- Speaker #0
Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soignants inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur. Aujourd'hui, nous abordons un sujet aussi passionnant qu'essentiel pour notre pratique quotidienne, l'observation naturelle du cycle féminin. Apprendre à écouter et à interpréter les signes du corps est en effet une compétence précieuse, que ce soit pour accompagner nos patientes dans leur santé gynécologique, leur projet de grossesse ou leur choix contraceptif. Pour en parler, j'ai le plaisir d'accueillir Marion Vallée, sage-femme qui s'est spécialisée dans l'enseignement et l'accompagnement des méthodes d'observation du cycle. Forte de son expérience clinique et de sa vision globale de la santé féminine, Elle nous partagera les nombreux bénéfices de ces méthodes. Dans cet épisode, nous verrons ensemble comment l'observation du cycle peut aider à mieux comprendre la physiologie féminine, offrir un appui précieux au diagnostic des troubles hormonaux, constituer une alternative efficace aux contraceptions classiques et optimiser les chances de conception pour les couples en désir d'enfant. Un échange concret, pratique, qui vous donnera, je l'espère, de nouveaux outils pour enrichir vos consultations et renforcer l'autonomie de vos patientes. Bonjour Marion.
- Speaker #1
Bonjour Mathieu.
- Speaker #0
Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation. Marion, tu proposes l'observation du cycle comme un outil de connaissance fine de la physiologie féminine. Concrètement, quels sont les principaux signes que les femmes peuvent observer chez elles pour se situer et connaître leur cycle, s'il te plaît ?
- Speaker #1
Alors en fait, il y a deux principaux signes. Il y a un signe qui est complètement naturel et un signe que la femme va pouvoir mesurer à l'aide d'un thermomètre. Et là, vous allez vous penser peut-être aux bonnes vieilles courbes de température que vous aviez déjà probablement entendues. dont vous aviez probablement entendu parler dans vos études médicales. Mais je reviens sur le symptôme qui est vraiment, à mon avis, le plus important et le plus précieux, qui est le symptôme de la glaire cervicale, qu'on appelle aussi mucus cervical, qui, en fait, quand on y prête attention jour après jour dans son cycle, peut nous renseigner précisément sur la seule fenêtre de fertilité du cycle qui se trouve, bien sûr, aux alentours de l'ovulation. Voilà, donc ce mucus cervical va évoluer Merci. chez toutes les femmes de façon relativement similaire sur 4 à 6 jours, si je veux donner des détails. Et cette évolution, elle va se faire au niveau de la sensation. C'est-à-dire qu'à la vulve, la femme a, comme on pourrait l'appeler, un détecteur de sensation qui lui permet d'évaluer en temps réel le climat d'humidité de la zone. Donc ce détecteur, il se trouve au niveau de la jonction des lèvres internes. au niveau du périnée postérieur, si on veut aller dans les détails, et en y prêtant attention tout en étant habillée, mais plutôt en mouvement et en position debout, on est capable de dire « je me sens sèche, je me sens humide, je me sens mouillée, je me sens lubrifiée » . Je vous ai donné les grandes catégories que la femme peut décrire. Et ce climat d'humidité n'est pas du tout anecdotique, puisque très précisément, il peut nous renseigner sur le climat hormonal. Donc on passe de l'humidité aux hormones. Et en fait, le pont direct, c'est vraiment les oestrogènes. Parce que les oestrogènes vont modifier les cellules de l'endocole et permettre de déboucher le col de l'utérus avec l'arrivée des oestrogènes et entraîner une fluidification de plus en plus importante du mucus cervical qui va passer d'épais, obstruant, opaque à liquide comme de l'eau, même comme de l'huile. Et en fait, cette phase... liquide comme de l'huile est une phase lubrifiante. Donc quand la femme perçoit la lubrification à la vulve, et là les femmes qui nous écoutent doivent se dire « Ok, ça me parle. Quand je m'essuie, effectivement, parfois, ça glisse. » Effectivement, on y est. Quand ça glisse, c'est que l'ovulation est imminente. Je ne parle pas de la lubrification physiologique dans la sexualité qui est un autre phénomène lié à la lubrification des glandes de Bartholin. Je parle bien de la lubrification qui vient d'au-dessus. de l'endocole qui va en fait permettre la fluidification du mucus, qui va tapisser les parois vaginales, arriver au niveau de la vulve, et créer en fait ces modifications. Donc, on pourrait dire, et je vous entends penser, ah oui, mais toutes les femmes ne sont pas capables d'observer ça. Alors, détrompez-vous, l'OMS s'est même penchée sur cette question dans les années 80. Alors, on n'aime pas trop les études qui datent d'avant 2000, déjà même 2000 c'est un peu vieux, mais bon, désolé, je n'ai pas plus récent. Et donc dans les années 80, l'OMS a évalué la capacité des femmes à observer ce fameux symptôme de la glaire cervicale. Et bonne nouvelle, plus de 90% des femmes sont capables. de l'observer au bout du premier cycle, c'est-à-dire rapidement, quand elles ont reçu un petit enseignement sur le sujet. Donc finalement, pour nos consultes, c'est quand même vraiment précieux.
- Speaker #0
Ok. Du point de vue patiente, est-ce qu'il y a d'autres signes à reconnaître ?
- Speaker #1
Oui. Alors ça, c'est le symptôme. Je vous ai parlé de la phase qui est la plus forte phase dans l'observation, qui est la phase fertile qui va mener à l'ovulation. Une fois que la lubrification se... termine, on rentre dans la phase luthéale puisque la progestérone, quand elle arrive, va déshydrater l'écoulement de mucus cervical. Non seulement le col va se refermer, se reboucher et en plus, il va y avoir une déshydratation qui a lieu au niveau de la base du vagin par le biais de cellules spécifiques vaginales sous l'influence de la progestérone. On arrive dans la dernière phase, la phase luthéale. La progestérone va avoir une autre action qui est une action de réchauffement du corps. La température du corps va se réchauffer sous l'influence de la progestérone qu'on appelle hyperthermiante. L'hyperthermie est très modérée, on est sur une élévation de 0,3 à 0,5 degrés, donc ça nécessite quand même un thermomètre précis, et une prise de température par un orifice, donc buccal, vaginal ou rectal, tous les matins relativement à la même heure, et la température va effectuer un plateau. sous l'influence de la progestérone, qui va nous indiquer, en fait, quand la température est montée, que l'ovulation a bien eu lieu. Donc c'est assez précieux, la température, parce que c'est un marqueur objectif, à la différence du mucus cervical, qui est plutôt un marqueur subjectif, bien que très précis. Mais la température, à travers le chiffre, nous donne vraiment une information vérifiable qui atteste, quand le pic de glaire est passé et quand la température est montée, on est vraiment sur 100% de certitude. que l'ovulation a eu lieu.
- Speaker #0
Donc ça, c'est la physiologie normale dont tu me parles, que les patientes peuvent, dont elles peuvent se saisir des signes dont tu m'as parlé, la glaire cervicale, l'humidité, la lubrification et donc la hausse de la température. Et du côté des soignants, qu'est-ce qu'on peut apprendre, nous, des courbes de température, de la glaire, des signes dont tu viens de me parler ? Est-ce que ces signes peuvent nous permettre de détecter certains déséquilibres, par exemple ?
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Et c'est ça qui est pas évident. Parce qu'il faut à chaque fois pouvoir switcher entre voilà le symptôme et quelle est la traduction hormonale. Alors on a l'habitude de switcher entre les symptômes et puis la physiopathe sur tout un tas de pathologies. Mais là, comme on n'y a pas été habitué pendant nos études et notre pratique, c'est vraiment un exercice qui est au démarrage un peu délicat. Donc la patiente va tracer les signes quotidiens dans son cycle. Donc l'absence de glaire cervicale, la présence de glaire cervicale et à nouveau l'absence. et on va devoir traduire hormonalement ce qui se passe. Normalement, la phase oestrogénique montante, qui correspond au follicule dominant qui va à l'ovulation, dure 4 à 6 jours. On devrait voir sur le tableau du cycle de la patiente, puisqu'elle va tracer sur un tableau, 4 à 6 jours d'évolution de l'air cervical. Il arrive qu'on voit une phase d'évolution de l'air cervical moindre, c'est-à-dire 3 jours, 2 jours, 1 journée, voire absente. Si c'est le cas... évidemment, ça nous invite à nous questionner est-ce que la patiente ovule ? Ou est-ce qu'elle a un mucus cervical de bonne qualité ? Et on a tellement eu l'habitude d'apprendre le cycle au travers des saignements, si bien que tous les mots pour parler des cycles contiennent le suffixe ou le préfixe ménoré, qu'en fait, si la patiente saigne régulièrement, on a tendance à se dire, tout va bien, c'est qu'elle ovule. Bien sûr, je parle hors contraception hormonale. Alors qu'en fait, une étude très récente qui vient de sortir, et je te transmettrai l'étude pour qu'elle puisse être mise en commentaire, a montré que des femmes avec des cycles réguliers, parmi elles, elles ont été suivies pendant un an, cycles réguliers, et parmi elles, seulement 11% des femmes ont eu des cycles ovulatoires et fertiles, c'est-à-dire 100% de cycles normaux. C'est peu, en fait. C'est bien la preuve que finalement, les saignements, si on ne s'intéresse qu'aux saignements, nous donnent une vision complètement partielle de la fertilité de la patiente. Donc vous voyez que ça va vraiment loin, et l'observation de la glaire cervicale va nous permettre de savoir ce qui se passe au niveau des hormones, donc sur les oestrogènes dans la partie évolutive. Et ensuite, une fois que la lubrification est terminée, on arrive donc à la phase luthéale. La phase luthéale, elle doit durer, non pas toujours 14 jours, elle doit durer 11 à 16 jours. On sait en tout cas que si c'est moins de 11 jours, la patiente a une ovulation de mauvaise qualité, on en est sûr. Ça peut arriver de façon épisodique, mais s'il y a une récurrence, si la patiente disovule de façon récurrente, elle est donc en déséquilibre hormonal de façon récurrente, et donc c'est toujours en faveur des oestrogènes qui vont se retrouver en position de force, la progestérone étant moindre, et donc les oestrogènes, hormones de la mitose, en position de force, ça ne fait pas du bien dans l'organisme. Donc au démarrage, ça va être des troubles. Et si le temps avance, ça peut finir par devenir une tumeur parce que les cellules se retrouvent en myrtose déraisonnable.
- Speaker #0
Excellent. Donc en fait, on en revient à la sémiologie, la sémiologie de base, l'observation de la physiologie normale. Au-delà des saignements classiques que tout médecin est censé reconnaître, il faut aussi s'enquérir de la glaire cervicale, de la sensation d'humidité, de la lubrification, des courbes de température pour déceler d'éventuels déséquilibres. ou de véritables problèmes hormonaux et des cycles qui ne seraient pas ovulatoires. Merci beaucoup Marion. Du coup, comment l'observation de ce cycle permet de mieux personnaliser la prise en charge de certains troubles comme par exemple le SOPK, les cycles anovulatoires dont tu viens de me parler ou même l'insuffisance luthéale Marion ?
- Speaker #1
En fait, effectivement, la traçabilité par la patiente de son cycle déjà va la maintenir vraiment au cœur de la consultation. Parce que... On sait que le patient, on en a besoin, c'est lui qui est l'élément principal de notre consultation, et ce n'est que grâce à lui qu'on va pouvoir dégager des hypothèses, et puis confirmer nos hypothèses, etc. En gynécologie, la gynécologie c'est une spécialité où on donne une place à la paraclinique qui est considérable, bien trop considérable d'ailleurs, et où le symptôme est relativement vite balayé, parce qu'en fait on ne sait pas trop quoi en faire, bah oui elle a un saignement intermenstruel, est-ce que c'est normal, pas normal, bon bah on va explorer. Et en fait, c'est l'exploration qui va un peu être notre baromètre de la prise en charge. La femme qui observe son cycle, elle va garder vraiment le symptôme au cœur de la prise en charge et de notre relation de soins, parce qu'en fait, elle va tracer chaque jour ce qui se passe et on va avoir donc un suivi quotidien, ce qui est quand même ultra précieux quand on veut savoir ce qui se passe. Et donc, ça vient même être complètement supérieur à la paraclinique, bonne nouvelle. On a tous appris que la clinique doit primer sur la paraclinique. et donc Ce symptôme de la femme va nous permettre d'orienter nos explorations en fonction de ce que l'on cherche. On a parlé de l'ovulation de mauvaise qualité avec une phase utéale trop courte. Si on ne regarde que les saignements, impossible de savoir la longueur de la phase utéale et donc si la femme a une ovulation de bonne qualité ou pas. Je vous donne l'information, si vous ne la connaissez pas, qu'une phase utéale trop courte est un risque de fausse couche, au-delà même du déséquilibre hormonal, une patiente qui veut concevoir. peut démarrer une grossesse avec un corps jaune de mauvaise qualité et donc avoir une grossesse qui s'arrête. Et ça peut même donner des fausses couches récurrentes. Donc en fait, on va avoir vraiment une cartographie précise qui va nous permettre de planifier nos explorations. Exemple, je voudrais savoir si l'endomètre de la patiente est suffisamment épais pour son projet de grossesse. Toi qui es échographiste en gynécologie, on peut effectivement prévoir une échographie à J14 en se disant, voilà, J14, normalement, On est au moment de l'ovulation, l'endomètre doit être bien épaissi. Sauf que son J14, si cette femme-là est l'ovule à J21, même si elle a un cycle de 28 jours, on n'aura pas du tout le même endomètre qu'une femme qui va ovuler beaucoup plus tôt. Et en fait, on peut tirer des conclusions totalement erronées si on ne sait pas précisément où elle en est au moment de l'imagerie. Idem pour la biologie. Si on a envie d'évaluer son ovulation... on va lui faire faire oestrogène et progestérone à J21, et même peut-être qu'on a des ordonnances qui sont pré-remplies, et J21, pour elle, ça peut tomber totalement à côté. Donc, vous voyez que ça, c'est vraiment... C'est malheureusement mon quotidien. C'est qu'en fait, on a reçu dans notre enseignement gynécologique des grands standards et des recours, et on peut tirer des conclusions erronées, parce qu'en fait, on n'est pas dans la physiologie de cette femme-là, on est dans un standard.
- Speaker #0
Merci beaucoup de rappeler ça, j'adore ce message, je suis très heureux que tu en parles. C'est un concept qui m'est cher, c'est de remettre les clés de la santé à chacun et être autonome de sa propre santé. Chacun est responsable de sa santé. Et ce que tu viens de dire, c'est de donner les outils à nos patientes, en l'occurrence pour qu'elles puissent se connaître elles-mêmes et qu'elles deviennent elles-mêmes des expertes de leur santé, en l'occurrence des expertes de leur cycle. Si bien qu'on se situe, à un moment donné, non plus comme le sachant, mais un peu comme le conseiller. Parce qu'en fait, ça va être la patiente qui va nous rapporter sur un plateau tout son cycle. Si on lui conseille, comme tu nous le demandes, de surveiller sa température, sa qualité de glaire, sa date d'ovulation, etc. En fait, elle connaît son cycle par cœur. Et dans ce cas-là, nous, on peut se situer pour la conseiller. Donc, je te remercie beaucoup d'avoir rappelé tout ça. C'est hyper, hyper important. Et puis, on revient, comme d'habitude, à l'examen et à la sémiologie. Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Et si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous, à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. A très vite sur le podcast.