Speaker #0Et si nous avions toujours mal cartographié le psychisme du psychotique ? Et si la psychose nécessitait sa propre topique ? Une nouvelle carte du psychisme. Bonjour et bonsoir, vous êtes bien sur le podcast spira1894 et je suis spira1894. Alors je m'excuse vraiment, mais il y a eu un changement dans le planning. On a préféré vous parler de cette nouvelle topique que j'ai concoctée, qui nous semblait plus importante que la conception philosophique de l'homme comme une équation dont on parlera à l'épisode 5. Donc, une nouvelle topique. Mais que veut dire ce mot barbare ? Lorsqu'on parle de topique en psychanalyse, on fait référence à une théorie de l'organisation de l'appareil psychique qui repose sur une distinction entre différents lieux ou systèmes. Le concept de topique vient du grec topos, qui signifie « lieu » . Freud lui-même a élaboré deux grandes théories topiques successives, cherchant à cartographier les structures fondamentales du psychisme. La première topique freudienne date de 1900-1915, c'est ce qu'on appelle le modèle de la conscience. Freud propose sa première topique dans l'interprétation du rêve en 1900 et la développe progressivement jusqu'en 1915, notamment dans Métapsychologie. Il va y distinguer trois instances principales, le conscient, le préconscient et l'inconscient. Le conscient, c'est la partie du psychisme accessible directement, celle qui contient les pensées, les perceptions et tout ce qui est immédiatement disponible à la réflexion. Le préconscient fait office de sas entre l'inconscient et le conscient. Il contient des éléments non présents à la conscience, mais qui peuvent le devenir relativement facilement, par exemple par l'attention ou l'évocation volontaire. Puis il y a donc l'inconscient, c'est la partie la plus vaste et la plus énigmatique de l'appareil psychique. Elle contient des désirs refoulés, des souvenirs traumatiques et des contenus psychiques jugés inacceptables par le sujet. L'inconscient est régi par le principe de plaisir et ne connaît ni la contradiction ni le temps. Ce modèle permet à Freud de décrire le fonctionnement psychique et de théoriser les processus comme le refoulement et le retour du refoulé qui sont au cœur des symptômes névrotiques. La deuxième topique freudienne date de 1920, c'est ce qu'on appelle le modèle des instances psychiques. Avec Au-delà du principe de plaisir en 1920 et Le moi et le ça en 1923, Freud révise son modèle et propose une nouvelle organisation psychique en trois instances. Le ça, le moi et le surmoi. Le « ça » , c'est le réservoir pulsionnel composé des désirs inconscients et des forces instinctuelles. Il fonctionne selon le principe se plaisir et cherche la satisfaction immédiate de ses impulsions. Le « moi » émerge du « ça » par différenciation progressive et agit comme médiateur entre les exigences pulsionnelles du « ça » , les contraintes de la réalité extérieure et les exigences morales du surmoi. Il est régi par le principe de réalité et utilise des mécanismes de défense pour gérer les conflits psychiques. Le surmoi se constituent à partir des interdits parentaux et sociaux intériorisés. Ils représentent la conscience morale et jouent un rôle de censeur, générant la culpabilité et la honte lorsque le « moi » s'écarte des normes internalisées. Cette deuxième topique a produit une dynamique plus conflictuelle du psychisme, où les instances sont en tension constante. Elle permet aussi d'expliquer des phénomènes comme l'angoisse, la culpabilité et certains troubles psychopathologiques. La double topique freudienne a suscité de nombreuses discussions et réinterprétation chez les psychanalystes post-freudiens. Lacan, dans son retour à Freud, revisite ces modèles en intégrant la linguistique et en introduisant les registres du réel, du symbolique et de l'imaginaire, le RSI. Il s'éloigne de la métaphore spatiale freudienne pour insister sur le rôle du langage dans la structuration du sujet. Melanie Klein enrichit ces topiques en mettant l'accent sur les positions psychiques, c'est-à-dire la position schizo-paranoïde, et la position dépressive, qui ne sont pas tant des lieux que des organisations psychiques en mouvement. Bion, lui, propose une approche dynamique du psychisme, où l'accent est mis sur la transformation des éléments bruts de l'expérience psychique en pensée élaborée. C'est ce qu'il va faire avec la fonction alpha. La planche, avec sa théorie de la séduction généralisée, critique l'idée d'un inconscient simplement pulsionnel et propose une vision plus ouverte de la dynamique psychique. Alors que les topiques freudiennes et leurs prolongements ont été très féconds pour penser les névroses, Les psychoses ont toujours posé problème à la théorie psychanalytique. Freud lui-même admettait que son modèle était limité pour comprendre la psychose. Des auteurs comme Lacan ont tenté de pallier ces insuffisances en proposant des concepts comme la forclusion du nom du père. Dans un autre épisode, on pourra effectivement faire un épisode sur Lacan et la forclusion du nom du père. On peut peut-être effectivement se demander s'il est temps d'imaginer une nouvelle topique spécifiquement adaptée aux structures psychotiques. Une cartographie du psychisme qui tiendrait compte de l'exoconscience, du morcellement du sujet et des modalités spécifiques de rapport à la réalité. C'est ce que nous allons voir maintenant. Je vous propose donc ma nouvelle topique pour les structures psychotiques. Cette topique est basée sur mon concept de psychanalyse inversée dont je parle dans le premier épisode de ce podcast. Je rappelle pour ceux qui ne l'ont pas écouté que pour moi la thérapeutique analytique a appliqué aux psychoses et l'inversion du mouvement de la psychanalyse classique, qui est originellement fait pour les névroses, où on veut rendre conscient l'inconscient. Le problème est que, dans les psychoses, l'inconscient est déjà hors de ses gonds et a dépassé la conscience pour être disséminé dans l'exoconscience. Cette exoconscience est en contact avec les autres inconsciences individuelles et les autres objets de son environnement. Elle est aussi en contact avec la conscience cosmique. Le but de la psychanalyse inversée est de faire re-rentrer l'inconscient à sa place et le vider de ses éléments douloureux ou traumatiques. Et c'est donc à partir de ces éléments que j'ai construit ma nouvelle topique. La voici, il y a quatre instances dans cette topique, l'endoconscience, l'exoconscience, l'hétéroconscience et la conscience cosmique. Donc en premier, il y a l'endoconscience, c'est le noyau du sujet, ce qui demeure dans un espace de subjectivité propre. Il regroupe les traces mnésiques, des représentations et affects qui restent inscrits dans le champ du sujet, mais qui peinent à se structurer selon les lois du refoulement. Plutôt qu'un inconscient freudien organisé par le refoulement, l'endoconscience serait un espace où les éléments psychiques se maintiennent dans un état flottant, non intégré dans un appareil psychique capable de symboliser pleinement. Ensuite, il y a l'exoconscience. C'est le lieu où les éléments psychiques non métabolisés sont projetés à l'extérieur du sujet. Ici, l'inconscient ne se contient plus dans un espace interne, il s'éparpille dans le monde, se refait dans les objets, les voies, les signes extérieurs. L'exoconscient se rend compte de cette expérience de l'éclatement du psychisme dans la psychose, où le sujet perçoit ses pensées comme étrangères ou dissociées de lui-même, réapparaissant sous forme d'hallucinations, de délires ou de phénomènes d'affluence. Cette instance pourrait être envisagée comme une surface où l'inconscient se disperse et se manifeste dans le monde extérieur, donnant naissance à un réel saturé de signifiants flottants. En troisième place, il y a l'hétéro-conscience. Il s'agit d'un espace où le sujet se voit penser par l'autre. Dans la psychose, la perte de la frontière entre le moi et l'extérieur entraîne une confusion entre soi et l'autre. L'hétéro-conscience correspond à ce phénomène où le sujet éprouve son propre psychisme comme entièrement colonisé par une extériorité qui la pense à sa place. C'est là que se situent les expériences de persécution. d'influence, de transmission de pensée, mais aussi des constructions délirantes qui tentent de donner un cadre à cette dissolution du sujet. En dernier lieu, il y a la conscience cosmique. Cette instance représente l'expansion ultime du psychisme. Non plus seulement disséminée dans l'environnement immédiat, c'est-à-dire dans l'exoconscience, ni incorporée dans l'autre humain, dans l'hétéro-conscience, mais fusionnant avec des forces impersonnelles, comme la nature, les objets, les animaux, le cosmos. C'est le lieu des expériences de télépathie cosmique. d'osmos avec les éléments, d'absorption par l'infini, mais aussi des phénomènes d'animisme où chaque chose semble dotée d'une conscience propre. La psychose peut amener le sujet à se percevoir comme un élément d'un grand tout, où la distinction entre le vivant et l'inerte, l'humain et le non-humain s'efface. Cette instance peut expliquer certains délires mystiques, écologiques ou des phénomènes d'absorption totale dans le réel où le sujet devient arbre, vent, étoile, pure vibration. La dynamique de cette topique est la suivante. L'endoconscience est un noyau fragile, incapable de contenir ce qui devrait être refoulé. L'exoconscience agit comme un espace de dissémination du psychisme dans le monde extérieur. L'hétéro-conscience est l'instance où le sujet se vit comme traversé, contrôlé ou pensé par l'autre. La conscience cosmique est la fusion avec l'univers, les objets, la nature, le cosmos. Cette topique rencontre de l'expérience psychotique en termes de spatialisation de l'inconscient hors du sujet, là où la topique freudienne décrit un appareil psychique organisé autour de la censure et du refoulement. Elle étend la psychose aux dimensions cosmiques et matérielles. La psychanalyse inversée,concrètement, va devoir interroger chaque couche de la topique pour trouver du sens à l'individu, à son histoire de vie et à sa maladie. Plus que cadrer la psychose, ce qui a déjà été fait et déjà pensé, il va falloir la cadrer et la repousser à sa place. Mettre l'inconscient à sa place et, comme je dis souvent, tirer la chasse pour vider l'inconscient de ses éléments douloureux ou traumatiques. Donc voilà voilà, dites-moi ce que vous pensez de tout ça dans vos commentaires. Alors évidemment, tout ce que je viens de vous dire maintenant ne remplace pas, si vous avez une souffrance quelconque ou un trouble psychique, le fait de prendre son traitement, de continuer à avoir son psychiatre et de continuer à avoir son psychothérapeute. Si vous avez une souffrance quelconque ou un trouble psychique et que vous n'avez entamé aucune démarche pour y rémédier, allez consulter un psychiatre, un psychothérapeute et prenez le traitement qu'ils vous donneront. Ce que je vous dis ici ce n'est qu'à prendre en compte en plus de tout cela. L'épisode 5 portera sur le concept de l'homme comme équation, dont on devait parler aujourd'hui mais dont on a reporté la diffusion, pour vous parler de cette nouvelle topique. N'oubliez pas de faire un tour et partager notre site internet spiral1894.fr où un ami à moi qui s'appelle Colo est en train d'ajouter du contenu à son espace blog personnel. Vous pouvez aussi trouver mon livre pour un euro symbolique. Kolo m'a aussi aidé pour la production et la réalisation de ce podcast, donc un énorme merci à lui. Vous pouvez trouver tous les liens concernant les réseaux et le podcast sur la description. Allez, je vous souhaite bon courage et continuez de lutter.