- Speaker #0
Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soins néant inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans la suite de notre superbe échange de Super Docteur. docteur. Nous retrouvons dans ce deuxième épisode Marion Vallée, qui est sage-femme, pour continuer à explorer ensemble l'intérêt des méthodes d'observation naturelle du cycle féminin. Après avoir vu dans le premier épisode comment ces méthodes permettent une meilleure connaissance de la physiologie féminine et peuvent appuyer le diagnostic des troubles gynécologiques, nous allons aujourd'hui nous intéresser à leur place en contraception, en accompagnement de la fertilité et au regard critique que nous, médecins généralistes, pouvons porter sur leur utilisation en pratique. Un sujet passionnant pour enrichir encore notre accompagnement de nos patientes en consultation et leur redonner les clés de leur propre santé, sujet qui m'est cher sur le podcast comme vous le savez. Comme d'habitude, vous pouvez vous inscrire à la newsletter de ce podcast, le lien est dans les notes de la description, c'est gratuit, c'est sans spam, et vous recevez en fin de semaine un résumé, le super récap, des deux épisodes de la semaine. Je vous souhaite une excellente écoute. Pourquoi ces méthodes qui me semblent indiscutables ? Surveillance de sa propre physiologie ? Merci. Pourquoi ces méthodes restent si peu enseignées en formation médicale, alors que j'ai l'impression qu'elles offrent un vrai gain d'autonomie pour nos patientes ?
- Speaker #1
Elles ont été rangées dans la catégorie des méthodes de grand-mère. Je pense qu'il faut se dire les choses comme c'est. D'ailleurs, je crois, ça a peut-être changé depuis, mais dans votre livre de préparation de l'internat, il y a écrit que ces méthodes ont donné le baby-boom. Il faudrait vérifier, ça fait un moment que je n'ai pas mis mon nez dans ce bouquin-là, mais dans les rééditions, c'était comme ça il y a encore dix ans. voilà je pense que Avec l'avènement de la contraception hormonale, tout ce qui est en lien avec les symptômes du corps a été mis au rebut. On avait plus efficace que ces méthodes de grand-mère, que la méthode d'Ogino, et donc on a vraiment donné toute la place à la contraception médicale. Et on a, d'une certaine manière, mis de côté tout ce que la patiente pouvait nous rapporter de très intéressant, parce qu'on avait mieux à leur proposer. Voilà, donc je pense que ça a été perdu au fil du temps. Parce que ces connaissances-là, et là, je parle même juste de la physiologie, au-delà des méthodes qui ont pris la suite, mais on a perdu cette connaissance au fil du temps. Si bien qu'aujourd'hui, quand je forme des professionnels de santé et qu'elles ont 50, 55, 60 ans et qu'elles me disent « Mais attends, j'hallucine, mais moi, on ne m'a jamais appris ça. » Mais en fait, on nous a volé un savoir. Un jour, j'ai entendu quelqu'un dire ça, on nous a volé un savoir. Je me suis dit « Mais oui, après tout, c'est vrai que ça n'aurait pas dû quitter. » notre renseignement universitaire, et surtout que ces connaissances sont vraiment basiques. Et là, je vais faire un parallèle un peu grossier, mais on a appris quand on était enfant, quand on avait à peu près un an, un an et demi, que quand on a le nez qui coule, il faut aller chercher un mouchoir, ou en tout cas demander à son parent un mouchoir. Et à un moment donné, et ça on le sait quand on est parent, l'enfant comprend que quand ça arrive au milieu de la lèvre supérieure, il faut le mouchoir, et à un moment donné, on ne voit plus rien, et ça y est, l'enfant a compris que le nez qui coule égale le mouchoir. et le parent n'a pas le temps de voir que le nez coule. Bon, nous, on est adultes, notre nez coule, on n'a pas besoin d'aller se mettre un dos au fond du nez pour se dire, OK, je suis bien enrhumée. Alors, c'est un peu grossier, veuillez m'en excuser, mais pour vous montrer à quel point l'auto-observation du nez est complètement innée. L'auto-observation de la vulve, mais ça ne fait même pas partie de nos connaissances de soignants, alors que pourtant, je ne parle pas des patientes, je parle des professionnels de santé. Donc c'est vrai que moi, ça a été vraiment un très fort étonnement quand j'ai découvert ça pour moi dans ma vie de femme, de mon plein gré, parce que je voulais trouver une alternative à la contraception hormonale et que j'ai fait mes recherches et que je suis tombée dans cet univers parallèle de ce qu'on aurait pu qualifier de méthode de grand-mère, puisque moi aussi, dans mes études de sage-femme, on nous a dit « Sinon, il y a les méthodes naturelles pour les couples esservelés qui veulent des grossesses inopinées. »
- Speaker #0
Quelle violence !
- Speaker #1
On a reçu des petites phrases, pour finir de répondre à la question que tu m'as posée, on a reçu des petites phrases comme ça, qui nous ont marquées, et moi c'est cette phrase de, bah oui c'est des méthodes pour les couples, et c'est revelé, on se dit, bon bah non, en fait on va pas proposer ça, parce qu'on est soignants, donc on va pas encourager ça, grossesse inopinée non plus, bon bah voilà, on a balayé ça d'un revers de la main, et on est passé à autre chose, c'est dommage.
- Speaker #0
Je suis très content que tu le rappelles. J'aime beaucoup ta phrase, on nous a volé un savoir. Du coup, je suis content que toi et moi, très modestement, on s'occupe de le remettre à qui de droit. Tu viens d'aborder la contraception du coup. Tu évoques des méthodes symptothermiques comme étant assez efficaces, voire très efficaces. Je crois que c'est même reconnu par l'OMS maintenant, malgré le fait que ça soit qualifié de méthode de grand-mère. Tu vas m'expliquer ça. Est-ce que tu peux m'expliquer comment ça fonctionne et pourquoi ces méthodes sont parfois mal comprises ?
- Speaker #1
Alors en fait, elles sont mal comprises parce qu'elles sont mal transmises. Je pense que dès lors qu'on sort du circuit classique, parce qu'on vient de dire que nous, on ne nous a pas appris, Si on ne l'a pas appris, on n'est pas fou, on ne va pas l'évoquer en consultation. Et si en plus on se dit que c'est foireux, on va encore moins l'encourager nos patients. Mais parfois, on a des patients qui ont la tête dure et qui viennent nous voir en disant « De toute façon, moi, je veux une option naturelle. Qu'est-ce que vous avez à me conseiller ? » « Vous n'avez rien. Ok, je vais aller chercher par moi-même. » Un peu dans ma démarche à moi à l'époque. En fait, que nous dit la science ? Parce qu'avant de relancer les grandes théories, là je parlais de la physiologie, mais entre la physiologie et la gestion à partir de la physiologie, il y a quand même un monde. que nous dit la science. Allons voir du côté de l'OMS, ensuite on parlera de ce que dit le gouvernement français. L'OMS, dans son tableau d'efficacité, a placé une de ses méthodes, donc la méthode symptothermique, dans les méthodes modernes. C'est déjà une belle avancée. Donc ce n'est pas si archaïque que ça. Deuxièmement, la fiabilité, et là on va parler simplement de l'usage courant. Finalement, il n'y a que ça qui intéresse les patients. L'usage théorique, c'est bien, mais c'est théorique. L'usage courant, c'est la vraie vie, c'est l'info qu'on devrait donner à nos patientes. et nos patients. L'usage courant de la symptothermie, 98% d'efficacité. Bon, j'imagine que vous connaissez l'usage courant de la pilule, c'est 93, l'usage courant du préservatif, 85. Pour autant, on est beaucoup plus à l'aise de proposer la contraception hormonale, de prescrire des préservatifs ou de les encourager.
- Speaker #0
Alors que... Comment ça marche, cette méthode, s'il te plaît,
- Speaker #1
en pratique ? Pour avoir cette fiabilité à 98%, Merci. il faut bien sûr une formation. Et c'est là que, vraiment, j'insiste, on ne se lance pas comme ça à l'aventure en se disant « Allez, je me lance, hop, c'est fini, j'arrête ma pilule et puis je me débrouille. » Non. En fait, il faut trouver déjà un formateur qui va transmettre la méthode de façon très carrée. Parce qu'effectivement, on a besoin de s'observer tous les jours, de tenir un tableau quotidien et d'appliquer les directives liées à la méthode que l'on choisit. Donc l'asymptothermie, on observe l'agrère cervicale. la température, qu'on va consigner tous les jours dans un tableau, et ensuite on va suivre les directives de la méthode, c'est-à-dire qu'en fonction des méthodes, il y a des petites variations par rapport aux directives en lien avec la même physiologie, pour considérer qu'on est infertile, puis fertile, puis à nouveau infertile. Donc ça nécessite vraiment une grande rigueur, et là je pense que là-dessus, il faut qu'on soit très carré avec nos patients, et qu'on leur dise, ok, vous avez envie de vous lancer dans une option naturelle, pourquoi pas ? La fiabilité est au rendez-vous, donc c'est une bonne idée. Mais par contre, il va falloir que vous trouviez une formation qui est officielle, qui vous donne un outil fiable pour que vous puissiez être gestionnaire vous-même.
- Speaker #0
Excellent. Donc le but étant de ne pas avoir de rapport durant, évidemment, la période ovulatoire et de reconnaître, grâce à l'observation de sa température, de sa glaire, les périodes dans lesquelles on est fertile, c'est-à-dire l'ovulation, dans laquelle il ne faut pas avoir de rapport. C'est bien ça.
- Speaker #1
Alors sur cette période fertile, 98%, le chiffre annoncé, c'est hors rapport pendant la période fertile. On perd 0,5% d'efficacité en utilisant une méthode barrière dans cette phase-là. Moi, je préfère dire aux patientes qu'on bascule sur la fiabilité de la méthode barrière. Si on utilise un préservatif masculin, un préservatif féminin, une cape cervicale, ça ne va pas avoir exactement la même fiabilité. Donc si on vête sur 98%, c'est en évitant l'éraculation interne pendant cette phase-là. Si on veut utiliser cette phase aussi, entre guillemets, pour les relations sexuelles avec éjaculation interne, c'est la fiabilité de la méthode barrière qui va entrer en ligne de compte.
- Speaker #0
Super. Et tu rappelles bien qu'il faut se former. On ne peut pas se lancer comme ça à l'aventure tout seul. Il faut se former et tu vas me donner ces ressources à la fin de l'épisode. Je ne vais pas oublier de te les demander, évidemment. On a parlé de contraception, Marion, et maintenant, je te propose de prendre l'inverse dans le cadre d'un projet de grossesse. Comment, ce que tu viens de m'évoquer, comment l'observation du cycle peut-elle aider à maximiser les chances de conception ou à dépister plus rapidement une infertilité, s'il te plaît ?
- Speaker #1
Oui, alors pareil, on va aller voir du côté de la science. Que dit la science ? Que, en fait, des couples qui utilisent l'observation du cycle, et cette étude, elle parle même plus précisément de la symptothermie, les couples qui vont avoir des rapports « ciblés » durant la fenêtre fertile vont doubler leurs chances de grossesse. Tout simplement parce qu'en fait, on est fertile que dans la fenêtre fertile. En dehors de cette fenêtre-là, on ne peut pas être fertile. Donc, s'il vous plaît, ne dites pas au couple, ayez des rapports comme ça. Ou alors, ayez des rapports tous les deux jours, comme on entend beaucoup malheureusement encore aujourd'hui. Vous voulez concevoir, faites l'amour tous les deux jours. Non, en fait, pourquoi pas, il n'y a aucun problème à ça. Simplement, quand on attend et que les mois passent et que la grossesse ne vient pas, faire l'amour tous les deux jours devient vraiment... ça devient une prescription médicale, une forte contrainte. Pour le couple, ça détériore parfois la relation, avec des troubles de l'érection chez l'homme, des troubles du désir, du plaisir, vraiment des problématiques conséquentes. Donc non, ne donnons pas ces conseils-là. La seule période fertile, c'est la période de glaire cervicale. On peut même conseiller au couple de plutôt viser, entre guillemets, la lubrification, parce que c'est là qu'on est tout proche de l'ovulation. Et donc le seul signe de la lubrification, qui est relativement facilement détectable par les femmes, est un signe très suffisant. Et donc, on peut doubler ses chances de grossesse. Dans l'étude que je vous mentionne, au bout de neuf mois, si on a visé la fenêtre fertile tous les mois, à peu près, 90% des couples ont commencé une grossesse versus deux ans pour les couples qui ont des relations sexuelles de façon aléatoire.
- Speaker #0
Très bien Marion, je te remercie beaucoup. Alors, on en a déjà parlé tous les deux. Je vais te poser mon avant-dernière question. Certains praticiens restent tout de même sceptiques. face à ces approches, tu l'as rappelé. On est des prescripteurs de pilules, on est dans le paramédical, on est dans la prescription. C'est ce qui est à la mode, malheureusement. Donc, il y a beaucoup de scepticisme face à ces approches, parce que on invoque un manque de fiabilité ou de données solides. Tu as déjà partiellement répondu, mais est-ce que tu veux rajouter un mot face à ces critiques pour défendre ces méthodes que tu défends ?
- Speaker #1
Allons voir la bibliographie. Après, chacun parle avec sa conscience et avec les recherches qu'il a pu faire. Moi, c'est vrai que je comprends ce scepticisme parce que j'étais moi-même relativement sceptique après l'enseignement universitaire que j'ai reçu. Donc, je veux bien croire que vous le soyez aussi. Et moi, ça a été vraiment la découverte pour moi qui m'a encouragée à aller chercher pour les autres. Et en fait, en tirant le fil de la bibliographie sur ce sujet-là, je me suis rendue compte qu'en fait, les publications étaient nombreuses. des équipes à travers le monde qui travaillent encore aujourd'hui sur ce sujet. Il y a même des cliniques de fertilité qui se sont montées, alors pas encore en France, mais qui sont vraiment basées sur l'évidence que d'abord la femme doit apprendre à observer son cycle, ensuite le couple doit avoir des rapports au bon moment, et grâce à l'observation du cycle, on va dégager des hypothèses problématiques, et ensuite ajuster ses explorations, ses traitements sur la base du cycle à l'instant T, et pas du standard. Et bonne nouvelle, et là c'est un papier qui est sorti ce mois-ci, au mois d'avril, qui vient d'être publié, quand on a une médecine de restauration de la fertilité, chez des couples qui sont dans cette étude tous infertiles, on arrive à 37% de grossesse. Donc on se trouve au même niveau que notre médecine de procréation médicalement assistée, ce qui donne vraiment une grande place à cette autre approche, qui est une approche qu'on va considérer d'intégrative, puisqu'en fait on... Ce mot-là, on l'apprécie tous les deux et ça fait vraiment sens. C'est génial,
- Speaker #0
c'est un argument extrêmement solide. Je suis très sensible pour défendre des pratiques qui sont parfois mal comprises. Je pense que pour les soignants, c'est un argument fort de mettre en avant les papiers sérieux, la bibliographie, parce que ça donne du poids à ce qu'on avance, donc je te remercie beaucoup. Marion, je te remercie beaucoup d'avoir fait cet épisode avec moi. Tu vois, j'ai appris, comme souvent, beaucoup de choses. C'était, je pense, très utile. Donc, je te remercie infiniment. Pour conclure, est-ce que tu peux, s'il te plaît, me conseiller pour les soignants, pour les généralistes, les gynécologues qui nous écoutent, d'éventuelles formations, d'éventuels outils, des ressources pour commencer à intégrer ces méthodes dans leur pratique ? Et je veillerai à bien les intégrer dans la newsletter que j'envoie tous les vendredis, qui récapitule les grands points de chaque épisode de la semaine. C'est à toi, Marion.
- Speaker #1
Oui, alors pour ne pas être jugé parti, on a créé une association qui s'appelle Focus Fertilité. Donc, Focus, c'est pour fertilité et observation du cycle à l'usage des soignants. Bon, c'est un peu des carcasses pour arriver à ça. Très bon nom. Mais c'est une association de professionnels de santé, pour les professionnels de santé, pour trouver des ressources sur les méthodes d'observation du cycle, validées par la science. Donc, c'est à la fois pour vous et pour vos patients. Vous pouvez les envoyer sur le site. Il y a une carte de France, et même de la francophonie, avec des épingles, avec des formateurs en France, pour aller voir telle ou telle méthode. Et on organise une soirée tous les deux à trois mois avec des experts sur le sujet. Régulièrement, des revues de la littérature. On essaie d'être le plus scientifique et sourcé possible dans cette association. Et on a commencé tout un travail de rentrer, de proposer un programme de formation ... pour les écoles de sages-femmes, donc ça depuis l'année dernière. Et l'étape suivante, c'est pour les étudiants en médecine, plutôt orientés médecins généralistes et gynécologues. Donc là, je fais un appel, si jamais il y en a qui veulent relayer, en tout cas venir dans notre groupe de travail, c'est ouvert. Deuxième chose, j'ai créé un institut de formation médicale continue pour les professionnels de santé qui veulent aller plus loin. Et je forme des sages-femmes, des médecins, des pharmaciens aussi qui s'y intéressent pour le comptoir, des infirmiers qui... qui travaillent en PMA, des kinés, des ostéopathes qui se spécialisent dans les troubles féminins. C'est vraiment pour les professionnels de santé et du soin. pour pouvoir améliorer nos prises en charge.
- Speaker #0
Le message est passé. Merci infiniment Marion. A bientôt et bon vent.
- Speaker #1
A bientôt Mathieu.
- Speaker #0
Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cet entretien. J'espère qu'il vous a inspiré et apporté des clés utiles pour votre pratique. Pour ne rien manquer des prochains épisodes de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant. Si mon travail vous plaît, parlez-en autour de vous, à vos consoeurs, vos confrères et même à vos internes. Et si vous voulez me soutenir, laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. C'est rapide, ça m'aide énormément. Et surtout, ça permet à d'autres médecins de découvrir ce contenu pour que l'on partage ensemble nos idées et améliorer nos pratiques. Merci pour votre écoute et à très bientôt !