J'avais un maître toujours que j'aime beaucoup qui s'appelle Jacques Ellul, qui était un philosophe, qui était un des premiers qui a... était incapable de théoriser sur cette société technicienne, sur cette société où la technique, où les moyens l'emportent sur les objectifs finaux. Et donc, voilà, qui pour moi a été la personne qui m'a amené, je dirais, à penser de manière intéressante et à agir en même temps. Donc, qui m'a à la fois donné l'envie... d'avoir une pensée la plus cohérente possible et d'agir aussi. Après, on peut donner plein de personnages, mais voilà. L'important, c'est de parler de quelqu'un qui, moi, a été mon formateur et que j'ai eu la chance de rencontrer. Et il m'a accompagné dans mes premières années d'engagement par sa pensée radicale.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, José Bové.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    et ses requêtes. Merci pour votre écoute. Retrouvez nos photographies et écrits sur raconte.media ainsi que sur nos réseaux sociaux. Raconte est une création originale d'Anthony Dehé et Michel Bourgeois du studio DB Création spécialisé en design de marques et photographies. Vous avez apprécié cette rencontre ? Partagez-la sur vos réseaux sociaux et laissez-nous une note sur votre plateforme préférée. Cela contribue réellement à la visibilité de Raconte. Une suggestion d'invité ? Écrivez-nous.

Chapters

  • Introduction et présentation de José Bové

    00:05

  • Les origines de José Bové et son parcours jusqu'au Larzac

    01:13

  • L'engagement contre l'extension du camp militaire du Larzac

    02:12

  • Les années 80 : victoires et luttes pour la gestion des terres

    04:21

  • L'engagement syndical et les combats internationaux

    07:45

  • L'impact de l'OMC et la lutte contre la malbouffe

    20:02

  • Réflexions sur les mouvements actuels et l'engagement des jeunes

    27:40

  • De militant à homme politique : le parcours de Bové

    36:30

  • Conclusion : le film "Une affaire de principe" et l'héritage de José Bové

    43:31

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Description

Quel est le point commun entre le McDonald's de Millau, le Parlement européen, et le plateau du Larzac ? 🤔

Au tournant du millénaire, cet homme a incarné la lutte altermondialiste. Lui, c'est José Bové. Un homme que rien ne prédestinait à devenir ce qu'il est aujourd'hui. N'étant pas issu du milieu agricole, il s'est pourtant imposé comme une figure emblématique, à la fois sur la scène internationale et médiatique, allant jusqu'à se présenter à l'élection présidentielle française. 🌍

Dans ce nouvel épisode, nous avons eu l'occasion de revisiter son parcours exceptionnel et de décrypter les événements clés qui ont forgé cet homme au caractère inspirant, à travers ses luttes continues. 💪


Dans cet épisode captivant de "Raconte", nous avons l'honneur d'accueillir José Bové, une figure emblématique de l'activisme et de la lutte pour la justice sociale. À travers son récit inspirant, Bové nous plonge dans son parcours, de son enfance près de Bordeaux à son installation sur le plateau du Larzac, où il s'est engagé contre l'extension d'un camp militaire, un acte qui a marqué le début de son implication dans le mouvement altermondialiste. Ce témoignage puissant nous rappelle l'importance de l'engagement collectif et des actions concrètes pour bâtir un monde plus juste.


Au fil de la conversation, José Bové partage ses réflexions sur l'activisme, l'agriculture durable et la nécessité de défendre nos valeurs face aux défis contemporains. En tant que membre actif de la Confédération paysanne, il évoque ses combats acharnés contre les OGM et la malbouffe, des enjeux qui touchent chacun d'entre nous au quotidien. Son expérience en tant que député européen enrichit également notre compréhension des luttes menées à Bruxelles pour défendre les droits des agriculteurs et promouvoir des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.


L'épisode aborde également la montée de la mobilisation des jeunes pour le climat, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Bové souligne l'importance de cette nouvelle génération d'activistes, qui incarne l'espoir et la détermination nécessaires pour affronter les défis environnementaux actuels. Il nous rappelle que la lutte pour la justice sociale et environnementale est un combat continu, qui nécessite solidarité et persévérance.


En conclusion, José Bové partage ses réflexions sur la peur et l'engagement, nous incitant à vivre en cohérence avec nos valeurs. Cet épisode de "Raconte" est une véritable invitation à la réflexion et à l'action. Que vous soyez déjà engagé dans des luttes sociales ou simplement curieux d'en apprendre davantage sur ces enjeux cruciaux, cet échange avec Bové vous inspirera à prendre part à ce mouvement pour un avenir meilleur. Ne manquez pas cette occasion de découvrir un témoignage riche d'enseignements et d'émotions, qui vous incitera à réfléchir à votre propre engagement dans la société. Écoutez dès maintenant cet épisode passionnant et laissez-vous porter par les mots d'un homme qui a fait de son combat une véritable vocation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je dirais que ce n'est pas mon tempérament de fixer des divines, ce n'est pas ça la question. Ce qui est intéressant, c'est de construire des mobilisations, si on est convaincu qu'une clause en vaut la peine, et d'essayer d'avancer pour gagner le combat.

  • Speaker #1

    Imaginez un monde où chaque histoire trouve sa voie, où chaque talent éclaire notre époque. Raconte est un média digital natif à l'écoute de notre temps. Les interviews grand format sont le premier chapitre de l'univers raconte. Écoutez-les en podcast, visionnez-les en vidéo et préservez-les grâce à nos publications imprimées collector. Notre passion pour l'image est infinie. Raconte, c'est le fond avec la forme. Préparez-vous à voyager au-delà des horizons connus. aux côtés de celles et ceux qui les redéfinissent. Bienvenue dans l'Odyssée raconte. Raconte la rencontre.

  • Speaker #2

    Bonjour José Bové.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Ça va pas mal. Ça pourrait être pire.

  • Speaker #2

    Ah bon ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il pourrait pleuvoir.

  • Speaker #2

    On est à l'intérieur, donc ça va.

  • Speaker #0

    Ça va, il y a un beau ciel, tout va bien.

  • Speaker #2

    C'est vrai que tu connais un peu Bruxelles en même temps.

  • Speaker #0

    Ça va, j'ai vécu quelques années, 10 ans. Puis je connaissais avant aussi, donc ça, voilà. Je ne suis pas surpris quand je reviens ici.

  • Speaker #2

    Mais justement, en parlant d'avant, d'où tu viens ?

  • Speaker #0

    D'où je viens ? C'est une longue histoire, une vieille histoire maintenant à force. Je suis né à côté de Bordeaux. J'ai vécu ensuite quelques années aux États-Unis avec mes parents, dans les années 50, au milieu des années 50, et je suis revenu en France à 7 ans. Et voilà, et donc là après, j'ai habité avec eux dans la région parisienne, parce qu'ils travaillaient là-bas, et voilà. Et à 20 ans, je me suis installé sur le Larzac. Donc ça fait maintenant plus de 50 ans.

  • Speaker #2

    Justement, par exemple... de ton installation dans le Larzac.

  • Speaker #0

    Sture, le Larzac. Je ne vis pas dans les grottes.

  • Speaker #2

    Tu es un homme de la terre, pourtant.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans la terre, tu n'es pas obligé de vivre dans la grotte.

  • Speaker #2

    Justement, comment tu es arrivé au Larzac ? Il y a un élément déclencheur par rapport à ça ?

  • Speaker #0

    C'est assez simple. Moi, je suis, à ce moment-là, je suis objecteur de conscience. C'est-à-dire que je refuse de faire le service militaire. Je suis engagé dans un mouvement contre la bombe atomique et donc je suis très actif dans ce mouvement. C'est à ce moment-là que l'extension du camp militaire du Larzac est décidée par le ministre des Armées français et donc là... Un mouvement se met en route et donc j'y participe naturellement et je viens faire des chantiers sur le Koss. Et en 1975, je peux m'installer. Les paysans me donnent l'autorisation d'occuper illégalement une ferme dont le propriétaire a vendu les terres à l'armée. Et donc c'est comme ça que je m'installe avec ma famille dans le hameau de Morodon qui est au nord-est du Larzac. Et donc c'est toujours là où j'habite aujourd'hui. pas dans la même maison parce qu'elle était liée à la ferme, mais c'est là où on a pu construire ensuite notre maison pour y rester.

  • Speaker #2

    Tu étais un peu zadiste avant l'heure en fait ?

  • Speaker #0

    Le mot n'existait pas encore vraiment. On disait squatteur à l'époque, il n'y avait pas de... Zadiste n'existait pas comme mouvement donc on était squatteur. Il y avait relativement peu de squatteurs parce qu'il fallait que le mouvement reste assez bien organisé donc les paysans ont autorisé donc on a été à peu près en tournée. peut-être sept familles à s'installer dans ces années-là sur le plateau pour participer à la lutte et ensuite pour construire l'avenir.

  • Speaker #2

    Ok. Et comment ça s'est déclenché, ça ? Comment tu as décidé d'aller au Larzac ? C'est une rencontre ? Il y a un élément déclencheur ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est un engagement. C'est un engagement pour soutenir ce combat et pour essayer d'empêcher l'extension du camp militaire, ce qui a quand même réussi en 1981, puisque le camp, le projet a été abandonné. Mais je dirais que c'est à la fois le... Cette envie, cet engagement et puis en même temps la découverte d'un territoire incroyable, de paysages assez particuliers en France. Ce sont les Larzac, mais il y a d'autres causes comme le Côte Noire, le Côte Méjean, le Côte de Sauve-Terre, qui sont des hauts plateaux avec des grandes vallées entre, comme la vallée de la Dorbie ou la vallée du Tarn. Et ça fait des paysages avec une vue très lointaine. Et c'est peut-être la... L'enfance aux Etats-Unis qui m'ont donné le goût de cette... de ces grands paysages et donc c'est là où je me suis retrouvé le plus à ressentir ce que j'avais pu ressentir enfant et quand on sort de la maison c'est vrai que on a une vue à plus de 100 km de distance quoi donc c'est vrai que j'ai beaucoup de mal ensuite à vivre dans des endroits fermés dans des villes ou même dans des paysages où on ne peut pas voir l'horizon tu viens de parler de ton enfance

  • Speaker #2

    Comment tu étais enfant ou ado ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas ce que ça veut dire ça.

  • Speaker #2

    Ton trait de caractère à l'époque, tu étais quel genre d'enfant ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, moi ça dépend. Rien de vraiment spécial, si ce n'est que oui, il y avait pas de... Non, il y a des choses que je refusais, et quand je refusais, je refusais. Donc c'est vrai que j'ai peut-être aussi ce caractère à être capable de dire non et à assumer pourquoi je dis non. Et j'ai eu la chance d'être soutenu par mes parents, surtout ma mère. Chaque fois, j'ai pu avoir des conflits en disant non. Ma mère a toujours été là à partir du moment où je pouvais expliquer et dire pourquoi je disais non. Je crois que ça, ça a été une grande force d'être soutenu dans ces moments d'opposition, que ce soit au niveau de l'école ou encore après.

  • Speaker #2

    Donc déjà à l'école, en fait, tu me disais un petit peu ?

  • Speaker #0

    Je ne me disais pas, je m'affirmais.

  • Speaker #2

    Ok.

  • Speaker #0

    Il y a des choses que je ne supportais pas, donc comme je ne les supportais pas, je disais non.

  • Speaker #2

    Et par exemple quoi ?

  • Speaker #0

    Par exemple, ce sont des choses toutes simples d'enfants. C'est faire la sieste quand vous n'avez pas envie de la faire. Si vous n'avez pas envie de dormir, vous n'avez pas envie de dormir. La maîtresse, c'est dans les toutes petites classes, qui vous oblige à refaire un dessin parce que le dessin n'est pas conforme au dessin qu'elle voulait que ce soit. Décrir un animal, par exemple un écureuil avec une queue relevée, alors que quand il traverse et qu'il court, l'écureuil a une queue droite. Ça, c'est idiot de vouloir faire ça à un enfant. Donc j'ai dit non. Ma mère a été convoquée et on s'est retrouvés là encore devant une nouvelle explication et je n'ai pas cédé.

  • Speaker #2

    Bien, bien. Ça donne déjà un peu les traits de caractère du personnage que tu allais devenir en fait.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si c'est le personnage, en tout cas de ma personnalité, ça c'est sûr.

  • Speaker #2

    Et quand tu arrives, on va revenir au Larzac, quand tu arrives là-bas, qu'est-ce que tu fais au début ? Tu arrives dans cette ferme, elle est plus ou moins abandonnée, tu la retapes, tu fais quoi ?

  • Speaker #0

    C'est des longues années parce qu'à la fois il faut s'installer. vivre au quotidien et participer effectivement au combat qui à ces moments-là est important. Donc c'est beaucoup de temps passé, c'est beaucoup de temps en réunion, mais aussi en marche, en tout type de manifestation. Donc tout est assez compliqué, il prend beaucoup de temps, parce que dans la ferme qu'on habite, il n'y a pas l'eau, il n'y a pas l'électricité, il n'y a pas le téléphone, il n'y a pas de route. Donc tout ça a été... disons orchestré pour que les gens ne restent pas. C'est pour ça qu'il n'y a aucune infrastructure. Et donc il faut apprendre à vivre de cette manière-là, faire en sorte qu'on puisse vivre en famille avec des enfants, même dans ces situations les plus difficiles. Et puis c'est la mise en place du troupeau, des activités qui permettent là aussi de vivre de son travail. Donc tout se fait en même temps. Et donc c'est vrai qu'avec le recul, tout ça est assez dense comme vie. Au seul moment quand on le vit, les choses passent bien.

  • Speaker #2

    Vous étiez presque un peu en autosuffisance en fait ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'on est sur un endroit dur. Le Kos, on est à 800, presque 900 mètres d'altitude. La végétation est difficile, le temps est quand même rude, avec des hivers assez longs et l'été très chaud, donc pas beaucoup d'eau. Donc non, on ne peut pas, ce n'est pas une terre de maraîchage, on peut faire un potager, mais peu. Donc c'est de l'élevage, c'est surtout l'élevage de brebis, principalement pour le lait, le fromage, la transformation. Donc ça c'est ce qui permet effectivement de tirer un revenu, qui permet de vivre. Mais c'est difficile en même temps parce que chaque matin on peut être expulsé, dans la mesure où on occupe des terres dont l'armée revendique la propriété.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire que c'est des paysages assez durs, assez rudes, dans un climat... pas forcément facile pour les cultures. Est-ce que tu crois que ce type de paysage forge des caractères forts ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je dirais que pour habiter sur le plateau, il faut avoir et le coup de foudre, et l'envie d'accepter ce genre de végétation. de roche parce que c'est très minéral comme paysage. Et donc si on n'est pas attiré par ce type de paysage, je pense qu'on n'en reste pas. D'ailleurs c'est pour ça que la densité de population est assez faible parce que c'est un paysage rude. On est à peu près 3 habitants au kilomètre carré, donc ce n'est pas beaucoup non plus. Mais voilà, donc je dirais qu'il faut être en adéquation avec le lieu.

  • Speaker #2

    Après t'être établi, etc., vous avez commencé à vivre sur place, à installer les troupeaux, etc. Et là, tu es devenu vraiment militant de manière très active. Comment ça s'est dessiné, ça ?

  • Speaker #0

    Non, je l'étais quand je me suis installé. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est arrivé pendant ou après. Non, c'était vraiment... Si je me suis installé, l'installation en elle-même était anacte. militant parce que c'était effectivement à la fois illégal et donc un acte, un endroit où je me suis installé était un lieu stratégique pour l'extension du corps militaire donc en un instant là c'était clairement poser un acte concret mais pas seul avec l'ensemble des paysans qui étaient autour donc voilà donc c'était un engagement mais il y aurait que ça la victoire Contre l'extension du camp militaire en 1981, quand François Mitterrand est élu, permet de concrétiser non plus le non à l'extension, mais le oui à une nouvelle forme d'organisation de la gestion des terres, le fait qu'on puisse organiser sur un espace de plusieurs milliers d'hectares, près de 8000 hectares, une gestion du foncier, vraiment au service à la fois des paysans et qui... permet l'installation, parce que l'un des grands drames de l'agriculture, c'est le nombre de jeunes qui s'installent, qui est en très grande diminution année après année, alors que là, sur notre territoire, on a pu augmenter la population agricole de 25%. Et donc depuis, depuis plus de 40 ans maintenant, cette population ne diminue pas, on a toujours plus de candidats que de terres à disposition pour installer des jeunes. Donc ça, c'est quand même une... Comment dire, une concrétisation. C'est-à-dire qu'il faut dire non, mais en même temps, en ayant une proposition alternative, concrète, qu'on peut mettre en place. Et ça a été tout ça, un peu l'enjeu de l'après 81 sur le Larzac.

  • Speaker #2

    Justement, par rapport à cette proposition, comment vous avez été reçus par les locaux quand vous vous êtes installés ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il n'y avait pas de soucis dans la mesure où notre installation se faisait avec eux. C'est-à-dire que c'est pas que, contrairement souvent à des mouvements qui vont faire une occupation, on dit une ZAD aujourd'hui, nous c'était intégré au mouvement, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas s'installer si on n'était pas accepté, si c'était pas le mouvement qui décidait de nous donner l'autorisation de nous installer. Parce que toute installation pouvait aussi mettre en péril la stratégie globale. de lutte, donc ça se faisait en accord. Donc à partir du moment où on était installés, ça veut dire qu'on était aussi défendus, s'il y avait une intervention de l'armée ou de la police pour nous chasser, on était défendus, donc il fallait vraiment être complètement en adéquation, et ça c'est quelque chose qui est important. Donc je n'ai jamais été dans cette situation de confrontation, mais plutôt au contraire de solidarité, et après... On a construit ça ensemble et quand on lutte pendant des années ensemble, ça finit par faire une famille.

  • Speaker #2

    Et cette famille s'est développée, beaucoup de gens sont venus vous rejoindre, etc.

  • Speaker #0

    Mais il y a eu beaucoup de monde pendant les rassemblements, pendant des grands événements sur le plateau. Mais le nombre d'habitants a relativement peu évolué, on est très peu. Au début, le Larzac, la lutte concerne 103 familles, aujourd'hui on est peut-être 130 familles. ou 140 maximum, donc c'est pas... ça n'a rien à voir, c'est... Le Larzac n'a rien de folklorique, n'a jamais été une espèce de Woodstock permanent, où ça, ça a été dans le mythe des journaux de raconter des choses sur des moments où il y a des grands rassemblements qui durent deux ou trois jours, et où là on peut être effectivement des dizaines de milliers, mais ce sont des moments très particuliers, très singuliers, où comme dans les marches, quand on arrive, quand on marche à pied à Paris, là... il y a 100 000 personnes à l'arrivée, donc c'est des choses très particulières sur des moments précis, mais pas du tout sur la vie quotidienne. Donc il y a eu beaucoup de mythes qui ont été... qui ont été racontées sur le Larzac, on fait beaucoup fantasmer avec cette phrase, notamment complètement débile et idiote, pour définir en gros le début des années 70, soit les gens s'engageraient, soit ils allaient élever des chèvres sur le Larzac. D'ailleurs, ils disaient dans le Larzac, qui était déjà la faute, et en plus élever des chèvres, alors qu'il n'y a pas de chèvres, il y a juste un troupeau de chèvres d'un agriculteur, il n'y a jamais eu plus de chèvres. C'est toujours un pays de banlieue. Donc ça, c'est une image de fantasme, mais qui continue à exister aujourd'hui, comme une tant que... Sauf que c'est complètement faux. C'est peut-être le seul endroit entre les Cévennes et les Pyrénées où, justement, il n'y a pas eu d'installation de communautés ou de groupes de ce genre-là dans les années 70.

  • Speaker #1

    Raconte. Le média intimiste, mais pas indiscret.

  • Speaker #2

    On avance un peu dans le temps, on passe maintenant dans les années 80. Comment elles se passent pour toi les années 80 ?

  • Speaker #0

    Les années 80, c'est les années de construction, c'est les années où on a gagné la lutte contre l'extension du camp militaire. Donc on met en place tous les outils de gestion de la terre. Donc ça c'est important et c'est ce qui permet ensuite d'installer. Donc ça c'est un long travail qu'on fait avec les ministères, avec... Voilà l'administration pour obtenir cette possibilité de gérer nous-mêmes. L'État nous confie la gestion de toutes les terres qui avaient été expropriées pour faire le camp. Il nous les a confiées par bail amphithéotique. Donc ça veut dire qu'on a tous les droits du propriétaire. Et donc tout le monde est propriétaire collectivement et individuellement est locataire des terres. Donc c'est une construction juridique. qui permet justement d'avoir une autonomie complète sur cette gestion sans que ce soit l'État qui s'en occupe. Donc ça, je dirais que ça nous... c'est vraiment... ça s'est pris énormément de temps. Et ensuite, c'est en parallèle la naissance de la Confédération paysanne, un travailleur paysan avant qui a précédé, puis la Confédération paysanne est le début de l'engagement aussi, de la lutte dans le cadre du soutien aux... aux producteurs qui font du rock fort donc là je suis très engagé et voilà là ça démarre vraiment la période je dirais syndical de mes engagements c'est à cette période que tu deviens une personnalité grand public partout en france et même à l'étranger pas vraiment dans les années 80 on va dire plutôt que c'est dans les 90 parce que tout ça ça prend là aussi beaucoup C'est beaucoup d'engagement, beaucoup de déplacements à Paris, à Bruxelles, dans le cadre du syndicat, par rapport à la politique agricole européenne. Donc tout ça, c'est énormément de temps, de relations qui se nouent. Et le début du combat contre, à l'époque, le GATT, qui était l'accord sur le commerce international et les droits de douane, qui intègre au milieu, à partir de 1986, les... l'agriculture et les services dans ces négociations commerciales. Et ça donne naissance évidemment en 1995 à l'Organisation Mondiale du Commerce. Donc tout ça est une véritable rupture avec l'ensemble de la régulation de l'agriculture et des marchés agricoles. Et donc voilà, là c'est le début d'un autre combat, d'un combat au niveau international. et qui nous amène à la fois à rencontrer beaucoup de gens, mais aussi à se défendre localement, parce qu'avec toutes les crises sanitaires qu'il y a eu, on est arrivé à faire interdire les hormones dans l'élevage. Et quand les États-Unis décident d'importer, avec la naissance de l'OMC, d'exporter en Europe du bœuf aux hormones, on dit non, l'Europe dit non, et on est condamné par le tribunal de l'OMC qui donne l'autorisation. aux États-Unis de surtaxer le Roquefort à 100% quand il arriverait aux États-Unis. D'où le démontage du McDo qui est en fait le symbole du fast-food. Mais une autre chaîne, ça aurait été la même chose, mais c'est à ce moment-là que se construit ce fast-food. Donc voilà, il y a une confrontation entre d'un côté une agriculture traditionnelle avec des produits d'appellation. d'origine face à une agriculture industrielle et de l'alimentation standardisée. Donc voilà, c'est ce démontage qui catalyse cette nouvelle résistance internationale qui donne naissance à l'alter mondialisme. Et voilà, ce démontage devient le symbole avec évidemment tout ce qui s'est passé ensuite.

  • Speaker #2

    Tu le dis parfaitement, tu deviens un symbole à ce moment-là.

  • Speaker #0

    C'est le montage qui est le symbole, mais pas... Je deviens le symbole dans le symbole, ou peut-être le porte-parole qui incarne le mouvement dans la mesure où je suis un... incarcéré pendant plus d'un mois, je refuse de payer la caution, donc tout ça devient quelque chose de... et ce sont des petits paysans américains qui payent la caution pour que je sorte de prison. Donc tout ça crée évidemment une situation et puis une dynamique tout à fait nouvelle.

  • Speaker #2

    Tu viens justement de parler de ce fameux McDo à Mio et de ton emprisonnement. Donc là tu vas dire que tu es un peu jusqu'au boutiste dans ton combat et à juste titre. Tu arrives en prison, qu'est-ce que tu te dis ? J'ai été trop loin ou au contraire j'ai gagné ? Quel est ton ressenti à ce moment-là quand tu arrives le soir même à la prison ?

  • Speaker #0

    Quand je me rends à la justice et que la juge me dit qu'elle me met en prison préventive, le temps qu'elle mène son enquête, etc. Je lui demande si elle est vraiment sûre, si elle a bien rempli tous les documents, et je lui demande si elle est vraiment sûre de ce qu'elle a fait. qu'elle fait, évidemment qu'elle me dit oui, et donc je lui demande de lui serrer la main, donc elle me serre la main, elle ne comprend pas bien, et je la remercie, je lui dis là vous venez de nous faire gagner 10 ans, parce qu'effectivement en rentrant rentrant dans ce processus d'incarcération, ça fait une caisse de résonance formidable. Donc pour moi, aller en prison n'est pas du tout comme si je sortais du paysage. Au contraire, ça accentue la mobilisation. Donc la prison fait partie de l'action. Et c'est donc pas du tout, moi je ne le vis pas du tout comme quelque chose de, comment on peut dire ça, d'inacceptable ou comme si j'ai...... comme quelque chose d'angoissant, mais au contraire, c'est une autre façon de participer au combat. Et évidemment, ça amène des centaines de personnes, des milliers de personnes devant la prison, puis ensuite, ça crée une dynamique incroyable qui fait que dès que je sors de prison, on annonce qu'on part deux mois après à Seattle pour le rassemblement contre l'OMC, qui a lieu au mois de novembre 1999. Donc il y a une dynamique qui se construit et donc se démontre. a permis aux gens de comprendre que c'était pas juste des choses abstraites, des lignes de compte, mais que c'était quelque chose qui rentrait dans leur vie quotidienne. Comme on a souvent dit, l'OMC on en mange trois fois par jour chaque fois qu'on s'en met à table. C'est à dire que tous les produits qui arrivent, toute la logique industrielle, toute la logique de la circulation de l'alimentation à travers la planète, on l'a trois fois dans son assiette tous les jours. Donc les choix choix qu'on fait détermine aussi ce qu'on peut transformer au niveau international.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire, est-ce que manger, c'est voter ?

  • Speaker #0

    Je dirais qu'on participe et que c'est clairement un choix politique. Manger, c'est se nourrir, la façon dont on se nourrit, c'est poser un acte politique.

  • Speaker #1

    Raconte, où chaque format donne vie à une histoire.

  • Speaker #2

    quand tu étais on va dire au moment très fort de toutes ces actions tu es vraiment sur dans tous les médias etc donc on est on est autour de l'an 2000 toujours par rapport à ce mcdo et aux événements qui vont suivre est ce que tu t'es dit un moment il ya une limite à mon combat ou pas

  • Speaker #0

    Je dirais que ce n'est pas mon tempérament de fixer des limites, ce n'est pas ça la question. Ce qui est intéressant, c'est de construire des mobilisations, si on est convaincu qu'une cause en vaut la peine, et d'essayer d'avancer. gagner le combat. Alors parfois on peut gagner globalement, parfois c'est un combat particulier, mais ce qui est important c'est de démarrer. Par contre le temps que ça va prendre, ça on est incapable de le savoir. Toutes les Les batailles de l'ARZAC, ça a duré 11 ans. Quand on s'est battu contre les OGM en France, avant qu'on gagne la première manche en 2008, ça a mis là aussi 12 ans, etc. Donc souvent, les combats sont longs. On ne le sait pas au départ. On démarre et puis voilà. Il faut rester chaque fois bien clair par rapport à son objectif et de mettre les moyens nécessaires pour gagner. Mais c'est un engagement en soi.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire que c'est plusieurs combats qui se sont passés dans le temps. Quand tu as gagné le premier grand combat étant le Darzak, est-ce que d'un moment tu t'es dit, c'est bon, on a eu gain de cause, on a gagné, tu aurais pu rester là en étant tout à fait satisfait, mais non, tu as repris d'autres combats, tu as continué. Tu vois ça un peu comme des rounds à chaque fois.

  • Speaker #0

    Je dirais que les choses s'en suivent. On gagne le Larzac, donc on empêche ce projet destructeur, mais on construit une alternative avec l'installation de nouveaux paysans, avec nos outils fonciers. Puis après, avec le syndicalisme, on est sur une autre forme de défense d'un territoire, mais par l'économie. Et là aussi, c'est important de mener la bataille. Et ça, ça nous amène en même temps... à l'OMC, à la malbouffe, comme on l'appelle à ce moment-là. Et puis de là, ça amène aussi à ce qui se passe dans les champs, comment les semences, nos semences vont être privatisées par des firmes. Donc c'est le combat des OGM et donc de la biodiversité aussi. Et donc je dirais que les choses s'emboîtent et avancent au fur et à mesure. Donc c'est même pas, on réfléchit pas en se disant qu'est-ce qu'on a envie de faire. Non, c'est une cohérence, une logique. À partir du moment où on est engagé dans un type de mouvement avec une forme d'action, effectivement, on essaye d'avancer pas à pas. Mais parfois, il y a des choses auxquelles on ne s'attend pas qui arrivent et auxquelles il faut faire face, comme au milieu des années 2000, 2010, quand on apprend que... Le gouvernement est en train de donner des autorisations pour faire des forages, pour chercher du gaz de schiste à côté de chez nous, sur la commune où on a la ferme. C'est un grand permis. C'est en train de se passer au niveau français dans plusieurs endroits, mais aussi au niveau européen, en Pologne, en Angleterre. Donc ça devient une autre mobilisation, mais qui est toujours liée à la défense d'un territoire et en même temps de... Voilà, si on fait de la fracturation hydraulique pour chercher ce gaz, ce sont les nappes phréatiques qui sont menacées. En plus, sur des territoires où il n'y a pas d'eau, c'est effectivement quelque chose qui marque et qui amène tout le monde à se mobilier. Donc, je dirais que c'est une acuité à la fois... à la réalité de ce qui se passe et à laquelle on ne peut pas être indifférent et donc on se mobilise. Et donc ça, c'est un peu la cohérence de ces actions les unes qui s'emboîtent les unes dans les autres et qui au final, quand on les regarde avec un peu de recul, ont un sens assez logique au final.

  • Speaker #2

    Une filiation, vraiment.

  • Speaker #0

    Oui, on peut dire ça.

  • Speaker #2

    Parce que tu pars, au début le combat c'est contre l'extension de l'armée, du camp, et après c'est les pétroliers. Donc il y a toujours un ennemi qui est là en embuscade, si je puis dire, à défier.

  • Speaker #0

    Alors à la fois, il y a un combat, alors un ennemi, est-ce que c'est vraiment le terme, est-ce que c'est pas vraiment la guerre non plus ? Il faut essayer, un adversaire en tout cas c'est sûr, et donc il faut essayer de gagner ça. Mais toujours avec le... L'idée de... c'est-à-dire que le combat n'a de sens que si on a l'alternative en vision en même temps, et si ensuite on essaye de la mettre en œuvre. contre l'extension du corps militaire. Après, une fois qu'on a gagné, on peut installer de nouveaux paysans et donc occuper mieux cet espace. Si on se bat contre la malbouffe, c'est quel mode d'agriculture ? Comment réduire les pesticides et comment avoir une agriculture ? Voilà, aller vers l'agriculture biologique ou d'autres, mais qui respecte le sol. Donc, je dirais que c'est ça aussi. et puis avoir des circuits d'alimentation différents que faire des grandes navigations d'un continent à un autre qui n'a pas de sens. Donc ça c'est l'alternative en même temps, où les OGM c'est des semences paysannes, et la fracturation hydraulique c'est aussi d'autres énergies que les énergies fossiles. Et donc chaque fois, il faut qu'on... Je pense que ce qui peut faire aussi la cohérence, c'est d'avoir en permanence une alternative. C'est pas dire non pour dire non, mais c'est dire non parce que... on ne peut mettre en place un projet alternatif et c'est ce qui donne du sens au combat. C'est-à-dire que le combat n'est pas simplement un rejet, un refus, mais aussi une affirmation constructive. On peut dire un refus constructif.

  • Speaker #1

    En parlant de constructif, depuis quelques années, la jeune génération est très engagée et aussi beaucoup de femmes parmi elles. Quel est ton regard sur les réactions des jeunes pour le climat, Greta Thunberg, Camille Etienne ? C'est un peu finalement, on peut aussi voir une filiation avec Técomba.

  • Speaker #0

    Alors, moi je trouve que toute cette génération qui est montée autour du climat, de la lutte contre le réchauffement climatique, je pense que c'est quelque chose d'intéressant parce que ça a été très large et on peut dire que c'est un peu le même type de mouvement qui était né il y a 20 ans avec l'altermondialisme, c'est quelque chose qui a recouvert le... L'ensemble des pays, de manière assez rapide et assez fulgurante, avec des naissances de personnes qui ont incarné ces combats, qui ont mélangé à la fois des militants et beaucoup de jeunes, et en même temps des scientifiques. C'était assez intéressant ce mélange entre le GIEC et les mobilisations de jeunes. Donc ça crée à la fois des mouvements de masse, et puis des actions de protestation pour essayer d'alerter. des images de colère. Donc c'est vrai que ça, par exemple, comme ce qu'ont fait Extinction Rebellion ou d'autres, quand ils ont aspergé des vitres de peinture en se demandant si la représentation de la nature était plus importante que la nature elle-même. Donc ça, voilà, et puis ça crée de la polémique, du débat. Ce sont des actions uniquement symboliques de dénonciation, mais qui sont importantes dans la naissance d'un mouvement pour comprendre pourquoi. Et puis petit à petit, on voit... qu'il y a de plus en plus d'actions très concrètes pour bloquer tel projet industriel d'extraction de charbon comme en Allemagne, ou de projet pétrolier, de dénonciation des multinationales. Et donc là, ces mouvements, ces structures avancent. Alors le problème, c'est qu'on est toujours en train de courir derrière la catastrophe, parce qu'effectivement, le réchauffement climatique est devenu le combat central, non pas pour le principe, pour le plaisir de... d'essayer de le focaliser, mais simplement ça organise tout ce qui va se passer dans les dizaines d'années à venir, entre l'invivabilité de certaines zones sur le planète, la fin de l'agriculture, les populations ne pourront pas vivre, donc partant, étant obligé de traverser la Méditerranée pour ce qui nous concerne, mais c'est très vrai dans toute l'Asie, et donc là ce sont des mobilisations. des populations qui vont être obligées de migrer partout, donc ce n'est pas du tout évident, et puis c'est en même temps des conditions de vie de plus en plus dures, donc tout ça crée effectivement une situation qui oblige à repenser globalement les grands équilibres. Donc je dirais que cette mobilisation est pour moi à la fois la continuité dans une prise de conscience qu'on vit sur une seule planète et que dont tout... tout ce qui se passe dessus est interconnecté dans ses conséquences. Et donc, il faut agir à ce niveau-là. Donc, c'est cette continuation-là. Et en même temps, c'est un stade aussi plus global qu'on avait dans nos réflexions, mais plutôt dans des groupes réduits sur à la fois les risques de la fin des ressources naturelles et en même temps les conséquences de leur utilisation de plus en plus importantes. Et voilà, donc ces mouvements aujourd'hui sont en train de concrétiser ça, avec la grande difficulté pour ces associations, ces mouvements de la société civile, de pouvoir créer le rapport de force avec les gouvernements ou les institutions. Et là on voit qu'il y a énormément de freins, de lobbies qui sont là en face pour essayer d'empêcher effectivement qu'il y ait une transformation radicale. des institutions et des modes de production, des modes de consommation. Voilà, donc là effectivement c'est le combat maintenant, je dirais, le plus important.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui te fait peur en fait, à titre très personnel ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, je dirais que c'est quelque chose qui ne m'anime pas, je ne suis pas animé par des peurs qui me bloquent.

  • Speaker #1

    Tu n'as pas de croyance imitante ?

  • Speaker #0

    Je dirais que rien ne me fera... Je n'ai pas peur des conséquences dans un engagement de ce qui peut arriver ou m'arriver. Je vais plutôt réfléchir pour comment faire en sorte que les choses puissent avancer et être efficaces. Voilà, donc non, je n'ai pas de peur personnelle par rapport aux conséquences. qui peut y avoir. Donc voilà, non c'est pas du tout quelque chose qui m'anime et qui est un frein ou un moteur en tout cas, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Tu fais passer la cause avant ta personne. Non,

  • Speaker #0

    c'est pas ça ce que je suis en train de dire. C'est que l'engagement est important mais que l'engagement n'est pas lié. L'engager, dire la peur, quand on est habité par la peur, on est bloqué, on peut pas agir. Donc là, je dirais que la première chose à faire, le premier travail sur soi-même à faire, Quand on commence un engagement, qu'on pense qu'il faut faire quelque chose, c'est d'abord de vaincre ses propres peurs pour ne pas être encombré par les peurs, parce que les peurs annihilent tout. Donc on n'ose pas agir, on n'ose pas se montrer, on n'ose pas parler, etc. Donc voilà, ça c'est effectivement quelque chose qui arrête les gens. Mais je pense que... Il faut dépasser ça et c'est parce qu'on dépasse les peurs qu'on est capable de faire des choses.

  • Speaker #1

    Ça serait quoi ton conseil pour les jeunes militants actuels ?

  • Speaker #0

    Peut-être que le premier... Non, ce que je leur dirais, c'est après la prise de conscience, après la colère... Contre ce qui est en train de se passer, contre l'avenir qui semble de plus en plus bouché, il faut passer le pas et rentrer dans l'engagement. Et cet engagement, ce n'est pas simplement se battre sur une cause, mais je dirais que ça engage sa vie aussi entière par rapport au mode de vie. Et ça, ça me paraît important. L'engagement et la façon de vivre sont deux choses inséparables.

  • Speaker #1

    On va en revenir un peu plus loin dans ta carrière. Il y a un point pivot assez important, c'est que tu es passé de militant à homme politique. Tu étais candidat à la réaction présidentielle et tu es devenu eurodéputé par la suite. Comment on vit un changement comme ça où tu passes du militant au gouvernant ?

  • Speaker #0

    Pour moi, je n'ai pas vécu de... Je ne l'ai pas vécu comme quelque chose de changé d'engagement. C'est-à-dire que je l'ai vécu comme une continuation des combats que j'ai pu mener en tant que syndicaliste ou dans la société civile. Les élections présidentielles arrivent à un moment où, c'est vrai qu'il y a les carcans des partis politiques sont tels, qu'il n'y a pas d'expression forcément. de candidats qui représenteraient une alternative sans être enfermés dans la logique des partis. Et donc ma candidature, qui est une candidature dont on sait très bien qu'elle n'ira pas, qu'elle ne fera pas un score parce que c'est tellement en cours, c'est tellement avec peu de moyens, mais le pari c'est de montrer qu'on est en capacité avec des collectifs de citoyens de construire déjà la possibilité de se présenter, donc d'avoir... les 500 signatures nécessaires en France pour se présenter. Donc c'est déjà un pari en soi de réussir à faire ça, ce qu'on arrive à faire. Donc voilà, je dirais que c'est le point de départ aussi d'une idée qu'on peut s'engager sans être dans une logique de parti au sens traditionnel du terme. Et ça, je dirais, c'est 2007. Et en 2008, là, avec Danny Cohn-Bendit et d'autres, on réfléchit à cette idée de... Parce qu'on a eu ce combat en France qui a été très important en 2005 sur le traité constitutionnel européen où il y a eu une opposition très forte entre le oui et le non et puis c'est le non qui l'a emporté. Et Dany avait défendu le oui, moi j'avais défendu le non et donc j'étais un des porte-parole. Sur les questions économiques notamment, c'était là-dessus le point d'affrontement. Est-ce qu'il fallait accepter, moi je disais non, de faire rentrer dans ce texte constitutionnel européen des réglementations, des directives économiques. Et ça, ça n'avait évidemment pas de sens. Donc un traité constitutionnel, c'est d'abord des valeurs et des modes de fonctionnement de cette démocratie. Et en rien, des règles économiques qui figent complètement à un moment donné. Donc c'est une bataille. Et on décide en 2009 avec Dany de sortir de ce cadre du oui et du non, mais en disant... Le plus important, c'est vers où on veut aller et pas d'où on vient. Donc, notre vision européenne, c'est celle à la fois de cette Europe fédérale, basée sur des valeurs, et en même temps fondée sur le principe dont on parlait tout à l'heure, sur l'écologie et aussi donc par rapport déjà au réchauffement climatique et toutes ses conséquences, donc transformation des modes d'économie, etc. Et là, effectivement, c'est une aventure. On décide ça et moi, effectivement, je m'engage parce que je pense, après mon expérience syndicale, où j'ai souvent été à Bruxelles pour débattre de la PAC, donc je connais aussi ces mécanismes, je pense que c'est le meilleur moyen pour moi de continuer les combats que j'ai menés jusqu'à présent en apportant aussi une autre façon peut-être d'être député européen par rapport à mon histoire, par rapport à mon vécu. Donc voilà.

  • Speaker #1

    C'est très atypique par rapport à tes camarades députés européens, en fait, dans ton profil.

  • Speaker #0

    Je suis un peu atypique, oui, clairement, puisque je ne suis pas adhérent à un parti politique. Je suis ancien syndicaliste, donc bien évidemment, j'arrête, parce qu'il ne faut pas mélanger le syndicalisme avec un poste d'élu politique. Ça n'a pas de sens, quoi. Mais donc voilà, moi j'amène ma pratique et mon expertise, puisque souvent, le politique reproche. aux gens de la société civile ou syndicaliste d'être avec, on leur dénie même souvent la légitimité de pouvoir parler, d'expliquer les choses. Les politiques souvent se croyant au-dessus d'autres formes de représentation et dont le syndicalisme est une des expressions de la société civile. Et donc là, moi j'apporte mon expertise dans une enceinte où, à partir du moment où je suis élu, Je suis reconnu de la même manière et donc c'est assez étonnant mais ça change pas grand chose et donc je m'engage à la fois sur les questions agricoles et sur les questions de commerce international, les accords de libre-échange et tout ça et ça devient donc dans le cadre de mon travail parlementaire mon travail principal.

  • Speaker #1

    Et maintenant que tu es au cœur de la machine européenne, c'est quand même très différent dans ses fonctionnements, les intérêts ne sont pas du tout les mêmes, tu as parlé des obis etc. C'est des choses que tu as vécues. Comment ça se passe très concrètement ?

  • Speaker #0

    Je dirais que les lobbies, je les connais déjà, puisque je m'affronte aux lobbies depuis des années, notamment le lobby agricole, le lobby sur les produits chimiques, l'histoire du glyphosate, l'histoire des OGM, tout ce qu'il y a, voilà. Toutes ces questions-là, donc je suis parfaitement... Je ne suis pas naïf quand j'arrive, je sais très bien comment se construisent les rapports de force, et ce n'est pas du tout une surprise pour moi. Au contraire, c'est pour ça que je prends des modes de fonctionnement qui font que je ne suis pas en contact avec les lobbies, et que je peux justement faire en sorte de mettre une barrière entre cette logique de défense des intérêts privés des entreprises, des intérêts à court terme face à l'intérêt général.

  • Speaker #1

    C'est très présent en Europe. Pardon ? C'est très présent en Europe.

  • Speaker #0

    C'est logique qu'au niveau européen, c'est là où soit les pressions, puisque c'est là où effectivement se décident les lois, pour prendre un mot courant, qui concernent plus de 500 millions d'habitants et qui concernent 27 ou 28 pays à l'époque. Donc c'est logique que ça soit là qu'est lieu la confrontation, parce que la plupart des lois nationales découlent des directives et des règlements européens. Donc c'est important effectivement. de se battre là, parce que c'est là où toute l'influence, et comme le Parlement est assez transparent, effectivement tous les intérêts privés se déversent là. Et donc c'est que petit à petit que les règles se mettent en place pour empêcher ces gens-là de pouvoir corrompre ou de pouvoir influencer de manière néfaste les élus qui sont censés représenter les citoyens.

  • Speaker #1

    On arrive maintenant ici en avril 2024. Il y a un biopic sur une partie de ta vie, une partie très précise vient de sortir. Tu es militant depuis des décennies. Ce n'est pas courant pour des militants d'avoir un biopic, précisons-le, en partie fictionnel. Comment tu vis un truc pareil ?

  • Speaker #0

    Alors, quand je discute avec Antoine Rimbaud, qui est le réalisateur du film Une affaire de principe, dès le début, parce que j'ai écrit ce... C'est le chapitre d'un livre que j'avais fait qui s'appelle All the top à Bruxelles sur toutes mes confrontations avec différents types de lobbies quand je suis élu au Parlement européen. Et de suite dans notre discussion, Antoine me dit mais on ne fait pas un biopic Et moi je dis évidemment on ne fait pas un biopic, ça n'a pas de sens On raconte une histoire d'un lobby qui essaye d'influencer et comment une équipe avec deux, trois députés en soutien et mes assistants, on se bat. contre la Commission, contre le président de la Commission, Barroso, etc. et puis l'OLAF, enfin bref, toutes ces choses-là, à partir du fait du renvoi d'un commissaire européen qui est mon adversaire politique, parce que c'est lui qui défend les OGM, c'est lui qui défend l'alimentation industrielle, donc effectivement c'est mon opposé. Et comme il se fait licencier, et que ça me paraît très bizarre et que j'y crois pas une seconde, c'est ce qui m'amène à faire l'enquête et donc à me retrouver au cœur de ce combat face à l'industrie du tabac, qui n'était pas mon combat principal, puisque c'est une notoriété publique que je fume la pipe et que donc je ne suis pas engagé. Je ne suis pas opposé, au contraire, au combat des associations. Mais disons que ce n'est pas mon engagement principal et ce n'est pas là où je milite ou dans le cadre du Parlement, je fais mon travail. Mais je me retrouve là dans cette histoire et on mène cette bataille. et au final on arrive à découvrir ce qui se passe. Donc je dirais que c'est plutôt un film sur l'engagement, sur la façon de mener un combat dans un cadre très singulier. Et l'idée c'est de montrer comment un député ou un petit groupe de députés peut changer les choses parce qu'ils vont jusqu'au bout du travail dans un cadre tout à fait singulier et particulier qu'est le Parlement européen. Donc c'est un film... on va dire qu'il est beaucoup plus gloire, donc moi je sers de personnel parce que c'est moi qui l'ai vécu, donc Boulie Lanner interprète ce député et construit à partir de là effectivement ce personnage qui résiste. Et bon, je crois qu'Antoine Rimbaud est arrivé à faire quelque chose qui fait que ce n'est pas un film, comme souvent dans les films américains, où on copie la personne jusqu'à la ressemblance. C'est pas du tout ça. Il part de ce que je suis, et à partir de là, Bouli fait cette interprétation incroyable et magnifique qui dépasse, en fait, qui n'est pas une transcription du réel. Donc je dirais que c'est une... Le cinéma permet, au contraire, de faire ressortir dans un temps limité une histoire qui dure presque deux ans et qui, grâce... au talent du cinéaste, devient quelque chose qui peut parler à tout le monde et soit aussi d'autres sujets que ce qu'on va là. Donc c'est plutôt un, l'idée de dire, la démocratie peut gagner contre des volontés privées et en même temps l'engagement est nécessaire. Et l'engagement, ce n'est pas simplement que dans la société civile, mais c'est aussi, on peut être engagé et élu en même temps. Voilà, c'est plutôt cette idée-là qui est lancée, plutôt que de vouloir un film qui soit un film qui retrace un bout de ma vie, parce que ce n'est pas ça l'idée en soi du film, ça va plus loin que ça.

  • Speaker #1

    On arrive tout doucement au terme de cette interview. Je voulais juste te demander encore trois choses. Ton plus beau souvenir, ton pire souvenir, et qui tu voudrais voir dans Raconte ? À ta place.

  • Speaker #0

    Qui j'aimerais voir ?

  • Speaker #1

    Entendre, à ta place aujourd'hui, qui tu veux interviewer, sur la chaise où tu es présent.

  • Speaker #0

    Alors, quel serait mon plus beau souvenir ? J'ai tellement de beaux souvenirs que c'est très... Ça, c'est quelque chose que... Je ne vis pas... Alors, c'est curieux, c'est que je ne vis pas ni dans les regrets de choses que je n'ai pas pu faire, ni dans la... Je ne fantasme pas les plus belles choses. Ce n'est pas quelque chose qui soit de ce... Je ne vis pas dans ce type de rapport.

  • Speaker #1

    Tu n'es pas nostalgique ?

  • Speaker #0

    Ni nostalgique, et je n'ai pas de regrets non plus. J'essaye de vivre ma vie, de construire ma vie. Est-ce que j'ai été au bon endroit au bon moment, qui fait que j'ai pu... Mon énergie, j'ai pu la mettre au service d'un certain nombre de combats. Mais c'est aussi ma vie, parce que c'est ce que je disais précédemment, c'est qu'on ne peut pas couper l'engagement et la façon de vivre, et les modes de vie. Pour moi, c'est fondamental. d'être en cohérence entre son engagement et sa façon de vivre. Alors, ce n'est pas toujours facile, on ne réussit pas à tous les coups, mais pour moi c'est ça qui est important. Et je me dis que, ben voilà, si... Je dirais que la chose la plus importante presque, alors c'est à titre personnel, c'est que si par exemple, brutalement, je dois décéder là, juste après l'interview, est-ce que je regrette comment j'ai vécu ? Est-ce que je regrette de ne pas avoir plus ? Et en fait, pour moi, ce qui est important, c'est de me dire, voilà, j'ai fait ce que j'avais à faire, je l'ai fait comme j'ai cru qu'il fallait le faire. Et c'est ça qui est important. Et donc, voilà, pour moi, c'est de ne pas être ni dans l'angoisse. Mais dans cette idée que si je peux vivre 1000 ans, tant mieux. Si ça s'arrête, ce n'est pas grave non plus, c'est bien aussi.

  • Speaker #1

    Et dernière question, qui tu voudrais voir à ta place pour être interviewé ?

  • Speaker #0

    Ça, ce n'est pas moi qui décide, mais c'est...

  • Speaker #1

    Tu lances une invitation.

  • Speaker #0

    C'est à toi qu'il faut dire ça.

  • Speaker #1

    L'étudiant, c'est déjà bien rempli, mais tu peux lancer une invitation.

  • Speaker #0

    Je peux inviter ? Non, le problème, c'est que ceux que j'aimerais voir sont... malheureusement souvent déjà décédé et donc si à travers ça, à travers une caméra, on était capable de faire revivre des personnes pour les entendre, ça, ça serait merveilleux.

  • Speaker #1

    Et tu penses à quelqu'un en particulier ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnes. J'avais un maître toujours que j'aime beaucoup qui s'appelle Jacques Ellul, qui était un philosophe, qui était un des premiers qui a... était incapable de théoriser sur cette société technicienne, sur cette société où la technique, où les moyens l'emportent sur les objectifs finaux. Et donc, voilà, qui pour moi a été la personne qui m'a amené, je dirais, à penser de manière intéressante et à agir en même temps. Donc, qui m'a à la fois donné l'envie... d'avoir une pensée la plus cohérente possible et d'agir aussi. Après, on peut donner plein de personnages, mais voilà. L'important, c'est de parler de quelqu'un qui, moi, a été mon formateur et que j'ai eu la chance de rencontrer. Et il m'a accompagné dans mes premières années d'engagement par sa pensée radicale.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, José Bové.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    et ses requêtes. Merci pour votre écoute. Retrouvez nos photographies et écrits sur raconte.media ainsi que sur nos réseaux sociaux. Raconte est une création originale d'Anthony Dehé et Michel Bourgeois du studio DB Création spécialisé en design de marques et photographies. Vous avez apprécié cette rencontre ? Partagez-la sur vos réseaux sociaux et laissez-nous une note sur votre plateforme préférée. Cela contribue réellement à la visibilité de Raconte. Une suggestion d'invité ? Écrivez-nous.

Chapters

  • Introduction et présentation de José Bové

    00:05

  • Les origines de José Bové et son parcours jusqu'au Larzac

    01:13

  • L'engagement contre l'extension du camp militaire du Larzac

    02:12

  • Les années 80 : victoires et luttes pour la gestion des terres

    04:21

  • L'engagement syndical et les combats internationaux

    07:45

  • L'impact de l'OMC et la lutte contre la malbouffe

    20:02

  • Réflexions sur les mouvements actuels et l'engagement des jeunes

    27:40

  • De militant à homme politique : le parcours de Bové

    36:30

  • Conclusion : le film "Une affaire de principe" et l'héritage de José Bové

    43:31

Description

Quel est le point commun entre le McDonald's de Millau, le Parlement européen, et le plateau du Larzac ? 🤔

Au tournant du millénaire, cet homme a incarné la lutte altermondialiste. Lui, c'est José Bové. Un homme que rien ne prédestinait à devenir ce qu'il est aujourd'hui. N'étant pas issu du milieu agricole, il s'est pourtant imposé comme une figure emblématique, à la fois sur la scène internationale et médiatique, allant jusqu'à se présenter à l'élection présidentielle française. 🌍

Dans ce nouvel épisode, nous avons eu l'occasion de revisiter son parcours exceptionnel et de décrypter les événements clés qui ont forgé cet homme au caractère inspirant, à travers ses luttes continues. 💪


Dans cet épisode captivant de "Raconte", nous avons l'honneur d'accueillir José Bové, une figure emblématique de l'activisme et de la lutte pour la justice sociale. À travers son récit inspirant, Bové nous plonge dans son parcours, de son enfance près de Bordeaux à son installation sur le plateau du Larzac, où il s'est engagé contre l'extension d'un camp militaire, un acte qui a marqué le début de son implication dans le mouvement altermondialiste. Ce témoignage puissant nous rappelle l'importance de l'engagement collectif et des actions concrètes pour bâtir un monde plus juste.


Au fil de la conversation, José Bové partage ses réflexions sur l'activisme, l'agriculture durable et la nécessité de défendre nos valeurs face aux défis contemporains. En tant que membre actif de la Confédération paysanne, il évoque ses combats acharnés contre les OGM et la malbouffe, des enjeux qui touchent chacun d'entre nous au quotidien. Son expérience en tant que député européen enrichit également notre compréhension des luttes menées à Bruxelles pour défendre les droits des agriculteurs et promouvoir des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.


L'épisode aborde également la montée de la mobilisation des jeunes pour le climat, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Bové souligne l'importance de cette nouvelle génération d'activistes, qui incarne l'espoir et la détermination nécessaires pour affronter les défis environnementaux actuels. Il nous rappelle que la lutte pour la justice sociale et environnementale est un combat continu, qui nécessite solidarité et persévérance.


En conclusion, José Bové partage ses réflexions sur la peur et l'engagement, nous incitant à vivre en cohérence avec nos valeurs. Cet épisode de "Raconte" est une véritable invitation à la réflexion et à l'action. Que vous soyez déjà engagé dans des luttes sociales ou simplement curieux d'en apprendre davantage sur ces enjeux cruciaux, cet échange avec Bové vous inspirera à prendre part à ce mouvement pour un avenir meilleur. Ne manquez pas cette occasion de découvrir un témoignage riche d'enseignements et d'émotions, qui vous incitera à réfléchir à votre propre engagement dans la société. Écoutez dès maintenant cet épisode passionnant et laissez-vous porter par les mots d'un homme qui a fait de son combat une véritable vocation.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je dirais que ce n'est pas mon tempérament de fixer des divines, ce n'est pas ça la question. Ce qui est intéressant, c'est de construire des mobilisations, si on est convaincu qu'une clause en vaut la peine, et d'essayer d'avancer pour gagner le combat.

  • Speaker #1

    Imaginez un monde où chaque histoire trouve sa voie, où chaque talent éclaire notre époque. Raconte est un média digital natif à l'écoute de notre temps. Les interviews grand format sont le premier chapitre de l'univers raconte. Écoutez-les en podcast, visionnez-les en vidéo et préservez-les grâce à nos publications imprimées collector. Notre passion pour l'image est infinie. Raconte, c'est le fond avec la forme. Préparez-vous à voyager au-delà des horizons connus. aux côtés de celles et ceux qui les redéfinissent. Bienvenue dans l'Odyssée raconte. Raconte la rencontre.

  • Speaker #2

    Bonjour José Bové.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Ça va pas mal. Ça pourrait être pire.

  • Speaker #2

    Ah bon ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il pourrait pleuvoir.

  • Speaker #2

    On est à l'intérieur, donc ça va.

  • Speaker #0

    Ça va, il y a un beau ciel, tout va bien.

  • Speaker #2

    C'est vrai que tu connais un peu Bruxelles en même temps.

  • Speaker #0

    Ça va, j'ai vécu quelques années, 10 ans. Puis je connaissais avant aussi, donc ça, voilà. Je ne suis pas surpris quand je reviens ici.

  • Speaker #2

    Mais justement, en parlant d'avant, d'où tu viens ?

  • Speaker #0

    D'où je viens ? C'est une longue histoire, une vieille histoire maintenant à force. Je suis né à côté de Bordeaux. J'ai vécu ensuite quelques années aux États-Unis avec mes parents, dans les années 50, au milieu des années 50, et je suis revenu en France à 7 ans. Et voilà, et donc là après, j'ai habité avec eux dans la région parisienne, parce qu'ils travaillaient là-bas, et voilà. Et à 20 ans, je me suis installé sur le Larzac. Donc ça fait maintenant plus de 50 ans.

  • Speaker #2

    Justement, par exemple... de ton installation dans le Larzac.

  • Speaker #0

    Sture, le Larzac. Je ne vis pas dans les grottes.

  • Speaker #2

    Tu es un homme de la terre, pourtant.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans la terre, tu n'es pas obligé de vivre dans la grotte.

  • Speaker #2

    Justement, comment tu es arrivé au Larzac ? Il y a un élément déclencheur par rapport à ça ?

  • Speaker #0

    C'est assez simple. Moi, je suis, à ce moment-là, je suis objecteur de conscience. C'est-à-dire que je refuse de faire le service militaire. Je suis engagé dans un mouvement contre la bombe atomique et donc je suis très actif dans ce mouvement. C'est à ce moment-là que l'extension du camp militaire du Larzac est décidée par le ministre des Armées français et donc là... Un mouvement se met en route et donc j'y participe naturellement et je viens faire des chantiers sur le Koss. Et en 1975, je peux m'installer. Les paysans me donnent l'autorisation d'occuper illégalement une ferme dont le propriétaire a vendu les terres à l'armée. Et donc c'est comme ça que je m'installe avec ma famille dans le hameau de Morodon qui est au nord-est du Larzac. Et donc c'est toujours là où j'habite aujourd'hui. pas dans la même maison parce qu'elle était liée à la ferme, mais c'est là où on a pu construire ensuite notre maison pour y rester.

  • Speaker #2

    Tu étais un peu zadiste avant l'heure en fait ?

  • Speaker #0

    Le mot n'existait pas encore vraiment. On disait squatteur à l'époque, il n'y avait pas de... Zadiste n'existait pas comme mouvement donc on était squatteur. Il y avait relativement peu de squatteurs parce qu'il fallait que le mouvement reste assez bien organisé donc les paysans ont autorisé donc on a été à peu près en tournée. peut-être sept familles à s'installer dans ces années-là sur le plateau pour participer à la lutte et ensuite pour construire l'avenir.

  • Speaker #2

    Ok. Et comment ça s'est déclenché, ça ? Comment tu as décidé d'aller au Larzac ? C'est une rencontre ? Il y a un élément déclencheur ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est un engagement. C'est un engagement pour soutenir ce combat et pour essayer d'empêcher l'extension du camp militaire, ce qui a quand même réussi en 1981, puisque le camp, le projet a été abandonné. Mais je dirais que c'est à la fois le... Cette envie, cet engagement et puis en même temps la découverte d'un territoire incroyable, de paysages assez particuliers en France. Ce sont les Larzac, mais il y a d'autres causes comme le Côte Noire, le Côte Méjean, le Côte de Sauve-Terre, qui sont des hauts plateaux avec des grandes vallées entre, comme la vallée de la Dorbie ou la vallée du Tarn. Et ça fait des paysages avec une vue très lointaine. Et c'est peut-être la... L'enfance aux Etats-Unis qui m'ont donné le goût de cette... de ces grands paysages et donc c'est là où je me suis retrouvé le plus à ressentir ce que j'avais pu ressentir enfant et quand on sort de la maison c'est vrai que on a une vue à plus de 100 km de distance quoi donc c'est vrai que j'ai beaucoup de mal ensuite à vivre dans des endroits fermés dans des villes ou même dans des paysages où on ne peut pas voir l'horizon tu viens de parler de ton enfance

  • Speaker #2

    Comment tu étais enfant ou ado ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas ce que ça veut dire ça.

  • Speaker #2

    Ton trait de caractère à l'époque, tu étais quel genre d'enfant ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, moi ça dépend. Rien de vraiment spécial, si ce n'est que oui, il y avait pas de... Non, il y a des choses que je refusais, et quand je refusais, je refusais. Donc c'est vrai que j'ai peut-être aussi ce caractère à être capable de dire non et à assumer pourquoi je dis non. Et j'ai eu la chance d'être soutenu par mes parents, surtout ma mère. Chaque fois, j'ai pu avoir des conflits en disant non. Ma mère a toujours été là à partir du moment où je pouvais expliquer et dire pourquoi je disais non. Je crois que ça, ça a été une grande force d'être soutenu dans ces moments d'opposition, que ce soit au niveau de l'école ou encore après.

  • Speaker #2

    Donc déjà à l'école, en fait, tu me disais un petit peu ?

  • Speaker #0

    Je ne me disais pas, je m'affirmais.

  • Speaker #2

    Ok.

  • Speaker #0

    Il y a des choses que je ne supportais pas, donc comme je ne les supportais pas, je disais non.

  • Speaker #2

    Et par exemple quoi ?

  • Speaker #0

    Par exemple, ce sont des choses toutes simples d'enfants. C'est faire la sieste quand vous n'avez pas envie de la faire. Si vous n'avez pas envie de dormir, vous n'avez pas envie de dormir. La maîtresse, c'est dans les toutes petites classes, qui vous oblige à refaire un dessin parce que le dessin n'est pas conforme au dessin qu'elle voulait que ce soit. Décrir un animal, par exemple un écureuil avec une queue relevée, alors que quand il traverse et qu'il court, l'écureuil a une queue droite. Ça, c'est idiot de vouloir faire ça à un enfant. Donc j'ai dit non. Ma mère a été convoquée et on s'est retrouvés là encore devant une nouvelle explication et je n'ai pas cédé.

  • Speaker #2

    Bien, bien. Ça donne déjà un peu les traits de caractère du personnage que tu allais devenir en fait.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si c'est le personnage, en tout cas de ma personnalité, ça c'est sûr.

  • Speaker #2

    Et quand tu arrives, on va revenir au Larzac, quand tu arrives là-bas, qu'est-ce que tu fais au début ? Tu arrives dans cette ferme, elle est plus ou moins abandonnée, tu la retapes, tu fais quoi ?

  • Speaker #0

    C'est des longues années parce qu'à la fois il faut s'installer. vivre au quotidien et participer effectivement au combat qui à ces moments-là est important. Donc c'est beaucoup de temps passé, c'est beaucoup de temps en réunion, mais aussi en marche, en tout type de manifestation. Donc tout est assez compliqué, il prend beaucoup de temps, parce que dans la ferme qu'on habite, il n'y a pas l'eau, il n'y a pas l'électricité, il n'y a pas le téléphone, il n'y a pas de route. Donc tout ça a été... disons orchestré pour que les gens ne restent pas. C'est pour ça qu'il n'y a aucune infrastructure. Et donc il faut apprendre à vivre de cette manière-là, faire en sorte qu'on puisse vivre en famille avec des enfants, même dans ces situations les plus difficiles. Et puis c'est la mise en place du troupeau, des activités qui permettent là aussi de vivre de son travail. Donc tout se fait en même temps. Et donc c'est vrai qu'avec le recul, tout ça est assez dense comme vie. Au seul moment quand on le vit, les choses passent bien.

  • Speaker #2

    Vous étiez presque un peu en autosuffisance en fait ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'on est sur un endroit dur. Le Kos, on est à 800, presque 900 mètres d'altitude. La végétation est difficile, le temps est quand même rude, avec des hivers assez longs et l'été très chaud, donc pas beaucoup d'eau. Donc non, on ne peut pas, ce n'est pas une terre de maraîchage, on peut faire un potager, mais peu. Donc c'est de l'élevage, c'est surtout l'élevage de brebis, principalement pour le lait, le fromage, la transformation. Donc ça c'est ce qui permet effectivement de tirer un revenu, qui permet de vivre. Mais c'est difficile en même temps parce que chaque matin on peut être expulsé, dans la mesure où on occupe des terres dont l'armée revendique la propriété.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire que c'est des paysages assez durs, assez rudes, dans un climat... pas forcément facile pour les cultures. Est-ce que tu crois que ce type de paysage forge des caractères forts ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je dirais que pour habiter sur le plateau, il faut avoir et le coup de foudre, et l'envie d'accepter ce genre de végétation. de roche parce que c'est très minéral comme paysage. Et donc si on n'est pas attiré par ce type de paysage, je pense qu'on n'en reste pas. D'ailleurs c'est pour ça que la densité de population est assez faible parce que c'est un paysage rude. On est à peu près 3 habitants au kilomètre carré, donc ce n'est pas beaucoup non plus. Mais voilà, donc je dirais qu'il faut être en adéquation avec le lieu.

  • Speaker #2

    Après t'être établi, etc., vous avez commencé à vivre sur place, à installer les troupeaux, etc. Et là, tu es devenu vraiment militant de manière très active. Comment ça s'est dessiné, ça ?

  • Speaker #0

    Non, je l'étais quand je me suis installé. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est arrivé pendant ou après. Non, c'était vraiment... Si je me suis installé, l'installation en elle-même était anacte. militant parce que c'était effectivement à la fois illégal et donc un acte, un endroit où je me suis installé était un lieu stratégique pour l'extension du corps militaire donc en un instant là c'était clairement poser un acte concret mais pas seul avec l'ensemble des paysans qui étaient autour donc voilà donc c'était un engagement mais il y aurait que ça la victoire Contre l'extension du camp militaire en 1981, quand François Mitterrand est élu, permet de concrétiser non plus le non à l'extension, mais le oui à une nouvelle forme d'organisation de la gestion des terres, le fait qu'on puisse organiser sur un espace de plusieurs milliers d'hectares, près de 8000 hectares, une gestion du foncier, vraiment au service à la fois des paysans et qui... permet l'installation, parce que l'un des grands drames de l'agriculture, c'est le nombre de jeunes qui s'installent, qui est en très grande diminution année après année, alors que là, sur notre territoire, on a pu augmenter la population agricole de 25%. Et donc depuis, depuis plus de 40 ans maintenant, cette population ne diminue pas, on a toujours plus de candidats que de terres à disposition pour installer des jeunes. Donc ça, c'est quand même une... Comment dire, une concrétisation. C'est-à-dire qu'il faut dire non, mais en même temps, en ayant une proposition alternative, concrète, qu'on peut mettre en place. Et ça a été tout ça, un peu l'enjeu de l'après 81 sur le Larzac.

  • Speaker #2

    Justement, par rapport à cette proposition, comment vous avez été reçus par les locaux quand vous vous êtes installés ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il n'y avait pas de soucis dans la mesure où notre installation se faisait avec eux. C'est-à-dire que c'est pas que, contrairement souvent à des mouvements qui vont faire une occupation, on dit une ZAD aujourd'hui, nous c'était intégré au mouvement, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas s'installer si on n'était pas accepté, si c'était pas le mouvement qui décidait de nous donner l'autorisation de nous installer. Parce que toute installation pouvait aussi mettre en péril la stratégie globale. de lutte, donc ça se faisait en accord. Donc à partir du moment où on était installés, ça veut dire qu'on était aussi défendus, s'il y avait une intervention de l'armée ou de la police pour nous chasser, on était défendus, donc il fallait vraiment être complètement en adéquation, et ça c'est quelque chose qui est important. Donc je n'ai jamais été dans cette situation de confrontation, mais plutôt au contraire de solidarité, et après... On a construit ça ensemble et quand on lutte pendant des années ensemble, ça finit par faire une famille.

  • Speaker #2

    Et cette famille s'est développée, beaucoup de gens sont venus vous rejoindre, etc.

  • Speaker #0

    Mais il y a eu beaucoup de monde pendant les rassemblements, pendant des grands événements sur le plateau. Mais le nombre d'habitants a relativement peu évolué, on est très peu. Au début, le Larzac, la lutte concerne 103 familles, aujourd'hui on est peut-être 130 familles. ou 140 maximum, donc c'est pas... ça n'a rien à voir, c'est... Le Larzac n'a rien de folklorique, n'a jamais été une espèce de Woodstock permanent, où ça, ça a été dans le mythe des journaux de raconter des choses sur des moments où il y a des grands rassemblements qui durent deux ou trois jours, et où là on peut être effectivement des dizaines de milliers, mais ce sont des moments très particuliers, très singuliers, où comme dans les marches, quand on arrive, quand on marche à pied à Paris, là... il y a 100 000 personnes à l'arrivée, donc c'est des choses très particulières sur des moments précis, mais pas du tout sur la vie quotidienne. Donc il y a eu beaucoup de mythes qui ont été... qui ont été racontées sur le Larzac, on fait beaucoup fantasmer avec cette phrase, notamment complètement débile et idiote, pour définir en gros le début des années 70, soit les gens s'engageraient, soit ils allaient élever des chèvres sur le Larzac. D'ailleurs, ils disaient dans le Larzac, qui était déjà la faute, et en plus élever des chèvres, alors qu'il n'y a pas de chèvres, il y a juste un troupeau de chèvres d'un agriculteur, il n'y a jamais eu plus de chèvres. C'est toujours un pays de banlieue. Donc ça, c'est une image de fantasme, mais qui continue à exister aujourd'hui, comme une tant que... Sauf que c'est complètement faux. C'est peut-être le seul endroit entre les Cévennes et les Pyrénées où, justement, il n'y a pas eu d'installation de communautés ou de groupes de ce genre-là dans les années 70.

  • Speaker #1

    Raconte. Le média intimiste, mais pas indiscret.

  • Speaker #2

    On avance un peu dans le temps, on passe maintenant dans les années 80. Comment elles se passent pour toi les années 80 ?

  • Speaker #0

    Les années 80, c'est les années de construction, c'est les années où on a gagné la lutte contre l'extension du camp militaire. Donc on met en place tous les outils de gestion de la terre. Donc ça c'est important et c'est ce qui permet ensuite d'installer. Donc ça c'est un long travail qu'on fait avec les ministères, avec... Voilà l'administration pour obtenir cette possibilité de gérer nous-mêmes. L'État nous confie la gestion de toutes les terres qui avaient été expropriées pour faire le camp. Il nous les a confiées par bail amphithéotique. Donc ça veut dire qu'on a tous les droits du propriétaire. Et donc tout le monde est propriétaire collectivement et individuellement est locataire des terres. Donc c'est une construction juridique. qui permet justement d'avoir une autonomie complète sur cette gestion sans que ce soit l'État qui s'en occupe. Donc ça, je dirais que ça nous... c'est vraiment... ça s'est pris énormément de temps. Et ensuite, c'est en parallèle la naissance de la Confédération paysanne, un travailleur paysan avant qui a précédé, puis la Confédération paysanne est le début de l'engagement aussi, de la lutte dans le cadre du soutien aux... aux producteurs qui font du rock fort donc là je suis très engagé et voilà là ça démarre vraiment la période je dirais syndical de mes engagements c'est à cette période que tu deviens une personnalité grand public partout en france et même à l'étranger pas vraiment dans les années 80 on va dire plutôt que c'est dans les 90 parce que tout ça ça prend là aussi beaucoup C'est beaucoup d'engagement, beaucoup de déplacements à Paris, à Bruxelles, dans le cadre du syndicat, par rapport à la politique agricole européenne. Donc tout ça, c'est énormément de temps, de relations qui se nouent. Et le début du combat contre, à l'époque, le GATT, qui était l'accord sur le commerce international et les droits de douane, qui intègre au milieu, à partir de 1986, les... l'agriculture et les services dans ces négociations commerciales. Et ça donne naissance évidemment en 1995 à l'Organisation Mondiale du Commerce. Donc tout ça est une véritable rupture avec l'ensemble de la régulation de l'agriculture et des marchés agricoles. Et donc voilà, là c'est le début d'un autre combat, d'un combat au niveau international. et qui nous amène à la fois à rencontrer beaucoup de gens, mais aussi à se défendre localement, parce qu'avec toutes les crises sanitaires qu'il y a eu, on est arrivé à faire interdire les hormones dans l'élevage. Et quand les États-Unis décident d'importer, avec la naissance de l'OMC, d'exporter en Europe du bœuf aux hormones, on dit non, l'Europe dit non, et on est condamné par le tribunal de l'OMC qui donne l'autorisation. aux États-Unis de surtaxer le Roquefort à 100% quand il arriverait aux États-Unis. D'où le démontage du McDo qui est en fait le symbole du fast-food. Mais une autre chaîne, ça aurait été la même chose, mais c'est à ce moment-là que se construit ce fast-food. Donc voilà, il y a une confrontation entre d'un côté une agriculture traditionnelle avec des produits d'appellation. d'origine face à une agriculture industrielle et de l'alimentation standardisée. Donc voilà, c'est ce démontage qui catalyse cette nouvelle résistance internationale qui donne naissance à l'alter mondialisme. Et voilà, ce démontage devient le symbole avec évidemment tout ce qui s'est passé ensuite.

  • Speaker #2

    Tu le dis parfaitement, tu deviens un symbole à ce moment-là.

  • Speaker #0

    C'est le montage qui est le symbole, mais pas... Je deviens le symbole dans le symbole, ou peut-être le porte-parole qui incarne le mouvement dans la mesure où je suis un... incarcéré pendant plus d'un mois, je refuse de payer la caution, donc tout ça devient quelque chose de... et ce sont des petits paysans américains qui payent la caution pour que je sorte de prison. Donc tout ça crée évidemment une situation et puis une dynamique tout à fait nouvelle.

  • Speaker #2

    Tu viens justement de parler de ce fameux McDo à Mio et de ton emprisonnement. Donc là tu vas dire que tu es un peu jusqu'au boutiste dans ton combat et à juste titre. Tu arrives en prison, qu'est-ce que tu te dis ? J'ai été trop loin ou au contraire j'ai gagné ? Quel est ton ressenti à ce moment-là quand tu arrives le soir même à la prison ?

  • Speaker #0

    Quand je me rends à la justice et que la juge me dit qu'elle me met en prison préventive, le temps qu'elle mène son enquête, etc. Je lui demande si elle est vraiment sûre, si elle a bien rempli tous les documents, et je lui demande si elle est vraiment sûre de ce qu'elle a fait. qu'elle fait, évidemment qu'elle me dit oui, et donc je lui demande de lui serrer la main, donc elle me serre la main, elle ne comprend pas bien, et je la remercie, je lui dis là vous venez de nous faire gagner 10 ans, parce qu'effectivement en rentrant rentrant dans ce processus d'incarcération, ça fait une caisse de résonance formidable. Donc pour moi, aller en prison n'est pas du tout comme si je sortais du paysage. Au contraire, ça accentue la mobilisation. Donc la prison fait partie de l'action. Et c'est donc pas du tout, moi je ne le vis pas du tout comme quelque chose de, comment on peut dire ça, d'inacceptable ou comme si j'ai...... comme quelque chose d'angoissant, mais au contraire, c'est une autre façon de participer au combat. Et évidemment, ça amène des centaines de personnes, des milliers de personnes devant la prison, puis ensuite, ça crée une dynamique incroyable qui fait que dès que je sors de prison, on annonce qu'on part deux mois après à Seattle pour le rassemblement contre l'OMC, qui a lieu au mois de novembre 1999. Donc il y a une dynamique qui se construit et donc se démontre. a permis aux gens de comprendre que c'était pas juste des choses abstraites, des lignes de compte, mais que c'était quelque chose qui rentrait dans leur vie quotidienne. Comme on a souvent dit, l'OMC on en mange trois fois par jour chaque fois qu'on s'en met à table. C'est à dire que tous les produits qui arrivent, toute la logique industrielle, toute la logique de la circulation de l'alimentation à travers la planète, on l'a trois fois dans son assiette tous les jours. Donc les choix choix qu'on fait détermine aussi ce qu'on peut transformer au niveau international.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire, est-ce que manger, c'est voter ?

  • Speaker #0

    Je dirais qu'on participe et que c'est clairement un choix politique. Manger, c'est se nourrir, la façon dont on se nourrit, c'est poser un acte politique.

  • Speaker #1

    Raconte, où chaque format donne vie à une histoire.

  • Speaker #2

    quand tu étais on va dire au moment très fort de toutes ces actions tu es vraiment sur dans tous les médias etc donc on est on est autour de l'an 2000 toujours par rapport à ce mcdo et aux événements qui vont suivre est ce que tu t'es dit un moment il ya une limite à mon combat ou pas

  • Speaker #0

    Je dirais que ce n'est pas mon tempérament de fixer des limites, ce n'est pas ça la question. Ce qui est intéressant, c'est de construire des mobilisations, si on est convaincu qu'une cause en vaut la peine, et d'essayer d'avancer. gagner le combat. Alors parfois on peut gagner globalement, parfois c'est un combat particulier, mais ce qui est important c'est de démarrer. Par contre le temps que ça va prendre, ça on est incapable de le savoir. Toutes les Les batailles de l'ARZAC, ça a duré 11 ans. Quand on s'est battu contre les OGM en France, avant qu'on gagne la première manche en 2008, ça a mis là aussi 12 ans, etc. Donc souvent, les combats sont longs. On ne le sait pas au départ. On démarre et puis voilà. Il faut rester chaque fois bien clair par rapport à son objectif et de mettre les moyens nécessaires pour gagner. Mais c'est un engagement en soi.

  • Speaker #2

    Tu viens de dire que c'est plusieurs combats qui se sont passés dans le temps. Quand tu as gagné le premier grand combat étant le Darzak, est-ce que d'un moment tu t'es dit, c'est bon, on a eu gain de cause, on a gagné, tu aurais pu rester là en étant tout à fait satisfait, mais non, tu as repris d'autres combats, tu as continué. Tu vois ça un peu comme des rounds à chaque fois.

  • Speaker #0

    Je dirais que les choses s'en suivent. On gagne le Larzac, donc on empêche ce projet destructeur, mais on construit une alternative avec l'installation de nouveaux paysans, avec nos outils fonciers. Puis après, avec le syndicalisme, on est sur une autre forme de défense d'un territoire, mais par l'économie. Et là aussi, c'est important de mener la bataille. Et ça, ça nous amène en même temps... à l'OMC, à la malbouffe, comme on l'appelle à ce moment-là. Et puis de là, ça amène aussi à ce qui se passe dans les champs, comment les semences, nos semences vont être privatisées par des firmes. Donc c'est le combat des OGM et donc de la biodiversité aussi. Et donc je dirais que les choses s'emboîtent et avancent au fur et à mesure. Donc c'est même pas, on réfléchit pas en se disant qu'est-ce qu'on a envie de faire. Non, c'est une cohérence, une logique. À partir du moment où on est engagé dans un type de mouvement avec une forme d'action, effectivement, on essaye d'avancer pas à pas. Mais parfois, il y a des choses auxquelles on ne s'attend pas qui arrivent et auxquelles il faut faire face, comme au milieu des années 2000, 2010, quand on apprend que... Le gouvernement est en train de donner des autorisations pour faire des forages, pour chercher du gaz de schiste à côté de chez nous, sur la commune où on a la ferme. C'est un grand permis. C'est en train de se passer au niveau français dans plusieurs endroits, mais aussi au niveau européen, en Pologne, en Angleterre. Donc ça devient une autre mobilisation, mais qui est toujours liée à la défense d'un territoire et en même temps de... Voilà, si on fait de la fracturation hydraulique pour chercher ce gaz, ce sont les nappes phréatiques qui sont menacées. En plus, sur des territoires où il n'y a pas d'eau, c'est effectivement quelque chose qui marque et qui amène tout le monde à se mobilier. Donc, je dirais que c'est une acuité à la fois... à la réalité de ce qui se passe et à laquelle on ne peut pas être indifférent et donc on se mobilise. Et donc ça, c'est un peu la cohérence de ces actions les unes qui s'emboîtent les unes dans les autres et qui au final, quand on les regarde avec un peu de recul, ont un sens assez logique au final.

  • Speaker #2

    Une filiation, vraiment.

  • Speaker #0

    Oui, on peut dire ça.

  • Speaker #2

    Parce que tu pars, au début le combat c'est contre l'extension de l'armée, du camp, et après c'est les pétroliers. Donc il y a toujours un ennemi qui est là en embuscade, si je puis dire, à défier.

  • Speaker #0

    Alors à la fois, il y a un combat, alors un ennemi, est-ce que c'est vraiment le terme, est-ce que c'est pas vraiment la guerre non plus ? Il faut essayer, un adversaire en tout cas c'est sûr, et donc il faut essayer de gagner ça. Mais toujours avec le... L'idée de... c'est-à-dire que le combat n'a de sens que si on a l'alternative en vision en même temps, et si ensuite on essaye de la mettre en œuvre. contre l'extension du corps militaire. Après, une fois qu'on a gagné, on peut installer de nouveaux paysans et donc occuper mieux cet espace. Si on se bat contre la malbouffe, c'est quel mode d'agriculture ? Comment réduire les pesticides et comment avoir une agriculture ? Voilà, aller vers l'agriculture biologique ou d'autres, mais qui respecte le sol. Donc, je dirais que c'est ça aussi. et puis avoir des circuits d'alimentation différents que faire des grandes navigations d'un continent à un autre qui n'a pas de sens. Donc ça c'est l'alternative en même temps, où les OGM c'est des semences paysannes, et la fracturation hydraulique c'est aussi d'autres énergies que les énergies fossiles. Et donc chaque fois, il faut qu'on... Je pense que ce qui peut faire aussi la cohérence, c'est d'avoir en permanence une alternative. C'est pas dire non pour dire non, mais c'est dire non parce que... on ne peut mettre en place un projet alternatif et c'est ce qui donne du sens au combat. C'est-à-dire que le combat n'est pas simplement un rejet, un refus, mais aussi une affirmation constructive. On peut dire un refus constructif.

  • Speaker #1

    En parlant de constructif, depuis quelques années, la jeune génération est très engagée et aussi beaucoup de femmes parmi elles. Quel est ton regard sur les réactions des jeunes pour le climat, Greta Thunberg, Camille Etienne ? C'est un peu finalement, on peut aussi voir une filiation avec Técomba.

  • Speaker #0

    Alors, moi je trouve que toute cette génération qui est montée autour du climat, de la lutte contre le réchauffement climatique, je pense que c'est quelque chose d'intéressant parce que ça a été très large et on peut dire que c'est un peu le même type de mouvement qui était né il y a 20 ans avec l'altermondialisme, c'est quelque chose qui a recouvert le... L'ensemble des pays, de manière assez rapide et assez fulgurante, avec des naissances de personnes qui ont incarné ces combats, qui ont mélangé à la fois des militants et beaucoup de jeunes, et en même temps des scientifiques. C'était assez intéressant ce mélange entre le GIEC et les mobilisations de jeunes. Donc ça crée à la fois des mouvements de masse, et puis des actions de protestation pour essayer d'alerter. des images de colère. Donc c'est vrai que ça, par exemple, comme ce qu'ont fait Extinction Rebellion ou d'autres, quand ils ont aspergé des vitres de peinture en se demandant si la représentation de la nature était plus importante que la nature elle-même. Donc ça, voilà, et puis ça crée de la polémique, du débat. Ce sont des actions uniquement symboliques de dénonciation, mais qui sont importantes dans la naissance d'un mouvement pour comprendre pourquoi. Et puis petit à petit, on voit... qu'il y a de plus en plus d'actions très concrètes pour bloquer tel projet industriel d'extraction de charbon comme en Allemagne, ou de projet pétrolier, de dénonciation des multinationales. Et donc là, ces mouvements, ces structures avancent. Alors le problème, c'est qu'on est toujours en train de courir derrière la catastrophe, parce qu'effectivement, le réchauffement climatique est devenu le combat central, non pas pour le principe, pour le plaisir de... d'essayer de le focaliser, mais simplement ça organise tout ce qui va se passer dans les dizaines d'années à venir, entre l'invivabilité de certaines zones sur le planète, la fin de l'agriculture, les populations ne pourront pas vivre, donc partant, étant obligé de traverser la Méditerranée pour ce qui nous concerne, mais c'est très vrai dans toute l'Asie, et donc là ce sont des mobilisations. des populations qui vont être obligées de migrer partout, donc ce n'est pas du tout évident, et puis c'est en même temps des conditions de vie de plus en plus dures, donc tout ça crée effectivement une situation qui oblige à repenser globalement les grands équilibres. Donc je dirais que cette mobilisation est pour moi à la fois la continuité dans une prise de conscience qu'on vit sur une seule planète et que dont tout... tout ce qui se passe dessus est interconnecté dans ses conséquences. Et donc, il faut agir à ce niveau-là. Donc, c'est cette continuation-là. Et en même temps, c'est un stade aussi plus global qu'on avait dans nos réflexions, mais plutôt dans des groupes réduits sur à la fois les risques de la fin des ressources naturelles et en même temps les conséquences de leur utilisation de plus en plus importantes. Et voilà, donc ces mouvements aujourd'hui sont en train de concrétiser ça, avec la grande difficulté pour ces associations, ces mouvements de la société civile, de pouvoir créer le rapport de force avec les gouvernements ou les institutions. Et là on voit qu'il y a énormément de freins, de lobbies qui sont là en face pour essayer d'empêcher effectivement qu'il y ait une transformation radicale. des institutions et des modes de production, des modes de consommation. Voilà, donc là effectivement c'est le combat maintenant, je dirais, le plus important.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui te fait peur en fait, à titre très personnel ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, je dirais que c'est quelque chose qui ne m'anime pas, je ne suis pas animé par des peurs qui me bloquent.

  • Speaker #1

    Tu n'as pas de croyance imitante ?

  • Speaker #0

    Je dirais que rien ne me fera... Je n'ai pas peur des conséquences dans un engagement de ce qui peut arriver ou m'arriver. Je vais plutôt réfléchir pour comment faire en sorte que les choses puissent avancer et être efficaces. Voilà, donc non, je n'ai pas de peur personnelle par rapport aux conséquences. qui peut y avoir. Donc voilà, non c'est pas du tout quelque chose qui m'anime et qui est un frein ou un moteur en tout cas, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Tu fais passer la cause avant ta personne. Non,

  • Speaker #0

    c'est pas ça ce que je suis en train de dire. C'est que l'engagement est important mais que l'engagement n'est pas lié. L'engager, dire la peur, quand on est habité par la peur, on est bloqué, on peut pas agir. Donc là, je dirais que la première chose à faire, le premier travail sur soi-même à faire, Quand on commence un engagement, qu'on pense qu'il faut faire quelque chose, c'est d'abord de vaincre ses propres peurs pour ne pas être encombré par les peurs, parce que les peurs annihilent tout. Donc on n'ose pas agir, on n'ose pas se montrer, on n'ose pas parler, etc. Donc voilà, ça c'est effectivement quelque chose qui arrête les gens. Mais je pense que... Il faut dépasser ça et c'est parce qu'on dépasse les peurs qu'on est capable de faire des choses.

  • Speaker #1

    Ça serait quoi ton conseil pour les jeunes militants actuels ?

  • Speaker #0

    Peut-être que le premier... Non, ce que je leur dirais, c'est après la prise de conscience, après la colère... Contre ce qui est en train de se passer, contre l'avenir qui semble de plus en plus bouché, il faut passer le pas et rentrer dans l'engagement. Et cet engagement, ce n'est pas simplement se battre sur une cause, mais je dirais que ça engage sa vie aussi entière par rapport au mode de vie. Et ça, ça me paraît important. L'engagement et la façon de vivre sont deux choses inséparables.

  • Speaker #1

    On va en revenir un peu plus loin dans ta carrière. Il y a un point pivot assez important, c'est que tu es passé de militant à homme politique. Tu étais candidat à la réaction présidentielle et tu es devenu eurodéputé par la suite. Comment on vit un changement comme ça où tu passes du militant au gouvernant ?

  • Speaker #0

    Pour moi, je n'ai pas vécu de... Je ne l'ai pas vécu comme quelque chose de changé d'engagement. C'est-à-dire que je l'ai vécu comme une continuation des combats que j'ai pu mener en tant que syndicaliste ou dans la société civile. Les élections présidentielles arrivent à un moment où, c'est vrai qu'il y a les carcans des partis politiques sont tels, qu'il n'y a pas d'expression forcément. de candidats qui représenteraient une alternative sans être enfermés dans la logique des partis. Et donc ma candidature, qui est une candidature dont on sait très bien qu'elle n'ira pas, qu'elle ne fera pas un score parce que c'est tellement en cours, c'est tellement avec peu de moyens, mais le pari c'est de montrer qu'on est en capacité avec des collectifs de citoyens de construire déjà la possibilité de se présenter, donc d'avoir... les 500 signatures nécessaires en France pour se présenter. Donc c'est déjà un pari en soi de réussir à faire ça, ce qu'on arrive à faire. Donc voilà, je dirais que c'est le point de départ aussi d'une idée qu'on peut s'engager sans être dans une logique de parti au sens traditionnel du terme. Et ça, je dirais, c'est 2007. Et en 2008, là, avec Danny Cohn-Bendit et d'autres, on réfléchit à cette idée de... Parce qu'on a eu ce combat en France qui a été très important en 2005 sur le traité constitutionnel européen où il y a eu une opposition très forte entre le oui et le non et puis c'est le non qui l'a emporté. Et Dany avait défendu le oui, moi j'avais défendu le non et donc j'étais un des porte-parole. Sur les questions économiques notamment, c'était là-dessus le point d'affrontement. Est-ce qu'il fallait accepter, moi je disais non, de faire rentrer dans ce texte constitutionnel européen des réglementations, des directives économiques. Et ça, ça n'avait évidemment pas de sens. Donc un traité constitutionnel, c'est d'abord des valeurs et des modes de fonctionnement de cette démocratie. Et en rien, des règles économiques qui figent complètement à un moment donné. Donc c'est une bataille. Et on décide en 2009 avec Dany de sortir de ce cadre du oui et du non, mais en disant... Le plus important, c'est vers où on veut aller et pas d'où on vient. Donc, notre vision européenne, c'est celle à la fois de cette Europe fédérale, basée sur des valeurs, et en même temps fondée sur le principe dont on parlait tout à l'heure, sur l'écologie et aussi donc par rapport déjà au réchauffement climatique et toutes ses conséquences, donc transformation des modes d'économie, etc. Et là, effectivement, c'est une aventure. On décide ça et moi, effectivement, je m'engage parce que je pense, après mon expérience syndicale, où j'ai souvent été à Bruxelles pour débattre de la PAC, donc je connais aussi ces mécanismes, je pense que c'est le meilleur moyen pour moi de continuer les combats que j'ai menés jusqu'à présent en apportant aussi une autre façon peut-être d'être député européen par rapport à mon histoire, par rapport à mon vécu. Donc voilà.

  • Speaker #1

    C'est très atypique par rapport à tes camarades députés européens, en fait, dans ton profil.

  • Speaker #0

    Je suis un peu atypique, oui, clairement, puisque je ne suis pas adhérent à un parti politique. Je suis ancien syndicaliste, donc bien évidemment, j'arrête, parce qu'il ne faut pas mélanger le syndicalisme avec un poste d'élu politique. Ça n'a pas de sens, quoi. Mais donc voilà, moi j'amène ma pratique et mon expertise, puisque souvent, le politique reproche. aux gens de la société civile ou syndicaliste d'être avec, on leur dénie même souvent la légitimité de pouvoir parler, d'expliquer les choses. Les politiques souvent se croyant au-dessus d'autres formes de représentation et dont le syndicalisme est une des expressions de la société civile. Et donc là, moi j'apporte mon expertise dans une enceinte où, à partir du moment où je suis élu, Je suis reconnu de la même manière et donc c'est assez étonnant mais ça change pas grand chose et donc je m'engage à la fois sur les questions agricoles et sur les questions de commerce international, les accords de libre-échange et tout ça et ça devient donc dans le cadre de mon travail parlementaire mon travail principal.

  • Speaker #1

    Et maintenant que tu es au cœur de la machine européenne, c'est quand même très différent dans ses fonctionnements, les intérêts ne sont pas du tout les mêmes, tu as parlé des obis etc. C'est des choses que tu as vécues. Comment ça se passe très concrètement ?

  • Speaker #0

    Je dirais que les lobbies, je les connais déjà, puisque je m'affronte aux lobbies depuis des années, notamment le lobby agricole, le lobby sur les produits chimiques, l'histoire du glyphosate, l'histoire des OGM, tout ce qu'il y a, voilà. Toutes ces questions-là, donc je suis parfaitement... Je ne suis pas naïf quand j'arrive, je sais très bien comment se construisent les rapports de force, et ce n'est pas du tout une surprise pour moi. Au contraire, c'est pour ça que je prends des modes de fonctionnement qui font que je ne suis pas en contact avec les lobbies, et que je peux justement faire en sorte de mettre une barrière entre cette logique de défense des intérêts privés des entreprises, des intérêts à court terme face à l'intérêt général.

  • Speaker #1

    C'est très présent en Europe. Pardon ? C'est très présent en Europe.

  • Speaker #0

    C'est logique qu'au niveau européen, c'est là où soit les pressions, puisque c'est là où effectivement se décident les lois, pour prendre un mot courant, qui concernent plus de 500 millions d'habitants et qui concernent 27 ou 28 pays à l'époque. Donc c'est logique que ça soit là qu'est lieu la confrontation, parce que la plupart des lois nationales découlent des directives et des règlements européens. Donc c'est important effectivement. de se battre là, parce que c'est là où toute l'influence, et comme le Parlement est assez transparent, effectivement tous les intérêts privés se déversent là. Et donc c'est que petit à petit que les règles se mettent en place pour empêcher ces gens-là de pouvoir corrompre ou de pouvoir influencer de manière néfaste les élus qui sont censés représenter les citoyens.

  • Speaker #1

    On arrive maintenant ici en avril 2024. Il y a un biopic sur une partie de ta vie, une partie très précise vient de sortir. Tu es militant depuis des décennies. Ce n'est pas courant pour des militants d'avoir un biopic, précisons-le, en partie fictionnel. Comment tu vis un truc pareil ?

  • Speaker #0

    Alors, quand je discute avec Antoine Rimbaud, qui est le réalisateur du film Une affaire de principe, dès le début, parce que j'ai écrit ce... C'est le chapitre d'un livre que j'avais fait qui s'appelle All the top à Bruxelles sur toutes mes confrontations avec différents types de lobbies quand je suis élu au Parlement européen. Et de suite dans notre discussion, Antoine me dit mais on ne fait pas un biopic Et moi je dis évidemment on ne fait pas un biopic, ça n'a pas de sens On raconte une histoire d'un lobby qui essaye d'influencer et comment une équipe avec deux, trois députés en soutien et mes assistants, on se bat. contre la Commission, contre le président de la Commission, Barroso, etc. et puis l'OLAF, enfin bref, toutes ces choses-là, à partir du fait du renvoi d'un commissaire européen qui est mon adversaire politique, parce que c'est lui qui défend les OGM, c'est lui qui défend l'alimentation industrielle, donc effectivement c'est mon opposé. Et comme il se fait licencier, et que ça me paraît très bizarre et que j'y crois pas une seconde, c'est ce qui m'amène à faire l'enquête et donc à me retrouver au cœur de ce combat face à l'industrie du tabac, qui n'était pas mon combat principal, puisque c'est une notoriété publique que je fume la pipe et que donc je ne suis pas engagé. Je ne suis pas opposé, au contraire, au combat des associations. Mais disons que ce n'est pas mon engagement principal et ce n'est pas là où je milite ou dans le cadre du Parlement, je fais mon travail. Mais je me retrouve là dans cette histoire et on mène cette bataille. et au final on arrive à découvrir ce qui se passe. Donc je dirais que c'est plutôt un film sur l'engagement, sur la façon de mener un combat dans un cadre très singulier. Et l'idée c'est de montrer comment un député ou un petit groupe de députés peut changer les choses parce qu'ils vont jusqu'au bout du travail dans un cadre tout à fait singulier et particulier qu'est le Parlement européen. Donc c'est un film... on va dire qu'il est beaucoup plus gloire, donc moi je sers de personnel parce que c'est moi qui l'ai vécu, donc Boulie Lanner interprète ce député et construit à partir de là effectivement ce personnage qui résiste. Et bon, je crois qu'Antoine Rimbaud est arrivé à faire quelque chose qui fait que ce n'est pas un film, comme souvent dans les films américains, où on copie la personne jusqu'à la ressemblance. C'est pas du tout ça. Il part de ce que je suis, et à partir de là, Bouli fait cette interprétation incroyable et magnifique qui dépasse, en fait, qui n'est pas une transcription du réel. Donc je dirais que c'est une... Le cinéma permet, au contraire, de faire ressortir dans un temps limité une histoire qui dure presque deux ans et qui, grâce... au talent du cinéaste, devient quelque chose qui peut parler à tout le monde et soit aussi d'autres sujets que ce qu'on va là. Donc c'est plutôt un, l'idée de dire, la démocratie peut gagner contre des volontés privées et en même temps l'engagement est nécessaire. Et l'engagement, ce n'est pas simplement que dans la société civile, mais c'est aussi, on peut être engagé et élu en même temps. Voilà, c'est plutôt cette idée-là qui est lancée, plutôt que de vouloir un film qui soit un film qui retrace un bout de ma vie, parce que ce n'est pas ça l'idée en soi du film, ça va plus loin que ça.

  • Speaker #1

    On arrive tout doucement au terme de cette interview. Je voulais juste te demander encore trois choses. Ton plus beau souvenir, ton pire souvenir, et qui tu voudrais voir dans Raconte ? À ta place.

  • Speaker #0

    Qui j'aimerais voir ?

  • Speaker #1

    Entendre, à ta place aujourd'hui, qui tu veux interviewer, sur la chaise où tu es présent.

  • Speaker #0

    Alors, quel serait mon plus beau souvenir ? J'ai tellement de beaux souvenirs que c'est très... Ça, c'est quelque chose que... Je ne vis pas... Alors, c'est curieux, c'est que je ne vis pas ni dans les regrets de choses que je n'ai pas pu faire, ni dans la... Je ne fantasme pas les plus belles choses. Ce n'est pas quelque chose qui soit de ce... Je ne vis pas dans ce type de rapport.

  • Speaker #1

    Tu n'es pas nostalgique ?

  • Speaker #0

    Ni nostalgique, et je n'ai pas de regrets non plus. J'essaye de vivre ma vie, de construire ma vie. Est-ce que j'ai été au bon endroit au bon moment, qui fait que j'ai pu... Mon énergie, j'ai pu la mettre au service d'un certain nombre de combats. Mais c'est aussi ma vie, parce que c'est ce que je disais précédemment, c'est qu'on ne peut pas couper l'engagement et la façon de vivre, et les modes de vie. Pour moi, c'est fondamental. d'être en cohérence entre son engagement et sa façon de vivre. Alors, ce n'est pas toujours facile, on ne réussit pas à tous les coups, mais pour moi c'est ça qui est important. Et je me dis que, ben voilà, si... Je dirais que la chose la plus importante presque, alors c'est à titre personnel, c'est que si par exemple, brutalement, je dois décéder là, juste après l'interview, est-ce que je regrette comment j'ai vécu ? Est-ce que je regrette de ne pas avoir plus ? Et en fait, pour moi, ce qui est important, c'est de me dire, voilà, j'ai fait ce que j'avais à faire, je l'ai fait comme j'ai cru qu'il fallait le faire. Et c'est ça qui est important. Et donc, voilà, pour moi, c'est de ne pas être ni dans l'angoisse. Mais dans cette idée que si je peux vivre 1000 ans, tant mieux. Si ça s'arrête, ce n'est pas grave non plus, c'est bien aussi.

  • Speaker #1

    Et dernière question, qui tu voudrais voir à ta place pour être interviewé ?

  • Speaker #0

    Ça, ce n'est pas moi qui décide, mais c'est...

  • Speaker #1

    Tu lances une invitation.

  • Speaker #0

    C'est à toi qu'il faut dire ça.

  • Speaker #1

    L'étudiant, c'est déjà bien rempli, mais tu peux lancer une invitation.

  • Speaker #0

    Je peux inviter ? Non, le problème, c'est que ceux que j'aimerais voir sont... malheureusement souvent déjà décédé et donc si à travers ça, à travers une caméra, on était capable de faire revivre des personnes pour les entendre, ça, ça serait merveilleux.

  • Speaker #1

    Et tu penses à quelqu'un en particulier ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnes. J'avais un maître toujours que j'aime beaucoup qui s'appelle Jacques Ellul, qui était un philosophe, qui était un des premiers qui a... était incapable de théoriser sur cette société technicienne, sur cette société où la technique, où les moyens l'emportent sur les objectifs finaux. Et donc, voilà, qui pour moi a été la personne qui m'a amené, je dirais, à penser de manière intéressante et à agir en même temps. Donc, qui m'a à la fois donné l'envie... d'avoir une pensée la plus cohérente possible et d'agir aussi. Après, on peut donner plein de personnages, mais voilà. L'important, c'est de parler de quelqu'un qui, moi, a été mon formateur et que j'ai eu la chance de rencontrer. Et il m'a accompagné dans mes premières années d'engagement par sa pensée radicale.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, José Bové.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    et ses requêtes. Merci pour votre écoute. Retrouvez nos photographies et écrits sur raconte.media ainsi que sur nos réseaux sociaux. Raconte est une création originale d'Anthony Dehé et Michel Bourgeois du studio DB Création spécialisé en design de marques et photographies. Vous avez apprécié cette rencontre ? Partagez-la sur vos réseaux sociaux et laissez-nous une note sur votre plateforme préférée. Cela contribue réellement à la visibilité de Raconte. Une suggestion d'invité ? Écrivez-nous.

Chapters

  • Introduction et présentation de José Bové

    00:05

  • Les origines de José Bové et son parcours jusqu'au Larzac

    01:13

  • L'engagement contre l'extension du camp militaire du Larzac

    02:12

  • Les années 80 : victoires et luttes pour la gestion des terres

    04:21

  • L'engagement syndical et les combats internationaux

    07:45

  • L'impact de l'OMC et la lutte contre la malbouffe

    20:02

  • Réflexions sur les mouvements actuels et l'engagement des jeunes

    27:40

  • De militant à homme politique : le parcours de Bové

    36:30

  • Conclusion : le film "Une affaire de principe" et l'héritage de José Bové

    43:31

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