Description
Transcription
- Hélène Dumont
Vous êtes une femme, vous souhaitez donner du sens à votre sexualité de couple, en faire un lieu de partage, de joie et de ressources. Bonjour, je m'appelle Hélène Dumont, je suis conseillère conjugale et familiale, formée en thérapie sexuelle positive, maman de 6 enfants. Dans ce podcast, je vous ouvre les portes de mon cabinet pour vous partager avec simplicité les problématiques le plus souvent accompagnées afin que chacune puisse y puiser quelques pistes de réflexion, sans pression.
- Marie
Bonjour Hélène. Bonjour Marie. Aujourd'hui, vous allez nous parler de la question du désir, qui est la fameuse question. Vous m'avez dit avant l'enregistrement que c'était la question la plus posée en entretien. Mais en fait, elle est peut-être plus complexe et délicate que ce que l'on pense. Et vous allez nous en parler, toujours en partant de faits vrais de ces femmes que vous recevez en entretien et qui s'interrogent sur leur absence de désir sexuel.
- Hélène Dumont
Voilà exactement Marie, je vais d'ailleurs commencer en vous lisant ce mail que j'ai reçu d'une femme de 34 ans qui me dit : « Après par mon travail et nos deux jeunes enfants, je me suis peu à peu éloignée de la sexualité. À vrai dire, je n'ai plus de désir. Cela est source de dispute avec mon mari. Aujourd'hui, je pense avoir besoin d'aide. Je n'ai peut-être plus envie de faire l'amour, mais j'ai envie d'avoir envie. »
- Marie
Envie d'avoir envie. Moi, je ne vais pas chanter, mais ça y est, on a la chanson de Johnny Hallyday dans les oreilles. Merci Hélène. Plus sérieusement, dites-nous, est-ce que cette question du désir, elle revient vraiment très souvent dans vos entretiens ?
- Hélène Dumont
Oui, effectivement, la question du désir sexuel, c'est l'une des plaintes les plus fréquentes déposées en entretien. D'accord. Et on observe qu'elles provoquent une double souffrance, l'une personnelle et l'autre relationnelle. S'il y a souffrance, en fait, c'est parce que le couple n'est pas en accord avec le fait de faire l'amour. Alors, c'est peut-être une question de rythme. On ne fait pas assez souvent l'amour ou une question de complicité érotique. Une femme me disait, mon mari me demande des choses que je ne sais pas lui donner. En fait, les attentes ne sont pas les mêmes et cela provoque une tension au sein du couple.
- Marie
Au final, c'est tout le monde qui souffre en fait.
- Hélène Dumont
Voilà. La femme souffre de ne pas savoir répondre aux attentes de son mari, ce qui peut la contrarier ou la remettre en question, tout en la mettant aussi en colère de ne pas se sentir entendue dans son refus. Et les femmes qui disent manquer de désir redoutent du coup les sollicitations de leur mari, jusqu'à parfois inventer des stratagèmes pour ne pas avoir à y répondre, comme celui de se coucher plus tôt ou au contraire de se coucher plus tard.
- Marie
Et les hommes, qu'en disent-ils alors ?
- Hélène Dumont
De son côté, l'homme est frustré de ne pas être reçu, en tout cas quand il attend quelque chose. Mais frustration qu'il devra gérer au niveau émotionnel parce que ce n'est jamais évident de se prendre un vent, me disent-ils. Se prendre un vent, c'est une expression qui revient vraiment beaucoup. Mais ils devront aussi apprendre à la gérer au niveau physiologique, dans l'accueil et le dépassement de la tension sexuelle. Et à en croire les hommes, ce n'est ni facile, ni agréable. D'autant plus que les hommes sont aujourd'hui très attentifs à la notion de consentement, ce qui est fondamental, bien évidemment, dans une relation. Mais ce qui peut aussi les culpabiliser dans leurs demandes, notamment quand ils la réitèrent. Ce processus leur donne en fait l'impression d'être, pour reprendre leur mot, le mec qui a des pulsions, qui ne sait pas les gérer, qui a toujours envie, qui ne veut pas comprendre, etc.
- Marie
On imagine bien le tableau avec d'un côté la femme qui rumine plein de questions, mais l'homme aussi.
- Hélène Dumont
Et l'homme de son côté aussi. Le manque de désir au sein du couple provoque un malaise aussi bien du côté de la femme quand elle manque de désir que du côté de l'homme. Et chacun va venir réinterroger ce qu'il est. La femme se demande si elle est normale ou si elle est coincée, ce qui lui renvoie une image négative d'elle-même. Tandis que l'homme se demande si ce manque de désir est le résultat de sa propre incompétence. Il se dit peut-être que je suis nulle, peut-être que je ne sais pas faire, peut-être qu'elle ne m'aime plus. Ce qui va venir également bousculer son estime personnelle.
- Marie
On comprend mieux qu'il faille prendre au sérieux cette histoire de manque de désir parce qu'elle peut vraiment déstabiliser profondément le couple. Alors dites-nous, on parle de désir sexuel, mais qu'est-ce que c'est exactement ?
- Hélène Dumont
C'est une question quand même vraiment importante. Le désir sexuel, si on devait le définir, c'est plutôt un élan intérieur qui nous pousse à nous rapprocher de l'autre. Et cet élan dépend de plusieurs choses, aussi bien pour les hommes que pour les femmes d'ailleurs.
- Marie
Alors dites-nous de quoi il dépend ?
- Hélène Dumont
D'abord, il dépend des représentations que nous en avons. Par exemple, je constate régulièrement dans mes accompagnements que certaines femmes ont une représentation erronée du désir. Pour elle, le désir doit être nécessairement spontané, torride, intense ou pulsionnel. Ces représentations sont issues de la culture romantique, passionnelle, voire pornographique, ce qui provoque une confusion entre les notions d'amour, de désir et d'excitation sexuelle. Confusion qui finit par perdre les femmes. Si je n'ai pas de désir, me disent-elles, est-ce que cela signifie que je n'aime plus mon mari ? Ou encore, si je n'ai pas de lubrification au niveau du vagin quand nous faisons l'amour, est-ce que ça doit signifier que je n'ai plus de désir ?
- Marie
Oui, j'imagine que les choses sont plus complexes que ça et de quoi dépend encore le désir ?
- Hélène Dumont
Alors, le désir sexuel est en lien aussi avec notre image corporelle, c'est-à-dire en lien avec le regard que je pose sur mon propre corps. Par exemple, est-ce que j'aime mon corps ou au contraire, est-ce que je me sens complexée ? C'est clair. que si je n'aime pas mon corps, je vais avoir du mal à le vivre dans la relation sexuelle. En tous les cas, à le soumettre au regard ou aux caresses de l'autre et à recevoir ces mêmes caresses ou à recevoir ce même regard. Donc, les complexes, ce qu'il faut savoir, c'est que ça inhibe le désir.
- Marie
Oui, effectivement.
- Hélène Dumont
Voilà. Après, le désir sexuel est aussi en lien avec notre capacité à érotiser le corps. Le corps de l'autre, mais aussi notre corps. C'est-à-dire à investir le corps comme lieu de plaisir, d'excitation sexuelle, mais aussi de poésie, à la fois douce, coquine et parfois crue. Érotiser le corps de l'autre revient à assumer la force de son désir et là, on en revient aux représentations. Si j'ai une appréhension négative du désir, si je ne m'autorise pas à devenir une femme de désir, alors le processus d'érotisation est freiné. Une cliente, par exemple, me partageait que pour elle, le lieu du sexe était le lieu par lequel on urinait et par lequel on allait à la selle. Et que le fait de changer les couches de sa fille, tous les jours, le lui rappelait de façon quotidienne. Difficile pour elle d'investir ce lieu avec engouement, quand bien même elle aime son mari. En fait, pour elle, le sexe est appréhendé, non pas comme quelque chose de forcément mauvais, mais plutôt de pragmatique et de fonctionnel.
- Marie
Et puis j'imagine aussi que le désir dépend de la qualité de la relation entretenue avec le conjoint. On l'a déjà un petit peu dit, mais c'est très important.
- Hélène Dumont
Oui, alors ça, c'est même évident. C'est sûr que quand il y a de la rancœur, de la colère, une mauvaise communication, plus beaucoup d'admiration, le désir sexuel est plus difficile à faire émerger. On n'a plus trop envie de découvrir l'autre. Ça, c'est sûr. Mais le désir sexuel dépend aussi de notre hygiène de vie. Et ça, on ne le dit pas. Assez souvent.
- Marie
Oui, effectivement.
- Hélène Dumont
C'est un point quand même très important. Le désir est vraiment fragile. Et tout ce qui va être de l'ordre de l'alcool, la cigarette, la fatigue, le stress, l'alimentation, le fait de se laver aussi, tout ça, ça conditionne le désir. D'accord. Et c'est régulièrement qu'en entretien, des personnes se plaignent du manque d'hygiène de leur conjoint. Donc, bah ouais, il faut se laver, il faut être propre. Bah ouais. pour que l'autre ait envie de nous désirer, de nous embrasser. Et petite parenthèse, il faut se laver les dents matin et soir, ça c'est mieux pour les baisers.
- Marie
C'est un petit rappel bien utile.
- Hélène Dumont
C'est sûr. Voilà, en tout cas le désir aussi, ce qu'on peut ajouter, c'est qu'il ne supporte pas la pression psychologique comme celle de réussir sa sexualité ou celle de jouir absolument. Ces injonctions sont vraiment chères à notre société hypersexualité. Mais du coup, ça crée une angoisse de performance latente. Et cette pression, cette angoisse, elle inhibe le désir. Les personnes se disent, je ne serai jamais assez bien, du coup j'abandonne. Et dernier point, certaines maladies comme le diabète, les problèmes de thyroïde, les dépressions ont un impact sur le désir. Et dans ce cas, il faut vraiment s'adresser à un professionnel de santé pour tenter de... de les résoudre, en tout cas si on en ressent le besoin.
- Marie
Donc on se rend bien compte que le désir sexuel est multifactoriel, qui dépend aussi bien de la qualité de la relation avec le conjoint que de paramètres purement physiques, et aussi de ces fameuses représentations mentales que nous avons évoquées dans le premier épisode, forgées par notre histoire, la société dans laquelle on vit, etc.
- Hélène Dumont
Exactement, mais ce n'est pas tout. Ce désir, il est bien compliqué. Le désir se nourrit aussi de mystères, de distances. Il apprécie l'aventure. peps et la fantaisie. Et le désir a besoin de légèreté et de prendre son temps.
- Marie
Il est compliqué, ça !
- Hélène Dumont
Il faut en prendre soin, en fait. C'est vrai que cette façon de fonctionner, légère, mystérieuse, elle se trouve aux antipodes de nos vies modernes, qui sont speed, pleines, pas toujours légères, et en tout cas axées sur le résultat. Ce qui laisse peu de place, finalement, au désir. Et quand une femme vient questionner son désir sexuel en entretien, L'agenda fait partie de nos réflexions.
- Marie
Vous lui demandez de quoi sont remplies ces journées ?
- Hélène Dumont
Oui, carrément. Même parfois, on prend l'agenda et je leur demande comment sont organisées vos journées ? Quelle place pour la légèreté ? Quelle place pour se ressourcer, pour se faire du bien ? Et puis, quelle place pour le couple quand même ? Ça, ça semble évident. Quelle place pour se désirer ?
- Marie
J'imagine que ces femmes doivent vous rétorquer que l'amour stable qu'elles souhaitent construire avec leur conjoint a aussi besoin de prévisibilité, de stabilité, de routine. Et que c'est incompatible avec ce désir qui se nourrit de mystères, d'aventures. On voit mal des couples avec des enfants partir,
- Hélène Dumont
s'évader pendant un moment. Alors c'est vrai que ces notions de stabilité, de routine sont sécurisantes bien évidemment parce qu'elles permettent à l'amour de s'ancrer dans le quotidien et de se projeter dans une histoire qui ait du sens. En fait, l'idée c'est de retrouver un juste équilibre entre la légèreté et puis quelque chose de beaucoup plus routinier. Voilà, aussi ce que je voulais ajouter c'est que le désir ne cesse de fluctuer, c'est-à-dire tout au long de la vie, il faut quand même le repérer. Il a ses hauts et ses bas et en fonction des événements... Cela est tout à fait normal.
- Marie
Je voudrais revenir à la notion d'excitation sexuelle que vous avez évoquée tout à l'heure. Quelle est la différence avec le désir ?
- Hélène Dumont
C'est vrai qu'il y a souvent une confusion entre le désir et l'excitation sexuelle. Même si je reconnais que ces notions sont profondément liées, on ne sait jamais trop si c'est le désir qui provoque une excitation sexuelle ou si c'est l'inverse, il est bon de savoir les différencier. Si le désir est plus cérébral, L'excitation sexuelle est plutôt une réponse physiologique, plus ou moins réflexe, à un processus psychologique, émotionnel, sensoriel ou biologique. Si vous voulez, au niveau physiologique, l'excitation sexuelle féminine se traduit par la lubrification du vagin, par sa dilatation, son allongement. Les lèvres extérieures de la vulve s'écartent, le clitoris se gonfle et s'allonge, ainsi que les lèvres internes. L'utérus s'élève un petit peu. Et certaines femmes vont observer une augmentation du volume de leur sein, une érection des mamelons, la peau peut rougir, le rythme cardiaque peut s'accélérer. Et l'apparition de ces modifications sont justement des signes concrets de l'excitation sexuelle. Mais, parce qu'il y a quand même toujours un mais, on a décidé d'être concrètes. Mais, les naissances, la ménopause, le cycle menstruel. un épisode de fatigue, une maladie, sont autant de choses qui vont avoir un impact sur le fonctionnement du corps de la femme et notamment au niveau de la lubrification. Ce qui peut provoquer un trouble de la lubrification ou une sécheresse vaginale. Et dans ce cas, la sécheresse vaginale ne signifie pas que je n'ai plus de désir, mais elle est plutôt la conséquence d'un événement spécifique qu'il s'agit de repérer du coup. En revanche, Les sensations désagréables dues au manque d'humidification du vagin, voire les douleurs ressenties qui en découlent au moment de la pénétration, peuvent créer une appréhension pour la femme qui, peu à peu, se détourne du désir de faire l'amour. Donc, il faut bien comprendre la plainte de la femme pour pouvoir l'accompagner.
- Marie
Et à l'inverse, j'imagine que « excitation » ne veut pas forcément dire « désir » .
- Hélène Dumont
Exactement. On pense souvent que la lubrification, par exemple, est le signe du désir et du consentement. Or, la lubrification peut apparaître comme un réflexe de défense. C'est ainsi qu'une femme, par exemple, une femme violée, peut se lubrifier. Sous l'effet du traumatisme, son corps se met en fait en état d'alerte et de protection instinctive pour éviter, atténuer la douleur de la pénétration. Et dans ce contexte, la lubrification n'est jamais, jamais le signe du désir, du plaisir ou d'un... consentement.
- Marie
On comprend bien que désir ne veut pas dire excitation et vice-versa, même si l'un peut appeler l'autre, bien sûr. C'est vraiment apaisant de savoir cela. Et du coup, maintenant qu'on connaît bien les choses, qu'on les saisit mieux, qu'est-ce que vous proposez de faire pour remédier à une absence de désir ?
- Hélène Dumont
Il y a plein de choses qu'on peut proposer, mais déjà, j'invite les femmes à faire un état des lieux honnête, à se poser ces questions. Et moi, j'en suis où par rapport au désir ? Où sont mes points de blocage et mes points d'appui ? Comment est-ce que je pourrais me mettre en mouvement ? Juste une toute petite chose. Qu'est-ce que je pourrais changer dans ma vie quotidienne ? Juste une petite chose pour laisser un peu de place au désir. Des petites choses bien concrètes. Est-ce que je dois arrêter les écrans ? Est-ce que je dois dormir un peu plus ? Est-ce que je dois travailler mon image corporelle ? Et si je parlais à mon conjoint aussi ? Si j'essayais avec lui d'améliorer notre communication ? Et puis peut-être aussi de me documenter sur ces histoires de désir. et de sexualité.
- Marie
Et par rapport à l'excitation sexuelle ?
- Hélène Dumont
Par rapport à l'excitation sexuelle, j'invite les femmes à prendre conscience du processus et à le comprendre pour l'accompagner sans en avoir peur. C'est-à-dire, je prends conscience de ce qui se passe dans mon corps, je déplace ma conscience dans mon bassin, en fait, dans ma vulve, et j'essaye de me concentrer sur ce que je ressens, sur les modifications, sur ce que je vis. En tout cas, ce sont des choses que je... J'interroge en entretien, je dis aux femmes, est-ce que vous sentez qu'il y a des choses qui se passent au niveau de votre sexe ? Parfois elles me disent, ben non. Et ce qui est très intéressant, c'est que l'homme parfois répond, ben si. Donc voilà.
- Marie
Il y a une prise de conscience à avoir et une prise de conscience un peu moins cérébrale, comme souvent les femmes l'ont. Et alors, quels seront les bénéfices de cet état des lieux ?
- Hélène Dumont
Ce retour en soi, à la fois corporel et émotionnel, et émotionnel est une excellente façon de mieux se connaître. Alors, il n'est pas toujours évident parce que cela demande de se mettre en mouvement et de pouvoir éventuellement parler avec son conjoint. Mais c'est une opportunité pour faire grandir sa sexualité, pour en devenir actrice et surtout remettre de l'élan au sein du couple.
- Marie
Super. Merci beaucoup Hélène.
- Hélène Dumont
Merci de nous avoir écoutées. Si ce podcast vous a plu, n'hésitez pas à le partager autour de vous, à vos soeurs, vos amis, pour qu'elles puissent en bénéficier. Vous pouvez aussi mettre une note de 5 étoiles et un commentaire sur Apple Podcast ou iTunes si vous écoutez l'épisode grâce à cette plateforme afin que le podcast soit connu par le plus de femmes possible. Et si vous êtes branché réseaux sociaux, rejoignez-nous sur le compte Instagram des podcasts de Familles Chrétiennes et sur le groupe dédié au podcast sur la page Facebook de Familles Chrétiennes. N'hésitez pas à faire part de vos interrogations, de vos remarques et suggestions. Et à la semaine prochaine !
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- Hélène Dumont
Vous êtes une femme, vous souhaitez donner du sens à votre sexualité de couple, en faire un lieu de partage, de joie et de ressources. Bonjour, je m'appelle Hélène Dumont, je suis conseillère conjugale et familiale, formée en thérapie sexuelle positive, maman de 6 enfants. Dans ce podcast, je vous ouvre les portes de mon cabinet pour vous partager avec simplicité les problématiques le plus souvent accompagnées afin que chacune puisse y puiser quelques pistes de réflexion, sans pression.
- Marie
Bonjour Hélène. Bonjour Marie. Aujourd'hui, vous allez nous parler de la question du désir, qui est la fameuse question. Vous m'avez dit avant l'enregistrement que c'était la question la plus posée en entretien. Mais en fait, elle est peut-être plus complexe et délicate que ce que l'on pense. Et vous allez nous en parler, toujours en partant de faits vrais de ces femmes que vous recevez en entretien et qui s'interrogent sur leur absence de désir sexuel.
- Hélène Dumont
Voilà exactement Marie, je vais d'ailleurs commencer en vous lisant ce mail que j'ai reçu d'une femme de 34 ans qui me dit : « Après par mon travail et nos deux jeunes enfants, je me suis peu à peu éloignée de la sexualité. À vrai dire, je n'ai plus de désir. Cela est source de dispute avec mon mari. Aujourd'hui, je pense avoir besoin d'aide. Je n'ai peut-être plus envie de faire l'amour, mais j'ai envie d'avoir envie. »
- Marie
Envie d'avoir envie. Moi, je ne vais pas chanter, mais ça y est, on a la chanson de Johnny Hallyday dans les oreilles. Merci Hélène. Plus sérieusement, dites-nous, est-ce que cette question du désir, elle revient vraiment très souvent dans vos entretiens ?
- Hélène Dumont
Oui, effectivement, la question du désir sexuel, c'est l'une des plaintes les plus fréquentes déposées en entretien. D'accord. Et on observe qu'elles provoquent une double souffrance, l'une personnelle et l'autre relationnelle. S'il y a souffrance, en fait, c'est parce que le couple n'est pas en accord avec le fait de faire l'amour. Alors, c'est peut-être une question de rythme. On ne fait pas assez souvent l'amour ou une question de complicité érotique. Une femme me disait, mon mari me demande des choses que je ne sais pas lui donner. En fait, les attentes ne sont pas les mêmes et cela provoque une tension au sein du couple.
- Marie
Au final, c'est tout le monde qui souffre en fait.
- Hélène Dumont
Voilà. La femme souffre de ne pas savoir répondre aux attentes de son mari, ce qui peut la contrarier ou la remettre en question, tout en la mettant aussi en colère de ne pas se sentir entendue dans son refus. Et les femmes qui disent manquer de désir redoutent du coup les sollicitations de leur mari, jusqu'à parfois inventer des stratagèmes pour ne pas avoir à y répondre, comme celui de se coucher plus tôt ou au contraire de se coucher plus tard.
- Marie
Et les hommes, qu'en disent-ils alors ?
- Hélène Dumont
De son côté, l'homme est frustré de ne pas être reçu, en tout cas quand il attend quelque chose. Mais frustration qu'il devra gérer au niveau émotionnel parce que ce n'est jamais évident de se prendre un vent, me disent-ils. Se prendre un vent, c'est une expression qui revient vraiment beaucoup. Mais ils devront aussi apprendre à la gérer au niveau physiologique, dans l'accueil et le dépassement de la tension sexuelle. Et à en croire les hommes, ce n'est ni facile, ni agréable. D'autant plus que les hommes sont aujourd'hui très attentifs à la notion de consentement, ce qui est fondamental, bien évidemment, dans une relation. Mais ce qui peut aussi les culpabiliser dans leurs demandes, notamment quand ils la réitèrent. Ce processus leur donne en fait l'impression d'être, pour reprendre leur mot, le mec qui a des pulsions, qui ne sait pas les gérer, qui a toujours envie, qui ne veut pas comprendre, etc.
- Marie
On imagine bien le tableau avec d'un côté la femme qui rumine plein de questions, mais l'homme aussi.
- Hélène Dumont
Et l'homme de son côté aussi. Le manque de désir au sein du couple provoque un malaise aussi bien du côté de la femme quand elle manque de désir que du côté de l'homme. Et chacun va venir réinterroger ce qu'il est. La femme se demande si elle est normale ou si elle est coincée, ce qui lui renvoie une image négative d'elle-même. Tandis que l'homme se demande si ce manque de désir est le résultat de sa propre incompétence. Il se dit peut-être que je suis nulle, peut-être que je ne sais pas faire, peut-être qu'elle ne m'aime plus. Ce qui va venir également bousculer son estime personnelle.
- Marie
On comprend mieux qu'il faille prendre au sérieux cette histoire de manque de désir parce qu'elle peut vraiment déstabiliser profondément le couple. Alors dites-nous, on parle de désir sexuel, mais qu'est-ce que c'est exactement ?
- Hélène Dumont
C'est une question quand même vraiment importante. Le désir sexuel, si on devait le définir, c'est plutôt un élan intérieur qui nous pousse à nous rapprocher de l'autre. Et cet élan dépend de plusieurs choses, aussi bien pour les hommes que pour les femmes d'ailleurs.
- Marie
Alors dites-nous de quoi il dépend ?
- Hélène Dumont
D'abord, il dépend des représentations que nous en avons. Par exemple, je constate régulièrement dans mes accompagnements que certaines femmes ont une représentation erronée du désir. Pour elle, le désir doit être nécessairement spontané, torride, intense ou pulsionnel. Ces représentations sont issues de la culture romantique, passionnelle, voire pornographique, ce qui provoque une confusion entre les notions d'amour, de désir et d'excitation sexuelle. Confusion qui finit par perdre les femmes. Si je n'ai pas de désir, me disent-elles, est-ce que cela signifie que je n'aime plus mon mari ? Ou encore, si je n'ai pas de lubrification au niveau du vagin quand nous faisons l'amour, est-ce que ça doit signifier que je n'ai plus de désir ?
- Marie
Oui, j'imagine que les choses sont plus complexes que ça et de quoi dépend encore le désir ?
- Hélène Dumont
Alors, le désir sexuel est en lien aussi avec notre image corporelle, c'est-à-dire en lien avec le regard que je pose sur mon propre corps. Par exemple, est-ce que j'aime mon corps ou au contraire, est-ce que je me sens complexée ? C'est clair. que si je n'aime pas mon corps, je vais avoir du mal à le vivre dans la relation sexuelle. En tous les cas, à le soumettre au regard ou aux caresses de l'autre et à recevoir ces mêmes caresses ou à recevoir ce même regard. Donc, les complexes, ce qu'il faut savoir, c'est que ça inhibe le désir.
- Marie
Oui, effectivement.
- Hélène Dumont
Voilà. Après, le désir sexuel est aussi en lien avec notre capacité à érotiser le corps. Le corps de l'autre, mais aussi notre corps. C'est-à-dire à investir le corps comme lieu de plaisir, d'excitation sexuelle, mais aussi de poésie, à la fois douce, coquine et parfois crue. Érotiser le corps de l'autre revient à assumer la force de son désir et là, on en revient aux représentations. Si j'ai une appréhension négative du désir, si je ne m'autorise pas à devenir une femme de désir, alors le processus d'érotisation est freiné. Une cliente, par exemple, me partageait que pour elle, le lieu du sexe était le lieu par lequel on urinait et par lequel on allait à la selle. Et que le fait de changer les couches de sa fille, tous les jours, le lui rappelait de façon quotidienne. Difficile pour elle d'investir ce lieu avec engouement, quand bien même elle aime son mari. En fait, pour elle, le sexe est appréhendé, non pas comme quelque chose de forcément mauvais, mais plutôt de pragmatique et de fonctionnel.
- Marie
Et puis j'imagine aussi que le désir dépend de la qualité de la relation entretenue avec le conjoint. On l'a déjà un petit peu dit, mais c'est très important.
- Hélène Dumont
Oui, alors ça, c'est même évident. C'est sûr que quand il y a de la rancœur, de la colère, une mauvaise communication, plus beaucoup d'admiration, le désir sexuel est plus difficile à faire émerger. On n'a plus trop envie de découvrir l'autre. Ça, c'est sûr. Mais le désir sexuel dépend aussi de notre hygiène de vie. Et ça, on ne le dit pas. Assez souvent.
- Marie
Oui, effectivement.
- Hélène Dumont
C'est un point quand même très important. Le désir est vraiment fragile. Et tout ce qui va être de l'ordre de l'alcool, la cigarette, la fatigue, le stress, l'alimentation, le fait de se laver aussi, tout ça, ça conditionne le désir. D'accord. Et c'est régulièrement qu'en entretien, des personnes se plaignent du manque d'hygiène de leur conjoint. Donc, bah ouais, il faut se laver, il faut être propre. Bah ouais. pour que l'autre ait envie de nous désirer, de nous embrasser. Et petite parenthèse, il faut se laver les dents matin et soir, ça c'est mieux pour les baisers.
- Marie
C'est un petit rappel bien utile.
- Hélène Dumont
C'est sûr. Voilà, en tout cas le désir aussi, ce qu'on peut ajouter, c'est qu'il ne supporte pas la pression psychologique comme celle de réussir sa sexualité ou celle de jouir absolument. Ces injonctions sont vraiment chères à notre société hypersexualité. Mais du coup, ça crée une angoisse de performance latente. Et cette pression, cette angoisse, elle inhibe le désir. Les personnes se disent, je ne serai jamais assez bien, du coup j'abandonne. Et dernier point, certaines maladies comme le diabète, les problèmes de thyroïde, les dépressions ont un impact sur le désir. Et dans ce cas, il faut vraiment s'adresser à un professionnel de santé pour tenter de... de les résoudre, en tout cas si on en ressent le besoin.
- Marie
Donc on se rend bien compte que le désir sexuel est multifactoriel, qui dépend aussi bien de la qualité de la relation avec le conjoint que de paramètres purement physiques, et aussi de ces fameuses représentations mentales que nous avons évoquées dans le premier épisode, forgées par notre histoire, la société dans laquelle on vit, etc.
- Hélène Dumont
Exactement, mais ce n'est pas tout. Ce désir, il est bien compliqué. Le désir se nourrit aussi de mystères, de distances. Il apprécie l'aventure. peps et la fantaisie. Et le désir a besoin de légèreté et de prendre son temps.
- Marie
Il est compliqué, ça !
- Hélène Dumont
Il faut en prendre soin, en fait. C'est vrai que cette façon de fonctionner, légère, mystérieuse, elle se trouve aux antipodes de nos vies modernes, qui sont speed, pleines, pas toujours légères, et en tout cas axées sur le résultat. Ce qui laisse peu de place, finalement, au désir. Et quand une femme vient questionner son désir sexuel en entretien, L'agenda fait partie de nos réflexions.
- Marie
Vous lui demandez de quoi sont remplies ces journées ?
- Hélène Dumont
Oui, carrément. Même parfois, on prend l'agenda et je leur demande comment sont organisées vos journées ? Quelle place pour la légèreté ? Quelle place pour se ressourcer, pour se faire du bien ? Et puis, quelle place pour le couple quand même ? Ça, ça semble évident. Quelle place pour se désirer ?
- Marie
J'imagine que ces femmes doivent vous rétorquer que l'amour stable qu'elles souhaitent construire avec leur conjoint a aussi besoin de prévisibilité, de stabilité, de routine. Et que c'est incompatible avec ce désir qui se nourrit de mystères, d'aventures. On voit mal des couples avec des enfants partir,
- Hélène Dumont
s'évader pendant un moment. Alors c'est vrai que ces notions de stabilité, de routine sont sécurisantes bien évidemment parce qu'elles permettent à l'amour de s'ancrer dans le quotidien et de se projeter dans une histoire qui ait du sens. En fait, l'idée c'est de retrouver un juste équilibre entre la légèreté et puis quelque chose de beaucoup plus routinier. Voilà, aussi ce que je voulais ajouter c'est que le désir ne cesse de fluctuer, c'est-à-dire tout au long de la vie, il faut quand même le repérer. Il a ses hauts et ses bas et en fonction des événements... Cela est tout à fait normal.
- Marie
Je voudrais revenir à la notion d'excitation sexuelle que vous avez évoquée tout à l'heure. Quelle est la différence avec le désir ?
- Hélène Dumont
C'est vrai qu'il y a souvent une confusion entre le désir et l'excitation sexuelle. Même si je reconnais que ces notions sont profondément liées, on ne sait jamais trop si c'est le désir qui provoque une excitation sexuelle ou si c'est l'inverse, il est bon de savoir les différencier. Si le désir est plus cérébral, L'excitation sexuelle est plutôt une réponse physiologique, plus ou moins réflexe, à un processus psychologique, émotionnel, sensoriel ou biologique. Si vous voulez, au niveau physiologique, l'excitation sexuelle féminine se traduit par la lubrification du vagin, par sa dilatation, son allongement. Les lèvres extérieures de la vulve s'écartent, le clitoris se gonfle et s'allonge, ainsi que les lèvres internes. L'utérus s'élève un petit peu. Et certaines femmes vont observer une augmentation du volume de leur sein, une érection des mamelons, la peau peut rougir, le rythme cardiaque peut s'accélérer. Et l'apparition de ces modifications sont justement des signes concrets de l'excitation sexuelle. Mais, parce qu'il y a quand même toujours un mais, on a décidé d'être concrètes. Mais, les naissances, la ménopause, le cycle menstruel. un épisode de fatigue, une maladie, sont autant de choses qui vont avoir un impact sur le fonctionnement du corps de la femme et notamment au niveau de la lubrification. Ce qui peut provoquer un trouble de la lubrification ou une sécheresse vaginale. Et dans ce cas, la sécheresse vaginale ne signifie pas que je n'ai plus de désir, mais elle est plutôt la conséquence d'un événement spécifique qu'il s'agit de repérer du coup. En revanche, Les sensations désagréables dues au manque d'humidification du vagin, voire les douleurs ressenties qui en découlent au moment de la pénétration, peuvent créer une appréhension pour la femme qui, peu à peu, se détourne du désir de faire l'amour. Donc, il faut bien comprendre la plainte de la femme pour pouvoir l'accompagner.
- Marie
Et à l'inverse, j'imagine que « excitation » ne veut pas forcément dire « désir » .
- Hélène Dumont
Exactement. On pense souvent que la lubrification, par exemple, est le signe du désir et du consentement. Or, la lubrification peut apparaître comme un réflexe de défense. C'est ainsi qu'une femme, par exemple, une femme violée, peut se lubrifier. Sous l'effet du traumatisme, son corps se met en fait en état d'alerte et de protection instinctive pour éviter, atténuer la douleur de la pénétration. Et dans ce contexte, la lubrification n'est jamais, jamais le signe du désir, du plaisir ou d'un... consentement.
- Marie
On comprend bien que désir ne veut pas dire excitation et vice-versa, même si l'un peut appeler l'autre, bien sûr. C'est vraiment apaisant de savoir cela. Et du coup, maintenant qu'on connaît bien les choses, qu'on les saisit mieux, qu'est-ce que vous proposez de faire pour remédier à une absence de désir ?
- Hélène Dumont
Il y a plein de choses qu'on peut proposer, mais déjà, j'invite les femmes à faire un état des lieux honnête, à se poser ces questions. Et moi, j'en suis où par rapport au désir ? Où sont mes points de blocage et mes points d'appui ? Comment est-ce que je pourrais me mettre en mouvement ? Juste une toute petite chose. Qu'est-ce que je pourrais changer dans ma vie quotidienne ? Juste une petite chose pour laisser un peu de place au désir. Des petites choses bien concrètes. Est-ce que je dois arrêter les écrans ? Est-ce que je dois dormir un peu plus ? Est-ce que je dois travailler mon image corporelle ? Et si je parlais à mon conjoint aussi ? Si j'essayais avec lui d'améliorer notre communication ? Et puis peut-être aussi de me documenter sur ces histoires de désir. et de sexualité.
- Marie
Et par rapport à l'excitation sexuelle ?
- Hélène Dumont
Par rapport à l'excitation sexuelle, j'invite les femmes à prendre conscience du processus et à le comprendre pour l'accompagner sans en avoir peur. C'est-à-dire, je prends conscience de ce qui se passe dans mon corps, je déplace ma conscience dans mon bassin, en fait, dans ma vulve, et j'essaye de me concentrer sur ce que je ressens, sur les modifications, sur ce que je vis. En tout cas, ce sont des choses que je... J'interroge en entretien, je dis aux femmes, est-ce que vous sentez qu'il y a des choses qui se passent au niveau de votre sexe ? Parfois elles me disent, ben non. Et ce qui est très intéressant, c'est que l'homme parfois répond, ben si. Donc voilà.
- Marie
Il y a une prise de conscience à avoir et une prise de conscience un peu moins cérébrale, comme souvent les femmes l'ont. Et alors, quels seront les bénéfices de cet état des lieux ?
- Hélène Dumont
Ce retour en soi, à la fois corporel et émotionnel, et émotionnel est une excellente façon de mieux se connaître. Alors, il n'est pas toujours évident parce que cela demande de se mettre en mouvement et de pouvoir éventuellement parler avec son conjoint. Mais c'est une opportunité pour faire grandir sa sexualité, pour en devenir actrice et surtout remettre de l'élan au sein du couple.
- Marie
Super. Merci beaucoup Hélène.
- Hélène Dumont
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