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Société.com : L’impact des données ouvertes au quotidien

#5 Réindustrialisation et données ouvertes : Comment l'innovation façonne notre société avec Anaïs Voy-Gillis

#5 Réindustrialisation et données ouvertes : Comment l'innovation façonne notre société avec Anaïs Voy-Gillis

41min |11/02/2025|

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41min |11/02/2025|

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Description

Comment les données ouvertes peuvent-elles transformer notre quotidien et redéfinir l'avenir de l'industrie en France ? Dans cet épisode captivant de Société.com : L’impact des données ouvertes au quotidien, Guillaume Berthault reçoit Anaïs Voy-Gillis, une experte passionnée et directrice de la stratégie et des sujets RSE d'un groupe pionnier dans la chimie minérale. Ensemble, ils explorent l'importance cruciale des données ouvertes dans le cadre de la réindustrialisation de la France, un enjeu majeur pour notre société actuelle.


Anaïs partage son parcours académique et professionnel, tout en mettant en lumière comment l'innovation et les données peuvent catalyser une transition écologique efficace. La réindustrialisation ne peut se faire sans une réflexion profonde sur nos normes environnementales et notre souveraineté économique. Dans un contexte où l'Europe doit faire face à des géants comme la Chine et les États-Unis, qui adoptent des normes moins strictes, la question se pose : comment la commande publique peut-elle soutenir la relocalisation et la décarbonation des filières industrielles ?


Les défis sont immenses, mais Anaïs souligne également les opportunités qui se présentent aux dirigeants d'entreprises. En intégrant les données ouvertes dans leur stratégie, les entreprises à impact peuvent non seulement contribuer à une économie plus verte, mais aussi renforcer leur position sur le marché. Quels sont les secteurs clés à réindustrialiser en France ? L'énergie, la santé et l'agroalimentaire se révèlent être des priorités stratégiques. Anaïs plaide pour une meilleure intégration des normes environnementales et une réflexion collective sur notre modèle industriel et nos choix de consommation.


Ce podcast sur l'entrepreneuriat vous invite à découvrir comment les données, en tant que sources de veille et outils d'analyse, peuvent transformer les pratiques d'affaires. Écoutez Guillaume Berthault et Anaïs Voy-Gillis discuter de l'importance de l'intelligence économique et de la manière dont les données ouvertes en France peuvent propulser l'innovation et la durabilité. Ne manquez pas cet épisode enrichissant qui éclaire les enjeux contemporains de la réindustrialisation et de l'entreprenariat !


Rejoignez-nous pour une discussion inspirante qui pourrait bien changer votre perspective sur l'avenir des entreprises et de la société. Société.com : L’impact des données ouvertes au quotidien est votre rendez-vous incontournable pour comprendre les enjeux d'aujourd'hui et de demain.


Retrouvez l'épisode complet sur notre chaine Youtube : https://www.youtube.com/playlist?list=PL6tGAKU401Cll69FHxp7R5x0Db0B_45zB


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On met beaucoup d'énergie sur la CSRD parce que c'est une nouvelle contrainte qui vient pour les entreprises. Mais l'énergie, c'est un véritable enjeu de souveraineté, mais aussi pour envisager la réindustrialisation. Si à partir de 2019, on avait mis en place le Buy European Act, on aurait réussi à baisser de 9% l'empreinte carbone annuelle de la commande publique en Europe. Je pense qu'il y a des pays qui sont peut-être beaucoup plus patriotes dans leur comportement d'achat que nous le sommes en France.

  • Speaker #1

    Bonjour et bienvenue sur Parlons Data en France, le podcast de Société.com, où nous explorons chaque mois comment les datas ouvertes transforment notre paysage économique et institutionnel français. À chaque épisode, nous recevons un expert pour voir comment ces datas s'intègrent dans sa stratégie concrètement. Alors que vous soyez commerciaux, entrepreneurs ou simples curieux de la data, abonnez-vous pour ne louper aucun épisode. Et aujourd'hui, nous recevons Anaïs Voisgilis. Bonjour Anaïs.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux commencer déjà par te présenter rapidement ce que tu as fait et ce qui t'a poussé à te spécialiser dans la réindustrialisation en particulier ?

  • Speaker #0

    Je vais être assez brève. J'ai un doctorat en géographie, mention géopolitique, si on veut être précis, sur les terminaisons académiques françaises. Et mon sujet de thèse était sur les enjeux déterminants de la réindustrialisation de la France. Et cette thèse, elle a été conduite dans le cadre d'un contrat cifre, donc c'est un contrat tripartite entre l'Agence nationale de recherche et de technologie, la NRT, une entreprise et une université. Et suite à ma soutenance de thèse, je suis un peu restée dans mon cabinet de conseil pendant deux ans. Et ensuite, j'ai basculé dans l'industrie. Maintenant, je suis directrice de la stratégie et des sujets RSE d'un groupe qui s'appelle Humens, qui est un groupe spécialisé dans la chimie minérale, qui produit du carbonate et du bicarbonate de sodium. Et en parallèle, je reste chercheuse associée à l'université de Poitiers, où mes travaux de recherche portent sur les politiques industrielles et les enjeux de réindustrialisation.

  • Speaker #1

    Ok, très clair. Quand je lisais ta fiche Wikipédia, je voyais géographe Géographe ça m'a fait penser au petit prince qui visite plein de planètes et qui, à un moment, tombe sur un géographe qui documente, en gros, des choses sans jamais... des montagnes, des fleuves, etc., des pays, sans jamais avoir visité ces pays-là. Je vois que dans ton parcours, il y a un peu de théorie, il y a un peu de pratique. Est-ce que tu penses qu'il faut faire du concret à un moment pour apporter à la théorie ?

  • Speaker #0

    Alors, oui, c'est marrant, cette image qu'on a de la géographie et comme... comme la géographie représentant finalement des éléments physiques, les montagnes, les fleuves, etc. Alors que la géographie finalement, elle est une discipline beaucoup plus large et qu'on a tendance à réduire, parce que notamment on a les souvenirs qu'on a à l'école. Mais dans la géographie, j'ai fait mon doctorat à l'Institut français de géopolitique, qui a été fondé par Yves Lacoste, où justement on considère que le fait d'aller sur le terrain dans une démarche de recherche est vraiment... important pour nourrir les analyses et les réflexions. Quand on va sur le terrain, c'est à la fois voir des éléments topographiques, donc on revient sur ces éléments de fleuves, de montagnes, etc., si on est un peu réducteur, mais c'est aussi aller à la rencontre des acteurs, et notamment quand on étudie un conflit, par exemple un conflit autour d'aménagement du territoire, un conflit pour détenir une ressource, ou tout simplement des sujets... liées à des conflits armés, notamment Yves Lacoste, qui est le fondateur de l'Institut français de géopolitique. Il a été mondialement connu pour son analyse de bombardements américains au Vietnam. Et comment est-ce que les bombardements étaient ciblés le long d'un fleuve pour fragiliser des digues. Et donc il est vraiment allé voir avec la cartographie, des analyses. visuel de ces bombardements, comment est-ce que la carte pouvait être un support d'analyse. Et mon parcours, j'ai eu beaucoup de travail d'analyse de terrain, aller rencontrer les acteurs quand je faisais ma thèse sur la réindustrialisation. Et ce qui m'a amenée à aller sur des fonctions beaucoup plus opérationnelles, c'était l'idée de ce que j'ai voulu formaliser dans mes travaux de recherche, c'était voir comment est-ce que je pouvais en faire peut-être une transcription dans des sujets opérationnels, surtout que... Au départ, j'étais très centrée sur la réindustrialisation et progressivement, je suis venue sur les enjeux de réindustrialisation et de compatibilité entre industrie et limites planétaires et toute la question du réchauffement climatique. Et donc, je trouvais ça intéressant de se dire, est-ce que je pourrais avoir un cas concret de décarbonation et comment ça pourrait alimenter mes travaux de recherche ? Du coup, il y a un aller-retour entre la recherche et l'opérationnel qui est... C'est aussi un exercice équilibriste parce qu'il y a tout l'enjeu d'arriver à garder une part d'objectivité. Et forcément, quand on rentre dans l'industrie, on peut se dire qu'on perd en partie de l'objectivité. qu'on a normalement dans la recherche. Et donc, c'est l'aller-retour que je dois faire en permanence et aussi être très honnête quand je prends la parole publiquement sur là d'où je parle. Et donc, potentiellement, le fait qu'il y a parfois, on pourrait me dire que je suis un peu conflictée sur certaines prises de parole. Donc, c'est important d'avoir cette transparence. Et en même temps, moi, ça m'apporte beaucoup d'avoir une expérience très concrète pour du coup gagner en profondeur dans mes analyses. et casser d'autres biais de subjectivité qu'on peut avoir aussi quand on est moins ancré dans le terrain.

  • Speaker #1

    Tu parlais tout à l'heure de transition écologique. Pour toi, est-ce qu'il y a la possibilité de faire de la réindustrialisation en France et de réussir à tenir les règles qu'on se met, nous, en France, en termes de transition écologique, en termes de bilan carbone, etc., face à des pays qui, eux, réindustrialisent, la Chine, les États-Unis, avec, on va dire, des contraintes un peu plus faibles ? en termes de transition écologique ?

  • Speaker #0

    C'est un débat qui est extrêmement vaste et en plus qui est particulièrement d'actualité parce qu'en ce moment, on a beaucoup de débats sur la norme CSRD, tous les développements en termes normatifs et réglementaires que l'Union européenne est en train de mettre en place pour pousser les entreprises à se mettre en ligne avec ce qui est prévu dans le Green Deal et la vision européenne en termes de transition écologique. Et il y a plein de sous-questions là-dedans. La première, c'est est-ce que l'Union européenne peut se réindustrialiser quand la Chine et les États-Unis ont des ambitions industrielles, en gardant la doctrine économique qu'elle a actuellement ? Parce qu'on sait que, par exemple, la Chine aujourd'hui produit plus de biens industriels qu'il n'est nécessaire pour sa consommation interne, et que ce phénomène est accentué par le fait qu'elle a aujourd'hui une demande interne qui est relativement... Quand on regarde les chiffres, on se rend compte que les ménages chinois se détournent de plus en plus vers l'épargne, donc au détriment de la consommation, et qu'en parallèle, le marché américain est de plus en plus restreint aux produits chinois. Donc il y a un enjeu géopolitique qui, déjà, devrait nous appeler à nous questionner sur nos politiques industrielles et comment est-ce qu'on se positionne dans ce conflit-là. Et la deuxième chose qui existe, c'est qu'on se met des standards environnementaux et sociaux. très élevés et malheureusement on n'oblige pas forcément les producteurs non européens à respecter les mêmes standards que ce qu'on va se mettre par exemple pour produire des principes actifs ou des médicaments sur le territoire français en termes de traitement des eaux usées, des industries etc. Et donc là il y a plusieurs réponses il y a une première réponse que l'Union Européenne a apportée avec le mécanisme carbone d'ajustement aux frontières le MACF ou le CIBAM dans son acronyme anglais qui est de se dire qu'on met une taxe carbone aux frontières pour certaines catégories d'intrants, par exemple l'acier, l'aluminium, l'hydrogène, le ciment et il me semble que c'est l'énergie, et de se dire qu'on va exiger que les produits entrant sur le territoire européen paient une taxe carbone parce que ces industries-là sont dans le système européen d'échange de quotas. le système ETS, sauf que c'est de la fausse réciprocité, puisqu'on peut les détourner facilement. On va mettre une taxe carbone sur une tonne d'acier qui rentre sur le territoire européen. Par contre, on ne va pas mettre une taxe carbone en termes de poids d'acier dans une voiture qui entrerait sur le territoire européen. Donc, on se met...

  • Speaker #1

    On se formait avant de le faire.

  • Speaker #0

    Voilà, on biaise un peu le sujet et on a beaucoup de mal à mettre une forme de réciprocité. Par exemple, un exemple... où on est en train de mettre de la réciprocité, c'est dans l'accès au marché public, c'est-à-dire de dire que pour qu'une entreprise non européenne accède à un marché public européen, il faut que de la même manière, une entreprise européenne puisse postuler et avoir des chances de gagner dans un marché public dans un pays en dehors de l'Europe. Sauf que ce dont on se rend compte, c'est que c'est un débat qui a été très long, qui a mis 15 ans à aboutir, voire plus, à l'échelle européenne, puisqu'on a des rivalités entre les États membres. sur des questions commerciales. L'Allemagne exporte beaucoup plus de biens industriels que nous. Nous, on a une balance commerciale largement déficitaire. On importe beaucoup de produits de Chine quand l'Allemagne a fait aussi le moteur de sa croissance sur des exportations de machines-outils, d'automobiles, de robotiques vers la Chine. Aujourd'hui, les choses sont en train de s'inverser. Donc quand on voit que c'est difficile d'avoir avancé sur ce sujet-là, on se dit mettre de la réciprocité sur les normes environnementales, ça semble être quelque chose de très complexe à l'échelle européenne. Alors que quand on parle du débat de la... de la simplification, il y a finalement un mécanisme qui serait assez simple, qui peut faire débat, mais qui est de dire finalement, soit une norme, on estime même qu'elle est utile, est nécessaire, voire vitale, et donc on l'applique à tous les produits rentrant sur le territoire européen. Soit on peut questionner son intérêt si on ne l'applique qu'aux producteurs européens et pas aux non-européens, puisque ça crée des biais de compétitivité. À titre, juste pour donner un chiffre pour illustrer, il y a une étude qui a été réalisée par le cabinet Advancy sur le poids de la mise en conformité réglementaire pour les industriels. Et ce que cette étude montre, c'est que 30 à 35% des surcoûts des industriels européens dans la chimie... et il y a de la mise en conformité réglementaire. Et on ne va pas avoir les mêmes exigences qu'on se met aux produits non européens. Donc il y a vraiment un enjeu de réciprocité, de rééquilibrage du rapport de force pour pouvoir se donner une chance de réindustrialiser et en même temps d'imposer aussi nos standards environnementaux. Parce que là, qu'est-ce qu'on risque de faire ? C'est de ne pas se réindustrialiser, de détruire de la valeur industrielle même en Europe. et d'importer des produits qui, finalement, sont moins divisants sur le plan social et environnemental. Et donc, artificiellement, on va atteindre nos objectifs carbone, puisqu'on va baisser notre empreinte carbone territoriale, mais on va augmenter nos émissions importées via ces produits-là. Et donc, on aura perdu notre bataille en termes de lutte contre le réchauffement climatique.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, dans la simplification dont tu parles là, des chiffres, des rapports, etc., récemment, l'exécutif a évoqué le fait de... simplifier, voire supprimer pour certaines structures la CSRD. Tu penses que ça va accélérer la réindustrialisation, comme tu disais ? Quelles vont être les conséquences de telles mesures ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est un faux débat parce que je crois qu'on met beaucoup d'énergie sur la CSRD parce que c'est une nouvelle contrainte qui vient pour les entreprises, alors qu'en réalité, il y a plein d'autres normes dont tout le monde se plaint régulièrement depuis plusieurs années. Je pense qu'il y a un effort de rationalisation tout en essayant de garder nos standards environnementaux et qui doit être fait en dehors de la CSRD. Et la CSRD, elle peut être intéressante à partir du moment où on arrive à harmoniser les attentes entre les différents pays, qu'on n'ait pas des niveaux d'exigence qui soient relativement différents. La deuxième chose, c'est que je trouve que ce qui serait une vraie réussite pour la CSRD, c'est de se dire que ça devient la référence. Parce qu'aujourd'hui... Tous les industriels qui sont confrontés à la CSRD, ils sont aussi confrontés à une multiplication des demandes de reporting de leurs clients. Tous les clients leur demandent des chiffres sur leur consommation d'eau, leur consommation de carbone. L'administration demande aussi énormément de données. Il y a plein de rapports qui sont produits. Et finalement, il y a un empilement de demandes formalisées de manière différente, avec éventuellement des unités qui ne sont pas exactement les mêmes, surtout quand on commence à parler de consommation énergétique, etc. Et on pourrait se dire que la CSRD... L'enjeu, c'est d'arriver à standardiser tout ça. Et finalement, ça devient la porte d'entrée et on arrête la multiplication des reportings. Et on pourrait aussi aller encore plus loin, puisque vous aimez le sujet de la data. Ça serait de se dire, mais est-ce qu'on n'aurait pas le moyen de créer une sorte de banque européenne de données où les industriels rentrent les données nécessaires au reporting de la CSRD ? Donc, c'est un collecte qui deviendrait public et pas forcément... via du reporting qui se fait via des cabinets de conseil et via des cabinets d'audit et qui devient la référence sur laquelle les administrations peuvent se pluguer pour récupérer les données dont elles ont besoin et qu'elles demandent régulièrement aux entreprises, que les clients demandent aussi à leurs fournisseurs. Mais c'est vraiment d'aller vers quelque chose qui soit peut-être de la collecte assez importante pour aller vers de la transparence et s'assurer que tout le monde questionne son modèle économique à l'aune du réchauffement climatique. mais en même temps que ça se fasse dans un effort de simplification, c'est-à-dire qu'on arrête avec les 50 fichiers Excel, les 50 demandes d'administration, parce qu'aujourd'hui, il y a des demandes de l'INSEE, il y a des demandes de la Banque de France, il y a des demandes d'Edreal, il y a des demandes d'autres administrations. Pour ceux qui sont dans l'ETS, il y a la fourniture d'audits relativement complets sur les émissions de carbone. Et après, vous allez avoir, si vous avez des clients dans le domaine de la pharmacie, ils vont être sur une plateforme. Si vous avez... des clients qui vont être dans une zone géographique, par exemple l'Espagne, ils vont vous demander d'avoir une autre plateforme que celle des Cova10 parce qu'ils ont un autre système. Et puis après, il y a tous ceux qui vont avec leur fichier Excel. Donc en fait, le reporting, on parle beaucoup de la CSRD parce qu'on le voit comme un truc en plus, mais en fait, c'est juste, est-ce que la CSRD peut pas être une voie de simplification de la multiplication de la production de données ? Et c'est pour ça que je trouve qu'on pose pas assez cette question déjà d'inflation de production d'indicateurs dans tous les sens. avant même que ça, ça existe.

  • Speaker #1

    Et ce gros pôle de données, comme tu dis, toi, tu le vois plutôt à l'échelle de l'Europe plutôt qu'à l'échelle de la France, parce que t'as aussi une question de souveraineté quand même entre les pays. On parlait tout à l'heure juste des datas côté écologique, mais il y a... Une tonne d'autres datas aussi. Est-ce qu'on le fait au niveau de la France ou est-ce qu'on le fait au niveau de l'Europe, si on doit le dire ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Alors, en fait, c'est vrai qu'on fournit toujours plein de données. On parle des données, finalement, extra-financières. On fournit aussi des données financières. Est-ce que c'est possible d'avoir ce type de projet à l'échelle européenne alors qu'on va peut-être avoir une interprétation différente des textes et qu'on est dans un contexte, finalement... Pas si évident que ça à l'échelle européenne. Je ne sais pas si c'est peut-être de l'ordre du vœu pieux, mais déjà si on arrive à le faire à l'échelle française où on collecte énormément de données, ça pourrait avoir du sens. Et la question aussi, c'est jusqu'où on va dans le niveau de transparence, parce que finalement les entreprises aujourd'hui qui sont cotées, elles produisent déjà beaucoup de données qui tombent finalement dans le domaine public à travers les rapports financiers, extra-financiers qu'elles publient. Mais cet effort de transparence, il est beaucoup moins courant. pour les entreprises qui ne sont pas soumises à ce reporting. Donc comment est-ce qu'on donne accès à la donnée ? Qui a accès ? Ça pose plein d'autres questions. Et comme la CSRD est européenne, j'aurais dit, plutôt tendance à essayer de faire un truc à l'échelle européenne. Maintenant, on risque de faire une usine à gaz. Donc peut-être que déjà arriver à le faire à l'échelle d'un État, ça serait une première chose. Et vraiment, dans cet objectif de standardiser la production de données, et j'essaye de dire, c'est l'avoir reconnu, et puis le reste, on le détricote. malheureusement quand je dis ça, il y a aussi des gens qui ont fondé leur modèle économique et leur réussite économique sur cette inflation, production de rapports et de données.

  • Speaker #1

    Et ça me fait penser à la partie souveraineté aussi et réindustrialisation. En gros, pour toi, quels sont les gros secteurs ? On a parlé de quelques secteurs, la pharmaceutique, etc. Quels sont les gros secteurs qu'il faudrait qu'on arrive à réindustrialiser en France aujourd'hui ? Et... Ça me fait aussi rebondir sur le fait que s'ils ont beaucoup de data à produire, quels sont les secteurs où il faudrait qu'on baisse un peu le nombre de data qu'ils ont à produire pour qu'ils puissent revenir se réindustrialiser en France ?

  • Speaker #0

    Je pense que derrière la data, c'est la mise en conformité réglementaire qui est compliquée. C'est le respect d'un certain nombre de normes. C'est les rejets de la qualité. On a des rejets industriels, par exemple on utilise de l'eau dans les process industriels qu'on va ensuite rejeter dans l'environnement et on ne peut pas rejeter cette eau dans l'environnement comme on le souhaite. Il y a des quantités autorisées de fer, de chlorure de calcium, d'autres éléments minéraux. Donc les industriels traitent leur eau pour arriver à respecter les standards, mais ça peut être aussi la température. de la température des rejets des eaux dans le milieu naturel. Il y a plein de questions qui se posent. Et d'obligations d'investir pour, par exemple, ne pas rejeter une eau supérieure à la température autorisée. Et je ne suis pas convaincue que ce soit forcément une mauvaise chose, parce que c'est pour notre bien-être tous. Est-ce que tu ne le prennes pas,

  • Speaker #1

    tu vois, la réindustrialisation ? Parce que si tu prends une usine qui fait, je prends l'exemple de ta température de l'eau, mais elle le fait en Chine et elle le rejette à la température qu'elle veut.

  • Speaker #0

    La question, ce n'est pas le fait qu'on freine la réindustrialisation. Bien entendu, si on pouvait faire tout comme on veut, on améliorerait la compétitivité et on soutiendrait peut-être la réindustrialisation. Mais de l'autre côté, on flinguerait complètement l'environnement. Et donc, je crois que c'est plutôt de se dire qu'est-ce qui est vraiment utile et nécessaire. Et après, il y a peut-être des contraintes qu'on peut alléger. Il y a des experts de ce sujet-là qui diraient qu'il y a tel article qu'on peut supprimer parce que c'est devenu une aberration, parce que ça fait... C'est une référence d'un texte d'il y a 200 ans qui n'a pas été remis au goût du jour, etc. Donc ça, il y a assurément des voies d'amélioration. Par contre, je ne crois pas qu'on doit baisser nos exigences. On doit plutôt pousser à ceux qui viennent sur le territoire européen. Ça reste un marché assez conséquent. L'Europe, c'est 500 millions de consommateurs. Et donc pousser que ceux qui rentrent sont dans l'obligation de respecter les normes qu'on juge critiques et vitales pour la soutenabilité de notre environnement. Merci. Et ça, c'est une chose sur laquelle on doit être beaucoup plus ferme, mais sur laquelle on doit aller chercher l'alignement européen. Et en fait, c'est loin d'être gagné parce qu'on se rend compte aussi que l'appréciation des normes n'est pas exactement la même à l'échelle européenne, qu'il y a certains pays qui sont moins sévères dans la transcription du droit européen que nous ne le sommes. Mais il y a un enjeu de se tirer vers le haut. Et après, sur les secteurs... Je dirais qu'un des secteurs majeurs, c'est le secteur énergétique. Aujourd'hui, on est très dépendant des énergies fossiles dans notre industrie. Et dans l'enjeu de décarbonation, on doit avoir un sujet d'électrification. C'est comment on produit de l'électricité bas carbone et à prix compétitif. Alors on va me dire, mais si on fait de l'éolien, si on fait des panneaux solaires, on est forcément dépendant d'autres par rapport aux matières premières critiques. C'est sûr qu'on passe un peu d'une dépendance à l'autre, mais en même temps, on a aussi les capacités, après, de monter des filières de recyclage. Et là, c'est l'enjeu de comment reconstruire les chaînes de valeur des biens nécessaires à la production d'énergie bas carbone sur le territoire. Mais l'énergie, c'est un véritable enjeu de souveraineté, à la fois pour nous, tout à chacun, mais aussi pour envisager la réindustrialisation. Ensuite, il y a d'autres industries qui sont clés, l'industrie de la santé, la production de principes actifs, savoir soigner une population. savoir innover sur les thérapies de demain, savoir se prémunir des prochaines pandémies qui pourraient émerger liées aux conséquences du réchauffement climatique. Il y a le domaine agroalimentaire, de l'alimentation comme on est souverain sur le plan alimentaire. Aujourd'hui, la France, elle a presque un côté, on l'entend de plus en plus, mais on se dit que c'est un pays en voie de développement parce qu'on exporte des matières premières et on réimporte. des produits finis, on exporte des patates et on remporte des chips, des choses comme ça. Alors, c'est un exemple un peu caricatural, mais aujourd'hui, alors qu'on était un grand pays agricole, et d'ailleurs, on a été, à mon avis, plus un pays agricole qu'un pays industriel dans notre culture fondamentale, on se rend compte que notre balance commerciale agricole est en train de devenir déficitaire et elle est bénéficiaire grâce aux alcools et aux spiritueux. Donc, si je reprends, l'énergie, la santé... l'alimentation, la défense, puisqu'on est dans un contexte géopolitique de plus en plus contraint. Et qu'en plus, dans la défense, on a un vrai enjeu, c'est que les Américains ont des normes, comme les normes ITAR, qui mettent sur certains composants, donc qui peuvent potentiellement bloquer nos exportations, si on a des composants dans l'armement qui sont réputés ITAR, et donc les Américains peuvent nous bloquer. Donc il y a un véritable enjeu de souveraineté, à la fois pour se défendre, à la fois pour exporter. Et ensuite, la question qui se pose, c'est, on prend... ces grands segments et se dire c'est quoi dans ces chaînes de valeur, ce qu'on veut maîtriser, quels sont finalement les produits pivots sur lesquels on a la capacité à devenir leader, parce que l'enjeu c'est qu'on ne va pas pouvoir maîtriser totalement ces chaînes de valeur, et donc c'est de réfléchir à l'échelle nationale et à l'échelle européenne, la maîtrise de points clés dans les chaînes de valeur, en se disant ça va être des pivots, on va être les meilleurs dans ce domaine et on va créer des interdépendances. La souveraineté c'est la capacité de ne pas dépendre. d'un autre État, mais c'est aussi la question des interdépendances et comment on devient suffisamment bon dans certains domaines pour que d'autres États soient dépendants de nous et donc on arrive à équilibrer le rapport de force. Et ce qu'on a constaté au moment de la pandémie et juste ensuite, c'est qu'on est très dépendant dans des actifs clés pour la transition écologique, la production de semi-conducteurs, qui est très fortement liée à Taïwan avec TSMC, et qui est ça qui est lié vraiment... à l'évolution des stratégies industrielles des grands groupes dans les années 80 avec la segmentation de la production. Et notamment le fait qu'on a confié certaines productions, comme les semi-conducteurs, à des acteurs non européens avec des phénomènes qui sont principalement asiatiques. Ce n'était pas forcément non européen. Et ces phénomènes de concentration. Donc, on a un acteur qui produit un bien et on l'a dans plein d'autres choses. Si on prend dans le vélo, on a des Shimano. On pourrait multiplier ça.

  • Speaker #1

    On a aussi cru qu'on pouvait faire plus que du tertiaire et laisser les autres faire...

  • Speaker #0

    Oui, en fait, on a cru qu'on pouvait spécialiser sur les tâches en amont et en aval de la production. Et donc, on a confié la production à un épicier en se disant qu'il ne remonterait pas les chaînes de valeur. Or, ce qu'on voit, c'est que plus on est proche, quand on a une proximité entre innovation et lieu de production, on est beaucoup plus pertinent. Et donc, on voit ces phénomènes de concentration dans l'électronique avec les semi-conducteurs. On voit la Chine qui a remonté la chaîne de valeur qui était en retard sur le véhicule thermique. Mais finalement... qui a remonté la chaîne de valeur dans le véhicule électrique et en maîtrisant l'approvisionnement des matières premières critiques avec sa stratégie aussi des nouvelles routes de la soie, en maîtrisant le bloc batterie, puis en finissant par faire l'assemblage de véhicules. Et ça, c'est aujourd'hui des segments dans les chaînes de valeur qu'on essaye de remaitriser. Donc l'Europe a eu une stratégie pour relocaliser la production de semi-conducteurs avec... des subventions accordées à Intel pour relocaliser cette production en Allemagne, sauf que Intel décale le projet pour des questions du prix de l'énergie en Europe. On a essayé de le faire avec les batteries, avec des grands plans batteries en Europe. Ce qu'on voit, c'est qu'il y a une difficulté pour ces acteurs à trouver des équilibres économiques. On est en train de soutenir ces implantations-là. Et le vrai défi pour la France, c'est de se dire, c'est quoi les batteries de demain ? Est-ce que c'est des batteries solides au sodium et autres ? Et comment est-ce qu'on arrêterait le train, peut-être véhicule électrique, mais on arrive à avoir la prochaine génération de véhicules électriques avec peut-être la prochaine génération de batteries ? Et toutes ces questions-là, on doit se les poser dans le cadre de la réindustrialisation sans sous-estimer le contexte européen et le contexte géopolitique mondial.

  • Speaker #1

    Je sais que tu as coécrit avec Carbon4 et InFrance une étude qui s'appelle By European and Sustainable Act Quels sont les enseignements que vous en avez sortis de cette étude-là ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a deux enseignements principaux. Le premier, c'est de se dire que la commande publique a un rôle structurant à jouer dans la relocalisation et dans la décarbonation des filières industrielles. On s'est beaucoup concentré sur le potentiel sur des industries lourdes comme l'aluminium, l'acier, le ciment. Mais ce qu'on montre, c'est qu'en gros, si à partir de 2019, on avait mis en place le Buy European Act, on aurait réussi à baisser de 9% l'empreinte carbone annuelle de la commande publique en Europe. C'est-à-dire 34 millions de tonnes de CO2 abattues chaque année. Alors pas 34 millions chaque année, mais chaque année. J'efface 34 millions de tonnes. Ça permet de créer 30 000 emplois, de générer 6 milliards de chiffre d'affaires en plus dans les secteurs étudiés, tout en décarbonant ces filières. Parce que l'enjeu aujourd'hui, pourquoi est-ce que la transition prend du temps ? C'est qu'il faut aussi qu'on ait des gens qui soient prêts à payer plus cher un produit, mieux disant, sur le plan environnemental. Donc ça passe par la commande publique. Et la commande publique, on va se dire, mais ce n'est pas la chaire publique qui achète des poutrelles en aluminium. Mais la commande publique, elle va indirectement commander des bâtiments publics. Quand on refait un hôtel de région, quand on refait un bâtiment public, etc., on peut aussi mettre des critères pour exiger la soutenabilité de certains matériaux. Et quand on dit 6 milliards de chiffre d'affaires en plus pour les entreprises, derrière, qu'est-ce que ça veut dire ? C'est des emplois, je le disais, mais des emplois, c'est la fiscalité. La fiscalité des ménages, c'est de la consommation. Donc on recrée un cercle vertueux, puisqu'on va générer ces emplois directs, des emplois indirects, des emplois induits. On va permettre avec la fiscalité de soutenir le modèle social français ou européen. Et donc c'est un cercle vertueux. Donc l'enseignement de la commande publique, c'était de se dire, on parle du rapport, c'est de se dire, on parle beaucoup de commandes publiques, essayons d'objectiver ça. Et quel potentiel serait-il en termes de relocalisation ? C'est positif. En termes de décarbonation des filières industrielles, c'est aussi très positif.

  • Speaker #1

    Et du coup, pourquoi ça n'a pas été mis en place ? Est-ce que tu vois des obstacles qui ont fait que... Alors déjà, tu as le contexte géopolitique qui a un peu bougé, mais... Alors,

  • Speaker #0

    la commande publique, c'est toujours un peu... Il y a comme une sorte de serpent de mer, c'est-à-dire, on pourrait se dire, mais en fait, le Buy European Act, c'est... C'est important, mais pourquoi est-ce qu'on ne fait pas quelque chose à l'échelle française ? Alors à l'échelle française, on va me dire, non, mais il y a les traités européens de non-discrimination sur la nationalité des produits, etc. et ce qui complexifie le marquage de certains produits. Mais par contre, sur les critères environnementaux, en fait, on peut être compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, parce que c'est souvent ce qu'on dit, on ne peut pas mettre des critères sur la localisation de la production, parce que ça contrevient aux règles de l'OMC. Par contre, si on dit... tel produit ne doit pas dépasser telle intensité carbone. Mécaniquement, on va plutôt flécher vers des pays où la production est à faible intensité carbone. Ça peut être la France, ça peut être le nord de l'Europe, ou ça peut être des pays où il y a un mix énergétique qui est fortement décarboné, puisque un des gros piliers dans l'aspect bilan carbone d'un produit, c'est souvent le mix énergétique. Est-ce que... Il a été produit avec une énergie bas carbone ou quelque chose de très carboné comme du charbon ou autre. Et donc c'est quelque chose qui est quand même relativement objectivable pour le faire à l'échelle française et à l'échelle européenne. Alors que les États-Unis se sont dotés de quelque chose pour faire de la préférence américaine, on se rend compte que l'interprétation des règles... européenne en la matière, elle n'est pas exactement la même. Je pense qu'il y a des pays qui sont peut-être beaucoup plus patriotes dans leur comportement d'achat que nous le sommes en France. Et il y a eu le fait que ça a été mis à l'agenda, mais pas forcément poussé, on ne voyait pas forcément l'intérêt. Il y avait encore ces histoires de divergence, à mon avis, commerciale entre les États. Mais ce qu'on voit, c'est que c'est en train de devenir central dans le discours politique national et européen, parce qu'on se rend compte que c'est un levier de réindustrialisation et de soutien à l'industrie européenne. C'est un levier de décarbonation des économies et c'est quelque chose de relativement massif. La commande publique, c'est environ 15 points de PIB en moyenne dans les différents pays.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu penses qu'on n'en voit pas l'intérêt parce qu'il n'y a pas assez de data ? Est-ce que ce n'est pas à l'agenda comme tu disais ?

  • Speaker #0

    Si demain, il y avait... Nous, on est très forts en France sur l'open data, pas tous les pays européens, mais en tout cas, si demain, il y avait énormément de data, quand tu fais le choix, tu le disais tout à l'heure, pour construire un immeuble, un hôpital, etc. Tu fais une commande. Est-ce que si tu sais que tel prestataire va consommer...

  • Speaker #1

    En fait, la complexité, je pense qu'il faut mettre des critères qui sont objectivables et très clairement, un critère d'intensité carbone qu'on peut avoir soit avec un bilan carbone, soit... Si on veut quelque chose de beaucoup plus précis avec une analyse de cycle de vie, on va exiger quand on répond à l'appel d'offres publiques de fournir une analyse de cycle de vie. Alors ça va être difficile parce que plus on est éloigné du producteur, plus la production de l'analyse de cycle de vie va être complexe pour retracer les chaînes de valeur. Mais l'analyse de cycle de vie, c'est une donnée qui est relativement objectivable. Là où c'est plus compliqué quand on choisit un fournisseur, c'est de se dire on va avoir des entreprises qui sont immatriculées en France. Est-ce qu'elles s'approvisionnent en France ? Est-ce qu'elles font vraiment tourner les usines françaises ? C'est plus compliqué. Après, on peut avoir des certifications, on peut avoir des labels européens, on a des choses comme Origines France Garantie, où on sait qu'il y a une part de la valeur ajoutée qui a été faite sur le territoire français qui est relativement importante. Donc il y a des choses qu'on peut objectiver, et d'autres qui sont plus complexes en termes d'accès à la connaissance de qui est le fournisseur de mon fournisseur. voir le fournisseur de mon fournisseur de mon fournisseur.

  • Speaker #0

    Ok. Tu as publié récemment un livre qui s'appelle Pour une révolution industrielle. Tu proposes quelques propositions, ou en tout cas ta vision de comment réinventer et réindustrialiser. Est-ce que tu peux nous en citer quelques-unes ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a plein de raisons de réindustrialiser. Le premier, c'est que la réindustrialisation, c'est quelque chose qu'on doit penser au service de la souveraineté, en fait. Pourquoi on veut une industrie forte ? C'est parce que l'industrie est au service de la puissance d'un pays et elle est un moyen d'avoir des marges de manœuvre pour décider de ce qu'on fait en tant que société pour financer notre modèle social et choisir nos orientations. Le deuxième enjeu autour de la naissance industrielle, c'est le fait que c'est quelque chose d'utile en termes de cohésion sociale et territoriale. Parce que l'industrie, elle peut s'implanter partout, parce qu'elle génère des emplois indirects et induit de manière plus importante que certains secteurs de services. Donc c'est un levier important dans la dynamique territoriale. C'est aussi un levier pour réduire notre empreinte environnementale. Plus on produit de choses sur le territoire, regarde nos normes sociales et environnementales, plus rapidement on va... On va maîtriser en tout cas notre trajectoire carbone. En gros, on se dit que produire en France, ce n'est pas dépendre de la trajectoire de décarbonation de la Chine. Et se dire qu'on va aussi, à travers la réindustrialisation, interroger nos modèles industriels, les industries qu'on souhaite avoir sur notre territoire, à quelles conditions, etc. Et le dernier enjeu, c'est un enjeu de création de valeur sur le territoire au service du financement de notre modèle. Et la question que ça sous-entend derrière la réindustrialisation et qu'on pose assez peu dans le débat public, c'est de se dire que l'industrie n'est qu'un outil au service de notre projet de société. Et on se dit que l'industrie ne bouge pas assez vite dans les transitions écologiques, mais en fait l'industrie ne peut pas changer seule de modèle si la société ne change pas. On ne peut pas demander... Les industriels doivent commencer à interroger leur modèle, mais de l'autre côté, la société doit aussi bouger sur son rapport à la consommation, la consommation de masse, à la possession... de biens, etc. Et donc c'est l'idée de comment est-ce qu'on a un mouvement conjoint entre mutation de l'industrie et mutation de la société, et en interrogeant le rôle de l'industrie dans notre projet de société, puisque c'est un moyen d'ancrer de manière durable la réindustrialisation dans nos objectifs de société.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il n'y a pas un truc aussi de... L'industrie, ça n'a pas une super bonne presse ou vision même de l'opinion publique parfois, parce qu'on imagine des usines, de la fumée... Est-ce qu'on ne doit pas aussi redonner un peu un truc cool à l'industrie ?

  • Speaker #1

    Alors, on a des images assez négatives de l'industrie parce qu'en fait, on ne connaît pas l'industrie. On connaît quelques grands donneurs d'or, on connaît des Michelins, on connaît des Airbus, des Safran. Et après, on ne connaît pas les sous-traitants de ces industries-là. Donc déjà, c'est démystifié ce qu'est l'industrie. Il y a plein d'activités industrielles, on passe tous les jours à côté. On ne sait même pas que ce sont des activités industrielles parce que leur impact environnemental, en tout cas le... L'impact environnemental sur l'environnement proche est relativement faible. Donc c'est montrer que l'industrie est extrêmement diversifiée, et tellement diversifiée qu'on a du mal à la définir, qu'il y a des activités qui sont, oui, polluantes, mais qui sont aussi la résultante de Ausha de société, de Ausha de consommation. Est-ce que c'est responsable de se dire, je vais les placer à l'autre bout du monde pour ne pas payer les conséquences directes de mes choix de consommation, mais les faire peser sur les épaules d'autres ? d'autres citoyens ailleurs dans le monde. Et c'est vraiment des conséquences directes, parce qu'en fait, les conséquences indirectes de nos modes de consommation et de production, on les aura avec les conséquences du réchauffement climatique. Et après, c'est aussi montrer que dans l'industrie, il y a des choses assez cool. Parce qu'aujourd'hui, si on arrive à se déplacer comme on se déplace, si on arrive à se soigner comme on arrive à se soigner, si on arrive à apprendre, etc., c'est aussi qu'il y a des biens industriels. On se dit, mais peut-être qu'il faudrait une société de l'immatériel. Et en fait, il n'y a pas d'immatériel sans société industrielle et sans des choses profondément matérielles. On n'a pas de numérique sans infrastructure physique. qui en plus posent plein de questions géopolitiques. On n'a pas de capacité à soigner et à inventer de nouvelles thérapies sans industrie. On n'a pas de capacité à innover sans base industrielle. Et toute la question, c'est le niveau qu'on met en termes de technologie. Est-ce qu'on a besoin de haute technologie et d'intensité de technologie qui est partout ? Ou est-ce qu'il y a des fois où le low-tech suffit et puis on doit garder la... fort contenu technologique pour des choses qui sont des applications qu'on juge vitales pour nos besoins en tant que société. Donc, tout est une question d'équilibre. En tout cas, l'industrie, elle est partout dans nos vies. Et donc, finalement, s'y intéresser, lui redonner ses lettres de noblesse, c'est pouvoir d'autant plus la questionner sur le modèle qu'on souhaite au regard de nos objectifs environnementaux.

  • Speaker #0

    Et disons, demain, on a réussi à bien réguler, à réindustrialiser comme... comme tu en parlais là, on a redonné même une bonne image à l'industrie. Toi, tu vois comment, dans quelques années, l'industrie française, comment tu la vois évoluer et à quoi elle ressemblerait, par exemple, dans 10 ans ?

  • Speaker #1

    Je crois qu'il n'y aura pas de modèle unique de l'industrie. Je crois qu'on va quand même devoir accepter d'avoir des industries qui restent sur la production de masse, notamment pour la production de médicaments, de principes actifs, avec des sites qui servent l'ensemble du continent européen. Et puis, on va peut-être avoir des productions aussi distribuées sur le territoire. On pourrait imaginer d'avoir des micro-usines pour produire par exemple des vélos ou des véhicules intermédiaires à destination d'un territoire. Alors tout ça pose la question de l'équilibre économique et du prix qu'on est prêt à payer pour ces modèles alternatifs. On va sûrement aussi évoluer dans notre mode de consommation, c'est-à-dire aller beaucoup plus vers une économie du partage, de la fonctionnalité, des services autour des produits et se dire qu'on n'a pas tous besoin de posséder... un bien de manière unitaire, parce qu'il y a beaucoup de choses dont on se sert peu, voire pas du tout, et ça encombre nos étagères. Et donc à partir de ce moment-là, on bloque des matières premières qu'on pourrait réutiliser pour remettre dans le circuit économique, ce qui suit les principes d'économie circulaire, mais qui est aussi un moyen de moins consommer de matières premières vierges, parce que tout l'enjeu qui se pose aussi à nos sociétés, c'est comment on consomme moins, comment on prend moins de matières premières vierges. dans les écosystèmes naturels parce qu'elles ne se renouvellent pas. Et donc, on va être confronté à l'aspect des limites de notre monde. Est-ce que la terre est capable de régénérer en fonction de nos modes de consommation ? Donc, c'est ces choses-là qu'on va voir émerger. Et on aura des industries de base qui auront un bilan environnemental important et tout l'enjeu. Et comment est-ce qu'on arrive à trouver un équilibre ? Donc, l'équilibre, c'est... des puits de carbone. Je ne crois pas à la capture magique du CO2 dans l'atmosphère. Je crois que la capture aux bornes d'un site industriel pour la réutilisation du CO2 peut avoir du sens. Par contre, la capture dans l'air n'a pas de sens. Par contre, contribuer, et ça sous-entend encore une fois l'évolution de nos modèles, à la régénération de puits de carbone naturel, donc des forêts, des océans, etc. C'est notre démarche collective. Comment est-ce qu'on vit mieux avec le reste de l'écosystème ? Ça, ça a du sens et c'est aussi accepter... On est des zones qui soient vraiment dédiées à la création de puits de carbone en France, en Europe, pour trouver cet équilibre entre ce qu'on va continuer à émettre pour des biens essentiels et ce qu'on va pouvoir absorber. Et donc cette industrie, forcément, elle va mieux s'intégrer dans nos écosystèmes, elle va travailler à avoir un meilleur rapport avec le vivant. Et ce n'est pas l'industrie qui doit avoir un meilleur rapport avec le vivant, c'est l'humanité. Comment on considère ce qui n'est pas un humain et comment est-ce qu'on lui donne une place dans nos réflexions ? Et puis c'est aussi notre rapport à l'autre, parce qu'aujourd'hui on délocalise et on déresponsabilise une partie de nos bilans environnementaux.

  • Speaker #0

    Donc il y a une grosse partie de la réponse qui est en nous, en tant que consommateurs ?

  • Speaker #1

    Il y a une réponse en nous, je pense en tant que citoyens, et une réponse qui est aussi collective, c'est-à-dire la réponse n'est pas uniquement dans les petits gestes, mais comment... Est-ce qu'on arrive à avoir des mouvements de sociétés, donc des filières industrielles qui bougent, et derrière, toute la chaîne de valeur qui se monte ?

  • Speaker #0

    On parle souvent de livres dans ce podcast, toi t'en as écrit quelques-uns, t'as dû en lire pas mal aussi. Est-ce que tu as quelques livres qui te viennent en tête, qui ont orienté ? Ta carrière, tes décisions ?

  • Speaker #1

    Je vais recommander deux livres. Le premier, c'est Suzanne Berger, qui est une chercheuse au MIT, qui a beaucoup écrit sur l'industrie, la désindustrialisation, la mondialisation. C'est Making in America, qui est un livre qui a dû être écrit en 2012 ou en 2013, uniquement en anglais, malheureusement, mais qui revient un peu sur toutes les questions de modularisation, de segmentation des productions et comment le lien entre lieu d'innovation et lieu de production est important. Et le deuxième livre, parce que je trouve que c'est intéressant de mettre des exemples, d'industries qui se questionnent sur leur modèle économique et comment elles peuvent allier profitabilité et respect de l'environnement. C'est le livre de Christopher Garin, qui est le PDG de Nexens, qui s'appelle Pour aller dans le bon sens.

  • Speaker #0

    Anaïs Mojili, merci d'avoir accepté notre invitation.

  • Speaker #1

    Merci pour l'accueil.

  • Speaker #0

    Et un troisième livre hyper intéressant à lire, c'est Pour une révolution industrielle, que tu viens de sortir en 2025.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup.

Chapters

  • Introduction à l'épisode et présentation d'Anaïs Voy-Gillis

    00:00

  • Parcours d'Anaïs et son expertise en réindustrialisation

    00:28

  • Défis de la réindustrialisation face aux normes environnementales

    05:35

  • Rôle de la commande publique dans la décarbonation

    11:25

  • Secteurs clés pour la réindustrialisation en France

    19:28

  • Livres recommandés et conclusion de l'épisode

    31:16

Description

Comment les données ouvertes peuvent-elles transformer notre quotidien et redéfinir l'avenir de l'industrie en France ? Dans cet épisode captivant de Société.com : L’impact des données ouvertes au quotidien, Guillaume Berthault reçoit Anaïs Voy-Gillis, une experte passionnée et directrice de la stratégie et des sujets RSE d'un groupe pionnier dans la chimie minérale. Ensemble, ils explorent l'importance cruciale des données ouvertes dans le cadre de la réindustrialisation de la France, un enjeu majeur pour notre société actuelle.


Anaïs partage son parcours académique et professionnel, tout en mettant en lumière comment l'innovation et les données peuvent catalyser une transition écologique efficace. La réindustrialisation ne peut se faire sans une réflexion profonde sur nos normes environnementales et notre souveraineté économique. Dans un contexte où l'Europe doit faire face à des géants comme la Chine et les États-Unis, qui adoptent des normes moins strictes, la question se pose : comment la commande publique peut-elle soutenir la relocalisation et la décarbonation des filières industrielles ?


Les défis sont immenses, mais Anaïs souligne également les opportunités qui se présentent aux dirigeants d'entreprises. En intégrant les données ouvertes dans leur stratégie, les entreprises à impact peuvent non seulement contribuer à une économie plus verte, mais aussi renforcer leur position sur le marché. Quels sont les secteurs clés à réindustrialiser en France ? L'énergie, la santé et l'agroalimentaire se révèlent être des priorités stratégiques. Anaïs plaide pour une meilleure intégration des normes environnementales et une réflexion collective sur notre modèle industriel et nos choix de consommation.


Ce podcast sur l'entrepreneuriat vous invite à découvrir comment les données, en tant que sources de veille et outils d'analyse, peuvent transformer les pratiques d'affaires. Écoutez Guillaume Berthault et Anaïs Voy-Gillis discuter de l'importance de l'intelligence économique et de la manière dont les données ouvertes en France peuvent propulser l'innovation et la durabilité. Ne manquez pas cet épisode enrichissant qui éclaire les enjeux contemporains de la réindustrialisation et de l'entreprenariat !


Rejoignez-nous pour une discussion inspirante qui pourrait bien changer votre perspective sur l'avenir des entreprises et de la société. Société.com : L’impact des données ouvertes au quotidien est votre rendez-vous incontournable pour comprendre les enjeux d'aujourd'hui et de demain.


Retrouvez l'épisode complet sur notre chaine Youtube : https://www.youtube.com/playlist?list=PL6tGAKU401Cll69FHxp7R5x0Db0B_45zB


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On met beaucoup d'énergie sur la CSRD parce que c'est une nouvelle contrainte qui vient pour les entreprises. Mais l'énergie, c'est un véritable enjeu de souveraineté, mais aussi pour envisager la réindustrialisation. Si à partir de 2019, on avait mis en place le Buy European Act, on aurait réussi à baisser de 9% l'empreinte carbone annuelle de la commande publique en Europe. Je pense qu'il y a des pays qui sont peut-être beaucoup plus patriotes dans leur comportement d'achat que nous le sommes en France.

  • Speaker #1

    Bonjour et bienvenue sur Parlons Data en France, le podcast de Société.com, où nous explorons chaque mois comment les datas ouvertes transforment notre paysage économique et institutionnel français. À chaque épisode, nous recevons un expert pour voir comment ces datas s'intègrent dans sa stratégie concrètement. Alors que vous soyez commerciaux, entrepreneurs ou simples curieux de la data, abonnez-vous pour ne louper aucun épisode. Et aujourd'hui, nous recevons Anaïs Voisgilis. Bonjour Anaïs.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux commencer déjà par te présenter rapidement ce que tu as fait et ce qui t'a poussé à te spécialiser dans la réindustrialisation en particulier ?

  • Speaker #0

    Je vais être assez brève. J'ai un doctorat en géographie, mention géopolitique, si on veut être précis, sur les terminaisons académiques françaises. Et mon sujet de thèse était sur les enjeux déterminants de la réindustrialisation de la France. Et cette thèse, elle a été conduite dans le cadre d'un contrat cifre, donc c'est un contrat tripartite entre l'Agence nationale de recherche et de technologie, la NRT, une entreprise et une université. Et suite à ma soutenance de thèse, je suis un peu restée dans mon cabinet de conseil pendant deux ans. Et ensuite, j'ai basculé dans l'industrie. Maintenant, je suis directrice de la stratégie et des sujets RSE d'un groupe qui s'appelle Humens, qui est un groupe spécialisé dans la chimie minérale, qui produit du carbonate et du bicarbonate de sodium. Et en parallèle, je reste chercheuse associée à l'université de Poitiers, où mes travaux de recherche portent sur les politiques industrielles et les enjeux de réindustrialisation.

  • Speaker #1

    Ok, très clair. Quand je lisais ta fiche Wikipédia, je voyais géographe Géographe ça m'a fait penser au petit prince qui visite plein de planètes et qui, à un moment, tombe sur un géographe qui documente, en gros, des choses sans jamais... des montagnes, des fleuves, etc., des pays, sans jamais avoir visité ces pays-là. Je vois que dans ton parcours, il y a un peu de théorie, il y a un peu de pratique. Est-ce que tu penses qu'il faut faire du concret à un moment pour apporter à la théorie ?

  • Speaker #0

    Alors, oui, c'est marrant, cette image qu'on a de la géographie et comme... comme la géographie représentant finalement des éléments physiques, les montagnes, les fleuves, etc. Alors que la géographie finalement, elle est une discipline beaucoup plus large et qu'on a tendance à réduire, parce que notamment on a les souvenirs qu'on a à l'école. Mais dans la géographie, j'ai fait mon doctorat à l'Institut français de géopolitique, qui a été fondé par Yves Lacoste, où justement on considère que le fait d'aller sur le terrain dans une démarche de recherche est vraiment... important pour nourrir les analyses et les réflexions. Quand on va sur le terrain, c'est à la fois voir des éléments topographiques, donc on revient sur ces éléments de fleuves, de montagnes, etc., si on est un peu réducteur, mais c'est aussi aller à la rencontre des acteurs, et notamment quand on étudie un conflit, par exemple un conflit autour d'aménagement du territoire, un conflit pour détenir une ressource, ou tout simplement des sujets... liées à des conflits armés, notamment Yves Lacoste, qui est le fondateur de l'Institut français de géopolitique. Il a été mondialement connu pour son analyse de bombardements américains au Vietnam. Et comment est-ce que les bombardements étaient ciblés le long d'un fleuve pour fragiliser des digues. Et donc il est vraiment allé voir avec la cartographie, des analyses. visuel de ces bombardements, comment est-ce que la carte pouvait être un support d'analyse. Et mon parcours, j'ai eu beaucoup de travail d'analyse de terrain, aller rencontrer les acteurs quand je faisais ma thèse sur la réindustrialisation. Et ce qui m'a amenée à aller sur des fonctions beaucoup plus opérationnelles, c'était l'idée de ce que j'ai voulu formaliser dans mes travaux de recherche, c'était voir comment est-ce que je pouvais en faire peut-être une transcription dans des sujets opérationnels, surtout que... Au départ, j'étais très centrée sur la réindustrialisation et progressivement, je suis venue sur les enjeux de réindustrialisation et de compatibilité entre industrie et limites planétaires et toute la question du réchauffement climatique. Et donc, je trouvais ça intéressant de se dire, est-ce que je pourrais avoir un cas concret de décarbonation et comment ça pourrait alimenter mes travaux de recherche ? Du coup, il y a un aller-retour entre la recherche et l'opérationnel qui est... C'est aussi un exercice équilibriste parce qu'il y a tout l'enjeu d'arriver à garder une part d'objectivité. Et forcément, quand on rentre dans l'industrie, on peut se dire qu'on perd en partie de l'objectivité. qu'on a normalement dans la recherche. Et donc, c'est l'aller-retour que je dois faire en permanence et aussi être très honnête quand je prends la parole publiquement sur là d'où je parle. Et donc, potentiellement, le fait qu'il y a parfois, on pourrait me dire que je suis un peu conflictée sur certaines prises de parole. Donc, c'est important d'avoir cette transparence. Et en même temps, moi, ça m'apporte beaucoup d'avoir une expérience très concrète pour du coup gagner en profondeur dans mes analyses. et casser d'autres biais de subjectivité qu'on peut avoir aussi quand on est moins ancré dans le terrain.

  • Speaker #1

    Tu parlais tout à l'heure de transition écologique. Pour toi, est-ce qu'il y a la possibilité de faire de la réindustrialisation en France et de réussir à tenir les règles qu'on se met, nous, en France, en termes de transition écologique, en termes de bilan carbone, etc., face à des pays qui, eux, réindustrialisent, la Chine, les États-Unis, avec, on va dire, des contraintes un peu plus faibles ? en termes de transition écologique ?

  • Speaker #0

    C'est un débat qui est extrêmement vaste et en plus qui est particulièrement d'actualité parce qu'en ce moment, on a beaucoup de débats sur la norme CSRD, tous les développements en termes normatifs et réglementaires que l'Union européenne est en train de mettre en place pour pousser les entreprises à se mettre en ligne avec ce qui est prévu dans le Green Deal et la vision européenne en termes de transition écologique. Et il y a plein de sous-questions là-dedans. La première, c'est est-ce que l'Union européenne peut se réindustrialiser quand la Chine et les États-Unis ont des ambitions industrielles, en gardant la doctrine économique qu'elle a actuellement ? Parce qu'on sait que, par exemple, la Chine aujourd'hui produit plus de biens industriels qu'il n'est nécessaire pour sa consommation interne, et que ce phénomène est accentué par le fait qu'elle a aujourd'hui une demande interne qui est relativement... Quand on regarde les chiffres, on se rend compte que les ménages chinois se détournent de plus en plus vers l'épargne, donc au détriment de la consommation, et qu'en parallèle, le marché américain est de plus en plus restreint aux produits chinois. Donc il y a un enjeu géopolitique qui, déjà, devrait nous appeler à nous questionner sur nos politiques industrielles et comment est-ce qu'on se positionne dans ce conflit-là. Et la deuxième chose qui existe, c'est qu'on se met des standards environnementaux et sociaux. très élevés et malheureusement on n'oblige pas forcément les producteurs non européens à respecter les mêmes standards que ce qu'on va se mettre par exemple pour produire des principes actifs ou des médicaments sur le territoire français en termes de traitement des eaux usées, des industries etc. Et donc là il y a plusieurs réponses il y a une première réponse que l'Union Européenne a apportée avec le mécanisme carbone d'ajustement aux frontières le MACF ou le CIBAM dans son acronyme anglais qui est de se dire qu'on met une taxe carbone aux frontières pour certaines catégories d'intrants, par exemple l'acier, l'aluminium, l'hydrogène, le ciment et il me semble que c'est l'énergie, et de se dire qu'on va exiger que les produits entrant sur le territoire européen paient une taxe carbone parce que ces industries-là sont dans le système européen d'échange de quotas. le système ETS, sauf que c'est de la fausse réciprocité, puisqu'on peut les détourner facilement. On va mettre une taxe carbone sur une tonne d'acier qui rentre sur le territoire européen. Par contre, on ne va pas mettre une taxe carbone en termes de poids d'acier dans une voiture qui entrerait sur le territoire européen. Donc, on se met...

  • Speaker #1

    On se formait avant de le faire.

  • Speaker #0

    Voilà, on biaise un peu le sujet et on a beaucoup de mal à mettre une forme de réciprocité. Par exemple, un exemple... où on est en train de mettre de la réciprocité, c'est dans l'accès au marché public, c'est-à-dire de dire que pour qu'une entreprise non européenne accède à un marché public européen, il faut que de la même manière, une entreprise européenne puisse postuler et avoir des chances de gagner dans un marché public dans un pays en dehors de l'Europe. Sauf que ce dont on se rend compte, c'est que c'est un débat qui a été très long, qui a mis 15 ans à aboutir, voire plus, à l'échelle européenne, puisqu'on a des rivalités entre les États membres. sur des questions commerciales. L'Allemagne exporte beaucoup plus de biens industriels que nous. Nous, on a une balance commerciale largement déficitaire. On importe beaucoup de produits de Chine quand l'Allemagne a fait aussi le moteur de sa croissance sur des exportations de machines-outils, d'automobiles, de robotiques vers la Chine. Aujourd'hui, les choses sont en train de s'inverser. Donc quand on voit que c'est difficile d'avoir avancé sur ce sujet-là, on se dit mettre de la réciprocité sur les normes environnementales, ça semble être quelque chose de très complexe à l'échelle européenne. Alors que quand on parle du débat de la... de la simplification, il y a finalement un mécanisme qui serait assez simple, qui peut faire débat, mais qui est de dire finalement, soit une norme, on estime même qu'elle est utile, est nécessaire, voire vitale, et donc on l'applique à tous les produits rentrant sur le territoire européen. Soit on peut questionner son intérêt si on ne l'applique qu'aux producteurs européens et pas aux non-européens, puisque ça crée des biais de compétitivité. À titre, juste pour donner un chiffre pour illustrer, il y a une étude qui a été réalisée par le cabinet Advancy sur le poids de la mise en conformité réglementaire pour les industriels. Et ce que cette étude montre, c'est que 30 à 35% des surcoûts des industriels européens dans la chimie... et il y a de la mise en conformité réglementaire. Et on ne va pas avoir les mêmes exigences qu'on se met aux produits non européens. Donc il y a vraiment un enjeu de réciprocité, de rééquilibrage du rapport de force pour pouvoir se donner une chance de réindustrialiser et en même temps d'imposer aussi nos standards environnementaux. Parce que là, qu'est-ce qu'on risque de faire ? C'est de ne pas se réindustrialiser, de détruire de la valeur industrielle même en Europe. et d'importer des produits qui, finalement, sont moins divisants sur le plan social et environnemental. Et donc, artificiellement, on va atteindre nos objectifs carbone, puisqu'on va baisser notre empreinte carbone territoriale, mais on va augmenter nos émissions importées via ces produits-là. Et donc, on aura perdu notre bataille en termes de lutte contre le réchauffement climatique.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, dans la simplification dont tu parles là, des chiffres, des rapports, etc., récemment, l'exécutif a évoqué le fait de... simplifier, voire supprimer pour certaines structures la CSRD. Tu penses que ça va accélérer la réindustrialisation, comme tu disais ? Quelles vont être les conséquences de telles mesures ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est un faux débat parce que je crois qu'on met beaucoup d'énergie sur la CSRD parce que c'est une nouvelle contrainte qui vient pour les entreprises, alors qu'en réalité, il y a plein d'autres normes dont tout le monde se plaint régulièrement depuis plusieurs années. Je pense qu'il y a un effort de rationalisation tout en essayant de garder nos standards environnementaux et qui doit être fait en dehors de la CSRD. Et la CSRD, elle peut être intéressante à partir du moment où on arrive à harmoniser les attentes entre les différents pays, qu'on n'ait pas des niveaux d'exigence qui soient relativement différents. La deuxième chose, c'est que je trouve que ce qui serait une vraie réussite pour la CSRD, c'est de se dire que ça devient la référence. Parce qu'aujourd'hui... Tous les industriels qui sont confrontés à la CSRD, ils sont aussi confrontés à une multiplication des demandes de reporting de leurs clients. Tous les clients leur demandent des chiffres sur leur consommation d'eau, leur consommation de carbone. L'administration demande aussi énormément de données. Il y a plein de rapports qui sont produits. Et finalement, il y a un empilement de demandes formalisées de manière différente, avec éventuellement des unités qui ne sont pas exactement les mêmes, surtout quand on commence à parler de consommation énergétique, etc. Et on pourrait se dire que la CSRD... L'enjeu, c'est d'arriver à standardiser tout ça. Et finalement, ça devient la porte d'entrée et on arrête la multiplication des reportings. Et on pourrait aussi aller encore plus loin, puisque vous aimez le sujet de la data. Ça serait de se dire, mais est-ce qu'on n'aurait pas le moyen de créer une sorte de banque européenne de données où les industriels rentrent les données nécessaires au reporting de la CSRD ? Donc, c'est un collecte qui deviendrait public et pas forcément... via du reporting qui se fait via des cabinets de conseil et via des cabinets d'audit et qui devient la référence sur laquelle les administrations peuvent se pluguer pour récupérer les données dont elles ont besoin et qu'elles demandent régulièrement aux entreprises, que les clients demandent aussi à leurs fournisseurs. Mais c'est vraiment d'aller vers quelque chose qui soit peut-être de la collecte assez importante pour aller vers de la transparence et s'assurer que tout le monde questionne son modèle économique à l'aune du réchauffement climatique. mais en même temps que ça se fasse dans un effort de simplification, c'est-à-dire qu'on arrête avec les 50 fichiers Excel, les 50 demandes d'administration, parce qu'aujourd'hui, il y a des demandes de l'INSEE, il y a des demandes de la Banque de France, il y a des demandes d'Edreal, il y a des demandes d'autres administrations. Pour ceux qui sont dans l'ETS, il y a la fourniture d'audits relativement complets sur les émissions de carbone. Et après, vous allez avoir, si vous avez des clients dans le domaine de la pharmacie, ils vont être sur une plateforme. Si vous avez... des clients qui vont être dans une zone géographique, par exemple l'Espagne, ils vont vous demander d'avoir une autre plateforme que celle des Cova10 parce qu'ils ont un autre système. Et puis après, il y a tous ceux qui vont avec leur fichier Excel. Donc en fait, le reporting, on parle beaucoup de la CSRD parce qu'on le voit comme un truc en plus, mais en fait, c'est juste, est-ce que la CSRD peut pas être une voie de simplification de la multiplication de la production de données ? Et c'est pour ça que je trouve qu'on pose pas assez cette question déjà d'inflation de production d'indicateurs dans tous les sens. avant même que ça, ça existe.

  • Speaker #1

    Et ce gros pôle de données, comme tu dis, toi, tu le vois plutôt à l'échelle de l'Europe plutôt qu'à l'échelle de la France, parce que t'as aussi une question de souveraineté quand même entre les pays. On parlait tout à l'heure juste des datas côté écologique, mais il y a... Une tonne d'autres datas aussi. Est-ce qu'on le fait au niveau de la France ou est-ce qu'on le fait au niveau de l'Europe, si on doit le dire ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Alors, en fait, c'est vrai qu'on fournit toujours plein de données. On parle des données, finalement, extra-financières. On fournit aussi des données financières. Est-ce que c'est possible d'avoir ce type de projet à l'échelle européenne alors qu'on va peut-être avoir une interprétation différente des textes et qu'on est dans un contexte, finalement... Pas si évident que ça à l'échelle européenne. Je ne sais pas si c'est peut-être de l'ordre du vœu pieux, mais déjà si on arrive à le faire à l'échelle française où on collecte énormément de données, ça pourrait avoir du sens. Et la question aussi, c'est jusqu'où on va dans le niveau de transparence, parce que finalement les entreprises aujourd'hui qui sont cotées, elles produisent déjà beaucoup de données qui tombent finalement dans le domaine public à travers les rapports financiers, extra-financiers qu'elles publient. Mais cet effort de transparence, il est beaucoup moins courant. pour les entreprises qui ne sont pas soumises à ce reporting. Donc comment est-ce qu'on donne accès à la donnée ? Qui a accès ? Ça pose plein d'autres questions. Et comme la CSRD est européenne, j'aurais dit, plutôt tendance à essayer de faire un truc à l'échelle européenne. Maintenant, on risque de faire une usine à gaz. Donc peut-être que déjà arriver à le faire à l'échelle d'un État, ça serait une première chose. Et vraiment, dans cet objectif de standardiser la production de données, et j'essaye de dire, c'est l'avoir reconnu, et puis le reste, on le détricote. malheureusement quand je dis ça, il y a aussi des gens qui ont fondé leur modèle économique et leur réussite économique sur cette inflation, production de rapports et de données.

  • Speaker #1

    Et ça me fait penser à la partie souveraineté aussi et réindustrialisation. En gros, pour toi, quels sont les gros secteurs ? On a parlé de quelques secteurs, la pharmaceutique, etc. Quels sont les gros secteurs qu'il faudrait qu'on arrive à réindustrialiser en France aujourd'hui ? Et... Ça me fait aussi rebondir sur le fait que s'ils ont beaucoup de data à produire, quels sont les secteurs où il faudrait qu'on baisse un peu le nombre de data qu'ils ont à produire pour qu'ils puissent revenir se réindustrialiser en France ?

  • Speaker #0

    Je pense que derrière la data, c'est la mise en conformité réglementaire qui est compliquée. C'est le respect d'un certain nombre de normes. C'est les rejets de la qualité. On a des rejets industriels, par exemple on utilise de l'eau dans les process industriels qu'on va ensuite rejeter dans l'environnement et on ne peut pas rejeter cette eau dans l'environnement comme on le souhaite. Il y a des quantités autorisées de fer, de chlorure de calcium, d'autres éléments minéraux. Donc les industriels traitent leur eau pour arriver à respecter les standards, mais ça peut être aussi la température. de la température des rejets des eaux dans le milieu naturel. Il y a plein de questions qui se posent. Et d'obligations d'investir pour, par exemple, ne pas rejeter une eau supérieure à la température autorisée. Et je ne suis pas convaincue que ce soit forcément une mauvaise chose, parce que c'est pour notre bien-être tous. Est-ce que tu ne le prennes pas,

  • Speaker #1

    tu vois, la réindustrialisation ? Parce que si tu prends une usine qui fait, je prends l'exemple de ta température de l'eau, mais elle le fait en Chine et elle le rejette à la température qu'elle veut.

  • Speaker #0

    La question, ce n'est pas le fait qu'on freine la réindustrialisation. Bien entendu, si on pouvait faire tout comme on veut, on améliorerait la compétitivité et on soutiendrait peut-être la réindustrialisation. Mais de l'autre côté, on flinguerait complètement l'environnement. Et donc, je crois que c'est plutôt de se dire qu'est-ce qui est vraiment utile et nécessaire. Et après, il y a peut-être des contraintes qu'on peut alléger. Il y a des experts de ce sujet-là qui diraient qu'il y a tel article qu'on peut supprimer parce que c'est devenu une aberration, parce que ça fait... C'est une référence d'un texte d'il y a 200 ans qui n'a pas été remis au goût du jour, etc. Donc ça, il y a assurément des voies d'amélioration. Par contre, je ne crois pas qu'on doit baisser nos exigences. On doit plutôt pousser à ceux qui viennent sur le territoire européen. Ça reste un marché assez conséquent. L'Europe, c'est 500 millions de consommateurs. Et donc pousser que ceux qui rentrent sont dans l'obligation de respecter les normes qu'on juge critiques et vitales pour la soutenabilité de notre environnement. Merci. Et ça, c'est une chose sur laquelle on doit être beaucoup plus ferme, mais sur laquelle on doit aller chercher l'alignement européen. Et en fait, c'est loin d'être gagné parce qu'on se rend compte aussi que l'appréciation des normes n'est pas exactement la même à l'échelle européenne, qu'il y a certains pays qui sont moins sévères dans la transcription du droit européen que nous ne le sommes. Mais il y a un enjeu de se tirer vers le haut. Et après, sur les secteurs... Je dirais qu'un des secteurs majeurs, c'est le secteur énergétique. Aujourd'hui, on est très dépendant des énergies fossiles dans notre industrie. Et dans l'enjeu de décarbonation, on doit avoir un sujet d'électrification. C'est comment on produit de l'électricité bas carbone et à prix compétitif. Alors on va me dire, mais si on fait de l'éolien, si on fait des panneaux solaires, on est forcément dépendant d'autres par rapport aux matières premières critiques. C'est sûr qu'on passe un peu d'une dépendance à l'autre, mais en même temps, on a aussi les capacités, après, de monter des filières de recyclage. Et là, c'est l'enjeu de comment reconstruire les chaînes de valeur des biens nécessaires à la production d'énergie bas carbone sur le territoire. Mais l'énergie, c'est un véritable enjeu de souveraineté, à la fois pour nous, tout à chacun, mais aussi pour envisager la réindustrialisation. Ensuite, il y a d'autres industries qui sont clés, l'industrie de la santé, la production de principes actifs, savoir soigner une population. savoir innover sur les thérapies de demain, savoir se prémunir des prochaines pandémies qui pourraient émerger liées aux conséquences du réchauffement climatique. Il y a le domaine agroalimentaire, de l'alimentation comme on est souverain sur le plan alimentaire. Aujourd'hui, la France, elle a presque un côté, on l'entend de plus en plus, mais on se dit que c'est un pays en voie de développement parce qu'on exporte des matières premières et on réimporte. des produits finis, on exporte des patates et on remporte des chips, des choses comme ça. Alors, c'est un exemple un peu caricatural, mais aujourd'hui, alors qu'on était un grand pays agricole, et d'ailleurs, on a été, à mon avis, plus un pays agricole qu'un pays industriel dans notre culture fondamentale, on se rend compte que notre balance commerciale agricole est en train de devenir déficitaire et elle est bénéficiaire grâce aux alcools et aux spiritueux. Donc, si je reprends, l'énergie, la santé... l'alimentation, la défense, puisqu'on est dans un contexte géopolitique de plus en plus contraint. Et qu'en plus, dans la défense, on a un vrai enjeu, c'est que les Américains ont des normes, comme les normes ITAR, qui mettent sur certains composants, donc qui peuvent potentiellement bloquer nos exportations, si on a des composants dans l'armement qui sont réputés ITAR, et donc les Américains peuvent nous bloquer. Donc il y a un véritable enjeu de souveraineté, à la fois pour se défendre, à la fois pour exporter. Et ensuite, la question qui se pose, c'est, on prend... ces grands segments et se dire c'est quoi dans ces chaînes de valeur, ce qu'on veut maîtriser, quels sont finalement les produits pivots sur lesquels on a la capacité à devenir leader, parce que l'enjeu c'est qu'on ne va pas pouvoir maîtriser totalement ces chaînes de valeur, et donc c'est de réfléchir à l'échelle nationale et à l'échelle européenne, la maîtrise de points clés dans les chaînes de valeur, en se disant ça va être des pivots, on va être les meilleurs dans ce domaine et on va créer des interdépendances. La souveraineté c'est la capacité de ne pas dépendre. d'un autre État, mais c'est aussi la question des interdépendances et comment on devient suffisamment bon dans certains domaines pour que d'autres États soient dépendants de nous et donc on arrive à équilibrer le rapport de force. Et ce qu'on a constaté au moment de la pandémie et juste ensuite, c'est qu'on est très dépendant dans des actifs clés pour la transition écologique, la production de semi-conducteurs, qui est très fortement liée à Taïwan avec TSMC, et qui est ça qui est lié vraiment... à l'évolution des stratégies industrielles des grands groupes dans les années 80 avec la segmentation de la production. Et notamment le fait qu'on a confié certaines productions, comme les semi-conducteurs, à des acteurs non européens avec des phénomènes qui sont principalement asiatiques. Ce n'était pas forcément non européen. Et ces phénomènes de concentration. Donc, on a un acteur qui produit un bien et on l'a dans plein d'autres choses. Si on prend dans le vélo, on a des Shimano. On pourrait multiplier ça.

  • Speaker #1

    On a aussi cru qu'on pouvait faire plus que du tertiaire et laisser les autres faire...

  • Speaker #0

    Oui, en fait, on a cru qu'on pouvait spécialiser sur les tâches en amont et en aval de la production. Et donc, on a confié la production à un épicier en se disant qu'il ne remonterait pas les chaînes de valeur. Or, ce qu'on voit, c'est que plus on est proche, quand on a une proximité entre innovation et lieu de production, on est beaucoup plus pertinent. Et donc, on voit ces phénomènes de concentration dans l'électronique avec les semi-conducteurs. On voit la Chine qui a remonté la chaîne de valeur qui était en retard sur le véhicule thermique. Mais finalement... qui a remonté la chaîne de valeur dans le véhicule électrique et en maîtrisant l'approvisionnement des matières premières critiques avec sa stratégie aussi des nouvelles routes de la soie, en maîtrisant le bloc batterie, puis en finissant par faire l'assemblage de véhicules. Et ça, c'est aujourd'hui des segments dans les chaînes de valeur qu'on essaye de remaitriser. Donc l'Europe a eu une stratégie pour relocaliser la production de semi-conducteurs avec... des subventions accordées à Intel pour relocaliser cette production en Allemagne, sauf que Intel décale le projet pour des questions du prix de l'énergie en Europe. On a essayé de le faire avec les batteries, avec des grands plans batteries en Europe. Ce qu'on voit, c'est qu'il y a une difficulté pour ces acteurs à trouver des équilibres économiques. On est en train de soutenir ces implantations-là. Et le vrai défi pour la France, c'est de se dire, c'est quoi les batteries de demain ? Est-ce que c'est des batteries solides au sodium et autres ? Et comment est-ce qu'on arrêterait le train, peut-être véhicule électrique, mais on arrive à avoir la prochaine génération de véhicules électriques avec peut-être la prochaine génération de batteries ? Et toutes ces questions-là, on doit se les poser dans le cadre de la réindustrialisation sans sous-estimer le contexte européen et le contexte géopolitique mondial.

  • Speaker #1

    Je sais que tu as coécrit avec Carbon4 et InFrance une étude qui s'appelle By European and Sustainable Act Quels sont les enseignements que vous en avez sortis de cette étude-là ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a deux enseignements principaux. Le premier, c'est de se dire que la commande publique a un rôle structurant à jouer dans la relocalisation et dans la décarbonation des filières industrielles. On s'est beaucoup concentré sur le potentiel sur des industries lourdes comme l'aluminium, l'acier, le ciment. Mais ce qu'on montre, c'est qu'en gros, si à partir de 2019, on avait mis en place le Buy European Act, on aurait réussi à baisser de 9% l'empreinte carbone annuelle de la commande publique en Europe. C'est-à-dire 34 millions de tonnes de CO2 abattues chaque année. Alors pas 34 millions chaque année, mais chaque année. J'efface 34 millions de tonnes. Ça permet de créer 30 000 emplois, de générer 6 milliards de chiffre d'affaires en plus dans les secteurs étudiés, tout en décarbonant ces filières. Parce que l'enjeu aujourd'hui, pourquoi est-ce que la transition prend du temps ? C'est qu'il faut aussi qu'on ait des gens qui soient prêts à payer plus cher un produit, mieux disant, sur le plan environnemental. Donc ça passe par la commande publique. Et la commande publique, on va se dire, mais ce n'est pas la chaire publique qui achète des poutrelles en aluminium. Mais la commande publique, elle va indirectement commander des bâtiments publics. Quand on refait un hôtel de région, quand on refait un bâtiment public, etc., on peut aussi mettre des critères pour exiger la soutenabilité de certains matériaux. Et quand on dit 6 milliards de chiffre d'affaires en plus pour les entreprises, derrière, qu'est-ce que ça veut dire ? C'est des emplois, je le disais, mais des emplois, c'est la fiscalité. La fiscalité des ménages, c'est de la consommation. Donc on recrée un cercle vertueux, puisqu'on va générer ces emplois directs, des emplois indirects, des emplois induits. On va permettre avec la fiscalité de soutenir le modèle social français ou européen. Et donc c'est un cercle vertueux. Donc l'enseignement de la commande publique, c'était de se dire, on parle du rapport, c'est de se dire, on parle beaucoup de commandes publiques, essayons d'objectiver ça. Et quel potentiel serait-il en termes de relocalisation ? C'est positif. En termes de décarbonation des filières industrielles, c'est aussi très positif.

  • Speaker #1

    Et du coup, pourquoi ça n'a pas été mis en place ? Est-ce que tu vois des obstacles qui ont fait que... Alors déjà, tu as le contexte géopolitique qui a un peu bougé, mais... Alors,

  • Speaker #0

    la commande publique, c'est toujours un peu... Il y a comme une sorte de serpent de mer, c'est-à-dire, on pourrait se dire, mais en fait, le Buy European Act, c'est... C'est important, mais pourquoi est-ce qu'on ne fait pas quelque chose à l'échelle française ? Alors à l'échelle française, on va me dire, non, mais il y a les traités européens de non-discrimination sur la nationalité des produits, etc. et ce qui complexifie le marquage de certains produits. Mais par contre, sur les critères environnementaux, en fait, on peut être compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, parce que c'est souvent ce qu'on dit, on ne peut pas mettre des critères sur la localisation de la production, parce que ça contrevient aux règles de l'OMC. Par contre, si on dit... tel produit ne doit pas dépasser telle intensité carbone. Mécaniquement, on va plutôt flécher vers des pays où la production est à faible intensité carbone. Ça peut être la France, ça peut être le nord de l'Europe, ou ça peut être des pays où il y a un mix énergétique qui est fortement décarboné, puisque un des gros piliers dans l'aspect bilan carbone d'un produit, c'est souvent le mix énergétique. Est-ce que... Il a été produit avec une énergie bas carbone ou quelque chose de très carboné comme du charbon ou autre. Et donc c'est quelque chose qui est quand même relativement objectivable pour le faire à l'échelle française et à l'échelle européenne. Alors que les États-Unis se sont dotés de quelque chose pour faire de la préférence américaine, on se rend compte que l'interprétation des règles... européenne en la matière, elle n'est pas exactement la même. Je pense qu'il y a des pays qui sont peut-être beaucoup plus patriotes dans leur comportement d'achat que nous le sommes en France. Et il y a eu le fait que ça a été mis à l'agenda, mais pas forcément poussé, on ne voyait pas forcément l'intérêt. Il y avait encore ces histoires de divergence, à mon avis, commerciale entre les États. Mais ce qu'on voit, c'est que c'est en train de devenir central dans le discours politique national et européen, parce qu'on se rend compte que c'est un levier de réindustrialisation et de soutien à l'industrie européenne. C'est un levier de décarbonation des économies et c'est quelque chose de relativement massif. La commande publique, c'est environ 15 points de PIB en moyenne dans les différents pays.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu penses qu'on n'en voit pas l'intérêt parce qu'il n'y a pas assez de data ? Est-ce que ce n'est pas à l'agenda comme tu disais ?

  • Speaker #0

    Si demain, il y avait... Nous, on est très forts en France sur l'open data, pas tous les pays européens, mais en tout cas, si demain, il y avait énormément de data, quand tu fais le choix, tu le disais tout à l'heure, pour construire un immeuble, un hôpital, etc. Tu fais une commande. Est-ce que si tu sais que tel prestataire va consommer...

  • Speaker #1

    En fait, la complexité, je pense qu'il faut mettre des critères qui sont objectivables et très clairement, un critère d'intensité carbone qu'on peut avoir soit avec un bilan carbone, soit... Si on veut quelque chose de beaucoup plus précis avec une analyse de cycle de vie, on va exiger quand on répond à l'appel d'offres publiques de fournir une analyse de cycle de vie. Alors ça va être difficile parce que plus on est éloigné du producteur, plus la production de l'analyse de cycle de vie va être complexe pour retracer les chaînes de valeur. Mais l'analyse de cycle de vie, c'est une donnée qui est relativement objectivable. Là où c'est plus compliqué quand on choisit un fournisseur, c'est de se dire on va avoir des entreprises qui sont immatriculées en France. Est-ce qu'elles s'approvisionnent en France ? Est-ce qu'elles font vraiment tourner les usines françaises ? C'est plus compliqué. Après, on peut avoir des certifications, on peut avoir des labels européens, on a des choses comme Origines France Garantie, où on sait qu'il y a une part de la valeur ajoutée qui a été faite sur le territoire français qui est relativement importante. Donc il y a des choses qu'on peut objectiver, et d'autres qui sont plus complexes en termes d'accès à la connaissance de qui est le fournisseur de mon fournisseur. voir le fournisseur de mon fournisseur de mon fournisseur.

  • Speaker #0

    Ok. Tu as publié récemment un livre qui s'appelle Pour une révolution industrielle. Tu proposes quelques propositions, ou en tout cas ta vision de comment réinventer et réindustrialiser. Est-ce que tu peux nous en citer quelques-unes ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a plein de raisons de réindustrialiser. Le premier, c'est que la réindustrialisation, c'est quelque chose qu'on doit penser au service de la souveraineté, en fait. Pourquoi on veut une industrie forte ? C'est parce que l'industrie est au service de la puissance d'un pays et elle est un moyen d'avoir des marges de manœuvre pour décider de ce qu'on fait en tant que société pour financer notre modèle social et choisir nos orientations. Le deuxième enjeu autour de la naissance industrielle, c'est le fait que c'est quelque chose d'utile en termes de cohésion sociale et territoriale. Parce que l'industrie, elle peut s'implanter partout, parce qu'elle génère des emplois indirects et induit de manière plus importante que certains secteurs de services. Donc c'est un levier important dans la dynamique territoriale. C'est aussi un levier pour réduire notre empreinte environnementale. Plus on produit de choses sur le territoire, regarde nos normes sociales et environnementales, plus rapidement on va... On va maîtriser en tout cas notre trajectoire carbone. En gros, on se dit que produire en France, ce n'est pas dépendre de la trajectoire de décarbonation de la Chine. Et se dire qu'on va aussi, à travers la réindustrialisation, interroger nos modèles industriels, les industries qu'on souhaite avoir sur notre territoire, à quelles conditions, etc. Et le dernier enjeu, c'est un enjeu de création de valeur sur le territoire au service du financement de notre modèle. Et la question que ça sous-entend derrière la réindustrialisation et qu'on pose assez peu dans le débat public, c'est de se dire que l'industrie n'est qu'un outil au service de notre projet de société. Et on se dit que l'industrie ne bouge pas assez vite dans les transitions écologiques, mais en fait l'industrie ne peut pas changer seule de modèle si la société ne change pas. On ne peut pas demander... Les industriels doivent commencer à interroger leur modèle, mais de l'autre côté, la société doit aussi bouger sur son rapport à la consommation, la consommation de masse, à la possession... de biens, etc. Et donc c'est l'idée de comment est-ce qu'on a un mouvement conjoint entre mutation de l'industrie et mutation de la société, et en interrogeant le rôle de l'industrie dans notre projet de société, puisque c'est un moyen d'ancrer de manière durable la réindustrialisation dans nos objectifs de société.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il n'y a pas un truc aussi de... L'industrie, ça n'a pas une super bonne presse ou vision même de l'opinion publique parfois, parce qu'on imagine des usines, de la fumée... Est-ce qu'on ne doit pas aussi redonner un peu un truc cool à l'industrie ?

  • Speaker #1

    Alors, on a des images assez négatives de l'industrie parce qu'en fait, on ne connaît pas l'industrie. On connaît quelques grands donneurs d'or, on connaît des Michelins, on connaît des Airbus, des Safran. Et après, on ne connaît pas les sous-traitants de ces industries-là. Donc déjà, c'est démystifié ce qu'est l'industrie. Il y a plein d'activités industrielles, on passe tous les jours à côté. On ne sait même pas que ce sont des activités industrielles parce que leur impact environnemental, en tout cas le... L'impact environnemental sur l'environnement proche est relativement faible. Donc c'est montrer que l'industrie est extrêmement diversifiée, et tellement diversifiée qu'on a du mal à la définir, qu'il y a des activités qui sont, oui, polluantes, mais qui sont aussi la résultante de Ausha de société, de Ausha de consommation. Est-ce que c'est responsable de se dire, je vais les placer à l'autre bout du monde pour ne pas payer les conséquences directes de mes choix de consommation, mais les faire peser sur les épaules d'autres ? d'autres citoyens ailleurs dans le monde. Et c'est vraiment des conséquences directes, parce qu'en fait, les conséquences indirectes de nos modes de consommation et de production, on les aura avec les conséquences du réchauffement climatique. Et après, c'est aussi montrer que dans l'industrie, il y a des choses assez cool. Parce qu'aujourd'hui, si on arrive à se déplacer comme on se déplace, si on arrive à se soigner comme on arrive à se soigner, si on arrive à apprendre, etc., c'est aussi qu'il y a des biens industriels. On se dit, mais peut-être qu'il faudrait une société de l'immatériel. Et en fait, il n'y a pas d'immatériel sans société industrielle et sans des choses profondément matérielles. On n'a pas de numérique sans infrastructure physique. qui en plus posent plein de questions géopolitiques. On n'a pas de capacité à soigner et à inventer de nouvelles thérapies sans industrie. On n'a pas de capacité à innover sans base industrielle. Et toute la question, c'est le niveau qu'on met en termes de technologie. Est-ce qu'on a besoin de haute technologie et d'intensité de technologie qui est partout ? Ou est-ce qu'il y a des fois où le low-tech suffit et puis on doit garder la... fort contenu technologique pour des choses qui sont des applications qu'on juge vitales pour nos besoins en tant que société. Donc, tout est une question d'équilibre. En tout cas, l'industrie, elle est partout dans nos vies. Et donc, finalement, s'y intéresser, lui redonner ses lettres de noblesse, c'est pouvoir d'autant plus la questionner sur le modèle qu'on souhaite au regard de nos objectifs environnementaux.

  • Speaker #0

    Et disons, demain, on a réussi à bien réguler, à réindustrialiser comme... comme tu en parlais là, on a redonné même une bonne image à l'industrie. Toi, tu vois comment, dans quelques années, l'industrie française, comment tu la vois évoluer et à quoi elle ressemblerait, par exemple, dans 10 ans ?

  • Speaker #1

    Je crois qu'il n'y aura pas de modèle unique de l'industrie. Je crois qu'on va quand même devoir accepter d'avoir des industries qui restent sur la production de masse, notamment pour la production de médicaments, de principes actifs, avec des sites qui servent l'ensemble du continent européen. Et puis, on va peut-être avoir des productions aussi distribuées sur le territoire. On pourrait imaginer d'avoir des micro-usines pour produire par exemple des vélos ou des véhicules intermédiaires à destination d'un territoire. Alors tout ça pose la question de l'équilibre économique et du prix qu'on est prêt à payer pour ces modèles alternatifs. On va sûrement aussi évoluer dans notre mode de consommation, c'est-à-dire aller beaucoup plus vers une économie du partage, de la fonctionnalité, des services autour des produits et se dire qu'on n'a pas tous besoin de posséder... un bien de manière unitaire, parce qu'il y a beaucoup de choses dont on se sert peu, voire pas du tout, et ça encombre nos étagères. Et donc à partir de ce moment-là, on bloque des matières premières qu'on pourrait réutiliser pour remettre dans le circuit économique, ce qui suit les principes d'économie circulaire, mais qui est aussi un moyen de moins consommer de matières premières vierges, parce que tout l'enjeu qui se pose aussi à nos sociétés, c'est comment on consomme moins, comment on prend moins de matières premières vierges. dans les écosystèmes naturels parce qu'elles ne se renouvellent pas. Et donc, on va être confronté à l'aspect des limites de notre monde. Est-ce que la terre est capable de régénérer en fonction de nos modes de consommation ? Donc, c'est ces choses-là qu'on va voir émerger. Et on aura des industries de base qui auront un bilan environnemental important et tout l'enjeu. Et comment est-ce qu'on arrive à trouver un équilibre ? Donc, l'équilibre, c'est... des puits de carbone. Je ne crois pas à la capture magique du CO2 dans l'atmosphère. Je crois que la capture aux bornes d'un site industriel pour la réutilisation du CO2 peut avoir du sens. Par contre, la capture dans l'air n'a pas de sens. Par contre, contribuer, et ça sous-entend encore une fois l'évolution de nos modèles, à la régénération de puits de carbone naturel, donc des forêts, des océans, etc. C'est notre démarche collective. Comment est-ce qu'on vit mieux avec le reste de l'écosystème ? Ça, ça a du sens et c'est aussi accepter... On est des zones qui soient vraiment dédiées à la création de puits de carbone en France, en Europe, pour trouver cet équilibre entre ce qu'on va continuer à émettre pour des biens essentiels et ce qu'on va pouvoir absorber. Et donc cette industrie, forcément, elle va mieux s'intégrer dans nos écosystèmes, elle va travailler à avoir un meilleur rapport avec le vivant. Et ce n'est pas l'industrie qui doit avoir un meilleur rapport avec le vivant, c'est l'humanité. Comment on considère ce qui n'est pas un humain et comment est-ce qu'on lui donne une place dans nos réflexions ? Et puis c'est aussi notre rapport à l'autre, parce qu'aujourd'hui on délocalise et on déresponsabilise une partie de nos bilans environnementaux.

  • Speaker #0

    Donc il y a une grosse partie de la réponse qui est en nous, en tant que consommateurs ?

  • Speaker #1

    Il y a une réponse en nous, je pense en tant que citoyens, et une réponse qui est aussi collective, c'est-à-dire la réponse n'est pas uniquement dans les petits gestes, mais comment... Est-ce qu'on arrive à avoir des mouvements de sociétés, donc des filières industrielles qui bougent, et derrière, toute la chaîne de valeur qui se monte ?

  • Speaker #0

    On parle souvent de livres dans ce podcast, toi t'en as écrit quelques-uns, t'as dû en lire pas mal aussi. Est-ce que tu as quelques livres qui te viennent en tête, qui ont orienté ? Ta carrière, tes décisions ?

  • Speaker #1

    Je vais recommander deux livres. Le premier, c'est Suzanne Berger, qui est une chercheuse au MIT, qui a beaucoup écrit sur l'industrie, la désindustrialisation, la mondialisation. C'est Making in America, qui est un livre qui a dû être écrit en 2012 ou en 2013, uniquement en anglais, malheureusement, mais qui revient un peu sur toutes les questions de modularisation, de segmentation des productions et comment le lien entre lieu d'innovation et lieu de production est important. Et le deuxième livre, parce que je trouve que c'est intéressant de mettre des exemples, d'industries qui se questionnent sur leur modèle économique et comment elles peuvent allier profitabilité et respect de l'environnement. C'est le livre de Christopher Garin, qui est le PDG de Nexens, qui s'appelle Pour aller dans le bon sens.

  • Speaker #0

    Anaïs Mojili, merci d'avoir accepté notre invitation.

  • Speaker #1

    Merci pour l'accueil.

  • Speaker #0

    Et un troisième livre hyper intéressant à lire, c'est Pour une révolution industrielle, que tu viens de sortir en 2025.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup.

Chapters

  • Introduction à l'épisode et présentation d'Anaïs Voy-Gillis

    00:00

  • Parcours d'Anaïs et son expertise en réindustrialisation

    00:28

  • Défis de la réindustrialisation face aux normes environnementales

    05:35

  • Rôle de la commande publique dans la décarbonation

    11:25

  • Secteurs clés pour la réindustrialisation en France

    19:28

  • Livres recommandés et conclusion de l'épisode

    31:16

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Description

Comment les données ouvertes peuvent-elles transformer notre quotidien et redéfinir l'avenir de l'industrie en France ? Dans cet épisode captivant de Société.com : L’impact des données ouvertes au quotidien, Guillaume Berthault reçoit Anaïs Voy-Gillis, une experte passionnée et directrice de la stratégie et des sujets RSE d'un groupe pionnier dans la chimie minérale. Ensemble, ils explorent l'importance cruciale des données ouvertes dans le cadre de la réindustrialisation de la France, un enjeu majeur pour notre société actuelle.


Anaïs partage son parcours académique et professionnel, tout en mettant en lumière comment l'innovation et les données peuvent catalyser une transition écologique efficace. La réindustrialisation ne peut se faire sans une réflexion profonde sur nos normes environnementales et notre souveraineté économique. Dans un contexte où l'Europe doit faire face à des géants comme la Chine et les États-Unis, qui adoptent des normes moins strictes, la question se pose : comment la commande publique peut-elle soutenir la relocalisation et la décarbonation des filières industrielles ?


Les défis sont immenses, mais Anaïs souligne également les opportunités qui se présentent aux dirigeants d'entreprises. En intégrant les données ouvertes dans leur stratégie, les entreprises à impact peuvent non seulement contribuer à une économie plus verte, mais aussi renforcer leur position sur le marché. Quels sont les secteurs clés à réindustrialiser en France ? L'énergie, la santé et l'agroalimentaire se révèlent être des priorités stratégiques. Anaïs plaide pour une meilleure intégration des normes environnementales et une réflexion collective sur notre modèle industriel et nos choix de consommation.


Ce podcast sur l'entrepreneuriat vous invite à découvrir comment les données, en tant que sources de veille et outils d'analyse, peuvent transformer les pratiques d'affaires. Écoutez Guillaume Berthault et Anaïs Voy-Gillis discuter de l'importance de l'intelligence économique et de la manière dont les données ouvertes en France peuvent propulser l'innovation et la durabilité. Ne manquez pas cet épisode enrichissant qui éclaire les enjeux contemporains de la réindustrialisation et de l'entreprenariat !


Rejoignez-nous pour une discussion inspirante qui pourrait bien changer votre perspective sur l'avenir des entreprises et de la société. Société.com : L’impact des données ouvertes au quotidien est votre rendez-vous incontournable pour comprendre les enjeux d'aujourd'hui et de demain.


Retrouvez l'épisode complet sur notre chaine Youtube : https://www.youtube.com/playlist?list=PL6tGAKU401Cll69FHxp7R5x0Db0B_45zB


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On met beaucoup d'énergie sur la CSRD parce que c'est une nouvelle contrainte qui vient pour les entreprises. Mais l'énergie, c'est un véritable enjeu de souveraineté, mais aussi pour envisager la réindustrialisation. Si à partir de 2019, on avait mis en place le Buy European Act, on aurait réussi à baisser de 9% l'empreinte carbone annuelle de la commande publique en Europe. Je pense qu'il y a des pays qui sont peut-être beaucoup plus patriotes dans leur comportement d'achat que nous le sommes en France.

  • Speaker #1

    Bonjour et bienvenue sur Parlons Data en France, le podcast de Société.com, où nous explorons chaque mois comment les datas ouvertes transforment notre paysage économique et institutionnel français. À chaque épisode, nous recevons un expert pour voir comment ces datas s'intègrent dans sa stratégie concrètement. Alors que vous soyez commerciaux, entrepreneurs ou simples curieux de la data, abonnez-vous pour ne louper aucun épisode. Et aujourd'hui, nous recevons Anaïs Voisgilis. Bonjour Anaïs.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux commencer déjà par te présenter rapidement ce que tu as fait et ce qui t'a poussé à te spécialiser dans la réindustrialisation en particulier ?

  • Speaker #0

    Je vais être assez brève. J'ai un doctorat en géographie, mention géopolitique, si on veut être précis, sur les terminaisons académiques françaises. Et mon sujet de thèse était sur les enjeux déterminants de la réindustrialisation de la France. Et cette thèse, elle a été conduite dans le cadre d'un contrat cifre, donc c'est un contrat tripartite entre l'Agence nationale de recherche et de technologie, la NRT, une entreprise et une université. Et suite à ma soutenance de thèse, je suis un peu restée dans mon cabinet de conseil pendant deux ans. Et ensuite, j'ai basculé dans l'industrie. Maintenant, je suis directrice de la stratégie et des sujets RSE d'un groupe qui s'appelle Humens, qui est un groupe spécialisé dans la chimie minérale, qui produit du carbonate et du bicarbonate de sodium. Et en parallèle, je reste chercheuse associée à l'université de Poitiers, où mes travaux de recherche portent sur les politiques industrielles et les enjeux de réindustrialisation.

  • Speaker #1

    Ok, très clair. Quand je lisais ta fiche Wikipédia, je voyais géographe Géographe ça m'a fait penser au petit prince qui visite plein de planètes et qui, à un moment, tombe sur un géographe qui documente, en gros, des choses sans jamais... des montagnes, des fleuves, etc., des pays, sans jamais avoir visité ces pays-là. Je vois que dans ton parcours, il y a un peu de théorie, il y a un peu de pratique. Est-ce que tu penses qu'il faut faire du concret à un moment pour apporter à la théorie ?

  • Speaker #0

    Alors, oui, c'est marrant, cette image qu'on a de la géographie et comme... comme la géographie représentant finalement des éléments physiques, les montagnes, les fleuves, etc. Alors que la géographie finalement, elle est une discipline beaucoup plus large et qu'on a tendance à réduire, parce que notamment on a les souvenirs qu'on a à l'école. Mais dans la géographie, j'ai fait mon doctorat à l'Institut français de géopolitique, qui a été fondé par Yves Lacoste, où justement on considère que le fait d'aller sur le terrain dans une démarche de recherche est vraiment... important pour nourrir les analyses et les réflexions. Quand on va sur le terrain, c'est à la fois voir des éléments topographiques, donc on revient sur ces éléments de fleuves, de montagnes, etc., si on est un peu réducteur, mais c'est aussi aller à la rencontre des acteurs, et notamment quand on étudie un conflit, par exemple un conflit autour d'aménagement du territoire, un conflit pour détenir une ressource, ou tout simplement des sujets... liées à des conflits armés, notamment Yves Lacoste, qui est le fondateur de l'Institut français de géopolitique. Il a été mondialement connu pour son analyse de bombardements américains au Vietnam. Et comment est-ce que les bombardements étaient ciblés le long d'un fleuve pour fragiliser des digues. Et donc il est vraiment allé voir avec la cartographie, des analyses. visuel de ces bombardements, comment est-ce que la carte pouvait être un support d'analyse. Et mon parcours, j'ai eu beaucoup de travail d'analyse de terrain, aller rencontrer les acteurs quand je faisais ma thèse sur la réindustrialisation. Et ce qui m'a amenée à aller sur des fonctions beaucoup plus opérationnelles, c'était l'idée de ce que j'ai voulu formaliser dans mes travaux de recherche, c'était voir comment est-ce que je pouvais en faire peut-être une transcription dans des sujets opérationnels, surtout que... Au départ, j'étais très centrée sur la réindustrialisation et progressivement, je suis venue sur les enjeux de réindustrialisation et de compatibilité entre industrie et limites planétaires et toute la question du réchauffement climatique. Et donc, je trouvais ça intéressant de se dire, est-ce que je pourrais avoir un cas concret de décarbonation et comment ça pourrait alimenter mes travaux de recherche ? Du coup, il y a un aller-retour entre la recherche et l'opérationnel qui est... C'est aussi un exercice équilibriste parce qu'il y a tout l'enjeu d'arriver à garder une part d'objectivité. Et forcément, quand on rentre dans l'industrie, on peut se dire qu'on perd en partie de l'objectivité. qu'on a normalement dans la recherche. Et donc, c'est l'aller-retour que je dois faire en permanence et aussi être très honnête quand je prends la parole publiquement sur là d'où je parle. Et donc, potentiellement, le fait qu'il y a parfois, on pourrait me dire que je suis un peu conflictée sur certaines prises de parole. Donc, c'est important d'avoir cette transparence. Et en même temps, moi, ça m'apporte beaucoup d'avoir une expérience très concrète pour du coup gagner en profondeur dans mes analyses. et casser d'autres biais de subjectivité qu'on peut avoir aussi quand on est moins ancré dans le terrain.

  • Speaker #1

    Tu parlais tout à l'heure de transition écologique. Pour toi, est-ce qu'il y a la possibilité de faire de la réindustrialisation en France et de réussir à tenir les règles qu'on se met, nous, en France, en termes de transition écologique, en termes de bilan carbone, etc., face à des pays qui, eux, réindustrialisent, la Chine, les États-Unis, avec, on va dire, des contraintes un peu plus faibles ? en termes de transition écologique ?

  • Speaker #0

    C'est un débat qui est extrêmement vaste et en plus qui est particulièrement d'actualité parce qu'en ce moment, on a beaucoup de débats sur la norme CSRD, tous les développements en termes normatifs et réglementaires que l'Union européenne est en train de mettre en place pour pousser les entreprises à se mettre en ligne avec ce qui est prévu dans le Green Deal et la vision européenne en termes de transition écologique. Et il y a plein de sous-questions là-dedans. La première, c'est est-ce que l'Union européenne peut se réindustrialiser quand la Chine et les États-Unis ont des ambitions industrielles, en gardant la doctrine économique qu'elle a actuellement ? Parce qu'on sait que, par exemple, la Chine aujourd'hui produit plus de biens industriels qu'il n'est nécessaire pour sa consommation interne, et que ce phénomène est accentué par le fait qu'elle a aujourd'hui une demande interne qui est relativement... Quand on regarde les chiffres, on se rend compte que les ménages chinois se détournent de plus en plus vers l'épargne, donc au détriment de la consommation, et qu'en parallèle, le marché américain est de plus en plus restreint aux produits chinois. Donc il y a un enjeu géopolitique qui, déjà, devrait nous appeler à nous questionner sur nos politiques industrielles et comment est-ce qu'on se positionne dans ce conflit-là. Et la deuxième chose qui existe, c'est qu'on se met des standards environnementaux et sociaux. très élevés et malheureusement on n'oblige pas forcément les producteurs non européens à respecter les mêmes standards que ce qu'on va se mettre par exemple pour produire des principes actifs ou des médicaments sur le territoire français en termes de traitement des eaux usées, des industries etc. Et donc là il y a plusieurs réponses il y a une première réponse que l'Union Européenne a apportée avec le mécanisme carbone d'ajustement aux frontières le MACF ou le CIBAM dans son acronyme anglais qui est de se dire qu'on met une taxe carbone aux frontières pour certaines catégories d'intrants, par exemple l'acier, l'aluminium, l'hydrogène, le ciment et il me semble que c'est l'énergie, et de se dire qu'on va exiger que les produits entrant sur le territoire européen paient une taxe carbone parce que ces industries-là sont dans le système européen d'échange de quotas. le système ETS, sauf que c'est de la fausse réciprocité, puisqu'on peut les détourner facilement. On va mettre une taxe carbone sur une tonne d'acier qui rentre sur le territoire européen. Par contre, on ne va pas mettre une taxe carbone en termes de poids d'acier dans une voiture qui entrerait sur le territoire européen. Donc, on se met...

  • Speaker #1

    On se formait avant de le faire.

  • Speaker #0

    Voilà, on biaise un peu le sujet et on a beaucoup de mal à mettre une forme de réciprocité. Par exemple, un exemple... où on est en train de mettre de la réciprocité, c'est dans l'accès au marché public, c'est-à-dire de dire que pour qu'une entreprise non européenne accède à un marché public européen, il faut que de la même manière, une entreprise européenne puisse postuler et avoir des chances de gagner dans un marché public dans un pays en dehors de l'Europe. Sauf que ce dont on se rend compte, c'est que c'est un débat qui a été très long, qui a mis 15 ans à aboutir, voire plus, à l'échelle européenne, puisqu'on a des rivalités entre les États membres. sur des questions commerciales. L'Allemagne exporte beaucoup plus de biens industriels que nous. Nous, on a une balance commerciale largement déficitaire. On importe beaucoup de produits de Chine quand l'Allemagne a fait aussi le moteur de sa croissance sur des exportations de machines-outils, d'automobiles, de robotiques vers la Chine. Aujourd'hui, les choses sont en train de s'inverser. Donc quand on voit que c'est difficile d'avoir avancé sur ce sujet-là, on se dit mettre de la réciprocité sur les normes environnementales, ça semble être quelque chose de très complexe à l'échelle européenne. Alors que quand on parle du débat de la... de la simplification, il y a finalement un mécanisme qui serait assez simple, qui peut faire débat, mais qui est de dire finalement, soit une norme, on estime même qu'elle est utile, est nécessaire, voire vitale, et donc on l'applique à tous les produits rentrant sur le territoire européen. Soit on peut questionner son intérêt si on ne l'applique qu'aux producteurs européens et pas aux non-européens, puisque ça crée des biais de compétitivité. À titre, juste pour donner un chiffre pour illustrer, il y a une étude qui a été réalisée par le cabinet Advancy sur le poids de la mise en conformité réglementaire pour les industriels. Et ce que cette étude montre, c'est que 30 à 35% des surcoûts des industriels européens dans la chimie... et il y a de la mise en conformité réglementaire. Et on ne va pas avoir les mêmes exigences qu'on se met aux produits non européens. Donc il y a vraiment un enjeu de réciprocité, de rééquilibrage du rapport de force pour pouvoir se donner une chance de réindustrialiser et en même temps d'imposer aussi nos standards environnementaux. Parce que là, qu'est-ce qu'on risque de faire ? C'est de ne pas se réindustrialiser, de détruire de la valeur industrielle même en Europe. et d'importer des produits qui, finalement, sont moins divisants sur le plan social et environnemental. Et donc, artificiellement, on va atteindre nos objectifs carbone, puisqu'on va baisser notre empreinte carbone territoriale, mais on va augmenter nos émissions importées via ces produits-là. Et donc, on aura perdu notre bataille en termes de lutte contre le réchauffement climatique.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, dans la simplification dont tu parles là, des chiffres, des rapports, etc., récemment, l'exécutif a évoqué le fait de... simplifier, voire supprimer pour certaines structures la CSRD. Tu penses que ça va accélérer la réindustrialisation, comme tu disais ? Quelles vont être les conséquences de telles mesures ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est un faux débat parce que je crois qu'on met beaucoup d'énergie sur la CSRD parce que c'est une nouvelle contrainte qui vient pour les entreprises, alors qu'en réalité, il y a plein d'autres normes dont tout le monde se plaint régulièrement depuis plusieurs années. Je pense qu'il y a un effort de rationalisation tout en essayant de garder nos standards environnementaux et qui doit être fait en dehors de la CSRD. Et la CSRD, elle peut être intéressante à partir du moment où on arrive à harmoniser les attentes entre les différents pays, qu'on n'ait pas des niveaux d'exigence qui soient relativement différents. La deuxième chose, c'est que je trouve que ce qui serait une vraie réussite pour la CSRD, c'est de se dire que ça devient la référence. Parce qu'aujourd'hui... Tous les industriels qui sont confrontés à la CSRD, ils sont aussi confrontés à une multiplication des demandes de reporting de leurs clients. Tous les clients leur demandent des chiffres sur leur consommation d'eau, leur consommation de carbone. L'administration demande aussi énormément de données. Il y a plein de rapports qui sont produits. Et finalement, il y a un empilement de demandes formalisées de manière différente, avec éventuellement des unités qui ne sont pas exactement les mêmes, surtout quand on commence à parler de consommation énergétique, etc. Et on pourrait se dire que la CSRD... L'enjeu, c'est d'arriver à standardiser tout ça. Et finalement, ça devient la porte d'entrée et on arrête la multiplication des reportings. Et on pourrait aussi aller encore plus loin, puisque vous aimez le sujet de la data. Ça serait de se dire, mais est-ce qu'on n'aurait pas le moyen de créer une sorte de banque européenne de données où les industriels rentrent les données nécessaires au reporting de la CSRD ? Donc, c'est un collecte qui deviendrait public et pas forcément... via du reporting qui se fait via des cabinets de conseil et via des cabinets d'audit et qui devient la référence sur laquelle les administrations peuvent se pluguer pour récupérer les données dont elles ont besoin et qu'elles demandent régulièrement aux entreprises, que les clients demandent aussi à leurs fournisseurs. Mais c'est vraiment d'aller vers quelque chose qui soit peut-être de la collecte assez importante pour aller vers de la transparence et s'assurer que tout le monde questionne son modèle économique à l'aune du réchauffement climatique. mais en même temps que ça se fasse dans un effort de simplification, c'est-à-dire qu'on arrête avec les 50 fichiers Excel, les 50 demandes d'administration, parce qu'aujourd'hui, il y a des demandes de l'INSEE, il y a des demandes de la Banque de France, il y a des demandes d'Edreal, il y a des demandes d'autres administrations. Pour ceux qui sont dans l'ETS, il y a la fourniture d'audits relativement complets sur les émissions de carbone. Et après, vous allez avoir, si vous avez des clients dans le domaine de la pharmacie, ils vont être sur une plateforme. Si vous avez... des clients qui vont être dans une zone géographique, par exemple l'Espagne, ils vont vous demander d'avoir une autre plateforme que celle des Cova10 parce qu'ils ont un autre système. Et puis après, il y a tous ceux qui vont avec leur fichier Excel. Donc en fait, le reporting, on parle beaucoup de la CSRD parce qu'on le voit comme un truc en plus, mais en fait, c'est juste, est-ce que la CSRD peut pas être une voie de simplification de la multiplication de la production de données ? Et c'est pour ça que je trouve qu'on pose pas assez cette question déjà d'inflation de production d'indicateurs dans tous les sens. avant même que ça, ça existe.

  • Speaker #1

    Et ce gros pôle de données, comme tu dis, toi, tu le vois plutôt à l'échelle de l'Europe plutôt qu'à l'échelle de la France, parce que t'as aussi une question de souveraineté quand même entre les pays. On parlait tout à l'heure juste des datas côté écologique, mais il y a... Une tonne d'autres datas aussi. Est-ce qu'on le fait au niveau de la France ou est-ce qu'on le fait au niveau de l'Europe, si on doit le dire ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Alors, en fait, c'est vrai qu'on fournit toujours plein de données. On parle des données, finalement, extra-financières. On fournit aussi des données financières. Est-ce que c'est possible d'avoir ce type de projet à l'échelle européenne alors qu'on va peut-être avoir une interprétation différente des textes et qu'on est dans un contexte, finalement... Pas si évident que ça à l'échelle européenne. Je ne sais pas si c'est peut-être de l'ordre du vœu pieux, mais déjà si on arrive à le faire à l'échelle française où on collecte énormément de données, ça pourrait avoir du sens. Et la question aussi, c'est jusqu'où on va dans le niveau de transparence, parce que finalement les entreprises aujourd'hui qui sont cotées, elles produisent déjà beaucoup de données qui tombent finalement dans le domaine public à travers les rapports financiers, extra-financiers qu'elles publient. Mais cet effort de transparence, il est beaucoup moins courant. pour les entreprises qui ne sont pas soumises à ce reporting. Donc comment est-ce qu'on donne accès à la donnée ? Qui a accès ? Ça pose plein d'autres questions. Et comme la CSRD est européenne, j'aurais dit, plutôt tendance à essayer de faire un truc à l'échelle européenne. Maintenant, on risque de faire une usine à gaz. Donc peut-être que déjà arriver à le faire à l'échelle d'un État, ça serait une première chose. Et vraiment, dans cet objectif de standardiser la production de données, et j'essaye de dire, c'est l'avoir reconnu, et puis le reste, on le détricote. malheureusement quand je dis ça, il y a aussi des gens qui ont fondé leur modèle économique et leur réussite économique sur cette inflation, production de rapports et de données.

  • Speaker #1

    Et ça me fait penser à la partie souveraineté aussi et réindustrialisation. En gros, pour toi, quels sont les gros secteurs ? On a parlé de quelques secteurs, la pharmaceutique, etc. Quels sont les gros secteurs qu'il faudrait qu'on arrive à réindustrialiser en France aujourd'hui ? Et... Ça me fait aussi rebondir sur le fait que s'ils ont beaucoup de data à produire, quels sont les secteurs où il faudrait qu'on baisse un peu le nombre de data qu'ils ont à produire pour qu'ils puissent revenir se réindustrialiser en France ?

  • Speaker #0

    Je pense que derrière la data, c'est la mise en conformité réglementaire qui est compliquée. C'est le respect d'un certain nombre de normes. C'est les rejets de la qualité. On a des rejets industriels, par exemple on utilise de l'eau dans les process industriels qu'on va ensuite rejeter dans l'environnement et on ne peut pas rejeter cette eau dans l'environnement comme on le souhaite. Il y a des quantités autorisées de fer, de chlorure de calcium, d'autres éléments minéraux. Donc les industriels traitent leur eau pour arriver à respecter les standards, mais ça peut être aussi la température. de la température des rejets des eaux dans le milieu naturel. Il y a plein de questions qui se posent. Et d'obligations d'investir pour, par exemple, ne pas rejeter une eau supérieure à la température autorisée. Et je ne suis pas convaincue que ce soit forcément une mauvaise chose, parce que c'est pour notre bien-être tous. Est-ce que tu ne le prennes pas,

  • Speaker #1

    tu vois, la réindustrialisation ? Parce que si tu prends une usine qui fait, je prends l'exemple de ta température de l'eau, mais elle le fait en Chine et elle le rejette à la température qu'elle veut.

  • Speaker #0

    La question, ce n'est pas le fait qu'on freine la réindustrialisation. Bien entendu, si on pouvait faire tout comme on veut, on améliorerait la compétitivité et on soutiendrait peut-être la réindustrialisation. Mais de l'autre côté, on flinguerait complètement l'environnement. Et donc, je crois que c'est plutôt de se dire qu'est-ce qui est vraiment utile et nécessaire. Et après, il y a peut-être des contraintes qu'on peut alléger. Il y a des experts de ce sujet-là qui diraient qu'il y a tel article qu'on peut supprimer parce que c'est devenu une aberration, parce que ça fait... C'est une référence d'un texte d'il y a 200 ans qui n'a pas été remis au goût du jour, etc. Donc ça, il y a assurément des voies d'amélioration. Par contre, je ne crois pas qu'on doit baisser nos exigences. On doit plutôt pousser à ceux qui viennent sur le territoire européen. Ça reste un marché assez conséquent. L'Europe, c'est 500 millions de consommateurs. Et donc pousser que ceux qui rentrent sont dans l'obligation de respecter les normes qu'on juge critiques et vitales pour la soutenabilité de notre environnement. Merci. Et ça, c'est une chose sur laquelle on doit être beaucoup plus ferme, mais sur laquelle on doit aller chercher l'alignement européen. Et en fait, c'est loin d'être gagné parce qu'on se rend compte aussi que l'appréciation des normes n'est pas exactement la même à l'échelle européenne, qu'il y a certains pays qui sont moins sévères dans la transcription du droit européen que nous ne le sommes. Mais il y a un enjeu de se tirer vers le haut. Et après, sur les secteurs... Je dirais qu'un des secteurs majeurs, c'est le secteur énergétique. Aujourd'hui, on est très dépendant des énergies fossiles dans notre industrie. Et dans l'enjeu de décarbonation, on doit avoir un sujet d'électrification. C'est comment on produit de l'électricité bas carbone et à prix compétitif. Alors on va me dire, mais si on fait de l'éolien, si on fait des panneaux solaires, on est forcément dépendant d'autres par rapport aux matières premières critiques. C'est sûr qu'on passe un peu d'une dépendance à l'autre, mais en même temps, on a aussi les capacités, après, de monter des filières de recyclage. Et là, c'est l'enjeu de comment reconstruire les chaînes de valeur des biens nécessaires à la production d'énergie bas carbone sur le territoire. Mais l'énergie, c'est un véritable enjeu de souveraineté, à la fois pour nous, tout à chacun, mais aussi pour envisager la réindustrialisation. Ensuite, il y a d'autres industries qui sont clés, l'industrie de la santé, la production de principes actifs, savoir soigner une population. savoir innover sur les thérapies de demain, savoir se prémunir des prochaines pandémies qui pourraient émerger liées aux conséquences du réchauffement climatique. Il y a le domaine agroalimentaire, de l'alimentation comme on est souverain sur le plan alimentaire. Aujourd'hui, la France, elle a presque un côté, on l'entend de plus en plus, mais on se dit que c'est un pays en voie de développement parce qu'on exporte des matières premières et on réimporte. des produits finis, on exporte des patates et on remporte des chips, des choses comme ça. Alors, c'est un exemple un peu caricatural, mais aujourd'hui, alors qu'on était un grand pays agricole, et d'ailleurs, on a été, à mon avis, plus un pays agricole qu'un pays industriel dans notre culture fondamentale, on se rend compte que notre balance commerciale agricole est en train de devenir déficitaire et elle est bénéficiaire grâce aux alcools et aux spiritueux. Donc, si je reprends, l'énergie, la santé... l'alimentation, la défense, puisqu'on est dans un contexte géopolitique de plus en plus contraint. Et qu'en plus, dans la défense, on a un vrai enjeu, c'est que les Américains ont des normes, comme les normes ITAR, qui mettent sur certains composants, donc qui peuvent potentiellement bloquer nos exportations, si on a des composants dans l'armement qui sont réputés ITAR, et donc les Américains peuvent nous bloquer. Donc il y a un véritable enjeu de souveraineté, à la fois pour se défendre, à la fois pour exporter. Et ensuite, la question qui se pose, c'est, on prend... ces grands segments et se dire c'est quoi dans ces chaînes de valeur, ce qu'on veut maîtriser, quels sont finalement les produits pivots sur lesquels on a la capacité à devenir leader, parce que l'enjeu c'est qu'on ne va pas pouvoir maîtriser totalement ces chaînes de valeur, et donc c'est de réfléchir à l'échelle nationale et à l'échelle européenne, la maîtrise de points clés dans les chaînes de valeur, en se disant ça va être des pivots, on va être les meilleurs dans ce domaine et on va créer des interdépendances. La souveraineté c'est la capacité de ne pas dépendre. d'un autre État, mais c'est aussi la question des interdépendances et comment on devient suffisamment bon dans certains domaines pour que d'autres États soient dépendants de nous et donc on arrive à équilibrer le rapport de force. Et ce qu'on a constaté au moment de la pandémie et juste ensuite, c'est qu'on est très dépendant dans des actifs clés pour la transition écologique, la production de semi-conducteurs, qui est très fortement liée à Taïwan avec TSMC, et qui est ça qui est lié vraiment... à l'évolution des stratégies industrielles des grands groupes dans les années 80 avec la segmentation de la production. Et notamment le fait qu'on a confié certaines productions, comme les semi-conducteurs, à des acteurs non européens avec des phénomènes qui sont principalement asiatiques. Ce n'était pas forcément non européen. Et ces phénomènes de concentration. Donc, on a un acteur qui produit un bien et on l'a dans plein d'autres choses. Si on prend dans le vélo, on a des Shimano. On pourrait multiplier ça.

  • Speaker #1

    On a aussi cru qu'on pouvait faire plus que du tertiaire et laisser les autres faire...

  • Speaker #0

    Oui, en fait, on a cru qu'on pouvait spécialiser sur les tâches en amont et en aval de la production. Et donc, on a confié la production à un épicier en se disant qu'il ne remonterait pas les chaînes de valeur. Or, ce qu'on voit, c'est que plus on est proche, quand on a une proximité entre innovation et lieu de production, on est beaucoup plus pertinent. Et donc, on voit ces phénomènes de concentration dans l'électronique avec les semi-conducteurs. On voit la Chine qui a remonté la chaîne de valeur qui était en retard sur le véhicule thermique. Mais finalement... qui a remonté la chaîne de valeur dans le véhicule électrique et en maîtrisant l'approvisionnement des matières premières critiques avec sa stratégie aussi des nouvelles routes de la soie, en maîtrisant le bloc batterie, puis en finissant par faire l'assemblage de véhicules. Et ça, c'est aujourd'hui des segments dans les chaînes de valeur qu'on essaye de remaitriser. Donc l'Europe a eu une stratégie pour relocaliser la production de semi-conducteurs avec... des subventions accordées à Intel pour relocaliser cette production en Allemagne, sauf que Intel décale le projet pour des questions du prix de l'énergie en Europe. On a essayé de le faire avec les batteries, avec des grands plans batteries en Europe. Ce qu'on voit, c'est qu'il y a une difficulté pour ces acteurs à trouver des équilibres économiques. On est en train de soutenir ces implantations-là. Et le vrai défi pour la France, c'est de se dire, c'est quoi les batteries de demain ? Est-ce que c'est des batteries solides au sodium et autres ? Et comment est-ce qu'on arrêterait le train, peut-être véhicule électrique, mais on arrive à avoir la prochaine génération de véhicules électriques avec peut-être la prochaine génération de batteries ? Et toutes ces questions-là, on doit se les poser dans le cadre de la réindustrialisation sans sous-estimer le contexte européen et le contexte géopolitique mondial.

  • Speaker #1

    Je sais que tu as coécrit avec Carbon4 et InFrance une étude qui s'appelle By European and Sustainable Act Quels sont les enseignements que vous en avez sortis de cette étude-là ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a deux enseignements principaux. Le premier, c'est de se dire que la commande publique a un rôle structurant à jouer dans la relocalisation et dans la décarbonation des filières industrielles. On s'est beaucoup concentré sur le potentiel sur des industries lourdes comme l'aluminium, l'acier, le ciment. Mais ce qu'on montre, c'est qu'en gros, si à partir de 2019, on avait mis en place le Buy European Act, on aurait réussi à baisser de 9% l'empreinte carbone annuelle de la commande publique en Europe. C'est-à-dire 34 millions de tonnes de CO2 abattues chaque année. Alors pas 34 millions chaque année, mais chaque année. J'efface 34 millions de tonnes. Ça permet de créer 30 000 emplois, de générer 6 milliards de chiffre d'affaires en plus dans les secteurs étudiés, tout en décarbonant ces filières. Parce que l'enjeu aujourd'hui, pourquoi est-ce que la transition prend du temps ? C'est qu'il faut aussi qu'on ait des gens qui soient prêts à payer plus cher un produit, mieux disant, sur le plan environnemental. Donc ça passe par la commande publique. Et la commande publique, on va se dire, mais ce n'est pas la chaire publique qui achète des poutrelles en aluminium. Mais la commande publique, elle va indirectement commander des bâtiments publics. Quand on refait un hôtel de région, quand on refait un bâtiment public, etc., on peut aussi mettre des critères pour exiger la soutenabilité de certains matériaux. Et quand on dit 6 milliards de chiffre d'affaires en plus pour les entreprises, derrière, qu'est-ce que ça veut dire ? C'est des emplois, je le disais, mais des emplois, c'est la fiscalité. La fiscalité des ménages, c'est de la consommation. Donc on recrée un cercle vertueux, puisqu'on va générer ces emplois directs, des emplois indirects, des emplois induits. On va permettre avec la fiscalité de soutenir le modèle social français ou européen. Et donc c'est un cercle vertueux. Donc l'enseignement de la commande publique, c'était de se dire, on parle du rapport, c'est de se dire, on parle beaucoup de commandes publiques, essayons d'objectiver ça. Et quel potentiel serait-il en termes de relocalisation ? C'est positif. En termes de décarbonation des filières industrielles, c'est aussi très positif.

  • Speaker #1

    Et du coup, pourquoi ça n'a pas été mis en place ? Est-ce que tu vois des obstacles qui ont fait que... Alors déjà, tu as le contexte géopolitique qui a un peu bougé, mais... Alors,

  • Speaker #0

    la commande publique, c'est toujours un peu... Il y a comme une sorte de serpent de mer, c'est-à-dire, on pourrait se dire, mais en fait, le Buy European Act, c'est... C'est important, mais pourquoi est-ce qu'on ne fait pas quelque chose à l'échelle française ? Alors à l'échelle française, on va me dire, non, mais il y a les traités européens de non-discrimination sur la nationalité des produits, etc. et ce qui complexifie le marquage de certains produits. Mais par contre, sur les critères environnementaux, en fait, on peut être compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, parce que c'est souvent ce qu'on dit, on ne peut pas mettre des critères sur la localisation de la production, parce que ça contrevient aux règles de l'OMC. Par contre, si on dit... tel produit ne doit pas dépasser telle intensité carbone. Mécaniquement, on va plutôt flécher vers des pays où la production est à faible intensité carbone. Ça peut être la France, ça peut être le nord de l'Europe, ou ça peut être des pays où il y a un mix énergétique qui est fortement décarboné, puisque un des gros piliers dans l'aspect bilan carbone d'un produit, c'est souvent le mix énergétique. Est-ce que... Il a été produit avec une énergie bas carbone ou quelque chose de très carboné comme du charbon ou autre. Et donc c'est quelque chose qui est quand même relativement objectivable pour le faire à l'échelle française et à l'échelle européenne. Alors que les États-Unis se sont dotés de quelque chose pour faire de la préférence américaine, on se rend compte que l'interprétation des règles... européenne en la matière, elle n'est pas exactement la même. Je pense qu'il y a des pays qui sont peut-être beaucoup plus patriotes dans leur comportement d'achat que nous le sommes en France. Et il y a eu le fait que ça a été mis à l'agenda, mais pas forcément poussé, on ne voyait pas forcément l'intérêt. Il y avait encore ces histoires de divergence, à mon avis, commerciale entre les États. Mais ce qu'on voit, c'est que c'est en train de devenir central dans le discours politique national et européen, parce qu'on se rend compte que c'est un levier de réindustrialisation et de soutien à l'industrie européenne. C'est un levier de décarbonation des économies et c'est quelque chose de relativement massif. La commande publique, c'est environ 15 points de PIB en moyenne dans les différents pays.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu penses qu'on n'en voit pas l'intérêt parce qu'il n'y a pas assez de data ? Est-ce que ce n'est pas à l'agenda comme tu disais ?

  • Speaker #0

    Si demain, il y avait... Nous, on est très forts en France sur l'open data, pas tous les pays européens, mais en tout cas, si demain, il y avait énormément de data, quand tu fais le choix, tu le disais tout à l'heure, pour construire un immeuble, un hôpital, etc. Tu fais une commande. Est-ce que si tu sais que tel prestataire va consommer...

  • Speaker #1

    En fait, la complexité, je pense qu'il faut mettre des critères qui sont objectivables et très clairement, un critère d'intensité carbone qu'on peut avoir soit avec un bilan carbone, soit... Si on veut quelque chose de beaucoup plus précis avec une analyse de cycle de vie, on va exiger quand on répond à l'appel d'offres publiques de fournir une analyse de cycle de vie. Alors ça va être difficile parce que plus on est éloigné du producteur, plus la production de l'analyse de cycle de vie va être complexe pour retracer les chaînes de valeur. Mais l'analyse de cycle de vie, c'est une donnée qui est relativement objectivable. Là où c'est plus compliqué quand on choisit un fournisseur, c'est de se dire on va avoir des entreprises qui sont immatriculées en France. Est-ce qu'elles s'approvisionnent en France ? Est-ce qu'elles font vraiment tourner les usines françaises ? C'est plus compliqué. Après, on peut avoir des certifications, on peut avoir des labels européens, on a des choses comme Origines France Garantie, où on sait qu'il y a une part de la valeur ajoutée qui a été faite sur le territoire français qui est relativement importante. Donc il y a des choses qu'on peut objectiver, et d'autres qui sont plus complexes en termes d'accès à la connaissance de qui est le fournisseur de mon fournisseur. voir le fournisseur de mon fournisseur de mon fournisseur.

  • Speaker #0

    Ok. Tu as publié récemment un livre qui s'appelle Pour une révolution industrielle. Tu proposes quelques propositions, ou en tout cas ta vision de comment réinventer et réindustrialiser. Est-ce que tu peux nous en citer quelques-unes ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a plein de raisons de réindustrialiser. Le premier, c'est que la réindustrialisation, c'est quelque chose qu'on doit penser au service de la souveraineté, en fait. Pourquoi on veut une industrie forte ? C'est parce que l'industrie est au service de la puissance d'un pays et elle est un moyen d'avoir des marges de manœuvre pour décider de ce qu'on fait en tant que société pour financer notre modèle social et choisir nos orientations. Le deuxième enjeu autour de la naissance industrielle, c'est le fait que c'est quelque chose d'utile en termes de cohésion sociale et territoriale. Parce que l'industrie, elle peut s'implanter partout, parce qu'elle génère des emplois indirects et induit de manière plus importante que certains secteurs de services. Donc c'est un levier important dans la dynamique territoriale. C'est aussi un levier pour réduire notre empreinte environnementale. Plus on produit de choses sur le territoire, regarde nos normes sociales et environnementales, plus rapidement on va... On va maîtriser en tout cas notre trajectoire carbone. En gros, on se dit que produire en France, ce n'est pas dépendre de la trajectoire de décarbonation de la Chine. Et se dire qu'on va aussi, à travers la réindustrialisation, interroger nos modèles industriels, les industries qu'on souhaite avoir sur notre territoire, à quelles conditions, etc. Et le dernier enjeu, c'est un enjeu de création de valeur sur le territoire au service du financement de notre modèle. Et la question que ça sous-entend derrière la réindustrialisation et qu'on pose assez peu dans le débat public, c'est de se dire que l'industrie n'est qu'un outil au service de notre projet de société. Et on se dit que l'industrie ne bouge pas assez vite dans les transitions écologiques, mais en fait l'industrie ne peut pas changer seule de modèle si la société ne change pas. On ne peut pas demander... Les industriels doivent commencer à interroger leur modèle, mais de l'autre côté, la société doit aussi bouger sur son rapport à la consommation, la consommation de masse, à la possession... de biens, etc. Et donc c'est l'idée de comment est-ce qu'on a un mouvement conjoint entre mutation de l'industrie et mutation de la société, et en interrogeant le rôle de l'industrie dans notre projet de société, puisque c'est un moyen d'ancrer de manière durable la réindustrialisation dans nos objectifs de société.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il n'y a pas un truc aussi de... L'industrie, ça n'a pas une super bonne presse ou vision même de l'opinion publique parfois, parce qu'on imagine des usines, de la fumée... Est-ce qu'on ne doit pas aussi redonner un peu un truc cool à l'industrie ?

  • Speaker #1

    Alors, on a des images assez négatives de l'industrie parce qu'en fait, on ne connaît pas l'industrie. On connaît quelques grands donneurs d'or, on connaît des Michelins, on connaît des Airbus, des Safran. Et après, on ne connaît pas les sous-traitants de ces industries-là. Donc déjà, c'est démystifié ce qu'est l'industrie. Il y a plein d'activités industrielles, on passe tous les jours à côté. On ne sait même pas que ce sont des activités industrielles parce que leur impact environnemental, en tout cas le... L'impact environnemental sur l'environnement proche est relativement faible. Donc c'est montrer que l'industrie est extrêmement diversifiée, et tellement diversifiée qu'on a du mal à la définir, qu'il y a des activités qui sont, oui, polluantes, mais qui sont aussi la résultante de Ausha de société, de Ausha de consommation. Est-ce que c'est responsable de se dire, je vais les placer à l'autre bout du monde pour ne pas payer les conséquences directes de mes choix de consommation, mais les faire peser sur les épaules d'autres ? d'autres citoyens ailleurs dans le monde. Et c'est vraiment des conséquences directes, parce qu'en fait, les conséquences indirectes de nos modes de consommation et de production, on les aura avec les conséquences du réchauffement climatique. Et après, c'est aussi montrer que dans l'industrie, il y a des choses assez cool. Parce qu'aujourd'hui, si on arrive à se déplacer comme on se déplace, si on arrive à se soigner comme on arrive à se soigner, si on arrive à apprendre, etc., c'est aussi qu'il y a des biens industriels. On se dit, mais peut-être qu'il faudrait une société de l'immatériel. Et en fait, il n'y a pas d'immatériel sans société industrielle et sans des choses profondément matérielles. On n'a pas de numérique sans infrastructure physique. qui en plus posent plein de questions géopolitiques. On n'a pas de capacité à soigner et à inventer de nouvelles thérapies sans industrie. On n'a pas de capacité à innover sans base industrielle. Et toute la question, c'est le niveau qu'on met en termes de technologie. Est-ce qu'on a besoin de haute technologie et d'intensité de technologie qui est partout ? Ou est-ce qu'il y a des fois où le low-tech suffit et puis on doit garder la... fort contenu technologique pour des choses qui sont des applications qu'on juge vitales pour nos besoins en tant que société. Donc, tout est une question d'équilibre. En tout cas, l'industrie, elle est partout dans nos vies. Et donc, finalement, s'y intéresser, lui redonner ses lettres de noblesse, c'est pouvoir d'autant plus la questionner sur le modèle qu'on souhaite au regard de nos objectifs environnementaux.

  • Speaker #0

    Et disons, demain, on a réussi à bien réguler, à réindustrialiser comme... comme tu en parlais là, on a redonné même une bonne image à l'industrie. Toi, tu vois comment, dans quelques années, l'industrie française, comment tu la vois évoluer et à quoi elle ressemblerait, par exemple, dans 10 ans ?

  • Speaker #1

    Je crois qu'il n'y aura pas de modèle unique de l'industrie. Je crois qu'on va quand même devoir accepter d'avoir des industries qui restent sur la production de masse, notamment pour la production de médicaments, de principes actifs, avec des sites qui servent l'ensemble du continent européen. Et puis, on va peut-être avoir des productions aussi distribuées sur le territoire. On pourrait imaginer d'avoir des micro-usines pour produire par exemple des vélos ou des véhicules intermédiaires à destination d'un territoire. Alors tout ça pose la question de l'équilibre économique et du prix qu'on est prêt à payer pour ces modèles alternatifs. On va sûrement aussi évoluer dans notre mode de consommation, c'est-à-dire aller beaucoup plus vers une économie du partage, de la fonctionnalité, des services autour des produits et se dire qu'on n'a pas tous besoin de posséder... un bien de manière unitaire, parce qu'il y a beaucoup de choses dont on se sert peu, voire pas du tout, et ça encombre nos étagères. Et donc à partir de ce moment-là, on bloque des matières premières qu'on pourrait réutiliser pour remettre dans le circuit économique, ce qui suit les principes d'économie circulaire, mais qui est aussi un moyen de moins consommer de matières premières vierges, parce que tout l'enjeu qui se pose aussi à nos sociétés, c'est comment on consomme moins, comment on prend moins de matières premières vierges. dans les écosystèmes naturels parce qu'elles ne se renouvellent pas. Et donc, on va être confronté à l'aspect des limites de notre monde. Est-ce que la terre est capable de régénérer en fonction de nos modes de consommation ? Donc, c'est ces choses-là qu'on va voir émerger. Et on aura des industries de base qui auront un bilan environnemental important et tout l'enjeu. Et comment est-ce qu'on arrive à trouver un équilibre ? Donc, l'équilibre, c'est... des puits de carbone. Je ne crois pas à la capture magique du CO2 dans l'atmosphère. Je crois que la capture aux bornes d'un site industriel pour la réutilisation du CO2 peut avoir du sens. Par contre, la capture dans l'air n'a pas de sens. Par contre, contribuer, et ça sous-entend encore une fois l'évolution de nos modèles, à la régénération de puits de carbone naturel, donc des forêts, des océans, etc. C'est notre démarche collective. Comment est-ce qu'on vit mieux avec le reste de l'écosystème ? Ça, ça a du sens et c'est aussi accepter... On est des zones qui soient vraiment dédiées à la création de puits de carbone en France, en Europe, pour trouver cet équilibre entre ce qu'on va continuer à émettre pour des biens essentiels et ce qu'on va pouvoir absorber. Et donc cette industrie, forcément, elle va mieux s'intégrer dans nos écosystèmes, elle va travailler à avoir un meilleur rapport avec le vivant. Et ce n'est pas l'industrie qui doit avoir un meilleur rapport avec le vivant, c'est l'humanité. Comment on considère ce qui n'est pas un humain et comment est-ce qu'on lui donne une place dans nos réflexions ? Et puis c'est aussi notre rapport à l'autre, parce qu'aujourd'hui on délocalise et on déresponsabilise une partie de nos bilans environnementaux.

  • Speaker #0

    Donc il y a une grosse partie de la réponse qui est en nous, en tant que consommateurs ?

  • Speaker #1

    Il y a une réponse en nous, je pense en tant que citoyens, et une réponse qui est aussi collective, c'est-à-dire la réponse n'est pas uniquement dans les petits gestes, mais comment... Est-ce qu'on arrive à avoir des mouvements de sociétés, donc des filières industrielles qui bougent, et derrière, toute la chaîne de valeur qui se monte ?

  • Speaker #0

    On parle souvent de livres dans ce podcast, toi t'en as écrit quelques-uns, t'as dû en lire pas mal aussi. Est-ce que tu as quelques livres qui te viennent en tête, qui ont orienté ? Ta carrière, tes décisions ?

  • Speaker #1

    Je vais recommander deux livres. Le premier, c'est Suzanne Berger, qui est une chercheuse au MIT, qui a beaucoup écrit sur l'industrie, la désindustrialisation, la mondialisation. C'est Making in America, qui est un livre qui a dû être écrit en 2012 ou en 2013, uniquement en anglais, malheureusement, mais qui revient un peu sur toutes les questions de modularisation, de segmentation des productions et comment le lien entre lieu d'innovation et lieu de production est important. Et le deuxième livre, parce que je trouve que c'est intéressant de mettre des exemples, d'industries qui se questionnent sur leur modèle économique et comment elles peuvent allier profitabilité et respect de l'environnement. C'est le livre de Christopher Garin, qui est le PDG de Nexens, qui s'appelle Pour aller dans le bon sens.

  • Speaker #0

    Anaïs Mojili, merci d'avoir accepté notre invitation.

  • Speaker #1

    Merci pour l'accueil.

  • Speaker #0

    Et un troisième livre hyper intéressant à lire, c'est Pour une révolution industrielle, que tu viens de sortir en 2025.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup.

Chapters

  • Introduction à l'épisode et présentation d'Anaïs Voy-Gillis

    00:00

  • Parcours d'Anaïs et son expertise en réindustrialisation

    00:28

  • Défis de la réindustrialisation face aux normes environnementales

    05:35

  • Rôle de la commande publique dans la décarbonation

    11:25

  • Secteurs clés pour la réindustrialisation en France

    19:28

  • Livres recommandés et conclusion de l'épisode

    31:16

Description

Comment les données ouvertes peuvent-elles transformer notre quotidien et redéfinir l'avenir de l'industrie en France ? Dans cet épisode captivant de Société.com : L’impact des données ouvertes au quotidien, Guillaume Berthault reçoit Anaïs Voy-Gillis, une experte passionnée et directrice de la stratégie et des sujets RSE d'un groupe pionnier dans la chimie minérale. Ensemble, ils explorent l'importance cruciale des données ouvertes dans le cadre de la réindustrialisation de la France, un enjeu majeur pour notre société actuelle.


Anaïs partage son parcours académique et professionnel, tout en mettant en lumière comment l'innovation et les données peuvent catalyser une transition écologique efficace. La réindustrialisation ne peut se faire sans une réflexion profonde sur nos normes environnementales et notre souveraineté économique. Dans un contexte où l'Europe doit faire face à des géants comme la Chine et les États-Unis, qui adoptent des normes moins strictes, la question se pose : comment la commande publique peut-elle soutenir la relocalisation et la décarbonation des filières industrielles ?


Les défis sont immenses, mais Anaïs souligne également les opportunités qui se présentent aux dirigeants d'entreprises. En intégrant les données ouvertes dans leur stratégie, les entreprises à impact peuvent non seulement contribuer à une économie plus verte, mais aussi renforcer leur position sur le marché. Quels sont les secteurs clés à réindustrialiser en France ? L'énergie, la santé et l'agroalimentaire se révèlent être des priorités stratégiques. Anaïs plaide pour une meilleure intégration des normes environnementales et une réflexion collective sur notre modèle industriel et nos choix de consommation.


Ce podcast sur l'entrepreneuriat vous invite à découvrir comment les données, en tant que sources de veille et outils d'analyse, peuvent transformer les pratiques d'affaires. Écoutez Guillaume Berthault et Anaïs Voy-Gillis discuter de l'importance de l'intelligence économique et de la manière dont les données ouvertes en France peuvent propulser l'innovation et la durabilité. Ne manquez pas cet épisode enrichissant qui éclaire les enjeux contemporains de la réindustrialisation et de l'entreprenariat !


Rejoignez-nous pour une discussion inspirante qui pourrait bien changer votre perspective sur l'avenir des entreprises et de la société. Société.com : L’impact des données ouvertes au quotidien est votre rendez-vous incontournable pour comprendre les enjeux d'aujourd'hui et de demain.


Retrouvez l'épisode complet sur notre chaine Youtube : https://www.youtube.com/playlist?list=PL6tGAKU401Cll69FHxp7R5x0Db0B_45zB


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On met beaucoup d'énergie sur la CSRD parce que c'est une nouvelle contrainte qui vient pour les entreprises. Mais l'énergie, c'est un véritable enjeu de souveraineté, mais aussi pour envisager la réindustrialisation. Si à partir de 2019, on avait mis en place le Buy European Act, on aurait réussi à baisser de 9% l'empreinte carbone annuelle de la commande publique en Europe. Je pense qu'il y a des pays qui sont peut-être beaucoup plus patriotes dans leur comportement d'achat que nous le sommes en France.

  • Speaker #1

    Bonjour et bienvenue sur Parlons Data en France, le podcast de Société.com, où nous explorons chaque mois comment les datas ouvertes transforment notre paysage économique et institutionnel français. À chaque épisode, nous recevons un expert pour voir comment ces datas s'intègrent dans sa stratégie concrètement. Alors que vous soyez commerciaux, entrepreneurs ou simples curieux de la data, abonnez-vous pour ne louper aucun épisode. Et aujourd'hui, nous recevons Anaïs Voisgilis. Bonjour Anaïs.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux commencer déjà par te présenter rapidement ce que tu as fait et ce qui t'a poussé à te spécialiser dans la réindustrialisation en particulier ?

  • Speaker #0

    Je vais être assez brève. J'ai un doctorat en géographie, mention géopolitique, si on veut être précis, sur les terminaisons académiques françaises. Et mon sujet de thèse était sur les enjeux déterminants de la réindustrialisation de la France. Et cette thèse, elle a été conduite dans le cadre d'un contrat cifre, donc c'est un contrat tripartite entre l'Agence nationale de recherche et de technologie, la NRT, une entreprise et une université. Et suite à ma soutenance de thèse, je suis un peu restée dans mon cabinet de conseil pendant deux ans. Et ensuite, j'ai basculé dans l'industrie. Maintenant, je suis directrice de la stratégie et des sujets RSE d'un groupe qui s'appelle Humens, qui est un groupe spécialisé dans la chimie minérale, qui produit du carbonate et du bicarbonate de sodium. Et en parallèle, je reste chercheuse associée à l'université de Poitiers, où mes travaux de recherche portent sur les politiques industrielles et les enjeux de réindustrialisation.

  • Speaker #1

    Ok, très clair. Quand je lisais ta fiche Wikipédia, je voyais géographe Géographe ça m'a fait penser au petit prince qui visite plein de planètes et qui, à un moment, tombe sur un géographe qui documente, en gros, des choses sans jamais... des montagnes, des fleuves, etc., des pays, sans jamais avoir visité ces pays-là. Je vois que dans ton parcours, il y a un peu de théorie, il y a un peu de pratique. Est-ce que tu penses qu'il faut faire du concret à un moment pour apporter à la théorie ?

  • Speaker #0

    Alors, oui, c'est marrant, cette image qu'on a de la géographie et comme... comme la géographie représentant finalement des éléments physiques, les montagnes, les fleuves, etc. Alors que la géographie finalement, elle est une discipline beaucoup plus large et qu'on a tendance à réduire, parce que notamment on a les souvenirs qu'on a à l'école. Mais dans la géographie, j'ai fait mon doctorat à l'Institut français de géopolitique, qui a été fondé par Yves Lacoste, où justement on considère que le fait d'aller sur le terrain dans une démarche de recherche est vraiment... important pour nourrir les analyses et les réflexions. Quand on va sur le terrain, c'est à la fois voir des éléments topographiques, donc on revient sur ces éléments de fleuves, de montagnes, etc., si on est un peu réducteur, mais c'est aussi aller à la rencontre des acteurs, et notamment quand on étudie un conflit, par exemple un conflit autour d'aménagement du territoire, un conflit pour détenir une ressource, ou tout simplement des sujets... liées à des conflits armés, notamment Yves Lacoste, qui est le fondateur de l'Institut français de géopolitique. Il a été mondialement connu pour son analyse de bombardements américains au Vietnam. Et comment est-ce que les bombardements étaient ciblés le long d'un fleuve pour fragiliser des digues. Et donc il est vraiment allé voir avec la cartographie, des analyses. visuel de ces bombardements, comment est-ce que la carte pouvait être un support d'analyse. Et mon parcours, j'ai eu beaucoup de travail d'analyse de terrain, aller rencontrer les acteurs quand je faisais ma thèse sur la réindustrialisation. Et ce qui m'a amenée à aller sur des fonctions beaucoup plus opérationnelles, c'était l'idée de ce que j'ai voulu formaliser dans mes travaux de recherche, c'était voir comment est-ce que je pouvais en faire peut-être une transcription dans des sujets opérationnels, surtout que... Au départ, j'étais très centrée sur la réindustrialisation et progressivement, je suis venue sur les enjeux de réindustrialisation et de compatibilité entre industrie et limites planétaires et toute la question du réchauffement climatique. Et donc, je trouvais ça intéressant de se dire, est-ce que je pourrais avoir un cas concret de décarbonation et comment ça pourrait alimenter mes travaux de recherche ? Du coup, il y a un aller-retour entre la recherche et l'opérationnel qui est... C'est aussi un exercice équilibriste parce qu'il y a tout l'enjeu d'arriver à garder une part d'objectivité. Et forcément, quand on rentre dans l'industrie, on peut se dire qu'on perd en partie de l'objectivité. qu'on a normalement dans la recherche. Et donc, c'est l'aller-retour que je dois faire en permanence et aussi être très honnête quand je prends la parole publiquement sur là d'où je parle. Et donc, potentiellement, le fait qu'il y a parfois, on pourrait me dire que je suis un peu conflictée sur certaines prises de parole. Donc, c'est important d'avoir cette transparence. Et en même temps, moi, ça m'apporte beaucoup d'avoir une expérience très concrète pour du coup gagner en profondeur dans mes analyses. et casser d'autres biais de subjectivité qu'on peut avoir aussi quand on est moins ancré dans le terrain.

  • Speaker #1

    Tu parlais tout à l'heure de transition écologique. Pour toi, est-ce qu'il y a la possibilité de faire de la réindustrialisation en France et de réussir à tenir les règles qu'on se met, nous, en France, en termes de transition écologique, en termes de bilan carbone, etc., face à des pays qui, eux, réindustrialisent, la Chine, les États-Unis, avec, on va dire, des contraintes un peu plus faibles ? en termes de transition écologique ?

  • Speaker #0

    C'est un débat qui est extrêmement vaste et en plus qui est particulièrement d'actualité parce qu'en ce moment, on a beaucoup de débats sur la norme CSRD, tous les développements en termes normatifs et réglementaires que l'Union européenne est en train de mettre en place pour pousser les entreprises à se mettre en ligne avec ce qui est prévu dans le Green Deal et la vision européenne en termes de transition écologique. Et il y a plein de sous-questions là-dedans. La première, c'est est-ce que l'Union européenne peut se réindustrialiser quand la Chine et les États-Unis ont des ambitions industrielles, en gardant la doctrine économique qu'elle a actuellement ? Parce qu'on sait que, par exemple, la Chine aujourd'hui produit plus de biens industriels qu'il n'est nécessaire pour sa consommation interne, et que ce phénomène est accentué par le fait qu'elle a aujourd'hui une demande interne qui est relativement... Quand on regarde les chiffres, on se rend compte que les ménages chinois se détournent de plus en plus vers l'épargne, donc au détriment de la consommation, et qu'en parallèle, le marché américain est de plus en plus restreint aux produits chinois. Donc il y a un enjeu géopolitique qui, déjà, devrait nous appeler à nous questionner sur nos politiques industrielles et comment est-ce qu'on se positionne dans ce conflit-là. Et la deuxième chose qui existe, c'est qu'on se met des standards environnementaux et sociaux. très élevés et malheureusement on n'oblige pas forcément les producteurs non européens à respecter les mêmes standards que ce qu'on va se mettre par exemple pour produire des principes actifs ou des médicaments sur le territoire français en termes de traitement des eaux usées, des industries etc. Et donc là il y a plusieurs réponses il y a une première réponse que l'Union Européenne a apportée avec le mécanisme carbone d'ajustement aux frontières le MACF ou le CIBAM dans son acronyme anglais qui est de se dire qu'on met une taxe carbone aux frontières pour certaines catégories d'intrants, par exemple l'acier, l'aluminium, l'hydrogène, le ciment et il me semble que c'est l'énergie, et de se dire qu'on va exiger que les produits entrant sur le territoire européen paient une taxe carbone parce que ces industries-là sont dans le système européen d'échange de quotas. le système ETS, sauf que c'est de la fausse réciprocité, puisqu'on peut les détourner facilement. On va mettre une taxe carbone sur une tonne d'acier qui rentre sur le territoire européen. Par contre, on ne va pas mettre une taxe carbone en termes de poids d'acier dans une voiture qui entrerait sur le territoire européen. Donc, on se met...

  • Speaker #1

    On se formait avant de le faire.

  • Speaker #0

    Voilà, on biaise un peu le sujet et on a beaucoup de mal à mettre une forme de réciprocité. Par exemple, un exemple... où on est en train de mettre de la réciprocité, c'est dans l'accès au marché public, c'est-à-dire de dire que pour qu'une entreprise non européenne accède à un marché public européen, il faut que de la même manière, une entreprise européenne puisse postuler et avoir des chances de gagner dans un marché public dans un pays en dehors de l'Europe. Sauf que ce dont on se rend compte, c'est que c'est un débat qui a été très long, qui a mis 15 ans à aboutir, voire plus, à l'échelle européenne, puisqu'on a des rivalités entre les États membres. sur des questions commerciales. L'Allemagne exporte beaucoup plus de biens industriels que nous. Nous, on a une balance commerciale largement déficitaire. On importe beaucoup de produits de Chine quand l'Allemagne a fait aussi le moteur de sa croissance sur des exportations de machines-outils, d'automobiles, de robotiques vers la Chine. Aujourd'hui, les choses sont en train de s'inverser. Donc quand on voit que c'est difficile d'avoir avancé sur ce sujet-là, on se dit mettre de la réciprocité sur les normes environnementales, ça semble être quelque chose de très complexe à l'échelle européenne. Alors que quand on parle du débat de la... de la simplification, il y a finalement un mécanisme qui serait assez simple, qui peut faire débat, mais qui est de dire finalement, soit une norme, on estime même qu'elle est utile, est nécessaire, voire vitale, et donc on l'applique à tous les produits rentrant sur le territoire européen. Soit on peut questionner son intérêt si on ne l'applique qu'aux producteurs européens et pas aux non-européens, puisque ça crée des biais de compétitivité. À titre, juste pour donner un chiffre pour illustrer, il y a une étude qui a été réalisée par le cabinet Advancy sur le poids de la mise en conformité réglementaire pour les industriels. Et ce que cette étude montre, c'est que 30 à 35% des surcoûts des industriels européens dans la chimie... et il y a de la mise en conformité réglementaire. Et on ne va pas avoir les mêmes exigences qu'on se met aux produits non européens. Donc il y a vraiment un enjeu de réciprocité, de rééquilibrage du rapport de force pour pouvoir se donner une chance de réindustrialiser et en même temps d'imposer aussi nos standards environnementaux. Parce que là, qu'est-ce qu'on risque de faire ? C'est de ne pas se réindustrialiser, de détruire de la valeur industrielle même en Europe. et d'importer des produits qui, finalement, sont moins divisants sur le plan social et environnemental. Et donc, artificiellement, on va atteindre nos objectifs carbone, puisqu'on va baisser notre empreinte carbone territoriale, mais on va augmenter nos émissions importées via ces produits-là. Et donc, on aura perdu notre bataille en termes de lutte contre le réchauffement climatique.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, dans la simplification dont tu parles là, des chiffres, des rapports, etc., récemment, l'exécutif a évoqué le fait de... simplifier, voire supprimer pour certaines structures la CSRD. Tu penses que ça va accélérer la réindustrialisation, comme tu disais ? Quelles vont être les conséquences de telles mesures ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est un faux débat parce que je crois qu'on met beaucoup d'énergie sur la CSRD parce que c'est une nouvelle contrainte qui vient pour les entreprises, alors qu'en réalité, il y a plein d'autres normes dont tout le monde se plaint régulièrement depuis plusieurs années. Je pense qu'il y a un effort de rationalisation tout en essayant de garder nos standards environnementaux et qui doit être fait en dehors de la CSRD. Et la CSRD, elle peut être intéressante à partir du moment où on arrive à harmoniser les attentes entre les différents pays, qu'on n'ait pas des niveaux d'exigence qui soient relativement différents. La deuxième chose, c'est que je trouve que ce qui serait une vraie réussite pour la CSRD, c'est de se dire que ça devient la référence. Parce qu'aujourd'hui... Tous les industriels qui sont confrontés à la CSRD, ils sont aussi confrontés à une multiplication des demandes de reporting de leurs clients. Tous les clients leur demandent des chiffres sur leur consommation d'eau, leur consommation de carbone. L'administration demande aussi énormément de données. Il y a plein de rapports qui sont produits. Et finalement, il y a un empilement de demandes formalisées de manière différente, avec éventuellement des unités qui ne sont pas exactement les mêmes, surtout quand on commence à parler de consommation énergétique, etc. Et on pourrait se dire que la CSRD... L'enjeu, c'est d'arriver à standardiser tout ça. Et finalement, ça devient la porte d'entrée et on arrête la multiplication des reportings. Et on pourrait aussi aller encore plus loin, puisque vous aimez le sujet de la data. Ça serait de se dire, mais est-ce qu'on n'aurait pas le moyen de créer une sorte de banque européenne de données où les industriels rentrent les données nécessaires au reporting de la CSRD ? Donc, c'est un collecte qui deviendrait public et pas forcément... via du reporting qui se fait via des cabinets de conseil et via des cabinets d'audit et qui devient la référence sur laquelle les administrations peuvent se pluguer pour récupérer les données dont elles ont besoin et qu'elles demandent régulièrement aux entreprises, que les clients demandent aussi à leurs fournisseurs. Mais c'est vraiment d'aller vers quelque chose qui soit peut-être de la collecte assez importante pour aller vers de la transparence et s'assurer que tout le monde questionne son modèle économique à l'aune du réchauffement climatique. mais en même temps que ça se fasse dans un effort de simplification, c'est-à-dire qu'on arrête avec les 50 fichiers Excel, les 50 demandes d'administration, parce qu'aujourd'hui, il y a des demandes de l'INSEE, il y a des demandes de la Banque de France, il y a des demandes d'Edreal, il y a des demandes d'autres administrations. Pour ceux qui sont dans l'ETS, il y a la fourniture d'audits relativement complets sur les émissions de carbone. Et après, vous allez avoir, si vous avez des clients dans le domaine de la pharmacie, ils vont être sur une plateforme. Si vous avez... des clients qui vont être dans une zone géographique, par exemple l'Espagne, ils vont vous demander d'avoir une autre plateforme que celle des Cova10 parce qu'ils ont un autre système. Et puis après, il y a tous ceux qui vont avec leur fichier Excel. Donc en fait, le reporting, on parle beaucoup de la CSRD parce qu'on le voit comme un truc en plus, mais en fait, c'est juste, est-ce que la CSRD peut pas être une voie de simplification de la multiplication de la production de données ? Et c'est pour ça que je trouve qu'on pose pas assez cette question déjà d'inflation de production d'indicateurs dans tous les sens. avant même que ça, ça existe.

  • Speaker #1

    Et ce gros pôle de données, comme tu dis, toi, tu le vois plutôt à l'échelle de l'Europe plutôt qu'à l'échelle de la France, parce que t'as aussi une question de souveraineté quand même entre les pays. On parlait tout à l'heure juste des datas côté écologique, mais il y a... Une tonne d'autres datas aussi. Est-ce qu'on le fait au niveau de la France ou est-ce qu'on le fait au niveau de l'Europe, si on doit le dire ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Alors, en fait, c'est vrai qu'on fournit toujours plein de données. On parle des données, finalement, extra-financières. On fournit aussi des données financières. Est-ce que c'est possible d'avoir ce type de projet à l'échelle européenne alors qu'on va peut-être avoir une interprétation différente des textes et qu'on est dans un contexte, finalement... Pas si évident que ça à l'échelle européenne. Je ne sais pas si c'est peut-être de l'ordre du vœu pieux, mais déjà si on arrive à le faire à l'échelle française où on collecte énormément de données, ça pourrait avoir du sens. Et la question aussi, c'est jusqu'où on va dans le niveau de transparence, parce que finalement les entreprises aujourd'hui qui sont cotées, elles produisent déjà beaucoup de données qui tombent finalement dans le domaine public à travers les rapports financiers, extra-financiers qu'elles publient. Mais cet effort de transparence, il est beaucoup moins courant. pour les entreprises qui ne sont pas soumises à ce reporting. Donc comment est-ce qu'on donne accès à la donnée ? Qui a accès ? Ça pose plein d'autres questions. Et comme la CSRD est européenne, j'aurais dit, plutôt tendance à essayer de faire un truc à l'échelle européenne. Maintenant, on risque de faire une usine à gaz. Donc peut-être que déjà arriver à le faire à l'échelle d'un État, ça serait une première chose. Et vraiment, dans cet objectif de standardiser la production de données, et j'essaye de dire, c'est l'avoir reconnu, et puis le reste, on le détricote. malheureusement quand je dis ça, il y a aussi des gens qui ont fondé leur modèle économique et leur réussite économique sur cette inflation, production de rapports et de données.

  • Speaker #1

    Et ça me fait penser à la partie souveraineté aussi et réindustrialisation. En gros, pour toi, quels sont les gros secteurs ? On a parlé de quelques secteurs, la pharmaceutique, etc. Quels sont les gros secteurs qu'il faudrait qu'on arrive à réindustrialiser en France aujourd'hui ? Et... Ça me fait aussi rebondir sur le fait que s'ils ont beaucoup de data à produire, quels sont les secteurs où il faudrait qu'on baisse un peu le nombre de data qu'ils ont à produire pour qu'ils puissent revenir se réindustrialiser en France ?

  • Speaker #0

    Je pense que derrière la data, c'est la mise en conformité réglementaire qui est compliquée. C'est le respect d'un certain nombre de normes. C'est les rejets de la qualité. On a des rejets industriels, par exemple on utilise de l'eau dans les process industriels qu'on va ensuite rejeter dans l'environnement et on ne peut pas rejeter cette eau dans l'environnement comme on le souhaite. Il y a des quantités autorisées de fer, de chlorure de calcium, d'autres éléments minéraux. Donc les industriels traitent leur eau pour arriver à respecter les standards, mais ça peut être aussi la température. de la température des rejets des eaux dans le milieu naturel. Il y a plein de questions qui se posent. Et d'obligations d'investir pour, par exemple, ne pas rejeter une eau supérieure à la température autorisée. Et je ne suis pas convaincue que ce soit forcément une mauvaise chose, parce que c'est pour notre bien-être tous. Est-ce que tu ne le prennes pas,

  • Speaker #1

    tu vois, la réindustrialisation ? Parce que si tu prends une usine qui fait, je prends l'exemple de ta température de l'eau, mais elle le fait en Chine et elle le rejette à la température qu'elle veut.

  • Speaker #0

    La question, ce n'est pas le fait qu'on freine la réindustrialisation. Bien entendu, si on pouvait faire tout comme on veut, on améliorerait la compétitivité et on soutiendrait peut-être la réindustrialisation. Mais de l'autre côté, on flinguerait complètement l'environnement. Et donc, je crois que c'est plutôt de se dire qu'est-ce qui est vraiment utile et nécessaire. Et après, il y a peut-être des contraintes qu'on peut alléger. Il y a des experts de ce sujet-là qui diraient qu'il y a tel article qu'on peut supprimer parce que c'est devenu une aberration, parce que ça fait... C'est une référence d'un texte d'il y a 200 ans qui n'a pas été remis au goût du jour, etc. Donc ça, il y a assurément des voies d'amélioration. Par contre, je ne crois pas qu'on doit baisser nos exigences. On doit plutôt pousser à ceux qui viennent sur le territoire européen. Ça reste un marché assez conséquent. L'Europe, c'est 500 millions de consommateurs. Et donc pousser que ceux qui rentrent sont dans l'obligation de respecter les normes qu'on juge critiques et vitales pour la soutenabilité de notre environnement. Merci. Et ça, c'est une chose sur laquelle on doit être beaucoup plus ferme, mais sur laquelle on doit aller chercher l'alignement européen. Et en fait, c'est loin d'être gagné parce qu'on se rend compte aussi que l'appréciation des normes n'est pas exactement la même à l'échelle européenne, qu'il y a certains pays qui sont moins sévères dans la transcription du droit européen que nous ne le sommes. Mais il y a un enjeu de se tirer vers le haut. Et après, sur les secteurs... Je dirais qu'un des secteurs majeurs, c'est le secteur énergétique. Aujourd'hui, on est très dépendant des énergies fossiles dans notre industrie. Et dans l'enjeu de décarbonation, on doit avoir un sujet d'électrification. C'est comment on produit de l'électricité bas carbone et à prix compétitif. Alors on va me dire, mais si on fait de l'éolien, si on fait des panneaux solaires, on est forcément dépendant d'autres par rapport aux matières premières critiques. C'est sûr qu'on passe un peu d'une dépendance à l'autre, mais en même temps, on a aussi les capacités, après, de monter des filières de recyclage. Et là, c'est l'enjeu de comment reconstruire les chaînes de valeur des biens nécessaires à la production d'énergie bas carbone sur le territoire. Mais l'énergie, c'est un véritable enjeu de souveraineté, à la fois pour nous, tout à chacun, mais aussi pour envisager la réindustrialisation. Ensuite, il y a d'autres industries qui sont clés, l'industrie de la santé, la production de principes actifs, savoir soigner une population. savoir innover sur les thérapies de demain, savoir se prémunir des prochaines pandémies qui pourraient émerger liées aux conséquences du réchauffement climatique. Il y a le domaine agroalimentaire, de l'alimentation comme on est souverain sur le plan alimentaire. Aujourd'hui, la France, elle a presque un côté, on l'entend de plus en plus, mais on se dit que c'est un pays en voie de développement parce qu'on exporte des matières premières et on réimporte. des produits finis, on exporte des patates et on remporte des chips, des choses comme ça. Alors, c'est un exemple un peu caricatural, mais aujourd'hui, alors qu'on était un grand pays agricole, et d'ailleurs, on a été, à mon avis, plus un pays agricole qu'un pays industriel dans notre culture fondamentale, on se rend compte que notre balance commerciale agricole est en train de devenir déficitaire et elle est bénéficiaire grâce aux alcools et aux spiritueux. Donc, si je reprends, l'énergie, la santé... l'alimentation, la défense, puisqu'on est dans un contexte géopolitique de plus en plus contraint. Et qu'en plus, dans la défense, on a un vrai enjeu, c'est que les Américains ont des normes, comme les normes ITAR, qui mettent sur certains composants, donc qui peuvent potentiellement bloquer nos exportations, si on a des composants dans l'armement qui sont réputés ITAR, et donc les Américains peuvent nous bloquer. Donc il y a un véritable enjeu de souveraineté, à la fois pour se défendre, à la fois pour exporter. Et ensuite, la question qui se pose, c'est, on prend... ces grands segments et se dire c'est quoi dans ces chaînes de valeur, ce qu'on veut maîtriser, quels sont finalement les produits pivots sur lesquels on a la capacité à devenir leader, parce que l'enjeu c'est qu'on ne va pas pouvoir maîtriser totalement ces chaînes de valeur, et donc c'est de réfléchir à l'échelle nationale et à l'échelle européenne, la maîtrise de points clés dans les chaînes de valeur, en se disant ça va être des pivots, on va être les meilleurs dans ce domaine et on va créer des interdépendances. La souveraineté c'est la capacité de ne pas dépendre. d'un autre État, mais c'est aussi la question des interdépendances et comment on devient suffisamment bon dans certains domaines pour que d'autres États soient dépendants de nous et donc on arrive à équilibrer le rapport de force. Et ce qu'on a constaté au moment de la pandémie et juste ensuite, c'est qu'on est très dépendant dans des actifs clés pour la transition écologique, la production de semi-conducteurs, qui est très fortement liée à Taïwan avec TSMC, et qui est ça qui est lié vraiment... à l'évolution des stratégies industrielles des grands groupes dans les années 80 avec la segmentation de la production. Et notamment le fait qu'on a confié certaines productions, comme les semi-conducteurs, à des acteurs non européens avec des phénomènes qui sont principalement asiatiques. Ce n'était pas forcément non européen. Et ces phénomènes de concentration. Donc, on a un acteur qui produit un bien et on l'a dans plein d'autres choses. Si on prend dans le vélo, on a des Shimano. On pourrait multiplier ça.

  • Speaker #1

    On a aussi cru qu'on pouvait faire plus que du tertiaire et laisser les autres faire...

  • Speaker #0

    Oui, en fait, on a cru qu'on pouvait spécialiser sur les tâches en amont et en aval de la production. Et donc, on a confié la production à un épicier en se disant qu'il ne remonterait pas les chaînes de valeur. Or, ce qu'on voit, c'est que plus on est proche, quand on a une proximité entre innovation et lieu de production, on est beaucoup plus pertinent. Et donc, on voit ces phénomènes de concentration dans l'électronique avec les semi-conducteurs. On voit la Chine qui a remonté la chaîne de valeur qui était en retard sur le véhicule thermique. Mais finalement... qui a remonté la chaîne de valeur dans le véhicule électrique et en maîtrisant l'approvisionnement des matières premières critiques avec sa stratégie aussi des nouvelles routes de la soie, en maîtrisant le bloc batterie, puis en finissant par faire l'assemblage de véhicules. Et ça, c'est aujourd'hui des segments dans les chaînes de valeur qu'on essaye de remaitriser. Donc l'Europe a eu une stratégie pour relocaliser la production de semi-conducteurs avec... des subventions accordées à Intel pour relocaliser cette production en Allemagne, sauf que Intel décale le projet pour des questions du prix de l'énergie en Europe. On a essayé de le faire avec les batteries, avec des grands plans batteries en Europe. Ce qu'on voit, c'est qu'il y a une difficulté pour ces acteurs à trouver des équilibres économiques. On est en train de soutenir ces implantations-là. Et le vrai défi pour la France, c'est de se dire, c'est quoi les batteries de demain ? Est-ce que c'est des batteries solides au sodium et autres ? Et comment est-ce qu'on arrêterait le train, peut-être véhicule électrique, mais on arrive à avoir la prochaine génération de véhicules électriques avec peut-être la prochaine génération de batteries ? Et toutes ces questions-là, on doit se les poser dans le cadre de la réindustrialisation sans sous-estimer le contexte européen et le contexte géopolitique mondial.

  • Speaker #1

    Je sais que tu as coécrit avec Carbon4 et InFrance une étude qui s'appelle By European and Sustainable Act Quels sont les enseignements que vous en avez sortis de cette étude-là ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y a deux enseignements principaux. Le premier, c'est de se dire que la commande publique a un rôle structurant à jouer dans la relocalisation et dans la décarbonation des filières industrielles. On s'est beaucoup concentré sur le potentiel sur des industries lourdes comme l'aluminium, l'acier, le ciment. Mais ce qu'on montre, c'est qu'en gros, si à partir de 2019, on avait mis en place le Buy European Act, on aurait réussi à baisser de 9% l'empreinte carbone annuelle de la commande publique en Europe. C'est-à-dire 34 millions de tonnes de CO2 abattues chaque année. Alors pas 34 millions chaque année, mais chaque année. J'efface 34 millions de tonnes. Ça permet de créer 30 000 emplois, de générer 6 milliards de chiffre d'affaires en plus dans les secteurs étudiés, tout en décarbonant ces filières. Parce que l'enjeu aujourd'hui, pourquoi est-ce que la transition prend du temps ? C'est qu'il faut aussi qu'on ait des gens qui soient prêts à payer plus cher un produit, mieux disant, sur le plan environnemental. Donc ça passe par la commande publique. Et la commande publique, on va se dire, mais ce n'est pas la chaire publique qui achète des poutrelles en aluminium. Mais la commande publique, elle va indirectement commander des bâtiments publics. Quand on refait un hôtel de région, quand on refait un bâtiment public, etc., on peut aussi mettre des critères pour exiger la soutenabilité de certains matériaux. Et quand on dit 6 milliards de chiffre d'affaires en plus pour les entreprises, derrière, qu'est-ce que ça veut dire ? C'est des emplois, je le disais, mais des emplois, c'est la fiscalité. La fiscalité des ménages, c'est de la consommation. Donc on recrée un cercle vertueux, puisqu'on va générer ces emplois directs, des emplois indirects, des emplois induits. On va permettre avec la fiscalité de soutenir le modèle social français ou européen. Et donc c'est un cercle vertueux. Donc l'enseignement de la commande publique, c'était de se dire, on parle du rapport, c'est de se dire, on parle beaucoup de commandes publiques, essayons d'objectiver ça. Et quel potentiel serait-il en termes de relocalisation ? C'est positif. En termes de décarbonation des filières industrielles, c'est aussi très positif.

  • Speaker #1

    Et du coup, pourquoi ça n'a pas été mis en place ? Est-ce que tu vois des obstacles qui ont fait que... Alors déjà, tu as le contexte géopolitique qui a un peu bougé, mais... Alors,

  • Speaker #0

    la commande publique, c'est toujours un peu... Il y a comme une sorte de serpent de mer, c'est-à-dire, on pourrait se dire, mais en fait, le Buy European Act, c'est... C'est important, mais pourquoi est-ce qu'on ne fait pas quelque chose à l'échelle française ? Alors à l'échelle française, on va me dire, non, mais il y a les traités européens de non-discrimination sur la nationalité des produits, etc. et ce qui complexifie le marquage de certains produits. Mais par contre, sur les critères environnementaux, en fait, on peut être compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, parce que c'est souvent ce qu'on dit, on ne peut pas mettre des critères sur la localisation de la production, parce que ça contrevient aux règles de l'OMC. Par contre, si on dit... tel produit ne doit pas dépasser telle intensité carbone. Mécaniquement, on va plutôt flécher vers des pays où la production est à faible intensité carbone. Ça peut être la France, ça peut être le nord de l'Europe, ou ça peut être des pays où il y a un mix énergétique qui est fortement décarboné, puisque un des gros piliers dans l'aspect bilan carbone d'un produit, c'est souvent le mix énergétique. Est-ce que... Il a été produit avec une énergie bas carbone ou quelque chose de très carboné comme du charbon ou autre. Et donc c'est quelque chose qui est quand même relativement objectivable pour le faire à l'échelle française et à l'échelle européenne. Alors que les États-Unis se sont dotés de quelque chose pour faire de la préférence américaine, on se rend compte que l'interprétation des règles... européenne en la matière, elle n'est pas exactement la même. Je pense qu'il y a des pays qui sont peut-être beaucoup plus patriotes dans leur comportement d'achat que nous le sommes en France. Et il y a eu le fait que ça a été mis à l'agenda, mais pas forcément poussé, on ne voyait pas forcément l'intérêt. Il y avait encore ces histoires de divergence, à mon avis, commerciale entre les États. Mais ce qu'on voit, c'est que c'est en train de devenir central dans le discours politique national et européen, parce qu'on se rend compte que c'est un levier de réindustrialisation et de soutien à l'industrie européenne. C'est un levier de décarbonation des économies et c'est quelque chose de relativement massif. La commande publique, c'est environ 15 points de PIB en moyenne dans les différents pays.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu penses qu'on n'en voit pas l'intérêt parce qu'il n'y a pas assez de data ? Est-ce que ce n'est pas à l'agenda comme tu disais ?

  • Speaker #0

    Si demain, il y avait... Nous, on est très forts en France sur l'open data, pas tous les pays européens, mais en tout cas, si demain, il y avait énormément de data, quand tu fais le choix, tu le disais tout à l'heure, pour construire un immeuble, un hôpital, etc. Tu fais une commande. Est-ce que si tu sais que tel prestataire va consommer...

  • Speaker #1

    En fait, la complexité, je pense qu'il faut mettre des critères qui sont objectivables et très clairement, un critère d'intensité carbone qu'on peut avoir soit avec un bilan carbone, soit... Si on veut quelque chose de beaucoup plus précis avec une analyse de cycle de vie, on va exiger quand on répond à l'appel d'offres publiques de fournir une analyse de cycle de vie. Alors ça va être difficile parce que plus on est éloigné du producteur, plus la production de l'analyse de cycle de vie va être complexe pour retracer les chaînes de valeur. Mais l'analyse de cycle de vie, c'est une donnée qui est relativement objectivable. Là où c'est plus compliqué quand on choisit un fournisseur, c'est de se dire on va avoir des entreprises qui sont immatriculées en France. Est-ce qu'elles s'approvisionnent en France ? Est-ce qu'elles font vraiment tourner les usines françaises ? C'est plus compliqué. Après, on peut avoir des certifications, on peut avoir des labels européens, on a des choses comme Origines France Garantie, où on sait qu'il y a une part de la valeur ajoutée qui a été faite sur le territoire français qui est relativement importante. Donc il y a des choses qu'on peut objectiver, et d'autres qui sont plus complexes en termes d'accès à la connaissance de qui est le fournisseur de mon fournisseur. voir le fournisseur de mon fournisseur de mon fournisseur.

  • Speaker #0

    Ok. Tu as publié récemment un livre qui s'appelle Pour une révolution industrielle. Tu proposes quelques propositions, ou en tout cas ta vision de comment réinventer et réindustrialiser. Est-ce que tu peux nous en citer quelques-unes ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a plein de raisons de réindustrialiser. Le premier, c'est que la réindustrialisation, c'est quelque chose qu'on doit penser au service de la souveraineté, en fait. Pourquoi on veut une industrie forte ? C'est parce que l'industrie est au service de la puissance d'un pays et elle est un moyen d'avoir des marges de manœuvre pour décider de ce qu'on fait en tant que société pour financer notre modèle social et choisir nos orientations. Le deuxième enjeu autour de la naissance industrielle, c'est le fait que c'est quelque chose d'utile en termes de cohésion sociale et territoriale. Parce que l'industrie, elle peut s'implanter partout, parce qu'elle génère des emplois indirects et induit de manière plus importante que certains secteurs de services. Donc c'est un levier important dans la dynamique territoriale. C'est aussi un levier pour réduire notre empreinte environnementale. Plus on produit de choses sur le territoire, regarde nos normes sociales et environnementales, plus rapidement on va... On va maîtriser en tout cas notre trajectoire carbone. En gros, on se dit que produire en France, ce n'est pas dépendre de la trajectoire de décarbonation de la Chine. Et se dire qu'on va aussi, à travers la réindustrialisation, interroger nos modèles industriels, les industries qu'on souhaite avoir sur notre territoire, à quelles conditions, etc. Et le dernier enjeu, c'est un enjeu de création de valeur sur le territoire au service du financement de notre modèle. Et la question que ça sous-entend derrière la réindustrialisation et qu'on pose assez peu dans le débat public, c'est de se dire que l'industrie n'est qu'un outil au service de notre projet de société. Et on se dit que l'industrie ne bouge pas assez vite dans les transitions écologiques, mais en fait l'industrie ne peut pas changer seule de modèle si la société ne change pas. On ne peut pas demander... Les industriels doivent commencer à interroger leur modèle, mais de l'autre côté, la société doit aussi bouger sur son rapport à la consommation, la consommation de masse, à la possession... de biens, etc. Et donc c'est l'idée de comment est-ce qu'on a un mouvement conjoint entre mutation de l'industrie et mutation de la société, et en interrogeant le rôle de l'industrie dans notre projet de société, puisque c'est un moyen d'ancrer de manière durable la réindustrialisation dans nos objectifs de société.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il n'y a pas un truc aussi de... L'industrie, ça n'a pas une super bonne presse ou vision même de l'opinion publique parfois, parce qu'on imagine des usines, de la fumée... Est-ce qu'on ne doit pas aussi redonner un peu un truc cool à l'industrie ?

  • Speaker #1

    Alors, on a des images assez négatives de l'industrie parce qu'en fait, on ne connaît pas l'industrie. On connaît quelques grands donneurs d'or, on connaît des Michelins, on connaît des Airbus, des Safran. Et après, on ne connaît pas les sous-traitants de ces industries-là. Donc déjà, c'est démystifié ce qu'est l'industrie. Il y a plein d'activités industrielles, on passe tous les jours à côté. On ne sait même pas que ce sont des activités industrielles parce que leur impact environnemental, en tout cas le... L'impact environnemental sur l'environnement proche est relativement faible. Donc c'est montrer que l'industrie est extrêmement diversifiée, et tellement diversifiée qu'on a du mal à la définir, qu'il y a des activités qui sont, oui, polluantes, mais qui sont aussi la résultante de Ausha de société, de Ausha de consommation. Est-ce que c'est responsable de se dire, je vais les placer à l'autre bout du monde pour ne pas payer les conséquences directes de mes choix de consommation, mais les faire peser sur les épaules d'autres ? d'autres citoyens ailleurs dans le monde. Et c'est vraiment des conséquences directes, parce qu'en fait, les conséquences indirectes de nos modes de consommation et de production, on les aura avec les conséquences du réchauffement climatique. Et après, c'est aussi montrer que dans l'industrie, il y a des choses assez cool. Parce qu'aujourd'hui, si on arrive à se déplacer comme on se déplace, si on arrive à se soigner comme on arrive à se soigner, si on arrive à apprendre, etc., c'est aussi qu'il y a des biens industriels. On se dit, mais peut-être qu'il faudrait une société de l'immatériel. Et en fait, il n'y a pas d'immatériel sans société industrielle et sans des choses profondément matérielles. On n'a pas de numérique sans infrastructure physique. qui en plus posent plein de questions géopolitiques. On n'a pas de capacité à soigner et à inventer de nouvelles thérapies sans industrie. On n'a pas de capacité à innover sans base industrielle. Et toute la question, c'est le niveau qu'on met en termes de technologie. Est-ce qu'on a besoin de haute technologie et d'intensité de technologie qui est partout ? Ou est-ce qu'il y a des fois où le low-tech suffit et puis on doit garder la... fort contenu technologique pour des choses qui sont des applications qu'on juge vitales pour nos besoins en tant que société. Donc, tout est une question d'équilibre. En tout cas, l'industrie, elle est partout dans nos vies. Et donc, finalement, s'y intéresser, lui redonner ses lettres de noblesse, c'est pouvoir d'autant plus la questionner sur le modèle qu'on souhaite au regard de nos objectifs environnementaux.

  • Speaker #0

    Et disons, demain, on a réussi à bien réguler, à réindustrialiser comme... comme tu en parlais là, on a redonné même une bonne image à l'industrie. Toi, tu vois comment, dans quelques années, l'industrie française, comment tu la vois évoluer et à quoi elle ressemblerait, par exemple, dans 10 ans ?

  • Speaker #1

    Je crois qu'il n'y aura pas de modèle unique de l'industrie. Je crois qu'on va quand même devoir accepter d'avoir des industries qui restent sur la production de masse, notamment pour la production de médicaments, de principes actifs, avec des sites qui servent l'ensemble du continent européen. Et puis, on va peut-être avoir des productions aussi distribuées sur le territoire. On pourrait imaginer d'avoir des micro-usines pour produire par exemple des vélos ou des véhicules intermédiaires à destination d'un territoire. Alors tout ça pose la question de l'équilibre économique et du prix qu'on est prêt à payer pour ces modèles alternatifs. On va sûrement aussi évoluer dans notre mode de consommation, c'est-à-dire aller beaucoup plus vers une économie du partage, de la fonctionnalité, des services autour des produits et se dire qu'on n'a pas tous besoin de posséder... un bien de manière unitaire, parce qu'il y a beaucoup de choses dont on se sert peu, voire pas du tout, et ça encombre nos étagères. Et donc à partir de ce moment-là, on bloque des matières premières qu'on pourrait réutiliser pour remettre dans le circuit économique, ce qui suit les principes d'économie circulaire, mais qui est aussi un moyen de moins consommer de matières premières vierges, parce que tout l'enjeu qui se pose aussi à nos sociétés, c'est comment on consomme moins, comment on prend moins de matières premières vierges. dans les écosystèmes naturels parce qu'elles ne se renouvellent pas. Et donc, on va être confronté à l'aspect des limites de notre monde. Est-ce que la terre est capable de régénérer en fonction de nos modes de consommation ? Donc, c'est ces choses-là qu'on va voir émerger. Et on aura des industries de base qui auront un bilan environnemental important et tout l'enjeu. Et comment est-ce qu'on arrive à trouver un équilibre ? Donc, l'équilibre, c'est... des puits de carbone. Je ne crois pas à la capture magique du CO2 dans l'atmosphère. Je crois que la capture aux bornes d'un site industriel pour la réutilisation du CO2 peut avoir du sens. Par contre, la capture dans l'air n'a pas de sens. Par contre, contribuer, et ça sous-entend encore une fois l'évolution de nos modèles, à la régénération de puits de carbone naturel, donc des forêts, des océans, etc. C'est notre démarche collective. Comment est-ce qu'on vit mieux avec le reste de l'écosystème ? Ça, ça a du sens et c'est aussi accepter... On est des zones qui soient vraiment dédiées à la création de puits de carbone en France, en Europe, pour trouver cet équilibre entre ce qu'on va continuer à émettre pour des biens essentiels et ce qu'on va pouvoir absorber. Et donc cette industrie, forcément, elle va mieux s'intégrer dans nos écosystèmes, elle va travailler à avoir un meilleur rapport avec le vivant. Et ce n'est pas l'industrie qui doit avoir un meilleur rapport avec le vivant, c'est l'humanité. Comment on considère ce qui n'est pas un humain et comment est-ce qu'on lui donne une place dans nos réflexions ? Et puis c'est aussi notre rapport à l'autre, parce qu'aujourd'hui on délocalise et on déresponsabilise une partie de nos bilans environnementaux.

  • Speaker #0

    Donc il y a une grosse partie de la réponse qui est en nous, en tant que consommateurs ?

  • Speaker #1

    Il y a une réponse en nous, je pense en tant que citoyens, et une réponse qui est aussi collective, c'est-à-dire la réponse n'est pas uniquement dans les petits gestes, mais comment... Est-ce qu'on arrive à avoir des mouvements de sociétés, donc des filières industrielles qui bougent, et derrière, toute la chaîne de valeur qui se monte ?

  • Speaker #0

    On parle souvent de livres dans ce podcast, toi t'en as écrit quelques-uns, t'as dû en lire pas mal aussi. Est-ce que tu as quelques livres qui te viennent en tête, qui ont orienté ? Ta carrière, tes décisions ?

  • Speaker #1

    Je vais recommander deux livres. Le premier, c'est Suzanne Berger, qui est une chercheuse au MIT, qui a beaucoup écrit sur l'industrie, la désindustrialisation, la mondialisation. C'est Making in America, qui est un livre qui a dû être écrit en 2012 ou en 2013, uniquement en anglais, malheureusement, mais qui revient un peu sur toutes les questions de modularisation, de segmentation des productions et comment le lien entre lieu d'innovation et lieu de production est important. Et le deuxième livre, parce que je trouve que c'est intéressant de mettre des exemples, d'industries qui se questionnent sur leur modèle économique et comment elles peuvent allier profitabilité et respect de l'environnement. C'est le livre de Christopher Garin, qui est le PDG de Nexens, qui s'appelle Pour aller dans le bon sens.

  • Speaker #0

    Anaïs Mojili, merci d'avoir accepté notre invitation.

  • Speaker #1

    Merci pour l'accueil.

  • Speaker #0

    Et un troisième livre hyper intéressant à lire, c'est Pour une révolution industrielle, que tu viens de sortir en 2025.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup.

Chapters

  • Introduction à l'épisode et présentation d'Anaïs Voy-Gillis

    00:00

  • Parcours d'Anaïs et son expertise en réindustrialisation

    00:28

  • Défis de la réindustrialisation face aux normes environnementales

    05:35

  • Rôle de la commande publique dans la décarbonation

    11:25

  • Secteurs clés pour la réindustrialisation en France

    19:28

  • Livres recommandés et conclusion de l'épisode

    31:16

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