- Speaker #0
Bienvenue dans Tendances Inno, votre rendez-vous pour explorer les technologies émergentes présentées par Docaposte, le référent français de la confiance numérique. Je suis Marine Adatto, cofondatrice de Wagmi Trends, et j'ai le plaisir d'être accompagnée par Olivier Senot, directeur de l'innovation chez Docaposte. Dans ce podcast, nous vous emmenons à la rencontre des innovateurs et des créateurs qui redéfinissent notre monde numérique. Que votre curiosité vous porte vers le Web3, l'IA ou toute autre technologie émergente, Vous êtes au bon endroit. Préparez-vous à une dose d'inspiration et d'informations. Au programme, des découvertes, des défis et des solutions innovantes. Alors branchez vos écouteurs, ouvrez votre esprit et plongez avec nous dans l'univers de Tendancino. Ce faux duo a divisé le monde de la musique. Lors d'un instant, leurs fans ont cru à un événement aussi magique qu'inattendu. Drake et The Weeknd mêlant leur voix sur un nouvel opus. Cette chanson a en réalité été composée et écrite par un internaute qui a utilisé l'intelligence artificielle pour reproduire les voix des deux chanteurs. S'il impressionne par son réalisme, ce morceau interroge aussi sur l'avenir de l'industrie musicale, les questions des droits d'auteur et l'utilisation de l'IA dans la création. Imaginez un monde où ces pratiques deviennent monnaie courante. où l'IA générative devient le plus gros facteur de parasitisme dans notre ère numérique. Pouvons-nous considérer qu'un contenu créé par une IA est une œuvre d'art ? Parasitisme et propriété intellectuelle, quels sont les impacts de l'IA ? Pour répondre à ces questions, nous avons le plaisir de recevoir Marc-Olivier Deblanc, fondateur et associé chez Barnett Law Firm, avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle depuis plus de 25 ans. Vous nous connaissez, nous aimons pousser la réflexion toujours plus loin. Nous accueillons aussi Bruno Soulez, conférencier et animateur du podcast IfThisThenDev. C'est ça ?
- Speaker #1
C'est ça.
- Speaker #0
Enfin, celui qu'on ne présente plus, mon sparring partner, celui que l'on pourrait même surnommer Vision, Olivier Senot, le directeur de l'innovation de Docaposte. Préparez-vous à un épisode riche en informations qui vous permettra de mieux comprendre et gérer les défis de la propriété intellectuelle à l'ère de l'intelligence artificielle. Olivier, c'est à toi.
- Speaker #2
Merci Marine, bonjour. Marc-Olivier Deblanc, vous êtes avocat depuis 1999, bonjour maître, créateur du cabinet Barnett spécialisé dans la défense de l'industrie musicale en 2010. Vous ne devez pas manquer de dossiers chauds depuis novembre 2022 et l'avènement mondial et universel de l'IA générative. En plus d'être avocat, vous êtes passionné d'art au sens large. Vous intervenez régulièrement dans les conférences, podcasts artistiques. On vous a souvent vu donner des conférences au milieu des œuvres d'art, avec des questions forcément lancinantes sur le droit associé à la création d'œuvres, originales ou pas. L'IA est-elle un outil ou un créateur ? Peut-il remplacer l'humain ou n'est-il qu'un assistant plus-plus au service du dernier rempart de l'homme face à la machine, sa créativité ? Marc-Olivier, nous t'écoutons.
- Speaker #3
Bonjour, vous avez déjà posé... Des questions qui sont fondamentales, y compris pour le juriste, dans la compréhension juridique de ce qu'est une forme aujourd'hui de vertige. Parce qu'on a un édifice qui est l'édifice du droit d'auteur tel qu'on le connaît, l'édifice du copyright dans les pays anglo-saxons, qui était relativement stable, avec des principes qui étaient les droits exclusifs, les monopoles exclusifs, une sorte de lien avec une matérialité, même si je vais revenir au droit de la propriété intellectuelle. C'est ce qu'on appelle un droit incorporel, qui interroge l'immatérialité. Mais il y avait une maîtrise de la chose et une maîtrise de l'objet. Or, on rentre dans une sorte de production effrénée et dérégulée de contenu. Et en plus, la révélation, si je puis dire, qu'on a eue de l'intelligence artificielle générative, on l'a eue à travers ce qu'il y a de pire, c'est-à-dire à travers des fakes et des deepfakes. Et Marine vient d'en parler, elle a donné l'exemple de The Weekend, c'est-à-dire qu'on a derrière la question de l'intelligence artificielle générative, la question des filières et la question des industries créatives. Alors, en me présentant, vous disiez que j'étais un spécialiste en droit de la musique et droit de l'art, mais moi je revendique une sorte de transversalité sur le droit de la création. Et là, les industries créatives, elles sont touchées le plein fouet. Alors, elles sont touchées par différents enjeux, les enjeux techniques. Comment ça fonctionne ? Qu'est-ce que ça dit de la mécanique de création des enjeux juridiques ? Qui sont les titulaires des droits ? Quelle est la nature fondamentale juridique de ces choses ? Et moi, j'appelle ça des choses volontairement, j'opère et je suis en train d'opérer peut-être une sorte de distinction entre les contenus et les créations. Est-ce que tout contenu est une création ? Toute création est un contenu, ça on est à peu près d'accord. Mais est-ce que, sauf dans l'art conceptuel, mais est-ce que tout contenu est une création ? Est-ce qu'on peut y poser des droits de la propriété intellectuelle ? Et puis il y a une question, vous avez soulevé aussi, qui est une question d'ordre métaphysique et ontologique, c'est-à-dire... qu'on pensait d'abord avoir une maîtrise totale d'une forme d'intelligence qui était le privilège de l'homme dans la fameuse dialectique de l'opposition de l'homme à la machine. Il y a eu des premières frustrations, si je puis dire. Ce n'est pas la première révolution industrielle, c'est plus les expériences avec des ordinateurs. L'ordinateur Deep Blue, qui a une vingtaine d'années, bat Kasparov. Puis plus récemment, AlphaGo, qui bat le champion du monde de Go. mais on se dit À la limite, c'est des supercalculateurs, c'est des algorithmes. Donc c'est ni plus ni moins que des hypermachines, et on s'est habitué avec une courbe d'évolution exponentielle à ce que les machines rattrapent l'homme, et en réalité ce sont des réseaux neuronaux et on peut reprendre. Mais on croyait qu'on avait un privilège, qu'était un privilège, c'était ce truc incroyable qui s'appelle la création, et le mystère de la création. Alors je donne toujours deux exemples du mystère de la création, on a tous en tête le film de Clouseau sur... sur Picasso, on voit Picasso derrière une vitre et on voit ce moment sacré de l'artiste qui crée, qui l'oppose fondamentalement et au monde animal et au monde de la machine et on se dit ça c'est irremplaçable. Et il y a aussi ce livre magnifique de Stefan Zweig qui s'appelle Le mystère de la création où ça relève ontologiquement de quelque chose qui n'est pas attribuable, qui ne peut pas être capté par une machine, qui ne peut pas être capté par l'industrie. Et on se trouve qu'il y a une sorte de... comment on va dire, de dégradation de la création et de fin d'une sorte de monopole de ce qu'on pensait être le génie exclusif de l'humanité par une machine. Les machines, elles appliquent. Maintenant, les machines, elles apprennent. Et les machines, elles créent. Et c'est encore un plafond de verre sur lequel on se cogne. Et c'est toute la réflexion aussi du juriste par rapport à cette évolution.
- Speaker #0
Et alors, je rebondis sur ce que tu viens de dire, Marc-Olivier. Les machines, elles apprennent et elles créent. Toi, c'est tout ton sujet.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Ici, Bruno. Donc, bienvenue Bruno.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Moi, ce que je vous propose, c'est de démarrer histoire d'avoir une vue globale. Par un petit quiz, on aime bien. On est joueurs, on aime bien. Est-ce que vous êtes prêts ?
- Speaker #1
Allez.
- Speaker #0
Alors, quel est le coût estimé de la contrefaçon et du parasitisme pour l'économie européenne chaque année ? 60 milliards d'euros, 80 milliards d'euros, 100 milliards d'euros et 120 milliards d'euros. Ou 120 milliards d'euros.
- Speaker #3
120 milliards.
- Speaker #0
Personne n'essaie autre chose ? Non. On suit Marc-Olivier, évidemment. C'est 120 milliards. C'est une étude de 2022 de l'EIPIO. Et donc, le coût de la contrefaçon et du parasitisme pour l'économie européenne est estimé à 119 milliards d'euros par an. Et donc, ça représente les pertes de chiffre d'affaires d'emploi et de recettes fiscales causées par ces pratiques illégales. Quelle est la principale forme que peut prendre le parasitisme artistique via les promptes mises de journée ? A. La reproduction servile des œuvres d'un artiste connu. B. L'utilisation parasitaire de son nom ou de son style dans les titres de génération d'images. C. La création d'œuvres dérivées sans droit, exploitant sa valeur économique. C'est vraiment des questions pour Marc Odigier. D. Toutes les réponses précédentes.
- Speaker #3
En fait, c'est un peu toutes les réponses précédentes, mais surtout d'un point de vue purement juridique, la B et la C.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #3
Puisque la définition du parasitisme artistique, c'est la captation... de la valeur créative d'un tiers, sans y mettre les mêmes investissements qui sont en matière économique des investissements purement financiers, mais qui sont aussi des investissements de développement créatif.
- Speaker #1
Alors moi, ce que je pourrais même ajouter, c'est que l'option A que tu as évoquée sur la reproduction en réel d'une œuvre d'origine, normalement, les LLM en tout cas, telles qu'ils sont conçues aujourd'hui, n'ont pas normalement vocation à pouvoir régurgiter ce qu'ils ont appris. Donc, normalement, mais c'est des cas d'usage. C'est ce qu'on appelle du hack aujourd'hui. C'est-à-dire qu'on peut pirater des IA. On essaye de le faire, d'ailleurs, parce que c'est assez marrant, mais c'est de faire en sorte qu'ils régurgitent des choses qu'ils ont apprises et donc qu'ils peuvent reproduire un élément qu'ils auraient vu tel qu'il était. Mais normalement, le LLM n'est pas censé pouvoir reproduire une œuvre qu'il a prise.
- Speaker #3
Et c'est exactement parce que c'est la définition, le petit a, de la contrefaçon. La contrefaçon, c'est la reproduction servile sans autorisation, à ne pas confondre avec le plagiat, le piratage, etc. C'est pour ça que c'est le plus proche de la réponse, puisque le B et le C se rapprochent plus du parasitisme artistique en tant que tel, qui est différent de la contrefaçon dans le dispositif et l'architecture juridique.
- Speaker #0
Justement, on y reviendra, mais les recours juridiques sont assez limités face à ces pratiques pour l'instant. Il n'y a pas un cadre juridique clair.
- Speaker #3
Alors, il y a une sorte de fantasme, de fantasmagorie, c'est l'obsession du flou ou du vide juridique. En fait, il n'y a jamais de vide juridique.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #3
Contrairement à ce qu'on pense. Enfin, en tout cas, dans l'état d'évolution du droit positif dans le système des économies occidentales, il n'y a pas de vie juridique. Aujourd'hui, si je prends l'exemple des fake, eh bien les fake, ils se rapprochent beaucoup d'un régime qui date de 1895, qui est une loi relative aux faux artistiques. Et on est très proche des faux artistiques, notamment dans le cas de l'utilisation de mid-journée sur les images. Donc on a un dispositif du XIXe siècle qui est applicable. Ensuite, on a les lois sur... la contrefaçon qui soit applicable. Et ensuite, si on prend la musique, la reproduction de la voix, c'est du droit de la personnalité. De même qu'il y a un droit sur l'image, on ne peut pas mettre votre image en première de Voici ou d'un autre magazine sans votre autorisation. La voix, c'est un élément, c'est un droit de la personnalité sur laquelle vous avez un droit et vous pouvez demander qu'elle ne soit pas reproduite sans votre accord. Et le quatrième et cinquième élément, le quatrième élément, c'est le droit des marques. Vous avez dit, oui, il y a un duo. Tu as dit, pardon, un duo entre The Weeknd et Drake. The Weeknd et Drake, ce sont des marques déposées. C'est de la propriété industrielle. Et dernière chose à laquelle on ne pense pas, parce qu'on pense toujours aux artistes, mais aussi il faut penser à la filière, les producteurs de disques, ce qu'on appelle les labels, qui ont investi pendant 20, 25, 30 ans sur des artistes. Mettons sur Oasis. Et puis, il y a un étudiant qui sort de sa chambre en pyjama qui vient de faire un album d'Oasis. Ça, c'est de la concurrence déloyale parce que c'est deux acteurs de marché, un hyper puissant, Et un moins puissant, et à une sorte de paradoxe réversif, c'est que le moins puissant fait beaucoup parler de lui parce que, justement, il s'inscrit dans une sorte d'environnement et d'actualité et de technique qui fait qu'on a un faux album d'Oasis qui est rempli de droits. Donc le dispositif, il existe. L'idée, c'est pas savoir s'il existe, c'est est-ce qu'il est réellement adapté et est-ce qu'il faut un autre régime juridique qui soit calé sur la technique ?
- Speaker #0
On en reparlera. Continuons. Combien de vues la chanson du faux duo Drake et The Weeknd a-t-elle généré en seulement 48 heures après sa mise en ligne sur TikTok ? 5 millions de vues, 10 millions de vues, 15 millions de vues ou 100 millions de vues ? 48 heures.
- Speaker #1
Moi je serais sur 100 millions mais...
- Speaker #3
Ouais je pense que c'est 100 millions effectivement.
- Speaker #0
On n'en a entendu parler.
- Speaker #2
On n'en a entendu parler, ça fait du bruit.
- Speaker #0
Ah Bien, Olivier. Eh oui. 15 millions parce qu'effectivement, ces 48 heures, ils l'ont cuté quand même assez vite. Néanmoins, ces 15 millions de vues enregistrées sur TikTok, 48 heures après avoir été mises en ligne, plus 9 et quelques millions d'écoutes sur les différentes plateformes de streaming. Donc 9 plus 15 au global, avant d'être supprimées pour violation des droits d'auteur sur demande du label Universal Music Group. Alors maintenant qu'on est à peu près au point sur les chiffres et les derniers événements. Je vous propose d'écouter ce que les gens pensent de l'utilisation de l'IA et de son impact sur la propriété intellectuelle. On allait faire un micro-trottoir et on leur a demandé leur avis. Si une IA crée une œuvre d'art en s'inspirant fortement du style d'un artiste célèbre, considères-tu ça comme un hommage ou comme du parasitisme ? Pourquoi ?
- Speaker #4
Hommage ou parasitisme ? Si vraiment c'est repris mot pour mot, on pourrait se poser la question, mais si c'est juste s'inspirer de l'existant pour créer quelque chose de similaire ou en tout cas intégrer des codes dans sa propre production de production précédente, en fait c'est ce que fait l'être humain depuis des années et des années. Il y a plein d'artistes aujourd'hui qui sortent des musiques qui ne sont que des reprises d'anciennes musiques. C'est le propre des choses de s'inspirer et d'apprendre quelque part en fait. Qu'une IA utilise les chansons des uns des autres pour en créer. C'est la même chose, c'est comme si on commençait à reprocher à des artistes d'écouter des disques pour créer leur propre musique, ça n'a aucun sens.
- Speaker #0
Penses-tu que les entreprises qui utilisent des IA pour générer du contenu, comme des articles, des chansons, des dessins, exploitent injustement le travail des créateurs qui ont formé ces IA ?
- Speaker #5
Pour ma part, je ne pense pas, puisque c'est dans leur intérêt de voir leur IA se développer au maximum sur plusieurs sujets. Je pense qu'après, il faut évoluer avec son temps et voir ce que ça donne. Si les moyens qu'on nous propose sont mis à disposition de tous et que ça reste honnête et qu'on fait de mal à personne, je pense que oui, il faut y aller.
- Speaker #0
Si une IA développe une nouvelle invention en s'appuyant sur des brevets existants, qui devrait être crédité pour cette invention selon toi ? L'IA, son programmeur ou les détenteurs des brevets originaux ?
- Speaker #6
Alors j'ai tendance à dire que l'IA n'est qu'un assemblage de technologies déjà existantes. Typiquement, le Transformer n'a pas forcément été inventé par la personne qui a fait l'IA. Donc l'IA en elle-même, c'est sa résultante des composants qui lui permet de créer quelque chose. Donc j'aurais tendance à aller créditer l'IA. Et là-dessus, je te poserai une petite question ouverte. Si demain tu as une IA qui trouve des nouveaux médicaments, qui crédites-tu ? Le laboratoire de recherche, celui qui a créé l'IA, ou les gens qui ont fait les composants ? Et c'est quelque chose qu'on va pouvoir apercevoir très bientôt.
- Speaker #0
Alors, qui répond à cette question ? Olivier, je veux te voir.
- Speaker #2
Sur les médicaments, oui, la question est vraiment pointue sur les médicaments, parce que là, on parle de choses un peu stratégiques. On a découvert, grâce à l'IA, une nouvelle molécule antibiotique. Ça faisait 60 ans qu'aucun laboratoire n'avait trouvé cette molécule. Et la question, effectivement, à qui appartient le brevet de cette molécule ? On ne peut pas la laisser en brevet libre, on est dans une économie de marché. Donc, à qui est-ce qu'elle appartient ? Et ça, c'est une vraie question qui va falloir trancher sur ce segment de marché-là. Sur les précédents intervenants du micro-trottoir, j'ai vu mon voisin faire des gestes de la main. Je pense qu'il a des choses à dire.
- Speaker #1
Sur ce premier point, moi, je rejoins effectivement l'invité, parce qu'une IA, dans sa manière d'apprendre, dans sa manière de construire son référentiel de connaissances, on est au final, si on reste sur l'exemple des tableaux, On est au final très proche d'un ou d'une jeune artiste qui passerait ses journées au Louvre à regarder comment est-ce que un Renoir, un Picasso et autres travaillent et qui essaierait de reproduire ce genre de technique dans son travail à lui ou à elle. Donc je rejoins effectivement la personne. Mais je t'ai vu effectivement, Marc-Olivier, je t'ai vu. Non, non, non,
- Speaker #3
mais c'est parce qu'il y a justement une grande confusion. Et c'est un peu la confusion. Il y a une série assez exceptionnelle qui est passée sur Netflix qui s'appelle The Playlist, qui raconte... L'histoire de Spotify. Et il y avait les tenants du tout gratuit. Il faut que la musique soit gratuite, il ne faut pas qu'il y ait de limites, etc. Donc il y avait tous ces mouvements, ce qu'on appelait les pirates du net. C'est au moment où on se rend compte que c'est une économie la musique. C'est-à-dire qu'une fois qu'on dit que tout est gratuit, quid du fonctionnement de la gestion collective, quid des redevances des artistes et leurs copains à eux-mêmes aux pirates qui faisaient de la musique, d'un coup ils n'avaient plus de quoi vivre. Donc, il faut penser la chose globalement. Je reviens sur cette question. Évidemment, comme disait Malraux, l'art se nourrit de l'art. Et ça, on ne revient pas dessus. C'est évident. Et d'une part, ce n'est pas mécanisé, industrialisé, économisé. Ce n'est quand même pas la même chose. C'est-à-dire qu'il y a une captation de richesses qui se fait sur des droits exclusifs qui apportent d'autres. Donc oui, il n'y a pas Picasso sans Cézanne, il n'y a pas Bacon sans Velázquez et il y a même une revendication, même de manière... paroxytique dans un mouvement qu'on appelle l'appropriationnisme, de dire oui, je m'inscris dans un style, dans un mouvement, je rends hommage, etc. Mais ça se fait de manière frontale. Et ça ne s'inscrit pas dans une volonté. Et là, c'est là que la fonction du droit est fondamentale, c'est l'élément moral. Il y a deux éléments moraux. C'est l'intention de nuire et la confusion dans l'esprit du public. Si... On industrialise l'idée de faire de la confusion en faisant croire que c'est vraiment Drake, que c'est vraiment The Weeknd, que c'est vraiment Eminem qui chante sur le DJ set de Guetta, que c'est vraiment Angèle, etc. Il y a une sorte de confusion qui crée une sorte de décrochage par rapport à la réalité économique et par rapport au respect des auteurs et de leurs origines. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on aspire au sens propre, on absorbe. des centaines de millions d'informations, de créations, etc. Par exemple, c'est pour cette raison qu'il y a des éditeurs de presse qui se sont attaqués d'abord à Google News, puis ensuite aux outils d'intelligence artificielle. Il y a une valeur. La valeur, ça ne veut pas dire qu'on ne fait pas à la manière d'eux. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas s'inspirer. Ça ne peut pas dire qu'on va changer les modèles créatifs. C'est-à-dire qu'il faut s'inscrire dans une certaine... légitimité. Alors, je peux paraître pour un regard, mais l'idée, c'est que quand je dis ça, c'est la volonté de protéger les industries créatives, de protéger les créateurs, y compris les créateurs d'intelligence artificielle. Puisque je pense qu'à terme, vous vous souvenez, il y a 15 ans, on se demandait si les DJ étaient vraiment des artistes interprètes. Puisque pour interpréter, il fallait jouer du piano, il fallait déclamer, il fallait chanter une œuvre musicale. Or, appuyer sur un bouton jusqu'à nouvel ordre, c'était pas... Aujourd'hui, est-ce qu'on se pose la question de savoir si les DJ sont réellement des artistes interprètes ? Il y a un très bon documentaire sur YouTube qui montre cette nouvelle profession de personnes qui maîtrisent extrêmement bien l'outil. et qui sont des sortes de créateurs d'IA hyper... Pourquoi pas ce qu'on appelle des droits voisins pour ces personnes ? Donc, en fait, il faut à la fois garder la mesure et ne pas tout confondre. Et effectivement, c'est pour ça que ça m'a fait sursauter un peu cette idée que tout appartient à tout le monde. Non, ce n'est pas vrai. Et ce n'est pas une position sectaire, ce n'est pas une position autoritaire, c'est le maintien des industries créatives dont on fait tous partie.
- Speaker #1
Donc le problème sur l'histoire de Drake et The Weeknd, ce n'est pas tant d'avoir eu une chanson avec la voix de Drake et The Weeknd, c'est le fait de l'avoir présentée comme étant un duo de personnes qui n'ont pas participé au produit.
- Speaker #3
Exactement, et c'est pour ça que j'ai dit dans un article que le système juridique le plus proche était celui du faux artistique, puisqu'un faux artistique, il y a deux choses. Moi, je vais dire que je vais faire quelque chose à la manière de Picasso. Je vais faire un cubisme synthétique à la manière de Picasso. C'est une chose, je revendique une filiation. Mais si je dis, tenez, c'est un Picasso, je l'ai trouvé dans le grenier de ma grand-mère, vous avez vu, c'est signé Picasso, et puis vous avez vu, ça correspond, il y a une année, etc. Ça, c'est un faux. Et donc, quand je mets sur le marché un duo Drake et The Weeknd, sans l'accord des ayants droit, et sans la volonté de dire que c'est un hommage, oui, je suis dans un système de contrefaçon et de parasitisme. Toujours l'intention. l'élément moral et le risque de confusion.
- Speaker #0
Alors si on rembobine un tout petit peu et de manière très succincte, Marc-Olivier, c'est quoi la propriété intellectuelle ?
- Speaker #3
Alors la propriété intellectuelle, il y a deux grands pans et tout à l'heure tu parlais du brevet, ça c'est la partie propriété industrielle. Il y en a deux essentiellement qui sont les marques et les brevets, donc qui protègent ce qu'on appelle les créations industrielles. Et ensuite, il y a les inventions en réalité, et de l'autre côté, la propriété littéraire artistique. Donc ça, c'est le droit d'auteur qui protège ce qu'on appelle tout ce qui est issu d'un effort créatif et d'un apport créatif, c'est-à-dire des œuvres. Et on appelle ça des œuvres de l'esprit. Alors les œuvres de l'esprit, c'est très intéressant parce qu'il y a à la fois une matérialité, on peut les toucher, on peut toucher un tableau, on peut toucher des sculptures. On peut toucher une partition et il y a une particularité, il y a une sorte de couche supérieure. C'est pour ça que les lois révolutionnaires ont pour le coup littéralement été révolutionnaires en disant qu'il y a quelque chose de particulier dans cet objet. C'est un droit de la propriété, mais on sent bien que ce n'est pas la propriété comme la propriété d'une maison. Est-ce que quand j'achète un Picasso, j'ai le droit de reproduire le Picasso quand bien même je l'ai acheté 40 millions de dollars chez Christie's ? Est-ce que quand j'achète une partition, ça me donne le droit de faire... des disques avec cette partition, de l'interpréter à l'opéra comique, etc. Et on voit bien que cette deuxième couche, ce qu'on appelle la propriété incorporelle, donc on rentre presque dans quelque chose qui ressort de l'abstrait, qui est complètement distinct de la matérialité. C'est pour ça qu'il y a un marché de l'art et que le marché de l'art est distinct des droits de la propriété intellectuelle. Donc vous pouvez acheter un Van Gogh, ça n'a rien à voir avec le droit moral sur les œuvres de Van Gogh. Et de même qu'il y a un marché du disque en dur, enfin il y a 15 ans en dur, maintenant en digital. Donc là, il y avait une matérialité, on peut toucher. Mais quand on diffuse ce disque, là, on est rattrapé par autre chose qui s'appelle la gestion collective, les droits de diffusion, les droits de représentation. Et là, les ayants droit, les auteurs compositeurs vont toucher par rapport à des systèmes et des dispositifs économiques et de flux financiers, etc. Mais voilà, c'est une chose très particulière. Donc la propriété intellectuelle, elle porte deux choses. Dans le terme propriété, elle parle de cette matérialité, mais elle parle de cette matérialité avec quelque chose en plus qui est intellectuel, puisque ce qui est intellectuel est abstrait et relève de quelque chose qui n'est pas de l'ordre du sensible.
- Speaker #0
Alors, début 2024, on a vu apparaître l'IA Act. On en a parlé avant de commencer l'enregistrement. L'IA Act est défini comme le premier cadre juridique complet sur l'intelligence artificielle au niveau européen. Il vise à encadrer le développement et l'utilisation de l'IA afin de garantir qu'elle soit digne de confiance, centrée sur l'humain, éthique et durable. Ce cadre va aussi proposer des règles spécifiques pour les IA génératives qui produisent des images, des textes et des œuvres parfois. Et ça pose la question de l'origine de cette œuvre. Qui est le propriétaire ? A qui appartient-elle ? Et d'où viennent-elles ? Donc Marc-Olivier, selon toi, quels sont les nouveaux enjeux et problématiques qui sont soulevés par l'IA ?
- Speaker #3
Alors, la première chose pour rebondir sur l'IA Acte... Contrairement à ce qu'on pense, il n'est pas complet. Alors d'une part parce qu'il est très orienté sur ce qu'on appelle les inputs. Les inputs, c'est ce dont on parle depuis le début de notre entretien, c'est ce qu'on met sur les bases d'entraînement. C'est-à-dire, ce sont, et c'est sur quoi portait de manière subliminale le micro-trottoir, c'est les contenus sur lesquels il y a déjà de la propriété intellectuelle qui sont avalés, absorbés par... des systèmes d'exploitation d'intelligence artificielle. On verra si on considère que ce sont des outils ou pas, ou s'ils ne sont que des outils, et sur lesquels il y a déjà des droits privatifs, donc les fameux droits de propriété intellectuelle. Donc, on se concentre là-dessus dans l'IA Act en fixant un principe de transparence. Le principe de transparence, c'est de dire quand vous absorbez quelque chose, il faut le déclarer. Et là, tout de suite, les acteurs des industries créatives ont dit oui, mais on a une chose qui s'appelle l'opt-out. L'opt-out, c'est dire non. vous n'avez pas le droit, il faut l'autorisation préalable. Parce qu'il y a une telle massification, une telle utilisation des catalogues préexistants, des bases de données qui est presque vertigineux. Il y a quelque chose de l'ordre du vertige, encore une fois, là-dessus. Parce que l'opt-out est venu en réponse à ce qu'était une exception juridique d'une directive précédente de 2019 qui disait qu'il y avait une exception d'ETM. Bon, c'est data mining, c'est-à-dire que vous pouvez utiliser ce qui existe dans... les bases de données présentes et accessibles. Et là, les acteurs des industries créatives disent « oui, mais il y a la propriété intellectuelle » . Donc, transparence, obligation, grosso modo, déclarée. Mais ça implique que ce soit déclarable, si je puis dire. C'est qu'il y a des ensembles de métadonnées, des ensembles de systèmes de watermarking, d'identification, qui permettent d'identifier les contenus qui sont utilisés. Or là, on touche à quelque chose de fondamental, c'est une sorte de... d'atomisation et d'autonomisation de ces contenus absorbés. C'est-à-dire autonomisation puisque l'AI générative, elle se crée sur elle-même, c'est un système autoréférent. C'est presque une sorte de folie de production effarante où vous tapez trois mots dans un prompt et vous pouvez avoir 300, 400 images, de la musique, etc. Donc en termes de masse critique et de contenu produit, c'est très difficilement gérable. Mais c'est très difficilement gérable dans l'analyse de ce que ça a emprunté. Je prends l'exemple qu'on connaît dans l'histoire de la musique, celui du sample. Il y avait des dizaines et des centaines de procès dans le monde sur le sample. Puis il y avait quelqu'un qui arrivait, Marvin Gaye par exemple, sur Blurline, ou X ou Y, qui disait « Tiens, ça c'est ma ligne de basse. Tiens, ça c'est mon break de batterie. Tiens, ça c'est ma mélodie. » Contrefaçon, sample, soit on signe un accord, soit on est dans un procès même de contrefaçon. Là aujourd'hui, ce que j'appelle l'hyper-atomisation, c'est-à-dire qu'il y a tellement de contenus, il y a tellement une sorte de mélange, mais moi je ne suis pas technicien, mais de ma compréhension, c'est qu'il devient presque impossible d'identifier les contenus qui sont utilisés pour générer ce qu'on appelle les outputs. Et les outputs, on va le traiter avec la contrefaçon, on va le traiter avec le parasitisme, mais en termes de charge de la preuve, il va falloir prendre son élan. Parce que, autant sur un sample, déjà ce n'était pas facile, mais de dire, là je peux démontrer, il y a des cas très faciles. Je vais rentrer tous les tableaux de Van Gogh, et je vais sortir un album de Van Gogh. Je vais sortir tous les albums d'Oasis, et je vais générer un album d'Oasis. Et on va retrouver les traits caractéristiques, les biais, les systèmes de l'écriture d'Oasis. Les systèmes graphiques de la peinture de Van Gogh. On n'aura aucun problème à le prouver. Mais si je mets tout l'ensemble des albums de pop des années 90, est-ce que je vais retrouver Oasis ? Ou est-ce que je vais retrouver des systèmes qui sont attribuables ? Donc, s'ils sont attribuables, il peut y avoir une emprise sur la propriété intellectuelle et sur les actions pour protéger la propriété intellectuelle.
- Speaker #0
Alors, du coup, Bruno, d'un point de vue code, ça se pose aussi, c'est un peu... Différent, vous avez une autre façon de fonctionner.
- Speaker #1
Sur la partie dev, on a effectivement une approche un peu différente des LLM, parce que pour nous, c'est un usage qu'on fait de manière assez régulière, puisque d'un côté, on va l'utiliser notamment pour générer du code, en général du code qu'on n'a pas forcément envie de générer nous en tant que développeurs, donc des choses bêtes et méchantes. Je prends un exemple tout bête. Sur tous les sites que vous utilisez, il y a des formulaires d'inscription, il faut remplir tous les champs pour s'enregistrer sur le site. Ça, c'est des choses.
- Speaker #0
que nous, on est obligé de faire sur chaque site, ça ne nous intéresse pas. C'est un peu basique et rudimentaire. Donc avec les IA génératives, on va pouvoir comme ça générer un ensemble de codes qu'on appelle le boilerplate. Donc il y a plein de codes comme ça qui sont générés de manière automatique. Et on peut se concentrer sur la partie vraiment intéressante et intellectuelle du travail. On va l'utiliser aussi sur un autre aspect qui est parfois, quand on a un bout de code qu'on doit corriger, on ne sait pas vraiment comment il fonctionne. on va pouvoir demander à une IA générative ou dans certains cas des IA analytiques, mais en général aujourd'hui c'est plus des IA génératives, de nous expliquer comment ce bout de code fonctionne. Ça nous permet du coup de nous aider sur la correction de ce qu'on a à faire. Et on a après dans tout ce qu'on appelle l'usine logicielle, donc c'est toutes les étapes qui vont au-delà de la production du code, c'est comment est-ce qu'on va le mettre en ligne par exemple, le déployer sur des serveurs, ce genre de choses. Aujourd'hui on a beaucoup d'IA aussi qui vont faire de la relecture de code, et qui vont nous dire, là ça ne correspond pas aux normes qu'on a dans l'entreprise. ou ce genre de choses. Donc là aujourd'hui ça passe beaucoup par des LLM. Et après je revenais du coup aussi sur ce que tu disais Marc-Olivier, c'était sur le fait qu'effectivement on ne peut pas remonter à une idée source dans une idée générative de par la conception aujourd'hui des réseaux de neurones qui font qu'on ne peut pas retrouver dans l'assemblage de l'output l'assemblage de tous les inputs qui ont pu être à la source de l'idée.
- Speaker #1
Exactement, et dans une précédente conférence, il y avait quelqu'un qui donnait cette image un peu triviale, mais c'est que vous faites une vinaigrette et à la fin, vous demandez à quelqu'un de retrouver le vinaigre et la quantité précise de vinaigre et de retirer le vinaigre de la vinaigrette. Donc, ça a l'air très simple dit comme ça, mais l'image est assez bonne sur l'IA générative. C'est différent d'un sample, parce que si on vous dit de retrouver le trait de vinaigre que vous mettez sur une assiette, vous le retrouvez, c'est le sample. Si on veut dire de retrouver le vinaigre dans la vinaigrette, c'est autre chose. Et je rebondis là-dessus parce que c'est très intéressant cette vision technicienne. C'est la grande division entre l'IA générative et l'IA analytique, qui correspond, moi, dans mon système, à l'analytique, c'est l'outil. C'est la vision de ce que Martin Heidegger appelait la vision instrumentale. De l'autre côté de la... L'IA générative qui pose la question de la grande substitution de l'acte de création. Et donc, encore une fois, c'est une question qui est presque d'ordre ontologique. Alors, c'est très intéressant parce que moi, je fais souvent référence à un auteur qui s'appelait Jacques Ellul, qui écrivait sur le système technicien. On est au cœur d'une question qui est d'ordre purement technique. Alors cette grande distinction entre... La vision d'un outil et la vision de la substitution d'un créateur, concrètement, ça a des conséquences socio-économiques. La disparition de certaines professions, les traducteurs. On avait besoin d'entreprises avec des types qui traduiraient. Ce n'est plus la peine. Les questions des voix-off, les questions des doublages. Il va y avoir des professions qui vont disparaître. Il y a même une application qui s'appelle e-avocat, où le type... a fait sa promotion, il n'y a pas d'avocat derrière, il n'y a pas de juriste. En disant, on est capable de rivaliser avec n'importe quel avocat. Donc ça, c'est une conséquence réelle d'une grande substitution, d'une disparition des métiers, mais c'est l'angoisse qu'on a eue à chaque révolution industrielle. On a dit à la fin du XIXe siècle, la mécanisation, je vous renvoie au temps moderne de Chaplin, c'est la disparition des ouvriers, la machine, etc. Mais la vision instrumentale, c'est-à-dire la vision en tant qu'outil, elle est assez intéressante. Je donne deux exemples. qui était avant l'intelligence artificielle générative. Premier exemple, Christine and the Queen, il y a 7 ans, ça a fait un scandale puisqu'on a découvert qu'elle avait composé un morceau uniquement avec des boucles qui étaient sur le logiciel GarageBand, qui est le logiciel d'Apple de composition assisté par ordinateur, etc. Et donc on remet en cause symboliquement sa capacité de création, son originalité, on remet en cause l'acte de l'apport créatif. de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur. Récemment, il y a Dabon Albarn, il y a six mois, il a mis sur YouTube une image où l'un des plus grands tubes, qui s'appelle Clint Eastwood de Blur, était en réalité une boucle pré-programmée sur des petits synthétiseurs, mais du type de ce qu'on appelait en France les botampis, qui étaient des omnicordes de chez Sony. Et l'ensemble du morceau, c'est l'intégralité, avec juste la voix dessus, qui formait le morceau Clint Eastwood de Blur. qui a fait des millions et des millions de ventes. Alors qu'est-ce que ça dit ? Ça interroge effectivement la fonctionnalité de l'outil. Est-ce que, et je parlais des DJ tout à l'heure, est-ce que ça affecte la condition de créateur ? Est-ce que ça affecte l'édifice du droit d'auteur ? Parce que le droit d'auteur, en France, je le rappelle, l'édifice, c'est qu'à la fin de l'histoire, il y a une personne physique. Alors ça se traduit très simplement. Si vous êtes une personne morale, vous ne pouvez pas déposer votre œuvre à l'assassin. Eh bien, la question, c'est celle du curseur. Le curseur, c'est est-ce que Damon Albarn a pensé... que ça, c'était un truc génial et que c'était un tube. Alors qu'un million de personnes avec l'omnicorne n'avaient pas du tout percuté, s'étaient dit, si je rajoute une voix, ça ne va rien donner, de toute façon, c'est quelque chose d'industriel, de pré-consommé, de pré-maché. Et est-ce que l'acte créatif, il n'est pas là ? Dans la sélection, dans le choix, dans la pertinence, et pas forcément d'être le plus grand violoniste du siècle. Eh bien, c'est la question que pose l'intelligence artificielle. Parce qu'à la fin, si moi, demain, je crée une œuvre musicale avec l'intelligence artificielle, En le disant ou en ne le disant pas, c'est moi, avec mon petit costume et ma cravate, qui va aller à l'assassin, qui va déposer l'œuvre et qui va dire « j'en suis l'auteur » . Donc j'instrumentalise l'instrument et je reste dans la fonction du truc.
- Speaker #0
Sur cette partie de substitution, moi c'est un débat que j'ai de plus en plus sur mon podcast, où je reçois beaucoup de devs, et on a cette discussion en fait de « est-ce qu'on va encore continuer à développer ? » dans une ère où les IA le font de plus en plus à notre place. Et en fait, quand on prend un peu de recul, on voit que... Alors, c'est peut-être très spécifique à notre métier, mais peut-être qu'on peut généraliser après à d'autres aspects. Dans notre métier, on a eu de plus en plus d'abstractions. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a 50 ans, il y a 60 ans, quand on voulait faire du développement logiciel, on avait des équipes qui faisaient du développement directement sur un processeur. Ils faisaient du code en binaire ou en hexadécimal directement sur un processeur. sont apparus après des langages qu'on appelle notamment en premier l'assembleur, où on a commencé à voir l'apparition de langages. On pouvait écrire if, on pouvait écrire then, on pouvait faire comme ça, donc vraiment écrire des fonctions de manière un peu plus développée. Et à mesure que la technologie a évolué, on a eu comme ça de plus en plus d'abstractions avec des langages qui permettent aujourd'hui d'écrire quasiment en langage français ou anglais, selon les langages qu'on choisit, donc d'avoir, de gagner en abstraction. Et ce qu'on voit aujourd'hui avec l'IA arrivé, c'est que ce sont des outils qui vont nous permettre de gagner encore plus en abstraction, où du coup on va avoir un travail. Notre travail de développeur ne sera plus d'écrire des lignes de code, mais de concevoir l'agencement global de toutes ces fonctions, de tous ces différents appels, et de faire en sorte que l'ensemble fonctionne dans toutes les conditions qu'on peut imaginer. Ce qu'on voit par exemple aujourd'hui sur les gens qui utilisent trop facilement les LLM, les IA génératifs, c'est qu'ils vont générer du code. qui fonctionnent de manière globale en faisant ce qui est demandé, mais qui vont poser des problèmes de sécurité, qui vont poser certains cas extrêmes qui ne fonctionneront pas ou qui vont générer des bugs. Donc il y a encore ce travail, on va dire, de construction globale. Donc tu vois, nous, la partie substitution, on ne voit pas ces outils-là comme prenant notre place, mais comme nous permettant de nous concentrer sur des choses qui ont du coup plus de valeur ou plus d'intérêt. Et qui permettent aussi à des gens qui n'ont pas cette formation de développeur ou de développeuse de s'intéresser à ce métier et de commencer à faire des choses. Et il y a un exemple ou une histoire que je raconte souvent aussi sur mon podcast pour expliquer l'intérêt de ces outils. C'est qu'il y a 30 ans, si tu voulais faire un film, il te fallait des caméramans, il te fallait des preneurs de son, il te fallait un producteur, il te fallait un diffuseur, il te fallait des scénaristes, des acteurs. Il te fallait une équipe, une quantité d'équipes colossales et d'entreprises diverses et variées pour pouvoir montrer ton film au monde entier. Aujourd'hui tu sors ton téléphone, t'appuies sur un bouton et t'as un film qui est disponible pour le monde entier et pour être visible. Ça veut pas dire qu'on a arrêté de faire du cinéma, ça veut pas dire que tout ce qui se fait sur YouTube c'est de la merde, il y a des contenus sur YouTube ou sur TikTok qui sont absolument brillants, qui sont hyper créatifs, c'est juste qu'avec ces outils-là on a baissé la barrière à l'entrée et qu'aujourd'hui beaucoup plus de gens peuvent exprimer leur créativité sans avoir une compétence technique forcément hyper poussée de ces différents outils. Moi, c'est ce que j'ai tendance à voir sur l'intérêt de ces outils-là. Pour reprendre ta discussion, moi, je les vois vraiment comme un outil qui permet à des gens d'exprimer leur créativité au travers d'une certaine maîtrise de ces outils-là.
- Speaker #1
Je suis assez favorable à ça. Et juste pour l'anecdote, moi, il y a 4-5 ans, on m'interrogeait sur les NFT. Et les NFT, c'était le nouvel Eldorado, le renouveau de l'art. Donc, il y avait dans les éléments de langage et dans la sémantique, quelque chose d'extrêmement positif. Et aujourd'hui, dans les conférences qu'on m'invite, c'est « Faut-il avoir peur de l'IA ? » « Un danger pour les industries créatives ? » « Faut-il craindre l'IA ? » Donc déjà, dans les éléments de langage, c'est pour ça que j'adhère vraiment à tes propos, c'est la façon d'envisager le progrès et pas un drame. Et l'IA n'est pas un drame. Le sujet, c'est comment on va faire bosser des juristes, on va faire bosser des techniciens pour faire quoi ? Pour réguler. Pour réguler, on est tous d'accord qu'il faut respecter les droits d'auteur, on est tous d'accord sur le fait qu'il faut respecter les droits voisins, on est tous d'accord qu'on est face à quelque chose, et j'emploie beaucoup ce terme parce que ça me dit beaucoup de choses, encore une fois, vertigineux en termes de quantité. On n'a jamais été confronté à ça, c'est à la capacité, pas de produire, mais d'hyper-produire. dans des quantités absolument phénoménales, des contenus qui sont ou pas des créations. Et ça, c'est moi mon grand dilemme ou ma grande réflexion, c'est qu'on génère du contenu, on produit de la norme. Est-ce qu'il faut rattacher le droit d'auteur ? Il faut que le droit d'auteur coure après ? Est-ce qu'on n'a pas un objet juridique nouveau qui... qui, pour le coup, va nécessiter une réflexion juridique et structurelle différente pour arriver à une régulation, une stabilité des industries créatives, et pas tout remettre en cause en disant « c'est le drame, c'est la fin, il n'y aura plus jamais de créateurs, il n'y aura plus jamais etc. » Et même si moi-même, très personnellement, parce que j'avais beaucoup de réflexions comme ça, j'ai fait une intervention les savants, et quelqu'un me disait « oui, mais il n'y aura jamais… » l'émotion, une machine ne reproduira jamais l'émotion d'un être humain. C'est impossible à démontrer. Je suis même capable de démontrer le contraire. Donc on a tous des stéréotypes et on a des modèles qui font l'imagerie dont je parlais, Picasso, le génie créatif, le type qui est dans la bougie à 4h du matin pour finir la comédie humaine, etc. On a tous cet embneu parce que c'est la grandeur du génie créatif de l'homme. Mais est-ce que d'une part l'un n'empêche pas l'autre ? L'un ne détruit pas l'autre. Et puis, pouvoir réguler et pouvoir trouver des solutions à ça, c'est aussi ça le progrès. Le progrès, c'est accompagner le progrès.
- Speaker #0
Il y a juste un point sur lequel j'aimerais avancer, parce que tu as évoqué un truc tout à l'heure. Tu parlais d'intentionnalité dans la création d'œuvres, et là, tu viens de parler de cette notion d'humanité. Tout à l'heure, tu racontais l'histoire des premiers supercalculateurs avec Deep Blue et la victoire face à Kasparov. Ce que les gens savaient assez peu, c'est que la victoire de Deep Blue c'est une erreur en fait c'était une rencontre en 5 matchs de Diblou versus Kasparov, grand champion d'échec indétrônable. Kasparov a gagné les deux premiers matchs et à la rencontre lors du troisième match, Diblou a fait une erreur. Il y a eu un bug en fait. Diblou a fait une erreur sur le match. Et en fait, ça a déstabilisé Kasparov qui ne comprenait pas le mouvement qui a été fait. Et du coup, il s'est dit, le supercalculateur, s'il fait ce mouvement-là, c'est qu'il a vu un truc que moi, je n'ai pas vu. Et du coup, Kasparov a abandonné sur ce match-là. Et en fait, ça l'a déstabilisé sur les matchs d'après. Et c'est ce qui fait qu'il a perdu sur les trois derniers matchs. C'est qu'en fait, il a été perturbé par un bug, en fait, par une simple erreur. Donc, cette humanité dont on parle, souvent, on dit que l'erreur est humaine. Il y a eu ce facteur-là aussi qui a joué dans cette victoire historique, mais qui n'en est peut-être pas vraiment une au final.
- Speaker #2
Oui, l'erreur dont tu parles, c'est le sacrifice de la reine. qui effectivement n'est pas algorithmique dans le jeu d'échecs et qu'on pensait réserver à l'humain. Faire le sacrifice de la reine dans une partie d'échecs, c'était très difficile à l'époque de le mettre au fond de l'algorithme. Effectivement, quand il a fait le sacrifice de la reine, à un moment de la partie qu'il ne nécessitait pas, ça a un peu déstabilisé Kasparov, effectivement. C'est 96 à Deep Blue, c'était un très grand moment.
- Speaker #1
Il y a cette chose du facteur humain, de qu'est-ce qui reste à l'homme. Parce que mon frère est joueur d'échecs et mon père était joueur d'échecs et ils m'ont toujours dit que les grands joueurs d'échecs, ils étaient créatifs. C'est génial parce qu'effectivement, à la fois, quand je les voyais jouer aux échecs, ils apprenaient des milliers. Par exemple, Magnus Carlsen, il connaît des centaines de milliers de parties par cœur. Donc on a l'impression que c'est juste un supercalculateur humain. Et les très très grands joueurs... Bobby Fischer, Spassky, etc. On les distinguait justement par cette capacité de création. Alors évidemment, les super créateurs, qu'est-ce qui fait qu'un artiste est bon ou mauvais ? C'est intéressant parce que la propriété intellectuelle ne juge pas le mérite. Alors ça, il faudrait qu'on ressorte cette jurisprudence puisqu'il n'a pas à juger de la qualité d'une œuvre à magistrat qui, in fine, va juger de l'appréhension par le droit d'auteur. Il va juger de quoi ? Et ça, c'est fondamental. Le droit d'auteur est basé sur un principe qui est le principe de l'originalité. Le code de la propriété intellectuelle ne définit pas ce qu'est une œuvre. Ça fait 1200 pages et c'est le sujet, mais ce n'est pas défini. Il ne définit pas ce qu'est un auteur. C'est la jurisprudence qui est venue expliquer que pour qu'une création humaine soit considérée comme une œuvre et appréhensible par la propriété intellectuelle, il fallait qu'elle soit marquée de l'empreinte de la personnalité de l'auteur. Qu'est-ce qui fait qu'un Picasso est un Picasso ? Qu'est-ce qui fait qu'un solo de Maïsévis est un solo de Maïsévis ? Qu'est-ce qui fait cette singularité ? C'est ça, cet apport créatif qui est un peu magique, qui fait accéder. au droit d'auteur. Et pour revenir à ce qu'on disait, c'est justement le facteur humain. C'est cette chose qu'on ne maîtrise pas. Or, l'hyper-mécanisation, l'hyper-industrialisation, cette façon de générer de la production qui était réservée au créateur, c'est-à-dire à ces êtres humains un peu sacrés, quoi qu'on veuille en penser, c'est là où notre édifice n'est plus du tout adapté parce que notre édifice de droit d'auteur, c'est un droit d'auteur personnaliste basé sur la personne physique d'un créateur original et singulier qui s'exprime à travers une œuvre d'art. Et que donc, ça ne peut pas être une machine.
- Speaker #3
On en revient donc au principe de l'outil. On a l'artiste, on a l'outil. Récemment, je t'ai entendu parler d'un divorce. Tu disais que quand on est dans le génératif, je te cite, j'ai trouvé ça intéressant dans une vidéo. Dès lors qu'on est dans le génératif, on a encore une fois une autonomisation, une sorte de divorce symbolique et juridique entre la création, le créateur et donc les droits. Mais si on est sur l'outil d'un côté et le créateur, l'outil au service du créateur, là on change aussi de façon de fonctionner.
- Speaker #1
L'outil au service du créateur, tant qu'on est là-dedans, on ne change pas les modèles. On change les modèles justement avec l'autonomisation, où on n'arrive plus à poser une personne physique. Et là, il y a des jurisprudences aux États-Unis et les premières jurisprudences viennent fixer quel est le critère qui va permettre d'accéder à la protection de la propriété intellectuelle. Alors c'est d'autant plus intéressant que ce sont pour l'instant deux jurisprudences aux États-Unis, il va y en avoir d'autres évidemment, sous le régime du copyright qui n'est pas vraiment le régime de droit qui met plus en avant le créateur puisqu'il n'y a pas de droit moral par exemple. Et pourtant, la Cour fédérale est venue dire... Telle création de l'IAG, l'intelligence artificielle générative, n'est pas protégeable faute d'intervention humaine. Alors, il y a une sorte de dégradation du critère, puisque le critère c'était l'originalité, c'est-à-dire la marque de l'empreinte de la personnalité, et maintenant l'intervention humaine. Appuyez sur un bouton, c'est une intervention humaine, jusqu'à nouvel ordre. Donc, c'est à la fois le meilleur et le pire des critères, parce qu'à la fin... de la chaîne alimentaire de la création technique, si je puis dire, il y a toujours un type qui lève la main et qui dit c'est moi. Et juste pour finir, puisque tu parlais toi des lignes de code, donc il va y avoir un séquençage des droits de propriété intellectuelle. Les créateurs de systèmes d'exploitation d'intelligence artificielle, ces entreprises-là, elles sont protégées par le droit des logiciels, très classiquement. Mais il y a une différence fondamentale, c'est Microsoft Word, c'est un logiciel. Est-ce qu'on va dire pour autant que tous les romans qui ont été écrits depuis 1984, la première version ou 85 de Microsoft Word appartiennent en toute ou partie à Microsoft Word au titre de la propriété intellectuelle ? Est-ce que tous les romans qui ont été écrits avec Microsoft et avec Word appartiennent ? On sait bien que non, ce serait absurde, ce serait la même chose d'attribuer une part de la propriété des romans des années 50 à telle ou telle marque de machine à écrire. Donc la vraie nouveauté au centre de ça. C'est la base d'entraînement. C'est-à-dire qu'on a un pôle technique et on a un pôle de contenu et ce pôle de contenu, c'est du contenu préexistant et à la sortie de la machine, on a de l'output. Et quel est le statut juridique et quelle va être la titularité des droits ? On a des solutions. On peut avoir la licence légale. On a en France un système qui s'appelle la rémunération équitable. On a d'autres solutions, la taxe du stream. C'est-à-dire que quand il y a trop d'informations à gérer juridiquement, à traquer juridiquement... Pour filer, si je puis dire, ou pour trouver le modèle économique, les flux de rémunération, on met des systèmes qui sont des systèmes de gestion collective ou de taxe, la taxe streaming, pour rémunérer les acteurs. Par exemple, aujourd'hui, la répartition des sommes et des montants sur les abonnements dans la musique du stream, c'est très imparfait. Avant, si vous n'écoutiez que de la musique du jazz contemporain suédois, Quand vous alliez à la FNAC acheter votre petit album à 20 euros, vous saviez qu'il y allait y avoir... Je ne sais pas, 2-3 euros qui partaient au label, et puis 1 euro qui partaient à l'artiste. Aujourd'hui, si sur Spotify, vous écoutez uniquement du jazz norvégien ou suédois, eh bien, il y a une partie de votre abonnement à 9,90 ou presque 10 euros ou 10 dollars qui va partir chez Justin Bieber, chez Rihanna, chez Beyoncé, chez Taylor Swift, parce que ce n'est pas la mécanique de rémunération et des flous de rémunération qui est complètement différente, c'est la version market-centric. versus user-centric. Je ne rentre pas dans les détails, mais cette massification d'utilisation sur les bases de traitement de données sur lesquelles il y a des droits privatifs et donc de la valeur économique et de la valeur créative, cette massification rend bien plus difficile la circulation et la gestion des flux de rémunération des endroits.
- Speaker #3
Bruno, d'un point de vue plus code ?
- Speaker #0
Alors, toute cette discussion m'amène à reconsidérer beaucoup de choses dans ma perception. Pour donner un peu de contexte, sur mon podcast, il y a beaucoup de gens qui viennent pour dire que le métier de dev est un métier d'artisan. C'est très manuel, on code les trucs avec nos mains, ce genre de choses. Moi, j'avais tendance à dire que le métier de dev était un métier d'artiste. Parce qu'on a un vrai travail de créativité, bien évidemment, mais aussi il y a cette notion d'inspiration. C'est-à-dire que parfois, on va coder pendant des heures des trucs qui ne sont pas ouf, et puis d'un coup, on a une espèce d'épiphanie. Et vous avez tous, si vous connaissez des devs, vous avez tous connu des devs qui passent une nuit entière d'un coup à coder un truc parce qu'on a cette épiphanie, on a besoin d'exprimer quelque chose par ce biais-là, et puis on a tout aussi un travail d'inspiration. Donc j'avais tendance à considérer que c'était un métier d'artiste. Et tu parles de cette notion d'intentionnalité, tu parlais aussi à l'instant de cette notion d'originalité, de l'œuvre créée. Nous, aujourd'hui, dans le monde du dev, un truc qui est intéressant pour nous sur les LLM, notamment avec des outils comme Copilot, c'est qu'on peut faire en sorte que tous les devs codent de la même façon. Et ça, en fait, pour nous, c'est hyper important, parce que si tu es une équipe avec, si on prend Google, je crois que c'est 15 000 développeurs au total répartis à travers le monde, si tu as 15 000 personnes qui développent de 15 000 façons différentes, c'est impossible à maintenir le code. Dès que la personne qui a créé le code n'est plus là, qu'elle est en vacances, malade ou jusqu'à la démissionner, son code n'est plus maintenable. Et donc, on essaie de faire en sorte que chacun code de la même façon. et donc grâce à ces outils type copilot, on peut aujourd'hui avoir des systèmes qui permettent de créer du code à la manière de la communauté pour que du coup tout le monde code de la même façon et que le code soit maintenable donc qu'il puisse être repris par n'importe quel autre développeur. Donc du coup peut-être qu'au final, ce que je voyais comme un métier d'artiste n'est plus un métier d'artiste du coup.
- Speaker #1
C'est une vision presque collectiviste en fait. qu'on retrouvait dans les licences libres, j'allais dire presque communistes. Mais d'ailleurs, c'est très intéressant parce que le droit d'auteur est très lié au système politique et économique dont on parle. Aujourd'hui, on parle de droit d'auteur en France, on est tous d'accord, et Beaumarchais, et le droit moral, et le droit révolutionnaire, et la loi de 1957, on est très fiers de ça. Aux États-Unis, le propriétaire d'une œuvre, c'est celui qui l'a financée. Je résume à l'extrême. Mais c'est un peu ça l'idée. Pourquoi ? Parce qu'il ne vous a pas échappé. C'était plutôt un système libéral, les États-Unis. Je ne dis pas que la France ne l'est pas, mais elle était peut-être un peu moins en 1957. Et en Chine, quand je parlais de collectivisation, de mutualisation, en Chine, on ne travaille pas pour soi et pour son égo. La question de savoir si vous êtes un artiste... C'est intéressant, j'avais fait une intervention au Maroc. Au Maroc, il faut avoir une carte d'artiste pour être considéré comme un artiste. Donc il y a l'administratif qui vient décider est-ce que vous remplissez les conditions pour être un artiste. C'est marrant parce que dans l'esprit français, ça paraît complètement hallucinant. Je reviens à la Chine. La Chine, il y a un intérêt supérieur à votre petit égo d'artiste ou à votre petit égo de citoyen. C'est l'intérêt supérieur de la République de Chine, voire du parti. Et quand vous créez, vous ne créez pas pour vous, vous créez pour quelque chose qui vous dépasse. Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le droit d'auteur, ça n'existe pas. Parce qu'un auteur, ça n'existe pas. Ce qui existe, c'est le parti et c'est l'intérêt supérieur de la République populaire de Chine. C'est très intéressant parce que, par exemple, j'avais eu l'expérience professionnelle d'aller produire un film en Chine. Et bien quand vous produisez un film en Chine, automatiquement, il y a 50% de la coproduction déléguée qui est attribuée, affectée et financée. par l'État chinois pour des raisons qui ne vous en vont pas échapper, pour rester dans la ligne du parti précisément. Donc, les variables d'ajustement de l'appréhension du droit d'auteur... C'est marrant parce qu'on a parlé au moment donné de l'IA Act. On a dit tiens, c'est le gouvernement, la Startup Nation qui essaye de s'opposer parce qu'elle veut marquer son empreinte, c'est la technologie avant l'homme, etc. Mais mine de rien, ce n'est pas idiot ces questions-là. C'est-à-dire qu'est-ce qu'on met en avant et comment on réfléchit et comment on essaye de changer nos modes de fonctionnement parce qu'on baigne dans des systèmes qui sont des préacquis en réalité.
- Speaker #3
On en revient toujours à la géopolitique de l'IA. On en a fait dans tous les épisodes avec Olivier. Oui, c'est vrai. Alors, ce podcast a pour vocation d'acculturer, mais aussi de donner des conseils pratiques aux auditeurs. Qu'est-ce qu'ils doivent retenir de notre conversation dans la compréhension ? Alors, tu viens de parler justement du côté les droits d'auteur. Finalement, ça dépend d'où on se situe aussi dans la planète. Mais en tout cas... Le parasitisme, parce qu'on s'est aussi un petit peu éloigné de ça, qu'est-ce qu'on doit retenir, qu'est-ce qu'on doit comprendre aujourd'hui de l'IA, l'outil, le parasitisme, la création ? Comment, de manière très simple, comment on s'en sort dans tout ça ?
- Speaker #1
Alors, il y a une sorte de paradoxe réversible, c'est que je crois beaucoup à la pédagogie, mais je crois beaucoup aussi que les gens concernés s'en moquent un peu. C'est-à-dire qu'il y a une sorte de spontanéité. Elle est essayer d'expliquer à un adolescent, dans tel cas c'est de l'IA analytique, c'est ok, dans tel cas c'est du génératif, dans tel cas tu peux, ah fais attention, il faut aller demander l'autorisation, ça ne se passe pas comme ça dans le monde réel. Dans le monde réel, on va déjà raisonner au-dessus de l'individu, on va raisonner sur les industries créatives notamment. Donc oui la pédagogie de dire jusqu'où on peut aller trop loin. C'est-à-dire, est-ce que toi, je prends toujours l'exemple de l'adolescent qui sort en pyjama de sa chambre en disant j'ai fait un album d'Oasis, il y a un minimum d'éducation, je ne parle pas au niveau moral, je parle d'éducation intellectuelle et juridique, pour dire, tu t'es posé la question de savoir si un album d'Oasis, ça n'impliquait pas des droits privatifs et qu'Oasis était protégé, c'était une marque, il y avait une maison de disques derrière et qu'il y avait un type qui a le sang chaud qui s'appelle Liam Gallagher qui va trouver ça moyennement drôle. D'avoir une sorte d'éducation globale sur qu'est-ce que la propriété intellectuelle, qu'est-ce que sont les droits privatifs. Mais les plus grands contrefacteurs, c'est en fait les hyper-industriels. Parce que ce sont les générateurs d'intelligence artificielle qui, eux, ne vont pas faire quelque chose comme ça d'instinctif, etc. qui vont industrialiser, mécaniser l'absorption. de droits privatifs, qui vont... Le procès qu'a fait le New York Times contre Yabar, je crois, là, on parle d'enjeux de plusieurs millions et de plusieurs milliards. Donc, il ne faut pas se tromper d'ethnies. Il ne faut pas se tromper de circuits. Il ne faut pas se tromper d'enjeux. Et puis, même les créateurs pensent parfois différemment. Je donne un exemple. Il y a une chanteuse qui s'appelle Grimes. Grimes, elle a dit c'est OK pour moi, l'intelligence artificielle. Donc... Vous pourrez vérifier sur Spotify, je crée un avatar qui s'appelle Gramps Intelligence Artificielle IA. Et vous pouvez, vous, Marc-Olivier Deblanc, Marine, tout le monde, créer des morceaux à partir de mes contenus. Je veux simplement deux choses. Petit 1, que ce soit labellisé, qu'on sache à quoi on est à faire. C'est comme ces trucs dans les pubs pour la mode, retouchés, pour que les jeunes filles, elles ne pensent pas que le monde entier pèse 52 kilos. Et qu'il y a un truc de prévention. Eh bien là, c'est la même chose de préciser que c'est de l'intelligence artificielle, c'est ce qu'on appelle la labellisation. Et deuxième chose, excusez-moi du peu, mais qu'on partage les royalties. Donc ça, c'est ce que j'appelle une sorte de morale d'utilisation. De non, tout n'est pas permis, mais c'est la même chose que pour l'utilisation de n'importe quel outil, y compris des armes. Je veux dire, la question de la fonctionnalité, c'est l'application de la fonctionnalité. Un couteau, ça peut... permettent de devenir du casse et de devenir un grand criminel. Vous voyez ce que je veux dire ? Donc ce truc d'éducation, de dire oui à couteau si tu l'utilises d'une bonne façon, pour faire le bien et pour nourrir tes proches, c'est formidable. Si c'est pour attaquer quelqu'un dans un coin de rue, il va y avoir un problème. Donc c'est un peu plus compliqué quand on sort de l'humain et qu'on va dans la question de la création. Mais moi je crois beaucoup à l'éducation, un système normatif et mine de rien, par exemple la dopie a été un échec.
- Speaker #0
Mais mine de rien, à la fin de l'histoire, le marché de la musique qui s'était écroulé en 2005 jusqu'en 2010, aujourd'hui, il progresse de 5,2 ou 3% par an, enfin peu importe, entre 5 et 6%. Donc, rien n'est perdu, le progrès, ce n'est pas une fatalité, le progrès doit être accompagné et régulé. Donc, il faut que les gens soient sensibles à ça. Et c'est vrai que j'ai été un peu choqué par le micro-trottoir, parce que, oh, rien n'est grave, tout appartient à tout le monde. Et puis, c'est pareil qu'eux, et c'est identique. Et ça, c'est le discours de la sous-information. Et face au discours de la sous-information, il faut avoir un discours pédagogique d'appréhension parce qu'on ne peut pas être totalement dans le mépris de l'ensemble de la filière parce qu'à la fin, c'est des gens comme ceux qui sont interviewés qui n'auront pas de boulot parce qu'on n'aura pas traité la question de la pédagogie et de la régulation.
- Speaker #1
Bruno ?
- Speaker #2
Je ne sais pas trop ce que je pourrais ajouter. Moi, ce que j'aurais tendance à dire, ce que j'ai beaucoup aimé dans tout ce qu'utilisait Marc-Olivier sur tout cet enregistrement, c'est cette notion d'intentionnalité, qui pour moi est un beau principe. Et je pense que les IA génératives, aujourd'hui, ou même les IA analytiques, c'est des IA qu'il faut utiliser, qu'il faut utiliser au quotidien, et sur lesquelles, surtout, il ne faut jamais se limiter à la première réponse qui est fournie par ces systèmes-là. Il faut savoir insuffler un peu nous-mêmes dans ces outils. Et pour ce qui est de la partie du... de la substitution. Moi, j'ai déjà rencontré des directeurs techniques autour de moi qui me disaient ne plus recruter de développeurs qui n'utilisent pas un chat GPT ou un copilot au quotidien, qui considèrent ça comme une faute professionnelle. C'est en train de devenir un outil indispensable, en tout cas dans ma profession. Il peut que ce soit le cadre de profession plus tard, mais ça, ce ne sera pas à moi de le dire.
- Speaker #1
Merci à tous les deux. Je vous propose maintenant d'ouvrir nos chakras de la réflexion avec l'excellente vision prospective de Olivier.
- Speaker #3
Olivier, nous t'écoutons avec la plus grande des attentions. Merci Marine. Éternel débat de la propriété intellectuelle et du parasitisme culturel. Où se trouve la limite entre inspiration et copie, entre production et reproduction ? Le droit répond en grande partie à cette question et les belligérants près 2022 connaissaient bien les conséquences. Novembre 2022 a sonné comme un coup de tonnerre dans le ciel déjà encombré d'autres nuages comme le streaming, de l'industrie créative et de la musique. L'IA change le monde, la donne, les rapports de force dans une humanité globalisée. Si j'affirme au prisme de l'innovation technologique que l'IA générative offre de nouvelles façons de découvrir et de créer de l'art, je m'expose déjà à des critiques tant cette révolution technologique pose de sérieuses questions sur la propriété intellectuelle et l'impact sur les artistes humains. On en parlait justement à l'instant. La question posée à l'époque des Lumières a fondé la conviction que la propriété intellectuelle est le fruit du travail de l'auteur, ce qui lui confère le droit exclusif d'en jouer. Ainsi, si nous appliquons cette logique à l'IA qui détient la propriété intellectuelle des œuvres créées par celle-ci, est-ce le programmateur qui a codé l'IA, est-ce l'IA elle-même ou personne, le consensus actuel, qui va certainement évoluer, a désigné personne comme propriétaire de l'œuvre. Kant, de son côté, voyait dans l'art l'expression de la liberté de l'artiste. L'art, selon lui, est une manifestation de la créativité humaine, une qualité unique qui est inhérente à l'homme. Le droit d'auteur moderne est basé sur l'idée que l'auteur est un individu, tu nous l'as rappelé, qui crée une œuvre originale, ce qui n'inclut pas les IA. Pourtant, l'IA peut désormais produire des œuvres qui ressemblent à s'y méprendre à des œuvres créées par des humains, dans leur qualité d'exécution, mais également dans leur... originalité. L'IA en tant que produit de l'intelligence humaine est-elle capable d'atteindre le même niveau de créativité que la nôtre sans la compréhension émotionnelle et sensible que nous, êtres humains, possédons ? La question pourrait être complétée si j'étais provocateur par jusqu'à quand ? L'IA générative enfin repose sur un apprentissage massif s'appuyant sur des millions d'œuvres originales modélisées, capturées sur la toile par des robots. L'intégralité des gouvernements planche activement sur le moyen de ménager la chèvre et le chou, entre la rémunération pour l'usage des ayants droit et ne pas mettre de frein à l'innovation, laissant les sachants œuvrer et formuler les textes de régulation ad hoc. Mais au-delà de la régulation, l'IA pose des défis majeurs pour les artistes humains. Leur place dans la société, l'art peut maintenant être produit en masse et à moindre coût, sans artistes ou presque. Face à cela, les artistes humains peuvent se sentir menacés et dévalorisés. Mais il faut rappeler que l'IA n'est qu'un outil, un moyen et non une fin en soi, tout comme la liberté, disait un autre grand homme. L'IA pose des questions nouvelles et passionnantes dans le domaine de l'art, mais elle pose également des défis majeurs en matière de propriété intellectuelle et d'impact sur les artistes humains. C'est une question technique aux conséquences sociétales. L'IA a le potentiel de transformer l'art, mais elle ne doit pas le déshumaniser. En est-elle capable ? L'art reste un domaine d'expression, de créativité et de liberté. Réservé jusqu'à présent aux humains, la société est-elle à l'aune de perdre son humanité ? Vous avez 4 heures.
- Speaker #1
Des réactions ?
- Speaker #0
Oui, juste une réaction. Il ne faut pas prendre tout contenu pour une création, ou n'importe quel contenu pour une création. Et on est dans une société du contenu, mais la création, c'est un privilège. Et je vais rebondir sur ce que tu disais, simplement. Tu as dit, d'une manière un peu impérative, on doit utiliser l'IA. On peut utiliser l'IA. On peut aussi continuer à jouer de la guitare avec ses doigts. On peut aussi continuer à écrire un poème avec un stylo. Et on peut continuer, donc, tout est possible, effectivement. une des itérations, une des possibilités. Ce n'est pas un impératif.
- Speaker #1
Bruno ?
- Speaker #2
Moi, j'aurais peut-être juste envie de laisser une question en suspens pour l'auditeur. Est-ce que d'après, on était bien quatre humains autour de la table ou est-ce que l'un de nous était une itérative ?
- Speaker #1
C'est une excellente question. On va finir là-dessus. J'ai bien aimé aussi, Marc-Olivier, quand tu as dit « la création est un privilège » . C'est vrai qu'il ne faut pas l'oublier. Merci à tous les trois d'avoir partagé votre temps,
- Speaker #0
vos connaissances, votre vision. Moi, je vous dis à très vite pour un prochain épisode. Salut !
- Speaker #3
Merci Marine !
- Speaker #1
Et voilà, chers auditeurs, c'est tout pour cet épisode de Tendances Inno. Un grand merci pour votre écoute. Nous espérons que vous avez trouvé cette discussion aussi enrichissante et inspirante que nous. N'oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun de nos futurs épisodes. Vous pouvez retrouver Tendancino sur toutes les plateformes de podcast, YouTube et Dailymotion. Si vous aimez ce podcast, faites-le nous savoir et aidez-nous à le faire connaître grâce à vos commentaires et à vos partages. Pour plus de contenu sur les technologies émergentes, suivez-nous sur les réseaux sociaux de Docaposte et de Wagmi Trends. A bientôt pour un nouvel épisode placé sous le signe de la tech, du Web3 et de l'innovation. D'ici là, continuez à explorer, à innover et à créer.