- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous, je suis ravi de vous retrouver dans ce nouvel épisode de rétro ciné. Le podcast qui vous recommande des classiques du cinéma, disponibles gratuitement ou presque. Pour m'accompagner dans cette nouvelle séance, je reçois un auditeur passionné de cinéma et d'histoire avec qui nous allons échanger et analyser une œuvre d'un des plus prolifiques réalisateurs français dont le fil rouge de ses films est l'exploration profonde de la condition humaine, souvent avec un regard nuancé et sans concession, qui est la suite de ce film S'exila. Nous allons vous parler d'un film de guerre Un film sur l'enfance, un itinéraire, un film choc dans un style naturaliste et réaliste, sorti en 1974, je parle de La Combe Lucien, réalisé par Louis Mal. Louis Malle est un réalisateur français prolifique dont la filmographie s'étend sur plus de 4 décennies, explorant une grande variété de genres et de thèmes. On compte une quinzaine de films, parmi lesquels Ascenseur pour l'échafaud Zazie dans le métro Le Feu Follet, Viva Maria, Le Souffle au Coeur, Atlantic City et l'un de ses derniers, Damage. Louis Malle est connu pour sa polyvalence et son refus de se cantonner à un seul genre. Plusieurs espèces stylistiques se dégagent de son style. Tout d'abord, une certaine approche de la réalité et une ambiguïté morale. Malle aborde souvent des thèmes complexes, sans juger ses personnages, laissant une grande part d'interprétation au spectateur. Il s'intéresse à l'ambiguïté morale et à la psychologie humaine. Ses films comme Au revoir les enfants sont profondément personnels, puisant dans ses propres souvenirs ou expériences pour aborder des sujets universels comme la trahison, la culpabilité et l'enfance. Il a également un style très réaliste et sobre. Il utilise souvent des décors naturels, évitant ainsi des effets de style excessifs, pour capturer la vérité des personnages et des situations. Une autre approche va être davantage surréaliste et expérimentale, même si... son style, comme on l'a dit, est plutôt réaliste. Néanmoins, dans Zazie dans le métro ou Black Moon, on voit qu'il s'approche davantage de l'onirisme. Et enfin, l'un de ses thèmes principaux est l'observation sociétale. Que ce soit à travers des drames psychologiques ou des comédies légères, Mal examine régulièrement les dynamiques sociales et les tensions politiques dans son pays et parfois ailleurs, comme en témoigne Viva Maria ou Milo en mai. Son œuvre est donc caractérisée par une grande diversité de styles et de thèmes. tout en restant fidèle à une exploration profonde de la condition humaine. La comble Lucien, jouée par Pierre Blaise, un acteur méconnu et tristement décédé un an après la sortie du film, raconte l'histoire d'un jeune paysan de 17 ans en 1944, pendant l'occupation allemande. Lucien mène une vie tristement banale et cherche à faire son entrée dans le monde des adultes. Il travaille comme nettoyeur dans les hôpitaux. Son père est prisonnier de guerre. Quant à sa mère, elle loue une partie de la ferme familiale à une autre famille et se montre peu fidèle à son mari, mise en abîme de l'occupation d'un pays par celle du logis privé. Lucien cherche l'aventure et a s'émanciper d'un quotidien composé de corvées et de frustrations. Son seul échappatoire, c'est la chasse. À la recherche d'aventure, il veut entrer dans la résistance. Mais le chef de la résistance, un instituteur, le rejette, car trop jeune, et se tourne alors pour rejoindre le camp de la collaboration, la milice française. La collaboration le prend sous son aile. Fête, alcool et belles sapes. On lui paye un beau costume d'adulte chez un tailleur juif et il tombera amoureux de sa fille. France, un nom prédisposé. C'est ainsi que commence le pacte avec Lucifer. Très vite, il est convié à des arrestations et découvre la torture, notamment celle de la salle de bain que Malraux relevait dans son discours d'hommage à Jean Moulin.
- Speaker #1
C'est trop jeune. Et quand on a des avions à cette mode comme ça, qui sait s'en dire ? Mais qui sait pas du brin qu'on a ?
- Speaker #2
C'est comme l'armée,
- Speaker #1
tu vois.
- Speaker #0
Cette partie va contenir des spoilers. Nous vous invitons donc à d'abord regarder le film avant de revenir écouter l'épisode. Emma Vincent, bonjour, et bienvenue dans le podcast Rétro-Ciné.
- Speaker #3
Bonjour Nicolas, merci de m'accueillir.
- Speaker #0
Content de t'avoir avec moi, car en plus c'est toi qui est venu avec cette proposition de parler de Lacombe-Lucien. J'ai une première question, toute simple. Comment tu as découvert ce film ?
- Speaker #3
Alors la première fois que j'ai entendu parler du film, c'était en classe préparatoire. J'avais un professeur d'histoire qui aimait beaucoup illustrer les grandes époques de l'histoire de France à travers des films. Et on pouvait trouver dans son répertoire aussi bien des films comme Monsieur Batignolle que Lacombe Lucien. Il avait toutefois une fâcheuse tendance à un petit peu se polier les fins, mais ça ne m'a pas empêché de m'intéresser à ce film.
- Speaker #0
Ok. Et alors, qu'est-ce qui t'a attiré ? Pourquoi tu avais envie de parler de ce film en particulier ? Est-ce que c'est son contexte ?
- Speaker #3
Oui, c'est son contexte. D'abord, le XXe siècle, en Europe, c'est celui du positivisme, de l'abandon des religions traditionnelles. Et il a donné lieu quand même au totalitarisme. Et c'était notamment Hannah Arendt qui avait démontré comment ces totalitarismes ont servi de substitution aux religions traditionnelles. Donc, moi, mon opinion, c'est que cet état d'esprit a donné lieu, si vous voulez, à des êtres qui vivaient... constamment sous une forme d'illusion perpétuelle. Et c'était le cas notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi après la Seconde Guerre mondiale.
- Speaker #0
Oui, parce que la thématique du film principal, la principale thématique du film, ça va justement être ce rapport entre quel camp rejoindre pendant la Seconde Guerre mondiale.
- Speaker #3
C'est en effet la thématique centrale du film. Et ce qui est assez intéressant, si vous voulez, c'est que dans ce film, en fin de compte, on nous montre une histoire totalement banale autour d'un personnage assez banal pour cette époque et qui... par sombrer comme criminel de guerre. Et c'est assez audacieux, si vous voulez, de pouvoir faire cela dans les années 70, qui est quand même une époque où les gens vivent dans l'illusion totale comme quoi la France a été soit collaborationniste, soit résistante, et qu'il n'y avait pas d'entre-deux.
- Speaker #0
Pas de zone grise, finalement, et que les Français, quelque part, se battaient pour une idéologie qu'ils avaient forcément... dans leur esprit un camp.
- Speaker #3
Tout à fait. Et là, on a des personnages qui sont libres de toute idéologie, en fin de compte. Par exemple, Lacombe Lucien ne sait pas ce que c'est qu'un franc-maçon, mais on lui explique que ce sont des gens à tuer, à écarter, qui sont responsables. de tous les problèmes de la France. Et ce que je trouvais assez intéressant aussi, et je rebondis un petit peu là-dessus, c'est qu'avant la guerre, le cinéma jouait déjà un rôle de propagande assez intéressant. On avait eu deux films qui étaient sortis à ce moment-là. qui s'appelait Unité française et Sommes-nous défendus. Ils ont reçu à cette époque l'équivalent des Césars, des Oscars. Et c'était des films qui nous présentaient la France comme étant forte, comme jamais on arriverait à la faire plier ou autre. Et un mois plus tard, on a l'occupation.
- Speaker #0
On parle du personnage principal, Lacombe-Blussien, qui représente justement, c'est un peu une métaphore de tous les Français qui se sont retrouvés pris dans éventuellement les choix de rejoindre la résistance ou le collaborationnisme, ou de rester neutres. La manière dont je perçois le personnage principal... La manière dont il est introduit, pour moi, et je trouve que ça n'a pas été souvent mis en avant dans les critiques du film. On dit souvent que le personnage est complètement neutre, et effectivement il est sans idéologie, et du coup ça lui permet de passer d'un camp à l'autre sans trop se poser de questions. Pour autant, l'introduction avec le fait qu'il va s'armer, avec un lance-pierre tout d'abord, pour tuer un oiseau innocent qui fait que chantonner, par la fenêtre. Est-ce que, quelque part, Louis Mal... donne pas peut-être un indice sur qui il est aussi. C'est quelqu'un qui cherche un peu l'aventure et qui a peut-être un instinct un petit peu violent.
- Speaker #3
Tout à fait. La Combe Lucien est un film qui s'inscrit dans le coming of age, avec un personnage sans éducation, je l'ai dit tout à l'heure. Il ne sait pas ce qu'est un franc-maçon et il emploie le mot bolchevique sans forcément le comprendre, par exemple. Mais il veut participer à quelque chose. Alors, la résistance le rejette. et il finit dans la collaboration pour sortir de l'adolescence et développer sa personnalité, soit sortir de son simple état civil. La comble, Lucien.
- Speaker #0
Voilà, en tout cas, ce qui est sûr, c'est que le film nous montre que c'est un concours de circonstances. D'abord, un refus de la part du résistant, du professeur, parce que Lucien est trop jeune, selon lui, et c'est en... littéralement ouvrant une porte qu'il va rencontrer les collaborationnistes. Qu'est-ce qu'elle nous dit cette image ?
- Speaker #3
Donc, ce qui est assez intéressant c'est qu'il ne choisit pas véritablement la collaboration finalement. La résistance le rejette, mais on sent qu'il s'est approché des résistances sans forcément savoir ce que c'était que la résistance. Il se retrouve dans la collaboration pour des raisons assez bassement matérialistes. C'est un soir, il fait nuit, il voit une magnifique maison de maître avec une belle lumière. Il entre, il pousse la porte, on l'accueille, on lui propose de l'alcool, on lui propose de faire un petit peu la fête, on lui présente une actrice. Ensuite, on va lui offrir un costume. Et c'est assez intéressant parce qu'à cette époque, se faire tailler un beau costume, c'est un passage obligé dans la vie d'un jeune homme. Et c'est comme ça qu'il va devenir un homme.
- Speaker #0
Et aussi, ce qu'il faut préciser, c'est que celui qui va lui tailler le costume, c'est un tailleur juif. Et en plus, il a une fille.
- Speaker #3
Tout à fait. Et cette fille, il va en tomber amoureux. Et là, on a, si tu veux, une succession de paradoxes, puisqu'on a une fille juive qui tombe amoureuse, si on veut, de ce garçon, qui est quand même assez violent, on l'a dit tout à l'heure. Et il va réussir quand même à sacrément manipuler son entourage, jusqu'au moment où même son propre père, son propre éventuel beau-père, si on veut, lui dit c'est curieux, je n'arrive pas tout à fait à vous détester Et je précise que je crois que cette phrase, elle en dit long sur la plupart de ceux qui pouvaient se retrouver collaborateurs, en définitive.
- Speaker #0
Oui, parce qu'au-delà du choix pseudo-idéologique, dans son cas, qui est fait, Il n'en reste pas moins un bon garçon dans le sens où il a l'air de sincèrement aimer cette fille. Et il faut redire le prénom justement de la fille du tailleur, elle s'appelle France. Ce n'est pas anodin, c'est volontaire.
- Speaker #3
Je ne sais pas si c'est volontaire, mais en tout cas, dans le contexte du film, ça résonne assez bien. Mais alors il faut quand même imaginer que dans les années 70, oser montrer un milicien qui agit sans haine et sans idéologie est une totale provocation.
- Speaker #0
Et il ne va pas s'arrêter à cette seule provocation puisqu'à un moment il va même montrer des miliciens de couleur.
- Speaker #3
En effet, oui. Alors là Louis Malle il ose faire du wokisme à la Netflix dans les années 70 puisqu'on a quand même un collaborationniste noir dans le film. Ça c'est assez surprenant.
- Speaker #0
Pourquoi il a fait ça ?
- Speaker #3
Alors là, je suis incapable de répondre. Je suis incapable de répondre à cette question. Moi, je pense que c'était une société totalement post-raciale, ce que nous n'avons plus aujourd'hui, qu'on a perdu, et que par conséquence, ne posait pas ce genre de questions à cette époque et on ne voyait pas trop où était le problème. Aujourd'hui, je pense que ça ferait du bruit quand même.
- Speaker #0
Je me demande, en faisant quelques recherches, je me demande si, par-delà la provocation... C'était pas aussi pour faire réfléchir sur le fait que l'idéologie, justement, n'avait pas forcément de couleur dans un sens ?
- Speaker #3
Je sais pas, c'est vrai, peut-être. En tout cas, ça appuie, si je crois, le message du film, à savoir on tombe dans la collaboration un peu par hasard. Et on aurait tendance, effectivement, à penser qu'ils étaient... tous extrêmement racistes, je pense pas, en fin de compte. C'était pas forcément le racisme qui les animait, c'était pas le nationalisme non plus, puisque le pays est occupé et il semble quand même assez bien s'en accommoder, c'était autre chose, et ça, faire passer ce message-là... à cette époque en disant bah écoutez les pires criminels de guerre ne sont pas forcément animés par ce que vous croyez à cette époque ça peut choquer et j'écoutais l'autre jour un influenceur qui s'appelle se fait appeler la cartouche et il disait l'idéologie est un peu à l'idée ce que mcdo est à la gastronomie ça se mange plus vite et ça coûte moins cher donc ce film a suscité des énormes réactions je lis une critique là qui est d'un certain jean delmas et il dit ceci On revendique ici le droit manichéen de penser qu'un salaud est un salaud, que ce salaud soit un pauvre type et un con. Il se laisse avoir par la Gestapo en juin 1944, après le débarquement allié, alors que la présence de la radio dans le film ne le laisse pas oublier. Cela ne change rien à ce sentiment. L'inconscience n'est pas une circonstance atténuante, mais une circonstance aggravante. De plus, on ne parvient pas à s'intéresser pendant deux heures à une larve. voilà ce qu'on écrivait sur le film. Mais là, on a envie de sortir un Ok, Boomer, toi, t'es pas fait pour comprendre certaines subtilités du monde. Et aujourd'hui, bon, il est diffusé sur Arte actuellement le film, c'est-à-dire qu'on a réussi un petit peu à se libérer de certains prêts-à-penser et on ose diffuser ce type de film.
- Speaker #0
Tu reparles justement un petit peu du contexte historique pendant lequel se déroule le film. Qu'est-ce qu'on peut en dire de plus ? Là, on a revu un petit peu la symbolique de certains personnages, mais dans le contexte de l'occupation, qu'est-ce qui se passe sous Vichy ?
- Speaker #3
Sous Vichy, il se passe, dans un premier temps, on donne les pleins pouvoirs aux maréchals, on forme des gouvernements qui sont en réalité entièrement autour de personnalités centristes. Beaucoup sont des radicaux socialistes. Et puis, là, dans le film, par contre, on ne parle pas de ça. On parle un peu du Vichy d'en bas, avec les collaborationnistes, la milice. Et là, la milice, elle est quand même plus d'extrême droite que du centre. Et on le fait à travers des Français ordinaires, qui justement ne sont pas des Français qui lisent beaucoup les journaux, qui ne savent pas trop, qui ne suivent pas beaucoup l'actualité. qui n'ont pas beaucoup d'éducation. Donc il y a un parti-prix qui est un petit peu différent. Maintenant, il y a quelque chose qu'on trouve dans le film, que je trouve très intéressant, c'est que comme on a une France finalement populaire, une France de la province, il ne faut pas oublier qu'à cette époque, le média, le grand média de masse, ce n'est pas encore tout à fait la télévision, mais c'est le cinéma et la radio. Et aussi bien le cinéma que la radio sont admises sous la coupe de Vichy. Et il y a un extrait très intéressant dans le film où on entend que l'une des femmes qui grenouille autour de ces miliciens est une ancienne actrice. Et lorsqu'elle parle, on entend en arrière-fond la radio et on a même un personnage qui dit Il faudrait aussi écouter Radio Londres parce qu'il faut avoir aussi l'autre versant.
- Speaker #1
C'est un beau lieu,
- Speaker #3
il s'est passé par là. Je suis allée quand je fais du cinéma,
- Speaker #1
Lucien. Ah bon ?
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #0
L'année dernière,
- Speaker #3
j'ai eu un très beau rôle dans Nuit d'orange, avec Yvon Neubert. Alors, on peut voir au cinéma ? À Paris,
- Speaker #0
vous pourriez,
- Speaker #1
Lucien.
- Speaker #0
Malheureusement dans ce trou, il ne passe que des vieux films.
- Speaker #3
Et puis... Ce qui est intéressant c'est que pendant la guerre, on était, on va dire, endormis par des médias de masse pour nous expliquer que tout va bien, de dormir Madame la Marquise, mais que l'après-guerre ne sera pas un moment... de grande lucidité non plus. D'abord il y aura une purge et des procès de la collaboration, mais ces procès, et c'est ça qui est intéressant, ce sont des procès expéditifs, et les verdicts sont assez aléatoires. On condamne Braziac à mort pour ses écrits, mais à l'inverse. l'inverse, René Bousquet est acquitté alors qu'il était chef de la police et qu'il avait organisé la rafle du Veldiv. Et donc, si on veut, lorsque Louis Malle prépare ce film, on est après la guerre, mais il n'a pas fondamentalement affaire à une population qui va beaucoup l'aider pour préparer ce film, d'où sa réception. Il va lui-même un petit peu tomber dans les clichés de son temps, puisqu'il va même aller jusqu'à inviter... un jour Jean-Marie Le Pen en étant persuadé qu'il avait été un ancien Waffen-SS et on a un extrait où Jean-Marie Le Pen en parlait lors d'une interview.
- Speaker #1
Quand il y a une histoire de cinéma, un jour, je suis invité à déjeuner par Louis Malle. Et moi, que ce n'est pas Louis Malle, j'ai toujours plaisir à connaître des gens, même pas se déloigner de moi, par le métier ou par l'âge ou par... le parcours, je suis curieux des gens. Et alors, il me dit, Monsieur Le Pen, mon invitation n'est pas tout à fait innocente. Car je vais faire un film sur la résistance, et comme je sais que vous êtes un... ancien officier de la fnss n'arrête jamais et il me dit je ne suis pas la dentelle visite et me dit monsieur le pen tout paris c'est monsieur vous pouvez vous dire qu'il croit parce que j'ai dit vous avez donné une permette d'été dans cette élite d'abord parce que j'avais 16 ans en 40 17 c'est en 45, et que le peu que j'ai fait, je ne l'ai pas fait dans ce camp-là, mais dans l'autre. Alors je n'ai rien de commun avec les Raffaelles SS. C'était pour le centime de la conduite syrienne. Absolument, mais quand même, comme j'ai approché un petit peu la vie de l'occupation dans mon adolescence, je peux peut-être vous dire ce qu'on pensait quand on avait 14 ans.
- Speaker #3
Voilà ce que disait le Marilyn Manson de La République à propos de louis mal lorsqu'il l'avait approché pour lui présenter la comble ucien pourquoi tu penses qu'aujourd'hui il serait intéressant de reparler de ce film et que les générations d'aujourd'hui le voit
- Speaker #0
Pourquoi est-ce que c'est intéressant ? Je ne sais pas si les générations d'aujourd'hui fondamentalement se passionnent véritablement pour cette période. En réalité, cette période, je parle du contexte de la France, il est très particulier parce que, justement, il est en dehors finalement des idéologies auxquelles on pensait. Et aujourd'hui, on se traite de fascistes à tort et à travers. Peut-être qu'on devrait voir un petit peu un film sur cette période qui était quand même dominée. par ces idéologies-là, mais où les pires crimes finalement sont commis par des gens qui ne savent même pas ce que c'est que le mot. Et ça, je pense que c'est intéressant, parce que si on doit prévenir les horreurs de demain, il ne faut pas oublier qu'elles ne vont pas se passer de la même manière. Actuellement, il y a un génocide qui se passe contre les Ouïghours. Que fait le gouvernement chinois ? Il n'a pas rouvert Auschwitz, il a enfermé... des femmes il les a il les a excisés il a fait en sorte qu'elles ne puissent plus faire d'enfants et on se retrouve aujourd'hui avec une population qui peut disparaître après ces procès dans les médias et chez les français en général il s'en suit une atmosphère digne de l'enfance d'Harry Potter les collabos sont des tu sais qui et par extension un je ne veux pas trop savoir quoi dont les médias sont les relais le nouveau média de masse et la télévision dominée par l'État dirigé par la figure résistante du général de Gaulle dès 1958, qui était l'homme du 18 juin, et les JT étaient validées par le ministère de l'Information. Quant à la presse écrite, elle est dominée par les communistes, le parti des 75 000 fusillés. On se satisfait du mythe d'une France entièrement résistante. Et c'est dans ce contexte-là qu'arrive Louis Malle avec la Comte Blussien.
- Speaker #1
D'ailleurs, il y a également un extrait de Mitterrand, un extrait de télé. où justement il y a ce sous-entendu que la France n'aurait pas été entièrement résistante, que toute la France n'a pas été entièrement résistante.
- Speaker #0
Disons que Mitterrand n'a jamais reconnu les crimes de Vichy, mais néanmoins, quand on lui pose la question, il reste assez lucide.
- Speaker #2
Grâce aux historiens américains comme Paxton, il y a quelques années, des livres passionnants qu'on avait interrogés récemment à la télé, et tant d'historiens français, il n'y a plus de censure pratiquement. autour de cette période de notre histoire. Vous avez été témoin, vous avez été acteur.
- Speaker #3
Il n'y a pas de censure, en tout cas, depuis les 14 ou 14 ans que je suis là.
- Speaker #2
Oui, mais le mouvement avait commencé, je veux dire, avant, parce qu'il y a des historiens qui ont voulu voir tel ou tel aspect.
- Speaker #3
Ça a été assez longtemps difficile, parce qu'un des premiers éléments de la législation de l'après-guerre, c'était d'interdire d'évoquer un certain nombre de faits pendant 30 ans. Vous imaginez, ce n'était pas tenable pour les historiens.
- Speaker #2
Vous voulez dire que... C'est à cause de ça qu'en dehors de quelques exceptions grandioses, on a tous cru que nous étions 45 millions de résistants.
- Speaker #3
Je préfère comme vous et sourire. Les vrais résistants, eux, savent très bien à quoi se fier.
- Speaker #2
C'est-à-dire ?
- Speaker #3
Ils se reconnaîtront dans ce que je viens de déclarer.
- Speaker #2
Au bout du compte, quel est votre propre jugement sur le régime de Vichy ? Est-ce qu'il y a des choses qui sont aujourd'hui, vous, condamnables, et je veux dire irréparables ?
- Speaker #3
Écoutez, ça fait combien de fois que je le dis, la première chose condamnable pour Vichy, c'est d'avoir tiré un trait sur la République, qui était un acte vraiment intolérable.
- Speaker #1
Alors, pour reparler du personnage principal, on l'a dit, il commence par s'armer avec un lance-pierre, après il va passer au pistolet, avec lequel il va menacer le tailleur juif, et ensuite il va même terminer avec une espèce de sulfateuse, une mitraillette, vers la fin du film. A chaque fois, il y a également des scènes... où il se met en mode chasseur, comme un jeu. Il tue l'oiseau au lance-pierre, et avec la sulfateuse, il essaye de tirer sur un lapin. Au milieu du film, toujours, il va dépecer... Non, on ne dit pas dépecer, il déplumer un poulet. Qu'est-ce que ça veut dire, ces petites scènes très courtes où justement, il y a l'utilisation d'armes et d'animaux ? Est-ce qu'il y a un parallèle à faire avec d'autres personnages ?
- Speaker #0
Alors, avec d'autres personnages du film, non. Moi, je pense que, comme j'ai dit, le film est dans le coming of age. Donc, on a un personnage, effectivement, qui a une violence en lui, mais qui, au fond, est une violence assez normale chez un jeune homme qui se trouve dans un milieu rural à cette époque. chasser, ça fait un peu partie des mœurs. On fait beaucoup avec ce que la nature nous donne, donc il y a le potager, mais il y a aussi la chasse. Ce sont des rituels de passage à l'âge adulte assez classiques. Et donc, certes, c'est une violence. Alors, puisqu'il va devenir petit à petit un criminel, on pourrait penser que c'est très lié, mais moi je ne pense pas, je pense tout simplement que c'est un garçon qui se cherche et qui essaye de devenir quelqu'un, de sortir. de son simple état civil.
- Speaker #1
Oui, en plus, on sent quand même que c'est un jeu un petit peu, ce jeu de chasseur.
- Speaker #0
C'est un jeu. C'est un jeu pour lui. Et le problème, c'est qu'il va très froidement jouer à la même chose avec des êtres humains. Il va commencer à faire chanter un petit peu son encourage, notamment la famille de sa petite amie. Maintenant, le paradoxe du personnage, c'est que le même personnage va envoyer à une mort certaine... notamment le père de sa petite amie, mais à l'inverse, il va sauver sa petite amie et leurs bonnes.
- Speaker #1
Alors, on le sait, Louis Malle, justement, il aime jouer avec ses questions sur la psyché humaine. Qu'est-ce qu'il essaye de nous dire à travers ce personnage de Lacombe Lucien ?
- Speaker #0
Non, ce qu'il essaye de nous dire, c'est qu'un personnage, en définitive, même dans une époque aussi tendue, Il peut être libre de toute idéologie et fondamentalement ne pas se rendre compte de ce qu'il est en train de faire. Et je crois qu'effectivement, il est très influençable dans son approche. D'ailleurs, on trouve un anti-Lacombe-Lucien dans le film Monsieur Batignolle. Ça c'est très intéressant, parce que Monsieur Batignolle, lui, finit résistant malgré lui. Là où on a... avec Lacan-Brucien, un collaborationniste, pas tout à fait malgré lui, mais qui s'ignore, un monsieur Jourdain de la milice.
- Speaker #1
Donc tu l'as dit, c'est un film coming of age, et justement il y a une forme d'itinéraire qui se dégage tout au long du film, où tout d'abord il y a la recherche de qui il est, de comment il se définit, et petit à petit, c'est avec la confrontation avec d'autres personnages, où on sent quand même qu'il se... Il se pose des questions. Et à certains moments, il va faire des choix aussi, des choix symboliques. Les collabos lui font croire qu'effectivement, les juifs sont un ennemi intérieur. Et au moment où il pourrait dénoncer son beau-père, finalement, il va essayer quand même de le défendre, de le protéger en le sortant du bar. Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'il le fait par amour pour sa fille ? pour la fille du tailleur ? Est-ce qu'il le fait parce que, justement, il réalise qu'il y a quand même un bien et un mal ? On a l'impression qu'il est un petit peu dépourvu aussi de ces nuances de bien et de mal.
- Speaker #0
C'est-à-dire qu'on rebondit sur ce que dit le père de sa petite amie, donc France. Au moment où il dit à Lucien, c'est curieux, je n'arrive pas tout à fait à vous détester. Et je crois que le personnage... Je crois qu'il est plus dans la volonté de puissance que dans la volonté de destruction. Il aime faire chanter son beau-père, il aime l'emploi des armes, il aime le manipuler, puis en même temps, il est amoureux de cette fille. Donc, il joue avec ça, mais il ne sait pas avec quoi il joue. Je pense qu'il est comme un chat qui fait souffrir une petite souris, et il ne se rend pas compte de ce sur quoi il est en train de mettre le doigt. Donc oui, il peut sauver. Il peut sauver des gens et il en sauve. Et il en sauve. Se sauvera-t-il lui-même ? Ça, il faut voir le film. Mais il ne les sauve ni il ne sauve ni il ne tue parce qu'il se croit à un moment ou un autre dans le camp du bien. C'est assez intéressant le film, la liste de Schindler. On met du temps à trouver le personnage, à avoir de la sympathie pour le personnage, pour le grand héros qu'il a été. Avec la comblutien, jamais. moment on se dit tiens il est dans le camp du bien non c'est juste on ne trouve pas totalement détestable et ça s'arrête là oui il ya un élément à titre personnel qui qui me fait pas apprécier le personnage mais en tout cas j'ai le sentiment de le comprendre on
- Speaker #1
l'a dit il vient déjà de la ruralité il est peu éduqué et c'est aussi un bien car quelque part notamment lorsqu'il est confronté à l'argent. Alors oui, il est intéressé par le pouvoir qui lui est donné par les collabos, et on l'habille bien. Pour autant, quand on lui remet de l'argent, ce n'est pas quelque chose qui est gravé en lui. Il n'a pas la notion de ce que représente l'argent. D'ailleurs, il ne compte jamais. À chaque fois, il prend des liasses de billets pour en donner à sa mère, pour en distribuer, même à son beau-père. le poser sur la table de la grand-mère, aussi dans l'appartement du tailleur juif. Et à la fin, tu emploies le mot il joue Ce verbe jouer vraiment, c'est un enfant. Il va étaler les billets comme des cartes. La grand-mère qui joue aux cartes, lui, il va étaler ses billets de banque qu'il a accumulés tout au long de son service pour les collabos. Et il regarde ça comme si c'était des cartes de collection. Donc, j'aime ce côté très naturaliste aussi. Il est éloigné. Il est éloigné. sur la fin du film, de tout ce qui est bien matériel, et il retourne vers la nature. La nature, c'est quand même aussi très présent dans le film. Comment tu vois, toi, de ton côté, quelle est l'interprétation que tu fais de ce fil continu, ce fil rouge naturel derrière le film ?
- Speaker #0
C'est-à-dire qu'effectivement, il joue avec de l'argent, un peu comme quand on joue au solitaire, aux cartes. Ça, c'est assez intéressant, ce qui démontre bien que... quand il n'a pas d'empathie, finalement, c'est qu'il a de la peine. Comme il n'a aucune sympathie pour autrui, c'est un personnage un petit peu vide, quand il joue avec l'argent, effectivement, on a l'impression qu'il joue au solitaire. Ça, c'est vrai que c'est assez intéressant. Et alors, la présence de la nature... Alors, la nature, au début du film, elle est montrée avec beaucoup de violence, puisque c'est à travers la chasse qu'il pratique. Tandis qu'à la fin du film, la nature est plutôt présentée comme étant le lieu où on va faire un pique-nique en famille. C'est juste que la famille qui est, si on veut, la sienne, n'est pas tout à fait la sienne, puisque c'est même pas une fiancée, France, finalement c'est un peu son premier amour, et puis c'est la bonne, et si le père de France n'est pas là, c'est parce que quand même, il l'a envoyée à une mort certaine. Donc la nature se manifeste de manière... il a un rapport violent avec la nature au début il veut la dominer et à la fin du film la nature se montre très douce et comme s'il était dans l'illusion de l'avoir dominée mais en réalité il ne l'a pas dominée puisque ensuite
- Speaker #1
Lucien la comble perdra la guerre il perdra la vie aussi et ça on le voit avec un panneau de fin de lui qui est dans cette nature, dans cette harmonie On a l'impression qu'il s'en sort, que la vie va être douce et belle, et le panneau nous rappelle que non, il va devoir affronter ses responsabilités pour les actes qu'il a commis.
- Speaker #0
On disait dans la presse, je cite un journaliste qui s'appelait Alexandre Astruc, et qui disait je ne cherche pas à établir si Pétain était bien traite, si Brasiac méritait la mort, si Maurras s'est rendu coupable d'intelligence avec l'ennemi, tout ce que je me propose d'établir. c'est que Moraz, Braziac et Pétain n'ont jamais été jugés. Donc on a plus une ambiance de vindicte. Et c'est pas tout à fait le propos du film, d'ailleurs, ces procès d'après-guerre. Mais d'ailleurs, voilà, le film finit comme ça. L'a-t-on vraiment jugé ? Non, il s'est fait tuer. Et il finit finalement comme un simple soldat, mort au combat et dans le mauvais camp.
- Speaker #1
Une dernière question Vincent, pour terminer notre entretien. Qu'est-ce que tu dirais à quelqu'un qui hésite justement à voir ce film ? Pourquoi il devrait le voir ?
- Speaker #0
Écoute, j'ai un ami qui me dit qu'il ne regarde aucun film sur la seconde guerre mondiale. Parce qu'il en a assez d'avoir toujours la même vision des choses, toujours le même point de vue, toujours les mêmes histoires qui sont ressassées. Et bien moi je crois que ce film... il propose un autre point de vue, celui de l'ordinaire des Français de cette époque. Voilà pourquoi je pense qu'il faut voir ce film.
- Speaker #1
C'est un très beau mot de la fin, et du coup, merci Vincent d'être venu dans le podcast pour présenter ce film qui t'a parlé à toi et qui, j'espère, parlera à d'autres personnes.
- Speaker #0
Merci Nicolas.
- Speaker #4
Je me sens le droit de dire, allons-nous éternellement entretenir saignantes ? Les plaies de nos désaccords nationaux, le moment n'est-il pas venu de jeter le voile, d'oublier ces temps où les Français ne s'aimaient pas, s'entre-déchiraient et même s'entre-tuaient. Et je ne dis pas ça, même s'il y a ici des esprits forts, par calcul politique, je le dis par respect de la France.
- Speaker #1
Cette nouvelle séance de rétro-ciné baisse le rideau. J'espère que cet épisode vous aura plu. et vous aura donné envie de découvrir ce film unique. Si c'est le cas, laissez-nous un commentaire sur YouTube ou Instagram et des étoiles sur Apple Podcasts. Votre soutien nous est précieux. Comme d'habitude, je vous laisse le lien vers le film en description, et je vous souhaite une bonne séance, en attendant de vous retrouver prochainement dans une nouvelle séance de rétro-ciné. Et voilà !