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Victimes D’ABUS dans L'Eglise : Sortir du SILENCE #3 cover
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Réformés.ch

Victimes D’ABUS dans L'Eglise : Sortir du SILENCE #3

Victimes D’ABUS dans L'Eglise : Sortir du SILENCE #3

21min |06/05/2024
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21min |06/05/2024
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Description

👉 Cliquez ici pour télécharger la fiche!

https://cutt.ly/Uw4oDsFz


Dans cet épisode, Marie-Jo Aeby, qui a reçu plusieurs plaintes de victimes d'abus sexuels protestantes au sein du groupe SAPEC, partage son propre parcours et celui d'autres victimes qu'elle accompagne, soulignant l'importance cruciale de la reconnaissance et de la guérison. Le récit de Marie-Jo, empreint de compassion et de compréhension profonde des traumas, est un appel à briser le silence et à affronter la réalité des violences sexuelles dans les institutions religieuses.


Pensé à la base pour venir en aide aux personnes abusées par des prêtres de l’Eglise catholique, le groupe SAPEC s’adresse aujourd’hui à toute personne ou à son entourage concerné-e-s par les abus d’autorité religieuse, quelles que soient les religions ou spiritualités concernées.


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réformés.ch est un site d'information et de réflexion aux contenus libres d'accès posant un regard protestant sur l'actualité politique, sociale, économique, culturelle, religieuse, ecclésiale et spirituelle depuis la Suisse romande.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous savez, moi quand j'ai eu 15 ans et que j'ai été abusée, j'étais vraiment dans quelque chose de très très loin de tout ça. Et quand cet homme a abusé de moi, il m'a complètement sidéré. Il m'a pris par surprise et... Il m'a fait quelque chose qui était tellement loin de ce que je pouvais imaginer que j'ai rien compris. De vive voix. Le monde a besoin de votre parole. Dire, s'exprimer. Prendre la parole, c'est extrêmement important. Je parle en jeu.

  • Speaker #1

    Je me suis dit, ok, je peux aussi parler.

  • Speaker #0

    On a la voix du mécontentement, on a la voix de la colère. De vive voix. On a plein de voix. Un podcast de Gabriel de Sarzan pour réformer.ch Vous aussi, sortez du silence, ne restez pas enfermés dans cette solitude dans laquelle vous êtes. Parce que la violence sexuelle est une réalité qu'on doit aborder ensemble. Et vous, en tant que victime, vous avez une parole qui est une parole vraie, puisque c'est de vos tripes que ça vient, c'est de votre expérience, c'est de votre corps. Alors, dites-la au effort.

  • Speaker #2

    Marie-Jo Héby est cofondatrice du groupe Sapec, l'association de soutien aux personnes âgées. abusé dans une relation d'autorité religieuse. Le groupe Sapec a été créé il y a bientôt 14 ans et Marie-Jo est venue à écouter des dizaines et des dizaines de personnes victimes d'abus dans l'église. Est-ce qu'on s'habitue à ces témoignages ?

  • Speaker #0

    Jamais ! Heureusement d'ailleurs. Vous savez, chaque témoignage est unique et chaque personne est unique. Et c'est vrai, chaque fois que j'entends quelqu'un qui témoigne, je me dis mais cette personne, elle a comme moi vécu quelque chose d'horrible, il faut qu'on en fasse quelque chose. Il faut qu'elle puisse sortir de là, il faut que je l'accompagne dans le travail qu'elle a à faire pour aller plus loin, pour sortir de cet enfer. Et chaque fois que j'entends une personne La personne qui vient m'apporter son témoignage, je lui dis d'ailleurs, t'es plus tout seul. Tu n'es plus tout seul et je vais t'accompagner si tu veux, jusqu'au bout du chemin que tu as à faire, pas sur le plan thérapeutique, ça tu le fais avec un thérapeute ou une thérapeute, mais dans les démarches à faire pour que ton témoignage serve à quelque chose, pour que tous ces abus, pour que toutes ces violences sexuelles cessent enfin.

  • Speaker #2

    Et ce qui vous aide beaucoup, c'est que vous-même vous avez connu. Enfin... L'abus sexuel.

  • Speaker #0

    Écoutez, oui, je crois que ça sointe. C'est-à-dire que quand des personnes me contactent, elles me disent, mais je sais que vous avez vécu la même chose, alors je peux vous parler. Je dis, mais écoute, tu n'as pas besoin de me faire un dessin. Mais explique-moi quand même pour toi, aujourd'hui, comment c'est et comment on peut avancer ensemble.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a des choses qui vous surprennent encore ?

  • Speaker #0

    Écoutez, ce qui me touche profondément, c'est quand je reçois des témoignages. Je suis dans le village de personnes qui ont vécu des violences sexuelles très très jeunes. Je sais, par tout ce que j'ai entendu et lu dans la littérature consacrée à ce sujet, que ces traumatismes dans la petite enfance sont les plus difficiles à relever. Ce qui me surprend, c'est la violence. La violence de l'impact du trauma. Combien ces souvenirs traumatiques reviennent avec un impact comme si c'était aujourd'hui ? C'est ce que la plupart des personnes victimes me disent. Elles me disent Tu sais, ce que j'ai vécu là il y a 30 ans, c'est comme si c'était juste maintenant. Ce n'est pas un souvenir passé, c'est quelque chose dans l'aujourd'hui, dans l'ici et maintenant. Et c'est ça qui est terrible. Et c'est d'ailleurs le travail thérapeutique qui travaille ça. Il va permettre à la personne victime d'aller regarder ce trauma, d'aller à sa rencontre, et pour changer le regard. C'est-à-dire que tout le corps apprenne à prendre de la distance par rapport à ce qui s'est passé. Alors, on... Le travail consiste essentiellement à accompagner des personnes, pas du tout sur le plan thérapeutique parce que je ne suis pas thérapeute, mais dans toutes les démarches que les personnes vont pouvoir faire pour pouvoir sortir de cette situation. Parce que prendre la parole c'est extrêmement important, mais aller la porter là où il faut pour que les choses changent c'est tout aussi important.

  • Speaker #2

    Si ce que vous entendez vous intéresse, sachez que nous avons préparé dans la description une fiche qui résume les moments forts de cet entretien, ainsi que les liens utiles en rapport avec le sujet. Comment ça se passe concrètement quand une personne vient vous trouver avec ce bagage pesant sur les épaules ? Qu'est-ce que vous commencez par lui dire ?

  • Speaker #0

    Je commence toujours par l'écouter et à l'écouter vraiment en m'ouvrant totalement à son expérience et à lui faire sentir que, ben oui, moi comme toi j'ai vécu ça, toi comme moi t'as vécu ça. Viens, t'es plus tout seul. Et ce n'est pas tout. Je viens, t'es plus tout seul, je sens que c'est le début de quelque chose.

  • Speaker #2

    Je vous propose d'écouter un extrait d'un témoignage que j'ai recueilli, celui d'Ella, qui a déposé plainte pénale, et je lui ai demandé comment elle se sentait après avoir déposé cette plainte.

  • Speaker #1

    En fait, il y a encore beaucoup de colère après ce geste et aussi vraiment une sensation de lourdeur très forte et beaucoup de fatigue. Donc pour être précise, j'ai déposé plainte pénale pour... Ils appellent ça acteur sexuel sur enfant parce que j'avais 14 ans à l'époque et donc j'étais considérée comme une enfant.

  • Speaker #2

    Marie-Jo, et puis c'est dans l'épisode 1 de ce podcast qu'Ella, une femme de 36 ans, parle de colère, de fatigue. Fatigue, après avoir pris la parole pour dénoncer l'abus qu'elle a subi enfant, est-ce que ces mots colère, fatigue, ça vous étonne ?

  • Speaker #0

    Je me demande, en entendant ces deux mots, colère et fatigue, comment elle a été reçue. Parce que quand on dépose une plate, on peut tomber sur quelqu'un, imaginons par exemple qu'elle tombe sur une inspectrice de police, qui l'accueille avec bienveillance, qui écoute ce qu'elle dit, qui prend au sérieux ce qu'elle dit là et ce qu'elle dit là. des pauses, ou si au contraire elle a été écoutée par quelqu'un qui ne l'écoute pas vraiment.

  • Speaker #2

    En l'occurrence, elle a été accueillie par un homme.

  • Speaker #0

    Ah. Parce que normalement, on doit sortir soulagé quand on a rencontré quelqu'un qui représente l'autorité, parce que la police représente l'autorité, et qu'on a été entendu, et qu'un témoignage a été bien reçu.

  • Speaker #2

    Donc ça veut dire que la parole ou la prise de parole, ça ne libère pas forcément tout de suite ?

  • Speaker #0

    Non, ça ne libère pas, ça ne libère surtout pas quand on tombe sur quelqu'un qui nous dit tais-toi ou qui nous dit ah, c'est pas sérieux, écoutez, on a autre chose à faire Ouais bon, je vais bien prendre votre déposition. J'espère pas que la police travaille comme ça aujourd'hui. Mais enfin vous voyez, quand la parole se heurte à la fermeture, quand elle se heurte au déni, c'est terrible. C'est pire que si on n'avait rien dit.

  • Speaker #2

    Il y aurait donc peut-être plusieurs paliers pour que la parole libère vraiment quelqu'un ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut que la parole rencontre une écoute attentive, une oreille. Ouverte. Vous savez, beaucoup d'enfants qui ont été abusés ont parlé à leurs parents ou à d'autres en disant Voilà ce qui m'est arrivé ! Puis on leur disait Toi, c'est pas possible, c'est pas vrai. Vous vous rendez compte ? Et ils portent ça pendant des années avec eux. Comment voulez-vous qu'ils prennent la parole facilement après ? C'est souvent un travail thérapeutique qui prend du temps, qui peut libérer la parole. On commence à parler à des gens où on sent qu'il y a de l'écoute possible, puis on y va petit à petit. Et puis après on fait l'expérience d'une parole qui est écoutée. Et là on commence à s'ouvrir, à s'ouvrir à soi-même, à s'ouvrir aux autres, à s'ouvrir au monde. Mais c'est un long processus.

  • Speaker #2

    Le postulat de ce podcast justement consiste à dire que prendre la parole permet de dire qui l'on est, ce que l'on veut. Ça se vérifie dans les cas d'abus sexuels ?

  • Speaker #0

    Mais absolument, parce que quand on est enfermé dans le silence de quelque chose qui nous fait si mal, qui prend beaucoup de place dans notre vie et dont on ne peut pas parler, et qui envahit notre champ de conscience, qui donc nous empêche d'avoir une relation normale avec les gens.

  • Speaker #2

    Marie-Joé, est-ce que vous arrivez à dire comment est-ce qu'on en vient à parler, à mettre des mots sur l'abus qu'on a vécu quand on a été enfant, quand on a été victime comme ça ?

  • Speaker #0

    Alors moi je fais le lien avec MeToo. avec ce déferlement médiatique qui a tout à coup fait prendre conscience à des personnes qui ont été victimes de violences sexuelles que leurs paroles pourraient être entendues, qu'on n'allait pas leur dire tais-toi et que des gens seraient là pour l'écouter, pour en faire quelque chose. Et à ce moment-là, on se rend compte qu'en parlant, on se soulage. On se soulage de quelque chose qui nous a oppressés pendant des années. Et ce soulagement, c'est comme une respiration qui enfin peut se poser. Ça nous permet vraiment d'exister pleinement.

  • Speaker #2

    Et de se raccommoder peut-être dans son identité. Oui,

  • Speaker #0

    j'aime bien ce mot, se raccommoder, absolument.

  • Speaker #2

    Et ça fonctionne, on peut se réparer.

  • Speaker #0

    Mais oui.

  • Speaker #2

    Marie-Jo, et bien vous avez vous-même, enfant, été victime, vous l'avez dit, vous avez été victime d'un prêtre abuseur. Vous avez dit dans cette vidéo... C'est un entretien que l'abus avait mis le chaos. Dans votre vie sexuelle, c'est quelque chose dont on entend peu parler. Est-ce que forcément la sexualité des personnes abusées est chamboulée ?

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'elle pourrait ne pas l'être ? Franchement, quelqu'un arrive et déboule dans votre corps, vous saccage. Et puis, il n'y aurait pas de séquelles, ce n'est pas possible. Vous savez, moi, quand j'ai eu 15 ans et que j'ai été abusée, je n'étais pas du tout une fille qui était déjà dans... Dans une adolescence où la sexualité est importante, j'étais tellement dans ma tête, je lisais Pascal, je lisais les philosophes, j'étais vraiment dans quelque chose de très très loin de tout ça. Et quand cet homme a abusé de moi, il m'a complètement sidéré. Complètement sidéré, et il m'a pris par surprise, et il m'a fait quelque chose qui était tellement loin de ce que je pouvais imaginer que je n'ai rien compris. Ce que j'ai compris, c'est que j'avais mal et que j'étais saccagée. Et que quoi ? Et que quoi ? Et je ne savais plus rien. Ce n'est pas seulement ma vie sexuelle qui a été saccagée, c'est toute ma vie. Le chaos est entré dans moi, profondément. Et puis je n'en ai pas parlé. Parce que mes parents avaient beaucoup de respect pour cet homme. Et je me suis dit, mais si j'en parle à ma mère, elle ne me croira jamais, ce n'est pas possible. Et j'ai gardé ça pour moi. J'ai gardé ça en moi pendant 15 ans. Vous vous rendez compte ? Et je n'avais pas complètement oublié ce qui s'était passé, mais je faisais tout pour ne plus y penser. Vous imaginez une vie comme ça ? Est-ce que vous arrivez à imaginer ce que ça crée comme... Comment dire ? On est vivant, mais on n'est pas complètement vivant. Il y a quelque chose de mort en nous. Quelque chose qui ne peut pas se déployer.

  • Speaker #2

    D'où le besoin de parler.

  • Speaker #0

    Eh oui. Moi, dès que j'ai commencé à faire des thérapies, je suis heureusement tombée sur des thérapeutes qui étaient... Ils n'étaient pas encore formés à toutes ces thérapies qu'on a aujourd'hui et qui sont centrées sur le corps. Mais quand même, je suis tombée sur des thérapeutes qui avaient une bonne écoute, qui étaient ouverts, qui étaient attentifs. Et ça m'a fait du bien d'être enfin crue, parce que c'est ça aussi, la peur de ne pas être crue, ça vous enlève toute envie de parler.

  • Speaker #2

    Quand vous évoquez ces thérapies par le corps, vous pensez à quoi ?

  • Speaker #0

    Écoutez, il y a toutes sortes de mouvements thérapeutiques qui mettent l'accent sur les sensations, sur ce que le souvenir qu'on va rechercher produit comme sensation dans le corps. Et ça permet à la personne de se faire sentir. La personne qui est en thérapie, de se reconnecter à son corps. Parce que moi en tout cas, quand j'ai vécu la violence sexuelle qui m'est arrivée, je me suis coupée de mon corps. Et ça c'est un phénomène assez fréquent. C'est des personnes qui sont abusées, elles se coupent de leurs sensations corporelles. Et c'est très important de retrouver ces sensations, mais pas brutalement bien sûr. De le trouver en étant accompagnée en thérapie.

  • Speaker #2

    Marie-Jo et Bi, vous répétez souvent dans les médias où vous êtes très sollicités que les personnes abusées ont des... Le droit.

  • Speaker #0

    Ah oui. Il y a un juriste international qui s'appelle Louis Jouanet qui a introduit ces quatre droits fondamentaux des personnes victimes à l'échelle du droit international. C'est devenu quelque chose qui est vraiment suivi par la justice. Il faudrait qu'enfin les églises aussi le suivent. Le premier droit... C'est le droit de savoir. J'ai besoin de savoir ce qui s'est passé. Pourquoi je n'ai pas été protégée quand c'est arrivé ? Pourquoi est-ce que tant de gens qui pourtant savaient n'ont rien fait, n'ont rien dit ? Pourquoi est-ce que l'institution qui abritait cette communauté religieuse, qui était quand même là, qui était vivante, qui priait, pourquoi est-ce que cette communauté a fonctionné avec une sorte d'aveuglement ? J'ai le droit de savoir, j'ai le droit d'avoir accès à mon dossier. C'est important que des archives existent, qu'elles ne soient pas détruites. C'est très important pour les victimes. Le deuxième droit, c'est le droit à la reconnaissance. L'institution qui n'a pas su me protéger doit reconnaître sa responsabilité institutionnelle. Surtout quand l'auteur des abus est devenu quelqu'un qui n'est peut-être plus du tout en fonction. Il est peut-être dans une maison pour personnes âgées ou il est peut-être même décédé. Il faut que l'institution prenne ses responsabilités. J'ai le droit d'être reconnu. Le troisième droit, c'est le droit à être réparé. Dans la société civile, ça va de soi. Si vous commettez un accident de voiture et que vous renversez quelqu'un, vous n'allez pas rester tranquille dans votre chambre en disant il ne s'est rien passé Vous rendez visite à l'hôpital à cette personne, vous êtes en contact avec la famille, vous allez réparer financièrement aussi, parce que la réparation financière c'est un signe concret de reconnaissance de responsabilité. Donc ça c'est le droit à la réparation. Et ensuite le dernier droit c'est j'ai droit à l'éducation Être rassurée que la communauté fait tout ce qu'elle peut pour que ces phénomènes ne se répètent pas. Donc elle met en place des stratégies de prévention. Alors ça, ça se fait. Je reconnais que dans l'Église, que ce soit l'Église catholique ou dans les Églises réformées, on fait tout aujourd'hui pour éviter que de nouvelles situations arrivent. Mais je ne suis pas sûre que dans une communauté où un personnage charismatique... reconnu, théologien, qui apporte par sa parole quelque chose qui nourrit les gens de la communauté, si cette personne en même temps commet des violences sexuelles, je ne suis pas sûre que la communauté est prête à le reconnaître. Parce que c'est tellement grave que ça met beaucoup de choses en question. C'est comme dans une famille quand vous avez un père qui abuse de ses enfants. On accuse souvent la victime, l'enfant, de faire éclater la famille. Alors, Alors que c'est l'auteur des abus qui fait éclater la famille, c'est pas l'enfant. Donc vous voyez, souvent les victimes, quand elles prennent la parole, et quand elles ne tombent pas sur des gens qui vraiment acceptent cette parole, elles sont rendues coupables de ce qui s'est passé. Alors qu'elles ne sont pas coupables du tout.

  • Speaker #2

    Et elles ont honte aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais heureusement aujourd'hui la honte a changé de camp. Heureusement, la honte a changé de camp, parce que les églises commencent à reconnaître leurs responsabilités.

  • Speaker #2

    Marie-Joébie, est-ce que vous vous considérez comme une militante ?

  • Speaker #0

    Je crois, oui. Je crois parce qu'en fondant le groupe Sapec, c'était surtout les droits des victimes qu'on a mis en avant. Je me souviendrai toujours, il y a une dizaine d'années, quand on est allé trouver le nouvel évêque qui entrait en fonction pour le diocèse de Lausanne-Geneve-Effribourg, c'était Moriro. On est allé le voir avec six droits dans la poche. Et on a été tout étonnés de nous trouver en face d'une personne qui nous écoutait vraiment. Et on avait senti qu'ils comprenaient le problème. C'est d'ailleurs la même chose que j'ai ressenti il y a quelques mois, lorsque j'ai rencontré pour la première fois Rita Famos, qui est la présidente de l'église réformée évangélique sur le plan suisse. Je l'ai rencontrée avec deux victimes, et j'ai tout de suite senti qu'elles comprenaient de quoi on parle.

  • Speaker #2

    Est-ce que vous pouvez dire, Marie-Joué Bic, que vous vous êtes vous, affirmée au travers de l'écoute des autres ?

  • Speaker #0

    Je crois que vous dites juste, s'affirmer dans l'écoute de cette parole. Je crois oui, parce que du coup, en abordant les églises, je venais avec tous ces témoignages dans mon sac à dos. Donc j'aimerais remercier toutes les personnes qui ont osé témoigner, qui ont osé nous contacter.

  • Speaker #3

    Merci.

  • Speaker #0

    Dans ce sac à dos, il y a des trésors, des trésors, des trésors de vie. Ces traumas accumulés, ce n'est pas seulement du négatif, c'est de la vie, c'est de la vie, comment dire ? Qu'a du sens ? C'est de la vie, il ne demande qu'à être reconnu et aimé.

  • Speaker #2

    Vous pouvez retrouver un nouvel épisode de ce podcast chaque deux semaines sur reformer.ch ou sur les différentes plateformes d'écoute Spotify, Apple Podcasts ou Deezer. Et si cet épisode vous a touché ou apporté quelque chose de spécial, montrez-nous votre soutien en nous attribuant 5 étoiles. Thierry Châtel était à la réalisation et Max Hidje à la production.

  • Speaker #0

    De vive foi.

Chapters

  • Victime d’ABUS

    00:00

  • Les TRAUMATISMES

    03:40

  • TÉMOIGNAGE

    05:52

  • LIBÉRATION par la PAROLE

    09:24

  • Les CONSÉQUENCES

    11:25

  • PREMIER PAS vers la GUÉRISON

    13:51

  • Le droit d’être ÉCOUTÉ

    18:35

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Dans cet épisode, Marie-Jo Aeby, qui a reçu plusieurs plaintes de victimes d'abus sexuels protestantes au sein du groupe SAPEC, partage son propre parcours et celui d'autres victimes qu'elle accompagne, soulignant l'importance cruciale de la reconnaissance et de la guérison. Le récit de Marie-Jo, empreint de compassion et de compréhension profonde des traumas, est un appel à briser le silence et à affronter la réalité des violences sexuelles dans les institutions religieuses.


Pensé à la base pour venir en aide aux personnes abusées par des prêtres de l’Eglise catholique, le groupe SAPEC s’adresse aujourd’hui à toute personne ou à son entourage concerné-e-s par les abus d’autorité religieuse, quelles que soient les religions ou spiritualités concernées.


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Transcription

  • Speaker #0

    Vous savez, moi quand j'ai eu 15 ans et que j'ai été abusée, j'étais vraiment dans quelque chose de très très loin de tout ça. Et quand cet homme a abusé de moi, il m'a complètement sidéré. Il m'a pris par surprise et... Il m'a fait quelque chose qui était tellement loin de ce que je pouvais imaginer que j'ai rien compris. De vive voix. Le monde a besoin de votre parole. Dire, s'exprimer. Prendre la parole, c'est extrêmement important. Je parle en jeu.

  • Speaker #1

    Je me suis dit, ok, je peux aussi parler.

  • Speaker #0

    On a la voix du mécontentement, on a la voix de la colère. De vive voix. On a plein de voix. Un podcast de Gabriel de Sarzan pour réformer.ch Vous aussi, sortez du silence, ne restez pas enfermés dans cette solitude dans laquelle vous êtes. Parce que la violence sexuelle est une réalité qu'on doit aborder ensemble. Et vous, en tant que victime, vous avez une parole qui est une parole vraie, puisque c'est de vos tripes que ça vient, c'est de votre expérience, c'est de votre corps. Alors, dites-la au effort.

  • Speaker #2

    Marie-Jo Héby est cofondatrice du groupe Sapec, l'association de soutien aux personnes âgées. abusé dans une relation d'autorité religieuse. Le groupe Sapec a été créé il y a bientôt 14 ans et Marie-Jo est venue à écouter des dizaines et des dizaines de personnes victimes d'abus dans l'église. Est-ce qu'on s'habitue à ces témoignages ?

  • Speaker #0

    Jamais ! Heureusement d'ailleurs. Vous savez, chaque témoignage est unique et chaque personne est unique. Et c'est vrai, chaque fois que j'entends quelqu'un qui témoigne, je me dis mais cette personne, elle a comme moi vécu quelque chose d'horrible, il faut qu'on en fasse quelque chose. Il faut qu'elle puisse sortir de là, il faut que je l'accompagne dans le travail qu'elle a à faire pour aller plus loin, pour sortir de cet enfer. Et chaque fois que j'entends une personne La personne qui vient m'apporter son témoignage, je lui dis d'ailleurs, t'es plus tout seul. Tu n'es plus tout seul et je vais t'accompagner si tu veux, jusqu'au bout du chemin que tu as à faire, pas sur le plan thérapeutique, ça tu le fais avec un thérapeute ou une thérapeute, mais dans les démarches à faire pour que ton témoignage serve à quelque chose, pour que tous ces abus, pour que toutes ces violences sexuelles cessent enfin.

  • Speaker #2

    Et ce qui vous aide beaucoup, c'est que vous-même vous avez connu. Enfin... L'abus sexuel.

  • Speaker #0

    Écoutez, oui, je crois que ça sointe. C'est-à-dire que quand des personnes me contactent, elles me disent, mais je sais que vous avez vécu la même chose, alors je peux vous parler. Je dis, mais écoute, tu n'as pas besoin de me faire un dessin. Mais explique-moi quand même pour toi, aujourd'hui, comment c'est et comment on peut avancer ensemble.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a des choses qui vous surprennent encore ?

  • Speaker #0

    Écoutez, ce qui me touche profondément, c'est quand je reçois des témoignages. Je suis dans le village de personnes qui ont vécu des violences sexuelles très très jeunes. Je sais, par tout ce que j'ai entendu et lu dans la littérature consacrée à ce sujet, que ces traumatismes dans la petite enfance sont les plus difficiles à relever. Ce qui me surprend, c'est la violence. La violence de l'impact du trauma. Combien ces souvenirs traumatiques reviennent avec un impact comme si c'était aujourd'hui ? C'est ce que la plupart des personnes victimes me disent. Elles me disent Tu sais, ce que j'ai vécu là il y a 30 ans, c'est comme si c'était juste maintenant. Ce n'est pas un souvenir passé, c'est quelque chose dans l'aujourd'hui, dans l'ici et maintenant. Et c'est ça qui est terrible. Et c'est d'ailleurs le travail thérapeutique qui travaille ça. Il va permettre à la personne victime d'aller regarder ce trauma, d'aller à sa rencontre, et pour changer le regard. C'est-à-dire que tout le corps apprenne à prendre de la distance par rapport à ce qui s'est passé. Alors, on... Le travail consiste essentiellement à accompagner des personnes, pas du tout sur le plan thérapeutique parce que je ne suis pas thérapeute, mais dans toutes les démarches que les personnes vont pouvoir faire pour pouvoir sortir de cette situation. Parce que prendre la parole c'est extrêmement important, mais aller la porter là où il faut pour que les choses changent c'est tout aussi important.

  • Speaker #2

    Si ce que vous entendez vous intéresse, sachez que nous avons préparé dans la description une fiche qui résume les moments forts de cet entretien, ainsi que les liens utiles en rapport avec le sujet. Comment ça se passe concrètement quand une personne vient vous trouver avec ce bagage pesant sur les épaules ? Qu'est-ce que vous commencez par lui dire ?

  • Speaker #0

    Je commence toujours par l'écouter et à l'écouter vraiment en m'ouvrant totalement à son expérience et à lui faire sentir que, ben oui, moi comme toi j'ai vécu ça, toi comme moi t'as vécu ça. Viens, t'es plus tout seul. Et ce n'est pas tout. Je viens, t'es plus tout seul, je sens que c'est le début de quelque chose.

  • Speaker #2

    Je vous propose d'écouter un extrait d'un témoignage que j'ai recueilli, celui d'Ella, qui a déposé plainte pénale, et je lui ai demandé comment elle se sentait après avoir déposé cette plainte.

  • Speaker #1

    En fait, il y a encore beaucoup de colère après ce geste et aussi vraiment une sensation de lourdeur très forte et beaucoup de fatigue. Donc pour être précise, j'ai déposé plainte pénale pour... Ils appellent ça acteur sexuel sur enfant parce que j'avais 14 ans à l'époque et donc j'étais considérée comme une enfant.

  • Speaker #2

    Marie-Jo, et puis c'est dans l'épisode 1 de ce podcast qu'Ella, une femme de 36 ans, parle de colère, de fatigue. Fatigue, après avoir pris la parole pour dénoncer l'abus qu'elle a subi enfant, est-ce que ces mots colère, fatigue, ça vous étonne ?

  • Speaker #0

    Je me demande, en entendant ces deux mots, colère et fatigue, comment elle a été reçue. Parce que quand on dépose une plate, on peut tomber sur quelqu'un, imaginons par exemple qu'elle tombe sur une inspectrice de police, qui l'accueille avec bienveillance, qui écoute ce qu'elle dit, qui prend au sérieux ce qu'elle dit là et ce qu'elle dit là. des pauses, ou si au contraire elle a été écoutée par quelqu'un qui ne l'écoute pas vraiment.

  • Speaker #2

    En l'occurrence, elle a été accueillie par un homme.

  • Speaker #0

    Ah. Parce que normalement, on doit sortir soulagé quand on a rencontré quelqu'un qui représente l'autorité, parce que la police représente l'autorité, et qu'on a été entendu, et qu'un témoignage a été bien reçu.

  • Speaker #2

    Donc ça veut dire que la parole ou la prise de parole, ça ne libère pas forcément tout de suite ?

  • Speaker #0

    Non, ça ne libère pas, ça ne libère surtout pas quand on tombe sur quelqu'un qui nous dit tais-toi ou qui nous dit ah, c'est pas sérieux, écoutez, on a autre chose à faire Ouais bon, je vais bien prendre votre déposition. J'espère pas que la police travaille comme ça aujourd'hui. Mais enfin vous voyez, quand la parole se heurte à la fermeture, quand elle se heurte au déni, c'est terrible. C'est pire que si on n'avait rien dit.

  • Speaker #2

    Il y aurait donc peut-être plusieurs paliers pour que la parole libère vraiment quelqu'un ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut que la parole rencontre une écoute attentive, une oreille. Ouverte. Vous savez, beaucoup d'enfants qui ont été abusés ont parlé à leurs parents ou à d'autres en disant Voilà ce qui m'est arrivé ! Puis on leur disait Toi, c'est pas possible, c'est pas vrai. Vous vous rendez compte ? Et ils portent ça pendant des années avec eux. Comment voulez-vous qu'ils prennent la parole facilement après ? C'est souvent un travail thérapeutique qui prend du temps, qui peut libérer la parole. On commence à parler à des gens où on sent qu'il y a de l'écoute possible, puis on y va petit à petit. Et puis après on fait l'expérience d'une parole qui est écoutée. Et là on commence à s'ouvrir, à s'ouvrir à soi-même, à s'ouvrir aux autres, à s'ouvrir au monde. Mais c'est un long processus.

  • Speaker #2

    Le postulat de ce podcast justement consiste à dire que prendre la parole permet de dire qui l'on est, ce que l'on veut. Ça se vérifie dans les cas d'abus sexuels ?

  • Speaker #0

    Mais absolument, parce que quand on est enfermé dans le silence de quelque chose qui nous fait si mal, qui prend beaucoup de place dans notre vie et dont on ne peut pas parler, et qui envahit notre champ de conscience, qui donc nous empêche d'avoir une relation normale avec les gens.

  • Speaker #2

    Marie-Joé, est-ce que vous arrivez à dire comment est-ce qu'on en vient à parler, à mettre des mots sur l'abus qu'on a vécu quand on a été enfant, quand on a été victime comme ça ?

  • Speaker #0

    Alors moi je fais le lien avec MeToo. avec ce déferlement médiatique qui a tout à coup fait prendre conscience à des personnes qui ont été victimes de violences sexuelles que leurs paroles pourraient être entendues, qu'on n'allait pas leur dire tais-toi et que des gens seraient là pour l'écouter, pour en faire quelque chose. Et à ce moment-là, on se rend compte qu'en parlant, on se soulage. On se soulage de quelque chose qui nous a oppressés pendant des années. Et ce soulagement, c'est comme une respiration qui enfin peut se poser. Ça nous permet vraiment d'exister pleinement.

  • Speaker #2

    Et de se raccommoder peut-être dans son identité. Oui,

  • Speaker #0

    j'aime bien ce mot, se raccommoder, absolument.

  • Speaker #2

    Et ça fonctionne, on peut se réparer.

  • Speaker #0

    Mais oui.

  • Speaker #2

    Marie-Jo, et bien vous avez vous-même, enfant, été victime, vous l'avez dit, vous avez été victime d'un prêtre abuseur. Vous avez dit dans cette vidéo... C'est un entretien que l'abus avait mis le chaos. Dans votre vie sexuelle, c'est quelque chose dont on entend peu parler. Est-ce que forcément la sexualité des personnes abusées est chamboulée ?

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'elle pourrait ne pas l'être ? Franchement, quelqu'un arrive et déboule dans votre corps, vous saccage. Et puis, il n'y aurait pas de séquelles, ce n'est pas possible. Vous savez, moi, quand j'ai eu 15 ans et que j'ai été abusée, je n'étais pas du tout une fille qui était déjà dans... Dans une adolescence où la sexualité est importante, j'étais tellement dans ma tête, je lisais Pascal, je lisais les philosophes, j'étais vraiment dans quelque chose de très très loin de tout ça. Et quand cet homme a abusé de moi, il m'a complètement sidéré. Complètement sidéré, et il m'a pris par surprise, et il m'a fait quelque chose qui était tellement loin de ce que je pouvais imaginer que je n'ai rien compris. Ce que j'ai compris, c'est que j'avais mal et que j'étais saccagée. Et que quoi ? Et que quoi ? Et je ne savais plus rien. Ce n'est pas seulement ma vie sexuelle qui a été saccagée, c'est toute ma vie. Le chaos est entré dans moi, profondément. Et puis je n'en ai pas parlé. Parce que mes parents avaient beaucoup de respect pour cet homme. Et je me suis dit, mais si j'en parle à ma mère, elle ne me croira jamais, ce n'est pas possible. Et j'ai gardé ça pour moi. J'ai gardé ça en moi pendant 15 ans. Vous vous rendez compte ? Et je n'avais pas complètement oublié ce qui s'était passé, mais je faisais tout pour ne plus y penser. Vous imaginez une vie comme ça ? Est-ce que vous arrivez à imaginer ce que ça crée comme... Comment dire ? On est vivant, mais on n'est pas complètement vivant. Il y a quelque chose de mort en nous. Quelque chose qui ne peut pas se déployer.

  • Speaker #2

    D'où le besoin de parler.

  • Speaker #0

    Eh oui. Moi, dès que j'ai commencé à faire des thérapies, je suis heureusement tombée sur des thérapeutes qui étaient... Ils n'étaient pas encore formés à toutes ces thérapies qu'on a aujourd'hui et qui sont centrées sur le corps. Mais quand même, je suis tombée sur des thérapeutes qui avaient une bonne écoute, qui étaient ouverts, qui étaient attentifs. Et ça m'a fait du bien d'être enfin crue, parce que c'est ça aussi, la peur de ne pas être crue, ça vous enlève toute envie de parler.

  • Speaker #2

    Quand vous évoquez ces thérapies par le corps, vous pensez à quoi ?

  • Speaker #0

    Écoutez, il y a toutes sortes de mouvements thérapeutiques qui mettent l'accent sur les sensations, sur ce que le souvenir qu'on va rechercher produit comme sensation dans le corps. Et ça permet à la personne de se faire sentir. La personne qui est en thérapie, de se reconnecter à son corps. Parce que moi en tout cas, quand j'ai vécu la violence sexuelle qui m'est arrivée, je me suis coupée de mon corps. Et ça c'est un phénomène assez fréquent. C'est des personnes qui sont abusées, elles se coupent de leurs sensations corporelles. Et c'est très important de retrouver ces sensations, mais pas brutalement bien sûr. De le trouver en étant accompagnée en thérapie.

  • Speaker #2

    Marie-Jo et Bi, vous répétez souvent dans les médias où vous êtes très sollicités que les personnes abusées ont des... Le droit.

  • Speaker #0

    Ah oui. Il y a un juriste international qui s'appelle Louis Jouanet qui a introduit ces quatre droits fondamentaux des personnes victimes à l'échelle du droit international. C'est devenu quelque chose qui est vraiment suivi par la justice. Il faudrait qu'enfin les églises aussi le suivent. Le premier droit... C'est le droit de savoir. J'ai besoin de savoir ce qui s'est passé. Pourquoi je n'ai pas été protégée quand c'est arrivé ? Pourquoi est-ce que tant de gens qui pourtant savaient n'ont rien fait, n'ont rien dit ? Pourquoi est-ce que l'institution qui abritait cette communauté religieuse, qui était quand même là, qui était vivante, qui priait, pourquoi est-ce que cette communauté a fonctionné avec une sorte d'aveuglement ? J'ai le droit de savoir, j'ai le droit d'avoir accès à mon dossier. C'est important que des archives existent, qu'elles ne soient pas détruites. C'est très important pour les victimes. Le deuxième droit, c'est le droit à la reconnaissance. L'institution qui n'a pas su me protéger doit reconnaître sa responsabilité institutionnelle. Surtout quand l'auteur des abus est devenu quelqu'un qui n'est peut-être plus du tout en fonction. Il est peut-être dans une maison pour personnes âgées ou il est peut-être même décédé. Il faut que l'institution prenne ses responsabilités. J'ai le droit d'être reconnu. Le troisième droit, c'est le droit à être réparé. Dans la société civile, ça va de soi. Si vous commettez un accident de voiture et que vous renversez quelqu'un, vous n'allez pas rester tranquille dans votre chambre en disant il ne s'est rien passé Vous rendez visite à l'hôpital à cette personne, vous êtes en contact avec la famille, vous allez réparer financièrement aussi, parce que la réparation financière c'est un signe concret de reconnaissance de responsabilité. Donc ça c'est le droit à la réparation. Et ensuite le dernier droit c'est j'ai droit à l'éducation Être rassurée que la communauté fait tout ce qu'elle peut pour que ces phénomènes ne se répètent pas. Donc elle met en place des stratégies de prévention. Alors ça, ça se fait. Je reconnais que dans l'Église, que ce soit l'Église catholique ou dans les Églises réformées, on fait tout aujourd'hui pour éviter que de nouvelles situations arrivent. Mais je ne suis pas sûre que dans une communauté où un personnage charismatique... reconnu, théologien, qui apporte par sa parole quelque chose qui nourrit les gens de la communauté, si cette personne en même temps commet des violences sexuelles, je ne suis pas sûre que la communauté est prête à le reconnaître. Parce que c'est tellement grave que ça met beaucoup de choses en question. C'est comme dans une famille quand vous avez un père qui abuse de ses enfants. On accuse souvent la victime, l'enfant, de faire éclater la famille. Alors, Alors que c'est l'auteur des abus qui fait éclater la famille, c'est pas l'enfant. Donc vous voyez, souvent les victimes, quand elles prennent la parole, et quand elles ne tombent pas sur des gens qui vraiment acceptent cette parole, elles sont rendues coupables de ce qui s'est passé. Alors qu'elles ne sont pas coupables du tout.

  • Speaker #2

    Et elles ont honte aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais heureusement aujourd'hui la honte a changé de camp. Heureusement, la honte a changé de camp, parce que les églises commencent à reconnaître leurs responsabilités.

  • Speaker #2

    Marie-Joébie, est-ce que vous vous considérez comme une militante ?

  • Speaker #0

    Je crois, oui. Je crois parce qu'en fondant le groupe Sapec, c'était surtout les droits des victimes qu'on a mis en avant. Je me souviendrai toujours, il y a une dizaine d'années, quand on est allé trouver le nouvel évêque qui entrait en fonction pour le diocèse de Lausanne-Geneve-Effribourg, c'était Moriro. On est allé le voir avec six droits dans la poche. Et on a été tout étonnés de nous trouver en face d'une personne qui nous écoutait vraiment. Et on avait senti qu'ils comprenaient le problème. C'est d'ailleurs la même chose que j'ai ressenti il y a quelques mois, lorsque j'ai rencontré pour la première fois Rita Famos, qui est la présidente de l'église réformée évangélique sur le plan suisse. Je l'ai rencontrée avec deux victimes, et j'ai tout de suite senti qu'elles comprenaient de quoi on parle.

  • Speaker #2

    Est-ce que vous pouvez dire, Marie-Joué Bic, que vous vous êtes vous, affirmée au travers de l'écoute des autres ?

  • Speaker #0

    Je crois que vous dites juste, s'affirmer dans l'écoute de cette parole. Je crois oui, parce que du coup, en abordant les églises, je venais avec tous ces témoignages dans mon sac à dos. Donc j'aimerais remercier toutes les personnes qui ont osé témoigner, qui ont osé nous contacter.

  • Speaker #3

    Merci.

  • Speaker #0

    Dans ce sac à dos, il y a des trésors, des trésors, des trésors de vie. Ces traumas accumulés, ce n'est pas seulement du négatif, c'est de la vie, c'est de la vie, comment dire ? Qu'a du sens ? C'est de la vie, il ne demande qu'à être reconnu et aimé.

  • Speaker #2

    Vous pouvez retrouver un nouvel épisode de ce podcast chaque deux semaines sur reformer.ch ou sur les différentes plateformes d'écoute Spotify, Apple Podcasts ou Deezer. Et si cet épisode vous a touché ou apporté quelque chose de spécial, montrez-nous votre soutien en nous attribuant 5 étoiles. Thierry Châtel était à la réalisation et Max Hidje à la production.

  • Speaker #0

    De vive foi.

Chapters

  • Victime d’ABUS

    00:00

  • Les TRAUMATISMES

    03:40

  • TÉMOIGNAGE

    05:52

  • LIBÉRATION par la PAROLE

    09:24

  • Les CONSÉQUENCES

    11:25

  • PREMIER PAS vers la GUÉRISON

    13:51

  • Le droit d’être ÉCOUTÉ

    18:35

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Description

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Dans cet épisode, Marie-Jo Aeby, qui a reçu plusieurs plaintes de victimes d'abus sexuels protestantes au sein du groupe SAPEC, partage son propre parcours et celui d'autres victimes qu'elle accompagne, soulignant l'importance cruciale de la reconnaissance et de la guérison. Le récit de Marie-Jo, empreint de compassion et de compréhension profonde des traumas, est un appel à briser le silence et à affronter la réalité des violences sexuelles dans les institutions religieuses.


Pensé à la base pour venir en aide aux personnes abusées par des prêtres de l’Eglise catholique, le groupe SAPEC s’adresse aujourd’hui à toute personne ou à son entourage concerné-e-s par les abus d’autorité religieuse, quelles que soient les religions ou spiritualités concernées.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous savez, moi quand j'ai eu 15 ans et que j'ai été abusée, j'étais vraiment dans quelque chose de très très loin de tout ça. Et quand cet homme a abusé de moi, il m'a complètement sidéré. Il m'a pris par surprise et... Il m'a fait quelque chose qui était tellement loin de ce que je pouvais imaginer que j'ai rien compris. De vive voix. Le monde a besoin de votre parole. Dire, s'exprimer. Prendre la parole, c'est extrêmement important. Je parle en jeu.

  • Speaker #1

    Je me suis dit, ok, je peux aussi parler.

  • Speaker #0

    On a la voix du mécontentement, on a la voix de la colère. De vive voix. On a plein de voix. Un podcast de Gabriel de Sarzan pour réformer.ch Vous aussi, sortez du silence, ne restez pas enfermés dans cette solitude dans laquelle vous êtes. Parce que la violence sexuelle est une réalité qu'on doit aborder ensemble. Et vous, en tant que victime, vous avez une parole qui est une parole vraie, puisque c'est de vos tripes que ça vient, c'est de votre expérience, c'est de votre corps. Alors, dites-la au effort.

  • Speaker #2

    Marie-Jo Héby est cofondatrice du groupe Sapec, l'association de soutien aux personnes âgées. abusé dans une relation d'autorité religieuse. Le groupe Sapec a été créé il y a bientôt 14 ans et Marie-Jo est venue à écouter des dizaines et des dizaines de personnes victimes d'abus dans l'église. Est-ce qu'on s'habitue à ces témoignages ?

  • Speaker #0

    Jamais ! Heureusement d'ailleurs. Vous savez, chaque témoignage est unique et chaque personne est unique. Et c'est vrai, chaque fois que j'entends quelqu'un qui témoigne, je me dis mais cette personne, elle a comme moi vécu quelque chose d'horrible, il faut qu'on en fasse quelque chose. Il faut qu'elle puisse sortir de là, il faut que je l'accompagne dans le travail qu'elle a à faire pour aller plus loin, pour sortir de cet enfer. Et chaque fois que j'entends une personne La personne qui vient m'apporter son témoignage, je lui dis d'ailleurs, t'es plus tout seul. Tu n'es plus tout seul et je vais t'accompagner si tu veux, jusqu'au bout du chemin que tu as à faire, pas sur le plan thérapeutique, ça tu le fais avec un thérapeute ou une thérapeute, mais dans les démarches à faire pour que ton témoignage serve à quelque chose, pour que tous ces abus, pour que toutes ces violences sexuelles cessent enfin.

  • Speaker #2

    Et ce qui vous aide beaucoup, c'est que vous-même vous avez connu. Enfin... L'abus sexuel.

  • Speaker #0

    Écoutez, oui, je crois que ça sointe. C'est-à-dire que quand des personnes me contactent, elles me disent, mais je sais que vous avez vécu la même chose, alors je peux vous parler. Je dis, mais écoute, tu n'as pas besoin de me faire un dessin. Mais explique-moi quand même pour toi, aujourd'hui, comment c'est et comment on peut avancer ensemble.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a des choses qui vous surprennent encore ?

  • Speaker #0

    Écoutez, ce qui me touche profondément, c'est quand je reçois des témoignages. Je suis dans le village de personnes qui ont vécu des violences sexuelles très très jeunes. Je sais, par tout ce que j'ai entendu et lu dans la littérature consacrée à ce sujet, que ces traumatismes dans la petite enfance sont les plus difficiles à relever. Ce qui me surprend, c'est la violence. La violence de l'impact du trauma. Combien ces souvenirs traumatiques reviennent avec un impact comme si c'était aujourd'hui ? C'est ce que la plupart des personnes victimes me disent. Elles me disent Tu sais, ce que j'ai vécu là il y a 30 ans, c'est comme si c'était juste maintenant. Ce n'est pas un souvenir passé, c'est quelque chose dans l'aujourd'hui, dans l'ici et maintenant. Et c'est ça qui est terrible. Et c'est d'ailleurs le travail thérapeutique qui travaille ça. Il va permettre à la personne victime d'aller regarder ce trauma, d'aller à sa rencontre, et pour changer le regard. C'est-à-dire que tout le corps apprenne à prendre de la distance par rapport à ce qui s'est passé. Alors, on... Le travail consiste essentiellement à accompagner des personnes, pas du tout sur le plan thérapeutique parce que je ne suis pas thérapeute, mais dans toutes les démarches que les personnes vont pouvoir faire pour pouvoir sortir de cette situation. Parce que prendre la parole c'est extrêmement important, mais aller la porter là où il faut pour que les choses changent c'est tout aussi important.

  • Speaker #2

    Si ce que vous entendez vous intéresse, sachez que nous avons préparé dans la description une fiche qui résume les moments forts de cet entretien, ainsi que les liens utiles en rapport avec le sujet. Comment ça se passe concrètement quand une personne vient vous trouver avec ce bagage pesant sur les épaules ? Qu'est-ce que vous commencez par lui dire ?

  • Speaker #0

    Je commence toujours par l'écouter et à l'écouter vraiment en m'ouvrant totalement à son expérience et à lui faire sentir que, ben oui, moi comme toi j'ai vécu ça, toi comme moi t'as vécu ça. Viens, t'es plus tout seul. Et ce n'est pas tout. Je viens, t'es plus tout seul, je sens que c'est le début de quelque chose.

  • Speaker #2

    Je vous propose d'écouter un extrait d'un témoignage que j'ai recueilli, celui d'Ella, qui a déposé plainte pénale, et je lui ai demandé comment elle se sentait après avoir déposé cette plainte.

  • Speaker #1

    En fait, il y a encore beaucoup de colère après ce geste et aussi vraiment une sensation de lourdeur très forte et beaucoup de fatigue. Donc pour être précise, j'ai déposé plainte pénale pour... Ils appellent ça acteur sexuel sur enfant parce que j'avais 14 ans à l'époque et donc j'étais considérée comme une enfant.

  • Speaker #2

    Marie-Jo, et puis c'est dans l'épisode 1 de ce podcast qu'Ella, une femme de 36 ans, parle de colère, de fatigue. Fatigue, après avoir pris la parole pour dénoncer l'abus qu'elle a subi enfant, est-ce que ces mots colère, fatigue, ça vous étonne ?

  • Speaker #0

    Je me demande, en entendant ces deux mots, colère et fatigue, comment elle a été reçue. Parce que quand on dépose une plate, on peut tomber sur quelqu'un, imaginons par exemple qu'elle tombe sur une inspectrice de police, qui l'accueille avec bienveillance, qui écoute ce qu'elle dit, qui prend au sérieux ce qu'elle dit là et ce qu'elle dit là. des pauses, ou si au contraire elle a été écoutée par quelqu'un qui ne l'écoute pas vraiment.

  • Speaker #2

    En l'occurrence, elle a été accueillie par un homme.

  • Speaker #0

    Ah. Parce que normalement, on doit sortir soulagé quand on a rencontré quelqu'un qui représente l'autorité, parce que la police représente l'autorité, et qu'on a été entendu, et qu'un témoignage a été bien reçu.

  • Speaker #2

    Donc ça veut dire que la parole ou la prise de parole, ça ne libère pas forcément tout de suite ?

  • Speaker #0

    Non, ça ne libère pas, ça ne libère surtout pas quand on tombe sur quelqu'un qui nous dit tais-toi ou qui nous dit ah, c'est pas sérieux, écoutez, on a autre chose à faire Ouais bon, je vais bien prendre votre déposition. J'espère pas que la police travaille comme ça aujourd'hui. Mais enfin vous voyez, quand la parole se heurte à la fermeture, quand elle se heurte au déni, c'est terrible. C'est pire que si on n'avait rien dit.

  • Speaker #2

    Il y aurait donc peut-être plusieurs paliers pour que la parole libère vraiment quelqu'un ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut que la parole rencontre une écoute attentive, une oreille. Ouverte. Vous savez, beaucoup d'enfants qui ont été abusés ont parlé à leurs parents ou à d'autres en disant Voilà ce qui m'est arrivé ! Puis on leur disait Toi, c'est pas possible, c'est pas vrai. Vous vous rendez compte ? Et ils portent ça pendant des années avec eux. Comment voulez-vous qu'ils prennent la parole facilement après ? C'est souvent un travail thérapeutique qui prend du temps, qui peut libérer la parole. On commence à parler à des gens où on sent qu'il y a de l'écoute possible, puis on y va petit à petit. Et puis après on fait l'expérience d'une parole qui est écoutée. Et là on commence à s'ouvrir, à s'ouvrir à soi-même, à s'ouvrir aux autres, à s'ouvrir au monde. Mais c'est un long processus.

  • Speaker #2

    Le postulat de ce podcast justement consiste à dire que prendre la parole permet de dire qui l'on est, ce que l'on veut. Ça se vérifie dans les cas d'abus sexuels ?

  • Speaker #0

    Mais absolument, parce que quand on est enfermé dans le silence de quelque chose qui nous fait si mal, qui prend beaucoup de place dans notre vie et dont on ne peut pas parler, et qui envahit notre champ de conscience, qui donc nous empêche d'avoir une relation normale avec les gens.

  • Speaker #2

    Marie-Joé, est-ce que vous arrivez à dire comment est-ce qu'on en vient à parler, à mettre des mots sur l'abus qu'on a vécu quand on a été enfant, quand on a été victime comme ça ?

  • Speaker #0

    Alors moi je fais le lien avec MeToo. avec ce déferlement médiatique qui a tout à coup fait prendre conscience à des personnes qui ont été victimes de violences sexuelles que leurs paroles pourraient être entendues, qu'on n'allait pas leur dire tais-toi et que des gens seraient là pour l'écouter, pour en faire quelque chose. Et à ce moment-là, on se rend compte qu'en parlant, on se soulage. On se soulage de quelque chose qui nous a oppressés pendant des années. Et ce soulagement, c'est comme une respiration qui enfin peut se poser. Ça nous permet vraiment d'exister pleinement.

  • Speaker #2

    Et de se raccommoder peut-être dans son identité. Oui,

  • Speaker #0

    j'aime bien ce mot, se raccommoder, absolument.

  • Speaker #2

    Et ça fonctionne, on peut se réparer.

  • Speaker #0

    Mais oui.

  • Speaker #2

    Marie-Jo, et bien vous avez vous-même, enfant, été victime, vous l'avez dit, vous avez été victime d'un prêtre abuseur. Vous avez dit dans cette vidéo... C'est un entretien que l'abus avait mis le chaos. Dans votre vie sexuelle, c'est quelque chose dont on entend peu parler. Est-ce que forcément la sexualité des personnes abusées est chamboulée ?

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'elle pourrait ne pas l'être ? Franchement, quelqu'un arrive et déboule dans votre corps, vous saccage. Et puis, il n'y aurait pas de séquelles, ce n'est pas possible. Vous savez, moi, quand j'ai eu 15 ans et que j'ai été abusée, je n'étais pas du tout une fille qui était déjà dans... Dans une adolescence où la sexualité est importante, j'étais tellement dans ma tête, je lisais Pascal, je lisais les philosophes, j'étais vraiment dans quelque chose de très très loin de tout ça. Et quand cet homme a abusé de moi, il m'a complètement sidéré. Complètement sidéré, et il m'a pris par surprise, et il m'a fait quelque chose qui était tellement loin de ce que je pouvais imaginer que je n'ai rien compris. Ce que j'ai compris, c'est que j'avais mal et que j'étais saccagée. Et que quoi ? Et que quoi ? Et je ne savais plus rien. Ce n'est pas seulement ma vie sexuelle qui a été saccagée, c'est toute ma vie. Le chaos est entré dans moi, profondément. Et puis je n'en ai pas parlé. Parce que mes parents avaient beaucoup de respect pour cet homme. Et je me suis dit, mais si j'en parle à ma mère, elle ne me croira jamais, ce n'est pas possible. Et j'ai gardé ça pour moi. J'ai gardé ça en moi pendant 15 ans. Vous vous rendez compte ? Et je n'avais pas complètement oublié ce qui s'était passé, mais je faisais tout pour ne plus y penser. Vous imaginez une vie comme ça ? Est-ce que vous arrivez à imaginer ce que ça crée comme... Comment dire ? On est vivant, mais on n'est pas complètement vivant. Il y a quelque chose de mort en nous. Quelque chose qui ne peut pas se déployer.

  • Speaker #2

    D'où le besoin de parler.

  • Speaker #0

    Eh oui. Moi, dès que j'ai commencé à faire des thérapies, je suis heureusement tombée sur des thérapeutes qui étaient... Ils n'étaient pas encore formés à toutes ces thérapies qu'on a aujourd'hui et qui sont centrées sur le corps. Mais quand même, je suis tombée sur des thérapeutes qui avaient une bonne écoute, qui étaient ouverts, qui étaient attentifs. Et ça m'a fait du bien d'être enfin crue, parce que c'est ça aussi, la peur de ne pas être crue, ça vous enlève toute envie de parler.

  • Speaker #2

    Quand vous évoquez ces thérapies par le corps, vous pensez à quoi ?

  • Speaker #0

    Écoutez, il y a toutes sortes de mouvements thérapeutiques qui mettent l'accent sur les sensations, sur ce que le souvenir qu'on va rechercher produit comme sensation dans le corps. Et ça permet à la personne de se faire sentir. La personne qui est en thérapie, de se reconnecter à son corps. Parce que moi en tout cas, quand j'ai vécu la violence sexuelle qui m'est arrivée, je me suis coupée de mon corps. Et ça c'est un phénomène assez fréquent. C'est des personnes qui sont abusées, elles se coupent de leurs sensations corporelles. Et c'est très important de retrouver ces sensations, mais pas brutalement bien sûr. De le trouver en étant accompagnée en thérapie.

  • Speaker #2

    Marie-Jo et Bi, vous répétez souvent dans les médias où vous êtes très sollicités que les personnes abusées ont des... Le droit.

  • Speaker #0

    Ah oui. Il y a un juriste international qui s'appelle Louis Jouanet qui a introduit ces quatre droits fondamentaux des personnes victimes à l'échelle du droit international. C'est devenu quelque chose qui est vraiment suivi par la justice. Il faudrait qu'enfin les églises aussi le suivent. Le premier droit... C'est le droit de savoir. J'ai besoin de savoir ce qui s'est passé. Pourquoi je n'ai pas été protégée quand c'est arrivé ? Pourquoi est-ce que tant de gens qui pourtant savaient n'ont rien fait, n'ont rien dit ? Pourquoi est-ce que l'institution qui abritait cette communauté religieuse, qui était quand même là, qui était vivante, qui priait, pourquoi est-ce que cette communauté a fonctionné avec une sorte d'aveuglement ? J'ai le droit de savoir, j'ai le droit d'avoir accès à mon dossier. C'est important que des archives existent, qu'elles ne soient pas détruites. C'est très important pour les victimes. Le deuxième droit, c'est le droit à la reconnaissance. L'institution qui n'a pas su me protéger doit reconnaître sa responsabilité institutionnelle. Surtout quand l'auteur des abus est devenu quelqu'un qui n'est peut-être plus du tout en fonction. Il est peut-être dans une maison pour personnes âgées ou il est peut-être même décédé. Il faut que l'institution prenne ses responsabilités. J'ai le droit d'être reconnu. Le troisième droit, c'est le droit à être réparé. Dans la société civile, ça va de soi. Si vous commettez un accident de voiture et que vous renversez quelqu'un, vous n'allez pas rester tranquille dans votre chambre en disant il ne s'est rien passé Vous rendez visite à l'hôpital à cette personne, vous êtes en contact avec la famille, vous allez réparer financièrement aussi, parce que la réparation financière c'est un signe concret de reconnaissance de responsabilité. Donc ça c'est le droit à la réparation. Et ensuite le dernier droit c'est j'ai droit à l'éducation Être rassurée que la communauté fait tout ce qu'elle peut pour que ces phénomènes ne se répètent pas. Donc elle met en place des stratégies de prévention. Alors ça, ça se fait. Je reconnais que dans l'Église, que ce soit l'Église catholique ou dans les Églises réformées, on fait tout aujourd'hui pour éviter que de nouvelles situations arrivent. Mais je ne suis pas sûre que dans une communauté où un personnage charismatique... reconnu, théologien, qui apporte par sa parole quelque chose qui nourrit les gens de la communauté, si cette personne en même temps commet des violences sexuelles, je ne suis pas sûre que la communauté est prête à le reconnaître. Parce que c'est tellement grave que ça met beaucoup de choses en question. C'est comme dans une famille quand vous avez un père qui abuse de ses enfants. On accuse souvent la victime, l'enfant, de faire éclater la famille. Alors, Alors que c'est l'auteur des abus qui fait éclater la famille, c'est pas l'enfant. Donc vous voyez, souvent les victimes, quand elles prennent la parole, et quand elles ne tombent pas sur des gens qui vraiment acceptent cette parole, elles sont rendues coupables de ce qui s'est passé. Alors qu'elles ne sont pas coupables du tout.

  • Speaker #2

    Et elles ont honte aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais heureusement aujourd'hui la honte a changé de camp. Heureusement, la honte a changé de camp, parce que les églises commencent à reconnaître leurs responsabilités.

  • Speaker #2

    Marie-Joébie, est-ce que vous vous considérez comme une militante ?

  • Speaker #0

    Je crois, oui. Je crois parce qu'en fondant le groupe Sapec, c'était surtout les droits des victimes qu'on a mis en avant. Je me souviendrai toujours, il y a une dizaine d'années, quand on est allé trouver le nouvel évêque qui entrait en fonction pour le diocèse de Lausanne-Geneve-Effribourg, c'était Moriro. On est allé le voir avec six droits dans la poche. Et on a été tout étonnés de nous trouver en face d'une personne qui nous écoutait vraiment. Et on avait senti qu'ils comprenaient le problème. C'est d'ailleurs la même chose que j'ai ressenti il y a quelques mois, lorsque j'ai rencontré pour la première fois Rita Famos, qui est la présidente de l'église réformée évangélique sur le plan suisse. Je l'ai rencontrée avec deux victimes, et j'ai tout de suite senti qu'elles comprenaient de quoi on parle.

  • Speaker #2

    Est-ce que vous pouvez dire, Marie-Joué Bic, que vous vous êtes vous, affirmée au travers de l'écoute des autres ?

  • Speaker #0

    Je crois que vous dites juste, s'affirmer dans l'écoute de cette parole. Je crois oui, parce que du coup, en abordant les églises, je venais avec tous ces témoignages dans mon sac à dos. Donc j'aimerais remercier toutes les personnes qui ont osé témoigner, qui ont osé nous contacter.

  • Speaker #3

    Merci.

  • Speaker #0

    Dans ce sac à dos, il y a des trésors, des trésors, des trésors de vie. Ces traumas accumulés, ce n'est pas seulement du négatif, c'est de la vie, c'est de la vie, comment dire ? Qu'a du sens ? C'est de la vie, il ne demande qu'à être reconnu et aimé.

  • Speaker #2

    Vous pouvez retrouver un nouvel épisode de ce podcast chaque deux semaines sur reformer.ch ou sur les différentes plateformes d'écoute Spotify, Apple Podcasts ou Deezer. Et si cet épisode vous a touché ou apporté quelque chose de spécial, montrez-nous votre soutien en nous attribuant 5 étoiles. Thierry Châtel était à la réalisation et Max Hidje à la production.

  • Speaker #0

    De vive foi.

Chapters

  • Victime d’ABUS

    00:00

  • Les TRAUMATISMES

    03:40

  • TÉMOIGNAGE

    05:52

  • LIBÉRATION par la PAROLE

    09:24

  • Les CONSÉQUENCES

    11:25

  • PREMIER PAS vers la GUÉRISON

    13:51

  • Le droit d’être ÉCOUTÉ

    18:35

Description

👉 Cliquez ici pour télécharger la fiche!

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Dans cet épisode, Marie-Jo Aeby, qui a reçu plusieurs plaintes de victimes d'abus sexuels protestantes au sein du groupe SAPEC, partage son propre parcours et celui d'autres victimes qu'elle accompagne, soulignant l'importance cruciale de la reconnaissance et de la guérison. Le récit de Marie-Jo, empreint de compassion et de compréhension profonde des traumas, est un appel à briser le silence et à affronter la réalité des violences sexuelles dans les institutions religieuses.


Pensé à la base pour venir en aide aux personnes abusées par des prêtres de l’Eglise catholique, le groupe SAPEC s’adresse aujourd’hui à toute personne ou à son entourage concerné-e-s par les abus d’autorité religieuse, quelles que soient les religions ou spiritualités concernées.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous savez, moi quand j'ai eu 15 ans et que j'ai été abusée, j'étais vraiment dans quelque chose de très très loin de tout ça. Et quand cet homme a abusé de moi, il m'a complètement sidéré. Il m'a pris par surprise et... Il m'a fait quelque chose qui était tellement loin de ce que je pouvais imaginer que j'ai rien compris. De vive voix. Le monde a besoin de votre parole. Dire, s'exprimer. Prendre la parole, c'est extrêmement important. Je parle en jeu.

  • Speaker #1

    Je me suis dit, ok, je peux aussi parler.

  • Speaker #0

    On a la voix du mécontentement, on a la voix de la colère. De vive voix. On a plein de voix. Un podcast de Gabriel de Sarzan pour réformer.ch Vous aussi, sortez du silence, ne restez pas enfermés dans cette solitude dans laquelle vous êtes. Parce que la violence sexuelle est une réalité qu'on doit aborder ensemble. Et vous, en tant que victime, vous avez une parole qui est une parole vraie, puisque c'est de vos tripes que ça vient, c'est de votre expérience, c'est de votre corps. Alors, dites-la au effort.

  • Speaker #2

    Marie-Jo Héby est cofondatrice du groupe Sapec, l'association de soutien aux personnes âgées. abusé dans une relation d'autorité religieuse. Le groupe Sapec a été créé il y a bientôt 14 ans et Marie-Jo est venue à écouter des dizaines et des dizaines de personnes victimes d'abus dans l'église. Est-ce qu'on s'habitue à ces témoignages ?

  • Speaker #0

    Jamais ! Heureusement d'ailleurs. Vous savez, chaque témoignage est unique et chaque personne est unique. Et c'est vrai, chaque fois que j'entends quelqu'un qui témoigne, je me dis mais cette personne, elle a comme moi vécu quelque chose d'horrible, il faut qu'on en fasse quelque chose. Il faut qu'elle puisse sortir de là, il faut que je l'accompagne dans le travail qu'elle a à faire pour aller plus loin, pour sortir de cet enfer. Et chaque fois que j'entends une personne La personne qui vient m'apporter son témoignage, je lui dis d'ailleurs, t'es plus tout seul. Tu n'es plus tout seul et je vais t'accompagner si tu veux, jusqu'au bout du chemin que tu as à faire, pas sur le plan thérapeutique, ça tu le fais avec un thérapeute ou une thérapeute, mais dans les démarches à faire pour que ton témoignage serve à quelque chose, pour que tous ces abus, pour que toutes ces violences sexuelles cessent enfin.

  • Speaker #2

    Et ce qui vous aide beaucoup, c'est que vous-même vous avez connu. Enfin... L'abus sexuel.

  • Speaker #0

    Écoutez, oui, je crois que ça sointe. C'est-à-dire que quand des personnes me contactent, elles me disent, mais je sais que vous avez vécu la même chose, alors je peux vous parler. Je dis, mais écoute, tu n'as pas besoin de me faire un dessin. Mais explique-moi quand même pour toi, aujourd'hui, comment c'est et comment on peut avancer ensemble.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a des choses qui vous surprennent encore ?

  • Speaker #0

    Écoutez, ce qui me touche profondément, c'est quand je reçois des témoignages. Je suis dans le village de personnes qui ont vécu des violences sexuelles très très jeunes. Je sais, par tout ce que j'ai entendu et lu dans la littérature consacrée à ce sujet, que ces traumatismes dans la petite enfance sont les plus difficiles à relever. Ce qui me surprend, c'est la violence. La violence de l'impact du trauma. Combien ces souvenirs traumatiques reviennent avec un impact comme si c'était aujourd'hui ? C'est ce que la plupart des personnes victimes me disent. Elles me disent Tu sais, ce que j'ai vécu là il y a 30 ans, c'est comme si c'était juste maintenant. Ce n'est pas un souvenir passé, c'est quelque chose dans l'aujourd'hui, dans l'ici et maintenant. Et c'est ça qui est terrible. Et c'est d'ailleurs le travail thérapeutique qui travaille ça. Il va permettre à la personne victime d'aller regarder ce trauma, d'aller à sa rencontre, et pour changer le regard. C'est-à-dire que tout le corps apprenne à prendre de la distance par rapport à ce qui s'est passé. Alors, on... Le travail consiste essentiellement à accompagner des personnes, pas du tout sur le plan thérapeutique parce que je ne suis pas thérapeute, mais dans toutes les démarches que les personnes vont pouvoir faire pour pouvoir sortir de cette situation. Parce que prendre la parole c'est extrêmement important, mais aller la porter là où il faut pour que les choses changent c'est tout aussi important.

  • Speaker #2

    Si ce que vous entendez vous intéresse, sachez que nous avons préparé dans la description une fiche qui résume les moments forts de cet entretien, ainsi que les liens utiles en rapport avec le sujet. Comment ça se passe concrètement quand une personne vient vous trouver avec ce bagage pesant sur les épaules ? Qu'est-ce que vous commencez par lui dire ?

  • Speaker #0

    Je commence toujours par l'écouter et à l'écouter vraiment en m'ouvrant totalement à son expérience et à lui faire sentir que, ben oui, moi comme toi j'ai vécu ça, toi comme moi t'as vécu ça. Viens, t'es plus tout seul. Et ce n'est pas tout. Je viens, t'es plus tout seul, je sens que c'est le début de quelque chose.

  • Speaker #2

    Je vous propose d'écouter un extrait d'un témoignage que j'ai recueilli, celui d'Ella, qui a déposé plainte pénale, et je lui ai demandé comment elle se sentait après avoir déposé cette plainte.

  • Speaker #1

    En fait, il y a encore beaucoup de colère après ce geste et aussi vraiment une sensation de lourdeur très forte et beaucoup de fatigue. Donc pour être précise, j'ai déposé plainte pénale pour... Ils appellent ça acteur sexuel sur enfant parce que j'avais 14 ans à l'époque et donc j'étais considérée comme une enfant.

  • Speaker #2

    Marie-Jo, et puis c'est dans l'épisode 1 de ce podcast qu'Ella, une femme de 36 ans, parle de colère, de fatigue. Fatigue, après avoir pris la parole pour dénoncer l'abus qu'elle a subi enfant, est-ce que ces mots colère, fatigue, ça vous étonne ?

  • Speaker #0

    Je me demande, en entendant ces deux mots, colère et fatigue, comment elle a été reçue. Parce que quand on dépose une plate, on peut tomber sur quelqu'un, imaginons par exemple qu'elle tombe sur une inspectrice de police, qui l'accueille avec bienveillance, qui écoute ce qu'elle dit, qui prend au sérieux ce qu'elle dit là et ce qu'elle dit là. des pauses, ou si au contraire elle a été écoutée par quelqu'un qui ne l'écoute pas vraiment.

  • Speaker #2

    En l'occurrence, elle a été accueillie par un homme.

  • Speaker #0

    Ah. Parce que normalement, on doit sortir soulagé quand on a rencontré quelqu'un qui représente l'autorité, parce que la police représente l'autorité, et qu'on a été entendu, et qu'un témoignage a été bien reçu.

  • Speaker #2

    Donc ça veut dire que la parole ou la prise de parole, ça ne libère pas forcément tout de suite ?

  • Speaker #0

    Non, ça ne libère pas, ça ne libère surtout pas quand on tombe sur quelqu'un qui nous dit tais-toi ou qui nous dit ah, c'est pas sérieux, écoutez, on a autre chose à faire Ouais bon, je vais bien prendre votre déposition. J'espère pas que la police travaille comme ça aujourd'hui. Mais enfin vous voyez, quand la parole se heurte à la fermeture, quand elle se heurte au déni, c'est terrible. C'est pire que si on n'avait rien dit.

  • Speaker #2

    Il y aurait donc peut-être plusieurs paliers pour que la parole libère vraiment quelqu'un ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il faut que la parole rencontre une écoute attentive, une oreille. Ouverte. Vous savez, beaucoup d'enfants qui ont été abusés ont parlé à leurs parents ou à d'autres en disant Voilà ce qui m'est arrivé ! Puis on leur disait Toi, c'est pas possible, c'est pas vrai. Vous vous rendez compte ? Et ils portent ça pendant des années avec eux. Comment voulez-vous qu'ils prennent la parole facilement après ? C'est souvent un travail thérapeutique qui prend du temps, qui peut libérer la parole. On commence à parler à des gens où on sent qu'il y a de l'écoute possible, puis on y va petit à petit. Et puis après on fait l'expérience d'une parole qui est écoutée. Et là on commence à s'ouvrir, à s'ouvrir à soi-même, à s'ouvrir aux autres, à s'ouvrir au monde. Mais c'est un long processus.

  • Speaker #2

    Le postulat de ce podcast justement consiste à dire que prendre la parole permet de dire qui l'on est, ce que l'on veut. Ça se vérifie dans les cas d'abus sexuels ?

  • Speaker #0

    Mais absolument, parce que quand on est enfermé dans le silence de quelque chose qui nous fait si mal, qui prend beaucoup de place dans notre vie et dont on ne peut pas parler, et qui envahit notre champ de conscience, qui donc nous empêche d'avoir une relation normale avec les gens.

  • Speaker #2

    Marie-Joé, est-ce que vous arrivez à dire comment est-ce qu'on en vient à parler, à mettre des mots sur l'abus qu'on a vécu quand on a été enfant, quand on a été victime comme ça ?

  • Speaker #0

    Alors moi je fais le lien avec MeToo. avec ce déferlement médiatique qui a tout à coup fait prendre conscience à des personnes qui ont été victimes de violences sexuelles que leurs paroles pourraient être entendues, qu'on n'allait pas leur dire tais-toi et que des gens seraient là pour l'écouter, pour en faire quelque chose. Et à ce moment-là, on se rend compte qu'en parlant, on se soulage. On se soulage de quelque chose qui nous a oppressés pendant des années. Et ce soulagement, c'est comme une respiration qui enfin peut se poser. Ça nous permet vraiment d'exister pleinement.

  • Speaker #2

    Et de se raccommoder peut-être dans son identité. Oui,

  • Speaker #0

    j'aime bien ce mot, se raccommoder, absolument.

  • Speaker #2

    Et ça fonctionne, on peut se réparer.

  • Speaker #0

    Mais oui.

  • Speaker #2

    Marie-Jo, et bien vous avez vous-même, enfant, été victime, vous l'avez dit, vous avez été victime d'un prêtre abuseur. Vous avez dit dans cette vidéo... C'est un entretien que l'abus avait mis le chaos. Dans votre vie sexuelle, c'est quelque chose dont on entend peu parler. Est-ce que forcément la sexualité des personnes abusées est chamboulée ?

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'elle pourrait ne pas l'être ? Franchement, quelqu'un arrive et déboule dans votre corps, vous saccage. Et puis, il n'y aurait pas de séquelles, ce n'est pas possible. Vous savez, moi, quand j'ai eu 15 ans et que j'ai été abusée, je n'étais pas du tout une fille qui était déjà dans... Dans une adolescence où la sexualité est importante, j'étais tellement dans ma tête, je lisais Pascal, je lisais les philosophes, j'étais vraiment dans quelque chose de très très loin de tout ça. Et quand cet homme a abusé de moi, il m'a complètement sidéré. Complètement sidéré, et il m'a pris par surprise, et il m'a fait quelque chose qui était tellement loin de ce que je pouvais imaginer que je n'ai rien compris. Ce que j'ai compris, c'est que j'avais mal et que j'étais saccagée. Et que quoi ? Et que quoi ? Et je ne savais plus rien. Ce n'est pas seulement ma vie sexuelle qui a été saccagée, c'est toute ma vie. Le chaos est entré dans moi, profondément. Et puis je n'en ai pas parlé. Parce que mes parents avaient beaucoup de respect pour cet homme. Et je me suis dit, mais si j'en parle à ma mère, elle ne me croira jamais, ce n'est pas possible. Et j'ai gardé ça pour moi. J'ai gardé ça en moi pendant 15 ans. Vous vous rendez compte ? Et je n'avais pas complètement oublié ce qui s'était passé, mais je faisais tout pour ne plus y penser. Vous imaginez une vie comme ça ? Est-ce que vous arrivez à imaginer ce que ça crée comme... Comment dire ? On est vivant, mais on n'est pas complètement vivant. Il y a quelque chose de mort en nous. Quelque chose qui ne peut pas se déployer.

  • Speaker #2

    D'où le besoin de parler.

  • Speaker #0

    Eh oui. Moi, dès que j'ai commencé à faire des thérapies, je suis heureusement tombée sur des thérapeutes qui étaient... Ils n'étaient pas encore formés à toutes ces thérapies qu'on a aujourd'hui et qui sont centrées sur le corps. Mais quand même, je suis tombée sur des thérapeutes qui avaient une bonne écoute, qui étaient ouverts, qui étaient attentifs. Et ça m'a fait du bien d'être enfin crue, parce que c'est ça aussi, la peur de ne pas être crue, ça vous enlève toute envie de parler.

  • Speaker #2

    Quand vous évoquez ces thérapies par le corps, vous pensez à quoi ?

  • Speaker #0

    Écoutez, il y a toutes sortes de mouvements thérapeutiques qui mettent l'accent sur les sensations, sur ce que le souvenir qu'on va rechercher produit comme sensation dans le corps. Et ça permet à la personne de se faire sentir. La personne qui est en thérapie, de se reconnecter à son corps. Parce que moi en tout cas, quand j'ai vécu la violence sexuelle qui m'est arrivée, je me suis coupée de mon corps. Et ça c'est un phénomène assez fréquent. C'est des personnes qui sont abusées, elles se coupent de leurs sensations corporelles. Et c'est très important de retrouver ces sensations, mais pas brutalement bien sûr. De le trouver en étant accompagnée en thérapie.

  • Speaker #2

    Marie-Jo et Bi, vous répétez souvent dans les médias où vous êtes très sollicités que les personnes abusées ont des... Le droit.

  • Speaker #0

    Ah oui. Il y a un juriste international qui s'appelle Louis Jouanet qui a introduit ces quatre droits fondamentaux des personnes victimes à l'échelle du droit international. C'est devenu quelque chose qui est vraiment suivi par la justice. Il faudrait qu'enfin les églises aussi le suivent. Le premier droit... C'est le droit de savoir. J'ai besoin de savoir ce qui s'est passé. Pourquoi je n'ai pas été protégée quand c'est arrivé ? Pourquoi est-ce que tant de gens qui pourtant savaient n'ont rien fait, n'ont rien dit ? Pourquoi est-ce que l'institution qui abritait cette communauté religieuse, qui était quand même là, qui était vivante, qui priait, pourquoi est-ce que cette communauté a fonctionné avec une sorte d'aveuglement ? J'ai le droit de savoir, j'ai le droit d'avoir accès à mon dossier. C'est important que des archives existent, qu'elles ne soient pas détruites. C'est très important pour les victimes. Le deuxième droit, c'est le droit à la reconnaissance. L'institution qui n'a pas su me protéger doit reconnaître sa responsabilité institutionnelle. Surtout quand l'auteur des abus est devenu quelqu'un qui n'est peut-être plus du tout en fonction. Il est peut-être dans une maison pour personnes âgées ou il est peut-être même décédé. Il faut que l'institution prenne ses responsabilités. J'ai le droit d'être reconnu. Le troisième droit, c'est le droit à être réparé. Dans la société civile, ça va de soi. Si vous commettez un accident de voiture et que vous renversez quelqu'un, vous n'allez pas rester tranquille dans votre chambre en disant il ne s'est rien passé Vous rendez visite à l'hôpital à cette personne, vous êtes en contact avec la famille, vous allez réparer financièrement aussi, parce que la réparation financière c'est un signe concret de reconnaissance de responsabilité. Donc ça c'est le droit à la réparation. Et ensuite le dernier droit c'est j'ai droit à l'éducation Être rassurée que la communauté fait tout ce qu'elle peut pour que ces phénomènes ne se répètent pas. Donc elle met en place des stratégies de prévention. Alors ça, ça se fait. Je reconnais que dans l'Église, que ce soit l'Église catholique ou dans les Églises réformées, on fait tout aujourd'hui pour éviter que de nouvelles situations arrivent. Mais je ne suis pas sûre que dans une communauté où un personnage charismatique... reconnu, théologien, qui apporte par sa parole quelque chose qui nourrit les gens de la communauté, si cette personne en même temps commet des violences sexuelles, je ne suis pas sûre que la communauté est prête à le reconnaître. Parce que c'est tellement grave que ça met beaucoup de choses en question. C'est comme dans une famille quand vous avez un père qui abuse de ses enfants. On accuse souvent la victime, l'enfant, de faire éclater la famille. Alors, Alors que c'est l'auteur des abus qui fait éclater la famille, c'est pas l'enfant. Donc vous voyez, souvent les victimes, quand elles prennent la parole, et quand elles ne tombent pas sur des gens qui vraiment acceptent cette parole, elles sont rendues coupables de ce qui s'est passé. Alors qu'elles ne sont pas coupables du tout.

  • Speaker #2

    Et elles ont honte aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais heureusement aujourd'hui la honte a changé de camp. Heureusement, la honte a changé de camp, parce que les églises commencent à reconnaître leurs responsabilités.

  • Speaker #2

    Marie-Joébie, est-ce que vous vous considérez comme une militante ?

  • Speaker #0

    Je crois, oui. Je crois parce qu'en fondant le groupe Sapec, c'était surtout les droits des victimes qu'on a mis en avant. Je me souviendrai toujours, il y a une dizaine d'années, quand on est allé trouver le nouvel évêque qui entrait en fonction pour le diocèse de Lausanne-Geneve-Effribourg, c'était Moriro. On est allé le voir avec six droits dans la poche. Et on a été tout étonnés de nous trouver en face d'une personne qui nous écoutait vraiment. Et on avait senti qu'ils comprenaient le problème. C'est d'ailleurs la même chose que j'ai ressenti il y a quelques mois, lorsque j'ai rencontré pour la première fois Rita Famos, qui est la présidente de l'église réformée évangélique sur le plan suisse. Je l'ai rencontrée avec deux victimes, et j'ai tout de suite senti qu'elles comprenaient de quoi on parle.

  • Speaker #2

    Est-ce que vous pouvez dire, Marie-Joué Bic, que vous vous êtes vous, affirmée au travers de l'écoute des autres ?

  • Speaker #0

    Je crois que vous dites juste, s'affirmer dans l'écoute de cette parole. Je crois oui, parce que du coup, en abordant les églises, je venais avec tous ces témoignages dans mon sac à dos. Donc j'aimerais remercier toutes les personnes qui ont osé témoigner, qui ont osé nous contacter.

  • Speaker #3

    Merci.

  • Speaker #0

    Dans ce sac à dos, il y a des trésors, des trésors, des trésors de vie. Ces traumas accumulés, ce n'est pas seulement du négatif, c'est de la vie, c'est de la vie, comment dire ? Qu'a du sens ? C'est de la vie, il ne demande qu'à être reconnu et aimé.

  • Speaker #2

    Vous pouvez retrouver un nouvel épisode de ce podcast chaque deux semaines sur reformer.ch ou sur les différentes plateformes d'écoute Spotify, Apple Podcasts ou Deezer. Et si cet épisode vous a touché ou apporté quelque chose de spécial, montrez-nous votre soutien en nous attribuant 5 étoiles. Thierry Châtel était à la réalisation et Max Hidje à la production.

  • Speaker #0

    De vive foi.

Chapters

  • Victime d’ABUS

    00:00

  • Les TRAUMATISMES

    03:40

  • TÉMOIGNAGE

    05:52

  • LIBÉRATION par la PAROLE

    09:24

  • Les CONSÉQUENCES

    11:25

  • PREMIER PAS vers la GUÉRISON

    13:51

  • Le droit d’être ÉCOUTÉ

    18:35

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