- Speaker #0
La Sportive Outdoor,
- Speaker #1
le podcast.
- Speaker #0
Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Marion Poitevin. Marion a été la première femme du groupe militaire de Haute-Montagne, la première instructrice de l'école militaire de Haute-Montagne et la première femme CRS de Montagne. Autant dire un parcours vraiment hors normes. Je suis donc vraiment ravie de recevoir Marion aujourd'hui pour qu'elle nous parle de son parcours, des nombreux défis qu'elle a dû surmonter et de sa manière de voir les choses en général. Bienvenue Marion, est-ce que tu veux bien te présenter déjà ?
- Speaker #1
Bonjour, Marion Poitevin, j'ai 40 ans cette année, deux enfants de 2 et 5 ans. Et puis aujourd'hui, je suis secourrice CRS Montagne, donc au détachement d'Alberville. Et on assure le secours Montagne pour le département de la Savoie, en partenariat aussi avec les pelotons gendarmerie Haute-Fontagne, des PGHM. Donc une semaine sur deux, ça va être une semaine des policiers CRS Montagne et une semaine des gendarmes PGHM. Et pour certaines zones du département, ça va même être des pompiers. C'est un plan de secours qui est assez complexe en Savoie. Et on travaille les trois unités ensemble.
- Speaker #0
Ok, alors on va partir de tes débuts. Déjà, comment est-ce que tu as démarré l'alpinisme ? Comment est-ce que tu es tombée dans la marmite ?
- Speaker #1
Moi, je suis née à Nancy, Marc-Moselle 54. Mais assez rapidement, j'avais 6 ans quand on s'est installé en Haute-Savoie avec mes parents. Parce que mon papa pratiquait le deltaplane. Et c'était plus simple de décoller du sommet d'une montagne que depuis les plaines. Même si ça se fait, tu te fais tracter par un avion et ils t'envoient en l'air. Mais c'était plus simple du sommet des montagnes. Et ma maman, elle aimait bien aussi la montagne, les sports de montagne, le kayak. Elle était kayakiste à la base. Et le sport en général, le ski. Voilà, donc à 6 ans, je suis arrivée à La Roche-sur-Fond, à côté de Genève, dans la vallée de l'Arme, avant de savoir. Et puis, j'avais mon frère qui avait un an de moins que moi, donc 5 ans. Et puis, nous... parents nous en aient toujours tout fait. On a fait de la voile, on a fait du deltaplane, on a fait du parapente, de la spédologie, du ski, du VTT, enfin toujours plein de sports, d'eau, tous les sports de nature possibles, on les a faits, je pense, avec mes parents pendant nos vacances. Mes deux parents étaient profs. Et puis, allez savoir pourquoi, l'escalade, j'ai vachement accroché, parce que je faisais de la danse. Et pour moi, l'escalade, c'était de la danse, mais en plus, en extérieur. Et j'aimais bien être dehors, prendre l'air, quoi. Pas être coincée en ville. tous ces gens qui te regardent là. Je me vis être dehors, plénarde. Et voilà, après, à partir de 15-16 ans, mes parents me faisaient super confiance et je partais toute seule de la maison avec une carte. Il n'y avait pas de téléphone portable à cette époque. Et je prenais mon vélo et après, j'allais marcher dans la montagne avec ma petite carte et j'entrais ce soir. J'étais contente et j'avais vu le Mont Blanc, éventuellement, depuis le sommet de la montagne le dernier mois. Et ouais, je ne sais pas trop d'où ça me vient, mais j'ai tout de suite accroché et eu envie d'être dehors.
- Speaker #0
C'est excellent. Et est-ce qu'à quel moment tu as même su que tu voulais en faire ton métier, que ce ne serait pas juste un loisir d'être dehors et de faire des activités ?
- Speaker #1
C'est au milieu de cette ère parce que je ne savais pas que ça pouvait être un métier, que juste de faire de la montagne, faire de l'alpinisme et de l'escalade. Et en fait, je suis partie aux États-Unis après ma première. Je faisais une première classique, scientifique. Je n'étais pas très bien élève, mais j'étais moyen plus sans trop travailler. Donc j'étais en filière scientifique générale. Et puis j'avais une cousine éloignée qui avait fait ça, qui était partie un an à l'étranger pendant le lycée. Et mes parents, pleins d'ambition, qui pensaient que leur fille allait faire des grandes études, comme ma cousine qui plus tard fera polytechnique et sera major de promo. Une grosse tronche. Ils me sont dit, on va faire pareil, on va envoyer Marion à l'étranger, ça va lui faire du bien. Et puis c'est vrai que j'étais déjà assez mature pour mon âge. J'étais assez indépendante, j'étais sérieuse. Donc ils me faisaient vraiment confiance sur ce... de ce sujet-là. Et donc tu t'inscris dans une association qui s'appelle Student Travel School, STS, et qui te choisis une famille d'accueil qui correspond à tes envies, à ce que t'aimes. Donc moi j'avais mis Grimp, ski, Grimp, ski. C'était à peu près d'ailleurs mes seules occupations en dehors de l'école qui étaient juste obligatoires. Et une fois arrivée, donc ils m'ont mis à Boulder, dans le Colorado, ce qui est à peu près la capitale d'un genre de chamonix américain. Et donc j'étais refaite. et là j'ai skier, j'ai grimpé et j'ai appris l'anglais et c'est vrai qu'à partir du moment déjà quand t'apprends une langue étrangère t'apprends vraiment une autre façon de penser le monde c'est pas juste des mots que tu traduis, c'est carrément une expression puis il y a des mots que tu peux même pas traduire en fait il faut connaître la culture, le pays pour vraiment saisir le concept et donc là t'apprends une autre façon de penser le monde et d'être aux Etats-Unis en plus, ils ont pas mal de défauts ils ont quand même, ouais désolé mais ils ont quand même voté Trump mais ils ont quand même des immenses qualités ... notamment cette façon de... ambitieuse, d'imaginer une carrière professionnelle. C'est vrai qu'aux Etats-Unis, c'est beaucoup moins tabou de dire que tu as envie de gagner de l'argent, de dire combien tu gagnes. C'est moins tabou de dire, moi plus tard, quand je serai grande, je vais être alpiniste professionnelle et guide d'Haute-Montagne, alors qu'en France, on va te dire, oui, bien sûr Marion. Écoute, il n'y a que 10 femmes guides d'Haute-Montagne en France, et 1500 gars, bien sûr que non, tu ne vas pas faire un guide d'Haute-Montagne. Et on te pousse en France, il y a plus cette culture de l'échec, genre si tu sais un truc et que tu rates, on va te dire bah ouais, mais en même temps tu t'attendais à quoi. Et donc ça fait quand même super peur. Donc c'est vrai qu'avant de partir aux Etats-Unis, j'étais en seconde, en première, j'étais en première, j'aimais bien les maths, je trouvais que c'était assez facile et assez rigolo. Je me disais bah je serais prof de maths, comme ça j'aurais les lacances pour aller grimper au ski comme mes parents. Pleine d'ambition, vraiment. Et puis finalement, en rentrant aux États-Unis, je me suis dit, bah non, en fait, prof de maths, tu sais que tu peux le faire. En fait, tu sais, c'est bien pour ça que tu t'es mis ça comme objectif. Tu fais ta naissance de maths, ce qui peut même être chouette, parce que j'aimais bien les maths. Tu passes ton CAPES et ça y est, t'es prof de maths, quoi. Et si tu le rates une fois, bah tu y vas deux fois, trois fois, mais bon, tu l'auras, quoi. Il n'y a vraiment pas de gros défi, en fait, de partir là-dedans. Et les Américains, c'est pas comme ça qu'ils voient les choses, quoi. C'est plutôt en mode, écoute, t'adores la montagne, t'adores le ski, la grimpe, et bah tu y vas à fond, au pire. Au pire, ça ne marche pas et au mieux, tu peux décrocher un truc. Et puis même si ça ne marche pas, pendant ce temps-là, tu auras progressé, tu auras fait plein de trucs, tu te seras éclatée. Et puis après, tu iras faire ta fac de maths et puis tu iras faire ton CAPES et passer prof de maths. Donc c'est vrai que quand je suis rentrée à la fin de ma première, j'ai refait une première, j'ai perdu un an de scolarité en France parce que la France ne reconnaît pas les autres systèmes de scolarité à l'étranger. Ils ne sont pas aussi bons, évidemment. Donc j'ai refait une première. Je suis passé mon bac à 19 ans et c'est vrai que là je me suis dit bah non en fait je vais pas partir en maths, je vais partir en fac de langue. Comme ça j'aurai un petit peu de travail à faire mais j'aurai surtout beaucoup de temps pour faire du ski et puis de l'escalade et m'entraîner. Donc c'est ce que j'ai fait, je suis partie à la fac pour faire plusieurs parents quand même. Et parce qu'ils m'ont dit fais quand même une petite licence, au pire tu feras prof, voilà. En tant que fille de prof c'était quand même le minimum du contrat. Fac de langue parce que anglais parce que j'avais déjà appris l'anglais aux Etats-Unis, je me suis dit ça me demandera pas trop de travail. Et puis allemand parce que malheureusement j'avais pris allemand en 6e, donc ça, ça m'a poursuivi jusqu'à la fac. Donc me voilà en fac d'anglais allemand, langue étrangère appliquée, donc anglais allemand et un peu de sciences sociales, donc c'était assez intéressant. Et surtout j'avais beaucoup de temps, j'ai pris beaucoup de temps pour grimper, m'entraîner, j'ai passé le monitorat d'escalade, le BE escalade à l'époque, le brevet d'état d'escalade en même temps que j'allais à la FAI, donc je ratais beaucoup de cours. Je rattrapais comme je pouvais. Ça a comme effet, j'ai réussi à avoir ma licence et mon brevet d'état d'escalade. Donc j'étais monétrice d'escalade pendant les vacances. Mais voilà, encore à ce moment-là, je ne me projetais pas. Je ne pensais pas qu'alpinisme professionnel, c'était un métier. Et guide d'haute-montagne, ça me semblait encore vraiment très, très ambitieux. Et puis, à partir de là, j'avais ma licence en poche et du coup, mes parents étaient un peu plus tranquilles. Et je suis partie à Chamonix, parce que c'est quand même vraiment la capitale de l'alpinisme en France. J'ai grandi à une heure de Cham et c'était tout proche, mais je ne pouvais quand même pas y aller, parce que c'est un endroit hyper cher. Et puis les montagnes, elles sont quand même assez difficiles aussi, donc ça m'a demandé un petit peu plus de temps pour me préparer et pouvoir aller là-bas. Et arrivé à Chamonix, j'ai fait des petits boulots. Pendant un an, je bossais aux remontées mécaniques et puis l'été, j'étais montrice d'escalade. Et puis... Et en fait, à ce moment-là, je faisais déjà partie de l'équipe nationale d'alpinisme féminine, ENAF. Et c'était la première session. Depuis, il y a eu des ENAF, il y a eu une équipe tous les deux ans de huit femmes. Et c'est des équipes nationales, donc on est encadré, on nous donne un petit peu du matériel, on est sponsorisé en partie, on est encadré par des guides d'haute montagne. Et là, c'était la première fois qu'ils créaient une équipe nationale pour les filles. Avant, il y en avait une, une équipe nationale d'alpinisme jeune. Et c'est vrai qu'en 20 ans, il y a eu 80 jeunes qui sont passés, il y a eu deux femmes. Ce n'était pas très mixte. Donc ils se sont dit, on va peut-être faire un peu mieux. On va essayer d'attirer les femmes. On va faire une équipe pour les femmes et une équipe pour les hommes. Malheureusement, la non-mixité, c'est quand même parfois une solution pour une meilleure mixité, tout simplement. Donc là, il y avait huit places pour les hommes et huit places pour les femmes. Alors qu'avant ça, il y avait 8 places pour les jeunes. Mais c'était des jeunes hommes, on a compris. Et donc là, je rejoins une équipe pour les femmes. Alors c'est vrai que le niveau était moins élevé, parce que l'alpinisme féminin a quand même, comme dans tous les sports, pris pas mal de retard, pour pas mal de raisons qu'on imagine bien financières, culturelles. Les femmes, elles devaient aller en montagne autrefois avec des robes, alors forcément pour grimper des voies d'escalade. et des passages difficiles, c'est pas facile. Alors voilà, l'alpinisme féminin pour plein de raisons. a pris un peu de retard, donc c'est clair que le haut niveau, il est bien en deçà du niveau des hommes. Mais quand même, cette équipe féminine, ça m'a permis déjà de rencontrer plein de copines avec qui faire de la montagne, et ça, c'était vraiment chouette. Et ça a permis aussi aux commandants du groupe militaire de la montagne de se dire, tiens, il y a des femmes qui sont vraiment intéressées par le haut niveau, après tout, pourquoi pas recruter une femme ? Il n'y en a pas eu depuis la création du GMHM dans les années 80. Pourquoi pas, en fait ? Dans chaque sport, t'as eu, comme en alpinisme, comme en foot, comme en handball, comme en basketball, t'as une équipe femme et une équipe homme, et puis t'as les deux. Et le GMHM, il n'y avait jusque-là eu que des hommes. C'est vrai qu'il y avait plusieurs raisons. C'est que c'était l'armée. Donc déjà avant, il n'y avait pas de femmes dans l'armée. Forcément, c'est ça. Voilà, il y a le service militaire. J'espère que ça n'aide pas. Le service militaire, c'était pour les hommes. Et les hommes qui étaient des bons alpinistes faisaient leur service militaire au GMHM. Donc là, forcément, ça ne marchait pas parce que les femmes qui étaient de bonnes alpinistes... ne faisait pas de service militaire. Donc forcément, ça a perdu un peu de temps. Après, il y a eu la professionnalisation des armées. Donc là, les femmes sont rentrées dans l'armée, mais elles sont quand même toujours restées dans des postes plus dits féminins, comme dans le soin ou comme des ressources humaines, au secrétariat. Et ça a pris un peu de temps pour qu'elles puissent un peu rejoindre les groupes spéciaux. Et le groupe militaire d'Haute-Montagne, c'est 10 alpinistes militaires qui, voilà, c'est la vitrine de l'armée de terre en matière d'alpinisme. C'est vraiment le haut niveau, le gratin de ce qui se fait. dans les chasseurs alpins de l'armée de terre. Donc c'est vrai que jusque-là, il n'y avait pas une femme qui était allée jusque-là. Et assez exceptionnel, ce commandant s'est dit, pourquoi pas prendre des femmes ? Il y a une équipe nationale, il y a des jeunes femmes qui ont envie de faire du haut niveau. Donc moi, j'ai 23 ans et il nous dit, est-ce qu'une d'entre vous serait intéressée pour postuler ? Alors il y en a une qui a postulé avant moi, puis finalement, comment dire, elle s'appelait Karine Ruby, elle était déjà... On va dire entière, elle avait déjà une énorme carrière derrière elle de snowboardeuse. Elle avait gagné les Jeux Olympiques, elle avait gagné un paquet de Coupes du Monde. Voilà, elle a été voir par curiosité. Elle faisait aussi partie de l'équipe nationale avec moi de l'ENAF. Et voilà, elle s'est dit qu'elle n'avait pas vraiment besoin de ça pour pouvoir faire de la montagne. Tandis que moi, j'avais 23 ans, j'avais plutôt pas de sous et pas vraiment de projet professionnel. Et c'est elle qui m'a vraiment motivée, qui m'a dit non mais vas-y Marion, tu veux faire de la montagne ? Là oui, d'accord, ils sont super forts. C'est l'armée et tout ça, mais après tout, ils cherchent une femme. A priori, ce critère-là, tu peux le remplir, donc ça se tente. Et c'est vrai que j'ai postulé. Et c'est pour ça qu'il y a 23 ans, j'ai pu devenir alpiniste professionnelle pour l'armée de terre. C'était vraiment tout à fait exceptionnel. Un concours de circonstances incroyable et puis un peu de culot aussi d'aller postuler.
- Speaker #0
J'imagine que c'est un tout. Effectivement, ce n'est pas que la chance et le concours des circonstances. Comment tu as vécu alors cette expérience ?
- Speaker #1
C'était exceptionnel parce que du jour au lendemain, avant, je galérais pour avoir du temps. Parce que le problème de l'alpinisme, c'est qu'il faut beaucoup de temps et de l'argent. Et pour ça, il faut travailler. Et donc, quand tu travailles, tu n'as pas le temps. Et bon, bref, c'était un problème insoluble. Donc, c'était compliqué. Donc, je n'avais pas beaucoup d'argent. Et j'arrivais quand même à avoir du temps, mais ce n'était pas simple. Et là, tout au coup, du jour au lendemain, ton métier du lundi au vendredi, c'est d'aller grimper, d'aller t'entraîner. d'être performante, de proposer des idées d'expédition pour valoriser le savoir-faire de l'armée de terre en matière d'alpinisme. C'était fabuleux, c'était tellement d'émotion. Je ne savais même pas que ce métier-là existait. Alors j'étais encore loin d'imaginer qu'il serait fait pour moi. Et là, c'est vrai que pendant deux semaines, je me levais le matin, je me regardais dans le miroir et je pleurais. Je me disais, mais c'est incroyable, comment ça se fait que moi, j'ai tellement galéré pour avoir du temps, des compagnies de cordée, du matériel, parce que c'est hyper cher le matériel de montagne. Et là, je suis... je suis payée à grimper et c'est mon job. J'ai que ça à faire. J'étais comme une dingue, je n'y croyais pas. Et c'est vraiment le commandant même qui m'a dit, au bout de quelques semaines, il m'a dit, tu sais Marion, il faut que tu te reposes quand même. Le repos, ça fait partie de l'entraînement. Il faut que tu arrêtes de faire que courir et d'aller skier. Il faut se calmer, sinon tu vas te blesser et on ne sera pas beaucoup plus avancé. Mais j'étais tellement comme une dingue d'avoir tellement de temps et pas tellement d'argent, mais suffisamment. C'est incroyable, tu rentres au GMHM et là, tu vas au Vieux Campeur, donc c'est un magasin de... d'alpinisme et de montagne. Et puis là, on te dit, il y a un budget, il faut que tu t'équipes pour pouvoir faire tes performances. Vas-y, choisis ton matériel. C'est juste incroyable, c'est Noël. Là, tu choisis un jeu de france, tu choisis des vêtements, des cils, super, génial, incroyable, c'est incroyable. Je n'ai pas touché de terre pendant quelques mois, je pense, le temps de réaliser ce qui est en train d'arriver.
- Speaker #0
C'est vrai que c'est super fort d'arriver là. En plus, t'en rêvais, mais c'est fou de se dire que tu pensais même pas que c'était possible de faire ce métier, et t'y es. Et est-ce que t'as eu... D'ailleurs, je sais que tu en as eu, mais tu vas nous en parler. Quelles ont été tes difficultés, du coup, en tant que femme ? Parce que donc, d'avoir conscience que t'étais la seule femme et la première femme, donc de base, ils étaient quand même pas habitués à avoir une femme avec eux. Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées dans ce milieu qui en plus est quand même l'armée, donc on imagine que c'est quand même particulièrement masculin dans l'état d'esprit je dirais ?
- Speaker #1
Alors je suis arrivée en 2008 et je suis repartie en 2012, je restais trois ans et demi. En général les alpinistes ils restent une dizaine d'années et puis au bout de dix ans, ils ont un peu fatigué de s'entraîner tout le temps, de prendre des risques, de partir d'expédition. En général au bout de dix, onze ans ils quittent l'armée et puis après ils continuent d'exercer en gué d'indépendant ou il faut une reconversion dans d'autres domaines. Là, j'ai fait trois ans et demi pour plusieurs raisons. C'est vrai que c'était dingue comme job, mais assez rapidement, j'ai été un peu confrontée à cet environnement très masculin. Je me sentais un peu tout le temps toute seule. Je m'entendais bien avec mes collègues, la plupart des grimpeurs, ça se faisait vraiment super bien, mais je me sentais un peu seule, seule au camp de base, seule dans ma tente, seule avec mes petites histoires de filles. C'est comme si dans la cour de récré, Souvent, dans les cours de récré, les filles sont avec les filles, les garçons avec les garçons. Et on ne se mélange pas beaucoup. Et là, tu es toute seule dans ta cours de récré. Donc, c'était un peu dur. Et puis, assez rapidement, j'avais deux super copines. Il y avait Karine Ruby, qui avait envie de se faire des grandes faces et des trucs difficiles. Karine Ruby, qui malheureusement est décédée quelques mois après mon arrêt au GMHM. Elle exerçait en tant qu'aspirant-guide d'Haute-Montagne. Elle est tombée dans une crevasse. Et donc ça, c'était un peu raide de perdre une super compagne de cordée. Et puis la deuxième compagne de cordée, c'était Vanessa François. L'année suivante, elle s'est pris un bloc de glace dans le dos et est devenue paraplégique. Alors du coup, c'était un peu raide parce que je comptais quand même beaucoup sur ces deux alpinistes qui étaient elles aussi très ambitieuses, elles avaient envie de faire des voies dures en montagne. Puis elles me faisaient confiance, elles avaient envie de les faire avec moi. Et je comptais sur elles et ça, c'était un peu dur. Donc voilà, assez rapidement, j'ai perdu pas mal d'amis en montagne. Sur Chamonix, ça va très très vite. Ça m'a un peu refroidie quand même. C'était bien beau d'avoir des beaux rêves d'expédition et d'ascension, mais il y a un moment, je ne sais pas ça non plus, parce qu'on recherche, on ne veut pas aller mourir en montagne. C'était un peu dur. Après, j'ai eu des soucis avec un super hiérarchique qui avait 15 ans plus que moi. Moi, j'avais 23 ans, j'étais comme un bébé. Il me disait que les femmes viennent à l'arnée, c'est juste pour se faire sauter. Si tu as des envies, c'est un peu normal. Alors que moi, je n'étais pas du tout là parce qu'il y avait plein d'hommes. Et c'est vrai qu'ils étaient tous, on va dire, ils étaient tous très bien foutus parce qu'ils étaient tous des grands sportifs et ils étaient plutôt sympas. Oui, c'est vrai, ce n'était pas désagréable. Mais alors vraiment, je n'étais pas du tout là-dedans. J'avais déjà un copain et moi, je ne regardais pas les garçons. Je ne regardais pas mes collègues de travail comme ça. En fait, pour moi, c'était juste des collègues. Ce n'était pas des... Potentiellement, ce n'était pas des copains du tout. Mais alors vraiment pas du tout. Du coup, je ne comprenais pas. pas à ce qu'il me disait. Et puis, des fois dans les vestiaires, il avait quand même 15 ans de plus que moi, je le rappelle. Il se promenait en slip devant moi, pas très gêné. Et puis, il me racontait plein de trucs et c'était vraiment désagréable. Et puis, quand il a compris que je n'étais pas du tout intéressée par mes collègues, j'avais mon copain et ça me suffisait. C'était déjà bien assez. Un copain, ça suffit bien. Il était un peu vexé et puis après, il m'a fait la vie un peu dure. Voilà, je... J'avais droit à moins de matériel, je pouvais plus mettre mes courriers quand je voulais. C'était pas très cool. C'était hyper désagréable. Et puis mon compagnon de l'époque, il comprenait pas cette situation. Il me disait, ça va, c'est pas si méchant que ça. Après tout, t'es quand même payé à faire de la montagne, c'est quand même cool et tout. Ouais, mais bon, c'était un peu pesant quand même au quotidien, ces comportements. Donc tu vois, je me sentais un peu seule. Et puis j'avais perdu mes copines. Et puis voilà, il y avait des comportements comme ça un peu déplacés. qui plus tard, je le saurais, s'appelle du harcèlement sexuel avec circonstance aggravante par un supplément hiérarchique, pour parler vraiment en mode code pénal. Mais là, sur le moment, moi, j'étais pas du tout... J'avais pas compris tout ça. Moi, j'ai 23 ans, à la fin, j'aurai 25 ans. Ouais, je suis... Juste, je trouve ça pas très cool. Et le soir, quand je rentre chez moi, je suis toujours un peu sur la défensive, un peu, qu'est-ce qu'il va... Est-ce qu'il y a encore un qui va se ménader en slip devant moi ? Ça m'intéresse pas, voir des mecs en slip quand tu vas au travail, vraiment. En plus,
- Speaker #0
ce qui est fou, c'est qu'à ce moment-là, du coup, les... l'extérieur, enfin ton copain en l'occurrence, te renvoie le fait que c'est pas bien.
- Speaker #1
Non, personne ne sait.
- Speaker #0
En fait, si, c'est grave et c'est pas normal de devoir subir ça.
- Speaker #1
Mes collègues, ils le connaissent, parce que c'est aussi leur chef à eux, ça les fait rigoler de l'imaginer se balader en slip. Non, personne ne voit la gravité de ces faits. Et moi, je suis juste pas très à l'aise. Donc tu vois, il y a ça, plus les copines, plus je suis un peu toute seule, et plus je vois bien qu'en fait... On ne me fait pas vraiment confiance. J'ai beau m'entraîner dur et je grimpe fort et j'arrive à rattraper le niveau des gars, j'ai toujours un peu moins d'expérience qu'eux sur les grandes courses. Parce qu'en fait, c'est comme le stagiaire qui ne trouve pas de stage parce qu'il n'a pas d'expérience. Et comme il n'a pas d'expérience, il ne trouve pas de stage. J'étais vraiment là-dedans où j'avais plus les copines et du coup il y avait personne qui me faisait suffisamment confiance pour partir sur des grosses courses. Et comme je n'avais pas fait de grosses courses, personne ne me faisait suffisamment confiance. C'était insoluble. Donc au bout d'un moment, j'ai compris que j'allais toujours rester sur le banc de touche dans l'équipe B. Je me suis dit bon c'est sympa, tu as un job de rêve et tout, mais là en fait ce n'est pas adapté pour toi. Quand j'ai proposé qu'on recrute une deuxième femme... Il y en avait une qui était potentiellement hyper intéressée, super forte, super motivée. Elle s'appelait Chloé Craftieu, elle était belge. Elle venait de recevoir la nationalité française, parce qu'il faut rejoindre l'armée de terre, c'est française. Et malheureusement, elle était motivée. Elle m'avait dit qu'elle était motivée. Mais déjà, mon supérieur m'a dit, on a déjà une femme, je ne vois pas pourquoi on en prendrait deux. Bon, je me dis que ça ne va pas gagner.
- Speaker #0
C'est vrai. Pourquoi nous, on n'avait pas pensé à cet argument ?
- Speaker #1
C'est vrai. Je lui ai dit, c'est une fine. Comme ça, on pourrait faire des premières féminines. Il y en a plein à faire des premières féminines en alpinisme. Vu que, comme je le disais tout à l'heure, l'histoire de l'alpinisme féminin a pris un peu de retard sur la ligne de départ. Mais non, ce n'était pas... Et puis, de toute façon, malheureusement, Chloé a aussi eu un accident de montagne l'année suivante. Donc, c'était assez dramatique. Donc, c'est vrai que là, ça a été ça plus ça plus ça. Tu vois, ça faisait quand même pas mal de bonnes raisons pour se dire, bon, peut-être que ce n'est pas pour moi. En fait, c'est génial. J'ai fait une petite brèche. j'ai récupéré plein de matos. J'ai pu m'entraîner pendant trois ans à faire que ça. J'ai fait des expériences incroyables. Je suis partie dans les Alpes de Lingen en Norvège. On est partie en Antarctique. Je suis partie faire le mont Logan, le plus haut sommet du Canada. On est partie faire 7 150 mètres en Himalaya. J'ai pu grimper des grades 6 en casquette de glace, des trucs très raides. J'ai pu faire plein de voies dans le massif du Mont Blanc parce que j'avais largement le temps. Et voilà, c'était super pendant trois ans et demi. Puis après, il a fallu se dire, bon, écoute, là, c'est une place de rêve, mais t'es pas suffisamment bien. Il faut, voilà, c'est peut-être pas pour toi, en fait. Donc, je suis partie en 2012. Et c'est vrai que malheureusement, ils n'ont pas trouvé de deuxième femme depuis. Alors, pas trouvé, en fait, c'est un des commandants. Ça change régulièrement, les chefs du MHM. C'est un des chefs qui m'avait dit ça. Je lui ai dit, mais comment ça se fait ? Ça fait quand même malement... presque dix ans que je suis partie, il n'y a toujours pas eu de deuxième femme, alors qu'il y a plein de... Tous les deux ans, il y a huit femmes qui rentrent à l'ENAF. Donc ça fait quand même... Ça commence à faire pas mal de femmes. Il y a de plus en plus de femmes qui lui viennent de Haute-Montagne. Moi, je suis la dixième femme guide de Haute-Montagne à être diplômée, dix-septième. Et aujourd'hui, il y en a peut-être une trentaine qui ont été diplômées. Donc les femmes, elles arrivent et ils n'ont toujours pas trouvé une deuxième. Alors moi, je me dis que... Enfin, pas trouvé. Disons que le commandant, c'est ce qu'il m'avait répondu. Il m'a dit « Ben non, on n'a pas trouvé de deuxième femme. » Je pense qu'il ne vaut pas super bien... Je ne peux pas très bien chercher.
- Speaker #0
Ça, c'est souvent le truc, c'est dans pas mal de cas, même sur hors armée, tu as plein d'endroits où on te dit « non, mais on ne comprend pas, il n'y a pas de femmes » . Déjà, la communication que tu vois directe qu'elle est faite auprès des hommes.
- Speaker #1
Moi, j'ai été victime de discrimination positive, c'est-à-dire que c'est génial. La discrimination positive, c'est le fait d'utiliser un critère discriminant. Il y en a, je crois, 17 qui sont répertoriées dans le code pénal en France. Ça peut être la race, le sexe, la religion, les idées politiques, le handicap. l'endroit où tu habites, il y a plusieurs critères discriminants. Donc moi, la discrimination qui a été utilisée, c'est le fait d'être une femme. C'est clair que j'avais été prise aussi parce que j'étais une femme. J'étais la meilleure femme, j'avais du potentiel, j'étais la plus motivée. Mais malheureusement, la discrimination positive, donc ça veut dire que ce critère discriminant devient positif parce qu'il me donne accès à un poste. Donc ça, c'est plutôt chouette. Ce terme, il a été inventé aux États-Unis pour faire rentrer les blacks dans les universités. c'est de la discrimination, be positive discrimination, c'était le fait de donner un certain nombre de places dans les universités aux blacks. Donc là, il y avait une place qui avait été donnée à une femme parce que c'était une femme. Donc c'était plutôt cool. Mais ça, ce n'est pas encore très bien compris. Et assez rapidement, j'ai entendu dire, oui, elle a été prise juste parce que c'est une femme. Non, elle a été prise parce que c'était la meilleure des femmes. On lui a donné l'opportunité de rejoindre le niveau des hommes et de faire briller, elle aussi, des couilles. couleurs de l'armée, parce que c'est quand même ça la mission principale, c'est de représenter l'armée et il y a aussi des femmes dans l'armée. Et malheureusement, c'est vrai que la positive discrimination, la discrimination positive, c'est pas très bien... Ça n'a pas été très bien expliqué. Moi, je suis rentrée dans le groupe, donc on m'a souvent reproché d'être là juste parce que j'étais des femmes. Et ça n'a pas très bien été expliqué en France en général, je pense, alors que pour moi, c'est quand même une proposante indispensable. pour permettre une meilleure unicité femmes-hommes dans les professions générales, une meilleure égalité femmes-hommes dans le monde du travail. Et là, après, aux États-Unis, ça a marché parce qu'il y a quand même un Black qui est devenu président des États-Unis. Ils font quand même aussi des choses vraiment super, ces Américains. Ils sont so capables.
- Speaker #0
C'est hyper important pour des phases de transition, justement, quand ça n'a pas été fait. Il y a un peu de discrimination positive au départ et au bout d'un moment, en général, ça se normalise et tu n'as plus besoin de ça. Mais dans ce cas-là, vraisemblablement, ça n'a pas bien fonctionné dans ce sens-là, parce que ça ne s'est pas normalisé. Il n'y a pas eu d'autres femmes, mais bon. Tu as écrit un livre qui s'appelle « Briser le plafond de glace » , que j'invite vraiment les auditrices à lire. Personnellement, je l'ai démoré. Vraiment, c'est passionnant. Une des choses qui m'a vraiment frappée dans ce livre, c'est ta capacité, justement, à chaque fois. Tu as quand même eu plein d'obstacles qui sont mis en travers de la route. Et à chaque fois, tu surmontes le truc, tu arrives à trouver de la force, de la motivation, tu crois en toi, ton rêve, et puis tu y vas. Comment est-ce que tu fais ça ? Comment, à chaque fois, tu trouves cette motivation pour aller passer outre et dire « Allez, je continue ! »
- Speaker #1
C'est vrai que le GMHM, c'était difficile. Je me suis dit « Bon, on ne va pas lâcher. » En fait, j'ai envie d'être en montagne et je trouve que ça coule d'être payée à être en montagne. Et c'est des jobs qui existent, qui jusque-là, évidemment, sont réservés quand même aux hommes. Je me suis dit, pourquoi pas moi ? Je veux dire, c'est quand même vraiment trop cool. Et donc, quand j'ai le MHM, je me suis rendue compte que je n'arrivais pas à trouver ma place. Je me suis dit, je ne vais quand même pas lâcher l'armée parce qu'il y a des superbes opportunités professionnelles. Et puis, c'est quand même un milieu où il y a plein de gars super avec qui je m'entendais bien et je rigolais bien. Je voulais quand même persévérer là-dedans. Et puis, il y a aussi un côté, on va dire, d'autonomie financière où j'appréciais l'idée d'être fonctionnaire. Clairement, j'étais à 23 ans. Depuis que j'ai 23 ans, je suis fonctionnaire. Parce que peut-être, je suis fille de prof. Du coup, ça rassure. Mais voilà, il y a ce côté en tant que femme. Je me dis, fonctionnaire, tu as l'idée de la retraite. Tu as l'idée quand même, tu es toujours salarié, tu peux te blesser. Si tu fais un bébé, tu as quand même un cadre qui te... qui te soutient beaucoup mieux que si tu es travailleuse indépendante, si tu démarres une entreprise, ce genre de choses. Être fonctionnaire, c'est quelque chose qui était important pour moi, de rester salariée. Il y a des métiers dans la montagne où tu es salariée, il n'y en a pas tant que ça. Donc, tu vois, en fait, je n'avais pas un milliard d'options professionnelles. Soit j'arrêtais tout et je passais mon CAPES et je devenais prof. Bon, du coup, pas de maths, mais d'anglais, parce que pourtant, j'ai choisi les études de langue. Mais voilà, c'est pas très fun non plus, tu vois. Ben voilà, quoi. C'est autre chose, quoi. Je préférais être en montagne. Ben ouais, c'est ça. Et donc, en fait, si tu veux être en montagne, ces administrations-là, elles proposent des jobs qui sont vraiment chouettes, quoi. Donc, j'ai persévéré à l'armée. Je suis restée donc encore trois ans à l'armée. Une des solutions qui s'offraient à moi, donc à Chamouni, c'était d'aller dans le bâtiment juste à côté. Et entre-temps, je suis devenue aspirante. Donc, j'étais maîtresse d'escalade. Je suis devenue aspirante guide de haute montagne. Et donc c'était devenu l'Université Instructrice Montagne pour les chasseurs alpins, donc pour l'école militaire de haute montagne, l'école militaire de montagne, l'EMHM. C'est le premier centre de formation à l'alpinisme qui a été créé en France en 1930 à Chamonix. Donc depuis 1930, il n'y avait jamais eu de femme à ce poste-là, moi j'arrive en 2012. À savoir que... mais c'était vraiment génial, tu vois, parce que moi j'adorais, j'aime bien l'alpinisme. J'aime pas trop, si tu veux, emmener des gens en montagne juste pour les emmener, mais j'adore enseigner, tu vois, leur expliquer pourquoi tu mets des skis comme ça, pourquoi tu vas à cet endroit-là dans la pente, pourquoi tu fais tel nœud sur ta corde. Je trouve ça chouette. Et l'armée, c'est le plus gros centre, on va dire, d'enseignement d'alpine. C'est les premiers. Et puis, ils ont formé des centaines et des centaines de gens. Tu t'imagines tout le ski. L'armée a largement participé au développement du ski en France et la popularisation. popularisation de l'alpinisme. A savoir que l'alpinisme, historiquement, c'est d'abord pratiqué par des lords et des dédises anglais, britanniques, qui venaient en vacances dans les Alpes suisses et ensuite ils ont découvert Chamonix. Chamonix, à l'époque, et ses glacières, donc ces énormes glacières qui descendaient jusqu'à la vallée, qui maintenant sont évidemment en train de disparaître, mais c'était quand même... C'était réservé à l'élite, c'était pas les chamoniards qui... à l'époque, ils se sont dit « Tiens, je vais aller au sommet du Mont-Blanc » . Pas du tout, ce n'est pas eux qui ont développé l'alpinisme. C'est vraiment les riches. C'est vraiment un sport de riches, historiquement. Et l'armée a permis de rendre ça plus social, plus accessible à plein de monde. Ils ont formé vraiment beaucoup de monde. Et donc, c'était super d'apprendre à apprendre l'alpinisme avec cette grosse maison de formation. Et moi, je me suis vraiment éclatée. Donc là, un de mes meilleurs souvenirs, ça va être vraiment celui que je raconte dans le livre, là où je vais faire l'ascension du Mont-Blanc. C'est le plus haut sommet d'Europe, c'est 4810 mètres, tu pars de Chamonix. Et d'habitude, un guide, il emmène deux clients.
- Speaker #0
Parce qu'à la fin, c'est quand même un peu escarpé, t'as des crevasses et tu peux pas assurer plus de deux personnes. Sauf que là, moi, j'avais toute la section d'écriveurs de montagne, donc c'est des jeunes qui sont en formation pendant un an, à la fois partie montagne et partie sous-officier de l'orbitère. Et à la fin de leur cursus, la récompense, c'était de faire l'ascension du Mont-Blanc. Il se trouve que le deuxième guide avec qui je devais encadrer cette ascension était malade ce jour-là, il est resté au refuge de Tétrousse. Donc moi, jeune aspirante guide de 25 ans, je me suis retrouvée avec 23 stagiaires qui avaient à peu près mon âge, du coup. J'étais pas toute seule, donc 23 stagiaires, donc ça faisait trois groupes, le groupe de tête, le gros et le serfile. Et dans chaque groupe, il y avait un responsable, mais c'était pas des guides, c'était quand même le niveau bien technique des en-dessous, un responsable pour chaque groupe, donc moi je communiquais avec eux, avec chaque responsable qui faisait passer les consignes à chaque alpiniste. Et moi, sur le papier, j'étais responsable de tout ce bazar. Donc voilà, il faut imaginer les autres guides qui sont sur la montagne. qui me reconnaissent parce que Chamonix, ce n'est pas très grand. Je suis en formation, donc ils connaissent plus ou moins de vue. Et qui me voient, pas avec deux clients, mais avec 23 stagiaires. Et qui voient que c'est des militaires, parce qu'ils sont tous en kaki. Moi, je suis habillée en noir. Et là, ils se disent, mais c'est quoi ce cirque ? Et puis moi, je me dis, mais waouh, c'est incroyable. Il n'y a qu'à l'armée qu'on peut faire des trucs pareils. Dans le civil, jamais tu peux faire le Mont-Blanc avec 23 personnes. Donc tout ça pour dire que c'était quand même des jobs assez incroyables. Et donc, je vais rester trois ans et demi. Et ce qui va me faire partir cette fois-là, ce n'est pas tellement l'ambiance, parce que là, tu vois, je suis avec 30 collègues, j'adore l'ambiance, ils sont, voilà, vraiment, j'apprends plein de trucs. Et je suis payée un caporal chef à l'époque, 1350 euros. Alors, pour vivre à Chamonix, il faut un peu se serrer la ceinture. Donc, je suis logée dans une chambre là-haut, voilà, dans le détachement. Mais ce n'est pas, tu vois, ce n'est pas génial, quoi. Bon, tu as 25 ans, tu as 27 ans, tu te sens super. Puis un jour, tu as 28 ans, tu as 29 ans, puis tu te dis, bon, c'est sympa, mais... Je ne vais peut-être pas passer toute ma vie dans une petite chambre. Si je veux faire des bébés, si je veux avoir un peu une vraie vie. 1 350 euros, ça ne marche pas. Donc, je demande à pouvoir rejoindre la formation de moniteur de ski alpin. Pour pouvoir arrondir les fins de mois, on me dit que je n'ai pas de niveau. Bon, OK. Finalement, je vais quand même bien avancer dans la formation. Je ne la finirai pas à cause de mes grossesses, pour d'autres raisons. Mais en tout cas, il se trouve que je vais quand même avancer un peu. Mais ils n'ont pas cru en moi. Je demande si je peux passer au moins un sous-officier, sergent, pour monter en grade et gagner un petit peu plus. Et là, le colonel me dit que non, je n'ai pas le niveau requis. Il dit que je n'ai pas le potentiel. Donc voilà, au bout d'un moment, tu te dis bon, c'est sympa, mais en fait, là, je ne peux pas progresser dans l'entreprise. Je m'éclate, mais ça a ses limites aussi. Et donc, je regarde un petit peu les autres options et je vois qu'à la police nationale, ils cherchent des guides d'hôtes montagnes pour faire de la formation, pour former les secouristes CRS en montagne. Donc, c'est des policiers qui vont réussir des tests physiques et techniques de montagne et ensuite vont rejoindre cette formation pour devenir secouristes en montagne. Et moi, en tant que guide, j'allais déjà être formatrice. Je n'allais déjà pas passer tout de suite secouriste. Je ne serais pas secouriste tout de suite. Ça, c'est une formation qu'il faut que je fasse. Mais j'aurais déjà toute la partie montagne dans la poche grâce à mon diplôme. Et en plus, j'allais travailler moins parce que les policiers sont en 35 heures et j'allais gagner plus d'argent parce que j'allais devenir niveau sous-officier. Je me suis dit, là, ça m'a l'air quand même pas mal. Je vais quitter l'armée et je vais aller dans la police. C'est pour ça que j'ai changé d'institution.
- Speaker #1
Ça fait un sacré parcours et à chaque fois, tu évolues. Tu restes à chaque fois dans un domaine qui te plaît. C'est ça qui est génial. Tu changes un peu forcément, mais tu es toujours en montagne et tu vis toujours.
- Speaker #0
Après, il y a eu des gros moments de doute parce que j'ai perdu les deux copines, puis après d'autres, puis après des collègues. Trois collègues à la MHM. Ça fait beaucoup. À Chamonix, je perdais un collègue ou un ami par saison, un l'hiver et un l'été. C'était énorme. Je suis restée dix ans à Chamonix. C'est énorme. Donc c'est vrai qu'il y a un moment où je me suis dit, bon, allez, t'arrêtes qui ?
- Speaker #1
Ça, c'est quelque chose qui m'a frappée aussi dans ton livre. Je pense qu'on ne se rend pas compte, c'est un milieu que je ne connais pas du tout, l'alpinisme. Et c'est vrai qu'au fur et à mesure de la lecture, tu vois que tu perds tes amis au fur et à mesure. Je me disais, mais comment est-ce qu'on vit avec ça ? Et comment est-ce que ça change après ta propre pratique ?
- Speaker #0
C'est sûr qu'il y a un moment où je me suis dit, bon, allez, je vais le faire, ce propre d'anglais, parce que j'en ai marre de... d'aller enterrer les copains et les collègues. Ça m'a trotté dans la tête. Et c'est vrai qu'à ce moment-là, mon compagnon de l'époque, qui pour le coup n'avait pas été très sympa au début, mais là, il a eu les mots justes cette fois-ci. Il m'a dit, écoute, tu as déjà mis pas mal d'énergie dans ces métiers de la montagne. Tu as passé le guide, tu t'entraînes pour le ski et tout. C'est quand même dommage de tout balancer et de repartir dans un autre truc, de devenir prof d'anglais. Persévère un peu, tu vas peut-être trouver un truc qui correspond mieux. Et c'est vrai que ce qu'il a fallu faire pour moi, ce qui a le mieux marché, c'était quand même de quitter Chamonix. C'est vrai qu'à partir de là, c'était plus simple. Parce que Chamonix, en fait, c'est pas qu'il y a beaucoup de morts à montagne, c'est juste que c'est très concentré. Et donc... À Chamonix, quand tu vas à l'école, tu perds tes profs, ton boulanger, ton coiffeur. Tout le monde fait de la montagne et les montagnes sont très exigeantes là-bas. C'est vrai que ça cartonne et c'est un tout petit massif. C'est tout petit. Tu as statistiquement beaucoup de chances de connaître quelqu'un quand tu es à Chamonix. Pour moi, la solution, ça n'a pas été de changer de métier, mais en tout cas de quitter Chamonix. Je serais restée 10 ans à Chamonix. Et puis, au bout de deux, je vais rejoindre la formation chez les policiers. Donc, je vais passer le concours de gardien de la paix. Je vais faire un an d'école de gardien de la paix. Et je vais revenir à Chamonix. Je vais former, pendant trois ans, je vais former des policiers qui ont réussi les tests montagne. Je vais enseigner l'alpinisme. Et puis, moi-même, je vais apprendre à devenir secouriste CRS montagne, avec l'hélicoptère, pour aller chercher les gens qui sont blessés en montagne. Et puis, je vais aussi avoir la chance de... pouvoir intervenir à l'ENSA, l'École nationale de ski et d'alpinisme. Donc ça, c'est la grande école qui forme tous les guides d'haute montagne et tous les moniteurs de ski alpin. Il n'y avait encore jamais eu de policier de CRS montagne formateur. Et puis le responsable de la branche alpinisme, qui s'appelle François Marcini, il a vraiment à cœur de féminiser la profession de guide d'haute montagne. Donc il est vraiment venu me chercher en me disant, écoute, toi, tu es fonctionnaire, tu peux venir faire des semaines de formation en tant que professeur à l'ENSA. Comme tu es dans la fonction publique, c'est assez simple pour moi à justifier au niveau de la paperasse. Je me suis retrouvée professeure à l'ENSA avec seulement trois ans d'ancienneté guide de tontagne. En général, ça dépend. Des fois, il demande un an, des fois, il demande six ans. Ça dépend des périodes et des modes. En tout cas, évidemment, il y en a pas mal qui ont trouvé que je n'avais pas assez d'expérience et d'autres que j'en avais assez. Bref, on ne peut jamais plaire à tout le monde. Je me suis retrouvée propre à l'ENSA, c'était vraiment génial. Mais malheureusement, il y a eu un accident assez tragique. Il y a un stagiaire qui est tombé tête en bas, qui s'est éclaté la tête et qui est décédé. Suite à ça, je me suis dit que ça allait vraiment très vite. Ça a été un petit peu l'accident de trop. Et là, c'est vrai que deux jours après, j'ai dit à mon copain, à mon nouveau copain, que je voulais rencontrer. Ça faisait moins d'un an qu'on est ça ensemble. Je me suis dit que là, il fallait que je fasse un bébé. parce que là, la vie, ça va vite, c'est fragile et c'est quand même un truc que j'ai envie de vivre et d'essayer dans ma carrière, dans ma vie de femme. Donc là, à ce moment-là, j'ai 33 ans et on va faire un bébé. Et donc du coup, comme on n'habite pas ensemble, oui sinon ce serait trop simple, lui n'est pas à Chamonix, donc du coup je vais quitter la vallée de Chamonix et aller m'installer en Savoie. Et lui aussi, il va quitter sa région, il était vers la Grave pour pouvoir qu'on puisse habiter ensemble. Donc Savoie, c'était à mi-chemin entre la Grave et Chamonix. Donc là, ça faisait un bon compromis. Et on va s'installer en Savoie. Et du coup, je vais rejoindre. C'est pour ça que maintenant, je travaille à Albertville et qu'on assure le secours dans le département de la Savoie. Voilà, toute l'histoire. Et depuis, j'ai fait un deuxième bébé puisque j'ai trouvé ça que c'était vraiment trop cool. Et voilà, c'était un peu ma façon, tu parlais de tous ces morts, de gérer ça. Mais après, d'être confrontée à la mort régulièrement, en fait, on développe un petit peu. ça s'apprend, quoi. Ça s'apprend, il faut être bien entouré, il faut bien se préparer, mais ça s'apprend, ouais. Ça se fait pas comme ça du jour au lendemain. Mais voilà, il y a des méthodes, ouais.
- Speaker #1
Ouais. J'imagine que c'est pas... Ça reste pas simple. Et déjà, là, ton parcours, je trouve que c'est impressionnant le nombre de choses que t'as faites, parce que tu n'as que 40 ans, du coup. Mais en plus, tu as créé une association qui s'appelle Lead the Climb, dont j'avais déjà parlé dans un épisode de podcast que j'avais reçu Anaïs Polafinec et d'une première promotion. J'invite celles qui sont intéressées à aller écouter. Mais l'idée de cet assaut, c'est d'encourager les femmes à prendre des rôles de leadership en montagne. Est-ce que tu peux nous expliquer d'où est venue justement cette idée ?
- Speaker #0
Moi, j'ai fait partie de l'ENAF, l'équipe nationale d'alpinisme féminine. Et ce n'était pas la première fois qu'il y avait un groupe féminin. Il y a toujours eu des groupes féminins. Soit parce que les gars ne voulaient pas qu'elles viennent avec eux, donc elles faisaient leur groupe à elles. Soit parce qu'elles avaient vraiment envie de se retrouver entre elles. Parce que c'était... Parce que c'est comme dans la cour de récréation, t'as quand même plus d'affinité avec les filles qu'avec les gars quand t'es une fille. Mais c'était la première fois qu'il y avait vraiment un groupe d'admissions féminins avec un objectif de performance et de haut niveau. C'était pas juste un groupe où on se retrouve, on fait une séance de yoga et on va boire un thé en cabane. Et ça, c'était vraiment la nouveauté. Et c'est vrai que dix ans plus tard, moi je suis guide haute montagne, j'ai tous les qualifs, je sais faire de la formation, j'ai appris avec l'armée. Et du lundi au vendredi, j'emmène plein de bonhommes en montagne. faire des courses d'un massif du Longan. Et samedi-dimanche, on me propose, le week-end, d'encadrer un groupe féminin CAF. Un nouveau, un autre groupe. Et je trouve ça vraiment trop cool. En fait, c'est mon petit bol d'air. J'ai l'impression d'aller en montagne avec des copines. Ça me change d'ambiance. Et puis, l'année suivante, il y a les sélections pour ce groupe-là. Et il avait tellement de succès qu'ils avaient déjà créé un deuxième groupe. Donc, en fait, il y a deux groupes de huit. Donc il y avait 16 places, et là pour ces 16 places, il y avait 110-120 dossiers. Et que des dossiers super, des nanas hyper motivées qui avaient envie d'en découdre, qui n'avaient pas envie de faire que des séances de yoga et boire du thé en cabane. Donc je me dis, mais c'est génial, il y a 80 nanas au bord de là, j'ai perdu l'expression, sur le carreau. Il faut que je trouve une solution. Moi, je sais tout faire en montagne. Il faut trop que je les emmène en montagne. Donc, je crée un produit en tant que guide de montagne que j'appelle Lead the Climb. Lead the Climb, même pas Grimpe. Parce que vraiment, je voulais axer ça sur... Bon, on y va, quoi. On se dépasse, on va chercher ce leadership, quoi. On ne va pas juste en montagne regarder des petits oiseaux, quoi. Non, non. D'ailleurs, il n'y en a pas beaucoup en haute montagne des oiseaux. Donc, leadership. C'était vraiment ça l'idée. Et puis, en fait, mon compagnon de l'époque, le papa, avec qui je vais faire les bébés, il me dit, écoute, il y a vraiment plein de nanas. Lui, il travaille au club Alpha Français. Et donc, son job, c'est de développer les clubs de montagne pour répondre aux besoins des pratiquants, des pratiquantes. Il me dit, mais il y a plein de nanas qui sont intéressées par ton truc. Il faut que tu ailles plus loin, il faut que tu crées un club. Je lui dis, non, mais là, c'est bon, un club avec un président de la paperasse et tout, ce n'est pas mon truc. Il me dit « Non, c'est bon, moi, c'est mon métier, je sais faire. » Bon, bref, évidemment, il imprime trois feuilles, il les remplit, il me dit « Signe en bas » . Et hop, ça y est, le club, il était créé. C'était vraiment super facile. Une des participantes de mes journées, là, je lui ai demandé si elle voulait être présidente. Elle était OK. L'autre a été secrétaire. Et mon papa était OK pour devenir trésorier. Il m'a dit « Oui, j'ai déjà fait trésorier pour l'association sportive. » Il était prof de PS du collège. C'est bon, je gère. Bon, sauf qu'il ne s'attendait pas à brasser autant d'argent, je crois, mais bon. Parce que là, c'était pas juste des bus pour aller faire du ski avec les gamins le mercredi après-midi. Là, c'était des guides et les guides, ça coûte cher. Donc ça fait vite des sommes assez impressionnantes. Et puis en plus, on a eu beaucoup de succès. Donc il n'y croyait pas. Donc il se retrouvait à gérer des milliers d'euros. Ça lui a fait un peu de rôle. Dans une association créée par des femmes pour des femmes. Donc ça, ça a beaucoup fait rire ma maman. C'était vraiment très ironique. Et il n'était pas... C'était pas... Ça n'a jamais été un gros macho mon papa. Mais ça n'a jamais non plus été un féministe plus que ça. Il ne voyait pas. En fait, il n'a jamais vu où était le problème. Il ne m'a jamais empêchée de faire de la montagne. Il ne voyait pas pourquoi une femme aurait plus froid, plus envie de faire pipi ou plus peur. Donc, tu vois, je n'avais pas d'excuses. Il fallait que j'y aille. Mais il ne voyait pas pourquoi ce serait plus compliqué pour une nana dans l'armée ou pour faire des sports où il n'y avait que des bonhommes. Il ne voyait pas où était le problème. Pas méchant, mais voilà. Et donc, du coup, là, il a un peu mieux vu le problème. S'il s'est dit, mais pourquoi il y a plein de femmes ? qui veulent faire de la montagne entre femmes, parce que papa, c'est différent, en fait. C'est génial, en fait. Donc, c'était assez rigolo pour la petite histoire. D'où Lead the Climb. Et puis, petit à petit, ça a plu. Alors, au début, il faut savoir que ça n'a pas plu du tout, du tout. J'ai eu des remarques assez désagréables sur les réseaux sociaux, de la part de pratiquants, mais surtout de la part d'autres professionnels, d'autres guides de montagne qui me reprochaient de... de leur piquer. Eux, ils avaient déjà du mal. Ils disaient qu'ils proposaient des pratiques mixtes et qu'ils avaient du mal à avoir des femmes sur leur groupe et que j'allais leur piquer les quelques femmes qu'ils avaient dans leur groupe. Alors, sur ce, c'est facile de leur dire « Demande-toi pourquoi elle veut venir chez moi plutôt que chez toi. » Et puis, surtout, l'idée, ce n'était pas de leur piquer les femmes, c'était d'en faire venir plus, de faire venir toutes ces femmes qui n'osaient pas aller dans les groupes d'alpinistes parce que dans les clubs CAF... Les groupes d'alpinistes, la proportion, il y a des exceptions, mais en général, tu as deux femmes dans un groupe de dix. C'est vrai que des fois, tu te retrouves même toute seule. Ce n'est pas grave, ils sont sympas les gars, mais encore une fois, c'est comme dans la cour de récré. Tu te sens un peu moins à ta place, tu te sens un peu moins légitime, tu as l'impression que tu fasses un peu plus tes preuves. Et puis parfois, malheureusement, c'est vraiment le cas. Donc, il y a vraiment des encadrants qui vont avoir des propos. Ah, mais ça, tu l'as déjà lu. une carte, mais il faut encore faire une pause pipi parce qu'on sait très bien que les femmes, elles n'ont pas sans orientation et qu'elles ont toujours envie de faire pipi et qu'elles ont toujours froid. Ça, c'est un grand classique et qu'elles n'ont pas assez la caisse pour marcher devant, pour faire la trace, pour gérer une course. Des clichés qui sont quand même encore malheureusement très très très prenants. J'ai malheureusement encore beaucoup de témoignages qui me parviennent et puis en plus parfois par des jeunes femmes de 22 ans, 20 ans, tu dis mais on ne va pas s'en sortir. Elles ont 20 ans de moins que moi et elles entendent encore les mêmes renards sexistes que moi j'avais entendus il y a 20 ans. Il va falloir peut-être se... commencer à bouger un peu. Bref, le fait de se retrouver entre femmes m'attaque à toutes ces remarques sexistes, parce qu'en fait, tout le monde ne sait pas lire une carte et tout le monde a envie de faire pipi en même temps, donc c'est parfait. On fait des pauses pipi et puis, ça prend des bruits de lire une carte. Et ça marche bien. D'où Lead the Climb. Au début, ça a été très compliqué le démarrage. Ce qui est super, c'est qu'aujourd'hui, je ne fais plus partie du club. Je suis présidente d'honneur. Parce que... Parce que l'ancienne présidente a démissionné. Et du coup, sur le moment, il n'y avait pas de remplaçante. Donc, j'ai pris la présidence pendant deux ans. J'ai super mal géré le budget. J'étais super mieux dans l'administratif. Donc là, il y a d'autres bénévoles qui m'ont dit, non mais Marion, en fait, il ne faut pas que tu fasses ça. Fais autre chose. Attends, arrête. Parce qu'en fait, les bénévoles, c'est des participantes. Et les participantes, souvent, elles ont un autre job. et elles travaillent devant un ordinateur et elles savent lire des mails, elles savent faire des tableaux Excel, elles gèrent super bien Drive, elles savent super bien faire les réseaux sociaux et des jolis petits posts avec des petites affiches et tout. Moi, je suis guide haute montagne et je ne peux pas tout faire. Je fais pas mal de choses, mais là, je n'y arrive pas. Elles y arrivent bien mieux que moi et chacun ses compétences. Elles savent faire de la compta, elles savent tout faire. Donc, mon papa et moi, on est sortis de l'assos. C'était mieux pour tout le monde. Et Lead the Climb, ça fonctionne parce que c'est un club CAF. Donc avec un objectif de formation, de leadership, d'autonomie réservé aux femmes. Un homme peut prendre sa licence, il est le bienvenu. La moitié des adhérents des clubs Alpins français sont des adhérents fantômes. C'est-à-dire qu'ils prennent une licence parce qu'ils veulent les avantages de l'assurance et du refuge, mais ils ne participent pas forcément aux sorties. Donc si vous voulez une assurance CAF à petit prix, vous pouvez venir chez The Pai, parce qu'on est quand même un petit club et on propose les mêmes avantages que les gros clubs. Et ensuite... Ça fonctionne parce que c'est des groupes avec des guides, donc ça permet de partager les frais. Et ensuite, la gestion, elle est bénévole. Donc c'est les participantes elles-mêmes qui vont monter les groupes, contacter les guides, s'occuper des adhésions, s'occuper des paiements et des remboursements s'il y a besoin. Donc ça se gère en interne. Donc ça revient moins cher que de passer par un bureau des guides parce qu'il n'y a pas le secrétaire, il n'y a pas le local. Il n'y a pas tous ces frais fixes qu'on peut trouver dans les bureaux des guides. Et puis, c'est vrai que les bureaux des guides, il y a quelques bureaux des guides qui vraiment proposent de l'information, mais c'est assez rare. Souvent, ils vendent une course, ils vendent une sortie, mais ils ne vendent pas une course de trois week-ends pour apprendre la sécurité en avalanche, utiliser son détecteur de victimes d'avalanche, sa pelle, sa sonde et aller chercher comment creuser. Il y en a qui le font, mais pas tous. Donc voilà, ce ne sont pas des produits qui sont encore beaucoup proposés. Mais par contre, Hit The Climb, c'est un bureau des guides, on va dire, quelque part. C'est entre le bureau des guides et le club qui propose que ça, que de la formation pour des femmes. Et puis en plus, tu t'inscris en ligne, en fait. Donc je pense que ça aussi, ça joue pas mal à... Ça fait moins peur aux femmes pour venir s'inscrire, plutôt que déjà, elles n'ont pas forcément le temps d'aller à la réunion du jeudi soir, du club CAF à côté de chez elles. et d'avoir encore de la place pour la sortie, parce que les sorties sont hyper demandées, et il n'y a pas toujours de la place. C'est sympa, mais il faut avoir la place le jeudi soir, et il faut bien s'entendre avec l'encadrant, et il faut qu'il reste encore un peu de la place, c'est compliqué. Là, ça se fait en ligne. C'est vrai qu'au moment de l'ouverture des inscriptions, c'est pris d'assaut. Le site est pris d'assaut, parce que c'est chouette, c'est victime de son succès. Et ensuite, il y a souvent des places qui se libèrent parce qu'il y a des femmes qui annulent, parce que blessure, parce que grossesse, parce qu'il y en a pas mal des grossesses, en fait, c'est assez rigolo, parce que changement de planning professionnel, etc. Il y a plein de raisons. Mais voilà, donc c'est ça, l'e-tip-climb. Je pense que j'ai bien résumé. Je ne suis pas résumée, mais j'ai bien expliqué.
- Speaker #1
Très bien. Et c'est chouette de voir que ça fonctionne à ce point-là. Ça montre quand même aussi que ça évolue pas mal du côté des femmes.
- Speaker #0
C'est juste qu'il y a aussi un côté innovant, c'est que là, en tant que guide, on commercialise l'aspect alpinisme féminin. Et c'est cool de voir que ça marche. Parce que tu vois, chez les marques de montagne, par exemple, c'est pas encore bien. Alors, il faut un peu des produits pour les femmes, mais moi, j'ai fait partie de groupes de tests, de groupes de réflexion sur le matériel, au niveau de l'ergonomie, qu'est-ce qu'on a besoin, il n'y a jamais de femmes dans ces groupes de réflexion. Enfin, ça y est, on va dire que j'exagère, mais... Il y a souvent beaucoup moins de femmes. Genre, sur un groupe de 20, ça m'est arrivé d'être la seule femme pour se demander quel type de crampons on avait besoin pour leur montagne, etc. Donc là, c'est cool de voir qu'il y a un vrai marché et que ça se commercialise vraiment. Et même en tant que femme guide, en fait, de croire en son produit et en sa spécificité et le mettre en avant. Parce qu'à la fois, tu as besoin de te fondre un peu dans la masse, tu vois, pour avoir... C'est du réseautage, le métier de guide d'autres montagnes. Tu es travaillé indépendant, il faut que tu t'entendes bien avec tes collègues pour qu'on te fiche du boulot. Il faut que tu te présentes un peu bien, tu vois. C'est du réseautage, mais du coup il y a un réseautage en parallèle entre Femme Guide et d'événements féminins et de commercialisation de ce produit-là, de la Vénispo Fidin. Et c'est cool parce que moi quand j'ai commencé en aspirant de guide en 2010... il n'y avait pas ça. Il n'y avait pas ces femmes qui se refilaient du boulot entre elles. Il n'y avait moins d'événements féminins. Il n'y avait pas ces groupes féminins. Et du coup, tu étais obligée de... Oui, tu travaillais avec les gars, mais du coup, tu ne mettais pas en avant ta spécificité. Donc ça, ça change aussi quand même pas mal. C'est chouette.
- Speaker #1
Oui, carrément, c'est trop bien. Oui, pour terminer, j'ai une petite question traditionnelle. Mais si tu devais donner un message aux auditrices de la Sportive Outdoor, quel serait-il ?
- Speaker #0
De lire le livre.
- Speaker #1
C'est une très bonne réponse. Ça, je peux vous encourager à le faire aussi.
- Speaker #0
Le plafond de glace, en référence à briser le plafond de verre, pour ceux qui n'avaient pas la rêve. Briser le plafond de verre, c'est ce phénomène qu'on voit dans les entreprises, où les femmes, elles progressent, et puis à un moment, ça bloque. Elles ne progressent plus dans la hiérarchie, ça bloque pour plein de facteurs assez transparents, justement, assez compliqués. Un coup, c'est la maternité, un coup, c'est qu'elles n'ont pas assez confiance en elles, le syndrome de l'imposteur, pour aller oser postuler pour des... des jobs à plus de responsabilités, ou demander une augmentation, ou alors on ne leur fait pas confiance pour confier des projets importants. Enfin, de fait, dans les faits, il y a un moment, dans la hiérarchie de l'entreprise, les femmes disparaissent, c'est le plafond de verre, un terme qui vient encore des Etats-Unis, il me semble. Et du coup, c'est l'éditeur qui avait eu l'idée de ce titre, briser le plafond de glace en référence au monde de l'alpinisme.
- Speaker #1
Je mettrai la référence du livre de toute façon dans la description de la vidéo.
- Speaker #0
Il y en a un autre qui est ça. Il y en a un.
- Speaker #1
une version pour enfants qui est sortie cette semaine je ne savais pas je vais aussi mettre la référence merci pour ton temps et pour ton partage d'expérience tu as un parcours qui est vraiment hors normes, inspirant vraiment sympa d'avoir partagé tout ça avec nous et je vous invite à lire le livre à bientôt pour de nouvelles interviews merci Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes, cela nous aide. A bientôt !