Speaker #0Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressortis grandis. Vous écoutez l'épisode de Jean-Philippe, il est parti il y a quelques années de Paris jusqu'en Afrique du Sud pour un voyage de 23 mois entièrement à vélo. Bonne écoute ! Je m'appelle Jean-Philippe, j'ai 51 ans, je suis né en région parisienne et je vis actuellement à Créteil, dans le Val-de-Marne. Et je suis chanteur-guitariste depuis à peu près tout le temps. Aujourd'hui nous allons parler d'un voyage que j'ai fait entre l'été 2007 et l'été 2009, à vélo. J'ai traversé l'Afrique, depuis Villeneuve-le-Roi, où je vivais à l'époque, jusqu'au Cap de Bonne-Espérance, pendant 23 mois, à travers tout le continent. Tout début des années 2000, j'ai eu une sorte d'interruption dans ma vie musicale. Je ne suis plus vraiment musicien qui se produit comme je le fais aujourd'hui, dans les concerts, dans les pubs. Je fais de la musique mais avec des enfants dans les écoles et je suis en couple avec une professeure des écoles. Puisque je travaillais aussi dans les écoles, on avait des vacances scolaires communes, et notamment celle d'été qui était assez longue. Donc on partait tout l'été, on n'avait pas d'enfants. On a fait un premier voyage au Maroc, c'était formidable. Et puis l'année suivante, on est partis en Inde et au Népal. Et quand on est revenu de ce voyage, il y avait une sorte de frustration, une impression de n'avoir été que des touristes, et puis d'avoir juste vu un peu la surface d'un pays qui est extrêmement différent, en plus de ce que nous on connaît, et très complexe. On est revenu avec une envie d'aller un peu plus loin, de ne plus être que des touristes, mais d'essayer d'être des voyageurs. On avait prévu de partir l'année suivante au Brésil. On voulait partir aussi deux mois et puis faire différentes régions. C'est un voyage qui était assez coûteux. Et c'est au cours de cette année où on s'est dit, mais pourquoi, puisqu'elle étant enseignante et moi intervenant musical dans l'école, il y avait moyen de prendre une disponibilité sans perdre nos emplois et de partir pour un voyage au Goncourt. Et ça, c'est une idée qui nous a beaucoup plu, mais on ne savait pas comment. On ne savait pas où ni comment. Et on a donc renoncé à ce voyage au Brésil. Et on est resté en France. On est parti en Ardèche, en l'occurrence, pour quelques semaines. Et on campait. Et un jour, on prend la voiture pour aller faire une balade. Et dans ces montagnes de l'Ardèche, nous croisons deux femmes à vélo avec les bagages. J'ai stoppé la voiture. Je les ai regardées passer. Et j'ai dit, c'est ça. C'est parfait. C'est la solution. On peut emmener tout ce dont on a besoin. On est au contact des choses. On n'est pas bloqué. Parce que moi, voyager... en voiture c'est quelque chose qui ne m'intéressait pas du tout. Des backpackers c'est quand même assez compliqué avec tous les transports en commun. Et puis il y a toujours ce lien avec quelque chose qui est motorisé, ça ne me plaisait pas non plus trop. Et là le vélo c'était la solution parfaite et pourtant on n'était pas du tout des cyclistes. Il n'y a aucune passion pour ce sport-là, mais c'était un médium idéal pour quand même faire de la distance, parce qu'à pied ça aurait été beaucoup plus compliqué, beaucoup plus long, tout en restant au contact de ce qui nous entoure, des gens et de l'environnement. Évidemment la fibre écologique en nous a parlé. C'est un moyen de transport propre. On voulait faire un voyage le plus propre possible. Ça avait comme limite, on savait qu'on allait rentrer en avion. On a tourné le problème des tonnes de fois pour voir si on pouvait faire autrement. Mais ça aurait rajouté un an, voire deux ans de voyage. Et là, ça devenait très compliqué au niveau professionnel. La préparation a duré à peu près trois ans. Il y a vraiment eu plusieurs périodes bien distinctes. Je dirais que la première année, ça a été de conceptualiser le voyage, de réellement définir ce qu'on voulait faire, de l'accepter nous d'abord, et ensuite de le faire accepter à notre entourage. C'est peut-être un peu plus compliqué ça d'ailleurs. Nos parents par exemple, et notamment ma compagne aussi, nous ont dit, c'est impossible, vous n'y arriverez jamais. Et bien si. L'Afrique s'est imposée au bout d'un moment comme étant le continent qu'on pouvait rejoindre relativement facilement à vélo. Il y avait cette envie de retourner au Maroc parce que le premier voyage qu'on avait fait comme vacancier nous avait énormément plu. Donc on avait envie de retourner dans ce pays et de le connaître un peu plus. Et puis c'est vrai qu'il y avait tout l'aspect nature, les animaux, les grands parcs. Moi je regardais National Geographic quand j'étais enfant, donc il y avait une espèce de rêve un peu fou d'aller là-bas et de voir ce que j'avais jusqu'alors jamais vu qu'à la télévision. Donc on a eu une première année à essayer de voir si réellement c'était quelque chose qui était possible. On ne savait pas trop en fait, effectivement. On a trouvé des réponses assez facilement, notamment concernant aussi le matériel. Je me souviens à l'époque, j'avais reçu une espèce de grand classeur qui parlait du cyclotourisme et qui expliquait un peu les choses. On a trouvé une boutique près de la porte de Vincennes qui s'appelait Rando Cycle à l'époque. Je ne suis pas sûr qu'elle existe encore. C'est là qu'on a fait faire nos vélos sur mesure. On les a eus un an avant le départ, comme ça on a pu un peu se faire à eux. On a fixé la date de départ deux ans avant de partir parce qu'il fallait justement poser cette disponibilité. Il fallait quand même anticiper ça. Et en plus, nous habitions à l'époque dans un appartement qui appartenait à ma compagne. Donc, il a fallu trouver quelqu'un qui accepte de le louer, meublé et avec deux Ausha à l'époque. Pendant deux ans, A partir de là, on s'est mis à travailler comme des fous. Et puis, on a arrêté de sortir, on a arrêté de s'acheter des choses, même des livres. Parce qu'on avait beaucoup de mal à ne pas faire. On n'allait plus au restaurant. On faisait vraiment très attention à notre budget et on mettait l'argent de côté. Le budget était de 30 000 euros pour les deux ans, tout compris matériel et vie sur place. Et on les a eus. On a dépensé 12 000 euros de matériel. On a vécu avec 18 000 euros pendant 23 mois. Et il nous en est resté un tout petit peu quand on est rentré. On a fait attention, on était économes. On vivait vraiment comme les gens, en dehors du fait qu'on était des nomades. L'idée, c'était vraiment ça. C'était pas d'aller d'hôtel en hôtel ou de choses comme ça. On a vécu le plus proche possible de la vie des locaux et j'ai envie de dire des petites gens. Il nous est arrivé d'être dans d'autres catégories. On a passé une nuit dans un palace. Ça nous est arrivé une fois, mais c'est anecdotique. Sinon, on a dormi plein de fois dans la rue. On avait notre toile de tente, on a dormi. C'était notre maison. Donc voilà, on a passé deux ans vraiment à beaucoup travailler et à chercher le matériel. pour essayer d'avoir des choses qui soient durables. On connaissait tout le monde dans les boutiques, le vieux campeur, à la fin, le tutoyer, parce qu'on cherchait vraiment des choses qui répondent à une éthique d'achat, donc le plus possible fabriquées en France, si possible, ou des trucs comme ça. Et puis surtout qu'elle ait duré, quoi. C'était une espèce de grand commerce. On achetait plein de trucs, des fringues, des chaussures spécifiques, un truc de camping. On a acheté une toile de tente à 800 euros. Quand je l'ai achetée, je me suis dit, jamais je n'aurais pensé qu'une Canadienne, parce que je ne te parle pas d'une... 4 places avec juste une canadienne, 800 euros. Cela dit, elle en a pris beaucoup. On l'a montée dans toutes les situations. Et elle a été notre maison. Donc, ce n'était pas si cher payé par rapport à ce qu'elle nous a été utile. Le réchaud. J'ai une anecdote. C'est qu'on a acheté un réchaud qui fonctionne avec de l'essence. Parce que les camping-gaz, on n'en trouve pas partout. Donc, c'est un truc, une espèce de réchaud. Il y a un tuyau et une espèce de bouteille dans lequel on mettait de l'essence. Et puis, il faut créer une espèce de pression et on ouvre et on allume. Mais ça n'a rien à voir avec un petit camping-gaz, ça envoie une flamme. Et la première fois qu'on l'a utilisé, ça a balancé une flamme de 30 centimètres comme ça. J'ai flippé, j'ai balancé ce qui me venait sous la main. C'était notre serviette. J'ai cramé la serviette au jour 1. Et en fait, c'était normal, au départ, ça faisait une espèce de grande flamme. Et petit à petit, ça chauffe et puis la flamme se condense. elle devient bleue et ça fait bouillir un litre d'eau en 20 secondes. Mais voilà, il a fallu aussi appréhender des choses comme ça. On avait une pompe pour filtrer l'eau, qui nous a été très utile. C'est un truc incroyable. On avait acheté ça relativement cher aussi. Mais effectivement, on s'est retrouvé dans des zones où on prenait de l'eau dans des mars, quoi. On filtrait et c'est ce qu'on buvait, quoi. Ça nous a amené à découvrir du matériel qu'on ne connaissait pas du tout, à réussir à l'appréhender, savoir aussi si réellement ça allait nous être utile ou pas. D'ailleurs, et là je plaide coupable, parce que moi je pense que j'ai un côté très matérialiste, et je l'ai malheureusement emporté avec moi. Je pense qu'une des grosses erreurs, ça a été de trop se charger. Et je l'ai payé, parce que du coup, mon vélo était très lourd. J'ai acheté une caméra, une espèce de Canon, et elle a été cassée. Je pense jamais visualiser ce qui a été filmé, mais c'était très lourd, c'était totalement inutile. C'est le principal. Après d'autres choses, certains vêtements, en pensant qu'on allait en avoir besoin, ça s'est pas franchement trouvé nécessaire. des outils, des trucs où je me suis rendu compte que je m'en suis servi à peine et qu'il y avait beaucoup de choses sur place. Et puis les médicaments. On avait beaucoup de médicaments et systématiquement, quand on a été malade, on ne les a pas du tout utilisés. On a pris les médicaments locaux et ça fonctionnait très bien. J'ai eu le paludisme. On m'a donné une plaquette qui donne aux gens. J'ai passé trois jours à trembler. Puis le quatrième jour, ça allait mieux. Tout a été un apprentissage. Et évidemment, quand on est arrivé au Maroc au premier temps, je n'ai pas pris un verre d'eau comme ça. Et puis en quelques semaines, on buvait l'eau partout. sans être malade. On a choisi de faire ce voyage parce qu'on avait envie d'une vie différente. Personnellement, la plus forte motivation, c'était la liberté. J'ai adoré l'idée de ne pas savoir où j'allais dormir, de ne pas savoir où j'allais être. On était toujours en lien avec ce qui se passait autour de nous, la météo, les rencontres, l'environnement, le relief. On était vraiment comme ça, on vient permanent avec tout ce qui nous entourait. Et moi, j'ai adoré ça. Et je crois que c'est ça que j'allais chercher, c'était ce côté... Il n'y avait pas d'obligation. Évidemment, il fallait avancer, puisqu'on avait quand même un objectif de rejoindre la Fouille du Sud. Mais au fond, on n'y serait pas parvenu, c'était pas dramatique. C'était un objectif, c'était pas forcément... Il n'y a pas d'obligation à le faire. Donc, ce qui m'intérait le plus là-dedans, c'était d'être libre. En revanche, on n'a pas nourri d'ambition particulière vis-à-vis des gens qu'on allait pouvoir rencontrer. ou des pays qu'on allait pouvoir traverser. On avait dû monter une association qui s'appelait les cyclos de passage. Ce n'était pas anodin, l'idée c'était juste ça, c'est qu'on voulait passer. Je ne suis pas parti dans ce voyage en me disant, je vais amener quelque chose aux gens. C'est peut-être égoïste d'ailleurs, mais en même temps, je me souviens que ça m'est arrivé d'avoir rencontré un couple qui faisait de l'humanitaire, et lui nous avait dit, la meilleure chose qu'on peut faire à l'Afrique, c'est de la laisser tranquille. Peut-être que c'est discutable, mais j'avais aussi cette impression un peu. Et quand on rencontrait des gens qui nous demandaient Mais pourquoi vous êtes là ? Qu'est-ce que vous nous amenez ? Vous allez nous donner de l'argent pour faire une école ? Je disais Non, en fait, je suis là pour te rencontrer, toi. Et puis qu'on échange, je suis là pour passer. Demain, je m'en vais et on aurait juste vécu ce moment. C'est une rencontre humaine, mais je ne viens pas avec un pouvoir, ni politique, ni financier, je ne suis personne, j'ai juste un vélo et je passe. Je viens de te voir. mais je viens te voir vraiment parce que je viens de loin pour être là ce soir et finalement je crois qu'ils l'entendaient et ils l'acceptaient et ils appréciaient ça les gens nous demandaient vous venez d'où comme ça vous étiez où hier par exemple on était à tel endroit tu viens de là-bas à vélo ? tu remontais comme ça jusqu'au point de départ c'était vertigineux pour eux t'es venu avec un vélo de Paris jusqu'ici ? bah oui oui je suis parti à 6 8, 10 mois et même si c'était très étonnant ça finissait par gommer un peu l'attente que notre présence ne manquait pas de soulever dans beaucoup d'endroits. Quand on a pris la décision de partir, on fantasmait un peu ce jour du départ. Et il y avait cette idée qu'on allait descendre après avoir fermé la porte de notre appartement, monter sur nos vélos et on partait. Donc quelque chose qu'on faisait habituellement, descendre, prendre le vélo, puis aller faire un tour ou aller au travail. Là, on partait pour une aventure d'environ deux ans. Ça, c'était un moment d'en reparler là. J'ai encore une émotion qui m'étreint, pourtant ça fait longtemps. Donc la veille, la nuit a été assez courte. On n'était pas stressés, mais impatients. On savait qu'on y allait, mais il y avait quand même une espèce de... C'était incrédule. On s'en va, demain on s'en va. Demain on part. Et puisqu'il y avait eu tant d'attentes, tant de préparations, c'était presque irréel. Mais c'était un beau moment. L'idée d'Africa Vélo, c'était donc de rejoindre le Cap de Bonne Espérance depuis notre lieu d'habitation. Nous sommes partis le 29 août 2007, de l'Union de l'Orient, on a traversé la France, l'Espagne. On a fait donc un petit passage pour le Royaume-Uni à travers Gibraltar. Puis on a rejoint le Maroc, on est passé par la Mauritanie. Ça a été très compliqué cette partie-là du sud parce que c'est au moment où il y avait eu... Bernard Kouchner était à l'époque le ministre des Affaires étrangères et quatre Français sont assassinés dans cette région-là. Et il dit, attention, c'est dangereux. Tout le monde est reparti. Et la Mauritanie a énormément souffert de cela, puisqu'ils sont très dépendants du tourisme. Et quand nous, on est arrivés en Mauritanie, ça venait juste de se produire. Les gens étaient très choqués qu'ils soient associés à un truc comme ça, qui en fait, en plus, s'était avéré que ces Français étaient plus ou moins des trafiquants d'or. Donc nous, on a été très, très bien reçus en Mauritanie. Ensuite, on est arrivés au Sénégal, après la traversée du désert, qui a été très longue. On est descendu jusqu'au sud, jusqu'en Casamance, donc on a traversé la Gambie. Ensuite, on a rejoint le Mali, puis le Burkina Faso, puis le Bénin. Et tout à l'heure, je disais que par rapport aux médicaments, il fallait écouter les locaux et prendre les médicaments locaux. Et il y a une chose que j'ai apprise pendant ce voyage, c'est justement qu'il faut aussi écouter les gens qui vivent dans ces pays. Et plus on s'approchait du Nigeria, et plus on nous disait, il ne faut pas aller là-bas. Et j'avoue que si j'avais été seul, moi j'y serais allé, mais je n'étais pas seul. La mère de ma compagne m'avait dit un jour, tu fais ce que tu veux, mais tu me ramènes ma fille. Comme si ça dépendait de moi. Donc je me suis dit, on ne voulait pas prendre ce risque. Le Nigeria semblait au dire de tous, trop instable. Et on nous a fait comprendre qu'on ne passerait jamais et que probablement on nous volerait notre matériel. Et puis voilà, le voyage s'arrêterait là. Donc on a essayé de contourner ce Nigeria. On voulait prendre un bateau pour rejoindre le Cameroun. Et on se souvient qu'on est allé dans le port à Otonou. au Bénin pour essayer de trouver un bateau qui voulait bien nous prendre. Et là, clairement, on nous a dit, très bien, mais ça va être la même. Vous n'y arriverez jamais, ça va vous coûter une fortune et ce n'est pas dit que vous ayez encore votre matériel quand vous arriverez là-bas. C'est un gars de la capitale qui nous a dit ça en toute aléptique. Donc, on a pris un avion qui nous a valu d'ailleurs un trajet pas mal parce que on a dû payer, je crois, 1000 euros. Je ne sais plus combien ça représentait. J'ai pu cesser 100 000 ou... Lyon de France F, je crois que c'est 100 000, j'avais une biasse et on a traversé une partie de Cotonou avec une énorme somme d'argent sur nous à vélo. Pour aller payer nos billets d'avion, j'en menais pas large. Et donc on a pris un vol intérieur qui nous a fait passer l'Afrique centrale, on est arrivé au Kenya et on est remonté au nord depuis le Kenya en contournant le lac Victoria. Ce qui nous a fait passer en Ouganda, c'est là où on est tombé malade, elle d'abord puis moi ensuite, elle le paludisme et moi la typhoïde. Le voyage a failli s'arrêter. Elle, ça a duré quatre jours, moi ça a duré plus de deux semaines. Je ne suis vraiment pas passé loin. Notre assurance voulait me rapatrier. Et j'ai dit, non, on ne va pas s'arrêter sans avoir au moins fait le Serengeti, le Ngorongoro, des fameux parcs dont je parlais tout à l'heure, que j'avais tellement envie de voir. J'ai dit, on continue, on va jusqu'à Dar es Salaam, la capitale tanzanienne. Si ça s'est bien passé, on continue. Si vraiment ça ne marche plus, on rentre. Mais c'était compliqué aussi de rentrer plus tôt, parce qu'on avait loué l'appartement, il y avait quelqu'un dedans, on n'avait pas de travail. On était un peu tenus de continuer aussi. Et si la santé n'était plus là, il n'y avait pas trop le choix. Mais ça s'est très bien passé. J'ai retrouvé la pêche nickel. On a vécu une expérience incroyable à travers le Serengeti. C'était fou. On est arrivé à Dar es Salaam. On est allé sur l'île de Zanzibar, le fameux palace. Une nuit dans un truc de rêve. Et puis, on est reparti. On a traversé le Malawi, puis la Zambie. On a vu les chutes Victoria. Une des plus belles choses que j'ai vues au monde. Et on arrive en Namibie, un des plus beaux pays du monde. Enfin, du monde que moi, j'ai visité. C'est pas tant que ça, d'ailleurs. Mais en tout cas, la Namibie, c'est absolument incroyable. Puis l'Afrique du Sud. Et puis voilà. Et on rentre en avion, en une journée. Quand on a reçu les vélos d'Africa Vélo, le mien était noir, le sien était rose, on les appelait Jack et Sally en rapport à l'étrange Noël de M. Jack. Quand on est parti réellement pour Africa Vélo, on a traversé, on est parti vers Poitiers, ma soeur avait été à Poitiers, on est allé la prendre et elle nous a... a suivi pendant un moment, parce qu'elle est venue avec nous jusqu'à Marrakech. Ensuite, on est partis vers Toulouse, puis on a rejoint le canal du Midi, on est allés jusqu'à Narbonne, descendre jusqu'à Collioure. On a donc passé un bon moment en France, et c'était incroyable. On a un pays, c'est un lieu commun, mais on a un pays... magnifique et c'est un pays formidable à parcourir à vélo. Les gens étaient adorables. On a été accueillis de belles manières. Je me souviens on était partis depuis peu et on ne savait pas trop où se mettre et on trouve un terrain pour les gens du voyage. Il n'y avait personne. On est des gens du voyage, on va se mettre là. Et donc on s'arrête, on commence à monter la toile de tente. Un homme passe, promenant ses chiens. Il passe une première fois, il nous regarde, il continue son chemin, puis il revient et il nous regarde de nouveau un peu plus tard. Et il vient nous voir et il nous demande ce qu'on fait là, donc on lui explique. Et il dit oui. vous savez les gens du voyage peuvent arriver à n'importe quel moment il se mettra à côté de nous enfin pas leur dire non et puis devrait pas nous poser de problème non plus oui mais bon vous savez on sait jamais et puis il s'éloigne et il revient il dit vous voulez pas venir chez moi dans mon jardin là vous pourrez vous installer très bien donc on reprend notre matériel on le suit et puis il nous installe dans son jardin il avait une belle maison avec un grand terrain et une piscine et il nous dit ben là vous pouvez vous mettre mettre là. Donc on commence à s'installer puis il revient un peu plus tard, il dit si vous voulez utiliser la piscine, il n'y a pas de problème. Puis il revient un peu plus tard en disant puis après si vous voulez aller dans la salle de bain pour vous laver aussi, il n'y a pas de problème. Puis il revient un peu plus tard en disant, vous ne voulez pas dîner avec nous ce soir ? Son accueil et sa générosité ont été comme ça, grandissantes au fur et à mesure. Le lendemain, ils nous ont préparé un petit déjeuner gargantuesque. Il s'est excusé de nous avoir laissé dormir dans la toile de tente. Il n'y a pas de problème. mais non, vous n'auriez plus de remercier nous on est reparti avec des pots de confiture, de miel de trucs, on en avait plein les sacoches c'était vraiment une belle histoire c'est parti de quelque chose de très timide et ça s'est terminé par des embrassades et il nous a suivis, il nous appelait de temps en temps pour savoir comment ça allait, c'était adorable et il y a eu plein d'expériences comme ça de gens qui nous accueillaient, qui nous donnaient des choses c'était vraiment... les français sont très accueillants, c'était fantastique souvent pendant le voyage, les gens nous demandaient quel était le pays qu'on préférait donc moi je répondais systématiquement mais j'avoue que la France, je ne sais pas du tout avec un esprit chauvin, mais c'était génial. C'était vraiment un pays formidable à parcourir. Il y en a eu d'autres qui étaient formidables, le Maroc, c'est magnifique. De toute façon, on a vu tellement de belles choses, mais la France, c'était vraiment très très bien. Le pays où ça a été le plus difficile, c'est l'Espagne. Ouais, là, ça a été dur. On était assez seul en Espagne. Je sais que ça peut étonner, mais ça a été assez dur. Peut-être qu'on n'était pas du bon côté. On est descendu par Barcelone, on était à la Cadaqués, tout ça, jusqu'à Valence, et la partie... Barcelone-Valence a été très compliqué. Ils ont énormément urbanisé leurs côtes. Il y avait même des villes entières désertiques et avec personne. Que des bâtiments tout neufs. On était perdus là-dedans, on ne savait pas où aller. La sortie de Barcelone... ça a été un véritable enfer parce que c'est des impasses urbaines, si t'as pas de voiture tu passes pas en fait. On s'est retrouvé sur une autoroute quoi. Puisque tu suis la route puis tu te dis bah oui je peux pas aller là donc... Et à un moment donné, autoroute. On a traversé une 4 voies avec nos vélos. Faut dire que là, on était pas fiers hein. Y avait ma soeur et ma compagne et waouh. Honnêtement on était bloqués, on savait plus quoi faire. On a eu quelques kilomètres comme ça où il a fallu qu'on passe ce truc et au bout d'un moment ça devenait infernal. On a réussi à sortir et là on a pris un train. On est arrivé à Valence, on a craqué, on a pris un billet de train et on s'est avancé jusqu'en Andalousie. On commençait à être tard dans l'année, on dormait à 3 dans la même tente. Tout était gelé le matin quand on se levait. C'était un peu plus cool en Andalousie. Mais on était accueillis une fois. Je me souviens d'avoir dormi dans un parc en pleine ville. On allait voir des guest-house ou des choses comme ça en leur demandant si on pouvait prendre une douche et ils nous refusaient. Et je me disais, mais je suis avec ma femme et ma soeur. Si moi, tu veux me laisser sale, je peux comprendre. Mais franchement, tu ne peux pas leur laisser prendre une douche. Et parfois, on a eu des refus. Je ne sais pas, c'est peut-être aussi de nous. Mais l'Espagne, c'était compliqué. Et après, on est rentrés au Maroc. Et là... Tout s'ouvre. Incroyable. Tout est plus... Je pense que vraiment le voyage commence là. Vraiment on est dans autre chose. Parce qu'en Espagne on n'a pas... On n'a pas réussi, ça vient peut-être de nous, on n'a pas réussi à réellement entrer en rapport avec les gens, à de rares exceptions près. Le Maroc, c'était tout le monde, tout le temps, partout. Tels points qu'on n'avançait pas parfois. On rangeait le matériel le matin, quelqu'un arrivait et puis ça se mettait à parler et puis parfois ça prenait une heure. On va boire un thé, machin, mais non, il faut qu'on y aille quand même. Mais c'était génial aussi. Et puis ça a continué après sur la Mauritanie, le Sénégal, le Mali, enfin tout le temps. On ne demandait pas aux gens si on pouvait dormir chez eux. On demandait où est-ce qu'on peut dormir. Est-ce qu'il y a un endroit où on peut dormir ? Souvent, on nous disait chez moi. Et d'ailleurs, notamment quand on est arrivé au Sénégal, où là, je pense que c'est honnêtement le pays où on a eu le plus d'accueil, au bout d'un moment, on a commencé à... à faire attention à qui on demandait, parce que généralement, la première personne à qui on demandait disait chez moi. On s'est aperçu que certaines personnes se mettaient dans des situations pas forcément évidentes pour nous accueillir. On a quand même deux gros vélos, des gens qui nous laissaient leur maison, et eux allaient dormir ailleurs. On a eu l'exemple d'une famille comme ça, qui nous font entrer dans une espèce de petite maison, quelque chose qui était très très simple, des murs et des choses au sol, et qui s'en vont, une fois la nuit tombée, et qu'on retrouve le lendemain matin dormant dans la réchope avec leur enfant. Non, mais c'était pas l'idée ça, non. Donc après on se dit attention. le soir, retrouver les gens dans les endroits où ils se retrouvaient, parce qu'on nous y invitait aussi. Quand on arrive dans des petits endroits, c'est vite su qu'on était là. Donc on allait nous voir en disant bah venez ! Ça avait aussi parfois son côté... de savoir qu'on était là, je veux dire, c'est... Il y avait aussi le revers de la médaille. Les Toubabous, cadeaux. Toubabous, c'était les blancs, en fait. Et ils nous réclamaient des cadeaux. Notamment les enfants, qui nous couraient après. Je me souviens de certains villages, je disais à ma compagne, pas un bruit. Pas un bruit. Tu pédales, putain. J'ai un toit pour toi. Puis honnêtement, on priait pour que personne nous voit. Et puis là, on entendait un............ partout et nous courait après. Quand on s'en allait, qu'on ne donnait rien, il est arrivé que quelques cailloux soient jetés. Tu flippes un peu ? Oui. Le plus beau peuple que nous avons rencontré, ce sont les Maasai. Alors eux, ils sont... C'est tout. Ils sont majestueux, ils sont simples, ils vivent d'élevage en famille, ils vivent de choses très simples, ils connaissent leur environnement parfaitement, ils savent reconnaître leur vache à leur meuglement. Pour moi, une vache, ça meugle eux-mêmes. ils se réunissent le soir au coucher du soleil des uns à côté des autres puis une sorte de prière chantée en même temps dans leur tenue rouge avec toutes les perles et tout. Et là vraiment c'était quelque chose qui était tellement loin de ce que nous on connaît, tellement étranger à notre société de consommation aussi. C'était incroyable. Les hommes, même à ça ils sont sombres. particulièrement athlétiques et beaux. Ils sont d'une beauté et il y a une pureté, une vraie pureté comme j'ai trouvé. Je parle parce qu'on trouve des massaïs à Zanzibar, il y en a qui sont dans des espèces de villages au sein des parcs et puis les touristes viennent, font des photos. Là, c'est différent. On sent qu'ils ont une montre, un smartphone, tout ça. Mais on a eu la chance d'aller dans des endroits où c'était des éleveurs. Il n'y avait rien de tout ça. Quand ils savent exactement quand le soleil va se coucher... D'ailleurs, je le savais aussi. Ça, c'est incroyable. Je suis persuadé que ce n'est pas à moi, d'ailleurs. Je pense que c'est quelque chose qu'on a tous, mais que nous, on oublie ici. Il n'y a pas de nuit ici. Il y a de la nuit, c'est pas grave, on allume la lumière. Alors que là, ce n'était pas possible. Le voyage à vélo, la vie en extérieur comme ça, elle m'a fait redécouvrir ça, le lien avec les éléments. Et ça c'est incroyable. Pour savoir à quel moment il fallait qu'on s'arrête et qu'on trouve un hébergement par exemple, un endroit où dormir. Je savais combien de temps de jours il nous restait. Ça c'est quelque chose que j'ai adoré, cette reconnection en fait. Vivre dehors comme ça, c'est vraiment une expérience incroyable. Évidemment, beaucoup de paysages magnifiques. Je pense aux riffs au Maroc, c'est absolument somptueux. La Casamance, c'est magnifique. Il y a ces grands arbres qu'on appelle des cotton trees en anglais. Je n'ai plus le nom qui me revient en français. Ils ont des espèces de grandes racines, on dirait de la dentelle. C'est absolument fou quoi. Il y avait des... je ne sais pas comment on les appelle, les arbres qui donnent les noix de cajou. Par exemple, on s'arrêtait au bar de route, on mangeait des noix de cajou comme ça. On allait chez tout le monde. C'était trop beau. Les premiers baobabs, tout ça aussi, c'était fou. Un paysage qui a été vraiment... On est resté sans voix, c'est de découvrir la vallée du Rift. C'était immense. Puis il y avait ce côté, le berceau de l'humanité. C'était une énorme émotion et en plus, c'est absolument somptueux. Il y avait une plaine avec une espèce d'immense balafre comme ça, quelque chose de très clair, très lumineux. C'est particulier aussi parce que c'était au terme d'une ascension très longue. Quand on fait une ascension à vélo, moi j'avais un vélo qui faisait 65 kg quand il était totalement chargé en eau. Alors ce n'était pas le cas dans ces parties-là, mais j'avais jusqu'à 15 litres d'eau sur moi si je faisais le plein. J'avais quand même un vélo qui faisait au moins 50 kg. Donc quand tu l'as monté en haut d'une montagne, il y a quelque chose, une espèce d'autostatisfaction, tu dis le paysage que je regarde là, pendant quelques secondes, il est à moi, parce que je l'ai mérité. J'en ai tellement bavé que c'est à moi. Et il y avait ce côté-là, c'est-à-dire... On est arrivé là, en fait. Et quand on a vu la vallée du Rive, c'était complètement fou, en fait, pour nous d'être là, un endroit qu'on n'avait que lu et vu, et d'y être, c'était quelque chose d'assez incroyable. Les régions montagneuses du Maroc, des nuits noires, mais noires absolues, c'est-à-dire qu'on ne se voit rien, et puis d'un seul coup, ça s'illumine là-haut. Moi qui ai toujours été un peu astronome amateur, j'ai pleuré quand c'était magnifique. les flux de Victoria, on s'est laissé enfermer dans le parc, on s'est laissé enfermer le soir parce que c'était la pleine lune. J'avoue j'avais compté les jours pour qu'on soit dans cette région au moment de la pleine lune et ça nous a permis de voir un arc-en-ciel lunaire. C'est génial. Il y a tellement d'eau, en plus c'était la période des eaux et donc ça crée des espèces de rouillards et avec les rayons de la lune, ça forme un arc-en-ciel lunaire et ça fait un arc-en-ciel gris, un dégradé de gris. Donc j'ai fait des tas de photos en le prenant avec des temps de pause. courant, j'ai un dégradé gris. Et plus je laissais d'étendre pose long, plus les couleurs apparaissaient. Et j'ai une photo incroyable où on voit les chutes Victoria, un arc-en-ciel lunaire, et Orion présente dans le ciel. Je me souviens qu'on était dans le parc, c'était la nuit, et moi je jouais. J'ai fait la plus belle photo de ma vie ! C'était génial ça. Et puis découvrir Table Mountain, cette montagne plate qui surplombe le Cap, c'était une émotion étrange. Au moment où on la voit, on sent ça y est, on y est. Il y avait le sentiment de l'accomplissement qui était fort. Ça faisait quand même 23 mois qu'on était sur la route. T'es quand même pas mécontent l'idée de rentrer chez nous un moment. Et en même temps, je me souviens avoir eu l'envie de dire Viens, on reste, on continue. On repart, je sais pas, il y a plein de choses qu'on n'a pas vues encore. Mais très sincèrement, je pense que j'en avais un peu assez de l'Afrique. J'aurais aimé continuer le voyage, mais à ce moment-là, changer de continent. Parce que c'est dur aussi. Il y a des choses qui sont dures. Il y a différentes ethnies qui se détestent cordialement. C'est parfois très violent, dans les mots ou même dans les actes. Quand on est arrivé au Kenya, c'était peu après l'élection présidentielle. Je ne sais plus exactement, mais le président venait d'une ethnie et l'autre ethnie... n'étaient pas contentes. On a vu des camps de réfugiés d'une ethnie au sein de leur propre pays. Ça, c'était difficile. Par rapport à ce qui était dur au milieu de la Namibie, il y a ce qu'ils appellent une frontière vétérinaire. Un passage, il avait fallu qu'on fasse rouler nos vélos dans une espèce de solution saline pour éviter d'apporter d'éventuelles maladies. La veille, on avait dormi chez un enseignant dans une espèce de... petit village fait de maisons en parpaing sans rien au mur ni intérieur ni extérieur et on avait mangé le repas habituel qu'on a mangé des tonnes de fois c'est à dire de la farine de maïs dont ils font une espèce de pâte que tu trempes dans une sauce agrémenté parfois, un morceau de viande ou de poisson. Là, en l'occurrence, il n'y avait ni viande ni poisson, c'était une sauce à base de fleurs. Ça m'a marqué parce que c'est la seule fois où réellement la sauce était à base de fleurs. Et on a mangé ça un nombre incalculable de fois, ce genre de choses. C'est ce que mange la plupart des gens. Et puis le lendemain, sur la route, nous avons traversé cette fameuse frontière. Et là, on a quitté l'Afrique des Noirs, on est rentrés dans l'Afrique des Blancs. De ce jour-là, et jusqu'à la fin du voyage, on n'a plus jamais passé la nuit chez les Noirs. Plus jamais. On s'est retrouvé avec les blancs. Tout était clôturé et c'était plus que des propriétés de blancs. On ne sait pas où aller parce qu'il y a des clôtures partout, il n'y a plus rien. Il n'y a plus que la route, on ne sait pas où aller. Et on manquait d'eau. Et à un moment, on a vu un chemin sur la droite, j'ai dit, il faut le prendre, et puis on va essayer de trouver une habitation. Et ça a été le cas, on est arrivé dans une habitation. On a eu de la chance, on a rencontré quelqu'un qui était adorable. On a passé chez lui une quinzaine de jours. Il nous a trimballés, on a même fait de gyroscopes, il avait une espèce d'hélicoptère. qui décolle comme un avion. Le type avait une exploitation de 12 km sur 12 km. Il prévoyait d'acheter des girafes pour en mettre dedans. Non mais c'est une autre vie. Le premier jour quand on rentrait dans un pays, c'était le jour le plus compliqué, les 24 premières heures. Les 24 premières heures qui nous coûtaient le plus cher, parce qu'on ne connaissait pas le coût du pays. On se faisait généralement un peu avoir. Les premières 24 heures étaient compliquées. Et je me souviens qu'on rentre en Zambie, on ne sait pas trop où on est, on ne connaît pas ce pays, j'avais mal entendu parler, je ne sais pas. On arrive dans une espèce de petit village et on dit où est-ce qu'on peut dormir et on nous envoie chez le curé, pays catholique. On arrive et tout, on nous fait rentrer, le curé n'est pas là et il arrive le lendemain. Et on passe la nuit donc dans la maison du curé que l'on rencontre avant de partir et qui nous envoie chez le curé suivant, à tel endroit. On a traversé la Zambie d'église en église, mais à tel point qu'on est arrivé chez l'évêque. On a même rencontré le président de la république de Zambie. qui nous a remercié parce que Sarkozy avait fait un truc pour lui à l'époque. Et on s'est retrouvé chez l'évêque, comme des princes. Et c'était comme ça, ça créait des réseaux en fait. Ah bah vous allez aller là, puis vous allez aller là, etc. Quand on est arrivé dans l'île, ce que j'ai vécu moi comme cette espèce d'Afrique des Blancs, à partir de la Namibie et puis l'Afrique du Sud, ça a été pareil. On a été emmené. Ah bah vous allez aller là, puis vous allez là. Ils étaient adorables, les Sud-Africains, ils sont fous quoi. Ils nous donnaient de l'argent. Je me souviens d'une fois, on s'était tapé 40 ou 50 km d'une piste bien bien compliquée. Et on arrive dans une station service qui faisait aussi à manger et tout. Donc on demande de l'eau pour faire le plein et tout. On est assis dans un coin décomposé. Et un type arrive, il a une grosse 4x4, il fait son plein d'essence. Et puis il voit les vélos, il rentre dans le truc, il nous voit, il nous a rien dit. Il est allé à la caisse et il a laissé, je pense, l'équivalent de 50 ou 60 euros. En disant aux gens de la station de service, ils prennent tout ce qu'ils veulent. Et donc les gens de la station de service, ils disent, alors vous les mangez quoi ? Non, non, ça va, c'est un peu cher. C'est bon, ça a été payé pour vous. Et le mec n'est même pas venu nous voir. Et des trucs comme ça, il y en a eu plein, mais plein. Les gens nous donnaient de l'argent. C'était très, très étonnant. Mais il y a les blancs, les noirs, il y a aussi ce qu'ils appellent les collords. C'est des sortes de métis. Là, c'est de la misère. Ceux-là, ils sont hors société quasiment. Ils font du vin, ils leur vendent. Le reste de leur vin, un truc immonde dans des galons en plastique. Ces gens-là sont perdus et picolent ça à longueur de temps. On ne pouvait même pas s'en approcher, en fait. Même si l'apartheid était déjà terminé, dans les mœurs, le gars qui nous a accueillis, adorable avec nous, mais vraiment d'une générosité folle et tout, c'était quelqu'un... C'était un repenti, mais dans sa jeunesse, il cassait du noir. Vraiment, physiquement, c'était un jeu pour lui. Ce qui est compliqué quand quelqu'un t'assène ça de manière presque assumée. Moi, j'avoue, m'être permis un peu en restant respectueux. J'étais chez lui et tout. Ce n'était pas l'idée de l'agresser, en plus. Mais en revanche, de lui dire ce que moi, je ressentais, quel est mon combat, etc., par rapport à ça. Je me souviens de lui avoir parlé du second tour des élections avec Le Pen au deuxième tour. Et de lui avoir dit voilà, moi profondément ce jour-là je suis allé voter pour quelqu'un que je n'aimais pas, pour combattre quelqu'un qui a des idées qui sont proches de celles que toi tu m'exposes en fait. Il l'entendait, il le comprenait. Je ne sais pas si ça l'a fait, si ça l'a aidé à évoluer ou pas, peu importe. Mais en même temps ils vivent, c'est des microcosmes. Il y a des choses très dures, mais en même temps, prenons par exemple les personnes âgées. Je me souviens, nous ici on a des débattes, on met les gens dans des maisons, et puis parfois ça ressemble un peu à des mouroirs, c'est quand même pas très gai. Je me souviens moi avoir vu une femme très âgée, pas très âgée. Elle était là, en fait, elle était encore avec sa famille et il s'occupait d'elle. Toute génération confondue. Donc ses petits, arrière-petits, arrière-arrière-petits enfants allaient encore la voir. Elle était isolée la plupart du temps. Elle était alitée la plupart du temps, d'ailleurs. Mais elle était là. Il y avait ce côté plus, notamment au niveau familial, quelque chose d'un peu plus soudé que nous, qui sommes très... C'est peut-être un peu caricatural ce que je dis, mais c'est des choses que moi j'ai ressenties un peu sur le moment. Dakar, ça a été très compliqué. À la fois, on était accueillis chez des gens dans une espèce d'immeuble de banlieue. C'était génial parce qu'on a vraiment vécu la vie des Dakarois de banlieue. Et j'avais adoré ça. Moi, je me sentais très, très bien et tout. On est restés pas mal de temps. Et dans la banlieue, il faut savoir que souvent, il y a quelques routes qui sont asphaltées. Et les autres, c'est du sable ou de la poussière. En l'occurrence, là, c'était plutôt du sable. Et on part faire une balade. Donc on a les vélos, mais on n'a pas les bagages. J'ai un sac à dos et on se retrouve bloqué dans une espèce de ruelle avec les vélos dans le sable, puis on pousse comme ça. Un bus arrive derrière nous. Et le mec klaxonne et je lui dis, genre, pousse-toi. Et vraiment, c'était étroit. Je ne peux pas me pousser, tu vois bien. Donc attends, je suis au bout de la rue. Je ne devais pas être de très bonne humeur. De toute façon, honnêtement, je pense que c'est complètement ma faute, mais un peu de la scène aussi. Et le mec s'énerve et en fait me bouscule avec son car. Il vient taper dans mon sac à dos. Donc on se colle le plus possible contre une maison. Et le mec passe et en passant, il nous contrôle vraiment de manière à nous repousser. Je monte zone rouge, il passe. Je ramasse une pierre et je lui balance et je défonce le pare-brise arrière. Le pare-brise s'effondre. J'aurais voulu le faire exprès, je n'y serais jamais arrivé. Et là, je lui ai, d'un coup, balancé le truc et... Le mec roulait et partait. Et je pense qu'il ne s'est pas tout de suite aperçu, mais qu'il a fini par s'en apercevoir. Il a fait demi-tour et là, ça a été duel. C'est-à-dire qu'il m'a poursuivi. Moi, j'étais remonté sur le vélo et il m'a poursuivi avec son car. Il m'a tué. J'ai fini par trouver refuge sur une place. il a arrêté le car il m'a sauté dessus donc il y a eu une empoignade et il m'a dit on va à la police je dis bah ouais on va à la police parce que là t'as essayé de me tuer on est allé à la police effectivement et on est monté dans le car il m'a dit t'as cassé mon car c'était pas volontaire mais toi t'as essayé de me tuer donc on va aller à la police puis on va voir de nous deux qui va s'en sortir ma compagne était folle de rage et puis morte d'inquiétude aussi elle a eu très très peur pour moi et moi je suis redescendu et j'ai dit au gars je suis désolé Moi je suis un touriste, tu m'as foncé dessus avec un car, je suis à vélo. Tu pourrais dire ce que tu veux aux policiers, mais c'est à moi qu'ils vont donner raison, tu vas prendre cher. Au bout d'un moment, il a compris, il a arrêté le car, et puis il nous a demandé de descendre. Ma compagne lui gueulait dessus encore en disant, non, non, on va à la police, on ne laissera pas passer et tout. Donc il y a un moment où je lui dis, déjà on s'en sort bien, moi j'ai fait une énorme connerie, alors ça va. Je lui ai laissé un bifton, et je lui dis, c'était pas mon intention, t'as fait le con, j'ai fait le con, je voulais pas abîmer ton véhicule, mais t'aurais pas dû faire ce que t'as fait après derrière. J'aurais pas dû faire ce que j'ai fait, mais toi aussi t'es allé trop loin. Et ça s'est fini comme ça. C'est le seul moment où j'étais vraiment en danger. Et je pense que c'est... Je me suis mis en danger, parce que j'ai pas eu la bonne attitude. J'aurais pu laisser couler. Je sais que c'est aussi comme ça. Et ça fait écho d'ailleurs à ce qu'on voulait emmener dans ce voyage. Qu'est-ce qu'on allait chercher dans ce voyage ? Dans le rapport que j'avais avec cette femme avec qui j'ai fait ce voyage, on avait un rapport conflictuel. Et je pense qu'on avait un peu envie de se retrouver aussi dans ce voyage, d'être tous les deux. Peut-être soigner un peu notre problème, d'apaiser nos conflits. Et ça n'a pas marché. Souvent, j'ai dit, il y a des couples qui ne vont pas bien et puis ils font un enfant en espérant que ça ira mieux. Ce qui est une catastrophe en soi. Nous, on n'a pas fait un enfant, on a fait un voyage. Et on a emmené notre conflit avec nous, en fait. Ce n'est pas le lieu, en fait, qu'il aurait fallu qu'on parte apaiser pour avoir un voyage apaisé. Le voyage ne nous a pas apaisés. On ne s'engueulait pas tout le temps. On avait de très bons moments et tout. Mais on a continué à avoir nos difficultés. Forcerie, en plus, on était 24 heures sur 24 ensemble, pour le coup. Ce qui n'était pas le cas dans la vie quotidienne ici. Mais là-bas, c'était le cas. Quand il s'est passé ce qui s'est passé à Dakar, je me suis rendu compte que, évidemment, on vivait une expérience forte. Évidemment, ça changeait. Évidemment, on a vécu différent. Il y a toutes ces rencontres, tout ce qu'on a vu, etc. Mais ce n'est pas non plus un immense bouleversement de soi. Je suis parti avec mes faiblesses, avec mes peurs, avec mes craintes, avec mes bêtises, avec mes défauts. Tout ça, ça m'a suivi aussi. Tout ça, c'était dans mes bagages aussi avec moi. Et ça a parfois altéré mon rapport à... à l'autre au cours de ce voyage. Ce n'est pas idyllique en soi. C'est une expérience de vie, donc il y a forcément des moments aussi où c'était difficile et où on a pu commettre des erreurs. Moi, j'ai commis des erreurs. La partie sud-Maroc et Mauritanie, la traversée du désert qui a duré 5 semaines sur un valement de 1500 km, a été pénible. Pourtant on avait rencontré quelqu'un, on avait rencontré un Suisse. Dans le dernier bar avant la porte du désert, il y avait un vélo à l'extérieur. Quand j'ai vu le vélo, je me suis dit Attends, il y a un cycle touriste, on va voir. Et on tombe sur un type de 60 ans qui, plutôt que de vivre sa retraite tranquille chez lui, avait tout quitté, femme et enfant, pris un vélo et était parti. Et il était très très heureux de nous rencontrer parce qu'il n'osait pas se lancer dans le désert tout seul. On l'a fait ensemble. Moi, il m'appelait Grand Vizir parce qu'il trouvait que j'avais une super bonne intuition. Et c'est vrai, c'était assez étonnant. C'est pas le désert, c'est pas le beau désert de sable et tout, c'est un désert rocailleux. On était sur une route, c'était plus facile. Si la route n'avait pas existé, je pense qu'on n'aurait pas pu passer à vélo. Mais c'était extrêmement répétitif, il ne se passait pas grand-chose. On a eu faim, c'était pas très agréable. On a peu dormi dans le désert, c'est dangereux. On nous lève très fortement des commandes. On allait de station-service en station-service. Et on dormait, ils nous faisaient dormir dans les salles de prière. Non, c'était pas génial. Personnellement, j'ai ressenti la solitude dans les milieux urbains, les grandes villes, où là, d'un seul coup, t'es plus à ta place avec ces vélos dans la circulation. En particulier dans les grandes métropoles africaines. C'est surtout les royaumes de la mobilette et autres. Il n'y a pas dans tous les centres, c'est un peu fric. Je vais être un peu dur, mais j'ai eu la solitude vis-à-vis de mes parents, qui ne sont pas venus du tout. Quand j'ai dit à mon père que je partirais en Afrique pour un long voyage à vélo, il m'a répondu, tu sais, moi l'Afrique, voilà. Quand on était en Tanzanie, je lui ai dit, tu sais, la Tanzanie, c'est magnifique, et puis il y a des hôtels très confortables. Mais vraiment, ce qu'on appelle les lodges, tant des parcs, c'est très confortable. Donc il n'y a pas de problème. Tu ne vas pas vivre ma vie de voyageur si tu viens passer 4, 5 ou 8 jours en Tanzanie. Au contraire, tu vas vivre une expérience incroyable, tu auras des animaux libres. Moi, mon premier éléphant libre, honnêtement, j'étais en larmes. Un grand mâle en plus. Tu sais que c'est toi l'intrus, ce n'est pas lui, c'est toi en fait. C'est une émotion incroyable. On a eu un petit comité d'accueil, nos parents et des amis proches. Mais je me souviens, je me suis demandé une chose, c'était qu'il y ait un croissant au beurre. Quand j'arrive, je crois que j'ai pleuré. J'ai croqué. Parce que s'il y a bien une chose qui nous a manqué pendant tout ça, c'est le bon pain, le bon vin et le fromage. Peut se passer de tout le reste, mais ça, non. Et un croissant au beurre. Moi, il m'a fallu six mois. Six mois pour me réhabituer à manger avec des couverts. Au début, j'avais un peu de mal. Avoir du béton partout, à remettre des chaussures fermées. Parce qu'en fait, on avait des espèces de sandales de vélo qui se clippaient dans les pédales. Reprendre une douche, tout ça, c'était vraiment cool. Ça nous arrivait, mais souvent, on se lavait avec un petit peu d'eau comme ça. C'est hallucinant d'ailleurs. Si je dois aujourd'hui me laver avec 500 ml d'eau, je ne vais pas y arriver. Je vais réussir à faire un bout et puis voilà. Alors qu'en fait, si, c'est tout à fait possible. Malheureusement, il y a des choses que tu oublies. J'ai arrêté de regarder le ciel comme je le faisais parce que d'un seul coup, il n'y avait plus d'étoiles, que je n'avais plus besoin de regarder le soleil pour savoir quelle heure il était. Et puis, c'est des choses qui se sont diluées dans la ville. En plus, il se trouve que je me suis rapidement séparé de la personne avec qui j'ai fait ce voyage, qui explique qu'il n'y a pas eu tout l'après, tout ce qui était prévu, les photos. J'en ai souvent parlé, notamment les premières années, moins maintenant, mais j'en ai souvent parlé. Puis alors, je suis bavard quand il s'agit d'Afrique à vélo parce que c'est quand même l'aventure de ma vie personnelle. Lui, j'ai un enfant, c'est encore autre chose et c'est sans commune mesure. Mais Africa Vélo, c'est un privilège d'avoir pu vivre une chose pareille. C'est aussi quelque chose qu'on a gagné, qu'on a travaillé pour. C'est de donner du mal et d'aller lâcher de chez notre aventure. Mais je sais aussi qu'il y a plein de gens dans ce monde qui, même s'ils en avaient véritablement envie, ne pourraient pas le faire. Donc c'est aussi un privilège. Et moi, je suis hyper reconnaissant de cela. Plus que de me sentir fier en soi, où tu vois un peu... C'est vrai, il y a des chiffres qui sont rigolos parce que ça paraît dingue maintenant. On a fait 19 535 km. C'est énorme. Mais c'est plus drôle qu'autre chose en soi. Ce qui est formidable, c'est d'avoir pu le vivre et puis de rentrer. Quand on est rentré et que je me sépare quelques mois après, plus de table, j'avais plus rien. Je suis parti de zéro. Ça m'a donné de l'énergie aussi de ce voyage. Ça m'a appris à m'adapter plus encore, à être un peu plus résilient face aux difficultés de la vie quotidienne. Ce que j'ai appris, je pense, qui est le plus important, c'est que je ne me reconnaissais pas avant cette capacité à aller au bout de ce que j'entreprenais. Alors qu'en fait, maintenant, je sais que si. Ça ne veut pas dire que tout est réalisable, mais ça aide à... C'est souvent l'alchimiste de Coelho qui... si j'ai à peu près compris le livre, c'est qu'en fait, quand on regarde dans la bonne direction, les choses vont aussi te pousser dans le bon sens. Moi, j'ai vraiment ressenti ça avec Afrique avec nous. Tout n'a pas été simple, mais tout a fait que, globalement, ça s'est bien passé. On a rencontré beaucoup de gens pendant le voyage qui manifestaient leur intérêt pour ce que l'on faisait et puis étaient assez admiratifs aussi, mais qui malheureusement, souvent aussi, accompagnaient leurs commentaires d'une forme de regret. de ne pas avoir eux-mêmes vécu une chose comme ça. Et souvent, je leur demandais pourquoi. S'ils en avaient eu l'envie, pourquoi ils ne l'avaient pas vécu ? Et c'est plus souvent le manque d'envie, fondamentalement, qui fait que les gens ne vivent pas les choses, plutôt que d'avoir des raisons impérieuses de ne pas le réaliser. Donc, il faut rêver et avoir envie. En fait, je pense que c'est ça notre vertu, c'est qu'on en a eu envie de manière profonde et envers et contre tout. Et après, si l'envie est forte et qu'on accepte quand même, il y a une forme de prise de risque un peu. Nous, elle était réelle mais mesurée. Je crois qu'on peut réaliser des choses qui sont... qui sont sympas, mais qui portent, qui ouvrent. Et je le souhaite d'une manière ou d'une autre. Moi, ça a été un voyage à vélo. Je souhaite aux gens d'avoir à un moment donné cette satisfaction d'un truc accompli par soi-même. Pas uniquement parce que c'est une obligation, mais quelque chose qu'on a envie de vivre profondément en soi. Parce que ça, ça fait du bien. Ça ne change pas tout, mais ça enjolit un peu la vie. Ça nous rend vivants, tout simplement.