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TCA etc - Comprendre et lutter contre les troubles alimentaires

Être entendue, enfin: Marion revient sur son parcours avec les TCA. E.141

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1h09 |20/06/2025
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Description


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TW: Il est fait mention de tentative de suicide et de scarifications


L’échange que je vous propose avec Marion est d’une grande richesse et nous permet d’aborder plein de choses :

Les enjeux relationnels (notamment familiaux) des troubles alimentaires, 

La difficulté de la prise en soin, particulièrement si d’autres pathologies sont associées au trouble alimentaire,
La question des loyautés familiales,
La cause animale, le choix du végétarisme et du véganisme


Merci Marion d’être venue témoigner en toute transparence à mon micro. 


Au programme : 


Présentation de Marion

Ses souvenirs d’enfance autour du corps / de l’alimentation
Le moment de la bascule vers les régimes et les TCA

La difficulté à voir ses TCA pris en charge

Où en est Marion aujourd’hui
Végétarisme et véganisme

Ce qui l’a aidée sur le parcours

Ce que Marion aimerait vous dire




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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Marion sur le podcast, je suis contente de t'accueillir aujourd'hui pour discuter.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, je suis ravie d'être là aussi.

  • Speaker #0

    Trop bien, on va prendre le temps d'échanger sur toi, sur ton histoire, ton parcours. parce que tu avais envie de pouvoir apporter ton témoignage. Et un grand merci pour ça, parce que c'est hyper utile. Je pense que tu es bien placée pour savoir que d'entendre d'autres personnes raconter leur histoire, ça peut vraiment permettre à plein d'autres personnes qui vont écouter de se reconnaître, s'identifier et donc peut-être aussi de trouver des clés. Donc pour commencer, je te propose de te présenter de la manière dont tu as envie.

  • Speaker #1

    Moi je m'appelle Marion, j'ai 26 ans. J'ai une grande conviction dans la vie qui tourne autour des animaux et du respect envers les animaux. C'est une valeur que j'ai depuis que je suis toute petite, depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Et c'est pour ça que ça fait trois ans que je suis végane, un peu plus de dix ans que je suis végétarienne. Donc c'est vraiment quelque chose qui est mon moteur dans la vie. C'est mon travail, c'est vraiment ce qu'il y a de plus important pour moi. À côté de ça, je vis avec deux Ausha et un cheval. Donc je suis bien entourée d'animaux aussi. Et pour rentrer dans le vif du sujet, je souffre de troubles du comportement alimentaire depuis un peu plus de dix ans.

  • Speaker #0

    Ok, merci pour cette présentation qui pose déjà le cadre effectivement de qui tu es, mais aussi de pas mal de choses autour de l'alimentation. ça promet d'être très intéressant tu le sais j'aime bien ramener les personnes qui viennent intervenir dans le podcast à des souvenirs d'enfance et j'avais envie de te poser aussi cette question qu'est-ce qui te revient à toi quand il s'agit de rapport au corps ou d'alimentation c'est quoi le ou les souvenirs les plus marquants autour de l'enfance pour toi alors

  • Speaker #1

    il y en a plusieurs j'irais au niveau de l'alimentation, le premier qui me vient et qui fait écho à ce à ce que je disais, je devais avoir 7 ou 8 ans. Et j'étais au restaurant avec ma mère, ma meilleure amie et la mère de cette meilleure amie. Et la mère de ma meilleure amie a commandé de l'agneau. Et c'est à ce moment-là que j'ai compris, en fait, que la viande qu'on me servait à manger venait des animaux. Et du haut de mes 7 ou 8 ans, j'ai tapé un scandale monstrueux dans le restaurant en disant que c'était un crime, que c'était... Atroce et donc du coup j'ai vraiment ce souvenir là très précis de cette prise de conscience alimentaire qui avait rien à voir avec mon corps ou mon poids qui était vraiment un autre type de prise de conscience mais qui avait été très très fort. Donc ça c'est un peu le premier souvenir alimentaire vraiment que j'ai. Après au niveau de mon rapport au corps, je sais que ça a toujours été compliqué en fait à partir du moment où j'ai été en contact avec d'autres enfants. Je suis plutôt grande et j'étais assez bien portante petite, j'ai jamais été au-dessus des courbes mais j'étais en haut des courbes et je me souviens qu'à l'école, dès la... Peut-être dès la maternelle ou dès la primaire, en tout cas, je me comparais déjà beaucoup aux autres. J'avais déjà ce sentiment d'être plus grosse que les autres, mais je ne faisais pas le lien avec ce que je mangeais. J'étais gourmande, j'aimais manger, je ne me posais pas de questions. Donc, je n'ai pas le lien entre ce que je mangeais et mon corps, mais je sais que j'ai été complexée à partir du moment où j'ai été en contact avec d'autres enfants, en fait.

  • Speaker #0

    Ok, mais tu situerais ça autour de quel âge ?

  • Speaker #1

    Peut-être 6-7 ans, dans ces eaux-là.

  • Speaker #0

    Ok, donc c'est un peu dans la même période que la prise de conscience avec l'agneau. Il y a des choses importantes qui se sont jouées pour toi à cet âge-là, quoi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et je me posais une question en t'écoutant par rapport à la scène du restaurant. Est-ce qu'à ce moment-là, les animaux avaient déjà une grande place dans ta vie ?

  • Speaker #1

    Oui, ça a toujours été le cas. En fait, il y a un mot que j'ai appris il n'y a pas si longtemps que ça, il y a quelques années, qui s'appelle l'antispécisme. L'antispécisme, c'est à l'image du féminisme, de l'antiracisme, c'est l'opposition au spécisme. Et le spécisme, c'est la discrimination des individus selon leur espèce. Donc ça va être de considérer que l'humain a plus de valeur que les autres animaux, que par exemple les Ausha et les chiens ont plus de valeur que les vaches et les cochons, etc. Et donc l'antispécisme, c'est le fait de s'opposer. à ce système-là et de considérer tous les individus à la même valeur morale, peu importe leur espèce. Et en fait, ça, je pense que c'est quelque chose que j'ai ressenti depuis que j'étais toute petite. Déjà, je me souviens en maternelle des enfants qui s'amusaient à écraser des gendarmes, les petits insectes, et ça me rendait dingue, ça me rendait violente en fait. Parce que pour moi, on ne tuait pas, on n'avait pas le droit de tuer, on n'avait pas le droit de faire de mal. Donc ça, c'est vraiment quelque chose que j'ai l'impression de porter en moi depuis toujours, en fait. Cet antispécisme, ce fait de considérer toutes les espèces animales vivantes comme mes égales, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, effectivement, c'est surprenant que ça ait été si fort et si marqué et si clair, en fait, pour toi, depuis toute petite. Oui. Ok. Est-ce que tu sais d'où ça vient ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. J'ai été élevée par des parents sensibles à la cause animale, mais qui consommaient de la viande. Enfin voilà, le cas classique de personnes qui s'opposent à la vivisection, à la corrida, mais pas au cirque, pas à la consommation de viande. Enfin voilà, un peu le schéma, on va dire, assez classique de personnes sensibles à la cause animale, mais pas sensibilisées à toutes les causes animales. Et par contre moi, depuis toute petite, j'ai ce truc-là. C'est mon identité, vraiment.

  • Speaker #0

    Ok, ton identité. Ok, quelque chose de très ancré, ça marche. Est-ce que tu pourrais aussi nous parler de la façon de manger de ta famille et de tes parents au-delà de la viande ? Parce que là, on parlait de d'où ça te vient, ce rapport très fort aux animaux et à la cause animale. Mais comme on va bientôt parler aussi de tout ce qui est troubles alimentaires, dans quel milieu toi tu as grandi et par quel type de mangeur, j'ai envie de dire,

  • Speaker #1

    tu as été élevée ? Ma mère a toujours été... Une bonne mangeuse, mais disons qu'elle faisait attention. Elle n'était jamais au régime, mais elle faisait attention, souvent. Mon père, lui, je ne le voyais que les week-ends, parce que mes parents sont séparés depuis ma naissance. Et je me souviens que le week-end, il n'y avait pas vraiment de sujet autour de l'alimentation. On mangeait, il n'y avait pas vraiment de sujet. Du côté de ma mère, on mangeait équilibré, on mangeait bien, on mangeait correctement. Mais il y avait souvent cette notion de « elle fait attention » mais elle ne me l'a jamais imposé. Et sinon, j'ai un souvenir assez précis qui me revient avec mon père justement. Pareil, j'étais petite et on jouait avec une de mes voisines. Mon père nous prenait sur ses épaules et nous jetait dans le lit, en gros, un jeu d'enfant. Et il le fait avec ma copine et puis après il me prend et il fait « ouh, c'est pas le même poids » . Et ça, je me souviens que ça m'avait vraiment... Ça, ça a été un coup de poignard sur le cou. Et ouais, je me souviens de ça au niveau de... Je pense la seule remarque que j'ai eue de mon entourage, vraiment sur mon poids, ça a été celle-ci. Elle m'a vraiment beaucoup marquée. Mais sinon, non, au niveau de l'alimentation, c'était assez serein, en fait. J'ai été élevée principalement par ma mère et mes grands-parents maternels. Et ma grand-mère était très... Très avant-gardiste sur le principe où elle mangeait beaucoup de purée d'oléagineux, de galettes de riz, de crème de soja. C'était très bio avec toujours des trucs bizarres à manger. Mais voilà, j'ai été élevée à peu près là-dedans en fait.

  • Speaker #0

    Les trucs bizarres à l'époque mais qu'aujourd'hui tout le monde mange. Oui,

  • Speaker #1

    voilà.

  • Speaker #0

    Pas partout sur les réseaux.

  • Speaker #1

    Je me souviens que mes amis... Au goûter, ils avaient le droit à des petits princes, à des granolas. Et puis moi, j'avais mes galettes de maïs avec de la purée de menthe, etc. Mais c'est plutôt des bons souvenirs quand même.

  • Speaker #0

    Oui, j'entends que ça semblait assez serein pour toi et que ce sont plutôt des souvenirs plaisants de ton enfance. Alors, à quel moment est-ce que ça a basculé ? À quel moment est-ce que ça a changé pour toi, ce rapport à l'alimentation ? Et pourquoi ?

  • Speaker #1

    Ça a été... assez radicale, comme beaucoup de choses dans ma vie. C'était une période où j'étais au collège et j'étais en grande souffrance. J'étais diagnostiquée dépressive depuis plusieurs mois, j'avais déjà été hospitalisée. C'était une période qui était vraiment très difficile et je me sentais très seule. Et je me souviens d'un vendredi soir, alors je n'ai pas la date, mais je sais que c'est un vendredi soir où j'étais sur mon ordinateur et j'ai commencé à me demander ce que je pourrais changer dans ma vie pour aller mieux. Et je me suis dit, mais j'ai toujours été complexée, je me suis toujours trouvée trop grosse, peut-être que la solution ce serait de maigrir. Et du coup, j'ai tapé sur Internet comment maigrir rapidement. Je ne sais plus ce que j'ai écrit exactement. Et à ce moment-là, je suis tombée sur les comptes de ProAnna. Ouf ! Ils n'existent plus aujourd'hui, enfin, qui sont vraiment très, très censurés. Mais en 2013-2014, ça ne l'était pas encore. Et j'étais vraiment désespérée. Et ce que je dis assez souvent quand on me pose la question, c'est qu'en fait, à ce moment-là, j'aurais pu tomber sur n'importe quel secte que je serais tombée dedans, en fait. J'étais dans un tel besoin d'appartenance, d'avoir un objectif de vie, un objectif quotidien, d'avoir quelque chose qui me tienne, qu'en fait j'aurais pu tomber dans tout et n'importe quoi et je suis tombée là-dedans. Donc ça a été un peu du jour au lendemain, j'ai découvert les proanas et j'ai décidé que je deviendrais anorexique. Et donc ça a été vraiment du jour au lendemain, j'ai pas voulu perdre quelques kilos, j'ai voulu être maigre, j'ai pas voulu faire un petit régime, j'ai voulu arrêter de manger. Et du coup, voilà. Vraiment du jour au lendemain, j'ai cessé de manger pendant plusieurs mois. J'ai perdu pas mal de poids, mais je n'ai pas été dans un cas de dénutrition avancée. J'ai été hospitalisée assez rapidement pour une tentative de suicide. Et je n'ai pas été prise en charge vraiment pour les troubles alimentaires. Dans toutes les hospitalisations que j'ai eues, ça a toujours été secondaire pour les médecins. ces troubles alimentaires, c'était un symptôme de dépression, c'était un symptôme de ma crise d'adolescence, etc. Ça n'a jamais été traité en tant que tel, et du coup ça s'est installé très progressivement sur des années. Donc ça a vraiment commencé comme ça. Il faut savoir que je suis du coup devenue végétarienne pendant mon hospitalisation, qui a suivi ça, notamment parce qu'on me forçait à manger, et on me forçait à manger de la viande. Et déjà j'avais un problème avec ça, déjà ça me gênait, et du coup c'est à ce moment-là, un peu par opposition, si je peux dire, que j'ai dit « pour la peine je ne mangerai plus jamais de viande » . Et ça a démarré un peu comme ça, puis ça s'est calmé après. Pendant quelques mois ça a été plus calme, j'ai réussi à remanger. Ouais, voilà, j'ai réussi à remanger. Et puis c'est en arrivant au lycée que j'ai fait la rencontre d'une jeune fille qui était boulimique. et qui se faisait vomir. Et moi, ça ne m'était jamais venu à l'idée de faire un truc pareil. Et en fait, quand elle m'en a parlé, je me suis dit, mais quelle bonne idée, en fait. Effectivement, c'est super pratique, parce que comme ça, je fais attention tout le temps. Et puis, quand je fais un petit excès, un petit écart, je vomis et je suis tranquille. Et très vite, j'ai réussi à me faire vomir et très vite, j'ai sombré dans la boulimie avec les crises, avec tout ça. Et ça, ça ne m'a pas lâchée depuis une dizaine d'années.

  • Speaker #0

    Ok. Et est-ce que tu sais aujourd'hui, avec le recul, pourquoi ou à quoi était reliée la dépression dont tu souffrais à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Oui, alors il y avait plusieurs choses. Je dirais que la principale raison, le grand drame de ma vie, c'est mon père, en fait. C'était quelqu'un de... Il était lui-même dépressif. Et c'était quelqu'un d'extrêmement exigeant, notamment vis-à-vis de moi. Je ne sais pas trop comment l'expliquer, mais en fait on ne s'est jamais aimé avec mon père. Il y a toujours eu un blocage. Il faut savoir aujourd'hui que ça fait un peu plus d'une dizaine d'années que je ne l'ai pas vu, que je n'ai pas eu de nouvelles. Donc ça a été de multiples abandons de la part de mon père à ma naissance. Et puis après, quand justement j'ai été hospitalisée pour ma tentative de suicide, il m'a annoncé qu'il partait vivre en Australie à ce moment-là. Et je ne l'ai jamais revu depuis, donc ça a été... Voilà, un peu une succession d'abandon, de remarques, de reproches de sa part. Et je pense que ça participait beaucoup à mon état général. Et au collège, j'ai subi du harcèlement. En plus de ça, ça a été une période très compliquée à plein de niveaux. Et en fait, je me suis réfugiée dans les troubles alimentaires comme un bouclier, comme quelque chose qui me protégerait de... du monde extérieur en fait.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui t'a séduite à l'époque en tombant sur les comptes ProAnna ?

  • Speaker #1

    C'est le fait d'avoir un objectif. À l'époque, sur ces blogs, il y avait les commandements des ProAnna avec les règles.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Il y avait plein de blogs qui en parlaient. Je me suis dit que c'était génial. Tous les jours, j'ai un nouvel objectif. Je vais réussir à perdre du poids. Si je perds du poids, je verrai des amis. Et puis si j'ai des amis, je serai plus heureuse. Donc en fait, si je maigris, je serai plus heureuse. Et je suis vraiment tombée la tête la première là-dedans. Et j'ai passé des semaines à consulter tous les blogs de Proana qui existaient, à lire tous les commandements, à les réécrire dans des carnets. Je me faisais des cahiers Proana avec toutes les règles, avec les commandements. Je m'écrivais des lettres. C'était quelque chose de très sectaire, en fait, de très extrême et de très sectaire. Et je pense que j'avais besoin de ce cadre-là aussi. C'est quelque chose dont je me suis rendue compte beaucoup plus récemment. Mais qu'en fait, l'anorexie et cette petite voix, comme on dit, la petite voix de la maladie dans la tête, elle est arrivée au moment où mon père est parti. Et il y a quelque chose qui, je pense, s'est installé comme ça, qui s'est construit sur le cadre dont j'avais peur de manquer. sur l'exigence qui m'était demandée, parce que ma mère n'était pas du tout exigeante, au contraire, c'était plutôt la maman cool avec qui les choses étaient plutôt faciles, elle ne me demandait pas trop, alors que mon père lui m'en demandait beaucoup. Et donc je pense que j'ai un peu construit cette anorexie à l'image de mon père et de cette pression qu'il exerçait sur moi, de ce cadre qui était très strict et que j'ai retrouvé dans la maladie du coup.

  • Speaker #0

    Ok, et c'est passé un peu inaperçu les troubles alimentaires alors, même par rapport à ta famille ? Tu vois, quand tu parlais de tes carnets où tu écrivais tout ça, ta maman, elle ne s'en rendait pas compte ?

  • Speaker #1

    Alors les carnets, non, elle ne les a jamais vus, mais par contre, elle a vu que oui, du jour au lendemain, j'arrêtais de manger. C'était assez évident et ça l'a été tout le temps en fait. Ma mère, à partir de ce moment-là, a été au contraire très vigilante sur ce que je mangeais. Et très inquiète, très vite, si je finissais pas mon assiette. Et ça, jusqu'à encore aujourd'hui, un peu plus tard que le week-end dernier, je déjeunais avec elle et je sais qu'elle a très peur de ce que je mange, ou plutôt de ce que je mange pas. Et donc, elle s'est très vite inquiétée à ce niveau-là. J'ai été suivie très rapidement. Enfin, j'étais déjà suivie parce que j'avais déjà été hospitalisée, j'étais déjà en dépression sous antidépresseur. Donc, ça fait très longtemps que j'ai un suivi psychologique, psychiatrique.

  • Speaker #0

    mais tu disais t'as été suivie mais finalement en fait si j'ai bien compris ta maman elle s'est très vite alertée parce que ça lui a sauté aux yeux et elle a voulu alerter le corps médical mais le corps médical lui n'a pas pris en considération la gravité de ce qui était en train de s'installer finalement du trouble alimentaire et a considéré que c'était quelque chose de secondaire de consécutif à d'autres problématiques Et que peut-être, eux, dans leur esprit, sans doute, c'était, voilà, si on règle les premiers problèmes qu'ont créé la dépression, le mal-être, eh bien, le trouble alimentaire disparaîtra parce que c'est juste relié à ça, quoi.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, totalement. C'est exactement ce qui s'est passé. Donc, ça n'a pas été... Enfin, à part me dire, il faut manger. On a pas vraiment été à l'écoute de... de ce trouble alimentaire et du coup je l'ai gardé pendant très très longtemps, surtout de la boulimie vomitive avec des crises très régulières, ça c'est quelque chose qui m'a suivi pendant des années. Et il y a un peu plus de deux ans, j'ai eu une réactivation traumatique. Enfin clairement j'ai eu un mail de mon père dix ans après dix ans de silence et ça m'a... anéantisse m'a couché direct et je suis retombée dans l'anorexie, la boulimie pro-initive, plus plus plus. Et j'ai perdu énormément de poids. Et là, je me souviens encore que ça a été difficile d'être prise en charge. En fait, j'ai d'abord été aux urgences après une... Une crise de boulimie où je n'avais pas réussi à me faire vomir. C'était la première fois et la seule fois que ça m'est arrivé où vraiment, j'avais beau tout tenter, ça ne sortait pas. Et j'ai complètement paniqué de me dire je ne peux pas garder tout ça à l'intérieur de moi. Je commençais à avoir des images de moi en train de m'éventrer pour sortir tout ce que j'avais mangé. C'était vraiment intolérable. Et j'étais en tel état de panique que j'avais appelé les pompiers. Les pompiers étaient venus, ils m'avaient emmené à l'hôpital à côté de chez moi. et quand j'ai essayé d'expliquer à l'hôpital ce qui s'était passé Ils m'ont fait sortir avec un anxiolytique et une boîte de laxatifs à ce moment là je pesais 37 kilos pour 1m73 et on m'a fait sortir avec une boîte de laxatif oh la vache et du coup ça a été extrêmement violent on a pas du tout compris et moi je m'attendais à ce qu'en arrivant aux urgences tout de suite ils prennent en charge ma dénutrition parce que là pour le coup c'était visible et en fait pas du tout et donc j'ai dû après appeler une psychiatre du CMP à côté de chez moi pour demander à être hospitalisée et elle a dit « il faudrait faire une demande pour Sainte-Anne » et en fait la demande n'a jamais été faite. Donc plusieurs semaines plus tard, je suis retournée voir cette psychiatre en disant « où est-ce que ça en est ? » J'ai redemandé à être hospitalisée, j'ai été prise en charge dans une clinique générale à côté de chez moi où là j'ai redemandé à ce qu'on fasse la demande pour Sainte-Anne, ça n'a pas été fait. Et finalement c'est ma grand-mère qui m'a trouvé une place à l'Institut Montsouris, qui avait un secteur spécialisé TCA. J'ai pu être prise en charge, mais en fait, il s'est passé six mois entre mon premier appel à l'aide en allant à l'hôpital et le moment où j'ai été prise en charge pour mes troubles alimentaires. Et à ce moment-là, je n'avais pas un IMC normal, j'étais vraiment très très basse et ça n'a pas été pris en compte. Et encore aujourd'hui, j'ai du mal à me dire mais comment cette psychiatre a pu me laisser repartir comme ça en fait ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est clair. Ouais, c'est clair. Mais en plus, ça a dû être terrible parce que c'est hyper difficile d'aller demander de l'aide. C'est hyper difficile de sortir du déni. C'est hyper difficile d'admettre aussi, tu vois. Et donc, c'est tellement... C'est difficile et c'est fragile. Donc, tu te pointes et on te laisse ressortir comme ça. Tu dis, ah ouais, donc, c'est qu'en fait, non, je ne suis pas légitime, je ne suis pas assez maigre. Enfin, tu vois tous les dangers qu'il y a autour de ça, finalement. de la non prise en considération de la situation réelle dans laquelle tu étais. C'est hyper dangereux. C'est clairement prendre le risque de... Enfin, comment dire ça ? Disons que c'est souvent mal compris et que la conclusion qu'on en fait, c'est « Ah, je ne suis pas assez mec, je ne vais pas assez mal, donc clairement, il faut que je maigrisse encore, etc. » Non, c'est horrible. Mais c'est hyper surprenant, du coup. C'est étrange. Cet enchaînement, ce parcours...

  • Speaker #1

    d'errance j'ai envie de dire où juste les professionnels prennent pas en compte font pas leur job quoi ouais ouais c'est clair c'était exactement ça le problème d'illégitimité où je me disais ah bah finalement si à l'hôpital ils me laissent repartir sans me parce que moi je m'attendais à ce qu'on sonde tout de suite et en fait ouais et du coup je me suis dit ah bah finalement je suis pas si malade que ça je suis pas si maigre et à ce moment là j'avais fait aussi la démarche de voir un nutritionniste un médecin nutritionniste ... Et qui m'avait conseillé de noter mes repas. Et en fait, avec du recul, je me dis, dire à une personne qui souffre d'anorexie de noter ses repas, c'est rajouter du contrôle sur le contrôle. Et c'est quelque chose dont je n'ai pas réussi à me séparer. Et encore aujourd'hui, je note absolument tout ce que je mange, les quantités, les calories, etc. Et donc en fait j'ai vraiment eu cette impression que dans ce parcours de soins jusqu'à aller à l'Institut Montsouris où là j'ai rencontré des professionnels compétents qui m'ont vraiment prise en charge, ça a été échec sur échec en fait et j'ai vraiment vu à quel point les personnes n'étaient pas formées aux troubles alimentaires du tout et j'ai vécu des trucs assez... assez dingue dans cette dernière hospitalisation à côté de chez moi, en clinique psychiatrique générale. En fait, c'est très étonnant, mais j'en ai un excellent souvenir. Je romantise beaucoup cette période parce que j'étais tellement livrée à moi-même, tellement... En fait, la maladie a pu prospérer, s'installer, s'insinuer dans toutes les parcelles de mon corps sur cette période-là parce que j'étais vraiment livrée à moi-même dans une clinique. où j'ai pu développer de l'hyperactivité, où je pouvais faire des crises, où je pouvais ne pas manger mes plateaux, qu'on ne me disait rien. Et ça a été vraiment compliqué. Et c'était encore moi qui ai fait la démarche de demander à être hospitalisée dans un service spécialisé. Et là, quand j'y suis allée, d'un seul coup, ça a... OK, ça y est, on me prend en charge, ça y est, on m'aide. Ça y est, on me comprend, on m'écoute, on m'entend. Et ça a été... Mais ça a été très, très long. Ça a été très difficile.

  • Speaker #0

    Et tu es restée combien de temps ? à la clinique Monsouris ?

  • Speaker #1

    Alors, j'y suis allée deux fois. La première fois, j'y suis restée deux mois et demi, je crois. Et la deuxième fois, j'y suis restée peut-être pareil, un mois ou deux. Et là-bas, j'ai été mise sous sonde. J'ai été suivie par une diététicienne, suivie par un psychiatre spécialisé. et qui me suivent toujours aujourd'hui et qui sont des personnes très compétentes que je remercie encore parce que ça n'a pas été facile à trouver.

  • Speaker #0

    Et là, actuellement, ces personnes-là continuent de te suivre. Tu es toujours bien entourée autour de la question des troubles alimentaires. Et comment ça se passe pour toi actuellement, justement ?

  • Speaker #1

    Ça reste très compliqué. En fait, je suis sortie de la clinique Montsouris il y a un peu moins d'un an. et et En fait, je suis sortie parce que mon chat avait des problèmes de santé, notamment des calculs urinaires qui étaient dus au stress et très probablement à mon absence. Et du coup, j'ai décidé de quitter la clinique pour m'occuper de mon chat, qui va beaucoup mieux maintenant. Mais du coup, je n'étais pas guérie, je n'étais pas soignée, je n'étais pas stabilisée en sortant. Et je suis passée par plein de phases différentes. En termes de poids, j'ai repris le poids que j'avais perdu. Là, je suis à mon poids d'état de base, on va dire, mais état de base, je ne pense pas à mon poids d'équilibre parce que ce n'est pas du tout un poids sans effort. C'est vraiment un poids que je maintiens avec des crises de boulimie, avec de l'hyperactivité, avec de la restriction. Aujourd'hui, c'est compliqué, ça prend beaucoup de place encore dans ma tête et dans mon quotidien. Je souffre encore d'hyperactivité, de crise de boulimie plusieurs fois par semaine et d'une grande restriction entre les crises et l'hyperactivité. Donc c'est encore quelque chose qui est compliqué, mais j'avance petit pas par petit pas. Il y a des petites choses que j'arrive à mettre en place et qui font que ça avance quand même. Je pense par exemple à la balance où je me pesais plusieurs fois par jour, je ne me pèse plus que tous les 3-4 jours. Le fait qu'avant je ne prenais pas du tout de repas, je faisais que des crises de boulimie, maintenant je prends deux repas par jour quand même. Donc il y a des petites choses qui avancent mais ça reste très compliqué quand même.

  • Speaker #0

    Ton corps, l'image de ton corps, l'image que tu renvoies reste quelque chose d'hyper présent dans ta tête et d'hyper important ?

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, ouais. Alors c'est... Encore une fois, c'est assez différent de ce qu'on a l'habitude d'entendre, mais disons que j'ai toujours été dans un corps normé. Depuis que je suis formée, je n'ai jamais été au-dessus des courbes, j'ai toujours eu un poids plutôt bas, j'ai toujours été plutôt mince. Mais il y a une quête de maigreur, vraiment, qui n'est pas de... pas d'être mince pour plaire aux autres, mais vraiment d'être maigre à faire peur. Et il y a cette recherche-là, qui est un peu à l'inverse du désir d'être désirable justement, c'est d'être indésirable. Cette recherche d'un corps malade en fait. Il y a vraiment cette volonté-là et que j'arrive pas encore très bien à expliquer, même si j'ai des pistes. Je sais qu'il y a une histoire de la place que je suis capable de prendre. En fait, j'ai du mal à me placer par rapport aux autres et du coup c'est comme si moins je prenais de place avec mon corps, plus mon corps était mince, moins je prenais de place et mieux je me sentais en fait. Donc il y a toujours cette question-là. Mais effectivement c'est... C'est pas tellement dans le regard des autres, parce que je sais, j'ai confiance aujourd'hui d'avoir un corps qui rentre dans les critères de ce qu'on attend, en fait. Mais ce ne sont pas mes critères à moi.

  • Speaker #0

    Ouais, ce que tu dis, moi, ça me fait vraiment écho à des choses que j'ai pu entendre déjà, où l'anorexie se maintient dans un but de représenter un peu la souffrance, tu vois. de rendre visible quelque chose qui est peut-être indicible. Ça peut paraître antinomique parce qu'effectivement, il y a une forme d'effacement dans la maigreur, dans cette recherche de maigreur. Et en même temps, ça se voit. C'est ça qui est parfois difficile aussi dans les autres troubles alimentaires. Par exemple, la boulimie, ça peut ne pas se voir du tout. L'hyperphagie, il peut y avoir une grande prise de poids, sauf que personne ne connaît l'hyperphagie. Donc, juste si les gens deviennent gros, on va juste partir du principe qu'ils ne font pas attention à eux. Mais l'anorexie, ça se voit. Et ça me fait flipper et ça fait réagir les gens. Ça fait réagir la famille. Donc, je ne peux pas m'empêcher, même si c'est peut-être un raccourci un peu facile par rapport à ton papa, où en plus de ça, ça s'est joué en même temps. quelque chose d'une souffrance qui est visible. Ça me rappelle vraiment une personne que j'avais accompagnée comme ça, qui avait subi des traumas terribles, terribles. Et en fait... guérir, sortir, en tout cas, même sans parler de la guérison totale, mais sortir de la maigreur, pour elle, ça revenait à faire penser aux gens que ça y est, elle ne souffrait plus. Et alors que personne n'avait pris conscience de sa souffrance. Et ce qui me fait écho à ça aussi dans ton histoire, c'est les professionnels de santé qui, en fait, en ont juste rajouté une couche, quoi, où tu vois, en fait, genre, t'étais même pas prise en charge. alors qu'il y avait plein de choses qui étaient visibles. Et je pense que ça, ça n'aide pas non plus. Oui,

  • Speaker #1

    c'est clair. Effectivement, il y a encore des moments où je vais me sentir très mal, où je vais avoir envie d'abandonner, où c'est vraiment difficile. Et en fait, la petite voix dans ma tête, elle me dit « Mais tu n'es pas maigre, tu n'as pas le droit d'être mal. » « Tu es plus maigre, tu es plus malade, tu es plus légitime. » tais-toi, t'es pas assez maigre, enfin il y a vraiment quelque chose comme ça qui vient, où effectivement il y a un problème de légitimité. Légitimité dans la maladie, légitimité dans la guérison, où je me dis là j'ai un corps qui est guéri et du coup les gens autour ont tendance à penser que je suis guéri alors qu'en fait dans la tête vraiment, enfin la noxie mentale elle est toujours très très présente et c'est vrai qu'il y a ce désir quelque part que ça se voit en fait. que je souffre. Parce que là, dans le corps normé et idéal selon la société, je vais très bien. Alors qu'en fait, c'est beaucoup plus compliqué que ça.

  • Speaker #0

    C'est comment ça pour toi ? Ce décalage ? Les gens qui pensent que ça va mieux et que t'es guérie, alors que non, pas du tout. Comment tu le vis ?

  • Speaker #1

    Plutôt mal, en fait. Ça, je pense que c'est assez général aux personnes qui souffrent d'anorexie. Mais les compliments du genre « Ah bah, t'as l'air en forme ! » Ah bah t'as l'air mieux, ah bah tu fais plaisir à voir. Et bah en fait c'est extrêmement vexant, contrairement à ce qu'on peut penser, même si c'est dit avec beaucoup de bienveillance, beaucoup de gentillesse et d'amour. Moi quand on me dit ah bah t'as l'air en forme, je comprends, ah bah t'es grosse. En fait, en caricaturant parce que je sais que c'est pas ce que ça veut dire, mais je me dis ah j'ai l'air en forme donc j'ai plus l'air malade, donc j'ai plus le droit d'aller mal. et donc je dois aller bien et donc j'ai l'air d'aller bien donc je dois aller bien et Et il y a pas mal ce truc-là qui est difficile par les proches. Alors mes proches proches vraiment sont au courant et font très attention, évitent ce genre de remarques. Mais des personnes un peu plus éloignées peuvent avoir ce genre de maladresse. Et puis les médecins aussi. Je me souviens avoir vu la médecine du travail. ou quand j'ai dû reprendre le boulot, donc j'ai dû revoir la médecine du travail, et la médecin me demande pourquoi j'ai été arrêtée, donc je lui explique, pour anorexie mentale et dépression, et il me dit « Ah, ben ça va mieux ! »

  • Speaker #0

    Au secours ! Oui, parce que l'anorexie mentale, c'est que l'extrême maigreur, et la dépression, tu serais dans ton lit. Donc ça veut dire que là, ça va mieux.

  • Speaker #1

    Voilà, donc là, ça a été... Il y a plein de fois comme ça, où « Ah, ben tu vas mieux ! » « Ah, ben ça va mieux ! » Et en fait, c'est très, très difficile à entendre parce que ça vient juste réactiver la maladie qui dit qu'on n'est plus assez malade, qu'on n'est plus légitime et qu'on n'a pas à se plaindre. Et du coup, j'ai eu beaucoup de mal à être reconnue pour cette maladie jusqu'au jour où j'ai rencontré le psychiatre qui me suit actuellement, qui m'a dit « mais madame, vous souffrez d'anorexie mentale » . et on va la combattre ensemble parce que cette maladie, elle va chercher à vous tuer, que ce soit par dénutrition ou par suicide, elle va chercher à vous tuer et on va la combattre ensemble. Et je me souviendrai toujours de ce moment là où je me suis dit, ah enfin quelqu'un qui qui entend, qui comprend, qui voit et qui veut m'accompagner et qui veut commencer le combat avec moi et ça a été un très très grand soulagement à ce moment là.

  • Speaker #0

    Quand tu as souffert, avant l'arrivée de l'anorexie, quand tu souffrais déjà de dépression et que tu as fait une tentative de suicide, comment ça a été reçu par tes proches et accompagné ensuite ?

  • Speaker #1

    J'avais déjà été hospitalisée avant pour des scarifications. En fait ça a commencé très tôt, je devais avoir 13 ans. Et à 13 ans j'ai commencé à me sentir mal, j'ai commencé à chercher des moyens de visibiliser cette souffrance. Et j'ai commencé à me scarifier comme ça. Et donc j'ai dû être hospitalisée une première fois parce que j'avais une plaie qui s'était infectée, j'avais dû être suturée, etc. Et donc du coup mes proches étaient déjà très inquiets pour moi à ce moment-là. C'était quelque chose de très violent à recevoir pour elle et eux. Alors pour mon père, je ne pense pas, parce que lui, la première fois qu'on a eu un rendez-vous avec un psychiatre, avec ma mère et moi, il a annoncé que lui était en dépression avant que moi j'aie eu le temps de dire quoi que ce soit. Donc bon, je pense que pour lui ça allait. Mais en tout cas, du côté de ma mère, c'était très difficile à vivre pour eux. Et en fait, depuis, j'ai l'impression qu'il y a une espèce d'inquiétude assez... assez général autour de moi, tout le temps, en fait, de la part de mes proches, parce que depuis que j'ai 13 ans, je me suis fait du mal de toutes les manières possibles et imaginables de se faire du mal. Donc, il y avait une inquiétude, il y avait une vigilance sur à peu près tout. Donc, quand j'ai arrêté de manger, les premières fois que je me suis fait au mien, ça s'est su tout de suite. Et ça a été vraiment très encadré par ma famille.

  • Speaker #0

    Enfin, en tout cas, une partie de ta famille.

  • Speaker #1

    Oui, voilà.

  • Speaker #0

    en tout cas une partie de ma famille comment tu le vis ça de savoir qu'il y a cette inquiétude comme tu dis quasi constante depuis que tu as autour de 13 ans c'est assez difficile à vivre en fait je suis du

  • Speaker #1

    côté de ma mère je suis fille unique et petite fille unique donc je suis vraiment la petite dernière de la famille un peu la petite pourrigatée pour qui tout le monde s'inquiète tout le temps Donc j'ai un petit peu cette sensation d'être dans un cocon de protection et d'amour. Et en fait c'est assez difficile à vivre parce que je sais que quand je me fais du mal, je leur fais du mal. Et il y a beaucoup de culpabilité qui est associée du coup. De culpabilité de me dire que je les inquiète, que je leur fais du mal, qu'eux ils se remettent en question alors qu'ils n'ont rien fait de mal. Je sais que notamment ma mère, elle se remet énormément en question. Elle a un peu toujours peur que tout soit de sa faute, alors que je n'ai rien à reprocher à ma maman, vraiment. Et du coup, c'est plus en ce sens-là que c'est difficile, dans le sens où je culpabilise de leur faire du mal, en fait, de les inquiéter.

  • Speaker #0

    Ok. Donc finalement, d'un côté, il y a ton père qui laisse une espèce de place vide. et puis toujours, qui fait beaucoup de mal, qui semble être quelque chose de très douloureux, et ça semble assez logique. Et d'un autre côté, il y a beaucoup d'amour, mais toute cette inquiétude et cet amour ont plutôt tendance à générer, ça apporte certainement du réconfort, mais en tout cas, ce que tu nommes en premier, c'est de la culpabilité. C'est étrange, parce qu'en t'écoutant, il y a un truc qui me... Je ne sais pas comment dire, qui me saute aux yeux. C'est une sorte de loyauté, des trucs dans lesquels... Ça va être difficile pour moi de mettre des mots dessus sur ce qui est passé par ma tête, mais tu sais, comme s'il y avait un truc juste qui t'empêchait de juste vivre ta vie à toi, tu vois, en étant complètement libre à la fois de tout ce qui se passe du côté de ton père et de tout ce passif avec lui. où j'entends que le passif, il remonte à loin. C'est-à-dire même peut-être quand tu étais in utero, visiblement, il s'est joué des choses, en fait. Un couple parental et voilà, il y a un truc qui découle sur toi, j'ai l'impression, depuis toujours. Mais aussi du côté de ta maman, tu vois, de pouvoir se défaire, même si, effectivement, tu viens de le dire, tu n'as rien à lui reprocher. Mais toi, ça génère beaucoup de culpabilité. Et je me dis, mais waouh ! Vu comme ça, de l'extérieur, en tout cas, je ressens un truc C'était un peu englué. Et où finalement, comment est-ce que tu peux juste développer ta vie, ton identité, tu vois, loin de tout ça, quoi ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a toujours eu cette espèce de paradoxe entre ma famille du côté maternel, qui était vraiment très, pour ne pas dire trop aimante, trop présente, vraiment aux petits soins, et le côté paternel complètement absent. Et du coup, une difficulté même à... à trouver ma valeur, entre guillemets, parce que d'un côté, j'avais l'impression qu'on me valorisait beaucoup trop, qu'on croyait beaucoup trop en moi, qu'on m'imaginait capable de choses incroyables, et je ne me sentais pas à la hauteur de ces attentes-là. Et d'un autre côté, j'ai été oubliée, j'ai été laissée sur le côté, j'ai été abandonnée. Et donc du coup, mon rapport à moi-même, mon égo, n'a pas réussi à se construire là-dedans, entre la détestation et l'adoration, et qu'il y a un espèce de micmac qui s'est fait là-dedans et qui a été très difficile.

  • Speaker #0

    Ouais. Tu penses qu'on peut trop aimer ?

  • Speaker #1

    Je sais pas. Je sais pas. En tout cas, je pense qu'on peut trop protéger, qu'on peut trop... trop valorisé aussi. Et qu'en fait, cette valorisation et cet amour, cette attente, ça peut être une certaine pression. Je sais que moi, depuis que je suis petite, j'ai toujours des grands projets qui n'aboutissent pas et à chaque fois que j'ai un nouveau projet, toute ma famille me soutient, toute ma famille s'investit dans ce nouveau projet, parce qu'ils y croient, vraiment. Et souvent, quand je ne vais pas au bout, quand j'arrête, quand j'abandonne, du coup, il y a beaucoup de culpabilité, parce que tout le monde m'a suivi, tout le monde était à fond avec moi. Et qu'il n'y a pas vraiment de nuance, en fait, dans cet amour-là, dans cette reconnaissance, dans cet espoir, en fait, que je peux représenter.

  • Speaker #0

    Ouais, mais tu vois, encore une fois, ça ne t'appartient pas, ça, j'ai envie de dire. Toi, tu mènes ton projet et pour X ou Y raisons, il n'aboutit pas. Ce matin, j'écoutais un podcast où les deux personnes parlaient de ça, tu sais, des échecs et tout. Et lui, il disait, c'est un mec relativement connu, un humoriste, qui dit, mais attends... Je veux dire, si on a deux réussites pour 18 ou 20 échecs, c'est déjà bien, quoi. C'est ça, la normalité d'un être humain, tu vois. Et du coup, bon, ben voilà, ça fait partie de la vie. C'est jamais très agréable à vivre, mais on n'est pas entraînés non plus, je trouve, déjà, à vivre l'échec. Mais du coup, tu vis ton truc. Et en fait, tu dis, putain, je porte la culpabilité. Enfin, je culpabilise parce que tout le monde était à fond derrière moi, quoi. Oui, mais en fait, bon, ça, après, le fait que les autres s'investissent, toi... j'ai envie de dire, tu vois, ça ne t'appartient pas. Et je me disais aussi, encore une fois, quand je t'écoutais, je voyais les deux facettes encore. Tu vois, le côté, ouais, j'ai plein de projets, c'est trop cool. J'y vais, je me lance, je me lance dans des projets. Et là, je me dis, ah tiens, là, tu te laisses porter peut-être par toute la valeur qu'on t'a accordée quand tu étais petite fille et tout ça. Mais dans quelle mesure le fait d'échouer... ne te permet pas d'être en loyauté aussi peut-être aux côtés de ton père un côté plus exigeant qui croyait peut-être moins en toi enfin tu vois j'avoue qu'il y a une espèce de bascule qui continue de se faire en fait entre les deux tu vois enfin bon je sais pas et je me dis mais en tout cas voilà moi je me dis qu'il y a peut-être et tu l'as sûrement fait déjà mais un travail super intéressant à faire en psychothérapie vraiment autour de la du fait de couper des loyautés familiales, parce qu'on est loyal aussi à des personnes qui nous ont fait énormément souffrir, auxquelles on ne s'attend pas, tu vois. C'est-à-dire que si on questionnait la loyauté que tu as du côté maternel, je pense que ce serait assez facile pour toi de le nommer, de le reconnaître. D'ailleurs, ne serait-ce que la culpabilité que tu ressens, toi, juste d'avoir l'impression de leur faire de la peine ou de les décevoir ou quoi que ce soit, on voit bien le lien et la loyauté qu'il y a. Mais je pense qu'il y a aussi des liens de loyauté du côté paternel qui sont peut-être plus difficiles à voir, mais qui potentiellement sont un peu comme des boulets à tes pieds. Tu vois ?

  • Speaker #1

    Oui, très bien.

  • Speaker #0

    Après, je ne sais pas. Et puis, je pense que tu vas encore explorer des tas de choses. En tout cas, je pense que tu l'as entendu dans mes podcasts. Moi, je reste persuadée qu'on peut se sortir d'un trouble alimentaire sans avoir besoin d'aller tout régler. Tu vois ? et je trouve ça intéressant ce que tu disais aussi tout à l'heure sur les pots de santé qui prenaient pas en charge le trouble alimentaire parce que pour eux c'était simplement relié à autre chose et tout, je crois que c'est une énorme connerie et je pense que, j'espère que les choses bougent dans les prises en charge et que ça arrivera de moins en moins parce qu'aujourd'hui on sait que c'est une pathologie à part entière et oui c'est une... comorbidité de la dépression, on sait que tout ça, ça va très souvent ensemble, il n'empêche que tout doit être pris en charge, et que le comportement alimentaire et tout ça. Mais justement, parlons de comportement alimentaire et parlons de végétarisme et de véganisme. Ça m'intéresse, non, je vais, j'allais dire ça m'intéresse, virgule, et parler d'autres trucs, mais j'ai assez parlé comme ça, je donnerai peut-être mon point de vue après. Je veux bien que tu en parles un peu parce que tu dis que c'est un peu un esprit de contradiction qui t'a poussé à devenir végétarienne. Mais depuis, tu es devenue végane. Oui. Comment ça s'est fait ? Quand est-ce que ça s'est fait ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis devenue végane il y a un peu plus de trois ans. Et c'était très lié à mes troubles alimentaires en plus. Parce qu'à ce moment-là, je retombais dans... la boulimie vomitive, ou du moins, je ne sais plus si je retombais dedans ou si j'y étais, tout simplement. Et en fait, je faisais des crises, je me faisais vomir très régulièrement. Et j'étais retombée sur la vidéo d'un youtubeur que j'aime beaucoup, Link The Sun, pour celles et ceux qui connaissent, qui l'avait fait il y avait plusieurs années sur le véganisme, justement. Et en fait, il concluait un petit peu cette vidéo en disant, moi je ne pousse personne à devenir végane, mais j'invite tout le monde à se questionner sur son alimentation et ses valeurs. Et en fait, à ce moment-là, moi ça m'a fait un gros tilt. Et je me suis dit, mais peut-être que si je n'arrive pas à manger et que ce que je mange le vomit, c'est peut-être parce que je ne suis pas d'accord avec ce que je mange en fait. Et c'est peut-être qu'il y a quelque chose qui n'est pas raccord dans... dans ma façon de faire et ma façon de penser. C'est-à-dire que j'étais végétarienne depuis très longtemps, du coup, en fait, j'avais voulu être végétarienne autour de 7-8 ans après cet épisode avec l'agneau. Ma mère avait été d'accord au début, et puis après, comme on ne s'y connaissait pas, comme on ne s'y connaissait pas très bien en alimentation, qu'à ce moment-là, j'étais intolérante au lactose, bon, ça a été compliqué quand j'étais petite, mais du coup, quand j'ai été adolescente à 13-14 ans, j'ai pu dire, je veux être végétarienne. et donc voilà dix ans plus tard il y a environ trois ans je me suis dit, mais en fait, je ne suis pas d'accord avec ce que je mange. En fait, depuis toujours, je me dis que si je m'écoutais, je serais végane et que si j'allais au bout de mon idée, je serais végane. Et peut-être qu'en fait, c'est juste ça qui bloque. Peut-être que si je n'arrive pas à m'alimenter, c'est parce que je ne suis pas d'accord avec mon alimentation. Et quand j'ai pris cette décision, ça a tout résolu du jour au lendemain. Vraiment, ça a été... Du jour au lendemain, je ne faisais plus de crise, je n'avais plus de restrictions, pas d'hyperactivité, rien du tout. Et puis, il y a eu une réactivation traumatique, du coup, il y a un an et demi, deux ans. Et ça a réactivé les troubles alimentaires. Mais en tout cas, sur le moment, ça avait vraiment été assez magique.

  • Speaker #0

    Et ça a duré combien de temps, cet effet un peu magique ?

  • Speaker #1

    Je dirais un an, un an et demi.

  • Speaker #0

    Ok. Sans crise, sans restrictions et tout ?

  • Speaker #1

    Oui, ça a été assez impressionnant. Oui, c'est fou. Je me suis vraiment dit que j'en étais sortie, que j'avais trouvé d'où venait le problème et que j'en étais sortie. Alors finalement, ce n'est pas si simple que ça. Mais en tout cas, sur le coup, autant quand je suis devenue végétarienne et que je suis sortie de l'anorexie restrictive à ce moment-là que quand je suis devenue végane et que je suis sortie de la boulimie vomitive, c'est arrivé vraiment à des moments... à des moments clés et ça m'a permis de passer des étapes, d'avancer. Plutôt bien de remettre en question quelles étaient mes valeurs et comment est-ce que je consommais par rapport à ces valeurs.

  • Speaker #0

    Ça répondait aussi peut-être à ton fameux besoin de cadre dont tu parlais, où tu vois, tu réintroduis quelque chose, malgré tout, quand même d'assez rigide. Alors après, on peut en échanger. C'est l'image que j'ai d'une alimentation végane qui demande quand même beaucoup d'adaptation dans le monde dans lequel on vit. Quand on regarde les produits qu'on consomme, si on veut qu'il n'y ait rien, rien, rien d'origine animale, c'est quand même complexe. Donc je me dis, peut-être que c'est ça aussi qui a apaisé les symptômes. Peut-être qu'il y avait une réponse aussi à un besoin de cadre, à effectivement un besoin d'alignement avec tes valeurs, puisque ces valeurs-là, elles sont là. depuis tellement petite que effectivement, ça y répond. Du coup, là, tu dis que tes troubles alimentaires, ils sont revenus depuis un an et demi à peu près. Comment ça se gère tout ça ? Quel regard aujourd'hui tu poses là-dessus ? C'est-à-dire que, OK, il y a eu l'effet un peu magique de devenir végane. Est-ce qu'aujourd'hui, c'est toujours un facilitateur d'être végane ou est-ce que tu as l'impression que des fois... ça complique un peu les choses ou ça fait flamber les TCA ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai plutôt l'impression que c'est un facilitateur, dans le sens où c'est tellement évident pour moi aujourd'hui de ne plus consommer de produits issus de l'exploitation animale, qu'en fait tout ce qui était tentant, tout ce qui était trigger... ne l'est plus. Par exemple, je me souviens qu'il y a 4-5 ans, quand je me promenais dans la rue, chaque boulangerie était trigger, chaque boulangerie était l'appel à la crise. Et en fait, aujourd'hui, je me suis tellement dit que c'était des choses que je ne mangeais pas, que je ne pouvais pas manger, que je ne voulais pas manger, qu'en fait, ça ne me trigger plus. Et donc, il y a cette espèce de... par rapport à la boulimie vomitive, en tout cas, c'est facilitateur dans le sens où j'ai moins de tentations. Je suis moins attirée vers ces produits-là, qui étaient très attirants avant et qui du coup ne le sont plus du tout. Après, ça a été difficile dans les hospitalisations, dans les dernières, parce que le monde médical n'en est pas là. Et donc, quand j'ai été hospitalisée dans la clinique générale à côté de chez moi... Ils m'avaient dit « Oui, oui, il n'y a pas de souci, on peut faire vegan. » Sauf qu'en fait, je me suis rendue compte qu'ils avaient juste retiré du plateau tout ce qui n'était pas vegan. Donc au final, je n'avais rien à manger. Donc ça n'a pas été possible. Et du coup, j'ai dû faire un compromis et accepter de repasser à du végétarisme pendant cette hospitalisation. Ce qui a été assez violent et assez difficile à vivre quand même. De devoir remanger des aliments face auxquels je m'opposais vraiment politiquement, on va dire. Et puis, par contre, à Montsouris, là, ils ont pu faire 100% vegan avec des repas complets et des repas à peu près diversifiés. Donc, ça a été... Là, ça s'est bien passé. Donc, effectivement, ça met un cadre. Mais en même temps, ce que j'ai remarqué quand je suis devenue vegan et qu'il y a eu cet effet un peu magique, c'est qu'au début, j'ai eu peur de supprimer énormément de mon alimentation. Et en fait, je me suis rendu compte que j'en ajoutais bien plus que j'en retirais. Que le fait d'aller chercher ses protéines, son calcium, son fer ailleurs, ça faisait qu'en fait, je diversifiais beaucoup plus mon alimentation qu'avant. Qu'en fait, j'avais plus envie de cuisiner, que j'allais plus rechercher des saveurs, que j'allais plus tester des nouveaux produits parce que, il y a dix ans, c'était pas comme aujourd'hui. Aujourd'hui, dans les magasins, il y a énormément d'alternatives végétales. Et donc, il y avait plein de choses à goûter, plein de recettes à tester, plein d'aliments à découvrir. Donc je dirais qu'au départ, sans troubles alimentaires, c'est une alimentation qui est encore plus variée, diversifiée et plaisante qu'une alimentation omnivore comme j'avais avant, ou même végétarienne, où j'étais vraiment toujours sur les mêmes repas, sur les mêmes produits, sur les mêmes habitudes. justement en mettant un cadre et en disant, voilà, toutes ces choses-là, on n'y touche pas, en fait, ça ouvre encore plus de possibilités dans les légumes, les légumineuses, les oléagineux, les fruits. Donc au final, ça a été plutôt facilitateur. Et ça a été juste dans le cadre de l'hospitalisation où ça a été plus compliqué.

  • Speaker #0

    OK. Et quand tu dis tout à l'heure, un peu en préambule, tu disais que tu avais toujours une alimentation très restrictive aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    et Comment ça se concrétise, comment ça se manifeste alors ?

  • Speaker #1

    Très concrètement, aujourd'hui, je mange deux repas par jour, deux repas très pauvres. Je mange en gros le midi un demi-concombre et dix tomates cerises avec un yaourt de soja. Et le soir, je mange un bouillon de légumes avec du konjac. Je ne sais pas si tout le monde voit ce que c'est le konjac, mais en gros, c'est sous forme de pâte, mais c'est de l'algue et ça contient zéro calorie, en fait.

  • Speaker #0

    Et c'est dégueulasse.

  • Speaker #1

    C'est pas terrible. Terrible. Donc voilà, avec une pomme et un yaourt, donc c'est vraiment très, très restrictif. Et j'en ai bien conscience, mais mon compagnon qui vit avec moi, mon fiancé, il est végane aussi et il a une alimentation tout à fait intuitive et variée, plaisante. Ouais,

  • Speaker #0

    ok. C'est-à-dire que tu sépares les choses. Tu disais que le véganisme, t'as eu l'impression que ça avait davantage ouvert, finalement, l'alimentation. Et là, t'as refermé complètement quelque chose. Et tes compulsions ? Ça veut dire que c'est des compulsions aussi très contrôlées que tu vas faire ? Tu vois, tes crises, c'est sur des aliments sains aussi que tu les fais ?

  • Speaker #1

    Alors, l'alimentation végane n'est pas forcément saine.

  • Speaker #0

    Non, mais je ne parle pas de l'alimentation végane, mais plutôt de l'alimentation restrictive que tu as, c'est-à-dire concombre, tomate.

  • Speaker #1

    Non, pour le coup, les crises ne sont pas saines du tout. Ça va être beaucoup de féculents, beaucoup de produits industriels, ce qu'on appelle des simili-carnés, des faux steaks, des faux nuggets, ce genre de choses. Après, j'ai l'impression que oui, les crises sont contrôlées dans le sens où c'est très rare que la crise me surprenne. En général, elle est plutôt programmée. Je sais ce que je vais manger, je sais en quelle quantité. Il y a toujours cette notion quand même de perte de contrôle, je pense, parce que si j'avais le choix, je ne les ferais pas ces crises. Mais oui, les crises, en tout cas, sont toujours vegan et sont toujours dans un certain contrôle quand même. Oui,

  • Speaker #0

    petite explication. Quand je disais saine, c'est parce que je rentre dans... dans ton mode de vie lié à l'anorexie. C'est-à-dire qu'à mon sens, il n'y a pas... Par exemple, manger plein de pâtes, à mon sens, ça peut être très, très sain. Donc, je fais un petit disclaimer quand même pour expliquer ça. Et j'avais aussi envie de... parler du risque à devenir vegan. Je vais m'expliquer. En fait, là, et d'ailleurs, c'est très intéressant parce que, par exemple, quand tu fais des crises, tes crises sont vegan. Et ça, c'est assez parlant. Moi, j'ai accompagné différentes personnes qui étaient vegan et qui faisaient des crises monumentales sur beaucoup de produits laitiers, tu vois, sur du fromage, des glaces. voire même sur de la viande. Je trouve que c'est intéressant à regarder. Il y a des personnes qui deviennent véganes pour différentes raisons. Il y a aussi quelque chose, on s'imagine que le véganisme, c'est un super moyen pour perdre du poids, pour être mince, pour manger sain, pour machin. En fait, tout ça, c'est des conneries, on est bien d'accord, tout comme le manque de protéines ou quoi. J'aimerais rappeler qu'il y a des grands champions, des sportifs qui sont véganes. Donc, voilà, ça n'a rien à voir. Et que du coup, quand on l'est pour les « mauvaises raisons » , pour des raisons de diète culture, de perte de poids, de toute façon, ça va être dangereux et compliqué à maintenir. Mais même dans le cas, je me souviens d'une personne que j'ai accompagnée où vraiment la cause animale, un peu comme toi, franchement, depuis toute petite et tout ça, c'était très important pour elle, mais il n'empêche que, et c'était difficile pour elle de l'admettre en plus, il y avait de la honte en fait. à faire des compulsions sur des produits d'origine animale. Et en fait, on a vachement bossé ensemble sur le fait de prioriser et de se dire, OK, à un moment donné, si tu laisses ta santé ou si tu meurs, je ne vois pas en quoi tu vas défendre la cause animale. Donc peut-être que c'est intéressant de prioriser la guérison de tes troubles alimentaires et que pour ça, il va falloir remanger quelques produits. Donc elle n'a pas du tout réintroduit de viande, de poisson. Mais par contre, elle avait réintroduit du beurre, tu vois, des choses comme ça. Et donc, voilà, j'avais envie de préciser ça parce qu'il y a parfois ça qu'on observe. Et je me dis, tu vois, il y a plein de gens qui vont écouter notre épisode de podcast et que ton histoire, elle est trop chouette et je suis trop contente que tu aies amené ce témoignage-là. Et je ne peux pas m'empêcher d'avoir un peu peur que des gens se disent « Ah ouais ? » Mais vas-y, mais moi aussi, je vais devenir végane et je vais guérir de mes troubles alimentaires. En fait, entendez bien, s'il vous plaît, à quel point cette histoire, l'histoire de Marion, est une histoire, comme chacune a son histoire, qui est nécessairement unique et qui correspond à ton parcours. Donc, je trouve ça hyper intéressant quand même qu'on puisse en parler dans ce podcast, parler aussi du végétarisme et du véganisme qui ne sont pas... Aujourd'hui, grâce au... Comme tu le disais, il y a énormément de choix. Donc, ce ne sont plus des alimentations qui vont être égales à de la restriction. Je pense que c'est possible de vraiment diversifier, mais qu'effectivement, ça va nécessiter des adaptations et pas mal de cuisine, je pense. Je pense que tu peux en témoigner. Et voilà, et attention à ce pour quoi on fait les choses. Je pense que pour toi, si ça a eu cet effet-là aussi, c'est parce que c'était ultra raccord avec tes valeurs, en fait. qu'il y avait quelque chose de... Je ne sais pas, est-ce que tu as envie de rebondir sur ce que je viens de dire ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Effectivement, je ne dis à personne que devenir végane, ça va sauver des troubles alimentaires ou même faire maigrir. Je sais que ma mère est devenue végane un peu dans la suite de moi, parce qu'on a eu un échange un peu houleux à ce sujet-là. Du coup, elle a pris la décision de devenir végane aussi et elle a pris 10 kilos. Ça ne veut pas dire... Mon conjoint, depuis qu'il est végan, il a pris du poids parce qu'en fait il mange beaucoup plus,

  • Speaker #0

    beaucoup mieux,

  • Speaker #1

    beaucoup de choses qui lui font plaisir. Et en fait, il y a une certaine forme de compensation qui fait qu'au final, il veut aussi prendre du poids tout en étant végan. Moi, dans mon cas, ça a stabilisé, mais finalement, ça n'a pas suffi. à me sortir définitivement des troubles alimentaires, mais je pense que en tout cas ce qui peut être intéressant pour tout le monde je pense c'est de se questionner en fait sur ses valeurs.

  • Speaker #0

    Et ce qu'on en fait dans le sens où, c'est quelque chose que j'aime beaucoup dire, mais notre carte bleue, c'est notre bulletin de vote. Et en fait, à chaque fois qu'on achète quelque chose, à chaque fois qu'on consomme, on vote pour quelque chose. Et que ça peut être intéressant de se poser la question d'avec quoi je suis raccord ou je ne le suis pas. Qu'est-ce qui est raccord avec mes valeurs ou pas ? Ça peut être plein de choses. Ça peut être effectivement la viande, le poisson, les produits laitiers. Mais ça peut être aussi, pourquoi pas, l'huile de palme. Ça peut être aussi... certaines marques, il y en a qui vont boycotter Coca-Cola ou Nutella ou même dans ses achats quotidiens dans les achats de vêtements, éviter la fast fashion ce genre de choses je pense que c'est toujours intéressant de se questionner sur notre consommation et sur nos valeurs je pense que ça ne peut pas faire de mal d'être plus raccord avec ces valeurs peu importe les achats concernés oui

  • Speaker #1

    c'est vrai oui oui Mais comme je suis un peu une chieuse, je ne peux pas m'empêcher d'ajouter, ça ne peut pas faire de mal, mais quand on a des troubles alimentaires, ça peut être glissant. Je pense malgré tout qu'une personne qui a des troubles alimentaires et qui se dit, mais ouais, mais carrément, moi, j'ai envie de devenir végane parce que ça me révolte l'exploitation animale et tout ce qu'on fait, tout ce qu'on fait subir aux animaux et voilà, tutti quanti, et qu'en fait, ça risque, ça peut. entendez que ça peut faire flamber quand même les troubles alimentaires et que ça peut être intéressant dans ce cas-là d'être accompagné, du coup. Je pense aussi. Aussi parce que c'est intéressant de prendre les infos, même si aujourd'hui, je pense que sur les réseaux, enfin sur Internet, il y a quand même plein d'infos sur comment pallier au fait de ne plus consommer, notamment de protéines d'origine animale. Mais ça peut être cool si vous avez des TCA et que vous vous questionnez là-dessus. peut-être aller vers une diète, si possible spécialisée TCA, et parlez-lui de ça, et elle pourra vous accompagner peut-être dans la végétalisation de votre alimentation, si elle s'en sent capable.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Et puis, ce que je trouve important de dire aussi, c'est que le véganisme n'est pas une religion, et qu'il n'y a pas d'interdit, en fait. Il n'y a pas d'aliment interdit. C'est-à-dire que je ne me suis jamais interdit, si un jour j'ai envie de manger une pizza à quatre fromages, je mangerai une pizza à quatre fromages. Et que ça ne doit pas, comme tu disais très bien, être un outil de la restriction en fait. C'est un choix qu'on fait, ce ne sont pas des règles fixes et ça ne soigne pas d'un trouble alimentaire. Et si on souffre soi-même de troubles alimentaires, il faut pouvoir être... Être flexible aussi, comme moi j'ai pu l'être dans cette hospitalisation, on m'a dit non, vegan ça ne va pas être possible, il va falloir être végétarienne. La priorité c'est la santé et c'est comme ça. Et je sais qu'après c'est pour mieux reprendre derrière, mais que ce ne sont pas des interdits religieux, ça ne doit pas être restrictif au contraire.

  • Speaker #1

    Pas au détriment de la santé globale, très intéressant. Qu'est-ce que tu penses ? Attention, question ! Une question, je crois que je ne l'ai jamais posée avant, mais j'ai envie de te demander ça comme ça. Qu'est-ce que... J'ai deux façons de la poser. Qu'est-ce que tu penses qu'il te manque là pour aller vers la guérison ? Ou qu'est-ce que tu penses que tu as à devoir faire dans les mois à venir ? Comment tu vois la suite ?

  • Speaker #0

    C'est compliqué. Je pense que je suis trop... Trop enfermée dans mes habitudes. Aujourd'hui, je vis dans l'appartement dans lequel je vivais avec ma mère. Ma mère a déménagé mais m'a laissé l'appartement. L'appartement dans lequel je suis tombée malade la première fois et dans lequel je vis depuis plus de 15 ans. Et je pense qu'il me manque un changement dans ma vie, quelque chose qui vienne un peu bousculer ces habitudes qui sont trop ancrées depuis trop d'années. et c'est en projet avec mon fiancé qu'on déménage en province d'ici l'an prochain donc je pense que ça c'est quelque chose qui me ferait vraiment du bien parce que pour le coup j'ai du mal à évoluer dans cet environnement où la maladie est installée depuis très longtemps

  • Speaker #1

    Ouais c'est intéressant tout à l'heure je t'ai parlé de loyauté à ton père à ta mère, aux familles maternelles, paternelles on pourrait parler aussi de la loyauté à la maladie et de Merci. et que là, peut-être que le lieu te ramène à cette loyauté aussi à la maladie, un morceau d'identité que tu aimerais peut-être décoller. Oui, c'est intéressant.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    OK. Qu'est-ce qui t'a aidé sur ton parcours et qu'est-ce qui pourra t'aider à l'avenir, tu penses ?

  • Speaker #0

    Mon entourage m'a beaucoup aidée. Je pense notamment à mon conjoint qu'on s'est rencontré il y a quatre ans. Il a appris à comprendre la maladie, à connaître ses mécanismes. Aujourd'hui, c'est devenu quelqu'un de très aidant, de très à l'écoute, de très bienveillant et qui comprend vraiment la maladie et le fait de me dissocier des symptômes. Donc c'est quelqu'un qui peut être très aidant au quotidien. Après, ce qui m'aide beaucoup, c'est mon suivi aussi avec ma psychologue, mon psychiatre, ma diététicienne, qui sont vraiment chouettes. Je pense notamment à ma diététicienne qui est formée au TCA, que j'ai rencontrée à Montsouris, donc qui est très compétente dans ce domaine-là et qui est OK avec le fait que je sois végane, ce qui n'était pas assuré, parce que souvent, justement, on va un peu faire ce raccourci de... Le véganisme, c'est restrictif, donc c'est un outil de la maladie, donc il ne faut pas, etc. Et j'ai été beaucoup confrontée à ça, de « ah bah oui, mais il faut manger de la viande » ou je ne sais quoi. Et elle, elle n'était pas comme ça, au contraire, elle m'a vraiment prise comme j'étais. Et elle construit avec moi autour de mes valeurs, autour de mes problématiques. Donc je pense que le fait d'être accompagnée par des professionnels formés, vraiment qui... Parce que ce n'est pas le cas de tous les professionnels, clairement, et je suis tombée sur des personnes qui m'ont dit des dingueries. Mais en tout cas, des personnes formées, c'est vraiment très aidant.

  • Speaker #1

    Dernière question du podcast que j'aime bien poser, c'est de savoir ce que tu aimerais transmettre aux personnes qui sont en train de nous écouter, qui sont peut-être en plein tourbillon des TCA, ou peu importe là où elles en sont. En tout cas, qu'est-ce que tu voudrais transmettre aux personnes qui souffrent d'un trouble alimentaire ?

  • Speaker #0

    que je sais que c'est très douloureux, que c'est super difficile à vivre et surtout que le poids qu'on fait, l'apparence qu'on a ne dit rien de la tempête intérieure. Et qu'il ne faut pas hésiter à demander de l'aide très concrètement, même si on ne s'en sent pas légitime. Parce que la souffrance, elle est mentale, elle n'est pas physique. Elle peut devenir physique, bien sûr, mais elle se passe dans la tête. Et que je sais qu'on peut être à un poids très bas et se sentir très bien, comme on peut être à un poids normal ou même à un poids haut et se sentir très mal. Et qu'il ne faut pas attendre d'avoir atteint un certain poids pour demander de l'aide. Il ne faut pas attendre que les professionnels autour s'inquiètent pour demander de l'aide. Il faut y aller quand on sent qu'on en a besoin.

  • Speaker #1

    Aussi difficile que ça puisse être.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait. Oui, complètement. Écoute, merci beaucoup pour cet échange que j'ai trouvé très riche. Merci pour être venue aussi parler de ce sujet de, finalement, on pourrait appeler ça un régime alimentaire, quelque part, d'être végane, végétarien. Je trouve ça très intéressant. Effectivement, je n'en avais encore jamais parlé dans le podcast. Et je suis hyper contente que... T'es trouvé ce suivi, ces professionnels qui effectivement acceptent de t'accompagner en respectant ces convictions qui sont fortes et, comme tu l'as dit, identitaires chez toi. Je pense que c'est tellement important de prendre les personnes dans leur unicité, tu vois. C'est trop chouette. Moi, j'ai envie de te souhaiter tout le meilleur. J'ai envie de te souhaiter... d'oser être toi-même, de couper les liens qui t'encombrent là et les boulets que tu traînes à la patte. Et j'ai plutôt confiance dans le fait que tu arriveras à trouver les ressources et les aides autour de toi. Mais en tout cas, un immense merci pour être venue parler de ces sujets douloureux et d'avoir accepté de transmettre aux personnes qui m'écoutent.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi de m'avoir reçue dans ce podcast et de m'avoir permis de m'exprimer sur ces sujets. C'est vraiment chouette.

  • Speaker #1

    Avec grand plaisir. Un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode. Comme je te le dis souvent, ton soutien est super important. C'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui. Alors, si mon contenu t'apporte de l'aide, d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast, en parler autour de toi, à tes proches, mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles. notamment sur Spotify ou Apple Podcast ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. Effectivement, tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté. Merci, merci beaucoup. C'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer. Je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible. Et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation de Marion

    01:27

  • Ses souvenirs d’enfance autour du corps / de l’alimentation

    02:46

  • Le moment de la bascule vers les régimes et les TCA

    09:42

  • La difficulté à voir ses TCA pris en charge

    17:38

  • Où en est Marion aujourd’hui

    24:57

  • Végétarisme et véganisme

    44:25

  • Ce qui l’a aidée sur le parcours

    01:04:20

  • Ce que Marion aimerait vous dire

    01:06:18

Description


Mon podcast t’apporte de l’aide ?

-> Tu peux m'aider à ton tour en faisant un don juste ici

-> Laisse moi 5 belles étoiles sur Spotify et Apple Podcast afin de me soutenir et me donner le boost pour continuer!
Cela permettra aussi à de nouvelles personnes de me découvrir et de profiter de mes outils! 🙏


Pour participer au podcast, merci d'écrire à podcasttcaetc@gmail.com



TW: Il est fait mention de tentative de suicide et de scarifications


L’échange que je vous propose avec Marion est d’une grande richesse et nous permet d’aborder plein de choses :

Les enjeux relationnels (notamment familiaux) des troubles alimentaires, 

La difficulté de la prise en soin, particulièrement si d’autres pathologies sont associées au trouble alimentaire,
La question des loyautés familiales,
La cause animale, le choix du végétarisme et du véganisme


Merci Marion d’être venue témoigner en toute transparence à mon micro. 


Au programme : 


Présentation de Marion

Ses souvenirs d’enfance autour du corps / de l’alimentation
Le moment de la bascule vers les régimes et les TCA

La difficulté à voir ses TCA pris en charge

Où en est Marion aujourd’hui
Végétarisme et véganisme

Ce qui l’a aidée sur le parcours

Ce que Marion aimerait vous dire




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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Marion sur le podcast, je suis contente de t'accueillir aujourd'hui pour discuter.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, je suis ravie d'être là aussi.

  • Speaker #0

    Trop bien, on va prendre le temps d'échanger sur toi, sur ton histoire, ton parcours. parce que tu avais envie de pouvoir apporter ton témoignage. Et un grand merci pour ça, parce que c'est hyper utile. Je pense que tu es bien placée pour savoir que d'entendre d'autres personnes raconter leur histoire, ça peut vraiment permettre à plein d'autres personnes qui vont écouter de se reconnaître, s'identifier et donc peut-être aussi de trouver des clés. Donc pour commencer, je te propose de te présenter de la manière dont tu as envie.

  • Speaker #1

    Moi je m'appelle Marion, j'ai 26 ans. J'ai une grande conviction dans la vie qui tourne autour des animaux et du respect envers les animaux. C'est une valeur que j'ai depuis que je suis toute petite, depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Et c'est pour ça que ça fait trois ans que je suis végane, un peu plus de dix ans que je suis végétarienne. Donc c'est vraiment quelque chose qui est mon moteur dans la vie. C'est mon travail, c'est vraiment ce qu'il y a de plus important pour moi. À côté de ça, je vis avec deux Ausha et un cheval. Donc je suis bien entourée d'animaux aussi. Et pour rentrer dans le vif du sujet, je souffre de troubles du comportement alimentaire depuis un peu plus de dix ans.

  • Speaker #0

    Ok, merci pour cette présentation qui pose déjà le cadre effectivement de qui tu es, mais aussi de pas mal de choses autour de l'alimentation. ça promet d'être très intéressant tu le sais j'aime bien ramener les personnes qui viennent intervenir dans le podcast à des souvenirs d'enfance et j'avais envie de te poser aussi cette question qu'est-ce qui te revient à toi quand il s'agit de rapport au corps ou d'alimentation c'est quoi le ou les souvenirs les plus marquants autour de l'enfance pour toi alors

  • Speaker #1

    il y en a plusieurs j'irais au niveau de l'alimentation, le premier qui me vient et qui fait écho à ce à ce que je disais, je devais avoir 7 ou 8 ans. Et j'étais au restaurant avec ma mère, ma meilleure amie et la mère de cette meilleure amie. Et la mère de ma meilleure amie a commandé de l'agneau. Et c'est à ce moment-là que j'ai compris, en fait, que la viande qu'on me servait à manger venait des animaux. Et du haut de mes 7 ou 8 ans, j'ai tapé un scandale monstrueux dans le restaurant en disant que c'était un crime, que c'était... Atroce et donc du coup j'ai vraiment ce souvenir là très précis de cette prise de conscience alimentaire qui avait rien à voir avec mon corps ou mon poids qui était vraiment un autre type de prise de conscience mais qui avait été très très fort. Donc ça c'est un peu le premier souvenir alimentaire vraiment que j'ai. Après au niveau de mon rapport au corps, je sais que ça a toujours été compliqué en fait à partir du moment où j'ai été en contact avec d'autres enfants. Je suis plutôt grande et j'étais assez bien portante petite, j'ai jamais été au-dessus des courbes mais j'étais en haut des courbes et je me souviens qu'à l'école, dès la... Peut-être dès la maternelle ou dès la primaire, en tout cas, je me comparais déjà beaucoup aux autres. J'avais déjà ce sentiment d'être plus grosse que les autres, mais je ne faisais pas le lien avec ce que je mangeais. J'étais gourmande, j'aimais manger, je ne me posais pas de questions. Donc, je n'ai pas le lien entre ce que je mangeais et mon corps, mais je sais que j'ai été complexée à partir du moment où j'ai été en contact avec d'autres enfants, en fait.

  • Speaker #0

    Ok, mais tu situerais ça autour de quel âge ?

  • Speaker #1

    Peut-être 6-7 ans, dans ces eaux-là.

  • Speaker #0

    Ok, donc c'est un peu dans la même période que la prise de conscience avec l'agneau. Il y a des choses importantes qui se sont jouées pour toi à cet âge-là, quoi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et je me posais une question en t'écoutant par rapport à la scène du restaurant. Est-ce qu'à ce moment-là, les animaux avaient déjà une grande place dans ta vie ?

  • Speaker #1

    Oui, ça a toujours été le cas. En fait, il y a un mot que j'ai appris il n'y a pas si longtemps que ça, il y a quelques années, qui s'appelle l'antispécisme. L'antispécisme, c'est à l'image du féminisme, de l'antiracisme, c'est l'opposition au spécisme. Et le spécisme, c'est la discrimination des individus selon leur espèce. Donc ça va être de considérer que l'humain a plus de valeur que les autres animaux, que par exemple les Ausha et les chiens ont plus de valeur que les vaches et les cochons, etc. Et donc l'antispécisme, c'est le fait de s'opposer. à ce système-là et de considérer tous les individus à la même valeur morale, peu importe leur espèce. Et en fait, ça, je pense que c'est quelque chose que j'ai ressenti depuis que j'étais toute petite. Déjà, je me souviens en maternelle des enfants qui s'amusaient à écraser des gendarmes, les petits insectes, et ça me rendait dingue, ça me rendait violente en fait. Parce que pour moi, on ne tuait pas, on n'avait pas le droit de tuer, on n'avait pas le droit de faire de mal. Donc ça, c'est vraiment quelque chose que j'ai l'impression de porter en moi depuis toujours, en fait. Cet antispécisme, ce fait de considérer toutes les espèces animales vivantes comme mes égales, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, effectivement, c'est surprenant que ça ait été si fort et si marqué et si clair, en fait, pour toi, depuis toute petite. Oui. Ok. Est-ce que tu sais d'où ça vient ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. J'ai été élevée par des parents sensibles à la cause animale, mais qui consommaient de la viande. Enfin voilà, le cas classique de personnes qui s'opposent à la vivisection, à la corrida, mais pas au cirque, pas à la consommation de viande. Enfin voilà, un peu le schéma, on va dire, assez classique de personnes sensibles à la cause animale, mais pas sensibilisées à toutes les causes animales. Et par contre moi, depuis toute petite, j'ai ce truc-là. C'est mon identité, vraiment.

  • Speaker #0

    Ok, ton identité. Ok, quelque chose de très ancré, ça marche. Est-ce que tu pourrais aussi nous parler de la façon de manger de ta famille et de tes parents au-delà de la viande ? Parce que là, on parlait de d'où ça te vient, ce rapport très fort aux animaux et à la cause animale. Mais comme on va bientôt parler aussi de tout ce qui est troubles alimentaires, dans quel milieu toi tu as grandi et par quel type de mangeur, j'ai envie de dire,

  • Speaker #1

    tu as été élevée ? Ma mère a toujours été... Une bonne mangeuse, mais disons qu'elle faisait attention. Elle n'était jamais au régime, mais elle faisait attention, souvent. Mon père, lui, je ne le voyais que les week-ends, parce que mes parents sont séparés depuis ma naissance. Et je me souviens que le week-end, il n'y avait pas vraiment de sujet autour de l'alimentation. On mangeait, il n'y avait pas vraiment de sujet. Du côté de ma mère, on mangeait équilibré, on mangeait bien, on mangeait correctement. Mais il y avait souvent cette notion de « elle fait attention » mais elle ne me l'a jamais imposé. Et sinon, j'ai un souvenir assez précis qui me revient avec mon père justement. Pareil, j'étais petite et on jouait avec une de mes voisines. Mon père nous prenait sur ses épaules et nous jetait dans le lit, en gros, un jeu d'enfant. Et il le fait avec ma copine et puis après il me prend et il fait « ouh, c'est pas le même poids » . Et ça, je me souviens que ça m'avait vraiment... Ça, ça a été un coup de poignard sur le cou. Et ouais, je me souviens de ça au niveau de... Je pense la seule remarque que j'ai eue de mon entourage, vraiment sur mon poids, ça a été celle-ci. Elle m'a vraiment beaucoup marquée. Mais sinon, non, au niveau de l'alimentation, c'était assez serein, en fait. J'ai été élevée principalement par ma mère et mes grands-parents maternels. Et ma grand-mère était très... Très avant-gardiste sur le principe où elle mangeait beaucoup de purée d'oléagineux, de galettes de riz, de crème de soja. C'était très bio avec toujours des trucs bizarres à manger. Mais voilà, j'ai été élevée à peu près là-dedans en fait.

  • Speaker #0

    Les trucs bizarres à l'époque mais qu'aujourd'hui tout le monde mange. Oui,

  • Speaker #1

    voilà.

  • Speaker #0

    Pas partout sur les réseaux.

  • Speaker #1

    Je me souviens que mes amis... Au goûter, ils avaient le droit à des petits princes, à des granolas. Et puis moi, j'avais mes galettes de maïs avec de la purée de menthe, etc. Mais c'est plutôt des bons souvenirs quand même.

  • Speaker #0

    Oui, j'entends que ça semblait assez serein pour toi et que ce sont plutôt des souvenirs plaisants de ton enfance. Alors, à quel moment est-ce que ça a basculé ? À quel moment est-ce que ça a changé pour toi, ce rapport à l'alimentation ? Et pourquoi ?

  • Speaker #1

    Ça a été... assez radicale, comme beaucoup de choses dans ma vie. C'était une période où j'étais au collège et j'étais en grande souffrance. J'étais diagnostiquée dépressive depuis plusieurs mois, j'avais déjà été hospitalisée. C'était une période qui était vraiment très difficile et je me sentais très seule. Et je me souviens d'un vendredi soir, alors je n'ai pas la date, mais je sais que c'est un vendredi soir où j'étais sur mon ordinateur et j'ai commencé à me demander ce que je pourrais changer dans ma vie pour aller mieux. Et je me suis dit, mais j'ai toujours été complexée, je me suis toujours trouvée trop grosse, peut-être que la solution ce serait de maigrir. Et du coup, j'ai tapé sur Internet comment maigrir rapidement. Je ne sais plus ce que j'ai écrit exactement. Et à ce moment-là, je suis tombée sur les comptes de ProAnna. Ouf ! Ils n'existent plus aujourd'hui, enfin, qui sont vraiment très, très censurés. Mais en 2013-2014, ça ne l'était pas encore. Et j'étais vraiment désespérée. Et ce que je dis assez souvent quand on me pose la question, c'est qu'en fait, à ce moment-là, j'aurais pu tomber sur n'importe quel secte que je serais tombée dedans, en fait. J'étais dans un tel besoin d'appartenance, d'avoir un objectif de vie, un objectif quotidien, d'avoir quelque chose qui me tienne, qu'en fait j'aurais pu tomber dans tout et n'importe quoi et je suis tombée là-dedans. Donc ça a été un peu du jour au lendemain, j'ai découvert les proanas et j'ai décidé que je deviendrais anorexique. Et donc ça a été vraiment du jour au lendemain, j'ai pas voulu perdre quelques kilos, j'ai voulu être maigre, j'ai pas voulu faire un petit régime, j'ai voulu arrêter de manger. Et du coup, voilà. Vraiment du jour au lendemain, j'ai cessé de manger pendant plusieurs mois. J'ai perdu pas mal de poids, mais je n'ai pas été dans un cas de dénutrition avancée. J'ai été hospitalisée assez rapidement pour une tentative de suicide. Et je n'ai pas été prise en charge vraiment pour les troubles alimentaires. Dans toutes les hospitalisations que j'ai eues, ça a toujours été secondaire pour les médecins. ces troubles alimentaires, c'était un symptôme de dépression, c'était un symptôme de ma crise d'adolescence, etc. Ça n'a jamais été traité en tant que tel, et du coup ça s'est installé très progressivement sur des années. Donc ça a vraiment commencé comme ça. Il faut savoir que je suis du coup devenue végétarienne pendant mon hospitalisation, qui a suivi ça, notamment parce qu'on me forçait à manger, et on me forçait à manger de la viande. Et déjà j'avais un problème avec ça, déjà ça me gênait, et du coup c'est à ce moment-là, un peu par opposition, si je peux dire, que j'ai dit « pour la peine je ne mangerai plus jamais de viande » . Et ça a démarré un peu comme ça, puis ça s'est calmé après. Pendant quelques mois ça a été plus calme, j'ai réussi à remanger. Ouais, voilà, j'ai réussi à remanger. Et puis c'est en arrivant au lycée que j'ai fait la rencontre d'une jeune fille qui était boulimique. et qui se faisait vomir. Et moi, ça ne m'était jamais venu à l'idée de faire un truc pareil. Et en fait, quand elle m'en a parlé, je me suis dit, mais quelle bonne idée, en fait. Effectivement, c'est super pratique, parce que comme ça, je fais attention tout le temps. Et puis, quand je fais un petit excès, un petit écart, je vomis et je suis tranquille. Et très vite, j'ai réussi à me faire vomir et très vite, j'ai sombré dans la boulimie avec les crises, avec tout ça. Et ça, ça ne m'a pas lâchée depuis une dizaine d'années.

  • Speaker #0

    Ok. Et est-ce que tu sais aujourd'hui, avec le recul, pourquoi ou à quoi était reliée la dépression dont tu souffrais à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Oui, alors il y avait plusieurs choses. Je dirais que la principale raison, le grand drame de ma vie, c'est mon père, en fait. C'était quelqu'un de... Il était lui-même dépressif. Et c'était quelqu'un d'extrêmement exigeant, notamment vis-à-vis de moi. Je ne sais pas trop comment l'expliquer, mais en fait on ne s'est jamais aimé avec mon père. Il y a toujours eu un blocage. Il faut savoir aujourd'hui que ça fait un peu plus d'une dizaine d'années que je ne l'ai pas vu, que je n'ai pas eu de nouvelles. Donc ça a été de multiples abandons de la part de mon père à ma naissance. Et puis après, quand justement j'ai été hospitalisée pour ma tentative de suicide, il m'a annoncé qu'il partait vivre en Australie à ce moment-là. Et je ne l'ai jamais revu depuis, donc ça a été... Voilà, un peu une succession d'abandon, de remarques, de reproches de sa part. Et je pense que ça participait beaucoup à mon état général. Et au collège, j'ai subi du harcèlement. En plus de ça, ça a été une période très compliquée à plein de niveaux. Et en fait, je me suis réfugiée dans les troubles alimentaires comme un bouclier, comme quelque chose qui me protégerait de... du monde extérieur en fait.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui t'a séduite à l'époque en tombant sur les comptes ProAnna ?

  • Speaker #1

    C'est le fait d'avoir un objectif. À l'époque, sur ces blogs, il y avait les commandements des ProAnna avec les règles.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Il y avait plein de blogs qui en parlaient. Je me suis dit que c'était génial. Tous les jours, j'ai un nouvel objectif. Je vais réussir à perdre du poids. Si je perds du poids, je verrai des amis. Et puis si j'ai des amis, je serai plus heureuse. Donc en fait, si je maigris, je serai plus heureuse. Et je suis vraiment tombée la tête la première là-dedans. Et j'ai passé des semaines à consulter tous les blogs de Proana qui existaient, à lire tous les commandements, à les réécrire dans des carnets. Je me faisais des cahiers Proana avec toutes les règles, avec les commandements. Je m'écrivais des lettres. C'était quelque chose de très sectaire, en fait, de très extrême et de très sectaire. Et je pense que j'avais besoin de ce cadre-là aussi. C'est quelque chose dont je me suis rendue compte beaucoup plus récemment. Mais qu'en fait, l'anorexie et cette petite voix, comme on dit, la petite voix de la maladie dans la tête, elle est arrivée au moment où mon père est parti. Et il y a quelque chose qui, je pense, s'est installé comme ça, qui s'est construit sur le cadre dont j'avais peur de manquer. sur l'exigence qui m'était demandée, parce que ma mère n'était pas du tout exigeante, au contraire, c'était plutôt la maman cool avec qui les choses étaient plutôt faciles, elle ne me demandait pas trop, alors que mon père lui m'en demandait beaucoup. Et donc je pense que j'ai un peu construit cette anorexie à l'image de mon père et de cette pression qu'il exerçait sur moi, de ce cadre qui était très strict et que j'ai retrouvé dans la maladie du coup.

  • Speaker #0

    Ok, et c'est passé un peu inaperçu les troubles alimentaires alors, même par rapport à ta famille ? Tu vois, quand tu parlais de tes carnets où tu écrivais tout ça, ta maman, elle ne s'en rendait pas compte ?

  • Speaker #1

    Alors les carnets, non, elle ne les a jamais vus, mais par contre, elle a vu que oui, du jour au lendemain, j'arrêtais de manger. C'était assez évident et ça l'a été tout le temps en fait. Ma mère, à partir de ce moment-là, a été au contraire très vigilante sur ce que je mangeais. Et très inquiète, très vite, si je finissais pas mon assiette. Et ça, jusqu'à encore aujourd'hui, un peu plus tard que le week-end dernier, je déjeunais avec elle et je sais qu'elle a très peur de ce que je mange, ou plutôt de ce que je mange pas. Et donc, elle s'est très vite inquiétée à ce niveau-là. J'ai été suivie très rapidement. Enfin, j'étais déjà suivie parce que j'avais déjà été hospitalisée, j'étais déjà en dépression sous antidépresseur. Donc, ça fait très longtemps que j'ai un suivi psychologique, psychiatrique.

  • Speaker #0

    mais tu disais t'as été suivie mais finalement en fait si j'ai bien compris ta maman elle s'est très vite alertée parce que ça lui a sauté aux yeux et elle a voulu alerter le corps médical mais le corps médical lui n'a pas pris en considération la gravité de ce qui était en train de s'installer finalement du trouble alimentaire et a considéré que c'était quelque chose de secondaire de consécutif à d'autres problématiques Et que peut-être, eux, dans leur esprit, sans doute, c'était, voilà, si on règle les premiers problèmes qu'ont créé la dépression, le mal-être, eh bien, le trouble alimentaire disparaîtra parce que c'est juste relié à ça, quoi.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, totalement. C'est exactement ce qui s'est passé. Donc, ça n'a pas été... Enfin, à part me dire, il faut manger. On a pas vraiment été à l'écoute de... de ce trouble alimentaire et du coup je l'ai gardé pendant très très longtemps, surtout de la boulimie vomitive avec des crises très régulières, ça c'est quelque chose qui m'a suivi pendant des années. Et il y a un peu plus de deux ans, j'ai eu une réactivation traumatique. Enfin clairement j'ai eu un mail de mon père dix ans après dix ans de silence et ça m'a... anéantisse m'a couché direct et je suis retombée dans l'anorexie, la boulimie pro-initive, plus plus plus. Et j'ai perdu énormément de poids. Et là, je me souviens encore que ça a été difficile d'être prise en charge. En fait, j'ai d'abord été aux urgences après une... Une crise de boulimie où je n'avais pas réussi à me faire vomir. C'était la première fois et la seule fois que ça m'est arrivé où vraiment, j'avais beau tout tenter, ça ne sortait pas. Et j'ai complètement paniqué de me dire je ne peux pas garder tout ça à l'intérieur de moi. Je commençais à avoir des images de moi en train de m'éventrer pour sortir tout ce que j'avais mangé. C'était vraiment intolérable. Et j'étais en tel état de panique que j'avais appelé les pompiers. Les pompiers étaient venus, ils m'avaient emmené à l'hôpital à côté de chez moi. et quand j'ai essayé d'expliquer à l'hôpital ce qui s'était passé Ils m'ont fait sortir avec un anxiolytique et une boîte de laxatifs à ce moment là je pesais 37 kilos pour 1m73 et on m'a fait sortir avec une boîte de laxatif oh la vache et du coup ça a été extrêmement violent on a pas du tout compris et moi je m'attendais à ce qu'en arrivant aux urgences tout de suite ils prennent en charge ma dénutrition parce que là pour le coup c'était visible et en fait pas du tout et donc j'ai dû après appeler une psychiatre du CMP à côté de chez moi pour demander à être hospitalisée et elle a dit « il faudrait faire une demande pour Sainte-Anne » et en fait la demande n'a jamais été faite. Donc plusieurs semaines plus tard, je suis retournée voir cette psychiatre en disant « où est-ce que ça en est ? » J'ai redemandé à être hospitalisée, j'ai été prise en charge dans une clinique générale à côté de chez moi où là j'ai redemandé à ce qu'on fasse la demande pour Sainte-Anne, ça n'a pas été fait. Et finalement c'est ma grand-mère qui m'a trouvé une place à l'Institut Montsouris, qui avait un secteur spécialisé TCA. J'ai pu être prise en charge, mais en fait, il s'est passé six mois entre mon premier appel à l'aide en allant à l'hôpital et le moment où j'ai été prise en charge pour mes troubles alimentaires. Et à ce moment-là, je n'avais pas un IMC normal, j'étais vraiment très très basse et ça n'a pas été pris en compte. Et encore aujourd'hui, j'ai du mal à me dire mais comment cette psychiatre a pu me laisser repartir comme ça en fait ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est clair. Ouais, c'est clair. Mais en plus, ça a dû être terrible parce que c'est hyper difficile d'aller demander de l'aide. C'est hyper difficile de sortir du déni. C'est hyper difficile d'admettre aussi, tu vois. Et donc, c'est tellement... C'est difficile et c'est fragile. Donc, tu te pointes et on te laisse ressortir comme ça. Tu dis, ah ouais, donc, c'est qu'en fait, non, je ne suis pas légitime, je ne suis pas assez maigre. Enfin, tu vois tous les dangers qu'il y a autour de ça, finalement. de la non prise en considération de la situation réelle dans laquelle tu étais. C'est hyper dangereux. C'est clairement prendre le risque de... Enfin, comment dire ça ? Disons que c'est souvent mal compris et que la conclusion qu'on en fait, c'est « Ah, je ne suis pas assez mec, je ne vais pas assez mal, donc clairement, il faut que je maigrisse encore, etc. » Non, c'est horrible. Mais c'est hyper surprenant, du coup. C'est étrange. Cet enchaînement, ce parcours...

  • Speaker #1

    d'errance j'ai envie de dire où juste les professionnels prennent pas en compte font pas leur job quoi ouais ouais c'est clair c'était exactement ça le problème d'illégitimité où je me disais ah bah finalement si à l'hôpital ils me laissent repartir sans me parce que moi je m'attendais à ce qu'on sonde tout de suite et en fait ouais et du coup je me suis dit ah bah finalement je suis pas si malade que ça je suis pas si maigre et à ce moment là j'avais fait aussi la démarche de voir un nutritionniste un médecin nutritionniste ... Et qui m'avait conseillé de noter mes repas. Et en fait, avec du recul, je me dis, dire à une personne qui souffre d'anorexie de noter ses repas, c'est rajouter du contrôle sur le contrôle. Et c'est quelque chose dont je n'ai pas réussi à me séparer. Et encore aujourd'hui, je note absolument tout ce que je mange, les quantités, les calories, etc. Et donc en fait j'ai vraiment eu cette impression que dans ce parcours de soins jusqu'à aller à l'Institut Montsouris où là j'ai rencontré des professionnels compétents qui m'ont vraiment prise en charge, ça a été échec sur échec en fait et j'ai vraiment vu à quel point les personnes n'étaient pas formées aux troubles alimentaires du tout et j'ai vécu des trucs assez... assez dingue dans cette dernière hospitalisation à côté de chez moi, en clinique psychiatrique générale. En fait, c'est très étonnant, mais j'en ai un excellent souvenir. Je romantise beaucoup cette période parce que j'étais tellement livrée à moi-même, tellement... En fait, la maladie a pu prospérer, s'installer, s'insinuer dans toutes les parcelles de mon corps sur cette période-là parce que j'étais vraiment livrée à moi-même dans une clinique. où j'ai pu développer de l'hyperactivité, où je pouvais faire des crises, où je pouvais ne pas manger mes plateaux, qu'on ne me disait rien. Et ça a été vraiment compliqué. Et c'était encore moi qui ai fait la démarche de demander à être hospitalisée dans un service spécialisé. Et là, quand j'y suis allée, d'un seul coup, ça a... OK, ça y est, on me prend en charge, ça y est, on m'aide. Ça y est, on me comprend, on m'écoute, on m'entend. Et ça a été... Mais ça a été très, très long. Ça a été très difficile.

  • Speaker #0

    Et tu es restée combien de temps ? à la clinique Monsouris ?

  • Speaker #1

    Alors, j'y suis allée deux fois. La première fois, j'y suis restée deux mois et demi, je crois. Et la deuxième fois, j'y suis restée peut-être pareil, un mois ou deux. Et là-bas, j'ai été mise sous sonde. J'ai été suivie par une diététicienne, suivie par un psychiatre spécialisé. et qui me suivent toujours aujourd'hui et qui sont des personnes très compétentes que je remercie encore parce que ça n'a pas été facile à trouver.

  • Speaker #0

    Et là, actuellement, ces personnes-là continuent de te suivre. Tu es toujours bien entourée autour de la question des troubles alimentaires. Et comment ça se passe pour toi actuellement, justement ?

  • Speaker #1

    Ça reste très compliqué. En fait, je suis sortie de la clinique Montsouris il y a un peu moins d'un an. et et En fait, je suis sortie parce que mon chat avait des problèmes de santé, notamment des calculs urinaires qui étaient dus au stress et très probablement à mon absence. Et du coup, j'ai décidé de quitter la clinique pour m'occuper de mon chat, qui va beaucoup mieux maintenant. Mais du coup, je n'étais pas guérie, je n'étais pas soignée, je n'étais pas stabilisée en sortant. Et je suis passée par plein de phases différentes. En termes de poids, j'ai repris le poids que j'avais perdu. Là, je suis à mon poids d'état de base, on va dire, mais état de base, je ne pense pas à mon poids d'équilibre parce que ce n'est pas du tout un poids sans effort. C'est vraiment un poids que je maintiens avec des crises de boulimie, avec de l'hyperactivité, avec de la restriction. Aujourd'hui, c'est compliqué, ça prend beaucoup de place encore dans ma tête et dans mon quotidien. Je souffre encore d'hyperactivité, de crise de boulimie plusieurs fois par semaine et d'une grande restriction entre les crises et l'hyperactivité. Donc c'est encore quelque chose qui est compliqué, mais j'avance petit pas par petit pas. Il y a des petites choses que j'arrive à mettre en place et qui font que ça avance quand même. Je pense par exemple à la balance où je me pesais plusieurs fois par jour, je ne me pèse plus que tous les 3-4 jours. Le fait qu'avant je ne prenais pas du tout de repas, je faisais que des crises de boulimie, maintenant je prends deux repas par jour quand même. Donc il y a des petites choses qui avancent mais ça reste très compliqué quand même.

  • Speaker #0

    Ton corps, l'image de ton corps, l'image que tu renvoies reste quelque chose d'hyper présent dans ta tête et d'hyper important ?

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, ouais. Alors c'est... Encore une fois, c'est assez différent de ce qu'on a l'habitude d'entendre, mais disons que j'ai toujours été dans un corps normé. Depuis que je suis formée, je n'ai jamais été au-dessus des courbes, j'ai toujours eu un poids plutôt bas, j'ai toujours été plutôt mince. Mais il y a une quête de maigreur, vraiment, qui n'est pas de... pas d'être mince pour plaire aux autres, mais vraiment d'être maigre à faire peur. Et il y a cette recherche-là, qui est un peu à l'inverse du désir d'être désirable justement, c'est d'être indésirable. Cette recherche d'un corps malade en fait. Il y a vraiment cette volonté-là et que j'arrive pas encore très bien à expliquer, même si j'ai des pistes. Je sais qu'il y a une histoire de la place que je suis capable de prendre. En fait, j'ai du mal à me placer par rapport aux autres et du coup c'est comme si moins je prenais de place avec mon corps, plus mon corps était mince, moins je prenais de place et mieux je me sentais en fait. Donc il y a toujours cette question-là. Mais effectivement c'est... C'est pas tellement dans le regard des autres, parce que je sais, j'ai confiance aujourd'hui d'avoir un corps qui rentre dans les critères de ce qu'on attend, en fait. Mais ce ne sont pas mes critères à moi.

  • Speaker #0

    Ouais, ce que tu dis, moi, ça me fait vraiment écho à des choses que j'ai pu entendre déjà, où l'anorexie se maintient dans un but de représenter un peu la souffrance, tu vois. de rendre visible quelque chose qui est peut-être indicible. Ça peut paraître antinomique parce qu'effectivement, il y a une forme d'effacement dans la maigreur, dans cette recherche de maigreur. Et en même temps, ça se voit. C'est ça qui est parfois difficile aussi dans les autres troubles alimentaires. Par exemple, la boulimie, ça peut ne pas se voir du tout. L'hyperphagie, il peut y avoir une grande prise de poids, sauf que personne ne connaît l'hyperphagie. Donc, juste si les gens deviennent gros, on va juste partir du principe qu'ils ne font pas attention à eux. Mais l'anorexie, ça se voit. Et ça me fait flipper et ça fait réagir les gens. Ça fait réagir la famille. Donc, je ne peux pas m'empêcher, même si c'est peut-être un raccourci un peu facile par rapport à ton papa, où en plus de ça, ça s'est joué en même temps. quelque chose d'une souffrance qui est visible. Ça me rappelle vraiment une personne que j'avais accompagnée comme ça, qui avait subi des traumas terribles, terribles. Et en fait... guérir, sortir, en tout cas, même sans parler de la guérison totale, mais sortir de la maigreur, pour elle, ça revenait à faire penser aux gens que ça y est, elle ne souffrait plus. Et alors que personne n'avait pris conscience de sa souffrance. Et ce qui me fait écho à ça aussi dans ton histoire, c'est les professionnels de santé qui, en fait, en ont juste rajouté une couche, quoi, où tu vois, en fait, genre, t'étais même pas prise en charge. alors qu'il y avait plein de choses qui étaient visibles. Et je pense que ça, ça n'aide pas non plus. Oui,

  • Speaker #1

    c'est clair. Effectivement, il y a encore des moments où je vais me sentir très mal, où je vais avoir envie d'abandonner, où c'est vraiment difficile. Et en fait, la petite voix dans ma tête, elle me dit « Mais tu n'es pas maigre, tu n'as pas le droit d'être mal. » « Tu es plus maigre, tu es plus malade, tu es plus légitime. » tais-toi, t'es pas assez maigre, enfin il y a vraiment quelque chose comme ça qui vient, où effectivement il y a un problème de légitimité. Légitimité dans la maladie, légitimité dans la guérison, où je me dis là j'ai un corps qui est guéri et du coup les gens autour ont tendance à penser que je suis guéri alors qu'en fait dans la tête vraiment, enfin la noxie mentale elle est toujours très très présente et c'est vrai qu'il y a ce désir quelque part que ça se voit en fait. que je souffre. Parce que là, dans le corps normé et idéal selon la société, je vais très bien. Alors qu'en fait, c'est beaucoup plus compliqué que ça.

  • Speaker #0

    C'est comment ça pour toi ? Ce décalage ? Les gens qui pensent que ça va mieux et que t'es guérie, alors que non, pas du tout. Comment tu le vis ?

  • Speaker #1

    Plutôt mal, en fait. Ça, je pense que c'est assez général aux personnes qui souffrent d'anorexie. Mais les compliments du genre « Ah bah, t'as l'air en forme ! » Ah bah t'as l'air mieux, ah bah tu fais plaisir à voir. Et bah en fait c'est extrêmement vexant, contrairement à ce qu'on peut penser, même si c'est dit avec beaucoup de bienveillance, beaucoup de gentillesse et d'amour. Moi quand on me dit ah bah t'as l'air en forme, je comprends, ah bah t'es grosse. En fait, en caricaturant parce que je sais que c'est pas ce que ça veut dire, mais je me dis ah j'ai l'air en forme donc j'ai plus l'air malade, donc j'ai plus le droit d'aller mal. et donc je dois aller bien et donc j'ai l'air d'aller bien donc je dois aller bien et Et il y a pas mal ce truc-là qui est difficile par les proches. Alors mes proches proches vraiment sont au courant et font très attention, évitent ce genre de remarques. Mais des personnes un peu plus éloignées peuvent avoir ce genre de maladresse. Et puis les médecins aussi. Je me souviens avoir vu la médecine du travail. ou quand j'ai dû reprendre le boulot, donc j'ai dû revoir la médecine du travail, et la médecin me demande pourquoi j'ai été arrêtée, donc je lui explique, pour anorexie mentale et dépression, et il me dit « Ah, ben ça va mieux ! »

  • Speaker #0

    Au secours ! Oui, parce que l'anorexie mentale, c'est que l'extrême maigreur, et la dépression, tu serais dans ton lit. Donc ça veut dire que là, ça va mieux.

  • Speaker #1

    Voilà, donc là, ça a été... Il y a plein de fois comme ça, où « Ah, ben tu vas mieux ! » « Ah, ben ça va mieux ! » Et en fait, c'est très, très difficile à entendre parce que ça vient juste réactiver la maladie qui dit qu'on n'est plus assez malade, qu'on n'est plus légitime et qu'on n'a pas à se plaindre. Et du coup, j'ai eu beaucoup de mal à être reconnue pour cette maladie jusqu'au jour où j'ai rencontré le psychiatre qui me suit actuellement, qui m'a dit « mais madame, vous souffrez d'anorexie mentale » . et on va la combattre ensemble parce que cette maladie, elle va chercher à vous tuer, que ce soit par dénutrition ou par suicide, elle va chercher à vous tuer et on va la combattre ensemble. Et je me souviendrai toujours de ce moment là où je me suis dit, ah enfin quelqu'un qui qui entend, qui comprend, qui voit et qui veut m'accompagner et qui veut commencer le combat avec moi et ça a été un très très grand soulagement à ce moment là.

  • Speaker #0

    Quand tu as souffert, avant l'arrivée de l'anorexie, quand tu souffrais déjà de dépression et que tu as fait une tentative de suicide, comment ça a été reçu par tes proches et accompagné ensuite ?

  • Speaker #1

    J'avais déjà été hospitalisée avant pour des scarifications. En fait ça a commencé très tôt, je devais avoir 13 ans. Et à 13 ans j'ai commencé à me sentir mal, j'ai commencé à chercher des moyens de visibiliser cette souffrance. Et j'ai commencé à me scarifier comme ça. Et donc j'ai dû être hospitalisée une première fois parce que j'avais une plaie qui s'était infectée, j'avais dû être suturée, etc. Et donc du coup mes proches étaient déjà très inquiets pour moi à ce moment-là. C'était quelque chose de très violent à recevoir pour elle et eux. Alors pour mon père, je ne pense pas, parce que lui, la première fois qu'on a eu un rendez-vous avec un psychiatre, avec ma mère et moi, il a annoncé que lui était en dépression avant que moi j'aie eu le temps de dire quoi que ce soit. Donc bon, je pense que pour lui ça allait. Mais en tout cas, du côté de ma mère, c'était très difficile à vivre pour eux. Et en fait, depuis, j'ai l'impression qu'il y a une espèce d'inquiétude assez... assez général autour de moi, tout le temps, en fait, de la part de mes proches, parce que depuis que j'ai 13 ans, je me suis fait du mal de toutes les manières possibles et imaginables de se faire du mal. Donc, il y avait une inquiétude, il y avait une vigilance sur à peu près tout. Donc, quand j'ai arrêté de manger, les premières fois que je me suis fait au mien, ça s'est su tout de suite. Et ça a été vraiment très encadré par ma famille.

  • Speaker #0

    Enfin, en tout cas, une partie de ta famille.

  • Speaker #1

    Oui, voilà.

  • Speaker #0

    en tout cas une partie de ma famille comment tu le vis ça de savoir qu'il y a cette inquiétude comme tu dis quasi constante depuis que tu as autour de 13 ans c'est assez difficile à vivre en fait je suis du

  • Speaker #1

    côté de ma mère je suis fille unique et petite fille unique donc je suis vraiment la petite dernière de la famille un peu la petite pourrigatée pour qui tout le monde s'inquiète tout le temps Donc j'ai un petit peu cette sensation d'être dans un cocon de protection et d'amour. Et en fait c'est assez difficile à vivre parce que je sais que quand je me fais du mal, je leur fais du mal. Et il y a beaucoup de culpabilité qui est associée du coup. De culpabilité de me dire que je les inquiète, que je leur fais du mal, qu'eux ils se remettent en question alors qu'ils n'ont rien fait de mal. Je sais que notamment ma mère, elle se remet énormément en question. Elle a un peu toujours peur que tout soit de sa faute, alors que je n'ai rien à reprocher à ma maman, vraiment. Et du coup, c'est plus en ce sens-là que c'est difficile, dans le sens où je culpabilise de leur faire du mal, en fait, de les inquiéter.

  • Speaker #0

    Ok. Donc finalement, d'un côté, il y a ton père qui laisse une espèce de place vide. et puis toujours, qui fait beaucoup de mal, qui semble être quelque chose de très douloureux, et ça semble assez logique. Et d'un autre côté, il y a beaucoup d'amour, mais toute cette inquiétude et cet amour ont plutôt tendance à générer, ça apporte certainement du réconfort, mais en tout cas, ce que tu nommes en premier, c'est de la culpabilité. C'est étrange, parce qu'en t'écoutant, il y a un truc qui me... Je ne sais pas comment dire, qui me saute aux yeux. C'est une sorte de loyauté, des trucs dans lesquels... Ça va être difficile pour moi de mettre des mots dessus sur ce qui est passé par ma tête, mais tu sais, comme s'il y avait un truc juste qui t'empêchait de juste vivre ta vie à toi, tu vois, en étant complètement libre à la fois de tout ce qui se passe du côté de ton père et de tout ce passif avec lui. où j'entends que le passif, il remonte à loin. C'est-à-dire même peut-être quand tu étais in utero, visiblement, il s'est joué des choses, en fait. Un couple parental et voilà, il y a un truc qui découle sur toi, j'ai l'impression, depuis toujours. Mais aussi du côté de ta maman, tu vois, de pouvoir se défaire, même si, effectivement, tu viens de le dire, tu n'as rien à lui reprocher. Mais toi, ça génère beaucoup de culpabilité. Et je me dis, mais waouh ! Vu comme ça, de l'extérieur, en tout cas, je ressens un truc C'était un peu englué. Et où finalement, comment est-ce que tu peux juste développer ta vie, ton identité, tu vois, loin de tout ça, quoi ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a toujours eu cette espèce de paradoxe entre ma famille du côté maternel, qui était vraiment très, pour ne pas dire trop aimante, trop présente, vraiment aux petits soins, et le côté paternel complètement absent. Et du coup, une difficulté même à... à trouver ma valeur, entre guillemets, parce que d'un côté, j'avais l'impression qu'on me valorisait beaucoup trop, qu'on croyait beaucoup trop en moi, qu'on m'imaginait capable de choses incroyables, et je ne me sentais pas à la hauteur de ces attentes-là. Et d'un autre côté, j'ai été oubliée, j'ai été laissée sur le côté, j'ai été abandonnée. Et donc du coup, mon rapport à moi-même, mon égo, n'a pas réussi à se construire là-dedans, entre la détestation et l'adoration, et qu'il y a un espèce de micmac qui s'est fait là-dedans et qui a été très difficile.

  • Speaker #0

    Ouais. Tu penses qu'on peut trop aimer ?

  • Speaker #1

    Je sais pas. Je sais pas. En tout cas, je pense qu'on peut trop protéger, qu'on peut trop... trop valorisé aussi. Et qu'en fait, cette valorisation et cet amour, cette attente, ça peut être une certaine pression. Je sais que moi, depuis que je suis petite, j'ai toujours des grands projets qui n'aboutissent pas et à chaque fois que j'ai un nouveau projet, toute ma famille me soutient, toute ma famille s'investit dans ce nouveau projet, parce qu'ils y croient, vraiment. Et souvent, quand je ne vais pas au bout, quand j'arrête, quand j'abandonne, du coup, il y a beaucoup de culpabilité, parce que tout le monde m'a suivi, tout le monde était à fond avec moi. Et qu'il n'y a pas vraiment de nuance, en fait, dans cet amour-là, dans cette reconnaissance, dans cet espoir, en fait, que je peux représenter.

  • Speaker #0

    Ouais, mais tu vois, encore une fois, ça ne t'appartient pas, ça, j'ai envie de dire. Toi, tu mènes ton projet et pour X ou Y raisons, il n'aboutit pas. Ce matin, j'écoutais un podcast où les deux personnes parlaient de ça, tu sais, des échecs et tout. Et lui, il disait, c'est un mec relativement connu, un humoriste, qui dit, mais attends... Je veux dire, si on a deux réussites pour 18 ou 20 échecs, c'est déjà bien, quoi. C'est ça, la normalité d'un être humain, tu vois. Et du coup, bon, ben voilà, ça fait partie de la vie. C'est jamais très agréable à vivre, mais on n'est pas entraînés non plus, je trouve, déjà, à vivre l'échec. Mais du coup, tu vis ton truc. Et en fait, tu dis, putain, je porte la culpabilité. Enfin, je culpabilise parce que tout le monde était à fond derrière moi, quoi. Oui, mais en fait, bon, ça, après, le fait que les autres s'investissent, toi... j'ai envie de dire, tu vois, ça ne t'appartient pas. Et je me disais aussi, encore une fois, quand je t'écoutais, je voyais les deux facettes encore. Tu vois, le côté, ouais, j'ai plein de projets, c'est trop cool. J'y vais, je me lance, je me lance dans des projets. Et là, je me dis, ah tiens, là, tu te laisses porter peut-être par toute la valeur qu'on t'a accordée quand tu étais petite fille et tout ça. Mais dans quelle mesure le fait d'échouer... ne te permet pas d'être en loyauté aussi peut-être aux côtés de ton père un côté plus exigeant qui croyait peut-être moins en toi enfin tu vois j'avoue qu'il y a une espèce de bascule qui continue de se faire en fait entre les deux tu vois enfin bon je sais pas et je me dis mais en tout cas voilà moi je me dis qu'il y a peut-être et tu l'as sûrement fait déjà mais un travail super intéressant à faire en psychothérapie vraiment autour de la du fait de couper des loyautés familiales, parce qu'on est loyal aussi à des personnes qui nous ont fait énormément souffrir, auxquelles on ne s'attend pas, tu vois. C'est-à-dire que si on questionnait la loyauté que tu as du côté maternel, je pense que ce serait assez facile pour toi de le nommer, de le reconnaître. D'ailleurs, ne serait-ce que la culpabilité que tu ressens, toi, juste d'avoir l'impression de leur faire de la peine ou de les décevoir ou quoi que ce soit, on voit bien le lien et la loyauté qu'il y a. Mais je pense qu'il y a aussi des liens de loyauté du côté paternel qui sont peut-être plus difficiles à voir, mais qui potentiellement sont un peu comme des boulets à tes pieds. Tu vois ?

  • Speaker #1

    Oui, très bien.

  • Speaker #0

    Après, je ne sais pas. Et puis, je pense que tu vas encore explorer des tas de choses. En tout cas, je pense que tu l'as entendu dans mes podcasts. Moi, je reste persuadée qu'on peut se sortir d'un trouble alimentaire sans avoir besoin d'aller tout régler. Tu vois ? et je trouve ça intéressant ce que tu disais aussi tout à l'heure sur les pots de santé qui prenaient pas en charge le trouble alimentaire parce que pour eux c'était simplement relié à autre chose et tout, je crois que c'est une énorme connerie et je pense que, j'espère que les choses bougent dans les prises en charge et que ça arrivera de moins en moins parce qu'aujourd'hui on sait que c'est une pathologie à part entière et oui c'est une... comorbidité de la dépression, on sait que tout ça, ça va très souvent ensemble, il n'empêche que tout doit être pris en charge, et que le comportement alimentaire et tout ça. Mais justement, parlons de comportement alimentaire et parlons de végétarisme et de véganisme. Ça m'intéresse, non, je vais, j'allais dire ça m'intéresse, virgule, et parler d'autres trucs, mais j'ai assez parlé comme ça, je donnerai peut-être mon point de vue après. Je veux bien que tu en parles un peu parce que tu dis que c'est un peu un esprit de contradiction qui t'a poussé à devenir végétarienne. Mais depuis, tu es devenue végane. Oui. Comment ça s'est fait ? Quand est-ce que ça s'est fait ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis devenue végane il y a un peu plus de trois ans. Et c'était très lié à mes troubles alimentaires en plus. Parce qu'à ce moment-là, je retombais dans... la boulimie vomitive, ou du moins, je ne sais plus si je retombais dedans ou si j'y étais, tout simplement. Et en fait, je faisais des crises, je me faisais vomir très régulièrement. Et j'étais retombée sur la vidéo d'un youtubeur que j'aime beaucoup, Link The Sun, pour celles et ceux qui connaissent, qui l'avait fait il y avait plusieurs années sur le véganisme, justement. Et en fait, il concluait un petit peu cette vidéo en disant, moi je ne pousse personne à devenir végane, mais j'invite tout le monde à se questionner sur son alimentation et ses valeurs. Et en fait, à ce moment-là, moi ça m'a fait un gros tilt. Et je me suis dit, mais peut-être que si je n'arrive pas à manger et que ce que je mange le vomit, c'est peut-être parce que je ne suis pas d'accord avec ce que je mange en fait. Et c'est peut-être qu'il y a quelque chose qui n'est pas raccord dans... dans ma façon de faire et ma façon de penser. C'est-à-dire que j'étais végétarienne depuis très longtemps, du coup, en fait, j'avais voulu être végétarienne autour de 7-8 ans après cet épisode avec l'agneau. Ma mère avait été d'accord au début, et puis après, comme on ne s'y connaissait pas, comme on ne s'y connaissait pas très bien en alimentation, qu'à ce moment-là, j'étais intolérante au lactose, bon, ça a été compliqué quand j'étais petite, mais du coup, quand j'ai été adolescente à 13-14 ans, j'ai pu dire, je veux être végétarienne. et donc voilà dix ans plus tard il y a environ trois ans je me suis dit, mais en fait, je ne suis pas d'accord avec ce que je mange. En fait, depuis toujours, je me dis que si je m'écoutais, je serais végane et que si j'allais au bout de mon idée, je serais végane. Et peut-être qu'en fait, c'est juste ça qui bloque. Peut-être que si je n'arrive pas à m'alimenter, c'est parce que je ne suis pas d'accord avec mon alimentation. Et quand j'ai pris cette décision, ça a tout résolu du jour au lendemain. Vraiment, ça a été... Du jour au lendemain, je ne faisais plus de crise, je n'avais plus de restrictions, pas d'hyperactivité, rien du tout. Et puis, il y a eu une réactivation traumatique, du coup, il y a un an et demi, deux ans. Et ça a réactivé les troubles alimentaires. Mais en tout cas, sur le moment, ça avait vraiment été assez magique.

  • Speaker #0

    Et ça a duré combien de temps, cet effet un peu magique ?

  • Speaker #1

    Je dirais un an, un an et demi.

  • Speaker #0

    Ok. Sans crise, sans restrictions et tout ?

  • Speaker #1

    Oui, ça a été assez impressionnant. Oui, c'est fou. Je me suis vraiment dit que j'en étais sortie, que j'avais trouvé d'où venait le problème et que j'en étais sortie. Alors finalement, ce n'est pas si simple que ça. Mais en tout cas, sur le coup, autant quand je suis devenue végétarienne et que je suis sortie de l'anorexie restrictive à ce moment-là que quand je suis devenue végane et que je suis sortie de la boulimie vomitive, c'est arrivé vraiment à des moments... à des moments clés et ça m'a permis de passer des étapes, d'avancer. Plutôt bien de remettre en question quelles étaient mes valeurs et comment est-ce que je consommais par rapport à ces valeurs.

  • Speaker #0

    Ça répondait aussi peut-être à ton fameux besoin de cadre dont tu parlais, où tu vois, tu réintroduis quelque chose, malgré tout, quand même d'assez rigide. Alors après, on peut en échanger. C'est l'image que j'ai d'une alimentation végane qui demande quand même beaucoup d'adaptation dans le monde dans lequel on vit. Quand on regarde les produits qu'on consomme, si on veut qu'il n'y ait rien, rien, rien d'origine animale, c'est quand même complexe. Donc je me dis, peut-être que c'est ça aussi qui a apaisé les symptômes. Peut-être qu'il y avait une réponse aussi à un besoin de cadre, à effectivement un besoin d'alignement avec tes valeurs, puisque ces valeurs-là, elles sont là. depuis tellement petite que effectivement, ça y répond. Du coup, là, tu dis que tes troubles alimentaires, ils sont revenus depuis un an et demi à peu près. Comment ça se gère tout ça ? Quel regard aujourd'hui tu poses là-dessus ? C'est-à-dire que, OK, il y a eu l'effet un peu magique de devenir végane. Est-ce qu'aujourd'hui, c'est toujours un facilitateur d'être végane ou est-ce que tu as l'impression que des fois... ça complique un peu les choses ou ça fait flamber les TCA ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai plutôt l'impression que c'est un facilitateur, dans le sens où c'est tellement évident pour moi aujourd'hui de ne plus consommer de produits issus de l'exploitation animale, qu'en fait tout ce qui était tentant, tout ce qui était trigger... ne l'est plus. Par exemple, je me souviens qu'il y a 4-5 ans, quand je me promenais dans la rue, chaque boulangerie était trigger, chaque boulangerie était l'appel à la crise. Et en fait, aujourd'hui, je me suis tellement dit que c'était des choses que je ne mangeais pas, que je ne pouvais pas manger, que je ne voulais pas manger, qu'en fait, ça ne me trigger plus. Et donc, il y a cette espèce de... par rapport à la boulimie vomitive, en tout cas, c'est facilitateur dans le sens où j'ai moins de tentations. Je suis moins attirée vers ces produits-là, qui étaient très attirants avant et qui du coup ne le sont plus du tout. Après, ça a été difficile dans les hospitalisations, dans les dernières, parce que le monde médical n'en est pas là. Et donc, quand j'ai été hospitalisée dans la clinique générale à côté de chez moi... Ils m'avaient dit « Oui, oui, il n'y a pas de souci, on peut faire vegan. » Sauf qu'en fait, je me suis rendue compte qu'ils avaient juste retiré du plateau tout ce qui n'était pas vegan. Donc au final, je n'avais rien à manger. Donc ça n'a pas été possible. Et du coup, j'ai dû faire un compromis et accepter de repasser à du végétarisme pendant cette hospitalisation. Ce qui a été assez violent et assez difficile à vivre quand même. De devoir remanger des aliments face auxquels je m'opposais vraiment politiquement, on va dire. Et puis, par contre, à Montsouris, là, ils ont pu faire 100% vegan avec des repas complets et des repas à peu près diversifiés. Donc, ça a été... Là, ça s'est bien passé. Donc, effectivement, ça met un cadre. Mais en même temps, ce que j'ai remarqué quand je suis devenue vegan et qu'il y a eu cet effet un peu magique, c'est qu'au début, j'ai eu peur de supprimer énormément de mon alimentation. Et en fait, je me suis rendu compte que j'en ajoutais bien plus que j'en retirais. Que le fait d'aller chercher ses protéines, son calcium, son fer ailleurs, ça faisait qu'en fait, je diversifiais beaucoup plus mon alimentation qu'avant. Qu'en fait, j'avais plus envie de cuisiner, que j'allais plus rechercher des saveurs, que j'allais plus tester des nouveaux produits parce que, il y a dix ans, c'était pas comme aujourd'hui. Aujourd'hui, dans les magasins, il y a énormément d'alternatives végétales. Et donc, il y avait plein de choses à goûter, plein de recettes à tester, plein d'aliments à découvrir. Donc je dirais qu'au départ, sans troubles alimentaires, c'est une alimentation qui est encore plus variée, diversifiée et plaisante qu'une alimentation omnivore comme j'avais avant, ou même végétarienne, où j'étais vraiment toujours sur les mêmes repas, sur les mêmes produits, sur les mêmes habitudes. justement en mettant un cadre et en disant, voilà, toutes ces choses-là, on n'y touche pas, en fait, ça ouvre encore plus de possibilités dans les légumes, les légumineuses, les oléagineux, les fruits. Donc au final, ça a été plutôt facilitateur. Et ça a été juste dans le cadre de l'hospitalisation où ça a été plus compliqué.

  • Speaker #0

    OK. Et quand tu dis tout à l'heure, un peu en préambule, tu disais que tu avais toujours une alimentation très restrictive aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    et Comment ça se concrétise, comment ça se manifeste alors ?

  • Speaker #1

    Très concrètement, aujourd'hui, je mange deux repas par jour, deux repas très pauvres. Je mange en gros le midi un demi-concombre et dix tomates cerises avec un yaourt de soja. Et le soir, je mange un bouillon de légumes avec du konjac. Je ne sais pas si tout le monde voit ce que c'est le konjac, mais en gros, c'est sous forme de pâte, mais c'est de l'algue et ça contient zéro calorie, en fait.

  • Speaker #0

    Et c'est dégueulasse.

  • Speaker #1

    C'est pas terrible. Terrible. Donc voilà, avec une pomme et un yaourt, donc c'est vraiment très, très restrictif. Et j'en ai bien conscience, mais mon compagnon qui vit avec moi, mon fiancé, il est végane aussi et il a une alimentation tout à fait intuitive et variée, plaisante. Ouais,

  • Speaker #0

    ok. C'est-à-dire que tu sépares les choses. Tu disais que le véganisme, t'as eu l'impression que ça avait davantage ouvert, finalement, l'alimentation. Et là, t'as refermé complètement quelque chose. Et tes compulsions ? Ça veut dire que c'est des compulsions aussi très contrôlées que tu vas faire ? Tu vois, tes crises, c'est sur des aliments sains aussi que tu les fais ?

  • Speaker #1

    Alors, l'alimentation végane n'est pas forcément saine.

  • Speaker #0

    Non, mais je ne parle pas de l'alimentation végane, mais plutôt de l'alimentation restrictive que tu as, c'est-à-dire concombre, tomate.

  • Speaker #1

    Non, pour le coup, les crises ne sont pas saines du tout. Ça va être beaucoup de féculents, beaucoup de produits industriels, ce qu'on appelle des simili-carnés, des faux steaks, des faux nuggets, ce genre de choses. Après, j'ai l'impression que oui, les crises sont contrôlées dans le sens où c'est très rare que la crise me surprenne. En général, elle est plutôt programmée. Je sais ce que je vais manger, je sais en quelle quantité. Il y a toujours cette notion quand même de perte de contrôle, je pense, parce que si j'avais le choix, je ne les ferais pas ces crises. Mais oui, les crises, en tout cas, sont toujours vegan et sont toujours dans un certain contrôle quand même. Oui,

  • Speaker #0

    petite explication. Quand je disais saine, c'est parce que je rentre dans... dans ton mode de vie lié à l'anorexie. C'est-à-dire qu'à mon sens, il n'y a pas... Par exemple, manger plein de pâtes, à mon sens, ça peut être très, très sain. Donc, je fais un petit disclaimer quand même pour expliquer ça. Et j'avais aussi envie de... parler du risque à devenir vegan. Je vais m'expliquer. En fait, là, et d'ailleurs, c'est très intéressant parce que, par exemple, quand tu fais des crises, tes crises sont vegan. Et ça, c'est assez parlant. Moi, j'ai accompagné différentes personnes qui étaient vegan et qui faisaient des crises monumentales sur beaucoup de produits laitiers, tu vois, sur du fromage, des glaces. voire même sur de la viande. Je trouve que c'est intéressant à regarder. Il y a des personnes qui deviennent véganes pour différentes raisons. Il y a aussi quelque chose, on s'imagine que le véganisme, c'est un super moyen pour perdre du poids, pour être mince, pour manger sain, pour machin. En fait, tout ça, c'est des conneries, on est bien d'accord, tout comme le manque de protéines ou quoi. J'aimerais rappeler qu'il y a des grands champions, des sportifs qui sont véganes. Donc, voilà, ça n'a rien à voir. Et que du coup, quand on l'est pour les « mauvaises raisons » , pour des raisons de diète culture, de perte de poids, de toute façon, ça va être dangereux et compliqué à maintenir. Mais même dans le cas, je me souviens d'une personne que j'ai accompagnée où vraiment la cause animale, un peu comme toi, franchement, depuis toute petite et tout ça, c'était très important pour elle, mais il n'empêche que, et c'était difficile pour elle de l'admettre en plus, il y avait de la honte en fait. à faire des compulsions sur des produits d'origine animale. Et en fait, on a vachement bossé ensemble sur le fait de prioriser et de se dire, OK, à un moment donné, si tu laisses ta santé ou si tu meurs, je ne vois pas en quoi tu vas défendre la cause animale. Donc peut-être que c'est intéressant de prioriser la guérison de tes troubles alimentaires et que pour ça, il va falloir remanger quelques produits. Donc elle n'a pas du tout réintroduit de viande, de poisson. Mais par contre, elle avait réintroduit du beurre, tu vois, des choses comme ça. Et donc, voilà, j'avais envie de préciser ça parce qu'il y a parfois ça qu'on observe. Et je me dis, tu vois, il y a plein de gens qui vont écouter notre épisode de podcast et que ton histoire, elle est trop chouette et je suis trop contente que tu aies amené ce témoignage-là. Et je ne peux pas m'empêcher d'avoir un peu peur que des gens se disent « Ah ouais ? » Mais vas-y, mais moi aussi, je vais devenir végane et je vais guérir de mes troubles alimentaires. En fait, entendez bien, s'il vous plaît, à quel point cette histoire, l'histoire de Marion, est une histoire, comme chacune a son histoire, qui est nécessairement unique et qui correspond à ton parcours. Donc, je trouve ça hyper intéressant quand même qu'on puisse en parler dans ce podcast, parler aussi du végétarisme et du véganisme qui ne sont pas... Aujourd'hui, grâce au... Comme tu le disais, il y a énormément de choix. Donc, ce ne sont plus des alimentations qui vont être égales à de la restriction. Je pense que c'est possible de vraiment diversifier, mais qu'effectivement, ça va nécessiter des adaptations et pas mal de cuisine, je pense. Je pense que tu peux en témoigner. Et voilà, et attention à ce pour quoi on fait les choses. Je pense que pour toi, si ça a eu cet effet-là aussi, c'est parce que c'était ultra raccord avec tes valeurs, en fait. qu'il y avait quelque chose de... Je ne sais pas, est-ce que tu as envie de rebondir sur ce que je viens de dire ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Effectivement, je ne dis à personne que devenir végane, ça va sauver des troubles alimentaires ou même faire maigrir. Je sais que ma mère est devenue végane un peu dans la suite de moi, parce qu'on a eu un échange un peu houleux à ce sujet-là. Du coup, elle a pris la décision de devenir végane aussi et elle a pris 10 kilos. Ça ne veut pas dire... Mon conjoint, depuis qu'il est végan, il a pris du poids parce qu'en fait il mange beaucoup plus,

  • Speaker #0

    beaucoup mieux,

  • Speaker #1

    beaucoup de choses qui lui font plaisir. Et en fait, il y a une certaine forme de compensation qui fait qu'au final, il veut aussi prendre du poids tout en étant végan. Moi, dans mon cas, ça a stabilisé, mais finalement, ça n'a pas suffi. à me sortir définitivement des troubles alimentaires, mais je pense que en tout cas ce qui peut être intéressant pour tout le monde je pense c'est de se questionner en fait sur ses valeurs.

  • Speaker #0

    Et ce qu'on en fait dans le sens où, c'est quelque chose que j'aime beaucoup dire, mais notre carte bleue, c'est notre bulletin de vote. Et en fait, à chaque fois qu'on achète quelque chose, à chaque fois qu'on consomme, on vote pour quelque chose. Et que ça peut être intéressant de se poser la question d'avec quoi je suis raccord ou je ne le suis pas. Qu'est-ce qui est raccord avec mes valeurs ou pas ? Ça peut être plein de choses. Ça peut être effectivement la viande, le poisson, les produits laitiers. Mais ça peut être aussi, pourquoi pas, l'huile de palme. Ça peut être aussi... certaines marques, il y en a qui vont boycotter Coca-Cola ou Nutella ou même dans ses achats quotidiens dans les achats de vêtements, éviter la fast fashion ce genre de choses je pense que c'est toujours intéressant de se questionner sur notre consommation et sur nos valeurs je pense que ça ne peut pas faire de mal d'être plus raccord avec ces valeurs peu importe les achats concernés oui

  • Speaker #1

    c'est vrai oui oui Mais comme je suis un peu une chieuse, je ne peux pas m'empêcher d'ajouter, ça ne peut pas faire de mal, mais quand on a des troubles alimentaires, ça peut être glissant. Je pense malgré tout qu'une personne qui a des troubles alimentaires et qui se dit, mais ouais, mais carrément, moi, j'ai envie de devenir végane parce que ça me révolte l'exploitation animale et tout ce qu'on fait, tout ce qu'on fait subir aux animaux et voilà, tutti quanti, et qu'en fait, ça risque, ça peut. entendez que ça peut faire flamber quand même les troubles alimentaires et que ça peut être intéressant dans ce cas-là d'être accompagné, du coup. Je pense aussi. Aussi parce que c'est intéressant de prendre les infos, même si aujourd'hui, je pense que sur les réseaux, enfin sur Internet, il y a quand même plein d'infos sur comment pallier au fait de ne plus consommer, notamment de protéines d'origine animale. Mais ça peut être cool si vous avez des TCA et que vous vous questionnez là-dessus. peut-être aller vers une diète, si possible spécialisée TCA, et parlez-lui de ça, et elle pourra vous accompagner peut-être dans la végétalisation de votre alimentation, si elle s'en sent capable.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Et puis, ce que je trouve important de dire aussi, c'est que le véganisme n'est pas une religion, et qu'il n'y a pas d'interdit, en fait. Il n'y a pas d'aliment interdit. C'est-à-dire que je ne me suis jamais interdit, si un jour j'ai envie de manger une pizza à quatre fromages, je mangerai une pizza à quatre fromages. Et que ça ne doit pas, comme tu disais très bien, être un outil de la restriction en fait. C'est un choix qu'on fait, ce ne sont pas des règles fixes et ça ne soigne pas d'un trouble alimentaire. Et si on souffre soi-même de troubles alimentaires, il faut pouvoir être... Être flexible aussi, comme moi j'ai pu l'être dans cette hospitalisation, on m'a dit non, vegan ça ne va pas être possible, il va falloir être végétarienne. La priorité c'est la santé et c'est comme ça. Et je sais qu'après c'est pour mieux reprendre derrière, mais que ce ne sont pas des interdits religieux, ça ne doit pas être restrictif au contraire.

  • Speaker #1

    Pas au détriment de la santé globale, très intéressant. Qu'est-ce que tu penses ? Attention, question ! Une question, je crois que je ne l'ai jamais posée avant, mais j'ai envie de te demander ça comme ça. Qu'est-ce que... J'ai deux façons de la poser. Qu'est-ce que tu penses qu'il te manque là pour aller vers la guérison ? Ou qu'est-ce que tu penses que tu as à devoir faire dans les mois à venir ? Comment tu vois la suite ?

  • Speaker #0

    C'est compliqué. Je pense que je suis trop... Trop enfermée dans mes habitudes. Aujourd'hui, je vis dans l'appartement dans lequel je vivais avec ma mère. Ma mère a déménagé mais m'a laissé l'appartement. L'appartement dans lequel je suis tombée malade la première fois et dans lequel je vis depuis plus de 15 ans. Et je pense qu'il me manque un changement dans ma vie, quelque chose qui vienne un peu bousculer ces habitudes qui sont trop ancrées depuis trop d'années. et c'est en projet avec mon fiancé qu'on déménage en province d'ici l'an prochain donc je pense que ça c'est quelque chose qui me ferait vraiment du bien parce que pour le coup j'ai du mal à évoluer dans cet environnement où la maladie est installée depuis très longtemps

  • Speaker #1

    Ouais c'est intéressant tout à l'heure je t'ai parlé de loyauté à ton père à ta mère, aux familles maternelles, paternelles on pourrait parler aussi de la loyauté à la maladie et de Merci. et que là, peut-être que le lieu te ramène à cette loyauté aussi à la maladie, un morceau d'identité que tu aimerais peut-être décoller. Oui, c'est intéressant.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    OK. Qu'est-ce qui t'a aidé sur ton parcours et qu'est-ce qui pourra t'aider à l'avenir, tu penses ?

  • Speaker #0

    Mon entourage m'a beaucoup aidée. Je pense notamment à mon conjoint qu'on s'est rencontré il y a quatre ans. Il a appris à comprendre la maladie, à connaître ses mécanismes. Aujourd'hui, c'est devenu quelqu'un de très aidant, de très à l'écoute, de très bienveillant et qui comprend vraiment la maladie et le fait de me dissocier des symptômes. Donc c'est quelqu'un qui peut être très aidant au quotidien. Après, ce qui m'aide beaucoup, c'est mon suivi aussi avec ma psychologue, mon psychiatre, ma diététicienne, qui sont vraiment chouettes. Je pense notamment à ma diététicienne qui est formée au TCA, que j'ai rencontrée à Montsouris, donc qui est très compétente dans ce domaine-là et qui est OK avec le fait que je sois végane, ce qui n'était pas assuré, parce que souvent, justement, on va un peu faire ce raccourci de... Le véganisme, c'est restrictif, donc c'est un outil de la maladie, donc il ne faut pas, etc. Et j'ai été beaucoup confrontée à ça, de « ah bah oui, mais il faut manger de la viande » ou je ne sais quoi. Et elle, elle n'était pas comme ça, au contraire, elle m'a vraiment prise comme j'étais. Et elle construit avec moi autour de mes valeurs, autour de mes problématiques. Donc je pense que le fait d'être accompagnée par des professionnels formés, vraiment qui... Parce que ce n'est pas le cas de tous les professionnels, clairement, et je suis tombée sur des personnes qui m'ont dit des dingueries. Mais en tout cas, des personnes formées, c'est vraiment très aidant.

  • Speaker #1

    Dernière question du podcast que j'aime bien poser, c'est de savoir ce que tu aimerais transmettre aux personnes qui sont en train de nous écouter, qui sont peut-être en plein tourbillon des TCA, ou peu importe là où elles en sont. En tout cas, qu'est-ce que tu voudrais transmettre aux personnes qui souffrent d'un trouble alimentaire ?

  • Speaker #0

    que je sais que c'est très douloureux, que c'est super difficile à vivre et surtout que le poids qu'on fait, l'apparence qu'on a ne dit rien de la tempête intérieure. Et qu'il ne faut pas hésiter à demander de l'aide très concrètement, même si on ne s'en sent pas légitime. Parce que la souffrance, elle est mentale, elle n'est pas physique. Elle peut devenir physique, bien sûr, mais elle se passe dans la tête. Et que je sais qu'on peut être à un poids très bas et se sentir très bien, comme on peut être à un poids normal ou même à un poids haut et se sentir très mal. Et qu'il ne faut pas attendre d'avoir atteint un certain poids pour demander de l'aide. Il ne faut pas attendre que les professionnels autour s'inquiètent pour demander de l'aide. Il faut y aller quand on sent qu'on en a besoin.

  • Speaker #1

    Aussi difficile que ça puisse être.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait. Oui, complètement. Écoute, merci beaucoup pour cet échange que j'ai trouvé très riche. Merci pour être venue aussi parler de ce sujet de, finalement, on pourrait appeler ça un régime alimentaire, quelque part, d'être végane, végétarien. Je trouve ça très intéressant. Effectivement, je n'en avais encore jamais parlé dans le podcast. Et je suis hyper contente que... T'es trouvé ce suivi, ces professionnels qui effectivement acceptent de t'accompagner en respectant ces convictions qui sont fortes et, comme tu l'as dit, identitaires chez toi. Je pense que c'est tellement important de prendre les personnes dans leur unicité, tu vois. C'est trop chouette. Moi, j'ai envie de te souhaiter tout le meilleur. J'ai envie de te souhaiter... d'oser être toi-même, de couper les liens qui t'encombrent là et les boulets que tu traînes à la patte. Et j'ai plutôt confiance dans le fait que tu arriveras à trouver les ressources et les aides autour de toi. Mais en tout cas, un immense merci pour être venue parler de ces sujets douloureux et d'avoir accepté de transmettre aux personnes qui m'écoutent.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi de m'avoir reçue dans ce podcast et de m'avoir permis de m'exprimer sur ces sujets. C'est vraiment chouette.

  • Speaker #1

    Avec grand plaisir. Un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode. Comme je te le dis souvent, ton soutien est super important. C'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui. Alors, si mon contenu t'apporte de l'aide, d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast, en parler autour de toi, à tes proches, mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles. notamment sur Spotify ou Apple Podcast ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. Effectivement, tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté. Merci, merci beaucoup. C'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer. Je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible. Et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation de Marion

    01:27

  • Ses souvenirs d’enfance autour du corps / de l’alimentation

    02:46

  • Le moment de la bascule vers les régimes et les TCA

    09:42

  • La difficulté à voir ses TCA pris en charge

    17:38

  • Où en est Marion aujourd’hui

    24:57

  • Végétarisme et véganisme

    44:25

  • Ce qui l’a aidée sur le parcours

    01:04:20

  • Ce que Marion aimerait vous dire

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L’échange que je vous propose avec Marion est d’une grande richesse et nous permet d’aborder plein de choses :

Les enjeux relationnels (notamment familiaux) des troubles alimentaires, 

La difficulté de la prise en soin, particulièrement si d’autres pathologies sont associées au trouble alimentaire,
La question des loyautés familiales,
La cause animale, le choix du végétarisme et du véganisme


Merci Marion d’être venue témoigner en toute transparence à mon micro. 


Au programme : 


Présentation de Marion

Ses souvenirs d’enfance autour du corps / de l’alimentation
Le moment de la bascule vers les régimes et les TCA

La difficulté à voir ses TCA pris en charge

Où en est Marion aujourd’hui
Végétarisme et véganisme

Ce qui l’a aidée sur le parcours

Ce que Marion aimerait vous dire




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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Marion sur le podcast, je suis contente de t'accueillir aujourd'hui pour discuter.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, je suis ravie d'être là aussi.

  • Speaker #0

    Trop bien, on va prendre le temps d'échanger sur toi, sur ton histoire, ton parcours. parce que tu avais envie de pouvoir apporter ton témoignage. Et un grand merci pour ça, parce que c'est hyper utile. Je pense que tu es bien placée pour savoir que d'entendre d'autres personnes raconter leur histoire, ça peut vraiment permettre à plein d'autres personnes qui vont écouter de se reconnaître, s'identifier et donc peut-être aussi de trouver des clés. Donc pour commencer, je te propose de te présenter de la manière dont tu as envie.

  • Speaker #1

    Moi je m'appelle Marion, j'ai 26 ans. J'ai une grande conviction dans la vie qui tourne autour des animaux et du respect envers les animaux. C'est une valeur que j'ai depuis que je suis toute petite, depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Et c'est pour ça que ça fait trois ans que je suis végane, un peu plus de dix ans que je suis végétarienne. Donc c'est vraiment quelque chose qui est mon moteur dans la vie. C'est mon travail, c'est vraiment ce qu'il y a de plus important pour moi. À côté de ça, je vis avec deux Ausha et un cheval. Donc je suis bien entourée d'animaux aussi. Et pour rentrer dans le vif du sujet, je souffre de troubles du comportement alimentaire depuis un peu plus de dix ans.

  • Speaker #0

    Ok, merci pour cette présentation qui pose déjà le cadre effectivement de qui tu es, mais aussi de pas mal de choses autour de l'alimentation. ça promet d'être très intéressant tu le sais j'aime bien ramener les personnes qui viennent intervenir dans le podcast à des souvenirs d'enfance et j'avais envie de te poser aussi cette question qu'est-ce qui te revient à toi quand il s'agit de rapport au corps ou d'alimentation c'est quoi le ou les souvenirs les plus marquants autour de l'enfance pour toi alors

  • Speaker #1

    il y en a plusieurs j'irais au niveau de l'alimentation, le premier qui me vient et qui fait écho à ce à ce que je disais, je devais avoir 7 ou 8 ans. Et j'étais au restaurant avec ma mère, ma meilleure amie et la mère de cette meilleure amie. Et la mère de ma meilleure amie a commandé de l'agneau. Et c'est à ce moment-là que j'ai compris, en fait, que la viande qu'on me servait à manger venait des animaux. Et du haut de mes 7 ou 8 ans, j'ai tapé un scandale monstrueux dans le restaurant en disant que c'était un crime, que c'était... Atroce et donc du coup j'ai vraiment ce souvenir là très précis de cette prise de conscience alimentaire qui avait rien à voir avec mon corps ou mon poids qui était vraiment un autre type de prise de conscience mais qui avait été très très fort. Donc ça c'est un peu le premier souvenir alimentaire vraiment que j'ai. Après au niveau de mon rapport au corps, je sais que ça a toujours été compliqué en fait à partir du moment où j'ai été en contact avec d'autres enfants. Je suis plutôt grande et j'étais assez bien portante petite, j'ai jamais été au-dessus des courbes mais j'étais en haut des courbes et je me souviens qu'à l'école, dès la... Peut-être dès la maternelle ou dès la primaire, en tout cas, je me comparais déjà beaucoup aux autres. J'avais déjà ce sentiment d'être plus grosse que les autres, mais je ne faisais pas le lien avec ce que je mangeais. J'étais gourmande, j'aimais manger, je ne me posais pas de questions. Donc, je n'ai pas le lien entre ce que je mangeais et mon corps, mais je sais que j'ai été complexée à partir du moment où j'ai été en contact avec d'autres enfants, en fait.

  • Speaker #0

    Ok, mais tu situerais ça autour de quel âge ?

  • Speaker #1

    Peut-être 6-7 ans, dans ces eaux-là.

  • Speaker #0

    Ok, donc c'est un peu dans la même période que la prise de conscience avec l'agneau. Il y a des choses importantes qui se sont jouées pour toi à cet âge-là, quoi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et je me posais une question en t'écoutant par rapport à la scène du restaurant. Est-ce qu'à ce moment-là, les animaux avaient déjà une grande place dans ta vie ?

  • Speaker #1

    Oui, ça a toujours été le cas. En fait, il y a un mot que j'ai appris il n'y a pas si longtemps que ça, il y a quelques années, qui s'appelle l'antispécisme. L'antispécisme, c'est à l'image du féminisme, de l'antiracisme, c'est l'opposition au spécisme. Et le spécisme, c'est la discrimination des individus selon leur espèce. Donc ça va être de considérer que l'humain a plus de valeur que les autres animaux, que par exemple les Ausha et les chiens ont plus de valeur que les vaches et les cochons, etc. Et donc l'antispécisme, c'est le fait de s'opposer. à ce système-là et de considérer tous les individus à la même valeur morale, peu importe leur espèce. Et en fait, ça, je pense que c'est quelque chose que j'ai ressenti depuis que j'étais toute petite. Déjà, je me souviens en maternelle des enfants qui s'amusaient à écraser des gendarmes, les petits insectes, et ça me rendait dingue, ça me rendait violente en fait. Parce que pour moi, on ne tuait pas, on n'avait pas le droit de tuer, on n'avait pas le droit de faire de mal. Donc ça, c'est vraiment quelque chose que j'ai l'impression de porter en moi depuis toujours, en fait. Cet antispécisme, ce fait de considérer toutes les espèces animales vivantes comme mes égales, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, effectivement, c'est surprenant que ça ait été si fort et si marqué et si clair, en fait, pour toi, depuis toute petite. Oui. Ok. Est-ce que tu sais d'où ça vient ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. J'ai été élevée par des parents sensibles à la cause animale, mais qui consommaient de la viande. Enfin voilà, le cas classique de personnes qui s'opposent à la vivisection, à la corrida, mais pas au cirque, pas à la consommation de viande. Enfin voilà, un peu le schéma, on va dire, assez classique de personnes sensibles à la cause animale, mais pas sensibilisées à toutes les causes animales. Et par contre moi, depuis toute petite, j'ai ce truc-là. C'est mon identité, vraiment.

  • Speaker #0

    Ok, ton identité. Ok, quelque chose de très ancré, ça marche. Est-ce que tu pourrais aussi nous parler de la façon de manger de ta famille et de tes parents au-delà de la viande ? Parce que là, on parlait de d'où ça te vient, ce rapport très fort aux animaux et à la cause animale. Mais comme on va bientôt parler aussi de tout ce qui est troubles alimentaires, dans quel milieu toi tu as grandi et par quel type de mangeur, j'ai envie de dire,

  • Speaker #1

    tu as été élevée ? Ma mère a toujours été... Une bonne mangeuse, mais disons qu'elle faisait attention. Elle n'était jamais au régime, mais elle faisait attention, souvent. Mon père, lui, je ne le voyais que les week-ends, parce que mes parents sont séparés depuis ma naissance. Et je me souviens que le week-end, il n'y avait pas vraiment de sujet autour de l'alimentation. On mangeait, il n'y avait pas vraiment de sujet. Du côté de ma mère, on mangeait équilibré, on mangeait bien, on mangeait correctement. Mais il y avait souvent cette notion de « elle fait attention » mais elle ne me l'a jamais imposé. Et sinon, j'ai un souvenir assez précis qui me revient avec mon père justement. Pareil, j'étais petite et on jouait avec une de mes voisines. Mon père nous prenait sur ses épaules et nous jetait dans le lit, en gros, un jeu d'enfant. Et il le fait avec ma copine et puis après il me prend et il fait « ouh, c'est pas le même poids » . Et ça, je me souviens que ça m'avait vraiment... Ça, ça a été un coup de poignard sur le cou. Et ouais, je me souviens de ça au niveau de... Je pense la seule remarque que j'ai eue de mon entourage, vraiment sur mon poids, ça a été celle-ci. Elle m'a vraiment beaucoup marquée. Mais sinon, non, au niveau de l'alimentation, c'était assez serein, en fait. J'ai été élevée principalement par ma mère et mes grands-parents maternels. Et ma grand-mère était très... Très avant-gardiste sur le principe où elle mangeait beaucoup de purée d'oléagineux, de galettes de riz, de crème de soja. C'était très bio avec toujours des trucs bizarres à manger. Mais voilà, j'ai été élevée à peu près là-dedans en fait.

  • Speaker #0

    Les trucs bizarres à l'époque mais qu'aujourd'hui tout le monde mange. Oui,

  • Speaker #1

    voilà.

  • Speaker #0

    Pas partout sur les réseaux.

  • Speaker #1

    Je me souviens que mes amis... Au goûter, ils avaient le droit à des petits princes, à des granolas. Et puis moi, j'avais mes galettes de maïs avec de la purée de menthe, etc. Mais c'est plutôt des bons souvenirs quand même.

  • Speaker #0

    Oui, j'entends que ça semblait assez serein pour toi et que ce sont plutôt des souvenirs plaisants de ton enfance. Alors, à quel moment est-ce que ça a basculé ? À quel moment est-ce que ça a changé pour toi, ce rapport à l'alimentation ? Et pourquoi ?

  • Speaker #1

    Ça a été... assez radicale, comme beaucoup de choses dans ma vie. C'était une période où j'étais au collège et j'étais en grande souffrance. J'étais diagnostiquée dépressive depuis plusieurs mois, j'avais déjà été hospitalisée. C'était une période qui était vraiment très difficile et je me sentais très seule. Et je me souviens d'un vendredi soir, alors je n'ai pas la date, mais je sais que c'est un vendredi soir où j'étais sur mon ordinateur et j'ai commencé à me demander ce que je pourrais changer dans ma vie pour aller mieux. Et je me suis dit, mais j'ai toujours été complexée, je me suis toujours trouvée trop grosse, peut-être que la solution ce serait de maigrir. Et du coup, j'ai tapé sur Internet comment maigrir rapidement. Je ne sais plus ce que j'ai écrit exactement. Et à ce moment-là, je suis tombée sur les comptes de ProAnna. Ouf ! Ils n'existent plus aujourd'hui, enfin, qui sont vraiment très, très censurés. Mais en 2013-2014, ça ne l'était pas encore. Et j'étais vraiment désespérée. Et ce que je dis assez souvent quand on me pose la question, c'est qu'en fait, à ce moment-là, j'aurais pu tomber sur n'importe quel secte que je serais tombée dedans, en fait. J'étais dans un tel besoin d'appartenance, d'avoir un objectif de vie, un objectif quotidien, d'avoir quelque chose qui me tienne, qu'en fait j'aurais pu tomber dans tout et n'importe quoi et je suis tombée là-dedans. Donc ça a été un peu du jour au lendemain, j'ai découvert les proanas et j'ai décidé que je deviendrais anorexique. Et donc ça a été vraiment du jour au lendemain, j'ai pas voulu perdre quelques kilos, j'ai voulu être maigre, j'ai pas voulu faire un petit régime, j'ai voulu arrêter de manger. Et du coup, voilà. Vraiment du jour au lendemain, j'ai cessé de manger pendant plusieurs mois. J'ai perdu pas mal de poids, mais je n'ai pas été dans un cas de dénutrition avancée. J'ai été hospitalisée assez rapidement pour une tentative de suicide. Et je n'ai pas été prise en charge vraiment pour les troubles alimentaires. Dans toutes les hospitalisations que j'ai eues, ça a toujours été secondaire pour les médecins. ces troubles alimentaires, c'était un symptôme de dépression, c'était un symptôme de ma crise d'adolescence, etc. Ça n'a jamais été traité en tant que tel, et du coup ça s'est installé très progressivement sur des années. Donc ça a vraiment commencé comme ça. Il faut savoir que je suis du coup devenue végétarienne pendant mon hospitalisation, qui a suivi ça, notamment parce qu'on me forçait à manger, et on me forçait à manger de la viande. Et déjà j'avais un problème avec ça, déjà ça me gênait, et du coup c'est à ce moment-là, un peu par opposition, si je peux dire, que j'ai dit « pour la peine je ne mangerai plus jamais de viande » . Et ça a démarré un peu comme ça, puis ça s'est calmé après. Pendant quelques mois ça a été plus calme, j'ai réussi à remanger. Ouais, voilà, j'ai réussi à remanger. Et puis c'est en arrivant au lycée que j'ai fait la rencontre d'une jeune fille qui était boulimique. et qui se faisait vomir. Et moi, ça ne m'était jamais venu à l'idée de faire un truc pareil. Et en fait, quand elle m'en a parlé, je me suis dit, mais quelle bonne idée, en fait. Effectivement, c'est super pratique, parce que comme ça, je fais attention tout le temps. Et puis, quand je fais un petit excès, un petit écart, je vomis et je suis tranquille. Et très vite, j'ai réussi à me faire vomir et très vite, j'ai sombré dans la boulimie avec les crises, avec tout ça. Et ça, ça ne m'a pas lâchée depuis une dizaine d'années.

  • Speaker #0

    Ok. Et est-ce que tu sais aujourd'hui, avec le recul, pourquoi ou à quoi était reliée la dépression dont tu souffrais à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Oui, alors il y avait plusieurs choses. Je dirais que la principale raison, le grand drame de ma vie, c'est mon père, en fait. C'était quelqu'un de... Il était lui-même dépressif. Et c'était quelqu'un d'extrêmement exigeant, notamment vis-à-vis de moi. Je ne sais pas trop comment l'expliquer, mais en fait on ne s'est jamais aimé avec mon père. Il y a toujours eu un blocage. Il faut savoir aujourd'hui que ça fait un peu plus d'une dizaine d'années que je ne l'ai pas vu, que je n'ai pas eu de nouvelles. Donc ça a été de multiples abandons de la part de mon père à ma naissance. Et puis après, quand justement j'ai été hospitalisée pour ma tentative de suicide, il m'a annoncé qu'il partait vivre en Australie à ce moment-là. Et je ne l'ai jamais revu depuis, donc ça a été... Voilà, un peu une succession d'abandon, de remarques, de reproches de sa part. Et je pense que ça participait beaucoup à mon état général. Et au collège, j'ai subi du harcèlement. En plus de ça, ça a été une période très compliquée à plein de niveaux. Et en fait, je me suis réfugiée dans les troubles alimentaires comme un bouclier, comme quelque chose qui me protégerait de... du monde extérieur en fait.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui t'a séduite à l'époque en tombant sur les comptes ProAnna ?

  • Speaker #1

    C'est le fait d'avoir un objectif. À l'époque, sur ces blogs, il y avait les commandements des ProAnna avec les règles.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Il y avait plein de blogs qui en parlaient. Je me suis dit que c'était génial. Tous les jours, j'ai un nouvel objectif. Je vais réussir à perdre du poids. Si je perds du poids, je verrai des amis. Et puis si j'ai des amis, je serai plus heureuse. Donc en fait, si je maigris, je serai plus heureuse. Et je suis vraiment tombée la tête la première là-dedans. Et j'ai passé des semaines à consulter tous les blogs de Proana qui existaient, à lire tous les commandements, à les réécrire dans des carnets. Je me faisais des cahiers Proana avec toutes les règles, avec les commandements. Je m'écrivais des lettres. C'était quelque chose de très sectaire, en fait, de très extrême et de très sectaire. Et je pense que j'avais besoin de ce cadre-là aussi. C'est quelque chose dont je me suis rendue compte beaucoup plus récemment. Mais qu'en fait, l'anorexie et cette petite voix, comme on dit, la petite voix de la maladie dans la tête, elle est arrivée au moment où mon père est parti. Et il y a quelque chose qui, je pense, s'est installé comme ça, qui s'est construit sur le cadre dont j'avais peur de manquer. sur l'exigence qui m'était demandée, parce que ma mère n'était pas du tout exigeante, au contraire, c'était plutôt la maman cool avec qui les choses étaient plutôt faciles, elle ne me demandait pas trop, alors que mon père lui m'en demandait beaucoup. Et donc je pense que j'ai un peu construit cette anorexie à l'image de mon père et de cette pression qu'il exerçait sur moi, de ce cadre qui était très strict et que j'ai retrouvé dans la maladie du coup.

  • Speaker #0

    Ok, et c'est passé un peu inaperçu les troubles alimentaires alors, même par rapport à ta famille ? Tu vois, quand tu parlais de tes carnets où tu écrivais tout ça, ta maman, elle ne s'en rendait pas compte ?

  • Speaker #1

    Alors les carnets, non, elle ne les a jamais vus, mais par contre, elle a vu que oui, du jour au lendemain, j'arrêtais de manger. C'était assez évident et ça l'a été tout le temps en fait. Ma mère, à partir de ce moment-là, a été au contraire très vigilante sur ce que je mangeais. Et très inquiète, très vite, si je finissais pas mon assiette. Et ça, jusqu'à encore aujourd'hui, un peu plus tard que le week-end dernier, je déjeunais avec elle et je sais qu'elle a très peur de ce que je mange, ou plutôt de ce que je mange pas. Et donc, elle s'est très vite inquiétée à ce niveau-là. J'ai été suivie très rapidement. Enfin, j'étais déjà suivie parce que j'avais déjà été hospitalisée, j'étais déjà en dépression sous antidépresseur. Donc, ça fait très longtemps que j'ai un suivi psychologique, psychiatrique.

  • Speaker #0

    mais tu disais t'as été suivie mais finalement en fait si j'ai bien compris ta maman elle s'est très vite alertée parce que ça lui a sauté aux yeux et elle a voulu alerter le corps médical mais le corps médical lui n'a pas pris en considération la gravité de ce qui était en train de s'installer finalement du trouble alimentaire et a considéré que c'était quelque chose de secondaire de consécutif à d'autres problématiques Et que peut-être, eux, dans leur esprit, sans doute, c'était, voilà, si on règle les premiers problèmes qu'ont créé la dépression, le mal-être, eh bien, le trouble alimentaire disparaîtra parce que c'est juste relié à ça, quoi.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, totalement. C'est exactement ce qui s'est passé. Donc, ça n'a pas été... Enfin, à part me dire, il faut manger. On a pas vraiment été à l'écoute de... de ce trouble alimentaire et du coup je l'ai gardé pendant très très longtemps, surtout de la boulimie vomitive avec des crises très régulières, ça c'est quelque chose qui m'a suivi pendant des années. Et il y a un peu plus de deux ans, j'ai eu une réactivation traumatique. Enfin clairement j'ai eu un mail de mon père dix ans après dix ans de silence et ça m'a... anéantisse m'a couché direct et je suis retombée dans l'anorexie, la boulimie pro-initive, plus plus plus. Et j'ai perdu énormément de poids. Et là, je me souviens encore que ça a été difficile d'être prise en charge. En fait, j'ai d'abord été aux urgences après une... Une crise de boulimie où je n'avais pas réussi à me faire vomir. C'était la première fois et la seule fois que ça m'est arrivé où vraiment, j'avais beau tout tenter, ça ne sortait pas. Et j'ai complètement paniqué de me dire je ne peux pas garder tout ça à l'intérieur de moi. Je commençais à avoir des images de moi en train de m'éventrer pour sortir tout ce que j'avais mangé. C'était vraiment intolérable. Et j'étais en tel état de panique que j'avais appelé les pompiers. Les pompiers étaient venus, ils m'avaient emmené à l'hôpital à côté de chez moi. et quand j'ai essayé d'expliquer à l'hôpital ce qui s'était passé Ils m'ont fait sortir avec un anxiolytique et une boîte de laxatifs à ce moment là je pesais 37 kilos pour 1m73 et on m'a fait sortir avec une boîte de laxatif oh la vache et du coup ça a été extrêmement violent on a pas du tout compris et moi je m'attendais à ce qu'en arrivant aux urgences tout de suite ils prennent en charge ma dénutrition parce que là pour le coup c'était visible et en fait pas du tout et donc j'ai dû après appeler une psychiatre du CMP à côté de chez moi pour demander à être hospitalisée et elle a dit « il faudrait faire une demande pour Sainte-Anne » et en fait la demande n'a jamais été faite. Donc plusieurs semaines plus tard, je suis retournée voir cette psychiatre en disant « où est-ce que ça en est ? » J'ai redemandé à être hospitalisée, j'ai été prise en charge dans une clinique générale à côté de chez moi où là j'ai redemandé à ce qu'on fasse la demande pour Sainte-Anne, ça n'a pas été fait. Et finalement c'est ma grand-mère qui m'a trouvé une place à l'Institut Montsouris, qui avait un secteur spécialisé TCA. J'ai pu être prise en charge, mais en fait, il s'est passé six mois entre mon premier appel à l'aide en allant à l'hôpital et le moment où j'ai été prise en charge pour mes troubles alimentaires. Et à ce moment-là, je n'avais pas un IMC normal, j'étais vraiment très très basse et ça n'a pas été pris en compte. Et encore aujourd'hui, j'ai du mal à me dire mais comment cette psychiatre a pu me laisser repartir comme ça en fait ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est clair. Ouais, c'est clair. Mais en plus, ça a dû être terrible parce que c'est hyper difficile d'aller demander de l'aide. C'est hyper difficile de sortir du déni. C'est hyper difficile d'admettre aussi, tu vois. Et donc, c'est tellement... C'est difficile et c'est fragile. Donc, tu te pointes et on te laisse ressortir comme ça. Tu dis, ah ouais, donc, c'est qu'en fait, non, je ne suis pas légitime, je ne suis pas assez maigre. Enfin, tu vois tous les dangers qu'il y a autour de ça, finalement. de la non prise en considération de la situation réelle dans laquelle tu étais. C'est hyper dangereux. C'est clairement prendre le risque de... Enfin, comment dire ça ? Disons que c'est souvent mal compris et que la conclusion qu'on en fait, c'est « Ah, je ne suis pas assez mec, je ne vais pas assez mal, donc clairement, il faut que je maigrisse encore, etc. » Non, c'est horrible. Mais c'est hyper surprenant, du coup. C'est étrange. Cet enchaînement, ce parcours...

  • Speaker #1

    d'errance j'ai envie de dire où juste les professionnels prennent pas en compte font pas leur job quoi ouais ouais c'est clair c'était exactement ça le problème d'illégitimité où je me disais ah bah finalement si à l'hôpital ils me laissent repartir sans me parce que moi je m'attendais à ce qu'on sonde tout de suite et en fait ouais et du coup je me suis dit ah bah finalement je suis pas si malade que ça je suis pas si maigre et à ce moment là j'avais fait aussi la démarche de voir un nutritionniste un médecin nutritionniste ... Et qui m'avait conseillé de noter mes repas. Et en fait, avec du recul, je me dis, dire à une personne qui souffre d'anorexie de noter ses repas, c'est rajouter du contrôle sur le contrôle. Et c'est quelque chose dont je n'ai pas réussi à me séparer. Et encore aujourd'hui, je note absolument tout ce que je mange, les quantités, les calories, etc. Et donc en fait j'ai vraiment eu cette impression que dans ce parcours de soins jusqu'à aller à l'Institut Montsouris où là j'ai rencontré des professionnels compétents qui m'ont vraiment prise en charge, ça a été échec sur échec en fait et j'ai vraiment vu à quel point les personnes n'étaient pas formées aux troubles alimentaires du tout et j'ai vécu des trucs assez... assez dingue dans cette dernière hospitalisation à côté de chez moi, en clinique psychiatrique générale. En fait, c'est très étonnant, mais j'en ai un excellent souvenir. Je romantise beaucoup cette période parce que j'étais tellement livrée à moi-même, tellement... En fait, la maladie a pu prospérer, s'installer, s'insinuer dans toutes les parcelles de mon corps sur cette période-là parce que j'étais vraiment livrée à moi-même dans une clinique. où j'ai pu développer de l'hyperactivité, où je pouvais faire des crises, où je pouvais ne pas manger mes plateaux, qu'on ne me disait rien. Et ça a été vraiment compliqué. Et c'était encore moi qui ai fait la démarche de demander à être hospitalisée dans un service spécialisé. Et là, quand j'y suis allée, d'un seul coup, ça a... OK, ça y est, on me prend en charge, ça y est, on m'aide. Ça y est, on me comprend, on m'écoute, on m'entend. Et ça a été... Mais ça a été très, très long. Ça a été très difficile.

  • Speaker #0

    Et tu es restée combien de temps ? à la clinique Monsouris ?

  • Speaker #1

    Alors, j'y suis allée deux fois. La première fois, j'y suis restée deux mois et demi, je crois. Et la deuxième fois, j'y suis restée peut-être pareil, un mois ou deux. Et là-bas, j'ai été mise sous sonde. J'ai été suivie par une diététicienne, suivie par un psychiatre spécialisé. et qui me suivent toujours aujourd'hui et qui sont des personnes très compétentes que je remercie encore parce que ça n'a pas été facile à trouver.

  • Speaker #0

    Et là, actuellement, ces personnes-là continuent de te suivre. Tu es toujours bien entourée autour de la question des troubles alimentaires. Et comment ça se passe pour toi actuellement, justement ?

  • Speaker #1

    Ça reste très compliqué. En fait, je suis sortie de la clinique Montsouris il y a un peu moins d'un an. et et En fait, je suis sortie parce que mon chat avait des problèmes de santé, notamment des calculs urinaires qui étaient dus au stress et très probablement à mon absence. Et du coup, j'ai décidé de quitter la clinique pour m'occuper de mon chat, qui va beaucoup mieux maintenant. Mais du coup, je n'étais pas guérie, je n'étais pas soignée, je n'étais pas stabilisée en sortant. Et je suis passée par plein de phases différentes. En termes de poids, j'ai repris le poids que j'avais perdu. Là, je suis à mon poids d'état de base, on va dire, mais état de base, je ne pense pas à mon poids d'équilibre parce que ce n'est pas du tout un poids sans effort. C'est vraiment un poids que je maintiens avec des crises de boulimie, avec de l'hyperactivité, avec de la restriction. Aujourd'hui, c'est compliqué, ça prend beaucoup de place encore dans ma tête et dans mon quotidien. Je souffre encore d'hyperactivité, de crise de boulimie plusieurs fois par semaine et d'une grande restriction entre les crises et l'hyperactivité. Donc c'est encore quelque chose qui est compliqué, mais j'avance petit pas par petit pas. Il y a des petites choses que j'arrive à mettre en place et qui font que ça avance quand même. Je pense par exemple à la balance où je me pesais plusieurs fois par jour, je ne me pèse plus que tous les 3-4 jours. Le fait qu'avant je ne prenais pas du tout de repas, je faisais que des crises de boulimie, maintenant je prends deux repas par jour quand même. Donc il y a des petites choses qui avancent mais ça reste très compliqué quand même.

  • Speaker #0

    Ton corps, l'image de ton corps, l'image que tu renvoies reste quelque chose d'hyper présent dans ta tête et d'hyper important ?

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, ouais. Alors c'est... Encore une fois, c'est assez différent de ce qu'on a l'habitude d'entendre, mais disons que j'ai toujours été dans un corps normé. Depuis que je suis formée, je n'ai jamais été au-dessus des courbes, j'ai toujours eu un poids plutôt bas, j'ai toujours été plutôt mince. Mais il y a une quête de maigreur, vraiment, qui n'est pas de... pas d'être mince pour plaire aux autres, mais vraiment d'être maigre à faire peur. Et il y a cette recherche-là, qui est un peu à l'inverse du désir d'être désirable justement, c'est d'être indésirable. Cette recherche d'un corps malade en fait. Il y a vraiment cette volonté-là et que j'arrive pas encore très bien à expliquer, même si j'ai des pistes. Je sais qu'il y a une histoire de la place que je suis capable de prendre. En fait, j'ai du mal à me placer par rapport aux autres et du coup c'est comme si moins je prenais de place avec mon corps, plus mon corps était mince, moins je prenais de place et mieux je me sentais en fait. Donc il y a toujours cette question-là. Mais effectivement c'est... C'est pas tellement dans le regard des autres, parce que je sais, j'ai confiance aujourd'hui d'avoir un corps qui rentre dans les critères de ce qu'on attend, en fait. Mais ce ne sont pas mes critères à moi.

  • Speaker #0

    Ouais, ce que tu dis, moi, ça me fait vraiment écho à des choses que j'ai pu entendre déjà, où l'anorexie se maintient dans un but de représenter un peu la souffrance, tu vois. de rendre visible quelque chose qui est peut-être indicible. Ça peut paraître antinomique parce qu'effectivement, il y a une forme d'effacement dans la maigreur, dans cette recherche de maigreur. Et en même temps, ça se voit. C'est ça qui est parfois difficile aussi dans les autres troubles alimentaires. Par exemple, la boulimie, ça peut ne pas se voir du tout. L'hyperphagie, il peut y avoir une grande prise de poids, sauf que personne ne connaît l'hyperphagie. Donc, juste si les gens deviennent gros, on va juste partir du principe qu'ils ne font pas attention à eux. Mais l'anorexie, ça se voit. Et ça me fait flipper et ça fait réagir les gens. Ça fait réagir la famille. Donc, je ne peux pas m'empêcher, même si c'est peut-être un raccourci un peu facile par rapport à ton papa, où en plus de ça, ça s'est joué en même temps. quelque chose d'une souffrance qui est visible. Ça me rappelle vraiment une personne que j'avais accompagnée comme ça, qui avait subi des traumas terribles, terribles. Et en fait... guérir, sortir, en tout cas, même sans parler de la guérison totale, mais sortir de la maigreur, pour elle, ça revenait à faire penser aux gens que ça y est, elle ne souffrait plus. Et alors que personne n'avait pris conscience de sa souffrance. Et ce qui me fait écho à ça aussi dans ton histoire, c'est les professionnels de santé qui, en fait, en ont juste rajouté une couche, quoi, où tu vois, en fait, genre, t'étais même pas prise en charge. alors qu'il y avait plein de choses qui étaient visibles. Et je pense que ça, ça n'aide pas non plus. Oui,

  • Speaker #1

    c'est clair. Effectivement, il y a encore des moments où je vais me sentir très mal, où je vais avoir envie d'abandonner, où c'est vraiment difficile. Et en fait, la petite voix dans ma tête, elle me dit « Mais tu n'es pas maigre, tu n'as pas le droit d'être mal. » « Tu es plus maigre, tu es plus malade, tu es plus légitime. » tais-toi, t'es pas assez maigre, enfin il y a vraiment quelque chose comme ça qui vient, où effectivement il y a un problème de légitimité. Légitimité dans la maladie, légitimité dans la guérison, où je me dis là j'ai un corps qui est guéri et du coup les gens autour ont tendance à penser que je suis guéri alors qu'en fait dans la tête vraiment, enfin la noxie mentale elle est toujours très très présente et c'est vrai qu'il y a ce désir quelque part que ça se voit en fait. que je souffre. Parce que là, dans le corps normé et idéal selon la société, je vais très bien. Alors qu'en fait, c'est beaucoup plus compliqué que ça.

  • Speaker #0

    C'est comment ça pour toi ? Ce décalage ? Les gens qui pensent que ça va mieux et que t'es guérie, alors que non, pas du tout. Comment tu le vis ?

  • Speaker #1

    Plutôt mal, en fait. Ça, je pense que c'est assez général aux personnes qui souffrent d'anorexie. Mais les compliments du genre « Ah bah, t'as l'air en forme ! » Ah bah t'as l'air mieux, ah bah tu fais plaisir à voir. Et bah en fait c'est extrêmement vexant, contrairement à ce qu'on peut penser, même si c'est dit avec beaucoup de bienveillance, beaucoup de gentillesse et d'amour. Moi quand on me dit ah bah t'as l'air en forme, je comprends, ah bah t'es grosse. En fait, en caricaturant parce que je sais que c'est pas ce que ça veut dire, mais je me dis ah j'ai l'air en forme donc j'ai plus l'air malade, donc j'ai plus le droit d'aller mal. et donc je dois aller bien et donc j'ai l'air d'aller bien donc je dois aller bien et Et il y a pas mal ce truc-là qui est difficile par les proches. Alors mes proches proches vraiment sont au courant et font très attention, évitent ce genre de remarques. Mais des personnes un peu plus éloignées peuvent avoir ce genre de maladresse. Et puis les médecins aussi. Je me souviens avoir vu la médecine du travail. ou quand j'ai dû reprendre le boulot, donc j'ai dû revoir la médecine du travail, et la médecin me demande pourquoi j'ai été arrêtée, donc je lui explique, pour anorexie mentale et dépression, et il me dit « Ah, ben ça va mieux ! »

  • Speaker #0

    Au secours ! Oui, parce que l'anorexie mentale, c'est que l'extrême maigreur, et la dépression, tu serais dans ton lit. Donc ça veut dire que là, ça va mieux.

  • Speaker #1

    Voilà, donc là, ça a été... Il y a plein de fois comme ça, où « Ah, ben tu vas mieux ! » « Ah, ben ça va mieux ! » Et en fait, c'est très, très difficile à entendre parce que ça vient juste réactiver la maladie qui dit qu'on n'est plus assez malade, qu'on n'est plus légitime et qu'on n'a pas à se plaindre. Et du coup, j'ai eu beaucoup de mal à être reconnue pour cette maladie jusqu'au jour où j'ai rencontré le psychiatre qui me suit actuellement, qui m'a dit « mais madame, vous souffrez d'anorexie mentale » . et on va la combattre ensemble parce que cette maladie, elle va chercher à vous tuer, que ce soit par dénutrition ou par suicide, elle va chercher à vous tuer et on va la combattre ensemble. Et je me souviendrai toujours de ce moment là où je me suis dit, ah enfin quelqu'un qui qui entend, qui comprend, qui voit et qui veut m'accompagner et qui veut commencer le combat avec moi et ça a été un très très grand soulagement à ce moment là.

  • Speaker #0

    Quand tu as souffert, avant l'arrivée de l'anorexie, quand tu souffrais déjà de dépression et que tu as fait une tentative de suicide, comment ça a été reçu par tes proches et accompagné ensuite ?

  • Speaker #1

    J'avais déjà été hospitalisée avant pour des scarifications. En fait ça a commencé très tôt, je devais avoir 13 ans. Et à 13 ans j'ai commencé à me sentir mal, j'ai commencé à chercher des moyens de visibiliser cette souffrance. Et j'ai commencé à me scarifier comme ça. Et donc j'ai dû être hospitalisée une première fois parce que j'avais une plaie qui s'était infectée, j'avais dû être suturée, etc. Et donc du coup mes proches étaient déjà très inquiets pour moi à ce moment-là. C'était quelque chose de très violent à recevoir pour elle et eux. Alors pour mon père, je ne pense pas, parce que lui, la première fois qu'on a eu un rendez-vous avec un psychiatre, avec ma mère et moi, il a annoncé que lui était en dépression avant que moi j'aie eu le temps de dire quoi que ce soit. Donc bon, je pense que pour lui ça allait. Mais en tout cas, du côté de ma mère, c'était très difficile à vivre pour eux. Et en fait, depuis, j'ai l'impression qu'il y a une espèce d'inquiétude assez... assez général autour de moi, tout le temps, en fait, de la part de mes proches, parce que depuis que j'ai 13 ans, je me suis fait du mal de toutes les manières possibles et imaginables de se faire du mal. Donc, il y avait une inquiétude, il y avait une vigilance sur à peu près tout. Donc, quand j'ai arrêté de manger, les premières fois que je me suis fait au mien, ça s'est su tout de suite. Et ça a été vraiment très encadré par ma famille.

  • Speaker #0

    Enfin, en tout cas, une partie de ta famille.

  • Speaker #1

    Oui, voilà.

  • Speaker #0

    en tout cas une partie de ma famille comment tu le vis ça de savoir qu'il y a cette inquiétude comme tu dis quasi constante depuis que tu as autour de 13 ans c'est assez difficile à vivre en fait je suis du

  • Speaker #1

    côté de ma mère je suis fille unique et petite fille unique donc je suis vraiment la petite dernière de la famille un peu la petite pourrigatée pour qui tout le monde s'inquiète tout le temps Donc j'ai un petit peu cette sensation d'être dans un cocon de protection et d'amour. Et en fait c'est assez difficile à vivre parce que je sais que quand je me fais du mal, je leur fais du mal. Et il y a beaucoup de culpabilité qui est associée du coup. De culpabilité de me dire que je les inquiète, que je leur fais du mal, qu'eux ils se remettent en question alors qu'ils n'ont rien fait de mal. Je sais que notamment ma mère, elle se remet énormément en question. Elle a un peu toujours peur que tout soit de sa faute, alors que je n'ai rien à reprocher à ma maman, vraiment. Et du coup, c'est plus en ce sens-là que c'est difficile, dans le sens où je culpabilise de leur faire du mal, en fait, de les inquiéter.

  • Speaker #0

    Ok. Donc finalement, d'un côté, il y a ton père qui laisse une espèce de place vide. et puis toujours, qui fait beaucoup de mal, qui semble être quelque chose de très douloureux, et ça semble assez logique. Et d'un autre côté, il y a beaucoup d'amour, mais toute cette inquiétude et cet amour ont plutôt tendance à générer, ça apporte certainement du réconfort, mais en tout cas, ce que tu nommes en premier, c'est de la culpabilité. C'est étrange, parce qu'en t'écoutant, il y a un truc qui me... Je ne sais pas comment dire, qui me saute aux yeux. C'est une sorte de loyauté, des trucs dans lesquels... Ça va être difficile pour moi de mettre des mots dessus sur ce qui est passé par ma tête, mais tu sais, comme s'il y avait un truc juste qui t'empêchait de juste vivre ta vie à toi, tu vois, en étant complètement libre à la fois de tout ce qui se passe du côté de ton père et de tout ce passif avec lui. où j'entends que le passif, il remonte à loin. C'est-à-dire même peut-être quand tu étais in utero, visiblement, il s'est joué des choses, en fait. Un couple parental et voilà, il y a un truc qui découle sur toi, j'ai l'impression, depuis toujours. Mais aussi du côté de ta maman, tu vois, de pouvoir se défaire, même si, effectivement, tu viens de le dire, tu n'as rien à lui reprocher. Mais toi, ça génère beaucoup de culpabilité. Et je me dis, mais waouh ! Vu comme ça, de l'extérieur, en tout cas, je ressens un truc C'était un peu englué. Et où finalement, comment est-ce que tu peux juste développer ta vie, ton identité, tu vois, loin de tout ça, quoi ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a toujours eu cette espèce de paradoxe entre ma famille du côté maternel, qui était vraiment très, pour ne pas dire trop aimante, trop présente, vraiment aux petits soins, et le côté paternel complètement absent. Et du coup, une difficulté même à... à trouver ma valeur, entre guillemets, parce que d'un côté, j'avais l'impression qu'on me valorisait beaucoup trop, qu'on croyait beaucoup trop en moi, qu'on m'imaginait capable de choses incroyables, et je ne me sentais pas à la hauteur de ces attentes-là. Et d'un autre côté, j'ai été oubliée, j'ai été laissée sur le côté, j'ai été abandonnée. Et donc du coup, mon rapport à moi-même, mon égo, n'a pas réussi à se construire là-dedans, entre la détestation et l'adoration, et qu'il y a un espèce de micmac qui s'est fait là-dedans et qui a été très difficile.

  • Speaker #0

    Ouais. Tu penses qu'on peut trop aimer ?

  • Speaker #1

    Je sais pas. Je sais pas. En tout cas, je pense qu'on peut trop protéger, qu'on peut trop... trop valorisé aussi. Et qu'en fait, cette valorisation et cet amour, cette attente, ça peut être une certaine pression. Je sais que moi, depuis que je suis petite, j'ai toujours des grands projets qui n'aboutissent pas et à chaque fois que j'ai un nouveau projet, toute ma famille me soutient, toute ma famille s'investit dans ce nouveau projet, parce qu'ils y croient, vraiment. Et souvent, quand je ne vais pas au bout, quand j'arrête, quand j'abandonne, du coup, il y a beaucoup de culpabilité, parce que tout le monde m'a suivi, tout le monde était à fond avec moi. Et qu'il n'y a pas vraiment de nuance, en fait, dans cet amour-là, dans cette reconnaissance, dans cet espoir, en fait, que je peux représenter.

  • Speaker #0

    Ouais, mais tu vois, encore une fois, ça ne t'appartient pas, ça, j'ai envie de dire. Toi, tu mènes ton projet et pour X ou Y raisons, il n'aboutit pas. Ce matin, j'écoutais un podcast où les deux personnes parlaient de ça, tu sais, des échecs et tout. Et lui, il disait, c'est un mec relativement connu, un humoriste, qui dit, mais attends... Je veux dire, si on a deux réussites pour 18 ou 20 échecs, c'est déjà bien, quoi. C'est ça, la normalité d'un être humain, tu vois. Et du coup, bon, ben voilà, ça fait partie de la vie. C'est jamais très agréable à vivre, mais on n'est pas entraînés non plus, je trouve, déjà, à vivre l'échec. Mais du coup, tu vis ton truc. Et en fait, tu dis, putain, je porte la culpabilité. Enfin, je culpabilise parce que tout le monde était à fond derrière moi, quoi. Oui, mais en fait, bon, ça, après, le fait que les autres s'investissent, toi... j'ai envie de dire, tu vois, ça ne t'appartient pas. Et je me disais aussi, encore une fois, quand je t'écoutais, je voyais les deux facettes encore. Tu vois, le côté, ouais, j'ai plein de projets, c'est trop cool. J'y vais, je me lance, je me lance dans des projets. Et là, je me dis, ah tiens, là, tu te laisses porter peut-être par toute la valeur qu'on t'a accordée quand tu étais petite fille et tout ça. Mais dans quelle mesure le fait d'échouer... ne te permet pas d'être en loyauté aussi peut-être aux côtés de ton père un côté plus exigeant qui croyait peut-être moins en toi enfin tu vois j'avoue qu'il y a une espèce de bascule qui continue de se faire en fait entre les deux tu vois enfin bon je sais pas et je me dis mais en tout cas voilà moi je me dis qu'il y a peut-être et tu l'as sûrement fait déjà mais un travail super intéressant à faire en psychothérapie vraiment autour de la du fait de couper des loyautés familiales, parce qu'on est loyal aussi à des personnes qui nous ont fait énormément souffrir, auxquelles on ne s'attend pas, tu vois. C'est-à-dire que si on questionnait la loyauté que tu as du côté maternel, je pense que ce serait assez facile pour toi de le nommer, de le reconnaître. D'ailleurs, ne serait-ce que la culpabilité que tu ressens, toi, juste d'avoir l'impression de leur faire de la peine ou de les décevoir ou quoi que ce soit, on voit bien le lien et la loyauté qu'il y a. Mais je pense qu'il y a aussi des liens de loyauté du côté paternel qui sont peut-être plus difficiles à voir, mais qui potentiellement sont un peu comme des boulets à tes pieds. Tu vois ?

  • Speaker #1

    Oui, très bien.

  • Speaker #0

    Après, je ne sais pas. Et puis, je pense que tu vas encore explorer des tas de choses. En tout cas, je pense que tu l'as entendu dans mes podcasts. Moi, je reste persuadée qu'on peut se sortir d'un trouble alimentaire sans avoir besoin d'aller tout régler. Tu vois ? et je trouve ça intéressant ce que tu disais aussi tout à l'heure sur les pots de santé qui prenaient pas en charge le trouble alimentaire parce que pour eux c'était simplement relié à autre chose et tout, je crois que c'est une énorme connerie et je pense que, j'espère que les choses bougent dans les prises en charge et que ça arrivera de moins en moins parce qu'aujourd'hui on sait que c'est une pathologie à part entière et oui c'est une... comorbidité de la dépression, on sait que tout ça, ça va très souvent ensemble, il n'empêche que tout doit être pris en charge, et que le comportement alimentaire et tout ça. Mais justement, parlons de comportement alimentaire et parlons de végétarisme et de véganisme. Ça m'intéresse, non, je vais, j'allais dire ça m'intéresse, virgule, et parler d'autres trucs, mais j'ai assez parlé comme ça, je donnerai peut-être mon point de vue après. Je veux bien que tu en parles un peu parce que tu dis que c'est un peu un esprit de contradiction qui t'a poussé à devenir végétarienne. Mais depuis, tu es devenue végane. Oui. Comment ça s'est fait ? Quand est-ce que ça s'est fait ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis devenue végane il y a un peu plus de trois ans. Et c'était très lié à mes troubles alimentaires en plus. Parce qu'à ce moment-là, je retombais dans... la boulimie vomitive, ou du moins, je ne sais plus si je retombais dedans ou si j'y étais, tout simplement. Et en fait, je faisais des crises, je me faisais vomir très régulièrement. Et j'étais retombée sur la vidéo d'un youtubeur que j'aime beaucoup, Link The Sun, pour celles et ceux qui connaissent, qui l'avait fait il y avait plusieurs années sur le véganisme, justement. Et en fait, il concluait un petit peu cette vidéo en disant, moi je ne pousse personne à devenir végane, mais j'invite tout le monde à se questionner sur son alimentation et ses valeurs. Et en fait, à ce moment-là, moi ça m'a fait un gros tilt. Et je me suis dit, mais peut-être que si je n'arrive pas à manger et que ce que je mange le vomit, c'est peut-être parce que je ne suis pas d'accord avec ce que je mange en fait. Et c'est peut-être qu'il y a quelque chose qui n'est pas raccord dans... dans ma façon de faire et ma façon de penser. C'est-à-dire que j'étais végétarienne depuis très longtemps, du coup, en fait, j'avais voulu être végétarienne autour de 7-8 ans après cet épisode avec l'agneau. Ma mère avait été d'accord au début, et puis après, comme on ne s'y connaissait pas, comme on ne s'y connaissait pas très bien en alimentation, qu'à ce moment-là, j'étais intolérante au lactose, bon, ça a été compliqué quand j'étais petite, mais du coup, quand j'ai été adolescente à 13-14 ans, j'ai pu dire, je veux être végétarienne. et donc voilà dix ans plus tard il y a environ trois ans je me suis dit, mais en fait, je ne suis pas d'accord avec ce que je mange. En fait, depuis toujours, je me dis que si je m'écoutais, je serais végane et que si j'allais au bout de mon idée, je serais végane. Et peut-être qu'en fait, c'est juste ça qui bloque. Peut-être que si je n'arrive pas à m'alimenter, c'est parce que je ne suis pas d'accord avec mon alimentation. Et quand j'ai pris cette décision, ça a tout résolu du jour au lendemain. Vraiment, ça a été... Du jour au lendemain, je ne faisais plus de crise, je n'avais plus de restrictions, pas d'hyperactivité, rien du tout. Et puis, il y a eu une réactivation traumatique, du coup, il y a un an et demi, deux ans. Et ça a réactivé les troubles alimentaires. Mais en tout cas, sur le moment, ça avait vraiment été assez magique.

  • Speaker #0

    Et ça a duré combien de temps, cet effet un peu magique ?

  • Speaker #1

    Je dirais un an, un an et demi.

  • Speaker #0

    Ok. Sans crise, sans restrictions et tout ?

  • Speaker #1

    Oui, ça a été assez impressionnant. Oui, c'est fou. Je me suis vraiment dit que j'en étais sortie, que j'avais trouvé d'où venait le problème et que j'en étais sortie. Alors finalement, ce n'est pas si simple que ça. Mais en tout cas, sur le coup, autant quand je suis devenue végétarienne et que je suis sortie de l'anorexie restrictive à ce moment-là que quand je suis devenue végane et que je suis sortie de la boulimie vomitive, c'est arrivé vraiment à des moments... à des moments clés et ça m'a permis de passer des étapes, d'avancer. Plutôt bien de remettre en question quelles étaient mes valeurs et comment est-ce que je consommais par rapport à ces valeurs.

  • Speaker #0

    Ça répondait aussi peut-être à ton fameux besoin de cadre dont tu parlais, où tu vois, tu réintroduis quelque chose, malgré tout, quand même d'assez rigide. Alors après, on peut en échanger. C'est l'image que j'ai d'une alimentation végane qui demande quand même beaucoup d'adaptation dans le monde dans lequel on vit. Quand on regarde les produits qu'on consomme, si on veut qu'il n'y ait rien, rien, rien d'origine animale, c'est quand même complexe. Donc je me dis, peut-être que c'est ça aussi qui a apaisé les symptômes. Peut-être qu'il y avait une réponse aussi à un besoin de cadre, à effectivement un besoin d'alignement avec tes valeurs, puisque ces valeurs-là, elles sont là. depuis tellement petite que effectivement, ça y répond. Du coup, là, tu dis que tes troubles alimentaires, ils sont revenus depuis un an et demi à peu près. Comment ça se gère tout ça ? Quel regard aujourd'hui tu poses là-dessus ? C'est-à-dire que, OK, il y a eu l'effet un peu magique de devenir végane. Est-ce qu'aujourd'hui, c'est toujours un facilitateur d'être végane ou est-ce que tu as l'impression que des fois... ça complique un peu les choses ou ça fait flamber les TCA ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai plutôt l'impression que c'est un facilitateur, dans le sens où c'est tellement évident pour moi aujourd'hui de ne plus consommer de produits issus de l'exploitation animale, qu'en fait tout ce qui était tentant, tout ce qui était trigger... ne l'est plus. Par exemple, je me souviens qu'il y a 4-5 ans, quand je me promenais dans la rue, chaque boulangerie était trigger, chaque boulangerie était l'appel à la crise. Et en fait, aujourd'hui, je me suis tellement dit que c'était des choses que je ne mangeais pas, que je ne pouvais pas manger, que je ne voulais pas manger, qu'en fait, ça ne me trigger plus. Et donc, il y a cette espèce de... par rapport à la boulimie vomitive, en tout cas, c'est facilitateur dans le sens où j'ai moins de tentations. Je suis moins attirée vers ces produits-là, qui étaient très attirants avant et qui du coup ne le sont plus du tout. Après, ça a été difficile dans les hospitalisations, dans les dernières, parce que le monde médical n'en est pas là. Et donc, quand j'ai été hospitalisée dans la clinique générale à côté de chez moi... Ils m'avaient dit « Oui, oui, il n'y a pas de souci, on peut faire vegan. » Sauf qu'en fait, je me suis rendue compte qu'ils avaient juste retiré du plateau tout ce qui n'était pas vegan. Donc au final, je n'avais rien à manger. Donc ça n'a pas été possible. Et du coup, j'ai dû faire un compromis et accepter de repasser à du végétarisme pendant cette hospitalisation. Ce qui a été assez violent et assez difficile à vivre quand même. De devoir remanger des aliments face auxquels je m'opposais vraiment politiquement, on va dire. Et puis, par contre, à Montsouris, là, ils ont pu faire 100% vegan avec des repas complets et des repas à peu près diversifiés. Donc, ça a été... Là, ça s'est bien passé. Donc, effectivement, ça met un cadre. Mais en même temps, ce que j'ai remarqué quand je suis devenue vegan et qu'il y a eu cet effet un peu magique, c'est qu'au début, j'ai eu peur de supprimer énormément de mon alimentation. Et en fait, je me suis rendu compte que j'en ajoutais bien plus que j'en retirais. Que le fait d'aller chercher ses protéines, son calcium, son fer ailleurs, ça faisait qu'en fait, je diversifiais beaucoup plus mon alimentation qu'avant. Qu'en fait, j'avais plus envie de cuisiner, que j'allais plus rechercher des saveurs, que j'allais plus tester des nouveaux produits parce que, il y a dix ans, c'était pas comme aujourd'hui. Aujourd'hui, dans les magasins, il y a énormément d'alternatives végétales. Et donc, il y avait plein de choses à goûter, plein de recettes à tester, plein d'aliments à découvrir. Donc je dirais qu'au départ, sans troubles alimentaires, c'est une alimentation qui est encore plus variée, diversifiée et plaisante qu'une alimentation omnivore comme j'avais avant, ou même végétarienne, où j'étais vraiment toujours sur les mêmes repas, sur les mêmes produits, sur les mêmes habitudes. justement en mettant un cadre et en disant, voilà, toutes ces choses-là, on n'y touche pas, en fait, ça ouvre encore plus de possibilités dans les légumes, les légumineuses, les oléagineux, les fruits. Donc au final, ça a été plutôt facilitateur. Et ça a été juste dans le cadre de l'hospitalisation où ça a été plus compliqué.

  • Speaker #0

    OK. Et quand tu dis tout à l'heure, un peu en préambule, tu disais que tu avais toujours une alimentation très restrictive aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    et Comment ça se concrétise, comment ça se manifeste alors ?

  • Speaker #1

    Très concrètement, aujourd'hui, je mange deux repas par jour, deux repas très pauvres. Je mange en gros le midi un demi-concombre et dix tomates cerises avec un yaourt de soja. Et le soir, je mange un bouillon de légumes avec du konjac. Je ne sais pas si tout le monde voit ce que c'est le konjac, mais en gros, c'est sous forme de pâte, mais c'est de l'algue et ça contient zéro calorie, en fait.

  • Speaker #0

    Et c'est dégueulasse.

  • Speaker #1

    C'est pas terrible. Terrible. Donc voilà, avec une pomme et un yaourt, donc c'est vraiment très, très restrictif. Et j'en ai bien conscience, mais mon compagnon qui vit avec moi, mon fiancé, il est végane aussi et il a une alimentation tout à fait intuitive et variée, plaisante. Ouais,

  • Speaker #0

    ok. C'est-à-dire que tu sépares les choses. Tu disais que le véganisme, t'as eu l'impression que ça avait davantage ouvert, finalement, l'alimentation. Et là, t'as refermé complètement quelque chose. Et tes compulsions ? Ça veut dire que c'est des compulsions aussi très contrôlées que tu vas faire ? Tu vois, tes crises, c'est sur des aliments sains aussi que tu les fais ?

  • Speaker #1

    Alors, l'alimentation végane n'est pas forcément saine.

  • Speaker #0

    Non, mais je ne parle pas de l'alimentation végane, mais plutôt de l'alimentation restrictive que tu as, c'est-à-dire concombre, tomate.

  • Speaker #1

    Non, pour le coup, les crises ne sont pas saines du tout. Ça va être beaucoup de féculents, beaucoup de produits industriels, ce qu'on appelle des simili-carnés, des faux steaks, des faux nuggets, ce genre de choses. Après, j'ai l'impression que oui, les crises sont contrôlées dans le sens où c'est très rare que la crise me surprenne. En général, elle est plutôt programmée. Je sais ce que je vais manger, je sais en quelle quantité. Il y a toujours cette notion quand même de perte de contrôle, je pense, parce que si j'avais le choix, je ne les ferais pas ces crises. Mais oui, les crises, en tout cas, sont toujours vegan et sont toujours dans un certain contrôle quand même. Oui,

  • Speaker #0

    petite explication. Quand je disais saine, c'est parce que je rentre dans... dans ton mode de vie lié à l'anorexie. C'est-à-dire qu'à mon sens, il n'y a pas... Par exemple, manger plein de pâtes, à mon sens, ça peut être très, très sain. Donc, je fais un petit disclaimer quand même pour expliquer ça. Et j'avais aussi envie de... parler du risque à devenir vegan. Je vais m'expliquer. En fait, là, et d'ailleurs, c'est très intéressant parce que, par exemple, quand tu fais des crises, tes crises sont vegan. Et ça, c'est assez parlant. Moi, j'ai accompagné différentes personnes qui étaient vegan et qui faisaient des crises monumentales sur beaucoup de produits laitiers, tu vois, sur du fromage, des glaces. voire même sur de la viande. Je trouve que c'est intéressant à regarder. Il y a des personnes qui deviennent véganes pour différentes raisons. Il y a aussi quelque chose, on s'imagine que le véganisme, c'est un super moyen pour perdre du poids, pour être mince, pour manger sain, pour machin. En fait, tout ça, c'est des conneries, on est bien d'accord, tout comme le manque de protéines ou quoi. J'aimerais rappeler qu'il y a des grands champions, des sportifs qui sont véganes. Donc, voilà, ça n'a rien à voir. Et que du coup, quand on l'est pour les « mauvaises raisons » , pour des raisons de diète culture, de perte de poids, de toute façon, ça va être dangereux et compliqué à maintenir. Mais même dans le cas, je me souviens d'une personne que j'ai accompagnée où vraiment la cause animale, un peu comme toi, franchement, depuis toute petite et tout ça, c'était très important pour elle, mais il n'empêche que, et c'était difficile pour elle de l'admettre en plus, il y avait de la honte en fait. à faire des compulsions sur des produits d'origine animale. Et en fait, on a vachement bossé ensemble sur le fait de prioriser et de se dire, OK, à un moment donné, si tu laisses ta santé ou si tu meurs, je ne vois pas en quoi tu vas défendre la cause animale. Donc peut-être que c'est intéressant de prioriser la guérison de tes troubles alimentaires et que pour ça, il va falloir remanger quelques produits. Donc elle n'a pas du tout réintroduit de viande, de poisson. Mais par contre, elle avait réintroduit du beurre, tu vois, des choses comme ça. Et donc, voilà, j'avais envie de préciser ça parce qu'il y a parfois ça qu'on observe. Et je me dis, tu vois, il y a plein de gens qui vont écouter notre épisode de podcast et que ton histoire, elle est trop chouette et je suis trop contente que tu aies amené ce témoignage-là. Et je ne peux pas m'empêcher d'avoir un peu peur que des gens se disent « Ah ouais ? » Mais vas-y, mais moi aussi, je vais devenir végane et je vais guérir de mes troubles alimentaires. En fait, entendez bien, s'il vous plaît, à quel point cette histoire, l'histoire de Marion, est une histoire, comme chacune a son histoire, qui est nécessairement unique et qui correspond à ton parcours. Donc, je trouve ça hyper intéressant quand même qu'on puisse en parler dans ce podcast, parler aussi du végétarisme et du véganisme qui ne sont pas... Aujourd'hui, grâce au... Comme tu le disais, il y a énormément de choix. Donc, ce ne sont plus des alimentations qui vont être égales à de la restriction. Je pense que c'est possible de vraiment diversifier, mais qu'effectivement, ça va nécessiter des adaptations et pas mal de cuisine, je pense. Je pense que tu peux en témoigner. Et voilà, et attention à ce pour quoi on fait les choses. Je pense que pour toi, si ça a eu cet effet-là aussi, c'est parce que c'était ultra raccord avec tes valeurs, en fait. qu'il y avait quelque chose de... Je ne sais pas, est-ce que tu as envie de rebondir sur ce que je viens de dire ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Effectivement, je ne dis à personne que devenir végane, ça va sauver des troubles alimentaires ou même faire maigrir. Je sais que ma mère est devenue végane un peu dans la suite de moi, parce qu'on a eu un échange un peu houleux à ce sujet-là. Du coup, elle a pris la décision de devenir végane aussi et elle a pris 10 kilos. Ça ne veut pas dire... Mon conjoint, depuis qu'il est végan, il a pris du poids parce qu'en fait il mange beaucoup plus,

  • Speaker #0

    beaucoup mieux,

  • Speaker #1

    beaucoup de choses qui lui font plaisir. Et en fait, il y a une certaine forme de compensation qui fait qu'au final, il veut aussi prendre du poids tout en étant végan. Moi, dans mon cas, ça a stabilisé, mais finalement, ça n'a pas suffi. à me sortir définitivement des troubles alimentaires, mais je pense que en tout cas ce qui peut être intéressant pour tout le monde je pense c'est de se questionner en fait sur ses valeurs.

  • Speaker #0

    Et ce qu'on en fait dans le sens où, c'est quelque chose que j'aime beaucoup dire, mais notre carte bleue, c'est notre bulletin de vote. Et en fait, à chaque fois qu'on achète quelque chose, à chaque fois qu'on consomme, on vote pour quelque chose. Et que ça peut être intéressant de se poser la question d'avec quoi je suis raccord ou je ne le suis pas. Qu'est-ce qui est raccord avec mes valeurs ou pas ? Ça peut être plein de choses. Ça peut être effectivement la viande, le poisson, les produits laitiers. Mais ça peut être aussi, pourquoi pas, l'huile de palme. Ça peut être aussi... certaines marques, il y en a qui vont boycotter Coca-Cola ou Nutella ou même dans ses achats quotidiens dans les achats de vêtements, éviter la fast fashion ce genre de choses je pense que c'est toujours intéressant de se questionner sur notre consommation et sur nos valeurs je pense que ça ne peut pas faire de mal d'être plus raccord avec ces valeurs peu importe les achats concernés oui

  • Speaker #1

    c'est vrai oui oui Mais comme je suis un peu une chieuse, je ne peux pas m'empêcher d'ajouter, ça ne peut pas faire de mal, mais quand on a des troubles alimentaires, ça peut être glissant. Je pense malgré tout qu'une personne qui a des troubles alimentaires et qui se dit, mais ouais, mais carrément, moi, j'ai envie de devenir végane parce que ça me révolte l'exploitation animale et tout ce qu'on fait, tout ce qu'on fait subir aux animaux et voilà, tutti quanti, et qu'en fait, ça risque, ça peut. entendez que ça peut faire flamber quand même les troubles alimentaires et que ça peut être intéressant dans ce cas-là d'être accompagné, du coup. Je pense aussi. Aussi parce que c'est intéressant de prendre les infos, même si aujourd'hui, je pense que sur les réseaux, enfin sur Internet, il y a quand même plein d'infos sur comment pallier au fait de ne plus consommer, notamment de protéines d'origine animale. Mais ça peut être cool si vous avez des TCA et que vous vous questionnez là-dessus. peut-être aller vers une diète, si possible spécialisée TCA, et parlez-lui de ça, et elle pourra vous accompagner peut-être dans la végétalisation de votre alimentation, si elle s'en sent capable.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Et puis, ce que je trouve important de dire aussi, c'est que le véganisme n'est pas une religion, et qu'il n'y a pas d'interdit, en fait. Il n'y a pas d'aliment interdit. C'est-à-dire que je ne me suis jamais interdit, si un jour j'ai envie de manger une pizza à quatre fromages, je mangerai une pizza à quatre fromages. Et que ça ne doit pas, comme tu disais très bien, être un outil de la restriction en fait. C'est un choix qu'on fait, ce ne sont pas des règles fixes et ça ne soigne pas d'un trouble alimentaire. Et si on souffre soi-même de troubles alimentaires, il faut pouvoir être... Être flexible aussi, comme moi j'ai pu l'être dans cette hospitalisation, on m'a dit non, vegan ça ne va pas être possible, il va falloir être végétarienne. La priorité c'est la santé et c'est comme ça. Et je sais qu'après c'est pour mieux reprendre derrière, mais que ce ne sont pas des interdits religieux, ça ne doit pas être restrictif au contraire.

  • Speaker #1

    Pas au détriment de la santé globale, très intéressant. Qu'est-ce que tu penses ? Attention, question ! Une question, je crois que je ne l'ai jamais posée avant, mais j'ai envie de te demander ça comme ça. Qu'est-ce que... J'ai deux façons de la poser. Qu'est-ce que tu penses qu'il te manque là pour aller vers la guérison ? Ou qu'est-ce que tu penses que tu as à devoir faire dans les mois à venir ? Comment tu vois la suite ?

  • Speaker #0

    C'est compliqué. Je pense que je suis trop... Trop enfermée dans mes habitudes. Aujourd'hui, je vis dans l'appartement dans lequel je vivais avec ma mère. Ma mère a déménagé mais m'a laissé l'appartement. L'appartement dans lequel je suis tombée malade la première fois et dans lequel je vis depuis plus de 15 ans. Et je pense qu'il me manque un changement dans ma vie, quelque chose qui vienne un peu bousculer ces habitudes qui sont trop ancrées depuis trop d'années. et c'est en projet avec mon fiancé qu'on déménage en province d'ici l'an prochain donc je pense que ça c'est quelque chose qui me ferait vraiment du bien parce que pour le coup j'ai du mal à évoluer dans cet environnement où la maladie est installée depuis très longtemps

  • Speaker #1

    Ouais c'est intéressant tout à l'heure je t'ai parlé de loyauté à ton père à ta mère, aux familles maternelles, paternelles on pourrait parler aussi de la loyauté à la maladie et de Merci. et que là, peut-être que le lieu te ramène à cette loyauté aussi à la maladie, un morceau d'identité que tu aimerais peut-être décoller. Oui, c'est intéressant.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    OK. Qu'est-ce qui t'a aidé sur ton parcours et qu'est-ce qui pourra t'aider à l'avenir, tu penses ?

  • Speaker #0

    Mon entourage m'a beaucoup aidée. Je pense notamment à mon conjoint qu'on s'est rencontré il y a quatre ans. Il a appris à comprendre la maladie, à connaître ses mécanismes. Aujourd'hui, c'est devenu quelqu'un de très aidant, de très à l'écoute, de très bienveillant et qui comprend vraiment la maladie et le fait de me dissocier des symptômes. Donc c'est quelqu'un qui peut être très aidant au quotidien. Après, ce qui m'aide beaucoup, c'est mon suivi aussi avec ma psychologue, mon psychiatre, ma diététicienne, qui sont vraiment chouettes. Je pense notamment à ma diététicienne qui est formée au TCA, que j'ai rencontrée à Montsouris, donc qui est très compétente dans ce domaine-là et qui est OK avec le fait que je sois végane, ce qui n'était pas assuré, parce que souvent, justement, on va un peu faire ce raccourci de... Le véganisme, c'est restrictif, donc c'est un outil de la maladie, donc il ne faut pas, etc. Et j'ai été beaucoup confrontée à ça, de « ah bah oui, mais il faut manger de la viande » ou je ne sais quoi. Et elle, elle n'était pas comme ça, au contraire, elle m'a vraiment prise comme j'étais. Et elle construit avec moi autour de mes valeurs, autour de mes problématiques. Donc je pense que le fait d'être accompagnée par des professionnels formés, vraiment qui... Parce que ce n'est pas le cas de tous les professionnels, clairement, et je suis tombée sur des personnes qui m'ont dit des dingueries. Mais en tout cas, des personnes formées, c'est vraiment très aidant.

  • Speaker #1

    Dernière question du podcast que j'aime bien poser, c'est de savoir ce que tu aimerais transmettre aux personnes qui sont en train de nous écouter, qui sont peut-être en plein tourbillon des TCA, ou peu importe là où elles en sont. En tout cas, qu'est-ce que tu voudrais transmettre aux personnes qui souffrent d'un trouble alimentaire ?

  • Speaker #0

    que je sais que c'est très douloureux, que c'est super difficile à vivre et surtout que le poids qu'on fait, l'apparence qu'on a ne dit rien de la tempête intérieure. Et qu'il ne faut pas hésiter à demander de l'aide très concrètement, même si on ne s'en sent pas légitime. Parce que la souffrance, elle est mentale, elle n'est pas physique. Elle peut devenir physique, bien sûr, mais elle se passe dans la tête. Et que je sais qu'on peut être à un poids très bas et se sentir très bien, comme on peut être à un poids normal ou même à un poids haut et se sentir très mal. Et qu'il ne faut pas attendre d'avoir atteint un certain poids pour demander de l'aide. Il ne faut pas attendre que les professionnels autour s'inquiètent pour demander de l'aide. Il faut y aller quand on sent qu'on en a besoin.

  • Speaker #1

    Aussi difficile que ça puisse être.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait. Oui, complètement. Écoute, merci beaucoup pour cet échange que j'ai trouvé très riche. Merci pour être venue aussi parler de ce sujet de, finalement, on pourrait appeler ça un régime alimentaire, quelque part, d'être végane, végétarien. Je trouve ça très intéressant. Effectivement, je n'en avais encore jamais parlé dans le podcast. Et je suis hyper contente que... T'es trouvé ce suivi, ces professionnels qui effectivement acceptent de t'accompagner en respectant ces convictions qui sont fortes et, comme tu l'as dit, identitaires chez toi. Je pense que c'est tellement important de prendre les personnes dans leur unicité, tu vois. C'est trop chouette. Moi, j'ai envie de te souhaiter tout le meilleur. J'ai envie de te souhaiter... d'oser être toi-même, de couper les liens qui t'encombrent là et les boulets que tu traînes à la patte. Et j'ai plutôt confiance dans le fait que tu arriveras à trouver les ressources et les aides autour de toi. Mais en tout cas, un immense merci pour être venue parler de ces sujets douloureux et d'avoir accepté de transmettre aux personnes qui m'écoutent.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi de m'avoir reçue dans ce podcast et de m'avoir permis de m'exprimer sur ces sujets. C'est vraiment chouette.

  • Speaker #1

    Avec grand plaisir. Un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode. Comme je te le dis souvent, ton soutien est super important. C'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui. Alors, si mon contenu t'apporte de l'aide, d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast, en parler autour de toi, à tes proches, mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles. notamment sur Spotify ou Apple Podcast ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. Effectivement, tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté. Merci, merci beaucoup. C'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer. Je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible. Et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation de Marion

    01:27

  • Ses souvenirs d’enfance autour du corps / de l’alimentation

    02:46

  • Le moment de la bascule vers les régimes et les TCA

    09:42

  • La difficulté à voir ses TCA pris en charge

    17:38

  • Où en est Marion aujourd’hui

    24:57

  • Végétarisme et véganisme

    44:25

  • Ce qui l’a aidée sur le parcours

    01:04:20

  • Ce que Marion aimerait vous dire

    01:06:18

Description


Mon podcast t’apporte de l’aide ?

-> Tu peux m'aider à ton tour en faisant un don juste ici

-> Laisse moi 5 belles étoiles sur Spotify et Apple Podcast afin de me soutenir et me donner le boost pour continuer!
Cela permettra aussi à de nouvelles personnes de me découvrir et de profiter de mes outils! 🙏


Pour participer au podcast, merci d'écrire à podcasttcaetc@gmail.com



TW: Il est fait mention de tentative de suicide et de scarifications


L’échange que je vous propose avec Marion est d’une grande richesse et nous permet d’aborder plein de choses :

Les enjeux relationnels (notamment familiaux) des troubles alimentaires, 

La difficulté de la prise en soin, particulièrement si d’autres pathologies sont associées au trouble alimentaire,
La question des loyautés familiales,
La cause animale, le choix du végétarisme et du véganisme


Merci Marion d’être venue témoigner en toute transparence à mon micro. 


Au programme : 


Présentation de Marion

Ses souvenirs d’enfance autour du corps / de l’alimentation
Le moment de la bascule vers les régimes et les TCA

La difficulté à voir ses TCA pris en charge

Où en est Marion aujourd’hui
Végétarisme et véganisme

Ce qui l’a aidée sur le parcours

Ce que Marion aimerait vous dire




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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Marion sur le podcast, je suis contente de t'accueillir aujourd'hui pour discuter.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, je suis ravie d'être là aussi.

  • Speaker #0

    Trop bien, on va prendre le temps d'échanger sur toi, sur ton histoire, ton parcours. parce que tu avais envie de pouvoir apporter ton témoignage. Et un grand merci pour ça, parce que c'est hyper utile. Je pense que tu es bien placée pour savoir que d'entendre d'autres personnes raconter leur histoire, ça peut vraiment permettre à plein d'autres personnes qui vont écouter de se reconnaître, s'identifier et donc peut-être aussi de trouver des clés. Donc pour commencer, je te propose de te présenter de la manière dont tu as envie.

  • Speaker #1

    Moi je m'appelle Marion, j'ai 26 ans. J'ai une grande conviction dans la vie qui tourne autour des animaux et du respect envers les animaux. C'est une valeur que j'ai depuis que je suis toute petite, depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Et c'est pour ça que ça fait trois ans que je suis végane, un peu plus de dix ans que je suis végétarienne. Donc c'est vraiment quelque chose qui est mon moteur dans la vie. C'est mon travail, c'est vraiment ce qu'il y a de plus important pour moi. À côté de ça, je vis avec deux Ausha et un cheval. Donc je suis bien entourée d'animaux aussi. Et pour rentrer dans le vif du sujet, je souffre de troubles du comportement alimentaire depuis un peu plus de dix ans.

  • Speaker #0

    Ok, merci pour cette présentation qui pose déjà le cadre effectivement de qui tu es, mais aussi de pas mal de choses autour de l'alimentation. ça promet d'être très intéressant tu le sais j'aime bien ramener les personnes qui viennent intervenir dans le podcast à des souvenirs d'enfance et j'avais envie de te poser aussi cette question qu'est-ce qui te revient à toi quand il s'agit de rapport au corps ou d'alimentation c'est quoi le ou les souvenirs les plus marquants autour de l'enfance pour toi alors

  • Speaker #1

    il y en a plusieurs j'irais au niveau de l'alimentation, le premier qui me vient et qui fait écho à ce à ce que je disais, je devais avoir 7 ou 8 ans. Et j'étais au restaurant avec ma mère, ma meilleure amie et la mère de cette meilleure amie. Et la mère de ma meilleure amie a commandé de l'agneau. Et c'est à ce moment-là que j'ai compris, en fait, que la viande qu'on me servait à manger venait des animaux. Et du haut de mes 7 ou 8 ans, j'ai tapé un scandale monstrueux dans le restaurant en disant que c'était un crime, que c'était... Atroce et donc du coup j'ai vraiment ce souvenir là très précis de cette prise de conscience alimentaire qui avait rien à voir avec mon corps ou mon poids qui était vraiment un autre type de prise de conscience mais qui avait été très très fort. Donc ça c'est un peu le premier souvenir alimentaire vraiment que j'ai. Après au niveau de mon rapport au corps, je sais que ça a toujours été compliqué en fait à partir du moment où j'ai été en contact avec d'autres enfants. Je suis plutôt grande et j'étais assez bien portante petite, j'ai jamais été au-dessus des courbes mais j'étais en haut des courbes et je me souviens qu'à l'école, dès la... Peut-être dès la maternelle ou dès la primaire, en tout cas, je me comparais déjà beaucoup aux autres. J'avais déjà ce sentiment d'être plus grosse que les autres, mais je ne faisais pas le lien avec ce que je mangeais. J'étais gourmande, j'aimais manger, je ne me posais pas de questions. Donc, je n'ai pas le lien entre ce que je mangeais et mon corps, mais je sais que j'ai été complexée à partir du moment où j'ai été en contact avec d'autres enfants, en fait.

  • Speaker #0

    Ok, mais tu situerais ça autour de quel âge ?

  • Speaker #1

    Peut-être 6-7 ans, dans ces eaux-là.

  • Speaker #0

    Ok, donc c'est un peu dans la même période que la prise de conscience avec l'agneau. Il y a des choses importantes qui se sont jouées pour toi à cet âge-là, quoi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et je me posais une question en t'écoutant par rapport à la scène du restaurant. Est-ce qu'à ce moment-là, les animaux avaient déjà une grande place dans ta vie ?

  • Speaker #1

    Oui, ça a toujours été le cas. En fait, il y a un mot que j'ai appris il n'y a pas si longtemps que ça, il y a quelques années, qui s'appelle l'antispécisme. L'antispécisme, c'est à l'image du féminisme, de l'antiracisme, c'est l'opposition au spécisme. Et le spécisme, c'est la discrimination des individus selon leur espèce. Donc ça va être de considérer que l'humain a plus de valeur que les autres animaux, que par exemple les Ausha et les chiens ont plus de valeur que les vaches et les cochons, etc. Et donc l'antispécisme, c'est le fait de s'opposer. à ce système-là et de considérer tous les individus à la même valeur morale, peu importe leur espèce. Et en fait, ça, je pense que c'est quelque chose que j'ai ressenti depuis que j'étais toute petite. Déjà, je me souviens en maternelle des enfants qui s'amusaient à écraser des gendarmes, les petits insectes, et ça me rendait dingue, ça me rendait violente en fait. Parce que pour moi, on ne tuait pas, on n'avait pas le droit de tuer, on n'avait pas le droit de faire de mal. Donc ça, c'est vraiment quelque chose que j'ai l'impression de porter en moi depuis toujours, en fait. Cet antispécisme, ce fait de considérer toutes les espèces animales vivantes comme mes égales, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, effectivement, c'est surprenant que ça ait été si fort et si marqué et si clair, en fait, pour toi, depuis toute petite. Oui. Ok. Est-ce que tu sais d'où ça vient ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. J'ai été élevée par des parents sensibles à la cause animale, mais qui consommaient de la viande. Enfin voilà, le cas classique de personnes qui s'opposent à la vivisection, à la corrida, mais pas au cirque, pas à la consommation de viande. Enfin voilà, un peu le schéma, on va dire, assez classique de personnes sensibles à la cause animale, mais pas sensibilisées à toutes les causes animales. Et par contre moi, depuis toute petite, j'ai ce truc-là. C'est mon identité, vraiment.

  • Speaker #0

    Ok, ton identité. Ok, quelque chose de très ancré, ça marche. Est-ce que tu pourrais aussi nous parler de la façon de manger de ta famille et de tes parents au-delà de la viande ? Parce que là, on parlait de d'où ça te vient, ce rapport très fort aux animaux et à la cause animale. Mais comme on va bientôt parler aussi de tout ce qui est troubles alimentaires, dans quel milieu toi tu as grandi et par quel type de mangeur, j'ai envie de dire,

  • Speaker #1

    tu as été élevée ? Ma mère a toujours été... Une bonne mangeuse, mais disons qu'elle faisait attention. Elle n'était jamais au régime, mais elle faisait attention, souvent. Mon père, lui, je ne le voyais que les week-ends, parce que mes parents sont séparés depuis ma naissance. Et je me souviens que le week-end, il n'y avait pas vraiment de sujet autour de l'alimentation. On mangeait, il n'y avait pas vraiment de sujet. Du côté de ma mère, on mangeait équilibré, on mangeait bien, on mangeait correctement. Mais il y avait souvent cette notion de « elle fait attention » mais elle ne me l'a jamais imposé. Et sinon, j'ai un souvenir assez précis qui me revient avec mon père justement. Pareil, j'étais petite et on jouait avec une de mes voisines. Mon père nous prenait sur ses épaules et nous jetait dans le lit, en gros, un jeu d'enfant. Et il le fait avec ma copine et puis après il me prend et il fait « ouh, c'est pas le même poids » . Et ça, je me souviens que ça m'avait vraiment... Ça, ça a été un coup de poignard sur le cou. Et ouais, je me souviens de ça au niveau de... Je pense la seule remarque que j'ai eue de mon entourage, vraiment sur mon poids, ça a été celle-ci. Elle m'a vraiment beaucoup marquée. Mais sinon, non, au niveau de l'alimentation, c'était assez serein, en fait. J'ai été élevée principalement par ma mère et mes grands-parents maternels. Et ma grand-mère était très... Très avant-gardiste sur le principe où elle mangeait beaucoup de purée d'oléagineux, de galettes de riz, de crème de soja. C'était très bio avec toujours des trucs bizarres à manger. Mais voilà, j'ai été élevée à peu près là-dedans en fait.

  • Speaker #0

    Les trucs bizarres à l'époque mais qu'aujourd'hui tout le monde mange. Oui,

  • Speaker #1

    voilà.

  • Speaker #0

    Pas partout sur les réseaux.

  • Speaker #1

    Je me souviens que mes amis... Au goûter, ils avaient le droit à des petits princes, à des granolas. Et puis moi, j'avais mes galettes de maïs avec de la purée de menthe, etc. Mais c'est plutôt des bons souvenirs quand même.

  • Speaker #0

    Oui, j'entends que ça semblait assez serein pour toi et que ce sont plutôt des souvenirs plaisants de ton enfance. Alors, à quel moment est-ce que ça a basculé ? À quel moment est-ce que ça a changé pour toi, ce rapport à l'alimentation ? Et pourquoi ?

  • Speaker #1

    Ça a été... assez radicale, comme beaucoup de choses dans ma vie. C'était une période où j'étais au collège et j'étais en grande souffrance. J'étais diagnostiquée dépressive depuis plusieurs mois, j'avais déjà été hospitalisée. C'était une période qui était vraiment très difficile et je me sentais très seule. Et je me souviens d'un vendredi soir, alors je n'ai pas la date, mais je sais que c'est un vendredi soir où j'étais sur mon ordinateur et j'ai commencé à me demander ce que je pourrais changer dans ma vie pour aller mieux. Et je me suis dit, mais j'ai toujours été complexée, je me suis toujours trouvée trop grosse, peut-être que la solution ce serait de maigrir. Et du coup, j'ai tapé sur Internet comment maigrir rapidement. Je ne sais plus ce que j'ai écrit exactement. Et à ce moment-là, je suis tombée sur les comptes de ProAnna. Ouf ! Ils n'existent plus aujourd'hui, enfin, qui sont vraiment très, très censurés. Mais en 2013-2014, ça ne l'était pas encore. Et j'étais vraiment désespérée. Et ce que je dis assez souvent quand on me pose la question, c'est qu'en fait, à ce moment-là, j'aurais pu tomber sur n'importe quel secte que je serais tombée dedans, en fait. J'étais dans un tel besoin d'appartenance, d'avoir un objectif de vie, un objectif quotidien, d'avoir quelque chose qui me tienne, qu'en fait j'aurais pu tomber dans tout et n'importe quoi et je suis tombée là-dedans. Donc ça a été un peu du jour au lendemain, j'ai découvert les proanas et j'ai décidé que je deviendrais anorexique. Et donc ça a été vraiment du jour au lendemain, j'ai pas voulu perdre quelques kilos, j'ai voulu être maigre, j'ai pas voulu faire un petit régime, j'ai voulu arrêter de manger. Et du coup, voilà. Vraiment du jour au lendemain, j'ai cessé de manger pendant plusieurs mois. J'ai perdu pas mal de poids, mais je n'ai pas été dans un cas de dénutrition avancée. J'ai été hospitalisée assez rapidement pour une tentative de suicide. Et je n'ai pas été prise en charge vraiment pour les troubles alimentaires. Dans toutes les hospitalisations que j'ai eues, ça a toujours été secondaire pour les médecins. ces troubles alimentaires, c'était un symptôme de dépression, c'était un symptôme de ma crise d'adolescence, etc. Ça n'a jamais été traité en tant que tel, et du coup ça s'est installé très progressivement sur des années. Donc ça a vraiment commencé comme ça. Il faut savoir que je suis du coup devenue végétarienne pendant mon hospitalisation, qui a suivi ça, notamment parce qu'on me forçait à manger, et on me forçait à manger de la viande. Et déjà j'avais un problème avec ça, déjà ça me gênait, et du coup c'est à ce moment-là, un peu par opposition, si je peux dire, que j'ai dit « pour la peine je ne mangerai plus jamais de viande » . Et ça a démarré un peu comme ça, puis ça s'est calmé après. Pendant quelques mois ça a été plus calme, j'ai réussi à remanger. Ouais, voilà, j'ai réussi à remanger. Et puis c'est en arrivant au lycée que j'ai fait la rencontre d'une jeune fille qui était boulimique. et qui se faisait vomir. Et moi, ça ne m'était jamais venu à l'idée de faire un truc pareil. Et en fait, quand elle m'en a parlé, je me suis dit, mais quelle bonne idée, en fait. Effectivement, c'est super pratique, parce que comme ça, je fais attention tout le temps. Et puis, quand je fais un petit excès, un petit écart, je vomis et je suis tranquille. Et très vite, j'ai réussi à me faire vomir et très vite, j'ai sombré dans la boulimie avec les crises, avec tout ça. Et ça, ça ne m'a pas lâchée depuis une dizaine d'années.

  • Speaker #0

    Ok. Et est-ce que tu sais aujourd'hui, avec le recul, pourquoi ou à quoi était reliée la dépression dont tu souffrais à ce moment-là ?

  • Speaker #1

    Oui, alors il y avait plusieurs choses. Je dirais que la principale raison, le grand drame de ma vie, c'est mon père, en fait. C'était quelqu'un de... Il était lui-même dépressif. Et c'était quelqu'un d'extrêmement exigeant, notamment vis-à-vis de moi. Je ne sais pas trop comment l'expliquer, mais en fait on ne s'est jamais aimé avec mon père. Il y a toujours eu un blocage. Il faut savoir aujourd'hui que ça fait un peu plus d'une dizaine d'années que je ne l'ai pas vu, que je n'ai pas eu de nouvelles. Donc ça a été de multiples abandons de la part de mon père à ma naissance. Et puis après, quand justement j'ai été hospitalisée pour ma tentative de suicide, il m'a annoncé qu'il partait vivre en Australie à ce moment-là. Et je ne l'ai jamais revu depuis, donc ça a été... Voilà, un peu une succession d'abandon, de remarques, de reproches de sa part. Et je pense que ça participait beaucoup à mon état général. Et au collège, j'ai subi du harcèlement. En plus de ça, ça a été une période très compliquée à plein de niveaux. Et en fait, je me suis réfugiée dans les troubles alimentaires comme un bouclier, comme quelque chose qui me protégerait de... du monde extérieur en fait.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui t'a séduite à l'époque en tombant sur les comptes ProAnna ?

  • Speaker #1

    C'est le fait d'avoir un objectif. À l'époque, sur ces blogs, il y avait les commandements des ProAnna avec les règles.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Il y avait plein de blogs qui en parlaient. Je me suis dit que c'était génial. Tous les jours, j'ai un nouvel objectif. Je vais réussir à perdre du poids. Si je perds du poids, je verrai des amis. Et puis si j'ai des amis, je serai plus heureuse. Donc en fait, si je maigris, je serai plus heureuse. Et je suis vraiment tombée la tête la première là-dedans. Et j'ai passé des semaines à consulter tous les blogs de Proana qui existaient, à lire tous les commandements, à les réécrire dans des carnets. Je me faisais des cahiers Proana avec toutes les règles, avec les commandements. Je m'écrivais des lettres. C'était quelque chose de très sectaire, en fait, de très extrême et de très sectaire. Et je pense que j'avais besoin de ce cadre-là aussi. C'est quelque chose dont je me suis rendue compte beaucoup plus récemment. Mais qu'en fait, l'anorexie et cette petite voix, comme on dit, la petite voix de la maladie dans la tête, elle est arrivée au moment où mon père est parti. Et il y a quelque chose qui, je pense, s'est installé comme ça, qui s'est construit sur le cadre dont j'avais peur de manquer. sur l'exigence qui m'était demandée, parce que ma mère n'était pas du tout exigeante, au contraire, c'était plutôt la maman cool avec qui les choses étaient plutôt faciles, elle ne me demandait pas trop, alors que mon père lui m'en demandait beaucoup. Et donc je pense que j'ai un peu construit cette anorexie à l'image de mon père et de cette pression qu'il exerçait sur moi, de ce cadre qui était très strict et que j'ai retrouvé dans la maladie du coup.

  • Speaker #0

    Ok, et c'est passé un peu inaperçu les troubles alimentaires alors, même par rapport à ta famille ? Tu vois, quand tu parlais de tes carnets où tu écrivais tout ça, ta maman, elle ne s'en rendait pas compte ?

  • Speaker #1

    Alors les carnets, non, elle ne les a jamais vus, mais par contre, elle a vu que oui, du jour au lendemain, j'arrêtais de manger. C'était assez évident et ça l'a été tout le temps en fait. Ma mère, à partir de ce moment-là, a été au contraire très vigilante sur ce que je mangeais. Et très inquiète, très vite, si je finissais pas mon assiette. Et ça, jusqu'à encore aujourd'hui, un peu plus tard que le week-end dernier, je déjeunais avec elle et je sais qu'elle a très peur de ce que je mange, ou plutôt de ce que je mange pas. Et donc, elle s'est très vite inquiétée à ce niveau-là. J'ai été suivie très rapidement. Enfin, j'étais déjà suivie parce que j'avais déjà été hospitalisée, j'étais déjà en dépression sous antidépresseur. Donc, ça fait très longtemps que j'ai un suivi psychologique, psychiatrique.

  • Speaker #0

    mais tu disais t'as été suivie mais finalement en fait si j'ai bien compris ta maman elle s'est très vite alertée parce que ça lui a sauté aux yeux et elle a voulu alerter le corps médical mais le corps médical lui n'a pas pris en considération la gravité de ce qui était en train de s'installer finalement du trouble alimentaire et a considéré que c'était quelque chose de secondaire de consécutif à d'autres problématiques Et que peut-être, eux, dans leur esprit, sans doute, c'était, voilà, si on règle les premiers problèmes qu'ont créé la dépression, le mal-être, eh bien, le trouble alimentaire disparaîtra parce que c'est juste relié à ça, quoi.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui, totalement. C'est exactement ce qui s'est passé. Donc, ça n'a pas été... Enfin, à part me dire, il faut manger. On a pas vraiment été à l'écoute de... de ce trouble alimentaire et du coup je l'ai gardé pendant très très longtemps, surtout de la boulimie vomitive avec des crises très régulières, ça c'est quelque chose qui m'a suivi pendant des années. Et il y a un peu plus de deux ans, j'ai eu une réactivation traumatique. Enfin clairement j'ai eu un mail de mon père dix ans après dix ans de silence et ça m'a... anéantisse m'a couché direct et je suis retombée dans l'anorexie, la boulimie pro-initive, plus plus plus. Et j'ai perdu énormément de poids. Et là, je me souviens encore que ça a été difficile d'être prise en charge. En fait, j'ai d'abord été aux urgences après une... Une crise de boulimie où je n'avais pas réussi à me faire vomir. C'était la première fois et la seule fois que ça m'est arrivé où vraiment, j'avais beau tout tenter, ça ne sortait pas. Et j'ai complètement paniqué de me dire je ne peux pas garder tout ça à l'intérieur de moi. Je commençais à avoir des images de moi en train de m'éventrer pour sortir tout ce que j'avais mangé. C'était vraiment intolérable. Et j'étais en tel état de panique que j'avais appelé les pompiers. Les pompiers étaient venus, ils m'avaient emmené à l'hôpital à côté de chez moi. et quand j'ai essayé d'expliquer à l'hôpital ce qui s'était passé Ils m'ont fait sortir avec un anxiolytique et une boîte de laxatifs à ce moment là je pesais 37 kilos pour 1m73 et on m'a fait sortir avec une boîte de laxatif oh la vache et du coup ça a été extrêmement violent on a pas du tout compris et moi je m'attendais à ce qu'en arrivant aux urgences tout de suite ils prennent en charge ma dénutrition parce que là pour le coup c'était visible et en fait pas du tout et donc j'ai dû après appeler une psychiatre du CMP à côté de chez moi pour demander à être hospitalisée et elle a dit « il faudrait faire une demande pour Sainte-Anne » et en fait la demande n'a jamais été faite. Donc plusieurs semaines plus tard, je suis retournée voir cette psychiatre en disant « où est-ce que ça en est ? » J'ai redemandé à être hospitalisée, j'ai été prise en charge dans une clinique générale à côté de chez moi où là j'ai redemandé à ce qu'on fasse la demande pour Sainte-Anne, ça n'a pas été fait. Et finalement c'est ma grand-mère qui m'a trouvé une place à l'Institut Montsouris, qui avait un secteur spécialisé TCA. J'ai pu être prise en charge, mais en fait, il s'est passé six mois entre mon premier appel à l'aide en allant à l'hôpital et le moment où j'ai été prise en charge pour mes troubles alimentaires. Et à ce moment-là, je n'avais pas un IMC normal, j'étais vraiment très très basse et ça n'a pas été pris en compte. Et encore aujourd'hui, j'ai du mal à me dire mais comment cette psychiatre a pu me laisser repartir comme ça en fait ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est clair. Ouais, c'est clair. Mais en plus, ça a dû être terrible parce que c'est hyper difficile d'aller demander de l'aide. C'est hyper difficile de sortir du déni. C'est hyper difficile d'admettre aussi, tu vois. Et donc, c'est tellement... C'est difficile et c'est fragile. Donc, tu te pointes et on te laisse ressortir comme ça. Tu dis, ah ouais, donc, c'est qu'en fait, non, je ne suis pas légitime, je ne suis pas assez maigre. Enfin, tu vois tous les dangers qu'il y a autour de ça, finalement. de la non prise en considération de la situation réelle dans laquelle tu étais. C'est hyper dangereux. C'est clairement prendre le risque de... Enfin, comment dire ça ? Disons que c'est souvent mal compris et que la conclusion qu'on en fait, c'est « Ah, je ne suis pas assez mec, je ne vais pas assez mal, donc clairement, il faut que je maigrisse encore, etc. » Non, c'est horrible. Mais c'est hyper surprenant, du coup. C'est étrange. Cet enchaînement, ce parcours...

  • Speaker #1

    d'errance j'ai envie de dire où juste les professionnels prennent pas en compte font pas leur job quoi ouais ouais c'est clair c'était exactement ça le problème d'illégitimité où je me disais ah bah finalement si à l'hôpital ils me laissent repartir sans me parce que moi je m'attendais à ce qu'on sonde tout de suite et en fait ouais et du coup je me suis dit ah bah finalement je suis pas si malade que ça je suis pas si maigre et à ce moment là j'avais fait aussi la démarche de voir un nutritionniste un médecin nutritionniste ... Et qui m'avait conseillé de noter mes repas. Et en fait, avec du recul, je me dis, dire à une personne qui souffre d'anorexie de noter ses repas, c'est rajouter du contrôle sur le contrôle. Et c'est quelque chose dont je n'ai pas réussi à me séparer. Et encore aujourd'hui, je note absolument tout ce que je mange, les quantités, les calories, etc. Et donc en fait j'ai vraiment eu cette impression que dans ce parcours de soins jusqu'à aller à l'Institut Montsouris où là j'ai rencontré des professionnels compétents qui m'ont vraiment prise en charge, ça a été échec sur échec en fait et j'ai vraiment vu à quel point les personnes n'étaient pas formées aux troubles alimentaires du tout et j'ai vécu des trucs assez... assez dingue dans cette dernière hospitalisation à côté de chez moi, en clinique psychiatrique générale. En fait, c'est très étonnant, mais j'en ai un excellent souvenir. Je romantise beaucoup cette période parce que j'étais tellement livrée à moi-même, tellement... En fait, la maladie a pu prospérer, s'installer, s'insinuer dans toutes les parcelles de mon corps sur cette période-là parce que j'étais vraiment livrée à moi-même dans une clinique. où j'ai pu développer de l'hyperactivité, où je pouvais faire des crises, où je pouvais ne pas manger mes plateaux, qu'on ne me disait rien. Et ça a été vraiment compliqué. Et c'était encore moi qui ai fait la démarche de demander à être hospitalisée dans un service spécialisé. Et là, quand j'y suis allée, d'un seul coup, ça a... OK, ça y est, on me prend en charge, ça y est, on m'aide. Ça y est, on me comprend, on m'écoute, on m'entend. Et ça a été... Mais ça a été très, très long. Ça a été très difficile.

  • Speaker #0

    Et tu es restée combien de temps ? à la clinique Monsouris ?

  • Speaker #1

    Alors, j'y suis allée deux fois. La première fois, j'y suis restée deux mois et demi, je crois. Et la deuxième fois, j'y suis restée peut-être pareil, un mois ou deux. Et là-bas, j'ai été mise sous sonde. J'ai été suivie par une diététicienne, suivie par un psychiatre spécialisé. et qui me suivent toujours aujourd'hui et qui sont des personnes très compétentes que je remercie encore parce que ça n'a pas été facile à trouver.

  • Speaker #0

    Et là, actuellement, ces personnes-là continuent de te suivre. Tu es toujours bien entourée autour de la question des troubles alimentaires. Et comment ça se passe pour toi actuellement, justement ?

  • Speaker #1

    Ça reste très compliqué. En fait, je suis sortie de la clinique Montsouris il y a un peu moins d'un an. et et En fait, je suis sortie parce que mon chat avait des problèmes de santé, notamment des calculs urinaires qui étaient dus au stress et très probablement à mon absence. Et du coup, j'ai décidé de quitter la clinique pour m'occuper de mon chat, qui va beaucoup mieux maintenant. Mais du coup, je n'étais pas guérie, je n'étais pas soignée, je n'étais pas stabilisée en sortant. Et je suis passée par plein de phases différentes. En termes de poids, j'ai repris le poids que j'avais perdu. Là, je suis à mon poids d'état de base, on va dire, mais état de base, je ne pense pas à mon poids d'équilibre parce que ce n'est pas du tout un poids sans effort. C'est vraiment un poids que je maintiens avec des crises de boulimie, avec de l'hyperactivité, avec de la restriction. Aujourd'hui, c'est compliqué, ça prend beaucoup de place encore dans ma tête et dans mon quotidien. Je souffre encore d'hyperactivité, de crise de boulimie plusieurs fois par semaine et d'une grande restriction entre les crises et l'hyperactivité. Donc c'est encore quelque chose qui est compliqué, mais j'avance petit pas par petit pas. Il y a des petites choses que j'arrive à mettre en place et qui font que ça avance quand même. Je pense par exemple à la balance où je me pesais plusieurs fois par jour, je ne me pèse plus que tous les 3-4 jours. Le fait qu'avant je ne prenais pas du tout de repas, je faisais que des crises de boulimie, maintenant je prends deux repas par jour quand même. Donc il y a des petites choses qui avancent mais ça reste très compliqué quand même.

  • Speaker #0

    Ton corps, l'image de ton corps, l'image que tu renvoies reste quelque chose d'hyper présent dans ta tête et d'hyper important ?

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, ouais. Alors c'est... Encore une fois, c'est assez différent de ce qu'on a l'habitude d'entendre, mais disons que j'ai toujours été dans un corps normé. Depuis que je suis formée, je n'ai jamais été au-dessus des courbes, j'ai toujours eu un poids plutôt bas, j'ai toujours été plutôt mince. Mais il y a une quête de maigreur, vraiment, qui n'est pas de... pas d'être mince pour plaire aux autres, mais vraiment d'être maigre à faire peur. Et il y a cette recherche-là, qui est un peu à l'inverse du désir d'être désirable justement, c'est d'être indésirable. Cette recherche d'un corps malade en fait. Il y a vraiment cette volonté-là et que j'arrive pas encore très bien à expliquer, même si j'ai des pistes. Je sais qu'il y a une histoire de la place que je suis capable de prendre. En fait, j'ai du mal à me placer par rapport aux autres et du coup c'est comme si moins je prenais de place avec mon corps, plus mon corps était mince, moins je prenais de place et mieux je me sentais en fait. Donc il y a toujours cette question-là. Mais effectivement c'est... C'est pas tellement dans le regard des autres, parce que je sais, j'ai confiance aujourd'hui d'avoir un corps qui rentre dans les critères de ce qu'on attend, en fait. Mais ce ne sont pas mes critères à moi.

  • Speaker #0

    Ouais, ce que tu dis, moi, ça me fait vraiment écho à des choses que j'ai pu entendre déjà, où l'anorexie se maintient dans un but de représenter un peu la souffrance, tu vois. de rendre visible quelque chose qui est peut-être indicible. Ça peut paraître antinomique parce qu'effectivement, il y a une forme d'effacement dans la maigreur, dans cette recherche de maigreur. Et en même temps, ça se voit. C'est ça qui est parfois difficile aussi dans les autres troubles alimentaires. Par exemple, la boulimie, ça peut ne pas se voir du tout. L'hyperphagie, il peut y avoir une grande prise de poids, sauf que personne ne connaît l'hyperphagie. Donc, juste si les gens deviennent gros, on va juste partir du principe qu'ils ne font pas attention à eux. Mais l'anorexie, ça se voit. Et ça me fait flipper et ça fait réagir les gens. Ça fait réagir la famille. Donc, je ne peux pas m'empêcher, même si c'est peut-être un raccourci un peu facile par rapport à ton papa, où en plus de ça, ça s'est joué en même temps. quelque chose d'une souffrance qui est visible. Ça me rappelle vraiment une personne que j'avais accompagnée comme ça, qui avait subi des traumas terribles, terribles. Et en fait... guérir, sortir, en tout cas, même sans parler de la guérison totale, mais sortir de la maigreur, pour elle, ça revenait à faire penser aux gens que ça y est, elle ne souffrait plus. Et alors que personne n'avait pris conscience de sa souffrance. Et ce qui me fait écho à ça aussi dans ton histoire, c'est les professionnels de santé qui, en fait, en ont juste rajouté une couche, quoi, où tu vois, en fait, genre, t'étais même pas prise en charge. alors qu'il y avait plein de choses qui étaient visibles. Et je pense que ça, ça n'aide pas non plus. Oui,

  • Speaker #1

    c'est clair. Effectivement, il y a encore des moments où je vais me sentir très mal, où je vais avoir envie d'abandonner, où c'est vraiment difficile. Et en fait, la petite voix dans ma tête, elle me dit « Mais tu n'es pas maigre, tu n'as pas le droit d'être mal. » « Tu es plus maigre, tu es plus malade, tu es plus légitime. » tais-toi, t'es pas assez maigre, enfin il y a vraiment quelque chose comme ça qui vient, où effectivement il y a un problème de légitimité. Légitimité dans la maladie, légitimité dans la guérison, où je me dis là j'ai un corps qui est guéri et du coup les gens autour ont tendance à penser que je suis guéri alors qu'en fait dans la tête vraiment, enfin la noxie mentale elle est toujours très très présente et c'est vrai qu'il y a ce désir quelque part que ça se voit en fait. que je souffre. Parce que là, dans le corps normé et idéal selon la société, je vais très bien. Alors qu'en fait, c'est beaucoup plus compliqué que ça.

  • Speaker #0

    C'est comment ça pour toi ? Ce décalage ? Les gens qui pensent que ça va mieux et que t'es guérie, alors que non, pas du tout. Comment tu le vis ?

  • Speaker #1

    Plutôt mal, en fait. Ça, je pense que c'est assez général aux personnes qui souffrent d'anorexie. Mais les compliments du genre « Ah bah, t'as l'air en forme ! » Ah bah t'as l'air mieux, ah bah tu fais plaisir à voir. Et bah en fait c'est extrêmement vexant, contrairement à ce qu'on peut penser, même si c'est dit avec beaucoup de bienveillance, beaucoup de gentillesse et d'amour. Moi quand on me dit ah bah t'as l'air en forme, je comprends, ah bah t'es grosse. En fait, en caricaturant parce que je sais que c'est pas ce que ça veut dire, mais je me dis ah j'ai l'air en forme donc j'ai plus l'air malade, donc j'ai plus le droit d'aller mal. et donc je dois aller bien et donc j'ai l'air d'aller bien donc je dois aller bien et Et il y a pas mal ce truc-là qui est difficile par les proches. Alors mes proches proches vraiment sont au courant et font très attention, évitent ce genre de remarques. Mais des personnes un peu plus éloignées peuvent avoir ce genre de maladresse. Et puis les médecins aussi. Je me souviens avoir vu la médecine du travail. ou quand j'ai dû reprendre le boulot, donc j'ai dû revoir la médecine du travail, et la médecin me demande pourquoi j'ai été arrêtée, donc je lui explique, pour anorexie mentale et dépression, et il me dit « Ah, ben ça va mieux ! »

  • Speaker #0

    Au secours ! Oui, parce que l'anorexie mentale, c'est que l'extrême maigreur, et la dépression, tu serais dans ton lit. Donc ça veut dire que là, ça va mieux.

  • Speaker #1

    Voilà, donc là, ça a été... Il y a plein de fois comme ça, où « Ah, ben tu vas mieux ! » « Ah, ben ça va mieux ! » Et en fait, c'est très, très difficile à entendre parce que ça vient juste réactiver la maladie qui dit qu'on n'est plus assez malade, qu'on n'est plus légitime et qu'on n'a pas à se plaindre. Et du coup, j'ai eu beaucoup de mal à être reconnue pour cette maladie jusqu'au jour où j'ai rencontré le psychiatre qui me suit actuellement, qui m'a dit « mais madame, vous souffrez d'anorexie mentale » . et on va la combattre ensemble parce que cette maladie, elle va chercher à vous tuer, que ce soit par dénutrition ou par suicide, elle va chercher à vous tuer et on va la combattre ensemble. Et je me souviendrai toujours de ce moment là où je me suis dit, ah enfin quelqu'un qui qui entend, qui comprend, qui voit et qui veut m'accompagner et qui veut commencer le combat avec moi et ça a été un très très grand soulagement à ce moment là.

  • Speaker #0

    Quand tu as souffert, avant l'arrivée de l'anorexie, quand tu souffrais déjà de dépression et que tu as fait une tentative de suicide, comment ça a été reçu par tes proches et accompagné ensuite ?

  • Speaker #1

    J'avais déjà été hospitalisée avant pour des scarifications. En fait ça a commencé très tôt, je devais avoir 13 ans. Et à 13 ans j'ai commencé à me sentir mal, j'ai commencé à chercher des moyens de visibiliser cette souffrance. Et j'ai commencé à me scarifier comme ça. Et donc j'ai dû être hospitalisée une première fois parce que j'avais une plaie qui s'était infectée, j'avais dû être suturée, etc. Et donc du coup mes proches étaient déjà très inquiets pour moi à ce moment-là. C'était quelque chose de très violent à recevoir pour elle et eux. Alors pour mon père, je ne pense pas, parce que lui, la première fois qu'on a eu un rendez-vous avec un psychiatre, avec ma mère et moi, il a annoncé que lui était en dépression avant que moi j'aie eu le temps de dire quoi que ce soit. Donc bon, je pense que pour lui ça allait. Mais en tout cas, du côté de ma mère, c'était très difficile à vivre pour eux. Et en fait, depuis, j'ai l'impression qu'il y a une espèce d'inquiétude assez... assez général autour de moi, tout le temps, en fait, de la part de mes proches, parce que depuis que j'ai 13 ans, je me suis fait du mal de toutes les manières possibles et imaginables de se faire du mal. Donc, il y avait une inquiétude, il y avait une vigilance sur à peu près tout. Donc, quand j'ai arrêté de manger, les premières fois que je me suis fait au mien, ça s'est su tout de suite. Et ça a été vraiment très encadré par ma famille.

  • Speaker #0

    Enfin, en tout cas, une partie de ta famille.

  • Speaker #1

    Oui, voilà.

  • Speaker #0

    en tout cas une partie de ma famille comment tu le vis ça de savoir qu'il y a cette inquiétude comme tu dis quasi constante depuis que tu as autour de 13 ans c'est assez difficile à vivre en fait je suis du

  • Speaker #1

    côté de ma mère je suis fille unique et petite fille unique donc je suis vraiment la petite dernière de la famille un peu la petite pourrigatée pour qui tout le monde s'inquiète tout le temps Donc j'ai un petit peu cette sensation d'être dans un cocon de protection et d'amour. Et en fait c'est assez difficile à vivre parce que je sais que quand je me fais du mal, je leur fais du mal. Et il y a beaucoup de culpabilité qui est associée du coup. De culpabilité de me dire que je les inquiète, que je leur fais du mal, qu'eux ils se remettent en question alors qu'ils n'ont rien fait de mal. Je sais que notamment ma mère, elle se remet énormément en question. Elle a un peu toujours peur que tout soit de sa faute, alors que je n'ai rien à reprocher à ma maman, vraiment. Et du coup, c'est plus en ce sens-là que c'est difficile, dans le sens où je culpabilise de leur faire du mal, en fait, de les inquiéter.

  • Speaker #0

    Ok. Donc finalement, d'un côté, il y a ton père qui laisse une espèce de place vide. et puis toujours, qui fait beaucoup de mal, qui semble être quelque chose de très douloureux, et ça semble assez logique. Et d'un autre côté, il y a beaucoup d'amour, mais toute cette inquiétude et cet amour ont plutôt tendance à générer, ça apporte certainement du réconfort, mais en tout cas, ce que tu nommes en premier, c'est de la culpabilité. C'est étrange, parce qu'en t'écoutant, il y a un truc qui me... Je ne sais pas comment dire, qui me saute aux yeux. C'est une sorte de loyauté, des trucs dans lesquels... Ça va être difficile pour moi de mettre des mots dessus sur ce qui est passé par ma tête, mais tu sais, comme s'il y avait un truc juste qui t'empêchait de juste vivre ta vie à toi, tu vois, en étant complètement libre à la fois de tout ce qui se passe du côté de ton père et de tout ce passif avec lui. où j'entends que le passif, il remonte à loin. C'est-à-dire même peut-être quand tu étais in utero, visiblement, il s'est joué des choses, en fait. Un couple parental et voilà, il y a un truc qui découle sur toi, j'ai l'impression, depuis toujours. Mais aussi du côté de ta maman, tu vois, de pouvoir se défaire, même si, effectivement, tu viens de le dire, tu n'as rien à lui reprocher. Mais toi, ça génère beaucoup de culpabilité. Et je me dis, mais waouh ! Vu comme ça, de l'extérieur, en tout cas, je ressens un truc C'était un peu englué. Et où finalement, comment est-ce que tu peux juste développer ta vie, ton identité, tu vois, loin de tout ça, quoi ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Il y a toujours eu cette espèce de paradoxe entre ma famille du côté maternel, qui était vraiment très, pour ne pas dire trop aimante, trop présente, vraiment aux petits soins, et le côté paternel complètement absent. Et du coup, une difficulté même à... à trouver ma valeur, entre guillemets, parce que d'un côté, j'avais l'impression qu'on me valorisait beaucoup trop, qu'on croyait beaucoup trop en moi, qu'on m'imaginait capable de choses incroyables, et je ne me sentais pas à la hauteur de ces attentes-là. Et d'un autre côté, j'ai été oubliée, j'ai été laissée sur le côté, j'ai été abandonnée. Et donc du coup, mon rapport à moi-même, mon égo, n'a pas réussi à se construire là-dedans, entre la détestation et l'adoration, et qu'il y a un espèce de micmac qui s'est fait là-dedans et qui a été très difficile.

  • Speaker #0

    Ouais. Tu penses qu'on peut trop aimer ?

  • Speaker #1

    Je sais pas. Je sais pas. En tout cas, je pense qu'on peut trop protéger, qu'on peut trop... trop valorisé aussi. Et qu'en fait, cette valorisation et cet amour, cette attente, ça peut être une certaine pression. Je sais que moi, depuis que je suis petite, j'ai toujours des grands projets qui n'aboutissent pas et à chaque fois que j'ai un nouveau projet, toute ma famille me soutient, toute ma famille s'investit dans ce nouveau projet, parce qu'ils y croient, vraiment. Et souvent, quand je ne vais pas au bout, quand j'arrête, quand j'abandonne, du coup, il y a beaucoup de culpabilité, parce que tout le monde m'a suivi, tout le monde était à fond avec moi. Et qu'il n'y a pas vraiment de nuance, en fait, dans cet amour-là, dans cette reconnaissance, dans cet espoir, en fait, que je peux représenter.

  • Speaker #0

    Ouais, mais tu vois, encore une fois, ça ne t'appartient pas, ça, j'ai envie de dire. Toi, tu mènes ton projet et pour X ou Y raisons, il n'aboutit pas. Ce matin, j'écoutais un podcast où les deux personnes parlaient de ça, tu sais, des échecs et tout. Et lui, il disait, c'est un mec relativement connu, un humoriste, qui dit, mais attends... Je veux dire, si on a deux réussites pour 18 ou 20 échecs, c'est déjà bien, quoi. C'est ça, la normalité d'un être humain, tu vois. Et du coup, bon, ben voilà, ça fait partie de la vie. C'est jamais très agréable à vivre, mais on n'est pas entraînés non plus, je trouve, déjà, à vivre l'échec. Mais du coup, tu vis ton truc. Et en fait, tu dis, putain, je porte la culpabilité. Enfin, je culpabilise parce que tout le monde était à fond derrière moi, quoi. Oui, mais en fait, bon, ça, après, le fait que les autres s'investissent, toi... j'ai envie de dire, tu vois, ça ne t'appartient pas. Et je me disais aussi, encore une fois, quand je t'écoutais, je voyais les deux facettes encore. Tu vois, le côté, ouais, j'ai plein de projets, c'est trop cool. J'y vais, je me lance, je me lance dans des projets. Et là, je me dis, ah tiens, là, tu te laisses porter peut-être par toute la valeur qu'on t'a accordée quand tu étais petite fille et tout ça. Mais dans quelle mesure le fait d'échouer... ne te permet pas d'être en loyauté aussi peut-être aux côtés de ton père un côté plus exigeant qui croyait peut-être moins en toi enfin tu vois j'avoue qu'il y a une espèce de bascule qui continue de se faire en fait entre les deux tu vois enfin bon je sais pas et je me dis mais en tout cas voilà moi je me dis qu'il y a peut-être et tu l'as sûrement fait déjà mais un travail super intéressant à faire en psychothérapie vraiment autour de la du fait de couper des loyautés familiales, parce qu'on est loyal aussi à des personnes qui nous ont fait énormément souffrir, auxquelles on ne s'attend pas, tu vois. C'est-à-dire que si on questionnait la loyauté que tu as du côté maternel, je pense que ce serait assez facile pour toi de le nommer, de le reconnaître. D'ailleurs, ne serait-ce que la culpabilité que tu ressens, toi, juste d'avoir l'impression de leur faire de la peine ou de les décevoir ou quoi que ce soit, on voit bien le lien et la loyauté qu'il y a. Mais je pense qu'il y a aussi des liens de loyauté du côté paternel qui sont peut-être plus difficiles à voir, mais qui potentiellement sont un peu comme des boulets à tes pieds. Tu vois ?

  • Speaker #1

    Oui, très bien.

  • Speaker #0

    Après, je ne sais pas. Et puis, je pense que tu vas encore explorer des tas de choses. En tout cas, je pense que tu l'as entendu dans mes podcasts. Moi, je reste persuadée qu'on peut se sortir d'un trouble alimentaire sans avoir besoin d'aller tout régler. Tu vois ? et je trouve ça intéressant ce que tu disais aussi tout à l'heure sur les pots de santé qui prenaient pas en charge le trouble alimentaire parce que pour eux c'était simplement relié à autre chose et tout, je crois que c'est une énorme connerie et je pense que, j'espère que les choses bougent dans les prises en charge et que ça arrivera de moins en moins parce qu'aujourd'hui on sait que c'est une pathologie à part entière et oui c'est une... comorbidité de la dépression, on sait que tout ça, ça va très souvent ensemble, il n'empêche que tout doit être pris en charge, et que le comportement alimentaire et tout ça. Mais justement, parlons de comportement alimentaire et parlons de végétarisme et de véganisme. Ça m'intéresse, non, je vais, j'allais dire ça m'intéresse, virgule, et parler d'autres trucs, mais j'ai assez parlé comme ça, je donnerai peut-être mon point de vue après. Je veux bien que tu en parles un peu parce que tu dis que c'est un peu un esprit de contradiction qui t'a poussé à devenir végétarienne. Mais depuis, tu es devenue végane. Oui. Comment ça s'est fait ? Quand est-ce que ça s'est fait ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis devenue végane il y a un peu plus de trois ans. Et c'était très lié à mes troubles alimentaires en plus. Parce qu'à ce moment-là, je retombais dans... la boulimie vomitive, ou du moins, je ne sais plus si je retombais dedans ou si j'y étais, tout simplement. Et en fait, je faisais des crises, je me faisais vomir très régulièrement. Et j'étais retombée sur la vidéo d'un youtubeur que j'aime beaucoup, Link The Sun, pour celles et ceux qui connaissent, qui l'avait fait il y avait plusieurs années sur le véganisme, justement. Et en fait, il concluait un petit peu cette vidéo en disant, moi je ne pousse personne à devenir végane, mais j'invite tout le monde à se questionner sur son alimentation et ses valeurs. Et en fait, à ce moment-là, moi ça m'a fait un gros tilt. Et je me suis dit, mais peut-être que si je n'arrive pas à manger et que ce que je mange le vomit, c'est peut-être parce que je ne suis pas d'accord avec ce que je mange en fait. Et c'est peut-être qu'il y a quelque chose qui n'est pas raccord dans... dans ma façon de faire et ma façon de penser. C'est-à-dire que j'étais végétarienne depuis très longtemps, du coup, en fait, j'avais voulu être végétarienne autour de 7-8 ans après cet épisode avec l'agneau. Ma mère avait été d'accord au début, et puis après, comme on ne s'y connaissait pas, comme on ne s'y connaissait pas très bien en alimentation, qu'à ce moment-là, j'étais intolérante au lactose, bon, ça a été compliqué quand j'étais petite, mais du coup, quand j'ai été adolescente à 13-14 ans, j'ai pu dire, je veux être végétarienne. et donc voilà dix ans plus tard il y a environ trois ans je me suis dit, mais en fait, je ne suis pas d'accord avec ce que je mange. En fait, depuis toujours, je me dis que si je m'écoutais, je serais végane et que si j'allais au bout de mon idée, je serais végane. Et peut-être qu'en fait, c'est juste ça qui bloque. Peut-être que si je n'arrive pas à m'alimenter, c'est parce que je ne suis pas d'accord avec mon alimentation. Et quand j'ai pris cette décision, ça a tout résolu du jour au lendemain. Vraiment, ça a été... Du jour au lendemain, je ne faisais plus de crise, je n'avais plus de restrictions, pas d'hyperactivité, rien du tout. Et puis, il y a eu une réactivation traumatique, du coup, il y a un an et demi, deux ans. Et ça a réactivé les troubles alimentaires. Mais en tout cas, sur le moment, ça avait vraiment été assez magique.

  • Speaker #0

    Et ça a duré combien de temps, cet effet un peu magique ?

  • Speaker #1

    Je dirais un an, un an et demi.

  • Speaker #0

    Ok. Sans crise, sans restrictions et tout ?

  • Speaker #1

    Oui, ça a été assez impressionnant. Oui, c'est fou. Je me suis vraiment dit que j'en étais sortie, que j'avais trouvé d'où venait le problème et que j'en étais sortie. Alors finalement, ce n'est pas si simple que ça. Mais en tout cas, sur le coup, autant quand je suis devenue végétarienne et que je suis sortie de l'anorexie restrictive à ce moment-là que quand je suis devenue végane et que je suis sortie de la boulimie vomitive, c'est arrivé vraiment à des moments... à des moments clés et ça m'a permis de passer des étapes, d'avancer. Plutôt bien de remettre en question quelles étaient mes valeurs et comment est-ce que je consommais par rapport à ces valeurs.

  • Speaker #0

    Ça répondait aussi peut-être à ton fameux besoin de cadre dont tu parlais, où tu vois, tu réintroduis quelque chose, malgré tout, quand même d'assez rigide. Alors après, on peut en échanger. C'est l'image que j'ai d'une alimentation végane qui demande quand même beaucoup d'adaptation dans le monde dans lequel on vit. Quand on regarde les produits qu'on consomme, si on veut qu'il n'y ait rien, rien, rien d'origine animale, c'est quand même complexe. Donc je me dis, peut-être que c'est ça aussi qui a apaisé les symptômes. Peut-être qu'il y avait une réponse aussi à un besoin de cadre, à effectivement un besoin d'alignement avec tes valeurs, puisque ces valeurs-là, elles sont là. depuis tellement petite que effectivement, ça y répond. Du coup, là, tu dis que tes troubles alimentaires, ils sont revenus depuis un an et demi à peu près. Comment ça se gère tout ça ? Quel regard aujourd'hui tu poses là-dessus ? C'est-à-dire que, OK, il y a eu l'effet un peu magique de devenir végane. Est-ce qu'aujourd'hui, c'est toujours un facilitateur d'être végane ou est-ce que tu as l'impression que des fois... ça complique un peu les choses ou ça fait flamber les TCA ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai plutôt l'impression que c'est un facilitateur, dans le sens où c'est tellement évident pour moi aujourd'hui de ne plus consommer de produits issus de l'exploitation animale, qu'en fait tout ce qui était tentant, tout ce qui était trigger... ne l'est plus. Par exemple, je me souviens qu'il y a 4-5 ans, quand je me promenais dans la rue, chaque boulangerie était trigger, chaque boulangerie était l'appel à la crise. Et en fait, aujourd'hui, je me suis tellement dit que c'était des choses que je ne mangeais pas, que je ne pouvais pas manger, que je ne voulais pas manger, qu'en fait, ça ne me trigger plus. Et donc, il y a cette espèce de... par rapport à la boulimie vomitive, en tout cas, c'est facilitateur dans le sens où j'ai moins de tentations. Je suis moins attirée vers ces produits-là, qui étaient très attirants avant et qui du coup ne le sont plus du tout. Après, ça a été difficile dans les hospitalisations, dans les dernières, parce que le monde médical n'en est pas là. Et donc, quand j'ai été hospitalisée dans la clinique générale à côté de chez moi... Ils m'avaient dit « Oui, oui, il n'y a pas de souci, on peut faire vegan. » Sauf qu'en fait, je me suis rendue compte qu'ils avaient juste retiré du plateau tout ce qui n'était pas vegan. Donc au final, je n'avais rien à manger. Donc ça n'a pas été possible. Et du coup, j'ai dû faire un compromis et accepter de repasser à du végétarisme pendant cette hospitalisation. Ce qui a été assez violent et assez difficile à vivre quand même. De devoir remanger des aliments face auxquels je m'opposais vraiment politiquement, on va dire. Et puis, par contre, à Montsouris, là, ils ont pu faire 100% vegan avec des repas complets et des repas à peu près diversifiés. Donc, ça a été... Là, ça s'est bien passé. Donc, effectivement, ça met un cadre. Mais en même temps, ce que j'ai remarqué quand je suis devenue vegan et qu'il y a eu cet effet un peu magique, c'est qu'au début, j'ai eu peur de supprimer énormément de mon alimentation. Et en fait, je me suis rendu compte que j'en ajoutais bien plus que j'en retirais. Que le fait d'aller chercher ses protéines, son calcium, son fer ailleurs, ça faisait qu'en fait, je diversifiais beaucoup plus mon alimentation qu'avant. Qu'en fait, j'avais plus envie de cuisiner, que j'allais plus rechercher des saveurs, que j'allais plus tester des nouveaux produits parce que, il y a dix ans, c'était pas comme aujourd'hui. Aujourd'hui, dans les magasins, il y a énormément d'alternatives végétales. Et donc, il y avait plein de choses à goûter, plein de recettes à tester, plein d'aliments à découvrir. Donc je dirais qu'au départ, sans troubles alimentaires, c'est une alimentation qui est encore plus variée, diversifiée et plaisante qu'une alimentation omnivore comme j'avais avant, ou même végétarienne, où j'étais vraiment toujours sur les mêmes repas, sur les mêmes produits, sur les mêmes habitudes. justement en mettant un cadre et en disant, voilà, toutes ces choses-là, on n'y touche pas, en fait, ça ouvre encore plus de possibilités dans les légumes, les légumineuses, les oléagineux, les fruits. Donc au final, ça a été plutôt facilitateur. Et ça a été juste dans le cadre de l'hospitalisation où ça a été plus compliqué.

  • Speaker #0

    OK. Et quand tu dis tout à l'heure, un peu en préambule, tu disais que tu avais toujours une alimentation très restrictive aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    et Comment ça se concrétise, comment ça se manifeste alors ?

  • Speaker #1

    Très concrètement, aujourd'hui, je mange deux repas par jour, deux repas très pauvres. Je mange en gros le midi un demi-concombre et dix tomates cerises avec un yaourt de soja. Et le soir, je mange un bouillon de légumes avec du konjac. Je ne sais pas si tout le monde voit ce que c'est le konjac, mais en gros, c'est sous forme de pâte, mais c'est de l'algue et ça contient zéro calorie, en fait.

  • Speaker #0

    Et c'est dégueulasse.

  • Speaker #1

    C'est pas terrible. Terrible. Donc voilà, avec une pomme et un yaourt, donc c'est vraiment très, très restrictif. Et j'en ai bien conscience, mais mon compagnon qui vit avec moi, mon fiancé, il est végane aussi et il a une alimentation tout à fait intuitive et variée, plaisante. Ouais,

  • Speaker #0

    ok. C'est-à-dire que tu sépares les choses. Tu disais que le véganisme, t'as eu l'impression que ça avait davantage ouvert, finalement, l'alimentation. Et là, t'as refermé complètement quelque chose. Et tes compulsions ? Ça veut dire que c'est des compulsions aussi très contrôlées que tu vas faire ? Tu vois, tes crises, c'est sur des aliments sains aussi que tu les fais ?

  • Speaker #1

    Alors, l'alimentation végane n'est pas forcément saine.

  • Speaker #0

    Non, mais je ne parle pas de l'alimentation végane, mais plutôt de l'alimentation restrictive que tu as, c'est-à-dire concombre, tomate.

  • Speaker #1

    Non, pour le coup, les crises ne sont pas saines du tout. Ça va être beaucoup de féculents, beaucoup de produits industriels, ce qu'on appelle des simili-carnés, des faux steaks, des faux nuggets, ce genre de choses. Après, j'ai l'impression que oui, les crises sont contrôlées dans le sens où c'est très rare que la crise me surprenne. En général, elle est plutôt programmée. Je sais ce que je vais manger, je sais en quelle quantité. Il y a toujours cette notion quand même de perte de contrôle, je pense, parce que si j'avais le choix, je ne les ferais pas ces crises. Mais oui, les crises, en tout cas, sont toujours vegan et sont toujours dans un certain contrôle quand même. Oui,

  • Speaker #0

    petite explication. Quand je disais saine, c'est parce que je rentre dans... dans ton mode de vie lié à l'anorexie. C'est-à-dire qu'à mon sens, il n'y a pas... Par exemple, manger plein de pâtes, à mon sens, ça peut être très, très sain. Donc, je fais un petit disclaimer quand même pour expliquer ça. Et j'avais aussi envie de... parler du risque à devenir vegan. Je vais m'expliquer. En fait, là, et d'ailleurs, c'est très intéressant parce que, par exemple, quand tu fais des crises, tes crises sont vegan. Et ça, c'est assez parlant. Moi, j'ai accompagné différentes personnes qui étaient vegan et qui faisaient des crises monumentales sur beaucoup de produits laitiers, tu vois, sur du fromage, des glaces. voire même sur de la viande. Je trouve que c'est intéressant à regarder. Il y a des personnes qui deviennent véganes pour différentes raisons. Il y a aussi quelque chose, on s'imagine que le véganisme, c'est un super moyen pour perdre du poids, pour être mince, pour manger sain, pour machin. En fait, tout ça, c'est des conneries, on est bien d'accord, tout comme le manque de protéines ou quoi. J'aimerais rappeler qu'il y a des grands champions, des sportifs qui sont véganes. Donc, voilà, ça n'a rien à voir. Et que du coup, quand on l'est pour les « mauvaises raisons » , pour des raisons de diète culture, de perte de poids, de toute façon, ça va être dangereux et compliqué à maintenir. Mais même dans le cas, je me souviens d'une personne que j'ai accompagnée où vraiment la cause animale, un peu comme toi, franchement, depuis toute petite et tout ça, c'était très important pour elle, mais il n'empêche que, et c'était difficile pour elle de l'admettre en plus, il y avait de la honte en fait. à faire des compulsions sur des produits d'origine animale. Et en fait, on a vachement bossé ensemble sur le fait de prioriser et de se dire, OK, à un moment donné, si tu laisses ta santé ou si tu meurs, je ne vois pas en quoi tu vas défendre la cause animale. Donc peut-être que c'est intéressant de prioriser la guérison de tes troubles alimentaires et que pour ça, il va falloir remanger quelques produits. Donc elle n'a pas du tout réintroduit de viande, de poisson. Mais par contre, elle avait réintroduit du beurre, tu vois, des choses comme ça. Et donc, voilà, j'avais envie de préciser ça parce qu'il y a parfois ça qu'on observe. Et je me dis, tu vois, il y a plein de gens qui vont écouter notre épisode de podcast et que ton histoire, elle est trop chouette et je suis trop contente que tu aies amené ce témoignage-là. Et je ne peux pas m'empêcher d'avoir un peu peur que des gens se disent « Ah ouais ? » Mais vas-y, mais moi aussi, je vais devenir végane et je vais guérir de mes troubles alimentaires. En fait, entendez bien, s'il vous plaît, à quel point cette histoire, l'histoire de Marion, est une histoire, comme chacune a son histoire, qui est nécessairement unique et qui correspond à ton parcours. Donc, je trouve ça hyper intéressant quand même qu'on puisse en parler dans ce podcast, parler aussi du végétarisme et du véganisme qui ne sont pas... Aujourd'hui, grâce au... Comme tu le disais, il y a énormément de choix. Donc, ce ne sont plus des alimentations qui vont être égales à de la restriction. Je pense que c'est possible de vraiment diversifier, mais qu'effectivement, ça va nécessiter des adaptations et pas mal de cuisine, je pense. Je pense que tu peux en témoigner. Et voilà, et attention à ce pour quoi on fait les choses. Je pense que pour toi, si ça a eu cet effet-là aussi, c'est parce que c'était ultra raccord avec tes valeurs, en fait. qu'il y avait quelque chose de... Je ne sais pas, est-ce que tu as envie de rebondir sur ce que je viens de dire ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Effectivement, je ne dis à personne que devenir végane, ça va sauver des troubles alimentaires ou même faire maigrir. Je sais que ma mère est devenue végane un peu dans la suite de moi, parce qu'on a eu un échange un peu houleux à ce sujet-là. Du coup, elle a pris la décision de devenir végane aussi et elle a pris 10 kilos. Ça ne veut pas dire... Mon conjoint, depuis qu'il est végan, il a pris du poids parce qu'en fait il mange beaucoup plus,

  • Speaker #0

    beaucoup mieux,

  • Speaker #1

    beaucoup de choses qui lui font plaisir. Et en fait, il y a une certaine forme de compensation qui fait qu'au final, il veut aussi prendre du poids tout en étant végan. Moi, dans mon cas, ça a stabilisé, mais finalement, ça n'a pas suffi. à me sortir définitivement des troubles alimentaires, mais je pense que en tout cas ce qui peut être intéressant pour tout le monde je pense c'est de se questionner en fait sur ses valeurs.

  • Speaker #0

    Et ce qu'on en fait dans le sens où, c'est quelque chose que j'aime beaucoup dire, mais notre carte bleue, c'est notre bulletin de vote. Et en fait, à chaque fois qu'on achète quelque chose, à chaque fois qu'on consomme, on vote pour quelque chose. Et que ça peut être intéressant de se poser la question d'avec quoi je suis raccord ou je ne le suis pas. Qu'est-ce qui est raccord avec mes valeurs ou pas ? Ça peut être plein de choses. Ça peut être effectivement la viande, le poisson, les produits laitiers. Mais ça peut être aussi, pourquoi pas, l'huile de palme. Ça peut être aussi... certaines marques, il y en a qui vont boycotter Coca-Cola ou Nutella ou même dans ses achats quotidiens dans les achats de vêtements, éviter la fast fashion ce genre de choses je pense que c'est toujours intéressant de se questionner sur notre consommation et sur nos valeurs je pense que ça ne peut pas faire de mal d'être plus raccord avec ces valeurs peu importe les achats concernés oui

  • Speaker #1

    c'est vrai oui oui Mais comme je suis un peu une chieuse, je ne peux pas m'empêcher d'ajouter, ça ne peut pas faire de mal, mais quand on a des troubles alimentaires, ça peut être glissant. Je pense malgré tout qu'une personne qui a des troubles alimentaires et qui se dit, mais ouais, mais carrément, moi, j'ai envie de devenir végane parce que ça me révolte l'exploitation animale et tout ce qu'on fait, tout ce qu'on fait subir aux animaux et voilà, tutti quanti, et qu'en fait, ça risque, ça peut. entendez que ça peut faire flamber quand même les troubles alimentaires et que ça peut être intéressant dans ce cas-là d'être accompagné, du coup. Je pense aussi. Aussi parce que c'est intéressant de prendre les infos, même si aujourd'hui, je pense que sur les réseaux, enfin sur Internet, il y a quand même plein d'infos sur comment pallier au fait de ne plus consommer, notamment de protéines d'origine animale. Mais ça peut être cool si vous avez des TCA et que vous vous questionnez là-dessus. peut-être aller vers une diète, si possible spécialisée TCA, et parlez-lui de ça, et elle pourra vous accompagner peut-être dans la végétalisation de votre alimentation, si elle s'en sent capable.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Et puis, ce que je trouve important de dire aussi, c'est que le véganisme n'est pas une religion, et qu'il n'y a pas d'interdit, en fait. Il n'y a pas d'aliment interdit. C'est-à-dire que je ne me suis jamais interdit, si un jour j'ai envie de manger une pizza à quatre fromages, je mangerai une pizza à quatre fromages. Et que ça ne doit pas, comme tu disais très bien, être un outil de la restriction en fait. C'est un choix qu'on fait, ce ne sont pas des règles fixes et ça ne soigne pas d'un trouble alimentaire. Et si on souffre soi-même de troubles alimentaires, il faut pouvoir être... Être flexible aussi, comme moi j'ai pu l'être dans cette hospitalisation, on m'a dit non, vegan ça ne va pas être possible, il va falloir être végétarienne. La priorité c'est la santé et c'est comme ça. Et je sais qu'après c'est pour mieux reprendre derrière, mais que ce ne sont pas des interdits religieux, ça ne doit pas être restrictif au contraire.

  • Speaker #1

    Pas au détriment de la santé globale, très intéressant. Qu'est-ce que tu penses ? Attention, question ! Une question, je crois que je ne l'ai jamais posée avant, mais j'ai envie de te demander ça comme ça. Qu'est-ce que... J'ai deux façons de la poser. Qu'est-ce que tu penses qu'il te manque là pour aller vers la guérison ? Ou qu'est-ce que tu penses que tu as à devoir faire dans les mois à venir ? Comment tu vois la suite ?

  • Speaker #0

    C'est compliqué. Je pense que je suis trop... Trop enfermée dans mes habitudes. Aujourd'hui, je vis dans l'appartement dans lequel je vivais avec ma mère. Ma mère a déménagé mais m'a laissé l'appartement. L'appartement dans lequel je suis tombée malade la première fois et dans lequel je vis depuis plus de 15 ans. Et je pense qu'il me manque un changement dans ma vie, quelque chose qui vienne un peu bousculer ces habitudes qui sont trop ancrées depuis trop d'années. et c'est en projet avec mon fiancé qu'on déménage en province d'ici l'an prochain donc je pense que ça c'est quelque chose qui me ferait vraiment du bien parce que pour le coup j'ai du mal à évoluer dans cet environnement où la maladie est installée depuis très longtemps

  • Speaker #1

    Ouais c'est intéressant tout à l'heure je t'ai parlé de loyauté à ton père à ta mère, aux familles maternelles, paternelles on pourrait parler aussi de la loyauté à la maladie et de Merci. et que là, peut-être que le lieu te ramène à cette loyauté aussi à la maladie, un morceau d'identité que tu aimerais peut-être décoller. Oui, c'est intéressant.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    OK. Qu'est-ce qui t'a aidé sur ton parcours et qu'est-ce qui pourra t'aider à l'avenir, tu penses ?

  • Speaker #0

    Mon entourage m'a beaucoup aidée. Je pense notamment à mon conjoint qu'on s'est rencontré il y a quatre ans. Il a appris à comprendre la maladie, à connaître ses mécanismes. Aujourd'hui, c'est devenu quelqu'un de très aidant, de très à l'écoute, de très bienveillant et qui comprend vraiment la maladie et le fait de me dissocier des symptômes. Donc c'est quelqu'un qui peut être très aidant au quotidien. Après, ce qui m'aide beaucoup, c'est mon suivi aussi avec ma psychologue, mon psychiatre, ma diététicienne, qui sont vraiment chouettes. Je pense notamment à ma diététicienne qui est formée au TCA, que j'ai rencontrée à Montsouris, donc qui est très compétente dans ce domaine-là et qui est OK avec le fait que je sois végane, ce qui n'était pas assuré, parce que souvent, justement, on va un peu faire ce raccourci de... Le véganisme, c'est restrictif, donc c'est un outil de la maladie, donc il ne faut pas, etc. Et j'ai été beaucoup confrontée à ça, de « ah bah oui, mais il faut manger de la viande » ou je ne sais quoi. Et elle, elle n'était pas comme ça, au contraire, elle m'a vraiment prise comme j'étais. Et elle construit avec moi autour de mes valeurs, autour de mes problématiques. Donc je pense que le fait d'être accompagnée par des professionnels formés, vraiment qui... Parce que ce n'est pas le cas de tous les professionnels, clairement, et je suis tombée sur des personnes qui m'ont dit des dingueries. Mais en tout cas, des personnes formées, c'est vraiment très aidant.

  • Speaker #1

    Dernière question du podcast que j'aime bien poser, c'est de savoir ce que tu aimerais transmettre aux personnes qui sont en train de nous écouter, qui sont peut-être en plein tourbillon des TCA, ou peu importe là où elles en sont. En tout cas, qu'est-ce que tu voudrais transmettre aux personnes qui souffrent d'un trouble alimentaire ?

  • Speaker #0

    que je sais que c'est très douloureux, que c'est super difficile à vivre et surtout que le poids qu'on fait, l'apparence qu'on a ne dit rien de la tempête intérieure. Et qu'il ne faut pas hésiter à demander de l'aide très concrètement, même si on ne s'en sent pas légitime. Parce que la souffrance, elle est mentale, elle n'est pas physique. Elle peut devenir physique, bien sûr, mais elle se passe dans la tête. Et que je sais qu'on peut être à un poids très bas et se sentir très bien, comme on peut être à un poids normal ou même à un poids haut et se sentir très mal. Et qu'il ne faut pas attendre d'avoir atteint un certain poids pour demander de l'aide. Il ne faut pas attendre que les professionnels autour s'inquiètent pour demander de l'aide. Il faut y aller quand on sent qu'on en a besoin.

  • Speaker #1

    Aussi difficile que ça puisse être.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait. Oui, complètement. Écoute, merci beaucoup pour cet échange que j'ai trouvé très riche. Merci pour être venue aussi parler de ce sujet de, finalement, on pourrait appeler ça un régime alimentaire, quelque part, d'être végane, végétarien. Je trouve ça très intéressant. Effectivement, je n'en avais encore jamais parlé dans le podcast. Et je suis hyper contente que... T'es trouvé ce suivi, ces professionnels qui effectivement acceptent de t'accompagner en respectant ces convictions qui sont fortes et, comme tu l'as dit, identitaires chez toi. Je pense que c'est tellement important de prendre les personnes dans leur unicité, tu vois. C'est trop chouette. Moi, j'ai envie de te souhaiter tout le meilleur. J'ai envie de te souhaiter... d'oser être toi-même, de couper les liens qui t'encombrent là et les boulets que tu traînes à la patte. Et j'ai plutôt confiance dans le fait que tu arriveras à trouver les ressources et les aides autour de toi. Mais en tout cas, un immense merci pour être venue parler de ces sujets douloureux et d'avoir accepté de transmettre aux personnes qui m'écoutent.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi de m'avoir reçue dans ce podcast et de m'avoir permis de m'exprimer sur ces sujets. C'est vraiment chouette.

  • Speaker #1

    Avec grand plaisir. Un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode. Comme je te le dis souvent, ton soutien est super important. C'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui. Alors, si mon contenu t'apporte de l'aide, d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast, en parler autour de toi, à tes proches, mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles. notamment sur Spotify ou Apple Podcast ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. Effectivement, tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté. Merci, merci beaucoup. C'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer. Je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible. Et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation de Marion

    01:27

  • Ses souvenirs d’enfance autour du corps / de l’alimentation

    02:46

  • Le moment de la bascule vers les régimes et les TCA

    09:42

  • La difficulté à voir ses TCA pris en charge

    17:38

  • Où en est Marion aujourd’hui

    24:57

  • Végétarisme et véganisme

    44:25

  • Ce qui l’a aidée sur le parcours

    01:04:20

  • Ce que Marion aimerait vous dire

    01:06:18

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