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Henri-Georges Clouzot à la loupe 🕵️‍♂️  : entretien avec Noël Herpe, historien du cinéma français 🎬  Rétro Cinéma - Hors Séance #2 🍿 cover
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Rétro Cinéma - Histoire du cinéma et des films de patrimoine

Henri-Georges Clouzot à la loupe 🕵️‍♂️ : entretien avec Noël Herpe, historien du cinéma français 🎬 Rétro Cinéma - Hors Séance #2 🍿

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46min |16/01/2025
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Henri-Georges Clouzot à la loupe 🕵️‍♂️  : entretien avec Noël Herpe, historien du cinéma français 🎬  Rétro Cinéma - Hors Séance #2 🍿 cover
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Henri-Georges Clouzot à la loupe 🕵️‍♂️ : entretien avec Noël Herpe, historien du cinéma français 🎬 Rétro Cinéma - Hors Séance #2 🍿

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46min |16/01/2025
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Description

[Rétro Cinéma - Hors Séance - Spécial Clouzot - Entretien avec Noël Herpe - Historien du cinéma - Janvier 2025 🎬]

Bienvenue sur Rétro Cinéma, le podcast qui vous fait redécouvrir les classiques du cinéma de patrimoine facilement accessibles ! 🍿

Dans cet épisode Hors Séance, j’ai le plaisir d’accueillir Noël Herpe, historien du cinéma français et commissaire de la rétrospective "Le Mystère Clouzot".

Ensemble, nous explorons l’univers captivant d’Henri-Georges Clouzot, figure majeure du cinéma français et du cinéma mondial.

🔎 Qui était vraiment Clouzot ?
📽️ Quelle est la singularité de sa filmographie, mêlant suspense, thriller et drame psychologique ?
🎬 Comment travaillait-il avec ses acteurs pour créer des performances marquantes ?
⚡ Peut-on vraiment le considérer comme le "Hitchcock français" ?

De L’Assassin habite au 21 à La Prisonnière, en passant par Le Salaire de la peur et Les Diaboliques, nous analysons son style unique, ses méthodes de réalisation, ses controverses, et son héritage durable dans l’histoire du 7e art avec ses influences sur les thrillers et le cinéma d’horreur.

Cet épisode est une immersion indispensable pour tous les passionnés de cinéma classique et d’histoire du cinéma, à écouter sans modération !

Vous pourrez retrouver ses chefs-d’œuvre dans les salles de cinéma et festivals dédiés au cinéma et films de patrimoine près de chez vous.

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À très vite pour un nouveau voyage dans l’histoire du cinéma mondial ! 🎬✨

Et voilà, c'était Rétro Cinéma, ou Rétro Ciné pour les intimes, votre Podcast d'histoire du Cinéma mondial, qui vous transporte dans l'histoire des films de patrimoine du cinéma mondial avec des chefs d'oeuvres disponibles simplement, sur internet, dans vos médiathèques et cinémathèques, voir festivals de films de cinéma, près de chez vous 🎬🍿


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur Rétro Ciné, votre rendez-vous cinéma qui vous transporte dans les films de patrimoine du cinéma mondial, avec des offres disponibles gratuitement ou presque, sur internet, dans les festivals, dans vos médiathèques et cinémathèques près de chez vous. Tout d'abord, je vous souhaite à toutes et à tous une excellente année 2025. J'espère qu'elle sera remplie de bons films que vous allez découvrir, soit au cinéma, soit avec nous. Et sans plus attendre, je suis très heureux de vous présenter cette nouvelle séance, hors séance, car il va s'agir d'un entretien. Un entretien avec M. Noël Herpe, historien du cinéma et spécialiste de Clouzot. On lui doit notamment la rétrospective dédiée à Henri-Georges Clouzot. Avec lui, nous allons revenir sur notre épisode consacré au diabolique, mais également aller plus loin pour en connaître davantage sur ce réalisateur, ses goûts, son style et tout ce qui a inspiré le cinéma mondial. Donc sans plus attendre, je vous propose de découvrir l'interview de M. Herpe et ensemble de plonger un petit peu plus dans la cinématographie de ce génial réalisateur avec ses controverses, mais également avec tout ce qui découle de son cinéma encore aujourd'hui. Eh bien M. Noël Herpe, bonjour. Merci d'avoir pris le temps de venir dans le podcast Rétro Ciné pour échanger avec moi pour justement aller plus loin sur notre épisode précédent concernant Les diaboliques de Clouseau. On va revenir un petit peu ensemble sur l'entièreté de la carrière de Clouseau. Avant tout, je vous présente, vous êtes écrivain, vous avez notamment écrit Souvenir écran, et vous êtes historien du cinéma français. Je vous contacte car vous avez été également commissaire à l'exposition en lien avec la Cinémathèque sur Le Mystère Clouseau. Est-ce que vous pouvez vous présenter un petit peu plus pour nos auditeurs ?

  • Speaker #1

    Oui, je suis historien du cinéma français, j'ai écrit quelques bouquins sur la question, j'ai co-écrit une biographie d'Éric Romer, j'ai fait aussi une exposition sur Sacha Guitry, j'ai travaillé sur René Klein, enfin en tout cas je suis assez focalisé sur le cinéma français, disons de la période classique, donc c'est un peu à ce titre que j'avais été sollicité, Serge Toubiana et la Cinémathèque française, ensuite le projet a été repris par l'actuel directeur Frédéric Bonneau. pour valoriser un fonds d'archives qui avait été versé à la communauté française de Clouseau. Puisque la veuve d'Henri-Georges Clouot étant décédée il y a quelques années, ces archives se sont retrouvées en lieu sûr, en de bonnes mains. Et j'étais un peu chargé d'expertiser ce fonds pour savoir si ça valait le coup de faire une expo, ce que j'ai plutôt préconisé. Donc ce n'était pas une très grande expo, mais c'était quand même une expo de dialogue. avec, voilà, on a pu montrer les storyboards de Clouzot, tout son travail pour l'Enfer, le Mister Picasso, des photos de tournage très belles. Et ensuite, il se trouve qu'alors, il y a eu un très beau catalogue chez Liénard, et puis deux ou trois ans après, j'ai fait un recueil de correspondance avec Clouot et sa première, sa première fête à Pâmes. sa maîtresse en titre et sa mimique, son interprète, Suzy Delaire. J'ai publié ça chez Pierre-Julien Marrest, Clouzot-Delaire. Donc voilà, je suis un peu un multirécidiviste de Clouzot.

  • Speaker #0

    Multirécidiviste, j'aime beaucoup ce mot qu'on parle de Clouseau en plus. Ma première question, elle va être toute simple en fait, mais pourquoi vous êtes-vous intéressé au cinéma d'Henri-Georges Clouseau en particulier ?

  • Speaker #1

    C'est un peu au carrefour de mon goût pour le cinéma français dont je viens de parler. Du fait que peut-être que moi, quand j'ai commencé à écrire sur Clouseau, c'était dans la revue Positive, il y a une trentaine d'années. Finalement, on en parlait tellement que le doigt pour moi m'avait frappé à l'époque. Parce que la revue Positive, à laquelle je participais régulièrement, avait fait un référendum sur le film criminel. On avait élu les meilleurs films criminels français. Je crois que les deux films qui étaient sortis en tête... C'était tout à l'époque au Brisbane de Dan Becker et qui est désormais. Donc, j'avais fait un papier sur les films communels de Clouseau. C'est un peu comme ça que je suis devenu, un peu malgré moi, spécialiste de ce cinéaste. Et par ailleurs, c'est vrai, je dois le reconnaître, je suis vraiment très passionné. Et de plus en plus, ça, c'est plutôt quelque chose qui m'est venu avec l'âge. Alors, je ne sais pas, certains disent le thrillerr, mais pour moi, ce n'est pas ça le thriller. Alors, ce n'est pas le... thriller, c'est autre chose pour moi. Je ne crois pas qu'on puisse vraiment dire que Clouzot soit un cinéaste de thriller. Il y a aussi la question du film noir. Je sais que j'ai certains collègues qui considèrent que Clouseau est un représentant du film noir. Je ne suis pas non plus du tout d'accord. Moi, le film noir ou le thriller, ce sont plutôt des films, disons... Le thriller, c'est compliqué à définir. Le film noir, pour moi, c'est plutôt un cinéma qui se passe dans les milieux de la pègre, avec une certaine atmosphère. Ça vient de la littérature du même nom, le roman noir. Et donc, voilà, la série noire, on se retrouve avec des films comme le Réjifi, par exemple, ou le Grisby, qui sont typiquement des films noirs à la française. Je ne crois pas du tout que le plus grand partenaire de cette veine, c'est plutôt ce qu'on appellerait le wooden it c'est-à-dire le film à énigmes, le film à suspense. Or, le film à suspense, ce n'est pas du tout la même chose que les deux genres que je viens de citer. C'est vraiment un cinéma où il y a un crime, plusieurs crimes éventuellement, un coupable. Peut-être pas de coupable du tout, mais enfin, en tout cas, il y a une enquête pour déterminer qui a tué. C'est ce qu'on appelle le Whodunit. C'est plutôt une tradition anglo-saxonne, remontant évidemment au livre de Conan Doyle, de la Gattacristi, magnifiquement illustré, évidemment, comme on sait, par Hitchcock, mais Clouseau n'est pas indigne de son homologue britannique, et il a fait des films tout aussi géniaux. Je pense qu'aujourd'hui, on peut dire que grâce à votre génération et à celle qui l'a citée, on peut dire que là, Clouot est revenu à sa place qui est quasiment égale à celle d'Hitchcock, aussi éclatante que celle d'Hitchcock dans la maîtrise de ce registre.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant ce que vous dites, parce que vous avez commencé par dire que justement, à l'époque, finalement, on ne parlait pas tant de Clouzot. Et j'ai l'impression qu'il y a un petit peu ce revival, je pense qu'également votre exposition l'a montré, l'exposition que vous avez faite en 2017, pourquoi y a-t-il un renouveau d'intérêt ? pour le cinéma de Clouseau aujourd'hui ? On parle aussi d'Hitchcock. Hitchcock a été très populaire ces dernières années. Et là, on revoit Clouseau réémerger, j'ai envie de dire.

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a eu plusieurs phénomènes. Il y a eu, bon, l'exposition de la Cinémathèque a été importante, mais il y a eu une sorte de convergence comme ça, comment dire, d'alignement d'astres. Il y a eu en même temps, il faut le dire, l'extraordinaire énergie d'une personne qui s'occupe des droits de Clouseau, qui s'appelle Guylaine Gracieux, qui a milité avec beaucoup d'énergie et d'enthousiasme pour fédérer un peu tout le monde autour de ce revival Clouseau, et avec succès, puisqu'il y a eu d'autres expositions, il y a eu pas mal de réconspectives dans toute la France, et moi-même, à cette occasion, j'ai fait toute une tournée de conférences, pourquoi c'était vraiment, ça ne s'était jamais fait, et ça se refroidit comme plus jamais. dans toute la France, puisque j'ai fait 50 conférences en 6 mois, ce qui est un énorme, autour de Clouseau, dont j'allais dans toutes les villes de France porter la bonne parole pour le venin, je ne sais pas comment il faut dire. Je reprenais un peu mon propos de l'exposition de la Cinémathèque, c'est-à-dire d'essayer de montrer à quel point Clouzot est d'abord, on ne met pas en scène, mais d'abord un grand plasticien, un grand homme d'image et quelqu'un qui conçoit ses plans d'une manière... avec une grande précision et avec une grande fidélité à une image d'intérieur qu'il veut voir restituée sur l'écran. Donc ça, c'était un peu mon parti. Puis j'essayais de montrer cette picturalité du cinéma de Clouzot. J'en ai fait un livre dont vous avez fait la mabilité de citer tout à l'heure, Souvenir écran qui est un récit de cette balade dans la France profonde qui était restée, enfin si j'étais méchant, je dirais qu'elle était restée un peu celle de... de Clouseau, mais c'est vrai qu'à certains moments, je me suis retrouvé dans des endroits où j'avais vraiment l'impression de retrouver l'ambiance du Corbeau ou des Diaboliques, notamment à Niort, quand on va à Niort, qui est la ville natale de Clouzot, comme vous savez, et où une scène des Diaboliques a été tournée, on retrouve l'ambiance des Diaboliques, on retrouve un peu l'ambiance du Corbeau, et on retrouve évidemment l'ambiance qu'a connue Clouot dans son enfance, et qui inspire sa... peinture extraordinairement méchante et juste hélas de la province française mais je dois quand même rappeler qu'avant tout ça ce qui à mon avis a contribué à permettre cette souris volfouzeau dont vous parlez à juste titre c'est le c'est l'initiative de savent bonberg c'était un stage au bonberg a ressorti à fait ce coup de poker de ressortir les Les rushs de l'enfer, ça a été formidable pour Cluzot, parce que d'abord le film de montage qu'il en a tiré est très beau, les rushs sont magnifiques, mais je trouve aussi que la manière dont il les a articulés était très intelligente, et il a fait un travail de révéler. derrière le Clouot qu'on connaissait, ou qu'on croyait connaître, un autre Clouzot qui était un Clouzot expérimental, un Clouzot épris d'art plastique, avec toute cette dimension de recherche d'un autre cinéma possible. Au moment où il y a la nouvelle vague, Clouzot cherche une espèce d'avant-garde plastique à travers le cinéma, peut-être d'une manière un peu désespérée, mais c'est quand même un chantier absolument fascinant. Donc je crois que le fait... que Bromberg ait révélé ce chantier a amené pas mal de gens à regarder Clouot autrement et à se dire que c'était pas simplement un raconteur d'histoires divertissante mais que c'était d'abord un grand metteur en scène et quelqu'un qui avait une préoccupation formelle qui faisait la réussite très grande de ces films criminels. Quand on regarde évidemment Qu'il y a des Orfèvres ou Le Corbeau ou Les Diaboliques on est sensible au récit, on est sensible à la construction dramatique, à la direction d'acteurs et Dieu sait que c'est important. Mais je crois qu'on se rend compte de plus en plus que ces films ne tiendraient pas autant, ils ne seraient pas aussi clatinants s'ils n'étaient pas d'abord admirablement composés au point de vue de l'image et au point de vue du cadre et de ce qu'on met à l'intérieur du cadre. Je me suis amusé par exemple à faire des captures d'écran pour la Cinémathèque qui se retrouvent dans le catalogue de l'Expo, des captures d'écran, des plans de Clouzot, et c'est des plans qui tiennent. Ce n'est pas si fréquent, quand vous sortez un plan d'un film, souvent ça s'effondre. Et là, ce sont des plans qui sont presque des tableaux et qui en même temps sont beaucoup plus que des tableaux parce qu'ils sont pris dans le mouvement du récit.

  • Speaker #0

    D'accord, très clair. On a déjà évoqué ce nom du Woodonite à plusieurs reprises depuis notre échange. On parle étroitement de Hitchcock quand on pense à Clouzot. Beaucoup de gens prennent cette expression de Clouseau, c'est le Hitchcock anglais. Hitchcock français, évidemment. Et justement, on se trouve un petit peu malin avec mon frère d'imaginer, mais est-ce que Hitchcock ne serait pas plutôt le Clouot anglais ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas totalement faux. En tout cas, il faut se garder de l'illusion que Clousot a été influencé par Hitchcock. Parce qu'il faut quand même rappeler que Clouzot débute dans les studios français et allemands, d'ailleurs, dans les années 30. Ensuite, il fait ses premiers films continentaux. votre occupation. À ce moment-là, je ne suis pas certain que Clouzot était tellement connu en France. Je pense qu'on avait vu les 39 marches, peut-être, mais comme vous savez, les films anglais étaient interdits en France pendant l'occupation, donc ça m'étonnerait que Clouzot ait été un fin connaisseur d'Hitchcock, et c'est peut-être plus vraisemblable de se dire que Hitchcock a pu voir, alors sans doute après la guerre, un film comme Le Corbeau, mais il est certain qu'il y a eu une capillarité. Mais bon, il ne faut pas surestimer l'influence de l'un par l'autre. Quand on voit par exemple, alors par contre, il y a cette capillarité dont je parle, qui est très forte, qui est troublante, mais qui est aussi un phénomène d'époque. Le cinéma porte un inconscient collectif, ce que j'appelle un inconscient historique, qui parfois traverse les continents. C'est très flippant de voir par exemple la thématique provinciale justement du Gorbeau, tout le thème de la… le jeu d'ombre et de lumière entre les innocents et les coupables, l'ambiguïsme. des apparences, tout le thème clouzotien qui s'inaugure dans le corbeau, enfin en tout cas qui se développe dans le corbeau, est présent quasiment la même année dans l'ombre d'un doute de Hitchcock. C'est un film provincial aussi, c'est un film sur l'indécidabilité de la culpabilité. Voilà, il n'y a pas beaucoup de points à jeter en ce film, et pourtant je suis persuadé que Hitchcock, évidemment, n'avait pas le corbeau qui était dans le film. et vous pouvez notamment le voir sur le français et Pousseau évidemment n'a pas vu à cette époque là l'ombre d'homme et même au delà des films

  • Speaker #0

    Hitchcock me semble s'est un petit peu inspiré je pense évidemment au carton de fin des diaboliques où il y a eu cette injonction de préserver un petit peu ce qui s'est dit pendant le film de ne pas le dévoiler aux spectateurs Hitchcock va un peu réutiliser ses mécanismes un petit peu marketing il faut dire pour Psychose

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est certain qu'il est diabolique, Hitchcock l'a vu, il l'a apprécié, il l'a dit d'ailleurs je crois. Et oui, quand il fait le film annonce de psychose, et qu'il dit aux gens de ne pas révéler la fin, évidemment il s'inspire de Clouzot. Ça c'est sûr que là, il y a une autre capillarité entre Clouzot et Hitchcock, c'est les méthodes de mise en scène. de soi et la manière de se mettre en avant comme le grand metteur en scène du film à suspense. Il est certain qu'à ce moment-là, il découvre pratiquement en même temps, mais là aussi c'est assez parallèle. Il découvre la puissance des médias et la manière dont le metteur en scène peut finalement être presque un personnage du film. Il y a ce que Hitchcock appelait la direction spectateur, mais on pourrait aussi parler de ça en s'agissant de Clouzot. Le metteur en scène est presque là pour tenir la main du spectateur et lui dire comment il faut avoir peur. Donc voilà, je crois que là aussi, ils se sont un peu rencontrés dans l'escalier, ils se sont croisés dans l'escalier, sans qu'on puisse dire très clairement qui a inspiré l'autre. Mais il y a évidemment un parallèle à faire entre ces deux cinéastes. Bon, maintenant, il y a quand même une grande différence, c'est que je dirais finalement ce qui fait la grande différence entre Muso et Hitchcock, c'est le catholicisme. Chez Hitchcock, la notion de culpabilité est quand même une culpabilité chrétienne, elle est liée à l'idée de la rédemption, du pardon, du sacrifice. Des Vologeurs, en 1929, il y a ce thème christique, qui n'est pas du tout chez Clouseau. Clouseau est un anarchiste de droite, avec un côté nihiliste, totalement déprimé de la nature humaine. Et quand on voit un film comme Le Salaire de la Peur, il n'y a aucune notion au bout de son temps.

  • Speaker #0

    Une tonalité beaucoup plus sombre chez Clouzot.

  • Speaker #1

    Oui, parce que... Alors, à part son site, moi, personnellement, le film de lui que je préfère, je sais que je... Je criais, il y en a certaines personnes en me disant ça, mais je le dis très sérieusement, je considère que c'est son meilleur film, c'est une comédie, c'est Megatestamé. Je considère que c'est vraiment son chef-d'oeuvre. Et là, on a un autre Clouseau. Un autre Clouzot, je ne sais pas si vous connaissez ce film.

  • Speaker #0

    Non, je n'ai pas vu.

  • Speaker #1

    Mais c'est vraiment un chef-d'oeuvre de la comédie de boulevard. porté au cinéma avec à la fois une drôlerie extraordinaire des comédiens, Bourville, où il jouait, Saturne infâme, mais aussi une précision d'Orfèvre dans la conduite du texte et des situations, et qui rappelle que Clouot c'est d'abord un auteur de comédie, il a un peu débuté dans ce registre-là, il a été auteur d'opérettes, de revues dans les années 30, il était auteur de chansons, il y a une double dimension comédie et chansons. très importante chez lui, qu'on retrouve un peu dans l'assassin à Vito XXI. Encore un tout petit peu dans Quai des Orfèvres, puisqu'il y a cette dimension un peu comédie au début du film, en tout cas. Et puis, évidemment, l'hommage au musical, avec tout un peu de film. Et Mickey et sa mère en est quand même, disons, peut-être l'apogée, l'épanouissement de cette première veine de son inspiration, avant qu'il ne se spécialise définitivement dans le genre criminel.

  • Speaker #0

    D'accord. C'est étonnant parce que justement, je pense, et ne pas être le seul, à voir Clouot vraiment comme ce spécialiste du film, entre suspense, policier, à des tonalités graves, ce travail du noir et blanc, même des plans un petit peu tirés des plans allemands d'origine, les angles un petit peu travaillés, ce cinéma un petit peu de la peur. Et pourtant, ce que vous dites me fait penser immédiatement... a une tonalité d'humour un petit peu sombre, qu'il a un humour noir, même dans les diaboliques, ça se retrouve, où il y a ces jeux de dialogue un petit peu pince-en-rire.

  • Speaker #1

    Oui, je crois qu'il faut un peu d'humour, sinon ce serait insupportable. Quand Paul Meurice dit à sa femme, Vera Clouzot, d'avaler le poisson, c'est qu'il faut en rire, sinon ce n'est pas possible, c'est du grand guépeul. Mais il y a aussi des moments ouvertement communs, comme le tournement avec la radio, quand il...... Si quand on entend la radio et qu'il y a le speaker qui dit Vous venez d'entendre, on ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset bon, tout ça, ça pourrait presque être du sachet d'itry. Donc oui, il ne faut pas sous-estimer cet aspect-là. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas aussi ce qui fait la grande réussite de Closon Cinéas, c'est qu'il mélange, comme Hitchcock d'ailleurs, mais pas tout à fait de la même manière, la peur à l'humour, la sensibilité au interne. Dans le corbeau, il y a aussi de l'humour. peut-être un peu moins, dans lequel les orfaites il y en a beaucoup. C'est peut-être moins évident dans le salaire de la peur, encore qu'il y a quelque chose d'assez comique quand même dans la relation, l'espèce de relation homosexuelle un peu foireuse entre Chantal et Yves Montand. Alors évidemment, le problème c'est que ça disparaît un peu des derniers films et c'est ce qui rend les espions un film, alors là pour le coup, presque insupportable de noirceur et de sérieux. Et il retrouve à mon avis son... Le grand Clouot revient à l'Odélie avec La Vérité, qui est peut-être son dernier grand film, mais qui est un film quand même assez impressionnant.

  • Speaker #0

    La Vérité est toujours avec Paul Meurisse, ce qui nous fait un petit peu enchaîner justement avec un petit peu les acteurs avec lesquels il a travaillé, également sa garde rapprochée, sa femme, Vera Clouseau. Quel rôle est-ce qu'elle jouait ?

  • Speaker #1

    Il y a aussi une muse peut-être moins brillante comme comédienne que Suzy Delaire, mais tout aussi volcanique. On a, justement, puisqu'on parlait des espions, on a un verbatim de tournage de Michel Cournot, qui s'appelle Le premier spectateur, qui raconte le tournage des espions. Je pense que Vera est vraiment quelqu'un de s'il a géré. Mais enfin, c'était à double content, parce que, si on se dit, Clouseau cherchait la crise, il cherchait le drame. On le voit bien avec Suzy, on le voit avec Vera, et il y a en permanence ce côté je t'aime moi non plus, je te provoque, je te cherche etc. qui fait que c'est difficile. C'est pour ça que quand on dit que Clouseau était tyrannique, etc., c'est vrai, il n'y a plus à y avoir des baffes ou des violences sur le plateau, mais je pense qu'il suscitait aussi la violence de l'autre. Il a une dimension sadique, il a aussi une dimension masochiste. Donc le rapport n'était pas simple, d'autant plus que dans le cas de Vera, il faisait travailler une non-comédienne. Alors bon, certes, il l'avait rencontrée... dans le cadre de la troupe de Louis Jouvet, puisqu'elle était au départ la maîtresse de Léo Lapara, qui était un peu le factotum de Jouvet. Bon, ensuite, il va en faire sa maîtresse, puis son interprète. Et là, le fait de la forter à être comédienne alors qu'elle n'était pas vraiment comédienne, produit des états de réel, évidemment, et produit quelque chose d'intéressant. Je pense que Les Diaboliques ne serait pas un film aussi puissant si au milieu, on avait une actrice comme Daniel Delorme ou Jeanne Moreau, si vous voulez. Là, tout d'un coup, on a une actrice qui est quand même... assez mal à l'aise et c'est presque elle, c'est presque elle qu'on fait souffrir. Alors on peut dire, aujourd'hui avec Me Too, c'est pas très bien vu tout ça, mais ça produit un film d'une puissance extraordinaire, puisqu'en plus on a su à posteriori qu'elle avait des problèmes de cœur, comme Clouseau d'ailleurs, or elle joue dans le film une femme qui est en fin de vie, justement elle est cardiaque, donc ça donne un côté psychodrame, c'est presque du Marina Abramovitch avant la lettre, côté performance cruelle. qui donne au film une modernité incroyable. Et c'est ce qui fait... Bon, passionnellement, ce n'est pas forcément le film de Clouseau que je préfère, mais je constate qu'en tout cas, c'est celui qui a la plus grande postérité à cause de ce côté expérimental, et puis aussi parce qu'il a finalement presque inventé un genre. Là, on sort du film à suspense pour aller vers quelque chose qui a plutôt se développé en Italie, c'est le giallo. Et je me demande s'il n'y a pas toute une dimension du giallo qui est née des diaboliques. si il n'y avait pas eu les diaboliques, je pense qu'il y a plein de films de Giallo qui n'auraient pas été, même pas été conçus.

  • Speaker #0

    Vous avez esquissé un petit peu le portrait de Clouzot. Oui, on l'entend souvent comme quoi il était tyrannique, les baffes, etc. J'écoutais une interview également de Paul Meurice qui expliquait que, pour autant, il y avait ce respect mutuel malgré cette violence, malgré ces colères, lorsque il s'agissait de faire un travail d'orfèvre sur, notamment, un... films qu'ils ont fait ensemble, où Clouot exigeait de lui un travail très réaliste. Il prenait l'exemple, à un moment, il avait frappé une table et son produit n'avait rien de réaliste. Donc, il avait ce désaccord avec lui sur le fait que le cinéma se devait être réaliste. Qu'est-ce que vous en pensez ?

  • Speaker #1

    Je crois que Clouzot, c'est toujours un peu ambigu, mais il... Comme je le disais, il cherche à reconstituer une vision intérieure, mais aussi peut-être des sons, en l'occurrence. Et il y a la volonté de donner à ce cauchemar le maximum de vérité. Je n'aime pas trop le mot de réalisme, parce qu'il veut dire un peu tout et son contraire. Je ne dirais pas non plus trop autant que Clouseau est un cinéaste naturaliste, mais il y a vraiment chez lui le désir de donner une sorte d'incarnation. et de vérité, enfin en tout cas de force de vérité, ou de vraisemblance si on veut, si on veut être plus précis, à l'irrationnel. C'est-à-dire que là aussi c'est une petite différence avec Hitchcock. Hitchcock ne dédaigne pas d'aller vers le fantastique avec les oiseaux par exemple, ou vers le gothique avec Rebecca, alors que chez Clouot il y a vraiment quelque chose de très français, c'est-à-dire que c'est vraiment un... La peur, l'horreur, le fantasme sont mis à plat, sont mis à nu, de telle sorte qu'on est obligé d'y croire tellement c'est vraisemblable. Et en même temps, c'est au prix d'une façon qu'a Clouzot d'escamoter une partie de ça, sinon ce ne serait pas possible, que ça joue au fond beaucoup sur la suggestion. On a tous les signes extérieurs de l'horreur, mais l'essentiel est toujours caché. Ça aussi, c'est très français. Il me semble que Hitchcock va peut-être un peu plus loin dans l'amonstration de l'horreur, par exemple dans Psychose. Ce que fait par exemple Hitchcock dans Psychose, de nous montrer la tête empaillée de la mère dans Psychose, je ne suis pas sûr que Hitchcock le ferait. Parce que ça l'intéresse beaucoup plus de suggérer la peur, derrière le réalisme de l'image, de suggérer la peur qui frappe à la porte mais qui n'entre jamais. Et je crois que c'est ce qui fait cette scène extraordinaire de la fin des Diaboliques, où on est là avec Veracruzo qui attend dans le couloir, il y a des ombres, il y a cette machine à écrire qui annonce Shining de Kubrick, il y a tout un côté. On a ce sentiment qu'il arrive à faire croire à la peur. même si tout ça se passe dans la tête du personnage, à partir d'une extraordinaire force de vérité des images. Mais la peur reste toujours mise à distance. Alors vous me direz, il y a quand même le corps de Paul Maurice qui se lève de la baignoire, mais précisément, c'est un subterfuge. Ce n'est pas vraiment une image de zombie ou de mort vivant, ou même de fantôme ou de cadavre, c'est un faux cadavre.

  • Speaker #0

    Justement, vous revenez sur la fin des Diaboliques. Dans notre épisode consacré aux Diaboliques, avec mon frère Maxime, on s'est amusé justement à essayer de trouver qui pouvaient être ces fameuses diaboliques du titre du film. Est-ce que pour vous, cela vise des personnages en particulier, ou est-ce que c'est une idée plus abstraite finalement ?

  • Speaker #1

    Plus abstraite, je pense que Clouseau est un lecteur de Pirandello, grand auteur de théâtre qui a beaucoup marqué les gens de sa génération. Donc il a cette vision un peu de la relativité des apparences, je crois que c'est beaucoup inspiré de ça. Et si vous regardez tous ses films, il y a toujours ce côté indécidable où dans l'assassinat habite au 21, on part sur des pistes différentes, dans Le Corbeau, n'en parlons pas. Et je dirais même que ça produit une espèce d'effet de vie sans fin, de vertige infini qui évidemment se déploie pleinement dans les diaboliques. avec le gamin qui à la fin vient nous dire, ben oui, moi j'ai vu Madame la Directrice alors qu'on vient de la voir mourir l'instant d'avant. Mais c'est un principe de récidive chez Clouzot, c'est un principe je dirais presque organique pour lui, qu'on retrouve d'ailleurs dans le mystère Picasso. Dans le mystère Picasso, il nous donne à voir Picasso qui peint des étoiles, enfin des transparences, et petit à petit, on croit que ça va être le tableau définitif. qu'on a acquis une sorte de certitude que l'œuvre allait close, allait achever. Eh bien non, il y a encore une autre œuvre derrière l'œuvre, et comme ça, c'est enfin parce que Picasso est une sorte d'artiste total, inépuisable, infini, dont le génie est tellement infini qu'il ne cesse de produire de nouveaux possibles. Donc il y a ce côté, et je pense presque à lui de moi, qu'il faut regarder le mystère Picasso comme un film à suspense, représentant l'artiste comme un criminel toujours capable d'agir. plus fortement, plus violemment, plus puissamment sur la réalité. Donc il y a ce double aspect chez Clouzot, il y a à la fois le réalisme dont vous parlez, et en même temps un réalisme qui contient derrière lui une folie de l'infini. C'est le propre de l'obsessionnel, Clouzot, si il y a quelqu'un qui est vraiment un obsessionnel, c'est bien Clouzot. Je pense que c'est quelqu'un qui est en trop de films, sombré dans de longues périodes de dépression, parce que justement il est en croix, ce vertige des potibles. et à cet hantise de l'incliné qui caractérise l'obsessionnel. Et il n'arrive à le conjurer, à l'enclore, que dans l'extrême précision, dans l'extrême rigueur, on pourrait dire dans l'extrême étroitesse de l'image cinématographique qui lui permet de contenir son vertige. Mais il y a ce balancement entre les deux qui fait l'extraordinaire tension de son cinéma.

  • Speaker #0

    Vous l'avez dit, Les Diaboliques est son film sûrement le plus populaire dans le sens le plus vu ou connu des gens aujourd'hui. Pour autant... Quel film ou réalisateur actuel vous semble être un petit peu les héritiers de l'ensemble de son œuvre ?

  • Speaker #1

    C'est difficile à dire. Moi, je n'aime pas beaucoup ce petit jeu parce que je considère qu'un grand cinéaste est unique. C'est comme quand on me demande de dire quels sont les cinéastes romériens aujourd'hui. Bon, je suis bien en peine. Il y a beaucoup de cinéastes qui se réclament de Romère aujourd'hui. Mais enfin, ça me paraît un peu bidon. Je n'y crois pas beaucoup. On peut imiter un mauvais cinéaste. On peut être le disciple d'un mauvais cinéaste. Je pense que si on veut commencer à être le disciple d'un grand cinéaste comme Clouseau, à mon avis, on se prépare des mauvaises surprises et des mauvais films. Alors évidemment, on peut trouver des bouts de Clouot chez Kubrick, je l'ai dit tout à l'heure, parce que Kubrick avait vu Les Diaboliques, c'est possible. On peut trouver une influence également chez Hitchcock.

  • Speaker #0

    La limite, ce qui paraîtrait le plus évident, c'est Chabrol, mais je ne suis pas sûr que Chabrol soit tellement proche de Clouseau, parce que quand on voit qu'il fait un remake de L'Empereur, ça donne un assez mauvais film, vraiment pas le meilleur film de Chabrol, et je pense que son rapport au suspense, au crime, sont vraiment très différents. Je ne sais pas si c'est tellement le suspense chez Chabrol, c'est autre chose, c'est plutôt de l'analyse psychologique, c'est un très grand cinéaste, mais pour moi ça n'a rien à voir. Non, je ne sais pas. Je sais que des cinéastes actuels comme Bojanco, par exemple, admirent Clouseau. Je pense que c'est le cas de Xavier Giannoli. Bon, c'est bien, c'est l'endroit. Enfin, je ne vois vraiment rien de Clouot dans leur cinéma.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui fait donc, selon vous, que finalement, les films qu'il a faits restent intemporels ?

  • Speaker #0

    Tu sais, c'est à la fois ce que j'ai dit, c'est-à-dire ce mélange de folie et d'extrême rigueur dans... dans la manière de restituer tous les détails de son fantasme. Ça en fait un grand peintre du cinéma et un explorateur de ses abîmes intérieurs à travers une rigueur plastique extraordinaire. Ça, c'est ça. À mon avis, c'est vraiment la pierre angulaire de son cinéma. Il y a la dimension de récit, mais... C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui a vraiment un sens du récit, une scène extraordinaire du rythme et de la manière d'empoigner le spectateur. Je vois bien ça quand je passe des Clouseau à mes étudiants. Il y a des cinéastes de cette époque, que j'admire beaucoup, qui ne marchent plus, qui n'ont plus de… Alors que Clouseau, ça marche. Parce qu'il y a cette manière d'empoigner le spectateur avec un récit extrêmement rythmé, extrêmement efficace. Il y a toute une dimension sexuelle aussi chez Clouzot. Une crudité sexuelle, dès l'Assassin Vito XXI jusqu'à la vérité, qui fait qu'on est sorti. Ça fait aussi la modernité de son cinéma. C'est quand même un cinéma qui parle assez crûment des rapports entre hommes et femmes, notamment dans le dialogue. Et aussi, il y a même de l'homosexualité. Il aborde vraiment tous les cas de figure. Et ça aussi, ça fait que son cinéma reste très présent, parce que c'est un cinéma très concret dans sa manière de mettre en scène les corps et la traction entre les corps. Bon, et puis, un troisième aspect qui est quand même très important, et c'est peut-être le plus important, c'est la direction d'acteur. C'est l'un des plus grands directeurs d'acteurs qui ait jamais été. Il est génialissime, aussi bien avec des grands acteurs comme Louis Jouvet, qu'il modifie de fond en comble. C'est la seule fois que des enfants jouent autre chose que Jouvet, où ils jouent un vrai personnage. Il arrive à la sélection de ce comédien qui jouait quand même beaucoup avec des tics, il se prend en compte à travers une composition qui reste quand même la plus bouleversante qu'il ait faite. Avec Pierre Freinet aussi, qui est des poussières, il est un petit ché. Il rappelle à quel point ça pouvait être un grand comédien, mais il peut aussi être un très grand directeur de mauvais acteurs, comme Yves Montand, qui arrache une performance extrêmement physique, très forte dans le Céda Blaper. Et aussi des non-acteurs, comme, ne parlons pas d'Origine Bardot, qui elle, pour moi, était une grande actrice, mais il faut vraiment voir la vérité pour le savoir, parce qu'elle n'a pas eu d'autres occasions de le montrer, pas beaucoup d'autres occasions. Et puis, aussi bien avec des non-acteurs absolus, comme Vera, dont on va parler à l'instant. Je pense qu'il aurait pu, Serge, n'importe qui, et en tirer. Alors, il y a peut-être des limites. Parfois, Gérard Setti, dans Les Espions, il se conne quand même à des limites. Mais voilà, ça, c'est vraiment, je crois que c'est une part très importante de son génie de metteur en scène. C'est d'arriver à faire en sorte que le comédien sorte ses tripes grâce à sa vérité intérieure. presque à poil de vérité en tout cas, de vérité intérieure. Et c'est d'autant plus fort quand c'est un comédien connu. Mais si vous prenez Suzy Flair dans Quai des Orfèvres, le moment où elle crache ses quatre vérités à Jouvet, dans sa loge, c'est un moment extraordinaire. Ou Brigitte Bardot, quand elle crache leur quatre vérités au juge dans La Vérité. C'est des moments, tout d'un coup, où le jeu d'acteur rejoint la performance et où il arrive à pousser l'acteur là aussi. à l'extrême limite de ce qui est possible. De d'où, évidemment, les rapages, aussi bien avec des hommes qu'avec des femmes, d'ailleurs. Il ne faut pas croire que c'était un metteur en scène qui était dur uniquement avec ses actrices. Paul Meurice et Bernard Blayé ont été bien placés pour le savoir.

  • Speaker #1

    Vos propos me font penser également à une interview que vous avez donnée pour la CinéTech, où vous qualifiez Clouot de pervers, dans le sens où il aimait être dans un système mais justement avoir ce côté disruptif et de le casser un petit peu de l'intérieur. C'était la même chose pour les acteurs, justement, ils les recrutaient parce qu'ils les voyaient géniales dans un type de jeu. mais vous voulez les utiliser un petit peu à contre-emploi ?

  • Speaker #0

    Oui, le propre but pervers c'est qu'il veut répéter quelque chose, mais en même temps il faut toujours que ça bouge un peu. Alors je pense que Clouot il tatare énormément, il faut rappeler qu'il écrivait ses films avec son frère, qui signait Jérôme Jérôme Limy, mais qui était en fait Jean Clouzot, son frère, et qui l'empêchait de signer de son propre nom, donc c'est intéressant ce rapport d'écriture entre deux frères. Les Diaboliques ont été écrits par Jean Clouzot. Et donc des films extrêmement écrits, avec des storyboards. Diaboliques, c'est storyboardé comme le Salaire de la peur, comme les Enfer, comme les Espions. Donc aucun metteur en scène français, même Carnet ou autant Larra, ne faisait des storyboards. C'est exceptionnel. Donc il fallait que tout soit prévu à la virgule près, les storyboards étant faits par le chef d'écho, Max Douy. Et donc il y a ce côté extrêmement prévisionnel. Il faut qu'il n'y ait pas une seconde d'imprévu. Il faut vraiment arriver à ce que tout concorde à réaliser cette vision intérieure du cinéaste. Et en même temps, le comédien, tout va être prêt pour ne plus se concentrer sur le tournage que sur la direction d'acteur. Et je crois que c'est le moment de grande jouissance artistique de Clouzot. Je pense qu'il devait beaucoup se couvrir dans la préparation de ses tournages. Mais là, je pense qu'il a une extraordinaire jouissance. et liberté peut-être aussi, à faire intervenir le comédien dans ce cadre contraint et à lui faire inventer sa liberté ou inventer sa vérité. Tout d'un coup, le comédien arrive et vient, je ne dirais pas bousculer, mais vient faire légèrement bouger, trembler, flotter, vivre ce qui aurait pu n'être qu'un cadre mort et lui apporter ce surcroît de vérité qui fait la vie du cinéma de Clouzot. Le cinéma de Clouzot pourrait être un cinéma d'antiquaire. Mais ce qui fait que c'est un cinéma d'une formidable vitalité, c'est la force de cette direction d'acteur. Le comédien est toujours un peu sur la corde raide avec Pouzo, il est toujours remis en cause, il n'est pas dans sa zone de confort, et c'est ce tremblement qui le rend d'autant plus vivant et bouleversant.

  • Speaker #1

    On se rapproche doucement des questions de fin. J'ai une question peut-être à... Un petit peu qui sort du lot, si vous la trouvez pertinente, pas obligé de répondre. Je me demandais, si Clouot était contemporain de notre époque, quel type de film aurait pu lui plaire ? Quel réalisateur ? Quelles étaient ses sensibilités, quels étaient ses goûts, un petit peu, pour essayer de le comprendre, lui, en termes de cinéphilie ? Clouzot,

  • Speaker #0

    il s'est intéressé à tout. On sait, d'après ses comptes rendus de lecture au sanatorium, vous savez qu'il a passé plusieurs années, comme il est tuberculeux, il a passé plusieurs années au sanatorium quand il était jeune, donc il disait énormément, Proust, Freud, Pirandello, Joyce, c'est quelqu'un qui avait une énorme curiosité littéraire, énorme curiosité de la peinture, des arts plastiques, de tout ce qui se faisait de plus contemporain, on le voit évidemment dans des films comme M. Picasso, bien sûr, mais surtout L'Enfer et La Prisonnière, son dernier long-métrage. Et je pense qu'il... Voilà. Alors, est-ce qu'il voyait les films contemporains ? Ça, j'en ai pas de traces précises, mais j'en suis persuadé. On a parlé tout à l'heure de ses influences. Bon, je pense qu'à l'époque, c'était certainement moi, Hitchcock et Fritz Lang, qui étaient pour tous les gens de cette génération une influence absolument impondérante. Et je pense que s'il y a un cinéaste que Clouot aurait pu citer comme sa grande influence, c'était certainement Fritz Lang. Ensuite, il a certainement vu plein de films de ses contemporains. Il avait un groupe pour le cinéma néo-réaliste italien. Il y a tout ce projet. Très intéressant qu'il forme juste après Miquette et avant le Salad de la peur, où il veut aller tourner un grand documentaire au Brésil. Donc il y a toute cette veine documentaire, je pense qu'il connaissait très bien Flaherty, tout ça. Et donc il a envie de faire un film comme ça. C'est une tentation qui revient assez régulièrement dans son œuvre. Le film ne se fera pas, il en reste un petit court-métrage qui s'appelle Brazil, qui est le témoignage d'un tournage qui peine à se mettre en place, parce que Béra est déjà malade. Mais... Donc voilà, il y a chez lui une attention extrême à l'air du temps, et je suis persuadé que s'il disait aujourd'hui, oui, il serait passionné par tout ce qui se passe, par tout ce qui se fait. Il ferait certainement un film autour des violences sexuelles. C'est un sujet qu'il passionnerait. Évidemment, le revers de la médaille peut être avec un certain opportunisme, parce qu'il ne faut peut-être pas sous-estimer cet aspect-là chez lui. C'est quelqu'un qui se mantient bien l'air du temps, mais c'est aussi quelqu'un qui s'adapte à l'air du temps et qui va aller chercher des sujets à la mode. Je pense que quand il fait le corbeau, le sujet à la mode, c'est... le contexte des anonymes quand il fait manon il va tout d'un coup mettre en scène l'exode des juifs en palestine c'est le sujet bon voilà quanti celle celle de la peur c'est l'exploitation et des dépôts en amérique du sud par les grands pétroliers voilà il ya ce côté un peu roublard chez lui mais en même temps ce qui le ce qui le sauve et c'est ce qui fait que ces films ne sont pas simplement des films d'adaptation à l'air du temps, c'est qu'à chaque fois, il fait des films pour, je dirais, si j'étais vulgaire, pour foutre la merde, et pour mettre les pieds dans le plat. Et il parle de sujets de son temps, mais de sujets vraiment dangereux, des sujets qu'on n'a pas le droit de traiter, qui sont à la fois brûlants et cachés. Les lettres aux anonymes, personne n'aurait osé traiter un sujet pareil en 1943, et lui, il ose le faire. L'exode des Juifs en Palestine, il n'y a pas un cinéaste français qui s'y intéresse. à part lui. Donc voilà, il y a à la fin ce côté de faire des gros coups, mais toujours des gros coups à partir de sujets extrêmement sulfureux qu'il est le seul à avoir le courage de traiter.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous auriez une anecdote, qu'elle soit sur un film en particulier qui vous parle, ou sur un tournage, ou même sur Clouzot lui-même, que le grand public ne connaîtrait pas ? Un petit quelque chose, une petite anecdote à nous partager.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas forcément ça sous la main. Oui, il y a l'histoire assez amusante, mais ça, c'est vraiment à la fin, pour illustrer le côté Clouzot et ses actrices. C'est la prisonnière. C'est Elisabeth Vienner, qui était l'interprète de ce film, qui m'a raconté ça. C'est dans les bonus, d'ailleurs, du film, dans le coffret Clouzot. Elle devait faire une prise. Voilà, et puis je pense que Clouzot qui se tenait un peu en dessous, à côté de la caméra, vous savez à l'époque les metteurs en scène il n'y avait pas le combo, donc les metteurs en scène s'asseyaient en dessous de la caméra et puis souvent regardaient comme ça un peu par en dessous ce qui se passait. Et puis Clouzot, je ne sais pas ce qui lui a pris, s'est mis, pour lui donner un peu de cœur à l'ouvrage, il lui se met physiquement à lui mordre le mollet.

  • Speaker #1

    D'accord !

  • Speaker #0

    Donc elle a poussé un jour le bras, elle lui a donné un grand coup de pied. il a envoyé Valdinguet dans le décor. Et là, le tournage s'est arrêté, je crois, pendant un bon moment. D'autant plus que c'était juste avant mai 68. Donc, mai 68 a coïncidé avec la révolte de 4 éditeurs.

  • Speaker #1

    D'accord. Oui, une belle anecdote. Écoutez, on a évoqué beaucoup de choses. C'était très dense. Je pense que les auditeurs ont déjà de quoi faire pour ceux qui hésitent, justement, à regarder des films de Clouzot. Pour autant, je vous pose cette question, c'est la question que je pose à la fin de tous mes podcasts. Une manière peut-être aussi de rassembler un petit peu les idées. Pourquoi est-ce que vous pensez que les auditeurs et les cinéphiles devraient voir les films de Clouzot selon vous ?

  • Speaker #0

    D'abord parce qu'on y prend un plaisir extraordinaire. Je crois que, moi personnellement, je vous avoue que... J'aimerais qu'il ait fait beaucoup plus de films, parce qu'à chaque fois que je vois un film de Clouzot, j'ai un énorme plaisir. Il n'y a pas beaucoup de films qui procurent autant de plaisir que les films de Clouseau.

  • Speaker #1

    Il n'en a fait que 11, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Il en a fait 11, oui. Parce qu'encore une fois, il était obsessionnel, dépressif, malade, et qu'il est mort jeune. Mais on aimerait qu'il en ait fait 50, parce que ce sont des films qui sont incroyablement jouissifs. On ne s'ennuie pas une seconde à regarder un film de Clouzot. C'est vraiment un cinéaste du plaisir, et ce n'est quand même pas secondaire. Et par ailleurs, c'est une extraordinaire leçon de cinéma, leçon de rigueur, encore une fois, leçon de précision dans la direction d'acteur, dans la composition du cadre, dans la composition du récit. C'est le témoignage qu'on arrive au plaisir par la rigueur.

  • Speaker #1

    Écoutez, M. Herbe, je pense qu'on a fait le tour un petit peu. On pourrait dire encore beaucoup de choses, je le sens bien. Votre passion est très communicative. On a envie de poser encore plein de questions. Mais je vais rappeler, du coup, vous êtes l'écrivain de Souvenir Écran. Est-ce que vous souhaitez ajouter un dernier mot ?

  • Speaker #0

    Non, je n'en rappelle pas. J'espère que ça donnera l'envie à beaucoup de jeunes gens de faire des films de Clouzot. Mais en même temps, j'ai envie de leur dire, surtout s'ils ou elles veulent faire du cinéma, de ne surtout pas essayer de limiter. D'accord,

  • Speaker #1

    c'est bien de vous.

  • Speaker #0

    films,

  • Speaker #1

    mesdames. Bah écoutez, merci beaucoup monsieur Herpe d'avoir pris le temps avec moi de revenir sur Clouzot, réévoquer l'épisode des Diaboliques avec moi, d'aller chercher justement au-delà de ces films et de... connaître un petit peu mieux Henri-Georges Clouzot aujourd'hui grâce à vous.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Et voilà, c'est fini pour cette nouvelle séance qui était une hors-séance consacrée à Henri-Georges Clouseau avec cette interview de M. Herbe qu'on remercie vraiment du fond du cœur pour son temps et pour la passion qu'il a transmise durant l'entretien. J'espère que ça va vous intéresser de redécouvrir la cinématographie d'Henri-Georges Clouzot, maintenant que vous en connaissez davantage à la fois sur... l'homme et ses controverses et également sur ce réalisateur prolifique avec tous ces chefs-d'oeuvre cinématographiques dont nous avons hérité. Je suis très content de démarrer l'année 2025 avec cet épisode. Je vous en prépare déjà 3 à 4 en simultané. Nous allons retrouver des interviews avec des personnes avec lesquelles j'aime échanger sur les films. Il y aura des festivaliers, il y aura des professionnels du milieu du cinéma. Donc continuez de nous suivre si vous voulez continuer d'explorer avec nous le cinéma de patrimoine, le cinéma mondial. Nous allons vous emmener dans d'autres pays, d'autres cultures et à travers d'autres mouvements du cinéma. Comme d'habitude, je vous invite à nous rejoindre sur nos réseaux sociaux, que ce soit notre compte Instagram, X ou également notre chaîne YouTube pour retrouver les épisodes. Si c'est plus simple pour vous. de nous écouter sur cette chaîne. Partagez également les épisodes de podcast et si le cœur vous en dit, laissez-nous des étoiles sur Apple Podcast. On vous en remerciera jamais assez. C'est ce qui nous permet justement de continuer de faire ces épisodes en ayant une communauté de plus en plus active. Et on vous en remercie. Si vous souhaitez connaître les derniers épisodes, je vous invite également à nous rejoindre sur notre newsletter que vous trouverez directement sur notre site web lié à Ausha. En attendant, merci pour votre écoute. Je vous dis à très très bientôt pour une nouvelle séance de Rétro Ciné !

Description

[Rétro Cinéma - Hors Séance - Spécial Clouzot - Entretien avec Noël Herpe - Historien du cinéma - Janvier 2025 🎬]

Bienvenue sur Rétro Cinéma, le podcast qui vous fait redécouvrir les classiques du cinéma de patrimoine facilement accessibles ! 🍿

Dans cet épisode Hors Séance, j’ai le plaisir d’accueillir Noël Herpe, historien du cinéma français et commissaire de la rétrospective "Le Mystère Clouzot".

Ensemble, nous explorons l’univers captivant d’Henri-Georges Clouzot, figure majeure du cinéma français et du cinéma mondial.

🔎 Qui était vraiment Clouzot ?
📽️ Quelle est la singularité de sa filmographie, mêlant suspense, thriller et drame psychologique ?
🎬 Comment travaillait-il avec ses acteurs pour créer des performances marquantes ?
⚡ Peut-on vraiment le considérer comme le "Hitchcock français" ?

De L’Assassin habite au 21 à La Prisonnière, en passant par Le Salaire de la peur et Les Diaboliques, nous analysons son style unique, ses méthodes de réalisation, ses controverses, et son héritage durable dans l’histoire du 7e art avec ses influences sur les thrillers et le cinéma d’horreur.

Cet épisode est une immersion indispensable pour tous les passionnés de cinéma classique et d’histoire du cinéma, à écouter sans modération !

Vous pourrez retrouver ses chefs-d’œuvre dans les salles de cinéma et festivals dédiés au cinéma et films de patrimoine près de chez vous.

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À très vite pour un nouveau voyage dans l’histoire du cinéma mondial ! 🎬✨

Et voilà, c'était Rétro Cinéma, ou Rétro Ciné pour les intimes, votre Podcast d'histoire du Cinéma mondial, qui vous transporte dans l'histoire des films de patrimoine du cinéma mondial avec des chefs d'oeuvres disponibles simplement, sur internet, dans vos médiathèques et cinémathèques, voir festivals de films de cinéma, près de chez vous 🎬🍿


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur Rétro Ciné, votre rendez-vous cinéma qui vous transporte dans les films de patrimoine du cinéma mondial, avec des offres disponibles gratuitement ou presque, sur internet, dans les festivals, dans vos médiathèques et cinémathèques près de chez vous. Tout d'abord, je vous souhaite à toutes et à tous une excellente année 2025. J'espère qu'elle sera remplie de bons films que vous allez découvrir, soit au cinéma, soit avec nous. Et sans plus attendre, je suis très heureux de vous présenter cette nouvelle séance, hors séance, car il va s'agir d'un entretien. Un entretien avec M. Noël Herpe, historien du cinéma et spécialiste de Clouzot. On lui doit notamment la rétrospective dédiée à Henri-Georges Clouzot. Avec lui, nous allons revenir sur notre épisode consacré au diabolique, mais également aller plus loin pour en connaître davantage sur ce réalisateur, ses goûts, son style et tout ce qui a inspiré le cinéma mondial. Donc sans plus attendre, je vous propose de découvrir l'interview de M. Herpe et ensemble de plonger un petit peu plus dans la cinématographie de ce génial réalisateur avec ses controverses, mais également avec tout ce qui découle de son cinéma encore aujourd'hui. Eh bien M. Noël Herpe, bonjour. Merci d'avoir pris le temps de venir dans le podcast Rétro Ciné pour échanger avec moi pour justement aller plus loin sur notre épisode précédent concernant Les diaboliques de Clouseau. On va revenir un petit peu ensemble sur l'entièreté de la carrière de Clouseau. Avant tout, je vous présente, vous êtes écrivain, vous avez notamment écrit Souvenir écran, et vous êtes historien du cinéma français. Je vous contacte car vous avez été également commissaire à l'exposition en lien avec la Cinémathèque sur Le Mystère Clouseau. Est-ce que vous pouvez vous présenter un petit peu plus pour nos auditeurs ?

  • Speaker #1

    Oui, je suis historien du cinéma français, j'ai écrit quelques bouquins sur la question, j'ai co-écrit une biographie d'Éric Romer, j'ai fait aussi une exposition sur Sacha Guitry, j'ai travaillé sur René Klein, enfin en tout cas je suis assez focalisé sur le cinéma français, disons de la période classique, donc c'est un peu à ce titre que j'avais été sollicité, Serge Toubiana et la Cinémathèque française, ensuite le projet a été repris par l'actuel directeur Frédéric Bonneau. pour valoriser un fonds d'archives qui avait été versé à la communauté française de Clouseau. Puisque la veuve d'Henri-Georges Clouot étant décédée il y a quelques années, ces archives se sont retrouvées en lieu sûr, en de bonnes mains. Et j'étais un peu chargé d'expertiser ce fonds pour savoir si ça valait le coup de faire une expo, ce que j'ai plutôt préconisé. Donc ce n'était pas une très grande expo, mais c'était quand même une expo de dialogue. avec, voilà, on a pu montrer les storyboards de Clouzot, tout son travail pour l'Enfer, le Mister Picasso, des photos de tournage très belles. Et ensuite, il se trouve qu'alors, il y a eu un très beau catalogue chez Liénard, et puis deux ou trois ans après, j'ai fait un recueil de correspondance avec Clouot et sa première, sa première fête à Pâmes. sa maîtresse en titre et sa mimique, son interprète, Suzy Delaire. J'ai publié ça chez Pierre-Julien Marrest, Clouzot-Delaire. Donc voilà, je suis un peu un multirécidiviste de Clouzot.

  • Speaker #0

    Multirécidiviste, j'aime beaucoup ce mot qu'on parle de Clouseau en plus. Ma première question, elle va être toute simple en fait, mais pourquoi vous êtes-vous intéressé au cinéma d'Henri-Georges Clouseau en particulier ?

  • Speaker #1

    C'est un peu au carrefour de mon goût pour le cinéma français dont je viens de parler. Du fait que peut-être que moi, quand j'ai commencé à écrire sur Clouseau, c'était dans la revue Positive, il y a une trentaine d'années. Finalement, on en parlait tellement que le doigt pour moi m'avait frappé à l'époque. Parce que la revue Positive, à laquelle je participais régulièrement, avait fait un référendum sur le film criminel. On avait élu les meilleurs films criminels français. Je crois que les deux films qui étaient sortis en tête... C'était tout à l'époque au Brisbane de Dan Becker et qui est désormais. Donc, j'avais fait un papier sur les films communels de Clouseau. C'est un peu comme ça que je suis devenu, un peu malgré moi, spécialiste de ce cinéaste. Et par ailleurs, c'est vrai, je dois le reconnaître, je suis vraiment très passionné. Et de plus en plus, ça, c'est plutôt quelque chose qui m'est venu avec l'âge. Alors, je ne sais pas, certains disent le thrillerr, mais pour moi, ce n'est pas ça le thriller. Alors, ce n'est pas le... thriller, c'est autre chose pour moi. Je ne crois pas qu'on puisse vraiment dire que Clouzot soit un cinéaste de thriller. Il y a aussi la question du film noir. Je sais que j'ai certains collègues qui considèrent que Clouseau est un représentant du film noir. Je ne suis pas non plus du tout d'accord. Moi, le film noir ou le thriller, ce sont plutôt des films, disons... Le thriller, c'est compliqué à définir. Le film noir, pour moi, c'est plutôt un cinéma qui se passe dans les milieux de la pègre, avec une certaine atmosphère. Ça vient de la littérature du même nom, le roman noir. Et donc, voilà, la série noire, on se retrouve avec des films comme le Réjifi, par exemple, ou le Grisby, qui sont typiquement des films noirs à la française. Je ne crois pas du tout que le plus grand partenaire de cette veine, c'est plutôt ce qu'on appellerait le wooden it c'est-à-dire le film à énigmes, le film à suspense. Or, le film à suspense, ce n'est pas du tout la même chose que les deux genres que je viens de citer. C'est vraiment un cinéma où il y a un crime, plusieurs crimes éventuellement, un coupable. Peut-être pas de coupable du tout, mais enfin, en tout cas, il y a une enquête pour déterminer qui a tué. C'est ce qu'on appelle le Whodunit. C'est plutôt une tradition anglo-saxonne, remontant évidemment au livre de Conan Doyle, de la Gattacristi, magnifiquement illustré, évidemment, comme on sait, par Hitchcock, mais Clouseau n'est pas indigne de son homologue britannique, et il a fait des films tout aussi géniaux. Je pense qu'aujourd'hui, on peut dire que grâce à votre génération et à celle qui l'a citée, on peut dire que là, Clouot est revenu à sa place qui est quasiment égale à celle d'Hitchcock, aussi éclatante que celle d'Hitchcock dans la maîtrise de ce registre.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant ce que vous dites, parce que vous avez commencé par dire que justement, à l'époque, finalement, on ne parlait pas tant de Clouzot. Et j'ai l'impression qu'il y a un petit peu ce revival, je pense qu'également votre exposition l'a montré, l'exposition que vous avez faite en 2017, pourquoi y a-t-il un renouveau d'intérêt ? pour le cinéma de Clouseau aujourd'hui ? On parle aussi d'Hitchcock. Hitchcock a été très populaire ces dernières années. Et là, on revoit Clouseau réémerger, j'ai envie de dire.

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a eu plusieurs phénomènes. Il y a eu, bon, l'exposition de la Cinémathèque a été importante, mais il y a eu une sorte de convergence comme ça, comment dire, d'alignement d'astres. Il y a eu en même temps, il faut le dire, l'extraordinaire énergie d'une personne qui s'occupe des droits de Clouseau, qui s'appelle Guylaine Gracieux, qui a milité avec beaucoup d'énergie et d'enthousiasme pour fédérer un peu tout le monde autour de ce revival Clouseau, et avec succès, puisqu'il y a eu d'autres expositions, il y a eu pas mal de réconspectives dans toute la France, et moi-même, à cette occasion, j'ai fait toute une tournée de conférences, pourquoi c'était vraiment, ça ne s'était jamais fait, et ça se refroidit comme plus jamais. dans toute la France, puisque j'ai fait 50 conférences en 6 mois, ce qui est un énorme, autour de Clouseau, dont j'allais dans toutes les villes de France porter la bonne parole pour le venin, je ne sais pas comment il faut dire. Je reprenais un peu mon propos de l'exposition de la Cinémathèque, c'est-à-dire d'essayer de montrer à quel point Clouzot est d'abord, on ne met pas en scène, mais d'abord un grand plasticien, un grand homme d'image et quelqu'un qui conçoit ses plans d'une manière... avec une grande précision et avec une grande fidélité à une image d'intérieur qu'il veut voir restituée sur l'écran. Donc ça, c'était un peu mon parti. Puis j'essayais de montrer cette picturalité du cinéma de Clouzot. J'en ai fait un livre dont vous avez fait la mabilité de citer tout à l'heure, Souvenir écran qui est un récit de cette balade dans la France profonde qui était restée, enfin si j'étais méchant, je dirais qu'elle était restée un peu celle de... de Clouseau, mais c'est vrai qu'à certains moments, je me suis retrouvé dans des endroits où j'avais vraiment l'impression de retrouver l'ambiance du Corbeau ou des Diaboliques, notamment à Niort, quand on va à Niort, qui est la ville natale de Clouzot, comme vous savez, et où une scène des Diaboliques a été tournée, on retrouve l'ambiance des Diaboliques, on retrouve un peu l'ambiance du Corbeau, et on retrouve évidemment l'ambiance qu'a connue Clouot dans son enfance, et qui inspire sa... peinture extraordinairement méchante et juste hélas de la province française mais je dois quand même rappeler qu'avant tout ça ce qui à mon avis a contribué à permettre cette souris volfouzeau dont vous parlez à juste titre c'est le c'est l'initiative de savent bonberg c'était un stage au bonberg a ressorti à fait ce coup de poker de ressortir les Les rushs de l'enfer, ça a été formidable pour Cluzot, parce que d'abord le film de montage qu'il en a tiré est très beau, les rushs sont magnifiques, mais je trouve aussi que la manière dont il les a articulés était très intelligente, et il a fait un travail de révéler. derrière le Clouot qu'on connaissait, ou qu'on croyait connaître, un autre Clouzot qui était un Clouzot expérimental, un Clouzot épris d'art plastique, avec toute cette dimension de recherche d'un autre cinéma possible. Au moment où il y a la nouvelle vague, Clouzot cherche une espèce d'avant-garde plastique à travers le cinéma, peut-être d'une manière un peu désespérée, mais c'est quand même un chantier absolument fascinant. Donc je crois que le fait... que Bromberg ait révélé ce chantier a amené pas mal de gens à regarder Clouot autrement et à se dire que c'était pas simplement un raconteur d'histoires divertissante mais que c'était d'abord un grand metteur en scène et quelqu'un qui avait une préoccupation formelle qui faisait la réussite très grande de ces films criminels. Quand on regarde évidemment Qu'il y a des Orfèvres ou Le Corbeau ou Les Diaboliques on est sensible au récit, on est sensible à la construction dramatique, à la direction d'acteurs et Dieu sait que c'est important. Mais je crois qu'on se rend compte de plus en plus que ces films ne tiendraient pas autant, ils ne seraient pas aussi clatinants s'ils n'étaient pas d'abord admirablement composés au point de vue de l'image et au point de vue du cadre et de ce qu'on met à l'intérieur du cadre. Je me suis amusé par exemple à faire des captures d'écran pour la Cinémathèque qui se retrouvent dans le catalogue de l'Expo, des captures d'écran, des plans de Clouzot, et c'est des plans qui tiennent. Ce n'est pas si fréquent, quand vous sortez un plan d'un film, souvent ça s'effondre. Et là, ce sont des plans qui sont presque des tableaux et qui en même temps sont beaucoup plus que des tableaux parce qu'ils sont pris dans le mouvement du récit.

  • Speaker #0

    D'accord, très clair. On a déjà évoqué ce nom du Woodonite à plusieurs reprises depuis notre échange. On parle étroitement de Hitchcock quand on pense à Clouzot. Beaucoup de gens prennent cette expression de Clouseau, c'est le Hitchcock anglais. Hitchcock français, évidemment. Et justement, on se trouve un petit peu malin avec mon frère d'imaginer, mais est-ce que Hitchcock ne serait pas plutôt le Clouot anglais ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas totalement faux. En tout cas, il faut se garder de l'illusion que Clousot a été influencé par Hitchcock. Parce qu'il faut quand même rappeler que Clouzot débute dans les studios français et allemands, d'ailleurs, dans les années 30. Ensuite, il fait ses premiers films continentaux. votre occupation. À ce moment-là, je ne suis pas certain que Clouzot était tellement connu en France. Je pense qu'on avait vu les 39 marches, peut-être, mais comme vous savez, les films anglais étaient interdits en France pendant l'occupation, donc ça m'étonnerait que Clouzot ait été un fin connaisseur d'Hitchcock, et c'est peut-être plus vraisemblable de se dire que Hitchcock a pu voir, alors sans doute après la guerre, un film comme Le Corbeau, mais il est certain qu'il y a eu une capillarité. Mais bon, il ne faut pas surestimer l'influence de l'un par l'autre. Quand on voit par exemple, alors par contre, il y a cette capillarité dont je parle, qui est très forte, qui est troublante, mais qui est aussi un phénomène d'époque. Le cinéma porte un inconscient collectif, ce que j'appelle un inconscient historique, qui parfois traverse les continents. C'est très flippant de voir par exemple la thématique provinciale justement du Gorbeau, tout le thème de la… le jeu d'ombre et de lumière entre les innocents et les coupables, l'ambiguïsme. des apparences, tout le thème clouzotien qui s'inaugure dans le corbeau, enfin en tout cas qui se développe dans le corbeau, est présent quasiment la même année dans l'ombre d'un doute de Hitchcock. C'est un film provincial aussi, c'est un film sur l'indécidabilité de la culpabilité. Voilà, il n'y a pas beaucoup de points à jeter en ce film, et pourtant je suis persuadé que Hitchcock, évidemment, n'avait pas le corbeau qui était dans le film. et vous pouvez notamment le voir sur le français et Pousseau évidemment n'a pas vu à cette époque là l'ombre d'homme et même au delà des films

  • Speaker #0

    Hitchcock me semble s'est un petit peu inspiré je pense évidemment au carton de fin des diaboliques où il y a eu cette injonction de préserver un petit peu ce qui s'est dit pendant le film de ne pas le dévoiler aux spectateurs Hitchcock va un peu réutiliser ses mécanismes un petit peu marketing il faut dire pour Psychose

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est certain qu'il est diabolique, Hitchcock l'a vu, il l'a apprécié, il l'a dit d'ailleurs je crois. Et oui, quand il fait le film annonce de psychose, et qu'il dit aux gens de ne pas révéler la fin, évidemment il s'inspire de Clouzot. Ça c'est sûr que là, il y a une autre capillarité entre Clouzot et Hitchcock, c'est les méthodes de mise en scène. de soi et la manière de se mettre en avant comme le grand metteur en scène du film à suspense. Il est certain qu'à ce moment-là, il découvre pratiquement en même temps, mais là aussi c'est assez parallèle. Il découvre la puissance des médias et la manière dont le metteur en scène peut finalement être presque un personnage du film. Il y a ce que Hitchcock appelait la direction spectateur, mais on pourrait aussi parler de ça en s'agissant de Clouzot. Le metteur en scène est presque là pour tenir la main du spectateur et lui dire comment il faut avoir peur. Donc voilà, je crois que là aussi, ils se sont un peu rencontrés dans l'escalier, ils se sont croisés dans l'escalier, sans qu'on puisse dire très clairement qui a inspiré l'autre. Mais il y a évidemment un parallèle à faire entre ces deux cinéastes. Bon, maintenant, il y a quand même une grande différence, c'est que je dirais finalement ce qui fait la grande différence entre Muso et Hitchcock, c'est le catholicisme. Chez Hitchcock, la notion de culpabilité est quand même une culpabilité chrétienne, elle est liée à l'idée de la rédemption, du pardon, du sacrifice. Des Vologeurs, en 1929, il y a ce thème christique, qui n'est pas du tout chez Clouseau. Clouseau est un anarchiste de droite, avec un côté nihiliste, totalement déprimé de la nature humaine. Et quand on voit un film comme Le Salaire de la Peur, il n'y a aucune notion au bout de son temps.

  • Speaker #0

    Une tonalité beaucoup plus sombre chez Clouzot.

  • Speaker #1

    Oui, parce que... Alors, à part son site, moi, personnellement, le film de lui que je préfère, je sais que je... Je criais, il y en a certaines personnes en me disant ça, mais je le dis très sérieusement, je considère que c'est son meilleur film, c'est une comédie, c'est Megatestamé. Je considère que c'est vraiment son chef-d'oeuvre. Et là, on a un autre Clouseau. Un autre Clouzot, je ne sais pas si vous connaissez ce film.

  • Speaker #0

    Non, je n'ai pas vu.

  • Speaker #1

    Mais c'est vraiment un chef-d'oeuvre de la comédie de boulevard. porté au cinéma avec à la fois une drôlerie extraordinaire des comédiens, Bourville, où il jouait, Saturne infâme, mais aussi une précision d'Orfèvre dans la conduite du texte et des situations, et qui rappelle que Clouot c'est d'abord un auteur de comédie, il a un peu débuté dans ce registre-là, il a été auteur d'opérettes, de revues dans les années 30, il était auteur de chansons, il y a une double dimension comédie et chansons. très importante chez lui, qu'on retrouve un peu dans l'assassin à Vito XXI. Encore un tout petit peu dans Quai des Orfèvres, puisqu'il y a cette dimension un peu comédie au début du film, en tout cas. Et puis, évidemment, l'hommage au musical, avec tout un peu de film. Et Mickey et sa mère en est quand même, disons, peut-être l'apogée, l'épanouissement de cette première veine de son inspiration, avant qu'il ne se spécialise définitivement dans le genre criminel.

  • Speaker #0

    D'accord. C'est étonnant parce que justement, je pense, et ne pas être le seul, à voir Clouot vraiment comme ce spécialiste du film, entre suspense, policier, à des tonalités graves, ce travail du noir et blanc, même des plans un petit peu tirés des plans allemands d'origine, les angles un petit peu travaillés, ce cinéma un petit peu de la peur. Et pourtant, ce que vous dites me fait penser immédiatement... a une tonalité d'humour un petit peu sombre, qu'il a un humour noir, même dans les diaboliques, ça se retrouve, où il y a ces jeux de dialogue un petit peu pince-en-rire.

  • Speaker #1

    Oui, je crois qu'il faut un peu d'humour, sinon ce serait insupportable. Quand Paul Meurice dit à sa femme, Vera Clouzot, d'avaler le poisson, c'est qu'il faut en rire, sinon ce n'est pas possible, c'est du grand guépeul. Mais il y a aussi des moments ouvertement communs, comme le tournement avec la radio, quand il...... Si quand on entend la radio et qu'il y a le speaker qui dit Vous venez d'entendre, on ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset bon, tout ça, ça pourrait presque être du sachet d'itry. Donc oui, il ne faut pas sous-estimer cet aspect-là. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas aussi ce qui fait la grande réussite de Closon Cinéas, c'est qu'il mélange, comme Hitchcock d'ailleurs, mais pas tout à fait de la même manière, la peur à l'humour, la sensibilité au interne. Dans le corbeau, il y a aussi de l'humour. peut-être un peu moins, dans lequel les orfaites il y en a beaucoup. C'est peut-être moins évident dans le salaire de la peur, encore qu'il y a quelque chose d'assez comique quand même dans la relation, l'espèce de relation homosexuelle un peu foireuse entre Chantal et Yves Montand. Alors évidemment, le problème c'est que ça disparaît un peu des derniers films et c'est ce qui rend les espions un film, alors là pour le coup, presque insupportable de noirceur et de sérieux. Et il retrouve à mon avis son... Le grand Clouot revient à l'Odélie avec La Vérité, qui est peut-être son dernier grand film, mais qui est un film quand même assez impressionnant.

  • Speaker #0

    La Vérité est toujours avec Paul Meurisse, ce qui nous fait un petit peu enchaîner justement avec un petit peu les acteurs avec lesquels il a travaillé, également sa garde rapprochée, sa femme, Vera Clouseau. Quel rôle est-ce qu'elle jouait ?

  • Speaker #1

    Il y a aussi une muse peut-être moins brillante comme comédienne que Suzy Delaire, mais tout aussi volcanique. On a, justement, puisqu'on parlait des espions, on a un verbatim de tournage de Michel Cournot, qui s'appelle Le premier spectateur, qui raconte le tournage des espions. Je pense que Vera est vraiment quelqu'un de s'il a géré. Mais enfin, c'était à double content, parce que, si on se dit, Clouseau cherchait la crise, il cherchait le drame. On le voit bien avec Suzy, on le voit avec Vera, et il y a en permanence ce côté je t'aime moi non plus, je te provoque, je te cherche etc. qui fait que c'est difficile. C'est pour ça que quand on dit que Clouseau était tyrannique, etc., c'est vrai, il n'y a plus à y avoir des baffes ou des violences sur le plateau, mais je pense qu'il suscitait aussi la violence de l'autre. Il a une dimension sadique, il a aussi une dimension masochiste. Donc le rapport n'était pas simple, d'autant plus que dans le cas de Vera, il faisait travailler une non-comédienne. Alors bon, certes, il l'avait rencontrée... dans le cadre de la troupe de Louis Jouvet, puisqu'elle était au départ la maîtresse de Léo Lapara, qui était un peu le factotum de Jouvet. Bon, ensuite, il va en faire sa maîtresse, puis son interprète. Et là, le fait de la forter à être comédienne alors qu'elle n'était pas vraiment comédienne, produit des états de réel, évidemment, et produit quelque chose d'intéressant. Je pense que Les Diaboliques ne serait pas un film aussi puissant si au milieu, on avait une actrice comme Daniel Delorme ou Jeanne Moreau, si vous voulez. Là, tout d'un coup, on a une actrice qui est quand même... assez mal à l'aise et c'est presque elle, c'est presque elle qu'on fait souffrir. Alors on peut dire, aujourd'hui avec Me Too, c'est pas très bien vu tout ça, mais ça produit un film d'une puissance extraordinaire, puisqu'en plus on a su à posteriori qu'elle avait des problèmes de cœur, comme Clouseau d'ailleurs, or elle joue dans le film une femme qui est en fin de vie, justement elle est cardiaque, donc ça donne un côté psychodrame, c'est presque du Marina Abramovitch avant la lettre, côté performance cruelle. qui donne au film une modernité incroyable. Et c'est ce qui fait... Bon, passionnellement, ce n'est pas forcément le film de Clouseau que je préfère, mais je constate qu'en tout cas, c'est celui qui a la plus grande postérité à cause de ce côté expérimental, et puis aussi parce qu'il a finalement presque inventé un genre. Là, on sort du film à suspense pour aller vers quelque chose qui a plutôt se développé en Italie, c'est le giallo. Et je me demande s'il n'y a pas toute une dimension du giallo qui est née des diaboliques. si il n'y avait pas eu les diaboliques, je pense qu'il y a plein de films de Giallo qui n'auraient pas été, même pas été conçus.

  • Speaker #0

    Vous avez esquissé un petit peu le portrait de Clouzot. Oui, on l'entend souvent comme quoi il était tyrannique, les baffes, etc. J'écoutais une interview également de Paul Meurice qui expliquait que, pour autant, il y avait ce respect mutuel malgré cette violence, malgré ces colères, lorsque il s'agissait de faire un travail d'orfèvre sur, notamment, un... films qu'ils ont fait ensemble, où Clouot exigeait de lui un travail très réaliste. Il prenait l'exemple, à un moment, il avait frappé une table et son produit n'avait rien de réaliste. Donc, il avait ce désaccord avec lui sur le fait que le cinéma se devait être réaliste. Qu'est-ce que vous en pensez ?

  • Speaker #1

    Je crois que Clouzot, c'est toujours un peu ambigu, mais il... Comme je le disais, il cherche à reconstituer une vision intérieure, mais aussi peut-être des sons, en l'occurrence. Et il y a la volonté de donner à ce cauchemar le maximum de vérité. Je n'aime pas trop le mot de réalisme, parce qu'il veut dire un peu tout et son contraire. Je ne dirais pas non plus trop autant que Clouseau est un cinéaste naturaliste, mais il y a vraiment chez lui le désir de donner une sorte d'incarnation. et de vérité, enfin en tout cas de force de vérité, ou de vraisemblance si on veut, si on veut être plus précis, à l'irrationnel. C'est-à-dire que là aussi c'est une petite différence avec Hitchcock. Hitchcock ne dédaigne pas d'aller vers le fantastique avec les oiseaux par exemple, ou vers le gothique avec Rebecca, alors que chez Clouot il y a vraiment quelque chose de très français, c'est-à-dire que c'est vraiment un... La peur, l'horreur, le fantasme sont mis à plat, sont mis à nu, de telle sorte qu'on est obligé d'y croire tellement c'est vraisemblable. Et en même temps, c'est au prix d'une façon qu'a Clouzot d'escamoter une partie de ça, sinon ce ne serait pas possible, que ça joue au fond beaucoup sur la suggestion. On a tous les signes extérieurs de l'horreur, mais l'essentiel est toujours caché. Ça aussi, c'est très français. Il me semble que Hitchcock va peut-être un peu plus loin dans l'amonstration de l'horreur, par exemple dans Psychose. Ce que fait par exemple Hitchcock dans Psychose, de nous montrer la tête empaillée de la mère dans Psychose, je ne suis pas sûr que Hitchcock le ferait. Parce que ça l'intéresse beaucoup plus de suggérer la peur, derrière le réalisme de l'image, de suggérer la peur qui frappe à la porte mais qui n'entre jamais. Et je crois que c'est ce qui fait cette scène extraordinaire de la fin des Diaboliques, où on est là avec Veracruzo qui attend dans le couloir, il y a des ombres, il y a cette machine à écrire qui annonce Shining de Kubrick, il y a tout un côté. On a ce sentiment qu'il arrive à faire croire à la peur. même si tout ça se passe dans la tête du personnage, à partir d'une extraordinaire force de vérité des images. Mais la peur reste toujours mise à distance. Alors vous me direz, il y a quand même le corps de Paul Maurice qui se lève de la baignoire, mais précisément, c'est un subterfuge. Ce n'est pas vraiment une image de zombie ou de mort vivant, ou même de fantôme ou de cadavre, c'est un faux cadavre.

  • Speaker #0

    Justement, vous revenez sur la fin des Diaboliques. Dans notre épisode consacré aux Diaboliques, avec mon frère Maxime, on s'est amusé justement à essayer de trouver qui pouvaient être ces fameuses diaboliques du titre du film. Est-ce que pour vous, cela vise des personnages en particulier, ou est-ce que c'est une idée plus abstraite finalement ?

  • Speaker #1

    Plus abstraite, je pense que Clouseau est un lecteur de Pirandello, grand auteur de théâtre qui a beaucoup marqué les gens de sa génération. Donc il a cette vision un peu de la relativité des apparences, je crois que c'est beaucoup inspiré de ça. Et si vous regardez tous ses films, il y a toujours ce côté indécidable où dans l'assassinat habite au 21, on part sur des pistes différentes, dans Le Corbeau, n'en parlons pas. Et je dirais même que ça produit une espèce d'effet de vie sans fin, de vertige infini qui évidemment se déploie pleinement dans les diaboliques. avec le gamin qui à la fin vient nous dire, ben oui, moi j'ai vu Madame la Directrice alors qu'on vient de la voir mourir l'instant d'avant. Mais c'est un principe de récidive chez Clouzot, c'est un principe je dirais presque organique pour lui, qu'on retrouve d'ailleurs dans le mystère Picasso. Dans le mystère Picasso, il nous donne à voir Picasso qui peint des étoiles, enfin des transparences, et petit à petit, on croit que ça va être le tableau définitif. qu'on a acquis une sorte de certitude que l'œuvre allait close, allait achever. Eh bien non, il y a encore une autre œuvre derrière l'œuvre, et comme ça, c'est enfin parce que Picasso est une sorte d'artiste total, inépuisable, infini, dont le génie est tellement infini qu'il ne cesse de produire de nouveaux possibles. Donc il y a ce côté, et je pense presque à lui de moi, qu'il faut regarder le mystère Picasso comme un film à suspense, représentant l'artiste comme un criminel toujours capable d'agir. plus fortement, plus violemment, plus puissamment sur la réalité. Donc il y a ce double aspect chez Clouzot, il y a à la fois le réalisme dont vous parlez, et en même temps un réalisme qui contient derrière lui une folie de l'infini. C'est le propre de l'obsessionnel, Clouzot, si il y a quelqu'un qui est vraiment un obsessionnel, c'est bien Clouzot. Je pense que c'est quelqu'un qui est en trop de films, sombré dans de longues périodes de dépression, parce que justement il est en croix, ce vertige des potibles. et à cet hantise de l'incliné qui caractérise l'obsessionnel. Et il n'arrive à le conjurer, à l'enclore, que dans l'extrême précision, dans l'extrême rigueur, on pourrait dire dans l'extrême étroitesse de l'image cinématographique qui lui permet de contenir son vertige. Mais il y a ce balancement entre les deux qui fait l'extraordinaire tension de son cinéma.

  • Speaker #0

    Vous l'avez dit, Les Diaboliques est son film sûrement le plus populaire dans le sens le plus vu ou connu des gens aujourd'hui. Pour autant... Quel film ou réalisateur actuel vous semble être un petit peu les héritiers de l'ensemble de son œuvre ?

  • Speaker #1

    C'est difficile à dire. Moi, je n'aime pas beaucoup ce petit jeu parce que je considère qu'un grand cinéaste est unique. C'est comme quand on me demande de dire quels sont les cinéastes romériens aujourd'hui. Bon, je suis bien en peine. Il y a beaucoup de cinéastes qui se réclament de Romère aujourd'hui. Mais enfin, ça me paraît un peu bidon. Je n'y crois pas beaucoup. On peut imiter un mauvais cinéaste. On peut être le disciple d'un mauvais cinéaste. Je pense que si on veut commencer à être le disciple d'un grand cinéaste comme Clouseau, à mon avis, on se prépare des mauvaises surprises et des mauvais films. Alors évidemment, on peut trouver des bouts de Clouot chez Kubrick, je l'ai dit tout à l'heure, parce que Kubrick avait vu Les Diaboliques, c'est possible. On peut trouver une influence également chez Hitchcock.

  • Speaker #0

    La limite, ce qui paraîtrait le plus évident, c'est Chabrol, mais je ne suis pas sûr que Chabrol soit tellement proche de Clouseau, parce que quand on voit qu'il fait un remake de L'Empereur, ça donne un assez mauvais film, vraiment pas le meilleur film de Chabrol, et je pense que son rapport au suspense, au crime, sont vraiment très différents. Je ne sais pas si c'est tellement le suspense chez Chabrol, c'est autre chose, c'est plutôt de l'analyse psychologique, c'est un très grand cinéaste, mais pour moi ça n'a rien à voir. Non, je ne sais pas. Je sais que des cinéastes actuels comme Bojanco, par exemple, admirent Clouseau. Je pense que c'est le cas de Xavier Giannoli. Bon, c'est bien, c'est l'endroit. Enfin, je ne vois vraiment rien de Clouot dans leur cinéma.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui fait donc, selon vous, que finalement, les films qu'il a faits restent intemporels ?

  • Speaker #0

    Tu sais, c'est à la fois ce que j'ai dit, c'est-à-dire ce mélange de folie et d'extrême rigueur dans... dans la manière de restituer tous les détails de son fantasme. Ça en fait un grand peintre du cinéma et un explorateur de ses abîmes intérieurs à travers une rigueur plastique extraordinaire. Ça, c'est ça. À mon avis, c'est vraiment la pierre angulaire de son cinéma. Il y a la dimension de récit, mais... C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui a vraiment un sens du récit, une scène extraordinaire du rythme et de la manière d'empoigner le spectateur. Je vois bien ça quand je passe des Clouseau à mes étudiants. Il y a des cinéastes de cette époque, que j'admire beaucoup, qui ne marchent plus, qui n'ont plus de… Alors que Clouseau, ça marche. Parce qu'il y a cette manière d'empoigner le spectateur avec un récit extrêmement rythmé, extrêmement efficace. Il y a toute une dimension sexuelle aussi chez Clouzot. Une crudité sexuelle, dès l'Assassin Vito XXI jusqu'à la vérité, qui fait qu'on est sorti. Ça fait aussi la modernité de son cinéma. C'est quand même un cinéma qui parle assez crûment des rapports entre hommes et femmes, notamment dans le dialogue. Et aussi, il y a même de l'homosexualité. Il aborde vraiment tous les cas de figure. Et ça aussi, ça fait que son cinéma reste très présent, parce que c'est un cinéma très concret dans sa manière de mettre en scène les corps et la traction entre les corps. Bon, et puis, un troisième aspect qui est quand même très important, et c'est peut-être le plus important, c'est la direction d'acteur. C'est l'un des plus grands directeurs d'acteurs qui ait jamais été. Il est génialissime, aussi bien avec des grands acteurs comme Louis Jouvet, qu'il modifie de fond en comble. C'est la seule fois que des enfants jouent autre chose que Jouvet, où ils jouent un vrai personnage. Il arrive à la sélection de ce comédien qui jouait quand même beaucoup avec des tics, il se prend en compte à travers une composition qui reste quand même la plus bouleversante qu'il ait faite. Avec Pierre Freinet aussi, qui est des poussières, il est un petit ché. Il rappelle à quel point ça pouvait être un grand comédien, mais il peut aussi être un très grand directeur de mauvais acteurs, comme Yves Montand, qui arrache une performance extrêmement physique, très forte dans le Céda Blaper. Et aussi des non-acteurs, comme, ne parlons pas d'Origine Bardot, qui elle, pour moi, était une grande actrice, mais il faut vraiment voir la vérité pour le savoir, parce qu'elle n'a pas eu d'autres occasions de le montrer, pas beaucoup d'autres occasions. Et puis, aussi bien avec des non-acteurs absolus, comme Vera, dont on va parler à l'instant. Je pense qu'il aurait pu, Serge, n'importe qui, et en tirer. Alors, il y a peut-être des limites. Parfois, Gérard Setti, dans Les Espions, il se conne quand même à des limites. Mais voilà, ça, c'est vraiment, je crois que c'est une part très importante de son génie de metteur en scène. C'est d'arriver à faire en sorte que le comédien sorte ses tripes grâce à sa vérité intérieure. presque à poil de vérité en tout cas, de vérité intérieure. Et c'est d'autant plus fort quand c'est un comédien connu. Mais si vous prenez Suzy Flair dans Quai des Orfèvres, le moment où elle crache ses quatre vérités à Jouvet, dans sa loge, c'est un moment extraordinaire. Ou Brigitte Bardot, quand elle crache leur quatre vérités au juge dans La Vérité. C'est des moments, tout d'un coup, où le jeu d'acteur rejoint la performance et où il arrive à pousser l'acteur là aussi. à l'extrême limite de ce qui est possible. De d'où, évidemment, les rapages, aussi bien avec des hommes qu'avec des femmes, d'ailleurs. Il ne faut pas croire que c'était un metteur en scène qui était dur uniquement avec ses actrices. Paul Meurice et Bernard Blayé ont été bien placés pour le savoir.

  • Speaker #1

    Vos propos me font penser également à une interview que vous avez donnée pour la CinéTech, où vous qualifiez Clouot de pervers, dans le sens où il aimait être dans un système mais justement avoir ce côté disruptif et de le casser un petit peu de l'intérieur. C'était la même chose pour les acteurs, justement, ils les recrutaient parce qu'ils les voyaient géniales dans un type de jeu. mais vous voulez les utiliser un petit peu à contre-emploi ?

  • Speaker #0

    Oui, le propre but pervers c'est qu'il veut répéter quelque chose, mais en même temps il faut toujours que ça bouge un peu. Alors je pense que Clouot il tatare énormément, il faut rappeler qu'il écrivait ses films avec son frère, qui signait Jérôme Jérôme Limy, mais qui était en fait Jean Clouzot, son frère, et qui l'empêchait de signer de son propre nom, donc c'est intéressant ce rapport d'écriture entre deux frères. Les Diaboliques ont été écrits par Jean Clouzot. Et donc des films extrêmement écrits, avec des storyboards. Diaboliques, c'est storyboardé comme le Salaire de la peur, comme les Enfer, comme les Espions. Donc aucun metteur en scène français, même Carnet ou autant Larra, ne faisait des storyboards. C'est exceptionnel. Donc il fallait que tout soit prévu à la virgule près, les storyboards étant faits par le chef d'écho, Max Douy. Et donc il y a ce côté extrêmement prévisionnel. Il faut qu'il n'y ait pas une seconde d'imprévu. Il faut vraiment arriver à ce que tout concorde à réaliser cette vision intérieure du cinéaste. Et en même temps, le comédien, tout va être prêt pour ne plus se concentrer sur le tournage que sur la direction d'acteur. Et je crois que c'est le moment de grande jouissance artistique de Clouzot. Je pense qu'il devait beaucoup se couvrir dans la préparation de ses tournages. Mais là, je pense qu'il a une extraordinaire jouissance. et liberté peut-être aussi, à faire intervenir le comédien dans ce cadre contraint et à lui faire inventer sa liberté ou inventer sa vérité. Tout d'un coup, le comédien arrive et vient, je ne dirais pas bousculer, mais vient faire légèrement bouger, trembler, flotter, vivre ce qui aurait pu n'être qu'un cadre mort et lui apporter ce surcroît de vérité qui fait la vie du cinéma de Clouzot. Le cinéma de Clouzot pourrait être un cinéma d'antiquaire. Mais ce qui fait que c'est un cinéma d'une formidable vitalité, c'est la force de cette direction d'acteur. Le comédien est toujours un peu sur la corde raide avec Pouzo, il est toujours remis en cause, il n'est pas dans sa zone de confort, et c'est ce tremblement qui le rend d'autant plus vivant et bouleversant.

  • Speaker #1

    On se rapproche doucement des questions de fin. J'ai une question peut-être à... Un petit peu qui sort du lot, si vous la trouvez pertinente, pas obligé de répondre. Je me demandais, si Clouot était contemporain de notre époque, quel type de film aurait pu lui plaire ? Quel réalisateur ? Quelles étaient ses sensibilités, quels étaient ses goûts, un petit peu, pour essayer de le comprendre, lui, en termes de cinéphilie ? Clouzot,

  • Speaker #0

    il s'est intéressé à tout. On sait, d'après ses comptes rendus de lecture au sanatorium, vous savez qu'il a passé plusieurs années, comme il est tuberculeux, il a passé plusieurs années au sanatorium quand il était jeune, donc il disait énormément, Proust, Freud, Pirandello, Joyce, c'est quelqu'un qui avait une énorme curiosité littéraire, énorme curiosité de la peinture, des arts plastiques, de tout ce qui se faisait de plus contemporain, on le voit évidemment dans des films comme M. Picasso, bien sûr, mais surtout L'Enfer et La Prisonnière, son dernier long-métrage. Et je pense qu'il... Voilà. Alors, est-ce qu'il voyait les films contemporains ? Ça, j'en ai pas de traces précises, mais j'en suis persuadé. On a parlé tout à l'heure de ses influences. Bon, je pense qu'à l'époque, c'était certainement moi, Hitchcock et Fritz Lang, qui étaient pour tous les gens de cette génération une influence absolument impondérante. Et je pense que s'il y a un cinéaste que Clouot aurait pu citer comme sa grande influence, c'était certainement Fritz Lang. Ensuite, il a certainement vu plein de films de ses contemporains. Il avait un groupe pour le cinéma néo-réaliste italien. Il y a tout ce projet. Très intéressant qu'il forme juste après Miquette et avant le Salad de la peur, où il veut aller tourner un grand documentaire au Brésil. Donc il y a toute cette veine documentaire, je pense qu'il connaissait très bien Flaherty, tout ça. Et donc il a envie de faire un film comme ça. C'est une tentation qui revient assez régulièrement dans son œuvre. Le film ne se fera pas, il en reste un petit court-métrage qui s'appelle Brazil, qui est le témoignage d'un tournage qui peine à se mettre en place, parce que Béra est déjà malade. Mais... Donc voilà, il y a chez lui une attention extrême à l'air du temps, et je suis persuadé que s'il disait aujourd'hui, oui, il serait passionné par tout ce qui se passe, par tout ce qui se fait. Il ferait certainement un film autour des violences sexuelles. C'est un sujet qu'il passionnerait. Évidemment, le revers de la médaille peut être avec un certain opportunisme, parce qu'il ne faut peut-être pas sous-estimer cet aspect-là chez lui. C'est quelqu'un qui se mantient bien l'air du temps, mais c'est aussi quelqu'un qui s'adapte à l'air du temps et qui va aller chercher des sujets à la mode. Je pense que quand il fait le corbeau, le sujet à la mode, c'est... le contexte des anonymes quand il fait manon il va tout d'un coup mettre en scène l'exode des juifs en palestine c'est le sujet bon voilà quanti celle celle de la peur c'est l'exploitation et des dépôts en amérique du sud par les grands pétroliers voilà il ya ce côté un peu roublard chez lui mais en même temps ce qui le ce qui le sauve et c'est ce qui fait que ces films ne sont pas simplement des films d'adaptation à l'air du temps, c'est qu'à chaque fois, il fait des films pour, je dirais, si j'étais vulgaire, pour foutre la merde, et pour mettre les pieds dans le plat. Et il parle de sujets de son temps, mais de sujets vraiment dangereux, des sujets qu'on n'a pas le droit de traiter, qui sont à la fois brûlants et cachés. Les lettres aux anonymes, personne n'aurait osé traiter un sujet pareil en 1943, et lui, il ose le faire. L'exode des Juifs en Palestine, il n'y a pas un cinéaste français qui s'y intéresse. à part lui. Donc voilà, il y a à la fin ce côté de faire des gros coups, mais toujours des gros coups à partir de sujets extrêmement sulfureux qu'il est le seul à avoir le courage de traiter.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous auriez une anecdote, qu'elle soit sur un film en particulier qui vous parle, ou sur un tournage, ou même sur Clouzot lui-même, que le grand public ne connaîtrait pas ? Un petit quelque chose, une petite anecdote à nous partager.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas forcément ça sous la main. Oui, il y a l'histoire assez amusante, mais ça, c'est vraiment à la fin, pour illustrer le côté Clouzot et ses actrices. C'est la prisonnière. C'est Elisabeth Vienner, qui était l'interprète de ce film, qui m'a raconté ça. C'est dans les bonus, d'ailleurs, du film, dans le coffret Clouzot. Elle devait faire une prise. Voilà, et puis je pense que Clouzot qui se tenait un peu en dessous, à côté de la caméra, vous savez à l'époque les metteurs en scène il n'y avait pas le combo, donc les metteurs en scène s'asseyaient en dessous de la caméra et puis souvent regardaient comme ça un peu par en dessous ce qui se passait. Et puis Clouzot, je ne sais pas ce qui lui a pris, s'est mis, pour lui donner un peu de cœur à l'ouvrage, il lui se met physiquement à lui mordre le mollet.

  • Speaker #1

    D'accord !

  • Speaker #0

    Donc elle a poussé un jour le bras, elle lui a donné un grand coup de pied. il a envoyé Valdinguet dans le décor. Et là, le tournage s'est arrêté, je crois, pendant un bon moment. D'autant plus que c'était juste avant mai 68. Donc, mai 68 a coïncidé avec la révolte de 4 éditeurs.

  • Speaker #1

    D'accord. Oui, une belle anecdote. Écoutez, on a évoqué beaucoup de choses. C'était très dense. Je pense que les auditeurs ont déjà de quoi faire pour ceux qui hésitent, justement, à regarder des films de Clouzot. Pour autant, je vous pose cette question, c'est la question que je pose à la fin de tous mes podcasts. Une manière peut-être aussi de rassembler un petit peu les idées. Pourquoi est-ce que vous pensez que les auditeurs et les cinéphiles devraient voir les films de Clouzot selon vous ?

  • Speaker #0

    D'abord parce qu'on y prend un plaisir extraordinaire. Je crois que, moi personnellement, je vous avoue que... J'aimerais qu'il ait fait beaucoup plus de films, parce qu'à chaque fois que je vois un film de Clouzot, j'ai un énorme plaisir. Il n'y a pas beaucoup de films qui procurent autant de plaisir que les films de Clouseau.

  • Speaker #1

    Il n'en a fait que 11, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Il en a fait 11, oui. Parce qu'encore une fois, il était obsessionnel, dépressif, malade, et qu'il est mort jeune. Mais on aimerait qu'il en ait fait 50, parce que ce sont des films qui sont incroyablement jouissifs. On ne s'ennuie pas une seconde à regarder un film de Clouzot. C'est vraiment un cinéaste du plaisir, et ce n'est quand même pas secondaire. Et par ailleurs, c'est une extraordinaire leçon de cinéma, leçon de rigueur, encore une fois, leçon de précision dans la direction d'acteur, dans la composition du cadre, dans la composition du récit. C'est le témoignage qu'on arrive au plaisir par la rigueur.

  • Speaker #1

    Écoutez, M. Herbe, je pense qu'on a fait le tour un petit peu. On pourrait dire encore beaucoup de choses, je le sens bien. Votre passion est très communicative. On a envie de poser encore plein de questions. Mais je vais rappeler, du coup, vous êtes l'écrivain de Souvenir Écran. Est-ce que vous souhaitez ajouter un dernier mot ?

  • Speaker #0

    Non, je n'en rappelle pas. J'espère que ça donnera l'envie à beaucoup de jeunes gens de faire des films de Clouzot. Mais en même temps, j'ai envie de leur dire, surtout s'ils ou elles veulent faire du cinéma, de ne surtout pas essayer de limiter. D'accord,

  • Speaker #1

    c'est bien de vous.

  • Speaker #0

    films,

  • Speaker #1

    mesdames. Bah écoutez, merci beaucoup monsieur Herpe d'avoir pris le temps avec moi de revenir sur Clouzot, réévoquer l'épisode des Diaboliques avec moi, d'aller chercher justement au-delà de ces films et de... connaître un petit peu mieux Henri-Georges Clouzot aujourd'hui grâce à vous.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Et voilà, c'est fini pour cette nouvelle séance qui était une hors-séance consacrée à Henri-Georges Clouseau avec cette interview de M. Herbe qu'on remercie vraiment du fond du cœur pour son temps et pour la passion qu'il a transmise durant l'entretien. J'espère que ça va vous intéresser de redécouvrir la cinématographie d'Henri-Georges Clouzot, maintenant que vous en connaissez davantage à la fois sur... l'homme et ses controverses et également sur ce réalisateur prolifique avec tous ces chefs-d'oeuvre cinématographiques dont nous avons hérité. Je suis très content de démarrer l'année 2025 avec cet épisode. Je vous en prépare déjà 3 à 4 en simultané. Nous allons retrouver des interviews avec des personnes avec lesquelles j'aime échanger sur les films. Il y aura des festivaliers, il y aura des professionnels du milieu du cinéma. Donc continuez de nous suivre si vous voulez continuer d'explorer avec nous le cinéma de patrimoine, le cinéma mondial. Nous allons vous emmener dans d'autres pays, d'autres cultures et à travers d'autres mouvements du cinéma. Comme d'habitude, je vous invite à nous rejoindre sur nos réseaux sociaux, que ce soit notre compte Instagram, X ou également notre chaîne YouTube pour retrouver les épisodes. Si c'est plus simple pour vous. de nous écouter sur cette chaîne. Partagez également les épisodes de podcast et si le cœur vous en dit, laissez-nous des étoiles sur Apple Podcast. On vous en remerciera jamais assez. C'est ce qui nous permet justement de continuer de faire ces épisodes en ayant une communauté de plus en plus active. Et on vous en remercie. Si vous souhaitez connaître les derniers épisodes, je vous invite également à nous rejoindre sur notre newsletter que vous trouverez directement sur notre site web lié à Ausha. En attendant, merci pour votre écoute. Je vous dis à très très bientôt pour une nouvelle séance de Rétro Ciné !

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Description

[Rétro Cinéma - Hors Séance - Spécial Clouzot - Entretien avec Noël Herpe - Historien du cinéma - Janvier 2025 🎬]

Bienvenue sur Rétro Cinéma, le podcast qui vous fait redécouvrir les classiques du cinéma de patrimoine facilement accessibles ! 🍿

Dans cet épisode Hors Séance, j’ai le plaisir d’accueillir Noël Herpe, historien du cinéma français et commissaire de la rétrospective "Le Mystère Clouzot".

Ensemble, nous explorons l’univers captivant d’Henri-Georges Clouzot, figure majeure du cinéma français et du cinéma mondial.

🔎 Qui était vraiment Clouzot ?
📽️ Quelle est la singularité de sa filmographie, mêlant suspense, thriller et drame psychologique ?
🎬 Comment travaillait-il avec ses acteurs pour créer des performances marquantes ?
⚡ Peut-on vraiment le considérer comme le "Hitchcock français" ?

De L’Assassin habite au 21 à La Prisonnière, en passant par Le Salaire de la peur et Les Diaboliques, nous analysons son style unique, ses méthodes de réalisation, ses controverses, et son héritage durable dans l’histoire du 7e art avec ses influences sur les thrillers et le cinéma d’horreur.

Cet épisode est une immersion indispensable pour tous les passionnés de cinéma classique et d’histoire du cinéma, à écouter sans modération !

Vous pourrez retrouver ses chefs-d’œuvre dans les salles de cinéma et festivals dédiés au cinéma et films de patrimoine près de chez vous.

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Et voilà, c'était Rétro Cinéma, ou Rétro Ciné pour les intimes, votre Podcast d'histoire du Cinéma mondial, qui vous transporte dans l'histoire des films de patrimoine du cinéma mondial avec des chefs d'oeuvres disponibles simplement, sur internet, dans vos médiathèques et cinémathèques, voir festivals de films de cinéma, près de chez vous 🎬🍿


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur Rétro Ciné, votre rendez-vous cinéma qui vous transporte dans les films de patrimoine du cinéma mondial, avec des offres disponibles gratuitement ou presque, sur internet, dans les festivals, dans vos médiathèques et cinémathèques près de chez vous. Tout d'abord, je vous souhaite à toutes et à tous une excellente année 2025. J'espère qu'elle sera remplie de bons films que vous allez découvrir, soit au cinéma, soit avec nous. Et sans plus attendre, je suis très heureux de vous présenter cette nouvelle séance, hors séance, car il va s'agir d'un entretien. Un entretien avec M. Noël Herpe, historien du cinéma et spécialiste de Clouzot. On lui doit notamment la rétrospective dédiée à Henri-Georges Clouzot. Avec lui, nous allons revenir sur notre épisode consacré au diabolique, mais également aller plus loin pour en connaître davantage sur ce réalisateur, ses goûts, son style et tout ce qui a inspiré le cinéma mondial. Donc sans plus attendre, je vous propose de découvrir l'interview de M. Herpe et ensemble de plonger un petit peu plus dans la cinématographie de ce génial réalisateur avec ses controverses, mais également avec tout ce qui découle de son cinéma encore aujourd'hui. Eh bien M. Noël Herpe, bonjour. Merci d'avoir pris le temps de venir dans le podcast Rétro Ciné pour échanger avec moi pour justement aller plus loin sur notre épisode précédent concernant Les diaboliques de Clouseau. On va revenir un petit peu ensemble sur l'entièreté de la carrière de Clouseau. Avant tout, je vous présente, vous êtes écrivain, vous avez notamment écrit Souvenir écran, et vous êtes historien du cinéma français. Je vous contacte car vous avez été également commissaire à l'exposition en lien avec la Cinémathèque sur Le Mystère Clouseau. Est-ce que vous pouvez vous présenter un petit peu plus pour nos auditeurs ?

  • Speaker #1

    Oui, je suis historien du cinéma français, j'ai écrit quelques bouquins sur la question, j'ai co-écrit une biographie d'Éric Romer, j'ai fait aussi une exposition sur Sacha Guitry, j'ai travaillé sur René Klein, enfin en tout cas je suis assez focalisé sur le cinéma français, disons de la période classique, donc c'est un peu à ce titre que j'avais été sollicité, Serge Toubiana et la Cinémathèque française, ensuite le projet a été repris par l'actuel directeur Frédéric Bonneau. pour valoriser un fonds d'archives qui avait été versé à la communauté française de Clouseau. Puisque la veuve d'Henri-Georges Clouot étant décédée il y a quelques années, ces archives se sont retrouvées en lieu sûr, en de bonnes mains. Et j'étais un peu chargé d'expertiser ce fonds pour savoir si ça valait le coup de faire une expo, ce que j'ai plutôt préconisé. Donc ce n'était pas une très grande expo, mais c'était quand même une expo de dialogue. avec, voilà, on a pu montrer les storyboards de Clouzot, tout son travail pour l'Enfer, le Mister Picasso, des photos de tournage très belles. Et ensuite, il se trouve qu'alors, il y a eu un très beau catalogue chez Liénard, et puis deux ou trois ans après, j'ai fait un recueil de correspondance avec Clouot et sa première, sa première fête à Pâmes. sa maîtresse en titre et sa mimique, son interprète, Suzy Delaire. J'ai publié ça chez Pierre-Julien Marrest, Clouzot-Delaire. Donc voilà, je suis un peu un multirécidiviste de Clouzot.

  • Speaker #0

    Multirécidiviste, j'aime beaucoup ce mot qu'on parle de Clouseau en plus. Ma première question, elle va être toute simple en fait, mais pourquoi vous êtes-vous intéressé au cinéma d'Henri-Georges Clouseau en particulier ?

  • Speaker #1

    C'est un peu au carrefour de mon goût pour le cinéma français dont je viens de parler. Du fait que peut-être que moi, quand j'ai commencé à écrire sur Clouseau, c'était dans la revue Positive, il y a une trentaine d'années. Finalement, on en parlait tellement que le doigt pour moi m'avait frappé à l'époque. Parce que la revue Positive, à laquelle je participais régulièrement, avait fait un référendum sur le film criminel. On avait élu les meilleurs films criminels français. Je crois que les deux films qui étaient sortis en tête... C'était tout à l'époque au Brisbane de Dan Becker et qui est désormais. Donc, j'avais fait un papier sur les films communels de Clouseau. C'est un peu comme ça que je suis devenu, un peu malgré moi, spécialiste de ce cinéaste. Et par ailleurs, c'est vrai, je dois le reconnaître, je suis vraiment très passionné. Et de plus en plus, ça, c'est plutôt quelque chose qui m'est venu avec l'âge. Alors, je ne sais pas, certains disent le thrillerr, mais pour moi, ce n'est pas ça le thriller. Alors, ce n'est pas le... thriller, c'est autre chose pour moi. Je ne crois pas qu'on puisse vraiment dire que Clouzot soit un cinéaste de thriller. Il y a aussi la question du film noir. Je sais que j'ai certains collègues qui considèrent que Clouseau est un représentant du film noir. Je ne suis pas non plus du tout d'accord. Moi, le film noir ou le thriller, ce sont plutôt des films, disons... Le thriller, c'est compliqué à définir. Le film noir, pour moi, c'est plutôt un cinéma qui se passe dans les milieux de la pègre, avec une certaine atmosphère. Ça vient de la littérature du même nom, le roman noir. Et donc, voilà, la série noire, on se retrouve avec des films comme le Réjifi, par exemple, ou le Grisby, qui sont typiquement des films noirs à la française. Je ne crois pas du tout que le plus grand partenaire de cette veine, c'est plutôt ce qu'on appellerait le wooden it c'est-à-dire le film à énigmes, le film à suspense. Or, le film à suspense, ce n'est pas du tout la même chose que les deux genres que je viens de citer. C'est vraiment un cinéma où il y a un crime, plusieurs crimes éventuellement, un coupable. Peut-être pas de coupable du tout, mais enfin, en tout cas, il y a une enquête pour déterminer qui a tué. C'est ce qu'on appelle le Whodunit. C'est plutôt une tradition anglo-saxonne, remontant évidemment au livre de Conan Doyle, de la Gattacristi, magnifiquement illustré, évidemment, comme on sait, par Hitchcock, mais Clouseau n'est pas indigne de son homologue britannique, et il a fait des films tout aussi géniaux. Je pense qu'aujourd'hui, on peut dire que grâce à votre génération et à celle qui l'a citée, on peut dire que là, Clouot est revenu à sa place qui est quasiment égale à celle d'Hitchcock, aussi éclatante que celle d'Hitchcock dans la maîtrise de ce registre.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant ce que vous dites, parce que vous avez commencé par dire que justement, à l'époque, finalement, on ne parlait pas tant de Clouzot. Et j'ai l'impression qu'il y a un petit peu ce revival, je pense qu'également votre exposition l'a montré, l'exposition que vous avez faite en 2017, pourquoi y a-t-il un renouveau d'intérêt ? pour le cinéma de Clouseau aujourd'hui ? On parle aussi d'Hitchcock. Hitchcock a été très populaire ces dernières années. Et là, on revoit Clouseau réémerger, j'ai envie de dire.

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a eu plusieurs phénomènes. Il y a eu, bon, l'exposition de la Cinémathèque a été importante, mais il y a eu une sorte de convergence comme ça, comment dire, d'alignement d'astres. Il y a eu en même temps, il faut le dire, l'extraordinaire énergie d'une personne qui s'occupe des droits de Clouseau, qui s'appelle Guylaine Gracieux, qui a milité avec beaucoup d'énergie et d'enthousiasme pour fédérer un peu tout le monde autour de ce revival Clouseau, et avec succès, puisqu'il y a eu d'autres expositions, il y a eu pas mal de réconspectives dans toute la France, et moi-même, à cette occasion, j'ai fait toute une tournée de conférences, pourquoi c'était vraiment, ça ne s'était jamais fait, et ça se refroidit comme plus jamais. dans toute la France, puisque j'ai fait 50 conférences en 6 mois, ce qui est un énorme, autour de Clouseau, dont j'allais dans toutes les villes de France porter la bonne parole pour le venin, je ne sais pas comment il faut dire. Je reprenais un peu mon propos de l'exposition de la Cinémathèque, c'est-à-dire d'essayer de montrer à quel point Clouzot est d'abord, on ne met pas en scène, mais d'abord un grand plasticien, un grand homme d'image et quelqu'un qui conçoit ses plans d'une manière... avec une grande précision et avec une grande fidélité à une image d'intérieur qu'il veut voir restituée sur l'écran. Donc ça, c'était un peu mon parti. Puis j'essayais de montrer cette picturalité du cinéma de Clouzot. J'en ai fait un livre dont vous avez fait la mabilité de citer tout à l'heure, Souvenir écran qui est un récit de cette balade dans la France profonde qui était restée, enfin si j'étais méchant, je dirais qu'elle était restée un peu celle de... de Clouseau, mais c'est vrai qu'à certains moments, je me suis retrouvé dans des endroits où j'avais vraiment l'impression de retrouver l'ambiance du Corbeau ou des Diaboliques, notamment à Niort, quand on va à Niort, qui est la ville natale de Clouzot, comme vous savez, et où une scène des Diaboliques a été tournée, on retrouve l'ambiance des Diaboliques, on retrouve un peu l'ambiance du Corbeau, et on retrouve évidemment l'ambiance qu'a connue Clouot dans son enfance, et qui inspire sa... peinture extraordinairement méchante et juste hélas de la province française mais je dois quand même rappeler qu'avant tout ça ce qui à mon avis a contribué à permettre cette souris volfouzeau dont vous parlez à juste titre c'est le c'est l'initiative de savent bonberg c'était un stage au bonberg a ressorti à fait ce coup de poker de ressortir les Les rushs de l'enfer, ça a été formidable pour Cluzot, parce que d'abord le film de montage qu'il en a tiré est très beau, les rushs sont magnifiques, mais je trouve aussi que la manière dont il les a articulés était très intelligente, et il a fait un travail de révéler. derrière le Clouot qu'on connaissait, ou qu'on croyait connaître, un autre Clouzot qui était un Clouzot expérimental, un Clouzot épris d'art plastique, avec toute cette dimension de recherche d'un autre cinéma possible. Au moment où il y a la nouvelle vague, Clouzot cherche une espèce d'avant-garde plastique à travers le cinéma, peut-être d'une manière un peu désespérée, mais c'est quand même un chantier absolument fascinant. Donc je crois que le fait... que Bromberg ait révélé ce chantier a amené pas mal de gens à regarder Clouot autrement et à se dire que c'était pas simplement un raconteur d'histoires divertissante mais que c'était d'abord un grand metteur en scène et quelqu'un qui avait une préoccupation formelle qui faisait la réussite très grande de ces films criminels. Quand on regarde évidemment Qu'il y a des Orfèvres ou Le Corbeau ou Les Diaboliques on est sensible au récit, on est sensible à la construction dramatique, à la direction d'acteurs et Dieu sait que c'est important. Mais je crois qu'on se rend compte de plus en plus que ces films ne tiendraient pas autant, ils ne seraient pas aussi clatinants s'ils n'étaient pas d'abord admirablement composés au point de vue de l'image et au point de vue du cadre et de ce qu'on met à l'intérieur du cadre. Je me suis amusé par exemple à faire des captures d'écran pour la Cinémathèque qui se retrouvent dans le catalogue de l'Expo, des captures d'écran, des plans de Clouzot, et c'est des plans qui tiennent. Ce n'est pas si fréquent, quand vous sortez un plan d'un film, souvent ça s'effondre. Et là, ce sont des plans qui sont presque des tableaux et qui en même temps sont beaucoup plus que des tableaux parce qu'ils sont pris dans le mouvement du récit.

  • Speaker #0

    D'accord, très clair. On a déjà évoqué ce nom du Woodonite à plusieurs reprises depuis notre échange. On parle étroitement de Hitchcock quand on pense à Clouzot. Beaucoup de gens prennent cette expression de Clouseau, c'est le Hitchcock anglais. Hitchcock français, évidemment. Et justement, on se trouve un petit peu malin avec mon frère d'imaginer, mais est-ce que Hitchcock ne serait pas plutôt le Clouot anglais ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas totalement faux. En tout cas, il faut se garder de l'illusion que Clousot a été influencé par Hitchcock. Parce qu'il faut quand même rappeler que Clouzot débute dans les studios français et allemands, d'ailleurs, dans les années 30. Ensuite, il fait ses premiers films continentaux. votre occupation. À ce moment-là, je ne suis pas certain que Clouzot était tellement connu en France. Je pense qu'on avait vu les 39 marches, peut-être, mais comme vous savez, les films anglais étaient interdits en France pendant l'occupation, donc ça m'étonnerait que Clouzot ait été un fin connaisseur d'Hitchcock, et c'est peut-être plus vraisemblable de se dire que Hitchcock a pu voir, alors sans doute après la guerre, un film comme Le Corbeau, mais il est certain qu'il y a eu une capillarité. Mais bon, il ne faut pas surestimer l'influence de l'un par l'autre. Quand on voit par exemple, alors par contre, il y a cette capillarité dont je parle, qui est très forte, qui est troublante, mais qui est aussi un phénomène d'époque. Le cinéma porte un inconscient collectif, ce que j'appelle un inconscient historique, qui parfois traverse les continents. C'est très flippant de voir par exemple la thématique provinciale justement du Gorbeau, tout le thème de la… le jeu d'ombre et de lumière entre les innocents et les coupables, l'ambiguïsme. des apparences, tout le thème clouzotien qui s'inaugure dans le corbeau, enfin en tout cas qui se développe dans le corbeau, est présent quasiment la même année dans l'ombre d'un doute de Hitchcock. C'est un film provincial aussi, c'est un film sur l'indécidabilité de la culpabilité. Voilà, il n'y a pas beaucoup de points à jeter en ce film, et pourtant je suis persuadé que Hitchcock, évidemment, n'avait pas le corbeau qui était dans le film. et vous pouvez notamment le voir sur le français et Pousseau évidemment n'a pas vu à cette époque là l'ombre d'homme et même au delà des films

  • Speaker #0

    Hitchcock me semble s'est un petit peu inspiré je pense évidemment au carton de fin des diaboliques où il y a eu cette injonction de préserver un petit peu ce qui s'est dit pendant le film de ne pas le dévoiler aux spectateurs Hitchcock va un peu réutiliser ses mécanismes un petit peu marketing il faut dire pour Psychose

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est certain qu'il est diabolique, Hitchcock l'a vu, il l'a apprécié, il l'a dit d'ailleurs je crois. Et oui, quand il fait le film annonce de psychose, et qu'il dit aux gens de ne pas révéler la fin, évidemment il s'inspire de Clouzot. Ça c'est sûr que là, il y a une autre capillarité entre Clouzot et Hitchcock, c'est les méthodes de mise en scène. de soi et la manière de se mettre en avant comme le grand metteur en scène du film à suspense. Il est certain qu'à ce moment-là, il découvre pratiquement en même temps, mais là aussi c'est assez parallèle. Il découvre la puissance des médias et la manière dont le metteur en scène peut finalement être presque un personnage du film. Il y a ce que Hitchcock appelait la direction spectateur, mais on pourrait aussi parler de ça en s'agissant de Clouzot. Le metteur en scène est presque là pour tenir la main du spectateur et lui dire comment il faut avoir peur. Donc voilà, je crois que là aussi, ils se sont un peu rencontrés dans l'escalier, ils se sont croisés dans l'escalier, sans qu'on puisse dire très clairement qui a inspiré l'autre. Mais il y a évidemment un parallèle à faire entre ces deux cinéastes. Bon, maintenant, il y a quand même une grande différence, c'est que je dirais finalement ce qui fait la grande différence entre Muso et Hitchcock, c'est le catholicisme. Chez Hitchcock, la notion de culpabilité est quand même une culpabilité chrétienne, elle est liée à l'idée de la rédemption, du pardon, du sacrifice. Des Vologeurs, en 1929, il y a ce thème christique, qui n'est pas du tout chez Clouseau. Clouseau est un anarchiste de droite, avec un côté nihiliste, totalement déprimé de la nature humaine. Et quand on voit un film comme Le Salaire de la Peur, il n'y a aucune notion au bout de son temps.

  • Speaker #0

    Une tonalité beaucoup plus sombre chez Clouzot.

  • Speaker #1

    Oui, parce que... Alors, à part son site, moi, personnellement, le film de lui que je préfère, je sais que je... Je criais, il y en a certaines personnes en me disant ça, mais je le dis très sérieusement, je considère que c'est son meilleur film, c'est une comédie, c'est Megatestamé. Je considère que c'est vraiment son chef-d'oeuvre. Et là, on a un autre Clouseau. Un autre Clouzot, je ne sais pas si vous connaissez ce film.

  • Speaker #0

    Non, je n'ai pas vu.

  • Speaker #1

    Mais c'est vraiment un chef-d'oeuvre de la comédie de boulevard. porté au cinéma avec à la fois une drôlerie extraordinaire des comédiens, Bourville, où il jouait, Saturne infâme, mais aussi une précision d'Orfèvre dans la conduite du texte et des situations, et qui rappelle que Clouot c'est d'abord un auteur de comédie, il a un peu débuté dans ce registre-là, il a été auteur d'opérettes, de revues dans les années 30, il était auteur de chansons, il y a une double dimension comédie et chansons. très importante chez lui, qu'on retrouve un peu dans l'assassin à Vito XXI. Encore un tout petit peu dans Quai des Orfèvres, puisqu'il y a cette dimension un peu comédie au début du film, en tout cas. Et puis, évidemment, l'hommage au musical, avec tout un peu de film. Et Mickey et sa mère en est quand même, disons, peut-être l'apogée, l'épanouissement de cette première veine de son inspiration, avant qu'il ne se spécialise définitivement dans le genre criminel.

  • Speaker #0

    D'accord. C'est étonnant parce que justement, je pense, et ne pas être le seul, à voir Clouot vraiment comme ce spécialiste du film, entre suspense, policier, à des tonalités graves, ce travail du noir et blanc, même des plans un petit peu tirés des plans allemands d'origine, les angles un petit peu travaillés, ce cinéma un petit peu de la peur. Et pourtant, ce que vous dites me fait penser immédiatement... a une tonalité d'humour un petit peu sombre, qu'il a un humour noir, même dans les diaboliques, ça se retrouve, où il y a ces jeux de dialogue un petit peu pince-en-rire.

  • Speaker #1

    Oui, je crois qu'il faut un peu d'humour, sinon ce serait insupportable. Quand Paul Meurice dit à sa femme, Vera Clouzot, d'avaler le poisson, c'est qu'il faut en rire, sinon ce n'est pas possible, c'est du grand guépeul. Mais il y a aussi des moments ouvertement communs, comme le tournement avec la radio, quand il...... Si quand on entend la radio et qu'il y a le speaker qui dit Vous venez d'entendre, on ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset bon, tout ça, ça pourrait presque être du sachet d'itry. Donc oui, il ne faut pas sous-estimer cet aspect-là. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas aussi ce qui fait la grande réussite de Closon Cinéas, c'est qu'il mélange, comme Hitchcock d'ailleurs, mais pas tout à fait de la même manière, la peur à l'humour, la sensibilité au interne. Dans le corbeau, il y a aussi de l'humour. peut-être un peu moins, dans lequel les orfaites il y en a beaucoup. C'est peut-être moins évident dans le salaire de la peur, encore qu'il y a quelque chose d'assez comique quand même dans la relation, l'espèce de relation homosexuelle un peu foireuse entre Chantal et Yves Montand. Alors évidemment, le problème c'est que ça disparaît un peu des derniers films et c'est ce qui rend les espions un film, alors là pour le coup, presque insupportable de noirceur et de sérieux. Et il retrouve à mon avis son... Le grand Clouot revient à l'Odélie avec La Vérité, qui est peut-être son dernier grand film, mais qui est un film quand même assez impressionnant.

  • Speaker #0

    La Vérité est toujours avec Paul Meurisse, ce qui nous fait un petit peu enchaîner justement avec un petit peu les acteurs avec lesquels il a travaillé, également sa garde rapprochée, sa femme, Vera Clouseau. Quel rôle est-ce qu'elle jouait ?

  • Speaker #1

    Il y a aussi une muse peut-être moins brillante comme comédienne que Suzy Delaire, mais tout aussi volcanique. On a, justement, puisqu'on parlait des espions, on a un verbatim de tournage de Michel Cournot, qui s'appelle Le premier spectateur, qui raconte le tournage des espions. Je pense que Vera est vraiment quelqu'un de s'il a géré. Mais enfin, c'était à double content, parce que, si on se dit, Clouseau cherchait la crise, il cherchait le drame. On le voit bien avec Suzy, on le voit avec Vera, et il y a en permanence ce côté je t'aime moi non plus, je te provoque, je te cherche etc. qui fait que c'est difficile. C'est pour ça que quand on dit que Clouseau était tyrannique, etc., c'est vrai, il n'y a plus à y avoir des baffes ou des violences sur le plateau, mais je pense qu'il suscitait aussi la violence de l'autre. Il a une dimension sadique, il a aussi une dimension masochiste. Donc le rapport n'était pas simple, d'autant plus que dans le cas de Vera, il faisait travailler une non-comédienne. Alors bon, certes, il l'avait rencontrée... dans le cadre de la troupe de Louis Jouvet, puisqu'elle était au départ la maîtresse de Léo Lapara, qui était un peu le factotum de Jouvet. Bon, ensuite, il va en faire sa maîtresse, puis son interprète. Et là, le fait de la forter à être comédienne alors qu'elle n'était pas vraiment comédienne, produit des états de réel, évidemment, et produit quelque chose d'intéressant. Je pense que Les Diaboliques ne serait pas un film aussi puissant si au milieu, on avait une actrice comme Daniel Delorme ou Jeanne Moreau, si vous voulez. Là, tout d'un coup, on a une actrice qui est quand même... assez mal à l'aise et c'est presque elle, c'est presque elle qu'on fait souffrir. Alors on peut dire, aujourd'hui avec Me Too, c'est pas très bien vu tout ça, mais ça produit un film d'une puissance extraordinaire, puisqu'en plus on a su à posteriori qu'elle avait des problèmes de cœur, comme Clouseau d'ailleurs, or elle joue dans le film une femme qui est en fin de vie, justement elle est cardiaque, donc ça donne un côté psychodrame, c'est presque du Marina Abramovitch avant la lettre, côté performance cruelle. qui donne au film une modernité incroyable. Et c'est ce qui fait... Bon, passionnellement, ce n'est pas forcément le film de Clouseau que je préfère, mais je constate qu'en tout cas, c'est celui qui a la plus grande postérité à cause de ce côté expérimental, et puis aussi parce qu'il a finalement presque inventé un genre. Là, on sort du film à suspense pour aller vers quelque chose qui a plutôt se développé en Italie, c'est le giallo. Et je me demande s'il n'y a pas toute une dimension du giallo qui est née des diaboliques. si il n'y avait pas eu les diaboliques, je pense qu'il y a plein de films de Giallo qui n'auraient pas été, même pas été conçus.

  • Speaker #0

    Vous avez esquissé un petit peu le portrait de Clouzot. Oui, on l'entend souvent comme quoi il était tyrannique, les baffes, etc. J'écoutais une interview également de Paul Meurice qui expliquait que, pour autant, il y avait ce respect mutuel malgré cette violence, malgré ces colères, lorsque il s'agissait de faire un travail d'orfèvre sur, notamment, un... films qu'ils ont fait ensemble, où Clouot exigeait de lui un travail très réaliste. Il prenait l'exemple, à un moment, il avait frappé une table et son produit n'avait rien de réaliste. Donc, il avait ce désaccord avec lui sur le fait que le cinéma se devait être réaliste. Qu'est-ce que vous en pensez ?

  • Speaker #1

    Je crois que Clouzot, c'est toujours un peu ambigu, mais il... Comme je le disais, il cherche à reconstituer une vision intérieure, mais aussi peut-être des sons, en l'occurrence. Et il y a la volonté de donner à ce cauchemar le maximum de vérité. Je n'aime pas trop le mot de réalisme, parce qu'il veut dire un peu tout et son contraire. Je ne dirais pas non plus trop autant que Clouseau est un cinéaste naturaliste, mais il y a vraiment chez lui le désir de donner une sorte d'incarnation. et de vérité, enfin en tout cas de force de vérité, ou de vraisemblance si on veut, si on veut être plus précis, à l'irrationnel. C'est-à-dire que là aussi c'est une petite différence avec Hitchcock. Hitchcock ne dédaigne pas d'aller vers le fantastique avec les oiseaux par exemple, ou vers le gothique avec Rebecca, alors que chez Clouot il y a vraiment quelque chose de très français, c'est-à-dire que c'est vraiment un... La peur, l'horreur, le fantasme sont mis à plat, sont mis à nu, de telle sorte qu'on est obligé d'y croire tellement c'est vraisemblable. Et en même temps, c'est au prix d'une façon qu'a Clouzot d'escamoter une partie de ça, sinon ce ne serait pas possible, que ça joue au fond beaucoup sur la suggestion. On a tous les signes extérieurs de l'horreur, mais l'essentiel est toujours caché. Ça aussi, c'est très français. Il me semble que Hitchcock va peut-être un peu plus loin dans l'amonstration de l'horreur, par exemple dans Psychose. Ce que fait par exemple Hitchcock dans Psychose, de nous montrer la tête empaillée de la mère dans Psychose, je ne suis pas sûr que Hitchcock le ferait. Parce que ça l'intéresse beaucoup plus de suggérer la peur, derrière le réalisme de l'image, de suggérer la peur qui frappe à la porte mais qui n'entre jamais. Et je crois que c'est ce qui fait cette scène extraordinaire de la fin des Diaboliques, où on est là avec Veracruzo qui attend dans le couloir, il y a des ombres, il y a cette machine à écrire qui annonce Shining de Kubrick, il y a tout un côté. On a ce sentiment qu'il arrive à faire croire à la peur. même si tout ça se passe dans la tête du personnage, à partir d'une extraordinaire force de vérité des images. Mais la peur reste toujours mise à distance. Alors vous me direz, il y a quand même le corps de Paul Maurice qui se lève de la baignoire, mais précisément, c'est un subterfuge. Ce n'est pas vraiment une image de zombie ou de mort vivant, ou même de fantôme ou de cadavre, c'est un faux cadavre.

  • Speaker #0

    Justement, vous revenez sur la fin des Diaboliques. Dans notre épisode consacré aux Diaboliques, avec mon frère Maxime, on s'est amusé justement à essayer de trouver qui pouvaient être ces fameuses diaboliques du titre du film. Est-ce que pour vous, cela vise des personnages en particulier, ou est-ce que c'est une idée plus abstraite finalement ?

  • Speaker #1

    Plus abstraite, je pense que Clouseau est un lecteur de Pirandello, grand auteur de théâtre qui a beaucoup marqué les gens de sa génération. Donc il a cette vision un peu de la relativité des apparences, je crois que c'est beaucoup inspiré de ça. Et si vous regardez tous ses films, il y a toujours ce côté indécidable où dans l'assassinat habite au 21, on part sur des pistes différentes, dans Le Corbeau, n'en parlons pas. Et je dirais même que ça produit une espèce d'effet de vie sans fin, de vertige infini qui évidemment se déploie pleinement dans les diaboliques. avec le gamin qui à la fin vient nous dire, ben oui, moi j'ai vu Madame la Directrice alors qu'on vient de la voir mourir l'instant d'avant. Mais c'est un principe de récidive chez Clouzot, c'est un principe je dirais presque organique pour lui, qu'on retrouve d'ailleurs dans le mystère Picasso. Dans le mystère Picasso, il nous donne à voir Picasso qui peint des étoiles, enfin des transparences, et petit à petit, on croit que ça va être le tableau définitif. qu'on a acquis une sorte de certitude que l'œuvre allait close, allait achever. Eh bien non, il y a encore une autre œuvre derrière l'œuvre, et comme ça, c'est enfin parce que Picasso est une sorte d'artiste total, inépuisable, infini, dont le génie est tellement infini qu'il ne cesse de produire de nouveaux possibles. Donc il y a ce côté, et je pense presque à lui de moi, qu'il faut regarder le mystère Picasso comme un film à suspense, représentant l'artiste comme un criminel toujours capable d'agir. plus fortement, plus violemment, plus puissamment sur la réalité. Donc il y a ce double aspect chez Clouzot, il y a à la fois le réalisme dont vous parlez, et en même temps un réalisme qui contient derrière lui une folie de l'infini. C'est le propre de l'obsessionnel, Clouzot, si il y a quelqu'un qui est vraiment un obsessionnel, c'est bien Clouzot. Je pense que c'est quelqu'un qui est en trop de films, sombré dans de longues périodes de dépression, parce que justement il est en croix, ce vertige des potibles. et à cet hantise de l'incliné qui caractérise l'obsessionnel. Et il n'arrive à le conjurer, à l'enclore, que dans l'extrême précision, dans l'extrême rigueur, on pourrait dire dans l'extrême étroitesse de l'image cinématographique qui lui permet de contenir son vertige. Mais il y a ce balancement entre les deux qui fait l'extraordinaire tension de son cinéma.

  • Speaker #0

    Vous l'avez dit, Les Diaboliques est son film sûrement le plus populaire dans le sens le plus vu ou connu des gens aujourd'hui. Pour autant... Quel film ou réalisateur actuel vous semble être un petit peu les héritiers de l'ensemble de son œuvre ?

  • Speaker #1

    C'est difficile à dire. Moi, je n'aime pas beaucoup ce petit jeu parce que je considère qu'un grand cinéaste est unique. C'est comme quand on me demande de dire quels sont les cinéastes romériens aujourd'hui. Bon, je suis bien en peine. Il y a beaucoup de cinéastes qui se réclament de Romère aujourd'hui. Mais enfin, ça me paraît un peu bidon. Je n'y crois pas beaucoup. On peut imiter un mauvais cinéaste. On peut être le disciple d'un mauvais cinéaste. Je pense que si on veut commencer à être le disciple d'un grand cinéaste comme Clouseau, à mon avis, on se prépare des mauvaises surprises et des mauvais films. Alors évidemment, on peut trouver des bouts de Clouot chez Kubrick, je l'ai dit tout à l'heure, parce que Kubrick avait vu Les Diaboliques, c'est possible. On peut trouver une influence également chez Hitchcock.

  • Speaker #0

    La limite, ce qui paraîtrait le plus évident, c'est Chabrol, mais je ne suis pas sûr que Chabrol soit tellement proche de Clouseau, parce que quand on voit qu'il fait un remake de L'Empereur, ça donne un assez mauvais film, vraiment pas le meilleur film de Chabrol, et je pense que son rapport au suspense, au crime, sont vraiment très différents. Je ne sais pas si c'est tellement le suspense chez Chabrol, c'est autre chose, c'est plutôt de l'analyse psychologique, c'est un très grand cinéaste, mais pour moi ça n'a rien à voir. Non, je ne sais pas. Je sais que des cinéastes actuels comme Bojanco, par exemple, admirent Clouseau. Je pense que c'est le cas de Xavier Giannoli. Bon, c'est bien, c'est l'endroit. Enfin, je ne vois vraiment rien de Clouot dans leur cinéma.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui fait donc, selon vous, que finalement, les films qu'il a faits restent intemporels ?

  • Speaker #0

    Tu sais, c'est à la fois ce que j'ai dit, c'est-à-dire ce mélange de folie et d'extrême rigueur dans... dans la manière de restituer tous les détails de son fantasme. Ça en fait un grand peintre du cinéma et un explorateur de ses abîmes intérieurs à travers une rigueur plastique extraordinaire. Ça, c'est ça. À mon avis, c'est vraiment la pierre angulaire de son cinéma. Il y a la dimension de récit, mais... C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui a vraiment un sens du récit, une scène extraordinaire du rythme et de la manière d'empoigner le spectateur. Je vois bien ça quand je passe des Clouseau à mes étudiants. Il y a des cinéastes de cette époque, que j'admire beaucoup, qui ne marchent plus, qui n'ont plus de… Alors que Clouseau, ça marche. Parce qu'il y a cette manière d'empoigner le spectateur avec un récit extrêmement rythmé, extrêmement efficace. Il y a toute une dimension sexuelle aussi chez Clouzot. Une crudité sexuelle, dès l'Assassin Vito XXI jusqu'à la vérité, qui fait qu'on est sorti. Ça fait aussi la modernité de son cinéma. C'est quand même un cinéma qui parle assez crûment des rapports entre hommes et femmes, notamment dans le dialogue. Et aussi, il y a même de l'homosexualité. Il aborde vraiment tous les cas de figure. Et ça aussi, ça fait que son cinéma reste très présent, parce que c'est un cinéma très concret dans sa manière de mettre en scène les corps et la traction entre les corps. Bon, et puis, un troisième aspect qui est quand même très important, et c'est peut-être le plus important, c'est la direction d'acteur. C'est l'un des plus grands directeurs d'acteurs qui ait jamais été. Il est génialissime, aussi bien avec des grands acteurs comme Louis Jouvet, qu'il modifie de fond en comble. C'est la seule fois que des enfants jouent autre chose que Jouvet, où ils jouent un vrai personnage. Il arrive à la sélection de ce comédien qui jouait quand même beaucoup avec des tics, il se prend en compte à travers une composition qui reste quand même la plus bouleversante qu'il ait faite. Avec Pierre Freinet aussi, qui est des poussières, il est un petit ché. Il rappelle à quel point ça pouvait être un grand comédien, mais il peut aussi être un très grand directeur de mauvais acteurs, comme Yves Montand, qui arrache une performance extrêmement physique, très forte dans le Céda Blaper. Et aussi des non-acteurs, comme, ne parlons pas d'Origine Bardot, qui elle, pour moi, était une grande actrice, mais il faut vraiment voir la vérité pour le savoir, parce qu'elle n'a pas eu d'autres occasions de le montrer, pas beaucoup d'autres occasions. Et puis, aussi bien avec des non-acteurs absolus, comme Vera, dont on va parler à l'instant. Je pense qu'il aurait pu, Serge, n'importe qui, et en tirer. Alors, il y a peut-être des limites. Parfois, Gérard Setti, dans Les Espions, il se conne quand même à des limites. Mais voilà, ça, c'est vraiment, je crois que c'est une part très importante de son génie de metteur en scène. C'est d'arriver à faire en sorte que le comédien sorte ses tripes grâce à sa vérité intérieure. presque à poil de vérité en tout cas, de vérité intérieure. Et c'est d'autant plus fort quand c'est un comédien connu. Mais si vous prenez Suzy Flair dans Quai des Orfèvres, le moment où elle crache ses quatre vérités à Jouvet, dans sa loge, c'est un moment extraordinaire. Ou Brigitte Bardot, quand elle crache leur quatre vérités au juge dans La Vérité. C'est des moments, tout d'un coup, où le jeu d'acteur rejoint la performance et où il arrive à pousser l'acteur là aussi. à l'extrême limite de ce qui est possible. De d'où, évidemment, les rapages, aussi bien avec des hommes qu'avec des femmes, d'ailleurs. Il ne faut pas croire que c'était un metteur en scène qui était dur uniquement avec ses actrices. Paul Meurice et Bernard Blayé ont été bien placés pour le savoir.

  • Speaker #1

    Vos propos me font penser également à une interview que vous avez donnée pour la CinéTech, où vous qualifiez Clouot de pervers, dans le sens où il aimait être dans un système mais justement avoir ce côté disruptif et de le casser un petit peu de l'intérieur. C'était la même chose pour les acteurs, justement, ils les recrutaient parce qu'ils les voyaient géniales dans un type de jeu. mais vous voulez les utiliser un petit peu à contre-emploi ?

  • Speaker #0

    Oui, le propre but pervers c'est qu'il veut répéter quelque chose, mais en même temps il faut toujours que ça bouge un peu. Alors je pense que Clouot il tatare énormément, il faut rappeler qu'il écrivait ses films avec son frère, qui signait Jérôme Jérôme Limy, mais qui était en fait Jean Clouzot, son frère, et qui l'empêchait de signer de son propre nom, donc c'est intéressant ce rapport d'écriture entre deux frères. Les Diaboliques ont été écrits par Jean Clouzot. Et donc des films extrêmement écrits, avec des storyboards. Diaboliques, c'est storyboardé comme le Salaire de la peur, comme les Enfer, comme les Espions. Donc aucun metteur en scène français, même Carnet ou autant Larra, ne faisait des storyboards. C'est exceptionnel. Donc il fallait que tout soit prévu à la virgule près, les storyboards étant faits par le chef d'écho, Max Douy. Et donc il y a ce côté extrêmement prévisionnel. Il faut qu'il n'y ait pas une seconde d'imprévu. Il faut vraiment arriver à ce que tout concorde à réaliser cette vision intérieure du cinéaste. Et en même temps, le comédien, tout va être prêt pour ne plus se concentrer sur le tournage que sur la direction d'acteur. Et je crois que c'est le moment de grande jouissance artistique de Clouzot. Je pense qu'il devait beaucoup se couvrir dans la préparation de ses tournages. Mais là, je pense qu'il a une extraordinaire jouissance. et liberté peut-être aussi, à faire intervenir le comédien dans ce cadre contraint et à lui faire inventer sa liberté ou inventer sa vérité. Tout d'un coup, le comédien arrive et vient, je ne dirais pas bousculer, mais vient faire légèrement bouger, trembler, flotter, vivre ce qui aurait pu n'être qu'un cadre mort et lui apporter ce surcroît de vérité qui fait la vie du cinéma de Clouzot. Le cinéma de Clouzot pourrait être un cinéma d'antiquaire. Mais ce qui fait que c'est un cinéma d'une formidable vitalité, c'est la force de cette direction d'acteur. Le comédien est toujours un peu sur la corde raide avec Pouzo, il est toujours remis en cause, il n'est pas dans sa zone de confort, et c'est ce tremblement qui le rend d'autant plus vivant et bouleversant.

  • Speaker #1

    On se rapproche doucement des questions de fin. J'ai une question peut-être à... Un petit peu qui sort du lot, si vous la trouvez pertinente, pas obligé de répondre. Je me demandais, si Clouot était contemporain de notre époque, quel type de film aurait pu lui plaire ? Quel réalisateur ? Quelles étaient ses sensibilités, quels étaient ses goûts, un petit peu, pour essayer de le comprendre, lui, en termes de cinéphilie ? Clouzot,

  • Speaker #0

    il s'est intéressé à tout. On sait, d'après ses comptes rendus de lecture au sanatorium, vous savez qu'il a passé plusieurs années, comme il est tuberculeux, il a passé plusieurs années au sanatorium quand il était jeune, donc il disait énormément, Proust, Freud, Pirandello, Joyce, c'est quelqu'un qui avait une énorme curiosité littéraire, énorme curiosité de la peinture, des arts plastiques, de tout ce qui se faisait de plus contemporain, on le voit évidemment dans des films comme M. Picasso, bien sûr, mais surtout L'Enfer et La Prisonnière, son dernier long-métrage. Et je pense qu'il... Voilà. Alors, est-ce qu'il voyait les films contemporains ? Ça, j'en ai pas de traces précises, mais j'en suis persuadé. On a parlé tout à l'heure de ses influences. Bon, je pense qu'à l'époque, c'était certainement moi, Hitchcock et Fritz Lang, qui étaient pour tous les gens de cette génération une influence absolument impondérante. Et je pense que s'il y a un cinéaste que Clouot aurait pu citer comme sa grande influence, c'était certainement Fritz Lang. Ensuite, il a certainement vu plein de films de ses contemporains. Il avait un groupe pour le cinéma néo-réaliste italien. Il y a tout ce projet. Très intéressant qu'il forme juste après Miquette et avant le Salad de la peur, où il veut aller tourner un grand documentaire au Brésil. Donc il y a toute cette veine documentaire, je pense qu'il connaissait très bien Flaherty, tout ça. Et donc il a envie de faire un film comme ça. C'est une tentation qui revient assez régulièrement dans son œuvre. Le film ne se fera pas, il en reste un petit court-métrage qui s'appelle Brazil, qui est le témoignage d'un tournage qui peine à se mettre en place, parce que Béra est déjà malade. Mais... Donc voilà, il y a chez lui une attention extrême à l'air du temps, et je suis persuadé que s'il disait aujourd'hui, oui, il serait passionné par tout ce qui se passe, par tout ce qui se fait. Il ferait certainement un film autour des violences sexuelles. C'est un sujet qu'il passionnerait. Évidemment, le revers de la médaille peut être avec un certain opportunisme, parce qu'il ne faut peut-être pas sous-estimer cet aspect-là chez lui. C'est quelqu'un qui se mantient bien l'air du temps, mais c'est aussi quelqu'un qui s'adapte à l'air du temps et qui va aller chercher des sujets à la mode. Je pense que quand il fait le corbeau, le sujet à la mode, c'est... le contexte des anonymes quand il fait manon il va tout d'un coup mettre en scène l'exode des juifs en palestine c'est le sujet bon voilà quanti celle celle de la peur c'est l'exploitation et des dépôts en amérique du sud par les grands pétroliers voilà il ya ce côté un peu roublard chez lui mais en même temps ce qui le ce qui le sauve et c'est ce qui fait que ces films ne sont pas simplement des films d'adaptation à l'air du temps, c'est qu'à chaque fois, il fait des films pour, je dirais, si j'étais vulgaire, pour foutre la merde, et pour mettre les pieds dans le plat. Et il parle de sujets de son temps, mais de sujets vraiment dangereux, des sujets qu'on n'a pas le droit de traiter, qui sont à la fois brûlants et cachés. Les lettres aux anonymes, personne n'aurait osé traiter un sujet pareil en 1943, et lui, il ose le faire. L'exode des Juifs en Palestine, il n'y a pas un cinéaste français qui s'y intéresse. à part lui. Donc voilà, il y a à la fin ce côté de faire des gros coups, mais toujours des gros coups à partir de sujets extrêmement sulfureux qu'il est le seul à avoir le courage de traiter.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous auriez une anecdote, qu'elle soit sur un film en particulier qui vous parle, ou sur un tournage, ou même sur Clouzot lui-même, que le grand public ne connaîtrait pas ? Un petit quelque chose, une petite anecdote à nous partager.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas forcément ça sous la main. Oui, il y a l'histoire assez amusante, mais ça, c'est vraiment à la fin, pour illustrer le côté Clouzot et ses actrices. C'est la prisonnière. C'est Elisabeth Vienner, qui était l'interprète de ce film, qui m'a raconté ça. C'est dans les bonus, d'ailleurs, du film, dans le coffret Clouzot. Elle devait faire une prise. Voilà, et puis je pense que Clouzot qui se tenait un peu en dessous, à côté de la caméra, vous savez à l'époque les metteurs en scène il n'y avait pas le combo, donc les metteurs en scène s'asseyaient en dessous de la caméra et puis souvent regardaient comme ça un peu par en dessous ce qui se passait. Et puis Clouzot, je ne sais pas ce qui lui a pris, s'est mis, pour lui donner un peu de cœur à l'ouvrage, il lui se met physiquement à lui mordre le mollet.

  • Speaker #1

    D'accord !

  • Speaker #0

    Donc elle a poussé un jour le bras, elle lui a donné un grand coup de pied. il a envoyé Valdinguet dans le décor. Et là, le tournage s'est arrêté, je crois, pendant un bon moment. D'autant plus que c'était juste avant mai 68. Donc, mai 68 a coïncidé avec la révolte de 4 éditeurs.

  • Speaker #1

    D'accord. Oui, une belle anecdote. Écoutez, on a évoqué beaucoup de choses. C'était très dense. Je pense que les auditeurs ont déjà de quoi faire pour ceux qui hésitent, justement, à regarder des films de Clouzot. Pour autant, je vous pose cette question, c'est la question que je pose à la fin de tous mes podcasts. Une manière peut-être aussi de rassembler un petit peu les idées. Pourquoi est-ce que vous pensez que les auditeurs et les cinéphiles devraient voir les films de Clouzot selon vous ?

  • Speaker #0

    D'abord parce qu'on y prend un plaisir extraordinaire. Je crois que, moi personnellement, je vous avoue que... J'aimerais qu'il ait fait beaucoup plus de films, parce qu'à chaque fois que je vois un film de Clouzot, j'ai un énorme plaisir. Il n'y a pas beaucoup de films qui procurent autant de plaisir que les films de Clouseau.

  • Speaker #1

    Il n'en a fait que 11, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Il en a fait 11, oui. Parce qu'encore une fois, il était obsessionnel, dépressif, malade, et qu'il est mort jeune. Mais on aimerait qu'il en ait fait 50, parce que ce sont des films qui sont incroyablement jouissifs. On ne s'ennuie pas une seconde à regarder un film de Clouzot. C'est vraiment un cinéaste du plaisir, et ce n'est quand même pas secondaire. Et par ailleurs, c'est une extraordinaire leçon de cinéma, leçon de rigueur, encore une fois, leçon de précision dans la direction d'acteur, dans la composition du cadre, dans la composition du récit. C'est le témoignage qu'on arrive au plaisir par la rigueur.

  • Speaker #1

    Écoutez, M. Herbe, je pense qu'on a fait le tour un petit peu. On pourrait dire encore beaucoup de choses, je le sens bien. Votre passion est très communicative. On a envie de poser encore plein de questions. Mais je vais rappeler, du coup, vous êtes l'écrivain de Souvenir Écran. Est-ce que vous souhaitez ajouter un dernier mot ?

  • Speaker #0

    Non, je n'en rappelle pas. J'espère que ça donnera l'envie à beaucoup de jeunes gens de faire des films de Clouzot. Mais en même temps, j'ai envie de leur dire, surtout s'ils ou elles veulent faire du cinéma, de ne surtout pas essayer de limiter. D'accord,

  • Speaker #1

    c'est bien de vous.

  • Speaker #0

    films,

  • Speaker #1

    mesdames. Bah écoutez, merci beaucoup monsieur Herpe d'avoir pris le temps avec moi de revenir sur Clouzot, réévoquer l'épisode des Diaboliques avec moi, d'aller chercher justement au-delà de ces films et de... connaître un petit peu mieux Henri-Georges Clouzot aujourd'hui grâce à vous.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Et voilà, c'est fini pour cette nouvelle séance qui était une hors-séance consacrée à Henri-Georges Clouseau avec cette interview de M. Herbe qu'on remercie vraiment du fond du cœur pour son temps et pour la passion qu'il a transmise durant l'entretien. J'espère que ça va vous intéresser de redécouvrir la cinématographie d'Henri-Georges Clouzot, maintenant que vous en connaissez davantage à la fois sur... l'homme et ses controverses et également sur ce réalisateur prolifique avec tous ces chefs-d'oeuvre cinématographiques dont nous avons hérité. Je suis très content de démarrer l'année 2025 avec cet épisode. Je vous en prépare déjà 3 à 4 en simultané. Nous allons retrouver des interviews avec des personnes avec lesquelles j'aime échanger sur les films. Il y aura des festivaliers, il y aura des professionnels du milieu du cinéma. Donc continuez de nous suivre si vous voulez continuer d'explorer avec nous le cinéma de patrimoine, le cinéma mondial. Nous allons vous emmener dans d'autres pays, d'autres cultures et à travers d'autres mouvements du cinéma. Comme d'habitude, je vous invite à nous rejoindre sur nos réseaux sociaux, que ce soit notre compte Instagram, X ou également notre chaîne YouTube pour retrouver les épisodes. Si c'est plus simple pour vous. de nous écouter sur cette chaîne. Partagez également les épisodes de podcast et si le cœur vous en dit, laissez-nous des étoiles sur Apple Podcast. On vous en remerciera jamais assez. C'est ce qui nous permet justement de continuer de faire ces épisodes en ayant une communauté de plus en plus active. Et on vous en remercie. Si vous souhaitez connaître les derniers épisodes, je vous invite également à nous rejoindre sur notre newsletter que vous trouverez directement sur notre site web lié à Ausha. En attendant, merci pour votre écoute. Je vous dis à très très bientôt pour une nouvelle séance de Rétro Ciné !

Description

[Rétro Cinéma - Hors Séance - Spécial Clouzot - Entretien avec Noël Herpe - Historien du cinéma - Janvier 2025 🎬]

Bienvenue sur Rétro Cinéma, le podcast qui vous fait redécouvrir les classiques du cinéma de patrimoine facilement accessibles ! 🍿

Dans cet épisode Hors Séance, j’ai le plaisir d’accueillir Noël Herpe, historien du cinéma français et commissaire de la rétrospective "Le Mystère Clouzot".

Ensemble, nous explorons l’univers captivant d’Henri-Georges Clouzot, figure majeure du cinéma français et du cinéma mondial.

🔎 Qui était vraiment Clouzot ?
📽️ Quelle est la singularité de sa filmographie, mêlant suspense, thriller et drame psychologique ?
🎬 Comment travaillait-il avec ses acteurs pour créer des performances marquantes ?
⚡ Peut-on vraiment le considérer comme le "Hitchcock français" ?

De L’Assassin habite au 21 à La Prisonnière, en passant par Le Salaire de la peur et Les Diaboliques, nous analysons son style unique, ses méthodes de réalisation, ses controverses, et son héritage durable dans l’histoire du 7e art avec ses influences sur les thrillers et le cinéma d’horreur.

Cet épisode est une immersion indispensable pour tous les passionnés de cinéma classique et d’histoire du cinéma, à écouter sans modération !

Vous pourrez retrouver ses chefs-d’œuvre dans les salles de cinéma et festivals dédiés au cinéma et films de patrimoine près de chez vous.

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À très vite pour un nouveau voyage dans l’histoire du cinéma mondial ! 🎬✨

Et voilà, c'était Rétro Cinéma, ou Rétro Ciné pour les intimes, votre Podcast d'histoire du Cinéma mondial, qui vous transporte dans l'histoire des films de patrimoine du cinéma mondial avec des chefs d'oeuvres disponibles simplement, sur internet, dans vos médiathèques et cinémathèques, voir festivals de films de cinéma, près de chez vous 🎬🍿


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur Rétro Ciné, votre rendez-vous cinéma qui vous transporte dans les films de patrimoine du cinéma mondial, avec des offres disponibles gratuitement ou presque, sur internet, dans les festivals, dans vos médiathèques et cinémathèques près de chez vous. Tout d'abord, je vous souhaite à toutes et à tous une excellente année 2025. J'espère qu'elle sera remplie de bons films que vous allez découvrir, soit au cinéma, soit avec nous. Et sans plus attendre, je suis très heureux de vous présenter cette nouvelle séance, hors séance, car il va s'agir d'un entretien. Un entretien avec M. Noël Herpe, historien du cinéma et spécialiste de Clouzot. On lui doit notamment la rétrospective dédiée à Henri-Georges Clouzot. Avec lui, nous allons revenir sur notre épisode consacré au diabolique, mais également aller plus loin pour en connaître davantage sur ce réalisateur, ses goûts, son style et tout ce qui a inspiré le cinéma mondial. Donc sans plus attendre, je vous propose de découvrir l'interview de M. Herpe et ensemble de plonger un petit peu plus dans la cinématographie de ce génial réalisateur avec ses controverses, mais également avec tout ce qui découle de son cinéma encore aujourd'hui. Eh bien M. Noël Herpe, bonjour. Merci d'avoir pris le temps de venir dans le podcast Rétro Ciné pour échanger avec moi pour justement aller plus loin sur notre épisode précédent concernant Les diaboliques de Clouseau. On va revenir un petit peu ensemble sur l'entièreté de la carrière de Clouseau. Avant tout, je vous présente, vous êtes écrivain, vous avez notamment écrit Souvenir écran, et vous êtes historien du cinéma français. Je vous contacte car vous avez été également commissaire à l'exposition en lien avec la Cinémathèque sur Le Mystère Clouseau. Est-ce que vous pouvez vous présenter un petit peu plus pour nos auditeurs ?

  • Speaker #1

    Oui, je suis historien du cinéma français, j'ai écrit quelques bouquins sur la question, j'ai co-écrit une biographie d'Éric Romer, j'ai fait aussi une exposition sur Sacha Guitry, j'ai travaillé sur René Klein, enfin en tout cas je suis assez focalisé sur le cinéma français, disons de la période classique, donc c'est un peu à ce titre que j'avais été sollicité, Serge Toubiana et la Cinémathèque française, ensuite le projet a été repris par l'actuel directeur Frédéric Bonneau. pour valoriser un fonds d'archives qui avait été versé à la communauté française de Clouseau. Puisque la veuve d'Henri-Georges Clouot étant décédée il y a quelques années, ces archives se sont retrouvées en lieu sûr, en de bonnes mains. Et j'étais un peu chargé d'expertiser ce fonds pour savoir si ça valait le coup de faire une expo, ce que j'ai plutôt préconisé. Donc ce n'était pas une très grande expo, mais c'était quand même une expo de dialogue. avec, voilà, on a pu montrer les storyboards de Clouzot, tout son travail pour l'Enfer, le Mister Picasso, des photos de tournage très belles. Et ensuite, il se trouve qu'alors, il y a eu un très beau catalogue chez Liénard, et puis deux ou trois ans après, j'ai fait un recueil de correspondance avec Clouot et sa première, sa première fête à Pâmes. sa maîtresse en titre et sa mimique, son interprète, Suzy Delaire. J'ai publié ça chez Pierre-Julien Marrest, Clouzot-Delaire. Donc voilà, je suis un peu un multirécidiviste de Clouzot.

  • Speaker #0

    Multirécidiviste, j'aime beaucoup ce mot qu'on parle de Clouseau en plus. Ma première question, elle va être toute simple en fait, mais pourquoi vous êtes-vous intéressé au cinéma d'Henri-Georges Clouseau en particulier ?

  • Speaker #1

    C'est un peu au carrefour de mon goût pour le cinéma français dont je viens de parler. Du fait que peut-être que moi, quand j'ai commencé à écrire sur Clouseau, c'était dans la revue Positive, il y a une trentaine d'années. Finalement, on en parlait tellement que le doigt pour moi m'avait frappé à l'époque. Parce que la revue Positive, à laquelle je participais régulièrement, avait fait un référendum sur le film criminel. On avait élu les meilleurs films criminels français. Je crois que les deux films qui étaient sortis en tête... C'était tout à l'époque au Brisbane de Dan Becker et qui est désormais. Donc, j'avais fait un papier sur les films communels de Clouseau. C'est un peu comme ça que je suis devenu, un peu malgré moi, spécialiste de ce cinéaste. Et par ailleurs, c'est vrai, je dois le reconnaître, je suis vraiment très passionné. Et de plus en plus, ça, c'est plutôt quelque chose qui m'est venu avec l'âge. Alors, je ne sais pas, certains disent le thrillerr, mais pour moi, ce n'est pas ça le thriller. Alors, ce n'est pas le... thriller, c'est autre chose pour moi. Je ne crois pas qu'on puisse vraiment dire que Clouzot soit un cinéaste de thriller. Il y a aussi la question du film noir. Je sais que j'ai certains collègues qui considèrent que Clouseau est un représentant du film noir. Je ne suis pas non plus du tout d'accord. Moi, le film noir ou le thriller, ce sont plutôt des films, disons... Le thriller, c'est compliqué à définir. Le film noir, pour moi, c'est plutôt un cinéma qui se passe dans les milieux de la pègre, avec une certaine atmosphère. Ça vient de la littérature du même nom, le roman noir. Et donc, voilà, la série noire, on se retrouve avec des films comme le Réjifi, par exemple, ou le Grisby, qui sont typiquement des films noirs à la française. Je ne crois pas du tout que le plus grand partenaire de cette veine, c'est plutôt ce qu'on appellerait le wooden it c'est-à-dire le film à énigmes, le film à suspense. Or, le film à suspense, ce n'est pas du tout la même chose que les deux genres que je viens de citer. C'est vraiment un cinéma où il y a un crime, plusieurs crimes éventuellement, un coupable. Peut-être pas de coupable du tout, mais enfin, en tout cas, il y a une enquête pour déterminer qui a tué. C'est ce qu'on appelle le Whodunit. C'est plutôt une tradition anglo-saxonne, remontant évidemment au livre de Conan Doyle, de la Gattacristi, magnifiquement illustré, évidemment, comme on sait, par Hitchcock, mais Clouseau n'est pas indigne de son homologue britannique, et il a fait des films tout aussi géniaux. Je pense qu'aujourd'hui, on peut dire que grâce à votre génération et à celle qui l'a citée, on peut dire que là, Clouot est revenu à sa place qui est quasiment égale à celle d'Hitchcock, aussi éclatante que celle d'Hitchcock dans la maîtrise de ce registre.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant ce que vous dites, parce que vous avez commencé par dire que justement, à l'époque, finalement, on ne parlait pas tant de Clouzot. Et j'ai l'impression qu'il y a un petit peu ce revival, je pense qu'également votre exposition l'a montré, l'exposition que vous avez faite en 2017, pourquoi y a-t-il un renouveau d'intérêt ? pour le cinéma de Clouseau aujourd'hui ? On parle aussi d'Hitchcock. Hitchcock a été très populaire ces dernières années. Et là, on revoit Clouseau réémerger, j'ai envie de dire.

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a eu plusieurs phénomènes. Il y a eu, bon, l'exposition de la Cinémathèque a été importante, mais il y a eu une sorte de convergence comme ça, comment dire, d'alignement d'astres. Il y a eu en même temps, il faut le dire, l'extraordinaire énergie d'une personne qui s'occupe des droits de Clouseau, qui s'appelle Guylaine Gracieux, qui a milité avec beaucoup d'énergie et d'enthousiasme pour fédérer un peu tout le monde autour de ce revival Clouseau, et avec succès, puisqu'il y a eu d'autres expositions, il y a eu pas mal de réconspectives dans toute la France, et moi-même, à cette occasion, j'ai fait toute une tournée de conférences, pourquoi c'était vraiment, ça ne s'était jamais fait, et ça se refroidit comme plus jamais. dans toute la France, puisque j'ai fait 50 conférences en 6 mois, ce qui est un énorme, autour de Clouseau, dont j'allais dans toutes les villes de France porter la bonne parole pour le venin, je ne sais pas comment il faut dire. Je reprenais un peu mon propos de l'exposition de la Cinémathèque, c'est-à-dire d'essayer de montrer à quel point Clouzot est d'abord, on ne met pas en scène, mais d'abord un grand plasticien, un grand homme d'image et quelqu'un qui conçoit ses plans d'une manière... avec une grande précision et avec une grande fidélité à une image d'intérieur qu'il veut voir restituée sur l'écran. Donc ça, c'était un peu mon parti. Puis j'essayais de montrer cette picturalité du cinéma de Clouzot. J'en ai fait un livre dont vous avez fait la mabilité de citer tout à l'heure, Souvenir écran qui est un récit de cette balade dans la France profonde qui était restée, enfin si j'étais méchant, je dirais qu'elle était restée un peu celle de... de Clouseau, mais c'est vrai qu'à certains moments, je me suis retrouvé dans des endroits où j'avais vraiment l'impression de retrouver l'ambiance du Corbeau ou des Diaboliques, notamment à Niort, quand on va à Niort, qui est la ville natale de Clouzot, comme vous savez, et où une scène des Diaboliques a été tournée, on retrouve l'ambiance des Diaboliques, on retrouve un peu l'ambiance du Corbeau, et on retrouve évidemment l'ambiance qu'a connue Clouot dans son enfance, et qui inspire sa... peinture extraordinairement méchante et juste hélas de la province française mais je dois quand même rappeler qu'avant tout ça ce qui à mon avis a contribué à permettre cette souris volfouzeau dont vous parlez à juste titre c'est le c'est l'initiative de savent bonberg c'était un stage au bonberg a ressorti à fait ce coup de poker de ressortir les Les rushs de l'enfer, ça a été formidable pour Cluzot, parce que d'abord le film de montage qu'il en a tiré est très beau, les rushs sont magnifiques, mais je trouve aussi que la manière dont il les a articulés était très intelligente, et il a fait un travail de révéler. derrière le Clouot qu'on connaissait, ou qu'on croyait connaître, un autre Clouzot qui était un Clouzot expérimental, un Clouzot épris d'art plastique, avec toute cette dimension de recherche d'un autre cinéma possible. Au moment où il y a la nouvelle vague, Clouzot cherche une espèce d'avant-garde plastique à travers le cinéma, peut-être d'une manière un peu désespérée, mais c'est quand même un chantier absolument fascinant. Donc je crois que le fait... que Bromberg ait révélé ce chantier a amené pas mal de gens à regarder Clouot autrement et à se dire que c'était pas simplement un raconteur d'histoires divertissante mais que c'était d'abord un grand metteur en scène et quelqu'un qui avait une préoccupation formelle qui faisait la réussite très grande de ces films criminels. Quand on regarde évidemment Qu'il y a des Orfèvres ou Le Corbeau ou Les Diaboliques on est sensible au récit, on est sensible à la construction dramatique, à la direction d'acteurs et Dieu sait que c'est important. Mais je crois qu'on se rend compte de plus en plus que ces films ne tiendraient pas autant, ils ne seraient pas aussi clatinants s'ils n'étaient pas d'abord admirablement composés au point de vue de l'image et au point de vue du cadre et de ce qu'on met à l'intérieur du cadre. Je me suis amusé par exemple à faire des captures d'écran pour la Cinémathèque qui se retrouvent dans le catalogue de l'Expo, des captures d'écran, des plans de Clouzot, et c'est des plans qui tiennent. Ce n'est pas si fréquent, quand vous sortez un plan d'un film, souvent ça s'effondre. Et là, ce sont des plans qui sont presque des tableaux et qui en même temps sont beaucoup plus que des tableaux parce qu'ils sont pris dans le mouvement du récit.

  • Speaker #0

    D'accord, très clair. On a déjà évoqué ce nom du Woodonite à plusieurs reprises depuis notre échange. On parle étroitement de Hitchcock quand on pense à Clouzot. Beaucoup de gens prennent cette expression de Clouseau, c'est le Hitchcock anglais. Hitchcock français, évidemment. Et justement, on se trouve un petit peu malin avec mon frère d'imaginer, mais est-ce que Hitchcock ne serait pas plutôt le Clouot anglais ?

  • Speaker #1

    Ce n'est pas totalement faux. En tout cas, il faut se garder de l'illusion que Clousot a été influencé par Hitchcock. Parce qu'il faut quand même rappeler que Clouzot débute dans les studios français et allemands, d'ailleurs, dans les années 30. Ensuite, il fait ses premiers films continentaux. votre occupation. À ce moment-là, je ne suis pas certain que Clouzot était tellement connu en France. Je pense qu'on avait vu les 39 marches, peut-être, mais comme vous savez, les films anglais étaient interdits en France pendant l'occupation, donc ça m'étonnerait que Clouzot ait été un fin connaisseur d'Hitchcock, et c'est peut-être plus vraisemblable de se dire que Hitchcock a pu voir, alors sans doute après la guerre, un film comme Le Corbeau, mais il est certain qu'il y a eu une capillarité. Mais bon, il ne faut pas surestimer l'influence de l'un par l'autre. Quand on voit par exemple, alors par contre, il y a cette capillarité dont je parle, qui est très forte, qui est troublante, mais qui est aussi un phénomène d'époque. Le cinéma porte un inconscient collectif, ce que j'appelle un inconscient historique, qui parfois traverse les continents. C'est très flippant de voir par exemple la thématique provinciale justement du Gorbeau, tout le thème de la… le jeu d'ombre et de lumière entre les innocents et les coupables, l'ambiguïsme. des apparences, tout le thème clouzotien qui s'inaugure dans le corbeau, enfin en tout cas qui se développe dans le corbeau, est présent quasiment la même année dans l'ombre d'un doute de Hitchcock. C'est un film provincial aussi, c'est un film sur l'indécidabilité de la culpabilité. Voilà, il n'y a pas beaucoup de points à jeter en ce film, et pourtant je suis persuadé que Hitchcock, évidemment, n'avait pas le corbeau qui était dans le film. et vous pouvez notamment le voir sur le français et Pousseau évidemment n'a pas vu à cette époque là l'ombre d'homme et même au delà des films

  • Speaker #0

    Hitchcock me semble s'est un petit peu inspiré je pense évidemment au carton de fin des diaboliques où il y a eu cette injonction de préserver un petit peu ce qui s'est dit pendant le film de ne pas le dévoiler aux spectateurs Hitchcock va un peu réutiliser ses mécanismes un petit peu marketing il faut dire pour Psychose

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est certain qu'il est diabolique, Hitchcock l'a vu, il l'a apprécié, il l'a dit d'ailleurs je crois. Et oui, quand il fait le film annonce de psychose, et qu'il dit aux gens de ne pas révéler la fin, évidemment il s'inspire de Clouzot. Ça c'est sûr que là, il y a une autre capillarité entre Clouzot et Hitchcock, c'est les méthodes de mise en scène. de soi et la manière de se mettre en avant comme le grand metteur en scène du film à suspense. Il est certain qu'à ce moment-là, il découvre pratiquement en même temps, mais là aussi c'est assez parallèle. Il découvre la puissance des médias et la manière dont le metteur en scène peut finalement être presque un personnage du film. Il y a ce que Hitchcock appelait la direction spectateur, mais on pourrait aussi parler de ça en s'agissant de Clouzot. Le metteur en scène est presque là pour tenir la main du spectateur et lui dire comment il faut avoir peur. Donc voilà, je crois que là aussi, ils se sont un peu rencontrés dans l'escalier, ils se sont croisés dans l'escalier, sans qu'on puisse dire très clairement qui a inspiré l'autre. Mais il y a évidemment un parallèle à faire entre ces deux cinéastes. Bon, maintenant, il y a quand même une grande différence, c'est que je dirais finalement ce qui fait la grande différence entre Muso et Hitchcock, c'est le catholicisme. Chez Hitchcock, la notion de culpabilité est quand même une culpabilité chrétienne, elle est liée à l'idée de la rédemption, du pardon, du sacrifice. Des Vologeurs, en 1929, il y a ce thème christique, qui n'est pas du tout chez Clouseau. Clouseau est un anarchiste de droite, avec un côté nihiliste, totalement déprimé de la nature humaine. Et quand on voit un film comme Le Salaire de la Peur, il n'y a aucune notion au bout de son temps.

  • Speaker #0

    Une tonalité beaucoup plus sombre chez Clouzot.

  • Speaker #1

    Oui, parce que... Alors, à part son site, moi, personnellement, le film de lui que je préfère, je sais que je... Je criais, il y en a certaines personnes en me disant ça, mais je le dis très sérieusement, je considère que c'est son meilleur film, c'est une comédie, c'est Megatestamé. Je considère que c'est vraiment son chef-d'oeuvre. Et là, on a un autre Clouseau. Un autre Clouzot, je ne sais pas si vous connaissez ce film.

  • Speaker #0

    Non, je n'ai pas vu.

  • Speaker #1

    Mais c'est vraiment un chef-d'oeuvre de la comédie de boulevard. porté au cinéma avec à la fois une drôlerie extraordinaire des comédiens, Bourville, où il jouait, Saturne infâme, mais aussi une précision d'Orfèvre dans la conduite du texte et des situations, et qui rappelle que Clouot c'est d'abord un auteur de comédie, il a un peu débuté dans ce registre-là, il a été auteur d'opérettes, de revues dans les années 30, il était auteur de chansons, il y a une double dimension comédie et chansons. très importante chez lui, qu'on retrouve un peu dans l'assassin à Vito XXI. Encore un tout petit peu dans Quai des Orfèvres, puisqu'il y a cette dimension un peu comédie au début du film, en tout cas. Et puis, évidemment, l'hommage au musical, avec tout un peu de film. Et Mickey et sa mère en est quand même, disons, peut-être l'apogée, l'épanouissement de cette première veine de son inspiration, avant qu'il ne se spécialise définitivement dans le genre criminel.

  • Speaker #0

    D'accord. C'est étonnant parce que justement, je pense, et ne pas être le seul, à voir Clouot vraiment comme ce spécialiste du film, entre suspense, policier, à des tonalités graves, ce travail du noir et blanc, même des plans un petit peu tirés des plans allemands d'origine, les angles un petit peu travaillés, ce cinéma un petit peu de la peur. Et pourtant, ce que vous dites me fait penser immédiatement... a une tonalité d'humour un petit peu sombre, qu'il a un humour noir, même dans les diaboliques, ça se retrouve, où il y a ces jeux de dialogue un petit peu pince-en-rire.

  • Speaker #1

    Oui, je crois qu'il faut un peu d'humour, sinon ce serait insupportable. Quand Paul Meurice dit à sa femme, Vera Clouzot, d'avaler le poisson, c'est qu'il faut en rire, sinon ce n'est pas possible, c'est du grand guépeul. Mais il y a aussi des moments ouvertement communs, comme le tournement avec la radio, quand il...... Si quand on entend la radio et qu'il y a le speaker qui dit Vous venez d'entendre, on ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset bon, tout ça, ça pourrait presque être du sachet d'itry. Donc oui, il ne faut pas sous-estimer cet aspect-là. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas aussi ce qui fait la grande réussite de Closon Cinéas, c'est qu'il mélange, comme Hitchcock d'ailleurs, mais pas tout à fait de la même manière, la peur à l'humour, la sensibilité au interne. Dans le corbeau, il y a aussi de l'humour. peut-être un peu moins, dans lequel les orfaites il y en a beaucoup. C'est peut-être moins évident dans le salaire de la peur, encore qu'il y a quelque chose d'assez comique quand même dans la relation, l'espèce de relation homosexuelle un peu foireuse entre Chantal et Yves Montand. Alors évidemment, le problème c'est que ça disparaît un peu des derniers films et c'est ce qui rend les espions un film, alors là pour le coup, presque insupportable de noirceur et de sérieux. Et il retrouve à mon avis son... Le grand Clouot revient à l'Odélie avec La Vérité, qui est peut-être son dernier grand film, mais qui est un film quand même assez impressionnant.

  • Speaker #0

    La Vérité est toujours avec Paul Meurisse, ce qui nous fait un petit peu enchaîner justement avec un petit peu les acteurs avec lesquels il a travaillé, également sa garde rapprochée, sa femme, Vera Clouseau. Quel rôle est-ce qu'elle jouait ?

  • Speaker #1

    Il y a aussi une muse peut-être moins brillante comme comédienne que Suzy Delaire, mais tout aussi volcanique. On a, justement, puisqu'on parlait des espions, on a un verbatim de tournage de Michel Cournot, qui s'appelle Le premier spectateur, qui raconte le tournage des espions. Je pense que Vera est vraiment quelqu'un de s'il a géré. Mais enfin, c'était à double content, parce que, si on se dit, Clouseau cherchait la crise, il cherchait le drame. On le voit bien avec Suzy, on le voit avec Vera, et il y a en permanence ce côté je t'aime moi non plus, je te provoque, je te cherche etc. qui fait que c'est difficile. C'est pour ça que quand on dit que Clouseau était tyrannique, etc., c'est vrai, il n'y a plus à y avoir des baffes ou des violences sur le plateau, mais je pense qu'il suscitait aussi la violence de l'autre. Il a une dimension sadique, il a aussi une dimension masochiste. Donc le rapport n'était pas simple, d'autant plus que dans le cas de Vera, il faisait travailler une non-comédienne. Alors bon, certes, il l'avait rencontrée... dans le cadre de la troupe de Louis Jouvet, puisqu'elle était au départ la maîtresse de Léo Lapara, qui était un peu le factotum de Jouvet. Bon, ensuite, il va en faire sa maîtresse, puis son interprète. Et là, le fait de la forter à être comédienne alors qu'elle n'était pas vraiment comédienne, produit des états de réel, évidemment, et produit quelque chose d'intéressant. Je pense que Les Diaboliques ne serait pas un film aussi puissant si au milieu, on avait une actrice comme Daniel Delorme ou Jeanne Moreau, si vous voulez. Là, tout d'un coup, on a une actrice qui est quand même... assez mal à l'aise et c'est presque elle, c'est presque elle qu'on fait souffrir. Alors on peut dire, aujourd'hui avec Me Too, c'est pas très bien vu tout ça, mais ça produit un film d'une puissance extraordinaire, puisqu'en plus on a su à posteriori qu'elle avait des problèmes de cœur, comme Clouseau d'ailleurs, or elle joue dans le film une femme qui est en fin de vie, justement elle est cardiaque, donc ça donne un côté psychodrame, c'est presque du Marina Abramovitch avant la lettre, côté performance cruelle. qui donne au film une modernité incroyable. Et c'est ce qui fait... Bon, passionnellement, ce n'est pas forcément le film de Clouseau que je préfère, mais je constate qu'en tout cas, c'est celui qui a la plus grande postérité à cause de ce côté expérimental, et puis aussi parce qu'il a finalement presque inventé un genre. Là, on sort du film à suspense pour aller vers quelque chose qui a plutôt se développé en Italie, c'est le giallo. Et je me demande s'il n'y a pas toute une dimension du giallo qui est née des diaboliques. si il n'y avait pas eu les diaboliques, je pense qu'il y a plein de films de Giallo qui n'auraient pas été, même pas été conçus.

  • Speaker #0

    Vous avez esquissé un petit peu le portrait de Clouzot. Oui, on l'entend souvent comme quoi il était tyrannique, les baffes, etc. J'écoutais une interview également de Paul Meurice qui expliquait que, pour autant, il y avait ce respect mutuel malgré cette violence, malgré ces colères, lorsque il s'agissait de faire un travail d'orfèvre sur, notamment, un... films qu'ils ont fait ensemble, où Clouot exigeait de lui un travail très réaliste. Il prenait l'exemple, à un moment, il avait frappé une table et son produit n'avait rien de réaliste. Donc, il avait ce désaccord avec lui sur le fait que le cinéma se devait être réaliste. Qu'est-ce que vous en pensez ?

  • Speaker #1

    Je crois que Clouzot, c'est toujours un peu ambigu, mais il... Comme je le disais, il cherche à reconstituer une vision intérieure, mais aussi peut-être des sons, en l'occurrence. Et il y a la volonté de donner à ce cauchemar le maximum de vérité. Je n'aime pas trop le mot de réalisme, parce qu'il veut dire un peu tout et son contraire. Je ne dirais pas non plus trop autant que Clouseau est un cinéaste naturaliste, mais il y a vraiment chez lui le désir de donner une sorte d'incarnation. et de vérité, enfin en tout cas de force de vérité, ou de vraisemblance si on veut, si on veut être plus précis, à l'irrationnel. C'est-à-dire que là aussi c'est une petite différence avec Hitchcock. Hitchcock ne dédaigne pas d'aller vers le fantastique avec les oiseaux par exemple, ou vers le gothique avec Rebecca, alors que chez Clouot il y a vraiment quelque chose de très français, c'est-à-dire que c'est vraiment un... La peur, l'horreur, le fantasme sont mis à plat, sont mis à nu, de telle sorte qu'on est obligé d'y croire tellement c'est vraisemblable. Et en même temps, c'est au prix d'une façon qu'a Clouzot d'escamoter une partie de ça, sinon ce ne serait pas possible, que ça joue au fond beaucoup sur la suggestion. On a tous les signes extérieurs de l'horreur, mais l'essentiel est toujours caché. Ça aussi, c'est très français. Il me semble que Hitchcock va peut-être un peu plus loin dans l'amonstration de l'horreur, par exemple dans Psychose. Ce que fait par exemple Hitchcock dans Psychose, de nous montrer la tête empaillée de la mère dans Psychose, je ne suis pas sûr que Hitchcock le ferait. Parce que ça l'intéresse beaucoup plus de suggérer la peur, derrière le réalisme de l'image, de suggérer la peur qui frappe à la porte mais qui n'entre jamais. Et je crois que c'est ce qui fait cette scène extraordinaire de la fin des Diaboliques, où on est là avec Veracruzo qui attend dans le couloir, il y a des ombres, il y a cette machine à écrire qui annonce Shining de Kubrick, il y a tout un côté. On a ce sentiment qu'il arrive à faire croire à la peur. même si tout ça se passe dans la tête du personnage, à partir d'une extraordinaire force de vérité des images. Mais la peur reste toujours mise à distance. Alors vous me direz, il y a quand même le corps de Paul Maurice qui se lève de la baignoire, mais précisément, c'est un subterfuge. Ce n'est pas vraiment une image de zombie ou de mort vivant, ou même de fantôme ou de cadavre, c'est un faux cadavre.

  • Speaker #0

    Justement, vous revenez sur la fin des Diaboliques. Dans notre épisode consacré aux Diaboliques, avec mon frère Maxime, on s'est amusé justement à essayer de trouver qui pouvaient être ces fameuses diaboliques du titre du film. Est-ce que pour vous, cela vise des personnages en particulier, ou est-ce que c'est une idée plus abstraite finalement ?

  • Speaker #1

    Plus abstraite, je pense que Clouseau est un lecteur de Pirandello, grand auteur de théâtre qui a beaucoup marqué les gens de sa génération. Donc il a cette vision un peu de la relativité des apparences, je crois que c'est beaucoup inspiré de ça. Et si vous regardez tous ses films, il y a toujours ce côté indécidable où dans l'assassinat habite au 21, on part sur des pistes différentes, dans Le Corbeau, n'en parlons pas. Et je dirais même que ça produit une espèce d'effet de vie sans fin, de vertige infini qui évidemment se déploie pleinement dans les diaboliques. avec le gamin qui à la fin vient nous dire, ben oui, moi j'ai vu Madame la Directrice alors qu'on vient de la voir mourir l'instant d'avant. Mais c'est un principe de récidive chez Clouzot, c'est un principe je dirais presque organique pour lui, qu'on retrouve d'ailleurs dans le mystère Picasso. Dans le mystère Picasso, il nous donne à voir Picasso qui peint des étoiles, enfin des transparences, et petit à petit, on croit que ça va être le tableau définitif. qu'on a acquis une sorte de certitude que l'œuvre allait close, allait achever. Eh bien non, il y a encore une autre œuvre derrière l'œuvre, et comme ça, c'est enfin parce que Picasso est une sorte d'artiste total, inépuisable, infini, dont le génie est tellement infini qu'il ne cesse de produire de nouveaux possibles. Donc il y a ce côté, et je pense presque à lui de moi, qu'il faut regarder le mystère Picasso comme un film à suspense, représentant l'artiste comme un criminel toujours capable d'agir. plus fortement, plus violemment, plus puissamment sur la réalité. Donc il y a ce double aspect chez Clouzot, il y a à la fois le réalisme dont vous parlez, et en même temps un réalisme qui contient derrière lui une folie de l'infini. C'est le propre de l'obsessionnel, Clouzot, si il y a quelqu'un qui est vraiment un obsessionnel, c'est bien Clouzot. Je pense que c'est quelqu'un qui est en trop de films, sombré dans de longues périodes de dépression, parce que justement il est en croix, ce vertige des potibles. et à cet hantise de l'incliné qui caractérise l'obsessionnel. Et il n'arrive à le conjurer, à l'enclore, que dans l'extrême précision, dans l'extrême rigueur, on pourrait dire dans l'extrême étroitesse de l'image cinématographique qui lui permet de contenir son vertige. Mais il y a ce balancement entre les deux qui fait l'extraordinaire tension de son cinéma.

  • Speaker #0

    Vous l'avez dit, Les Diaboliques est son film sûrement le plus populaire dans le sens le plus vu ou connu des gens aujourd'hui. Pour autant... Quel film ou réalisateur actuel vous semble être un petit peu les héritiers de l'ensemble de son œuvre ?

  • Speaker #1

    C'est difficile à dire. Moi, je n'aime pas beaucoup ce petit jeu parce que je considère qu'un grand cinéaste est unique. C'est comme quand on me demande de dire quels sont les cinéastes romériens aujourd'hui. Bon, je suis bien en peine. Il y a beaucoup de cinéastes qui se réclament de Romère aujourd'hui. Mais enfin, ça me paraît un peu bidon. Je n'y crois pas beaucoup. On peut imiter un mauvais cinéaste. On peut être le disciple d'un mauvais cinéaste. Je pense que si on veut commencer à être le disciple d'un grand cinéaste comme Clouseau, à mon avis, on se prépare des mauvaises surprises et des mauvais films. Alors évidemment, on peut trouver des bouts de Clouot chez Kubrick, je l'ai dit tout à l'heure, parce que Kubrick avait vu Les Diaboliques, c'est possible. On peut trouver une influence également chez Hitchcock.

  • Speaker #0

    La limite, ce qui paraîtrait le plus évident, c'est Chabrol, mais je ne suis pas sûr que Chabrol soit tellement proche de Clouseau, parce que quand on voit qu'il fait un remake de L'Empereur, ça donne un assez mauvais film, vraiment pas le meilleur film de Chabrol, et je pense que son rapport au suspense, au crime, sont vraiment très différents. Je ne sais pas si c'est tellement le suspense chez Chabrol, c'est autre chose, c'est plutôt de l'analyse psychologique, c'est un très grand cinéaste, mais pour moi ça n'a rien à voir. Non, je ne sais pas. Je sais que des cinéastes actuels comme Bojanco, par exemple, admirent Clouseau. Je pense que c'est le cas de Xavier Giannoli. Bon, c'est bien, c'est l'endroit. Enfin, je ne vois vraiment rien de Clouot dans leur cinéma.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui fait donc, selon vous, que finalement, les films qu'il a faits restent intemporels ?

  • Speaker #0

    Tu sais, c'est à la fois ce que j'ai dit, c'est-à-dire ce mélange de folie et d'extrême rigueur dans... dans la manière de restituer tous les détails de son fantasme. Ça en fait un grand peintre du cinéma et un explorateur de ses abîmes intérieurs à travers une rigueur plastique extraordinaire. Ça, c'est ça. À mon avis, c'est vraiment la pierre angulaire de son cinéma. Il y a la dimension de récit, mais... C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui a vraiment un sens du récit, une scène extraordinaire du rythme et de la manière d'empoigner le spectateur. Je vois bien ça quand je passe des Clouseau à mes étudiants. Il y a des cinéastes de cette époque, que j'admire beaucoup, qui ne marchent plus, qui n'ont plus de… Alors que Clouseau, ça marche. Parce qu'il y a cette manière d'empoigner le spectateur avec un récit extrêmement rythmé, extrêmement efficace. Il y a toute une dimension sexuelle aussi chez Clouzot. Une crudité sexuelle, dès l'Assassin Vito XXI jusqu'à la vérité, qui fait qu'on est sorti. Ça fait aussi la modernité de son cinéma. C'est quand même un cinéma qui parle assez crûment des rapports entre hommes et femmes, notamment dans le dialogue. Et aussi, il y a même de l'homosexualité. Il aborde vraiment tous les cas de figure. Et ça aussi, ça fait que son cinéma reste très présent, parce que c'est un cinéma très concret dans sa manière de mettre en scène les corps et la traction entre les corps. Bon, et puis, un troisième aspect qui est quand même très important, et c'est peut-être le plus important, c'est la direction d'acteur. C'est l'un des plus grands directeurs d'acteurs qui ait jamais été. Il est génialissime, aussi bien avec des grands acteurs comme Louis Jouvet, qu'il modifie de fond en comble. C'est la seule fois que des enfants jouent autre chose que Jouvet, où ils jouent un vrai personnage. Il arrive à la sélection de ce comédien qui jouait quand même beaucoup avec des tics, il se prend en compte à travers une composition qui reste quand même la plus bouleversante qu'il ait faite. Avec Pierre Freinet aussi, qui est des poussières, il est un petit ché. Il rappelle à quel point ça pouvait être un grand comédien, mais il peut aussi être un très grand directeur de mauvais acteurs, comme Yves Montand, qui arrache une performance extrêmement physique, très forte dans le Céda Blaper. Et aussi des non-acteurs, comme, ne parlons pas d'Origine Bardot, qui elle, pour moi, était une grande actrice, mais il faut vraiment voir la vérité pour le savoir, parce qu'elle n'a pas eu d'autres occasions de le montrer, pas beaucoup d'autres occasions. Et puis, aussi bien avec des non-acteurs absolus, comme Vera, dont on va parler à l'instant. Je pense qu'il aurait pu, Serge, n'importe qui, et en tirer. Alors, il y a peut-être des limites. Parfois, Gérard Setti, dans Les Espions, il se conne quand même à des limites. Mais voilà, ça, c'est vraiment, je crois que c'est une part très importante de son génie de metteur en scène. C'est d'arriver à faire en sorte que le comédien sorte ses tripes grâce à sa vérité intérieure. presque à poil de vérité en tout cas, de vérité intérieure. Et c'est d'autant plus fort quand c'est un comédien connu. Mais si vous prenez Suzy Flair dans Quai des Orfèvres, le moment où elle crache ses quatre vérités à Jouvet, dans sa loge, c'est un moment extraordinaire. Ou Brigitte Bardot, quand elle crache leur quatre vérités au juge dans La Vérité. C'est des moments, tout d'un coup, où le jeu d'acteur rejoint la performance et où il arrive à pousser l'acteur là aussi. à l'extrême limite de ce qui est possible. De d'où, évidemment, les rapages, aussi bien avec des hommes qu'avec des femmes, d'ailleurs. Il ne faut pas croire que c'était un metteur en scène qui était dur uniquement avec ses actrices. Paul Meurice et Bernard Blayé ont été bien placés pour le savoir.

  • Speaker #1

    Vos propos me font penser également à une interview que vous avez donnée pour la CinéTech, où vous qualifiez Clouot de pervers, dans le sens où il aimait être dans un système mais justement avoir ce côté disruptif et de le casser un petit peu de l'intérieur. C'était la même chose pour les acteurs, justement, ils les recrutaient parce qu'ils les voyaient géniales dans un type de jeu. mais vous voulez les utiliser un petit peu à contre-emploi ?

  • Speaker #0

    Oui, le propre but pervers c'est qu'il veut répéter quelque chose, mais en même temps il faut toujours que ça bouge un peu. Alors je pense que Clouot il tatare énormément, il faut rappeler qu'il écrivait ses films avec son frère, qui signait Jérôme Jérôme Limy, mais qui était en fait Jean Clouzot, son frère, et qui l'empêchait de signer de son propre nom, donc c'est intéressant ce rapport d'écriture entre deux frères. Les Diaboliques ont été écrits par Jean Clouzot. Et donc des films extrêmement écrits, avec des storyboards. Diaboliques, c'est storyboardé comme le Salaire de la peur, comme les Enfer, comme les Espions. Donc aucun metteur en scène français, même Carnet ou autant Larra, ne faisait des storyboards. C'est exceptionnel. Donc il fallait que tout soit prévu à la virgule près, les storyboards étant faits par le chef d'écho, Max Douy. Et donc il y a ce côté extrêmement prévisionnel. Il faut qu'il n'y ait pas une seconde d'imprévu. Il faut vraiment arriver à ce que tout concorde à réaliser cette vision intérieure du cinéaste. Et en même temps, le comédien, tout va être prêt pour ne plus se concentrer sur le tournage que sur la direction d'acteur. Et je crois que c'est le moment de grande jouissance artistique de Clouzot. Je pense qu'il devait beaucoup se couvrir dans la préparation de ses tournages. Mais là, je pense qu'il a une extraordinaire jouissance. et liberté peut-être aussi, à faire intervenir le comédien dans ce cadre contraint et à lui faire inventer sa liberté ou inventer sa vérité. Tout d'un coup, le comédien arrive et vient, je ne dirais pas bousculer, mais vient faire légèrement bouger, trembler, flotter, vivre ce qui aurait pu n'être qu'un cadre mort et lui apporter ce surcroît de vérité qui fait la vie du cinéma de Clouzot. Le cinéma de Clouzot pourrait être un cinéma d'antiquaire. Mais ce qui fait que c'est un cinéma d'une formidable vitalité, c'est la force de cette direction d'acteur. Le comédien est toujours un peu sur la corde raide avec Pouzo, il est toujours remis en cause, il n'est pas dans sa zone de confort, et c'est ce tremblement qui le rend d'autant plus vivant et bouleversant.

  • Speaker #1

    On se rapproche doucement des questions de fin. J'ai une question peut-être à... Un petit peu qui sort du lot, si vous la trouvez pertinente, pas obligé de répondre. Je me demandais, si Clouot était contemporain de notre époque, quel type de film aurait pu lui plaire ? Quel réalisateur ? Quelles étaient ses sensibilités, quels étaient ses goûts, un petit peu, pour essayer de le comprendre, lui, en termes de cinéphilie ? Clouzot,

  • Speaker #0

    il s'est intéressé à tout. On sait, d'après ses comptes rendus de lecture au sanatorium, vous savez qu'il a passé plusieurs années, comme il est tuberculeux, il a passé plusieurs années au sanatorium quand il était jeune, donc il disait énormément, Proust, Freud, Pirandello, Joyce, c'est quelqu'un qui avait une énorme curiosité littéraire, énorme curiosité de la peinture, des arts plastiques, de tout ce qui se faisait de plus contemporain, on le voit évidemment dans des films comme M. Picasso, bien sûr, mais surtout L'Enfer et La Prisonnière, son dernier long-métrage. Et je pense qu'il... Voilà. Alors, est-ce qu'il voyait les films contemporains ? Ça, j'en ai pas de traces précises, mais j'en suis persuadé. On a parlé tout à l'heure de ses influences. Bon, je pense qu'à l'époque, c'était certainement moi, Hitchcock et Fritz Lang, qui étaient pour tous les gens de cette génération une influence absolument impondérante. Et je pense que s'il y a un cinéaste que Clouot aurait pu citer comme sa grande influence, c'était certainement Fritz Lang. Ensuite, il a certainement vu plein de films de ses contemporains. Il avait un groupe pour le cinéma néo-réaliste italien. Il y a tout ce projet. Très intéressant qu'il forme juste après Miquette et avant le Salad de la peur, où il veut aller tourner un grand documentaire au Brésil. Donc il y a toute cette veine documentaire, je pense qu'il connaissait très bien Flaherty, tout ça. Et donc il a envie de faire un film comme ça. C'est une tentation qui revient assez régulièrement dans son œuvre. Le film ne se fera pas, il en reste un petit court-métrage qui s'appelle Brazil, qui est le témoignage d'un tournage qui peine à se mettre en place, parce que Béra est déjà malade. Mais... Donc voilà, il y a chez lui une attention extrême à l'air du temps, et je suis persuadé que s'il disait aujourd'hui, oui, il serait passionné par tout ce qui se passe, par tout ce qui se fait. Il ferait certainement un film autour des violences sexuelles. C'est un sujet qu'il passionnerait. Évidemment, le revers de la médaille peut être avec un certain opportunisme, parce qu'il ne faut peut-être pas sous-estimer cet aspect-là chez lui. C'est quelqu'un qui se mantient bien l'air du temps, mais c'est aussi quelqu'un qui s'adapte à l'air du temps et qui va aller chercher des sujets à la mode. Je pense que quand il fait le corbeau, le sujet à la mode, c'est... le contexte des anonymes quand il fait manon il va tout d'un coup mettre en scène l'exode des juifs en palestine c'est le sujet bon voilà quanti celle celle de la peur c'est l'exploitation et des dépôts en amérique du sud par les grands pétroliers voilà il ya ce côté un peu roublard chez lui mais en même temps ce qui le ce qui le sauve et c'est ce qui fait que ces films ne sont pas simplement des films d'adaptation à l'air du temps, c'est qu'à chaque fois, il fait des films pour, je dirais, si j'étais vulgaire, pour foutre la merde, et pour mettre les pieds dans le plat. Et il parle de sujets de son temps, mais de sujets vraiment dangereux, des sujets qu'on n'a pas le droit de traiter, qui sont à la fois brûlants et cachés. Les lettres aux anonymes, personne n'aurait osé traiter un sujet pareil en 1943, et lui, il ose le faire. L'exode des Juifs en Palestine, il n'y a pas un cinéaste français qui s'y intéresse. à part lui. Donc voilà, il y a à la fin ce côté de faire des gros coups, mais toujours des gros coups à partir de sujets extrêmement sulfureux qu'il est le seul à avoir le courage de traiter.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous auriez une anecdote, qu'elle soit sur un film en particulier qui vous parle, ou sur un tournage, ou même sur Clouzot lui-même, que le grand public ne connaîtrait pas ? Un petit quelque chose, une petite anecdote à nous partager.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas forcément ça sous la main. Oui, il y a l'histoire assez amusante, mais ça, c'est vraiment à la fin, pour illustrer le côté Clouzot et ses actrices. C'est la prisonnière. C'est Elisabeth Vienner, qui était l'interprète de ce film, qui m'a raconté ça. C'est dans les bonus, d'ailleurs, du film, dans le coffret Clouzot. Elle devait faire une prise. Voilà, et puis je pense que Clouzot qui se tenait un peu en dessous, à côté de la caméra, vous savez à l'époque les metteurs en scène il n'y avait pas le combo, donc les metteurs en scène s'asseyaient en dessous de la caméra et puis souvent regardaient comme ça un peu par en dessous ce qui se passait. Et puis Clouzot, je ne sais pas ce qui lui a pris, s'est mis, pour lui donner un peu de cœur à l'ouvrage, il lui se met physiquement à lui mordre le mollet.

  • Speaker #1

    D'accord !

  • Speaker #0

    Donc elle a poussé un jour le bras, elle lui a donné un grand coup de pied. il a envoyé Valdinguet dans le décor. Et là, le tournage s'est arrêté, je crois, pendant un bon moment. D'autant plus que c'était juste avant mai 68. Donc, mai 68 a coïncidé avec la révolte de 4 éditeurs.

  • Speaker #1

    D'accord. Oui, une belle anecdote. Écoutez, on a évoqué beaucoup de choses. C'était très dense. Je pense que les auditeurs ont déjà de quoi faire pour ceux qui hésitent, justement, à regarder des films de Clouzot. Pour autant, je vous pose cette question, c'est la question que je pose à la fin de tous mes podcasts. Une manière peut-être aussi de rassembler un petit peu les idées. Pourquoi est-ce que vous pensez que les auditeurs et les cinéphiles devraient voir les films de Clouzot selon vous ?

  • Speaker #0

    D'abord parce qu'on y prend un plaisir extraordinaire. Je crois que, moi personnellement, je vous avoue que... J'aimerais qu'il ait fait beaucoup plus de films, parce qu'à chaque fois que je vois un film de Clouzot, j'ai un énorme plaisir. Il n'y a pas beaucoup de films qui procurent autant de plaisir que les films de Clouseau.

  • Speaker #1

    Il n'en a fait que 11, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Il en a fait 11, oui. Parce qu'encore une fois, il était obsessionnel, dépressif, malade, et qu'il est mort jeune. Mais on aimerait qu'il en ait fait 50, parce que ce sont des films qui sont incroyablement jouissifs. On ne s'ennuie pas une seconde à regarder un film de Clouzot. C'est vraiment un cinéaste du plaisir, et ce n'est quand même pas secondaire. Et par ailleurs, c'est une extraordinaire leçon de cinéma, leçon de rigueur, encore une fois, leçon de précision dans la direction d'acteur, dans la composition du cadre, dans la composition du récit. C'est le témoignage qu'on arrive au plaisir par la rigueur.

  • Speaker #1

    Écoutez, M. Herbe, je pense qu'on a fait le tour un petit peu. On pourrait dire encore beaucoup de choses, je le sens bien. Votre passion est très communicative. On a envie de poser encore plein de questions. Mais je vais rappeler, du coup, vous êtes l'écrivain de Souvenir Écran. Est-ce que vous souhaitez ajouter un dernier mot ?

  • Speaker #0

    Non, je n'en rappelle pas. J'espère que ça donnera l'envie à beaucoup de jeunes gens de faire des films de Clouzot. Mais en même temps, j'ai envie de leur dire, surtout s'ils ou elles veulent faire du cinéma, de ne surtout pas essayer de limiter. D'accord,

  • Speaker #1

    c'est bien de vous.

  • Speaker #0

    films,

  • Speaker #1

    mesdames. Bah écoutez, merci beaucoup monsieur Herpe d'avoir pris le temps avec moi de revenir sur Clouzot, réévoquer l'épisode des Diaboliques avec moi, d'aller chercher justement au-delà de ces films et de... connaître un petit peu mieux Henri-Georges Clouzot aujourd'hui grâce à vous.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Et voilà, c'est fini pour cette nouvelle séance qui était une hors-séance consacrée à Henri-Georges Clouseau avec cette interview de M. Herbe qu'on remercie vraiment du fond du cœur pour son temps et pour la passion qu'il a transmise durant l'entretien. J'espère que ça va vous intéresser de redécouvrir la cinématographie d'Henri-Georges Clouzot, maintenant que vous en connaissez davantage à la fois sur... l'homme et ses controverses et également sur ce réalisateur prolifique avec tous ces chefs-d'oeuvre cinématographiques dont nous avons hérité. Je suis très content de démarrer l'année 2025 avec cet épisode. Je vous en prépare déjà 3 à 4 en simultané. Nous allons retrouver des interviews avec des personnes avec lesquelles j'aime échanger sur les films. Il y aura des festivaliers, il y aura des professionnels du milieu du cinéma. Donc continuez de nous suivre si vous voulez continuer d'explorer avec nous le cinéma de patrimoine, le cinéma mondial. Nous allons vous emmener dans d'autres pays, d'autres cultures et à travers d'autres mouvements du cinéma. Comme d'habitude, je vous invite à nous rejoindre sur nos réseaux sociaux, que ce soit notre compte Instagram, X ou également notre chaîne YouTube pour retrouver les épisodes. Si c'est plus simple pour vous. de nous écouter sur cette chaîne. Partagez également les épisodes de podcast et si le cœur vous en dit, laissez-nous des étoiles sur Apple Podcast. On vous en remerciera jamais assez. C'est ce qui nous permet justement de continuer de faire ces épisodes en ayant une communauté de plus en plus active. Et on vous en remercie. Si vous souhaitez connaître les derniers épisodes, je vous invite également à nous rejoindre sur notre newsletter que vous trouverez directement sur notre site web lié à Ausha. En attendant, merci pour votre écoute. Je vous dis à très très bientôt pour une nouvelle séance de Rétro Ciné !

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