- Speaker #0
Bienvenue dans Celles de la Terre, une série de portraits aux féminins. Dans cette première série, je vous propose de partir à la rencontre de huit femmes qui vivent et travaillent dans le monde agricole. Je vous emmène avec moi dans l'Ain, l'Allier, la Drôme, le Puy-de-Dôme et on ira aussi dans le Rhône. Ces femmes, aux profils pourtant différents, ont un point commun. Elles ont choisi, parfois contre toute attente, de s'ancrer dans cette vie avec force et conviction. Au fil des épisodes, elles nous raconteront ce qui les anime et surtout, pourquoi elles se sentent à leur place. Parce qu'au-delà des clichés, ces femmes trouvent dans ce métier exigeant une vraie forme d'épanouissement. Alors, que vous soyez proche ou loin du monde agricole, je vous invite à tendre l'oreille. Partons ensemble au cœur de leurs histoires, celles de la terre. Épisode 4, dans les bottes du docteur Julie Tabel.
- Speaker #1
Moi je me souviens toute ma vie de mon premier vélage, et je me souviens courir devant les cornadis comme une enfant de 6 ans.
- Speaker #2
Je l'ai sorti,
- Speaker #1
je l'ai sorti,
- Speaker #0
j'ai fait le vélage ! Julie est vétérinaire. associée à la Clinique des Chambons à Pont-Gibaud dans le Puy-de-Dôme. Elle partage son temps entre les soins en clinique et les tournées dans les exploitations agricoles. Derrière sa douceur et son calme apaisant, Julie observe, écoute et agit avec précision. Au programme, une visite à la ferme et en exclusivité, une opération à laquelle j'ai pu assister et que je vais vous partager. Ouvrez grand les oreilles, je vous laisse découvrir Julie Merci. et son métier.
- Speaker #2
Moi c'est Julie, j'ai 40 ans cette année, c'est facile à retenir. Du coup je suis vétérinaire depuis un peu plus de 15 ans maintenant et donc j'exerce en mixte, c'est-à-dire je fais toutes espèces et aussi en rural à la fois de la laitant et du laitier. J'ai toujours voulu faire de la rural, c'était un choix d'enfant. Enfin exactement, j'ai commencé à dire que je voulais faire véto, j'avais 10 ans. Je voulais faire forcément un métier autour des animaux. mais c'est venu bien poussé par les adultes autour de moi qui m'ont dit « Ah, tu pourrais faire métaux aussi, c'est bien. » Et voilà, donc ça m'a plu l'idée. Et c'est vrai qu'après, je n'ai pas dérogé. Dans ma famille, il y a des éleveurs, pas mes parents, mais du coup, j'ai des oncles et tantes qui sont éleveurs des deux côtés. Et mes parents, eux, sont ingénieurs agronomes, donc ils bossaient déjà autour du milieu de l'élevage.
- Speaker #0
Si tu peux nous présenter, nous dire les études que tu as faites.
- Speaker #2
Alors moi, je suis passée par l'école Véto de Toulouse. C'était à la fois géographique, c'était l'école la plus accessible parce qu'à l'époque, j'habitais dans l'Aveyron. Et aussi parce que comme j'avais dans tête de faire de la rurale, les Véto chez qui j'étais allée en stage m'avaient dit qu'à Toulouse, c'était super pour ça. On a plutôt une clinique où on a un bon équilibre avec la vie personnelle. Du coup, on n'avait pas trop de difficultés pour recruter jusqu'à il y a trois ans maintenant. Parce qu'il y a trois ans, on a eu deux congés maternités et une maladie en même temps. Et donc sur les trois vétos, on a réussi à en remplacer qu'un. C'est une tendance qui va s'inverser, parce que, de ce qu'on nous annonce, puisqu'il y a énormément de jeunes qui se forment à l'étranger, parce que les facs des pays étrangers sont privés, donc il suffit de payer pour pouvoir être véto. Donc, enfin, je dis il suffit avec des guillemets, bien entendu. Mais du coup, on nous projette une arrivée massive de vétérinaires sur le terrain en 2030. Moi, je dois dire que j'ai l'impression qu'il y a quand même pas mal de salgères qui, dans les faits, semblent intéressés par la rurale. J'ai des doutes sur le fait que tous réussissent à supporter le rythme de travail que ça représente. Aujourd'hui, on a été protégé par les quotas aux examens, les numerus clausus. J'ai déjà eu des postulants qui disaient « je veux bien travailler chez vous, on est affiché mixte, mais je ne veux pas faire telle ou telle espèce, ou je ne veux pas faire d'astreinte, ou je ne peux pas faire telle ou telle chose, pas de chirurgie. » Donc nous, ces choses, pour le moment, ça ne s'était pas encore présenté.
- Speaker #0
C'est quoi être vétérinaire ? après spécifiquement au rural.
- Speaker #2
Pour moi, c'est un métier de service en premier. C'est-à-dire que j'aime beaucoup les animaux, j'aime beaucoup travailler avec les animaux et on fait un métier de soins vis-à-vis d'eux. Mais on interagit au moins autant avec les propriétaires. Pour moi, c'est vraiment un métier humain, de lien avec l'autre et l'humain et l'animal. Et donc, c'est ça qui m'a toujours portée dans le fait de pratiquer. Voilà, donc après, ça consiste à recevoir des gens. qui ont une difficulté ou pas avec leur animal, mais en tout cas qui souhaitent maîtriser la santé de leur animal, quelle que soit l'espèce. Les relations sont forcément différentes entre un professionnel et un particulier. Et donc c'est ça qui est hyper intéressant aussi quand on est mixte et généraliste, c'est que du coup on a des interactions très variées. Si j'insiste là-dessus, c'est parce que j'ai beaucoup de stagiaires ou de jeunes qui me disent qu'ils sont hyper motivés pour... faire véto mais en fait ils sont très motivés par l'aspect animal, ce qui va de soi. Mais en fait on ne peut pas faire ce métier-là si on n'aime pas un peu les gens et être avec les gens. La rurale c'est vraiment le milieu de l'élevage et d'aider les éleveurs à piloter leurs troupeaux. Là on verra quand on va aller se promener en visite mais on a des temps pour nous dans la voiture qui nous permettent un peu de mûrir les choses, d'anticiper, de réfléchir à ce qu'on doit faire ou juste de décompresser entre les patients alors qu'en canine... On enchaîne en général. En rural, il y a les missions sanitaires qui prennent quand même beaucoup de place.
- Speaker #1
Après,
- Speaker #2
pour ce qui est du reste, on fait de la bobologie dans le sens où on voit des animaux malades. On fait de l'obstétrique aussi quand même pas mal. Et puis après, on a quelques élevages pour lesquels on propose du suivi.
- Speaker #0
Une fois ce contexte posé, il est temps de passer à la pratique. Direction le bloc où Julie s'apprête à castrer un bélier.
- Speaker #2
On est face à un bélier bien joli parce qu'il a double corne et c'est vrai qu'il est assez impressionnant.
- Speaker #1
Il tape du pied parce qu'il n'est pas d'accord pour qu'on s'occupe de lui.
- Speaker #2
Mais du coup, on fait ça à la clinique parce que c'est plus propre et plus confortable. Je vais demander à une assistante de m'aider et puis on va pouvoir l'endormir pour faire la castration.
- Speaker #1
Pas une très grosse dose. Ça va déjà un peu le poser. Tu peux lâcher la fesse et le laisser se poser. Ouais. Sans ce type de chose.
- Speaker #0
Tu parlais du rythme, je t'assure qu'ils tiennent le rythme de travail. C'est un rythme de travail intense,
- Speaker #1
très intense ?
- Speaker #2
Moi, c'est celui que j'ai choisi. Pendant longtemps, j'ai dit que ce n'était pas grand-chose. Mais maintenant, je change un peu mon discours. Mais par exemple, après mes enfants, je disais que j'étais à temps partiel. Mais mon temps partiel, c'était toujours plus qu'un 35 heures. Donc j'ai arrêté de dire aux gens en lambda que j'étais à temps partiel, puisqu'en fait, ils se représentaient que je travaillais. pas beaucoup alors qu'en fait je travaillais comme un temps plein. Et sans compter les astreintes que je continue de faire. Nous, on a fait le choix de travailler un petit peu moins, c'est-à-dire chez nous, personne ne travaille à temps plein. Un temps plein pour un cadre, c'est 216 jours annuels. Nous, c'est maximum, c'est autour de 180 jours la moyenne.
- Speaker #0
Parlez aux gens, ça représente combien d'heures par semaine ?
- Speaker #2
C'est 4 jours par semaine et la clinique est ouverte 9 heures par jour, donc tu comptes déjà 36 heures. Et à ça, tu rajoutes tout ce qui déborde, plus les astreintes. Donc le 80% un veto c'est ça
- Speaker #0
Tu disais que tu as deux enfants ? Oui. Est-ce que justement, ça a été facile, difficile de gérer pendant que tu travaillais ?
- Speaker #2
J'ai été en congé maternité pour chacun pendant six mois, un peu avant, un peu après. De toute façon, nous, on est tous les deux vétérinaires associés dans la même clinique. Donc, il fallait de toute façon qu'il y ait des aménagements au travail pour permettre de gérer la vie personnelle. On a la grande chance d'avoir deux personnes qui s'occupent de nos enfants en périscolaire et qui font le joint avec nous parce qu'on n'a pas de famille sur place.
- Speaker #0
La charge de travail est en effet conséquente. Même si le collectif permet de mieux s'organiser, je demande alors à Julie comment ça se traduit côté rémunération.
- Speaker #2
La rémunération aujourd'hui, telle qu'elle est prévue par la convention collective, un salarié qui sort de l'école, donc qui n'a pas encore d'expérience, il touche 3000 euros par mois pour un temps plein. Pour quelqu'un qui travaille chez moi et qui ne fait pas un temps plein, on est plutôt à 2500 euros par mois. Et quelqu'un qui est au dernier palier de la convention collective, donc au bout de 4 ans d'expérience. ils gagnent 5 ou 600 euros net de plus. Moi, je suis associée, donc c'est un peu différent. Globalement, je gagne plus qu'un salarié, heureusement pour moi, puisque je fais quand même beaucoup plus de choses. Et donc, je pense que j'ai peut-être un ratio de 30, suivant les années, entre 30 et 50 % de plus.
- Speaker #0
Nous mettons la discussion sur pause. Retournons au bloc vérifier si l'anesthésie a bien fonctionné.
- Speaker #1
On va seulement... On y va. 1, 2, et quoi ? Je sais qu'il y a combien de temps on a mes six yeux, tout normalement ils nous entendent le mieux. Ah oui d'accord. Il faut quand même être relativement rapide. Oui, après on a des choses qui sont plus de temps. On va faire une concentration qu'on dit au torchon, c'est des techniques qui n'ont pas changé depuis des dizaines d'années. Donc je viens d'ouvrir la peau, puis la vaginale, ça s'appelle. Ok, on sépare la vaginale des testicules, on y va pour bistourner. Donc le torchon m'aide à ne pas glisser. Et je tourne mes testicules, parce que ça pâtit mes moustaches, et du coup après ça s'ouvre. Les moustaches, c'est quand le sang... C'est quand on empêche le sang de couler. C'est le mot scientifique pour dire que tu fermes les vaisseaux. Et c'est fini. Ouais,
- Speaker #2
il y a forcément des choses à des moments que t'as du mal à faire, mais... Globalement, normalement,
- Speaker #1
il y a toujours une porte de sortie. C'est un des avantages d'être une femme pour moi par rapport à un homme.
- Speaker #2
Finalement, par la souplesse et en abordant les choses différemment. On obtient quand même ce qu'on veut. J'ai pas trop souvent entendu dire « il vaut mieux un homme » ,
- Speaker #1
sauf quelques fois sur des choses très physiques. Par exemple, la dernière fois que ça nous est arrivé, en fait, c'était quelqu'un qui avait une vache qui était couchée,
- Speaker #2
il fallait la tourner, et du coup,
- Speaker #1
il a dit au téléphone « il faudrait un homme » .
- Speaker #2
Et en fait, en éclaircissant avec l'éleveur, c'était pas qu'il pensait que la femme n'était pas compétente, mais c'est qu'il voulait épargner à une femme de bourriner pour tourner la vache.
- Speaker #1
C'est une passion dans...
- Speaker #0
Je passe du coca, là.
- Speaker #1
Oui, je vis en dehors de mon travail aussi. Moi,
- Speaker #2
je me suis remise à la musique il y a trois ans. Alors du violon alto, c'est un peu comme le violon, mais en plus grave. Donc je prends des cours d'instruments. J'arrive à faire ça, on va dire, une fois tous les 15 jours, toutes les trois semaines. Après, j'ai plein de choses que j'aime bien. Je veux dire, j'aime bien randonner, j'aime bien lier.
- Speaker #0
Parenthèse vite refermée, je monte en voiture avec Juliette, direction visite chez un éleveur.
- Speaker #1
On va aller voir une vache qui a déjà été opérée par un collègue. et du coup il faut retourner voir parce que c'est pas encore suffisant au niveau de l'évolution elle a eu une caillette ça s'appelle c'est un équivalent d'un retournement d'histoire celle-là ça a été une terrible affaire ça doit faire 2 jours en fréquence et elle est aussi en cétose qui est très très tendre pour les vaches qui sont des caillettes et ce qui est aussi de moins bon pour nous aussi qu'après la caillette, les vaches quand elles sont en cétose, au moment où on les a appuyées, c'est très gaz. Cétose, c'est un autre gros mot scientifique. Pour dire que la vache a trop maigri, qu'elle a mobilisé toutes ses ressources de graisse et en fait elle s'auto-intoxique avec trop de corps gras circulant et c'est un peu la maladie du foie gras, le foie doit retraiter toutes les graisses qui circulent. et ça lui fait trop et donc ça peut aller jusqu'à des signes nerveux sur une vache très intoxiquée Ce qu'on va lui faire ça s'appelle un drenchage c'est comme un sondage, on va dans l'œuf d'eau phage même dans le rumen, on arrive à rentrer dans le rumen avec l'espuma de la vache du coup on lui fait avaler, donc il y a un tube métallique parce que sinon elle s'amuserait à croquer ça ressemble à un tuyau d'arrosage quoi mais elle s'amuserait à croquer mon tuyau allègrement donc on fait avaler le tube métallique dans l'entrée de la bouche pour pas qu'elle nous croque le tuyau et on fait glisser le tuyau à l'intérieur. Il y a deux seaux, un seau que d'eau et un seau avec des produits. Et les produits ont des propriétés pour amener de l'énergie et pour stimuler la pince. Avec des choses qui sont orexigènes, donc des choses qui vont stimuler la pince.
- Speaker #0
Sur le chemin du retour, j'aborde un sujet qui, disons-le, fait réfléchir sur l'avenir de certains métiers. L'intelligence artificielle. Je demande alors à Julie si dans son métier, l'IA est déjà présente et quel impact elle peut avoir dans le milieu vétérinaire.
- Speaker #1
Je vois d'un bon oeil que l'intelligence artificielle fasse à ma place tout ce qui n'a pas de valeur ajoutée. Par exemple, nous on a décidé de s'équiper récemment du lecteur pour les copros. C'est un appareil, un microscope qui envoie les images à un système d'IA. et ils prennent en photo tout ce qui n'est pas identifié ou tout ce qui leur semble être pertinent. Et donc après, les photos sont interprétées par un appareil.
- Speaker #2
Bon,
- Speaker #1
effectivement, la lecture, ça ne me semble pas aberrant. Les gens imaginent une vision plus joyeuse du métier, c'est-à-dire que mon métier, c'est de m'occuper d'animaux malades, et principalement, alors il y a le volet prévention, mais ce n'est quand même pas la majorité. notamment quand je vois mes petits stagiaires de 3e qui débarquent, pour qui c'est difficile de voir la souffrance et de voir la maladie. Dans mes particularités par rapport à l'équipe, il n'y a pas beaucoup de choses que je fais que personne ne fait, sauf peut-être les visites de traite et la qualité du lait. J'avais subi des formations et donc ça j'en fais depuis plus longtemps que d'autres. Après l'autre particularité que j'aurais dans quelques années, C'est que du coup, ce côté sens clinique, ça m'a amené à m'intéresser à l'ostéopathie. Ça fait très longtemps que j'ai des amis proches qui sont vétérinaires ostéopathes exclusifs et que ça me titille d'aller voir de ce côté-là. D'ici un an, un an et demi, normalement, je devrais pouvoir ouvrir un service d'ostéo.
- Speaker #0
Nous voilà maintenant de retour à la clinique où nous retrouvons la propriétaire du bélier précédemment opéré.
- Speaker #1
Ça va pas la peau ? Ok. Mais très bien passé. Il a son petit caractère, mais on a réussi à faire avec. Ouais, c'est des des sauvages, donc... Bon, après, il est en milieu hostile pour lui. Mais, tu sais, il tapait du pied, vous voyez, pas d'accord. Mais après, ça s'est très bien passé.
- Speaker #0
Merci à Julie Tabel de m'avoir reçu dans sa clinique ainsi qu'à toute son équipe. J'espère que ces quelques minutes passées avec le docteur vous auront plongé en immersion dans une des facettes du quotidien d'un vétérinaire. Merci à vous pour votre écoute et je vous donne rendez-vous pour le prochain épisode avec Valérie Lempereur, oenologue dans le Beaujolais. Et pour ne rien manquer, je vous invite à vous abonner à la série. C'était l'épisode 4 de Celles de la Terre, une série de 8 épisodes immersifs à l'initiative de plusieurs acteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes, la DRAF, l'ANEFA et France Travail avec le soutien de la DRETS. Pour en savoir davantage sur les 100 métiers possibles en agriculture, connectez-vous sur anefa.org. En région, retrouvez tous les événements mettant en lumière les emplois. et les métiers de l'agriculture sur le site mesévénementsemploi.francetravail.fr. Pour suivre toute l'actualité du monde agricole, rendez-vous sur les réseaux sociaux de la Presse agricole du Massif Central, la PAMAC et sur notre site web agriculturemassivecentrale. Merci et à bientôt !