- Speaker #0
Salut Vincent !
- Speaker #1
Salut Babac !
- Speaker #0
Bienvenue au podcast de H2O Asset Management, Think Macro, le podcast où on parle de ce qui nous passionne, la macroéconomie. Le sujet du jour, c'est l'exception américaine en question. Déjà, commençons, est-ce que tu peux nous donner une définition de ce que c'est que l'exception américaine ? Et nous rappeler brièvement aussi les étapes historiques de cette exception, de l'exceptionnalisme américain.
- Speaker #1
L'exception américaine, c'est cette croissance supérieure qu'ils ont eue pendant 30 ans par rapport à l'ensemble des pays développés. Alors, croissance supérieure qui ne vient pas de nulle part. Les Américains, ce que les États-Unis ont fait par rapport à l'ensemble des pays développés, c'est tout simplement pousser le modèle libéral un peu plus loin. Ça commence dans les années 80 avec un tournant libéral qui est à peu près commun à tous les pays développés. On combat l'inflation avec des taux élevés, on baisse les impôts, on libère le capital de cette façon-là. Ça favorise l'initiative privée, on peut voir plus loin, on peut investir dans l'économie, c'est vecteur d'innovation, de productivité. Ça fonctionne bien, mais les Américains vont plus loin dans la décennie suivante, de deux façons. D'abord en ouvrant l'économie à l'immigration. Une immigration de main-d'œuvre moins chère, c'est positif pour la croissance, c'est de la main-d'œuvre, mais aussi à l'immigration éduquée avec des ingénieurs, des étudiants qui sont attirés par le modèle et qui veulent vivre l'aventure américaine là aussi plus qu'ailleurs. Et puis deuxième source de supériorité entre guillemets pour l'économie américaine, ils développent plus qu'ailleurs, ils libéralisent, ils organisent. un marché financier, un système financier qui est propice à l'investissement, avec des marchés financiers plus liquides, plus profonds, plus stables, qui permettent d'aller exprimer ces investissements, de prendre les risques qui vont avec, de cette façon de financer l'innovation, et puis, en tant qu'investisseur, d'en toucher les fruits avec des revenus supérieurs à ce que vous pouvez trouver ailleurs. Cette partie, les marchés financiers, a joué un rôle important dans la supériorité du modèle américain ces 30 dernières années. À la fin, c'est 30 années de croissance du PIB qui est nettement supérieur aux États-Unis par rapport à l'ensemble des autres pays du G7.
- Speaker #0
Donc c'est le libéralisme qui a amélioré quelque part et ça a l'air de très bien marcher. Donc c'est un modèle, ça doit être un modèle pour tous les pays, d'après toi.
- Speaker #1
Oui. Pourquoi pas ? Après, chaque pays décide de la façon jusqu'à quel point il peut tenter de l'exploiter. En tout cas, ce qu'on observe, c'est qu'il y a évidemment aussi un coût associé à cette approche. Le fait d'être supérieur au premier ordre attire la spéculation. Et ça a très vite commencé par une bulle à la fin des années 90. Et ça nécessite derrière de rétablir la confiance lorsqu'elle est atteinte. Lorsque la bulle éclate au début des années 2000, la confiance est atteinte. le modèle menace de s'arrêter. On peut réagir en baissant les taux d'intérêt, en baissant les impôts et rétablir la confiance. Et ça repart. Simplement, comme il repose beaucoup sur la confiance, sur la confiance des consommateurs, sur la confiance des investisseurs, ce modèle, il faut régulièrement la rétablir, régulièrement injecter la drogue nécessaire à la reprise du système. Comme souvent avec les drogues, la quantité nécessaire augmente. Au début des années 2000, c'est des baisses de taux, c'est des baisses d'impôts, des mesures assez simples et standards. Après la crise de 2008, qui était plus profonde et systémique, il a fallu sauver le secteur bancaire et puis mettre en place des mesures beaucoup plus hétérodoxes avec les assouplissements quantitatifs. Une fois, deux fois, trois fois, on est obligé de sortir la grosse artillerie. Et puis encore davantage récemment. avec le Covid, où là, il faut y aller de manière extrême, avec des quantités jamais atteintes, et même ensuite avec un soutien fiscal à nouveau à deux reprises dans la foulée. Donc on voit bien que c'est un modèle effectivement qui fonctionne mieux, qui offre davantage de productivité, davantage de croissance structurelle de l'économie, mais qui est de plus en plus sensible à la confiance, de plus en plus sensible à la consommation. et donc de plus en plus exposés à des ruptures de confiance qu'il faut régulièrement établir à un coût qui est de plus en plus important.
- Speaker #0
Alors on comprend parfaitement avec cette métaphore, cette comparaison que... Ces drogues, ce sont les mesures fiscales, ce sont les mesures monétaires qui font en donner plus, mais que l'effet est petit à petit moins important. Quelle est la situation aujourd'hui aux États-Unis ?
- Speaker #1
Aujourd'hui, il arrive dans le système américain, un animal qu'on n'avait pas vu depuis longtemps, c'est l'inflation. Et l'inflation, ça change tout. Quand on peut, pendant 30 ans, au niveau monétaire, baisser les taux sans se poser de questions, et se concentrer sur la partie croissance du mandat sans s'interroger sur l'inflation, évidemment, c'est beaucoup plus facile. On n'hésite pas, on y va de manière agressive et immédiate. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus compliqué pour la réserve fédérale de réagir au premier choc de confiance. De manière agressive, elle est obligée d'attendre, de vérifier que l'inflation reste sous contrôle, qu'elle n'est pas en train d'en perdre le contrôle. On est aujourd'hui dans des zones qui sont... et qui pourraient rapidement en provoquer une réaccélération. Donc, il n'y a plus tout à fait les mains libres, comme ça a été le cas pendant 30 ans. Et puis, l'inflation, c'est aussi devenu, plus récemment, cette année, en fait, c'est devenu un problème aussi fiscal. Parce qu'aujourd'hui, les investisseurs, le marché n'accepte plus le dérapage des déficits. On baisse les impôts, c'est bien, mais évidemment, on creuse les déficits. À un moment... On augmente la dette dont on peut se poser la question du refinancement. La dette sur le PIB américain a plus de 125% aujourd'hui, tout cumulé. Son refinancement futur interroge évidemment bien davantage qu'il y a une quinzaine d'années. Ça, les investisseurs aujourd'hui vous demandent d'être rémunérés en face. Alors quand vous baissez les impôts et que vous stimulez l'économie de manière fiscale, oui, vous aidez l'économie. Mais si c'est au prix d'un déficit qui augmente, et que l'investisseur en face vous dit « Ah ben non, mais là, vous n'allez pas tenir votre dette, vous ne serez pas capable de la refinancer correctement, moi, je veux des taux longs plus hauts. » Ça, c'est un coût pour le consommateur, c'est un coût pour les entreprises. Ça met la pression sur les marchés d'action. Bon, ce que vous gagnez d'un côté au niveau fiscal, vous risquez très vite de le perdre de l'autre par la pontification de la courbe des taux. En tout cas, c'est ce que les investisseurs disent depuis le début de cette année. Ils ne sont plus d'accord pour financer n'importe quel déficit à n'importe quelle condition.
- Speaker #0
Ils veulent être payés plus sur un horizon qui va être plus long.
- Speaker #1
Exactement. Et donc là, l'inflation, indirectement, joue aussi un rôle pour la politique fiscale. Et la conséquence, c'est qu'aux États-Unis, aujourd'hui, la Fed et le gouvernement ont les mains beaucoup plus liées que par le passé. C'est beaucoup moins facile. d'intervenir en cas de choc et de relancer la machine, la confiance et la consommation avec ces instruments classiques.
- Speaker #0
Donc le diable est sorti de la bouteille, c'est l'inflation. La Fed et le gouvernement sont monotés aujourd'hui, donc ils ont moins d'options et d'outils pour relancer l'économie. Donc qu'est-ce qui va se passer ?
- Speaker #1
La nouvelle administration... Elle joue un rôle important dans ce schéma parce qu'on pourrait malgré tout imaginer que malgré l'absence d'outils pour relancer en cas de choc, après tout, tant qu'il n'y a pas de choc, ça peut continuer un moment. Et c'est précisément ce que fait la nouvelle administration. Je crois que la nouvelle administration a posé le diagnostic qu'il fallait rééquilibrer le commerce mondial. Implicitement, elle a posé le diagnostic que ce modèle américain, qui est allé à la limite du modèle libéral, est arrivé aujourd'hui à bout de souffle.
- Speaker #0
Donc le diagnostic est bon.
- Speaker #1
Le diagnostic, en ce sens, est plutôt bon, en effet. Simplement, en soi, c'est un choc. En soi, ça choque l'économie américaine à un moment où elle est fragilisée par l'absence de matelas de sécurité, de filets de sécurité monétaire, de l'absence des limites du filet de sécurité fiscal, on vient de le dire, d'autres fragilités qui sont apparues avec le temps. Il n'y a plus vraiment de matelas d'épargne aux États-Unis. Il a été beaucoup plus dépensé qu'ailleurs. Toute l'épargne et le cumulément de Covid aujourd'hui a été dépensé, et même davantage. Et puis, plus tellement de potentiel, d'effet richesse, dont on sait qu'il est important aux États-Unis. Les ménages sont très exposés aux actions. Ça a un peu sauvé la croissance américaine l'an dernier. Très forte performance des marchés d'action. Ça a permis de conserver... Beaucoup de ménages, une grande confiance dans l'économie, c'est du revenu supplémentaire, ils consomment davantage, on poursuit le modèle. Là aujourd'hui, vu le niveau de cherté du marché des actions américains, évidemment le potentiel est beaucoup plus faible, donc on n'est pas tout à fait sûr de pouvoir compter dessus. comme l'an dernier ou comme à plusieurs reprises ces dernières années. On a perdu aux États-Unis les moteurs qui permettaient d'entretenir le modèle. Ils se sont éteints l'un après l'autre. La situation aujourd'hui, c'est qu'on part d'un État assez fragile, assez exposé au choc du fait de la perte de ces quatre moteurs. Et là, la nouvelle administration décide de choquer le système précisément.
- Speaker #0
Oui, mais l'objectif de la nouvelle administration, c'est de « make America great again » ou « make American economy great again » . Donc tu ne penses pas que les mesures qui ont été prises, par exemple une réduction des dépenses publiques d'une part avec le Doge et d'autre part avec la nouvelle bille, la « big beautiful bill » . puisse mitiger ce ralentissement de l'économie américaine. Et puis, il y a aussi d'autres mesures qui n'ont pas encore été totalement prises, comme par exemple la baisse du dollar.
- Speaker #1
Oui, mais il faut aussi voir d'où on part. Est-ce qu'il y a déjà été mis en place ? Est-ce qu'il y a déjà été mis en place ? C'est une couche de tarifs, quelles que soient les négociations qui restera, et qui est quand même assez volumineuse. À peu près, quelles que soient les négociations, c'est au moins... 400 milliards de dollars, probablement un peu plus, de taxes sur le consommateur américain et sur les entreprises derrière qui vont devoir réfléchir à baisser leurs marges si ça ne suit pas derrière. C'est gros. C'est un point, un point et demi de PIB. Peut-être davantage si certaines négociations ne se passent pas très bien. C'est une énorme taxe pour le consommateur américain. Il faut ajouter les mesures sur l'immigration qui a été très fortement ralentie. L'immigration, ces dernières années, c'était un facteur de soutien à la croissance. Il y a une espèce de rattrapage après Covid. Bon, là, elle est au ralenti. Ça, c'est un autre moteur qui a été complètement éteint ces derniers temps pour l'économie américaine. Et puis, en attendant la nouvelle bille qui va être votée et mise en place, je crois pas avant l'année prochaine, aux États-Unis, en attendant, il y a ces coupes de dépenses gouvernementales qui, elles aussi, pèsent sur la croissance. C'est de la restriction, donc c'est aussi un frein à la croissance. Et il ne faut jamais oublier non plus un élément très important, c'est l'incertitude. Le modèle américain, on pousse un modèle comme ça jusqu'à sa limite, on est sur la ligne de crête. On accepte de ne pas être payé beaucoup sur les obligations longues, on accepte d'investir à long terme dans les entreprises américaines, parce qu'on sait qu'il y a une grande lisibilité, qu'on y voit clair, c'est stable, on a un bel horizon. Et là, tout d'un coup, vous... vous créez une grosse incertitude, temporaire, et peut-être pour un diagnostic qui a du sens, mais c'est quand même de l'incertitude pour les entreprises, pour les ménages, pour les investisseurs. Ça, évidemment, ce n'est pas propice à l'investissement, ce n'est pas propice à la consommation, et ça participe aussi à l'ambiance de freins sur l'économie. Donc, il y a un frein réel, et puis il y a un frein probablement psychologique lié à cette incertitude. À la fin, c'est suffisamment important dès aujourd'hui, quel que soit le résultat l'an prochain et les années suivantes pour être facteur de ralentissement important de l'économie américaine dans la deuxième moitié de l'année.
- Speaker #0
Chez H2O, on a publié pas mal de papiers, déjà il y a même plus d'un an aujourd'hui, sur la récession manquée. Donc déjà, est-ce qu'on aura une récession aux États-Unis ? Et puis si oui, est-ce qu'elle est donc inéluctable ?
- Speaker #1
Alors récession, on verra, mais en tout cas, les éléments qui ont permis d'éviter cette récession et qui ont fait qu'on l'a appelée la récession manquée ne sont plus là. Donc ça va être difficile de l'éviter cette fois. Ça, c'est la grosse différence. En 2023, on a une stimulation fiscale. Ça permet à un moment où ce n'est pas nécessaire économiquement. L'économie américaine, elle ralentissait naturellement. Elle n'était pas en chute libre. Elle ralentissait vers des niveaux de croissance acceptables et tenables. On stimule fiscalement, alors on donne une croissance supérieure au monde entier.
- Speaker #0
L'injection du parlement.
- Speaker #1
L'injection, ce n'est pas celle de Covid qui a eu lieu dans tous les pays. Là, on est allé au-delà aux États-Unis deux ans plus tard et on a remis au pot et on a à nouveau aidé les ménages américains. Bon, ça, ça permet de tenir un an de plus et de poursuivre cette pente plus forte qu'ailleurs aux États-Unis. L'an dernier, qu'est-ce que c'est l'an dernier ? C'est le prolongement de ça. parce que... On a stimulé les ménages, on a stimulé la confiance, la consommation, les marchés adorent ça. Les profits des entreprises sont bons. Et puis on a un peu d'euphorie sur les marchés financiers. Et on a des marchés d'actions qui grimpent et un effet richesse qui va avec. Les actions aux États-Unis. c'est quand même pas loin de 50% du patrimoine des ménages. C'est considérable, c'est 5 fois plus qu'en Europe, à peu près 5 fois plus que dans la plupart des pays du monde. Quand vous avez un marché qui prend 25%, comme ça a été le cas l'an dernier, vous imaginez le gain réel d'effet richesse et le gain psychologique de confiance que ça vous donne, parce que ça surpasse tout ce qu'on a vu ailleurs. On a pu comme ça éviter pendant quelques temps. le ralentissement naturel de l'économie américaine. Mais aujourd'hui, encore une fois, on a perdu. Ces moteurs s'éteignent l'un après l'autre. Et donc, on peut imaginer qu'on revienne à ce ralentissement qui aurait dû avoir lieu plus tôt et même davantage. Parce qu'en plus, la nouvelle administration, par décision, nous y emmène tout droit. Elle décide de tenter de rebalancer le commerce mondial. Et en mettant un demi-trillion de taxes sur la table, en coupant le gouvernement, l'immigration, en ajoutant de l'incertitude dans le système, elle nous y emmène et même à marche forcée.
- Speaker #0
Donc c'est pour ça qu'aujourd'hui, on voit que les marchés sont encore résilients, mais c'est parce que le drogué est toujours sous l'effet de sa drogue, sachant qu'il n'y a plus de drogue demain.
- Speaker #1
Oui. C'est vrai qu'il y a toujours une inertie. 40 ans qu'on vit avec ce modèle, 40 ans que d'ailleurs, on a fait le coup. D'ailleurs, on a participé à ce jeu, on a cru par moment que l'économie américaine n'allait pas s'en remettre. Et puis à chaque fois, elle s'en remettait, à chaque fois, on trouvait une solution. Donc effectivement, pourquoi cette fois, ça serait effectivement différent des autres fois ? La question est légitime. Mais cette fois, la donne est très différente. On peut comprendre que certains investisseurs... reste dans cette logique, mais l'inflation change tout. L'inflation change tout. Ça, on ne l'a pas vu depuis 40 ans. Et elle, elle lit les mains de la Fed, elle lit les mains du gouvernement qui atteint des niveaux de dette aujourd'hui, qui ne lui laisse plus du tout les marges de manœuvre. Et même s'il le voulait, même si avec la nouvelle bille, on pourrait essayer de tenter le coup à nouveau, les marchés ne l'acceptent pas.
- Speaker #0
Chez H2O, on a un ADN value. On aime souvent être tôt et on a l'habitude et on prend l'habitude de voir plus loin, de sortir un peu du bruit du marché pour voir plus loin. Est-ce que la tendance dont tu parles, ce ralentissement à minima, c'est une tendance que tu vois dans quelques années ou est-ce que c'est quelque chose de proche ?
- Speaker #1
Non, c'est maintenant. C'est maintenant. D'ailleurs, quand je dis maintenant, c'est immédiat. Mais oui, c'est immédiat tout simplement parce que... Déjà pour commencer, il y a eu un effet d'avance de la consommation des entreprises et des ménages ces derniers temps pour essayer de préempter un peu l'annonce des tarifs. Aujourd'hui, il faudra bien rendre ça. Tout ce qui a été fait aujourd'hui, c'est de la ponction sur les commandes et les achats qui auraient dû être faits demain. Donc on aura déjà un effet de paiement de cet effet d'avance pré-tarif. Et puis derrière, la taxe des tarifs, c'est immédiat. On avait 90 jours avant qu'ils soient mis en place. Ils sont déjà en place d'ailleurs, de facto. Les 10% sont en place sur un certain nombre de secteurs. Donc on a déjà cette pression qui va s'exercer, qui s'exerce dès aujourd'hui sur les consommateurs. On voit d'ailleurs dans les données haute fréquence, on commence à voir depuis quelques semaines l'impact physique sur les ménages et les entreprises. D'ailleurs, c'est plutôt un impact qui va dans le sens... de ce ralentissement très prochain, puisque ce sont des entreprises qui ont plutôt tendance à réduire leurs marges plutôt que de tenter de passer la hausse des prix, comme elles l'ont fait à plusieurs reprises par le passé, notamment en 2022 et 2023. Cette fois, elles hésitent à le faire. Elles savent que le consommateur, cette fois, il n'est pas du tout sûr de suivre. À l'époque, il avait les poches pleines, les marchés grimpaient. Il a suivi, il a pris 10, il a pris 15% de hausse. C'est passé. Cette fois-ci, ça n'a plus tout à fait l'air de passer. Donc, on imagine déjà un peu comment la forme que pourrait prendre ce ralentissement, notamment sur les marges des entreprises.
- Speaker #0
On se retrouve dans une situation où le commerce mondial est choqué, le consommateur américain consomme moins, l'économie américaine ralentit. Le vieil adage dit que si l'économie américaine éternue, le monde attrape un rhume. Est-ce que l'économie mondiale ralentit ?
- Speaker #1
On a envie de répondre, pas cette fois. Cette fois parce qu'à l'inverse des États-Unis, la plupart des autres pays ont ces matelas de sécurité que les Américains ont déjà consommés. D'abord, reparlons de l'inflation. L'inflation aux États-Unis, c'est l'inflation de demande avant d'être une inflation d'offres. Et ça, évidemment, ça peut vous échapper très rapidement quand les prix des services se mettent à accélérer en tant que banquier central. C'est extrêmement dangereux si vous entrez dans une spirale. inflationniste, ça peut vous poser des problèmes pour des années. Donc évidemment, c'est très, très problématique pour la Fed. Dans les autres pays, l'inflation est plutôt une inflation d'offres. Il y a eu peu de chocs de demande. Les agents n'ont pas spécialement tapé dans leur épargne, donc ils n'ont pas surconsommé. Il y a eu beaucoup moins d'inflation liée à la demande des ménages. En Europe, au Japon, en Chine, au Royaume-Uni, beaucoup moins qu'aux États-Unis. Donc ce paramètre de l'inflation qui lie les mains... de la Banque centrale, c'est beaucoup moins le cas ailleurs. Et c'est beaucoup moins le cas aussi sur l'aspect fiscal, parce qu'il y a davantage de marge de manœuvre qu'aux États-Unis dans la plupart des régions. Si on prend le cas de l'Europe, par exemple, les Allemands dépensent, ont un grand programme d'investissement pour les prochaines années. Ils peuvent se le permettre, leur dette sur le PIB est moins de la moitié de celle des États-Unis. Et donc, derrière, les marchés l'acceptent plus facilement. La courbe ne se pontifie pas de manière... trop prononcée. C'est quand même quantifié, mais il y a quand même un vrai questionnement. Mais on voit que ça passe. Globalement, les taux n'explosent pas à la hausse et donc on peut utiliser cette marge de manœuvre. Et puis, sur les deux autres dimensions, là aussi, il y a de la place. L'épargne, on vient d'en parler deux minutes. Le matelas d'épargne des agents est considérablement plus important ailleurs. Il était peu dépensé dans toutes les régions du monde. Il n'y a presque qu'aux États-Unis. à quelques exceptions près, qu'on a vraiment dépensé l'intégralité de l'excès d'épargne, de l'épargne accumulée au moment de Covid, et même davantage. Les autres pays ont encore un matelas confortable. On voit que toutes ces conditions de départ, ce qui fait défaut aujourd'hui aux États-Unis, ce qui rend l'économie américaine fragile, avant de parler de choc, elle est fragile. On a un État bien plus robuste ailleurs, bien plus capable d'absorber les chocs.
- Speaker #0
On l'a très bien compris avec les exemples que tu viens de donner sur l'Europe, mais qu'en est-il de la Chine ?
- Speaker #1
Eh bien, en Chine, c'est vrai qu'on en parle beaucoup et souvent, parfois au moins, ressort l'idée que ça va se faire très compliqué pour la Chine. On n'est pas tout à fait d'accord avec cette analyse. La Chine, d'abord, est beaucoup plus robuste à un problème, à un choc. aux États-Unis que par le passé. D'abord, les exports chinois vers les États-Unis, aujourd'hui, c'est moins de 3% du PIB. C'est considérablement plus faible que dans les années passées. Et c'est relativement absorbable. C'est significatif, malgré tout, sur le PIB chinois. Mais c'est gérable. On n'est pas dans le même ordre de grandeur que ce qui est en train de se présenter aux États-Unis. Par ailleurs, les Chinois sont tout à fait capables de rediriger leurs exports. Ils ont commencé à le faire aux États-Unis. Les exports aux États-Unis sont ensuite libres depuis trois mois parce qu'on voit les tarifs arriver. Ils augmentent en Europe, ils augmentent dans le reste du monde. Les Chinois s'adaptent. Et puis, ils ont tellement de marge de prix que ce n'est pas très compliqué pour eux de baisser les prix de 5, 10, 15 % ici ou là pour assurer les débouchés de leurs produits. Donc, ils arrivent à s'adapter. Ils ont une économie qui est beaucoup plus robuste à un choc américain. Et puis, comme les autres pays... beaucoup d'autres pays. Et même au-delà, il y a en Chine un considérable matelas d'épargne, l'épargne chinoise, parce que c'est un pays qui était en voie de développement, est bien supérieur à l'ensemble du monde développé, évidemment très supérieur aux Etats-Unis, mais même très supérieur au niveau européen. On parle ici de plus de 40% du revenu épargné chaque année par les Chinois. Ça crée un matelas d'épargne qui ne demande qu'à être dépensé. consommer. Ça, ça procure évidemment une robustesse à l'économie chinoise qui est tout à fait importante.
- Speaker #0
Ça fait quand même des années qu'on entend parler des Chinois qui pourraient consommer, de l'économie chinoise qui pourrait transitionner d'une économie d'exportation à une économie de consommation. Quel serait aujourd'hui le catalyste pour que... pour que l'économie chinoise réussisse cette transition.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai que c'est une chose de dire qu'on a de la consommation disponible, et puis c'est une autre de dire que l'argent est dépensé et qu'elle se révèle physiquement. En effet, c'est plus simple, ce n'est pas si simple à mettre en place. Et puis l'économie chinoise, c'est vrai, a encore un certain nombre de difficultés à régler, mais... L'économie chinoise a déjà, au cours de ces 12 dernières années, assuré une transition dont on approche du bout aujourd'hui. Alors le timing est moins précis qu'aux États-Unis. Un mouvement en avantage de long terme qui va s'étaler sur encore plusieurs années, peut-être plusieurs décennies. Mais la Chine a fait le travail sur un certain nombre de transitions qui étaient nécessaires. Ça maintenant, ça la met en position de pouvoir organiser. son modèle économique vers davantage de consommation. D'abord, la bulle de surinvestissement est en voie d'absorption. La bulle immobilière, aujourd'hui, est quasiment absorbée, déflatée. On peut regarder pour ça l'offre de biens immobiliers qui s'approche gentiment des niveaux de demande structurelle qu'on peut trouver en Chine. On n'est pas au trimestre près, là. Ça prendra peut-être encore quelques trimestres. On ne peut plus parler de bulle. On ne peut plus parler de risque de déclatement et de... et de chute libre des prix. On est sortis de ce déséquilibre-là après une bonne dizaine d'années de digestion. Mais ces risques-là, maintenant, en Chine, sont derrière nous. Et puis la Chine a aussi fait le travail sur un point très important pour créer les conditions de consommation et créer cette transition vers le statut de pays développé. Elle a travaillé ses marchés financiers. On le disait tout à l'heure, aux États-Unis, c'est un élément très important dans la supériorité du modèle américain. Il y a une exposition de 50% des ménages sur les actions américaines, alors que c'est plutôt 10% ailleurs. Ils ont confiance. Les marchés qui performent mieux, c'est des marchés qui sont plus stables, plus liquides. Ils ont tout un tas de qualités qu'on ne trouve pas en Europe ou ailleurs. La Chine non plus n'avait pas ces qualités, mais elle a travaillé à ça. Ça fait une douzaine d'années que... Ils ont développé le marché des obligations qui est devenu beaucoup plus liquide, la courbe des taux est plus stable, l'accès à ces instruments financiers, à ces placements aujourd'hui est ouvert aux Chinois mais commence à être ouvert aussi à l'ensemble de la région. On a une devise qui était très bien stabilisée en moyenne contre l'ensemble des partenaires, elle est même un poil sous-évaluée aujourd'hui. Et évidemment ça s'est fait au dépend du marché des actions, il y a une forme de répression financière, il a fallu sécuriser tout ça donc c'est beaucoup moins spéculatif. Ça veut dire beaucoup moins de... de performance des actions pendant plus de 10 ans pour l'investisseur. Mais ça veut dire que partant d'aujourd'hui, on a un marché beaucoup plus solide en Chine. Donc ça, voilà des conditions de départ qui doivent permettre l'investissement, comme ça a pu se passer aux États-Unis dans les années 80 et 90, voir loin avec la stabilité, investir, et puis pourquoi pas derrière, ensuite, en toucher les dividendes. D'ailleurs, les autorités chinoises travaillent activement à ce sujet. Pour eux, c'est le moment d'opérer cette transition. Il y a tout un tas de mesures sur les marchés financiers aujourd'hui qui incitent à investir dans les projets qu'ils considèrent comme stratégiques, qui sont des projets d'innovation, qui sont nécessaires au pays à la croissance, mais aussi qui sont très rémunérateurs pour celui qui investira dedans, avec les mesures qui, là aussi, accompagnent paiement de dividendes, mesures incitatives pour les fonds de pension ou les ménages pour investir dans ce type d'instrument. Tout ça, c'est à la fois... davantage d'innovation financée par le secteur privé et c'est davantage en retour pour le secteur privé de revenus avec potentiellement au bout un effet richesse comme on peut le connaître aux Etats-Unis parfois mais pas vraiment ailleurs qui apparaîtrait et qui viendrait continuer à alimenter le modèle économique.
- Speaker #0
Donc le consommateur chinois il pourra investir dans les marchés financiers mais est-ce que ça va suffire ça ?
- Speaker #1
Non. On a une belle base là déjà pour l'économie et pour une consommation future. Mais il y a aussi des éléments mécaniques qui devraient faire que cette épargne très importante en Chine diminue et donc passe un régime de consommation. On a une épargne au-delà de 40% aujourd'hui qui descendent 30, 25, 20. Ce qui sont des niveaux qu'on observe dans des pays émergents qui ont transité vers le modèle des pays développés. Pourquoi ? D'abord parce qu'on a... La force, tous ces travailleurs qui en Chine ont procuré des produits moins chers à l'ensemble du monde, aujourd'hui, ils commencent à partir à la retraite. Vous partez à la retraite, vous consommez davantage. Il y a moins de raisons d'épargner. Pendant votre période de travail, vous épargnez, ensuite vous dépensez. On va avoir une augmentation de la dépense mécanique.
- Speaker #0
par le passage à la retraite d'une cohorte de la population chinoise dès maintenant. Ça a déjà commencé cette transition. Et ça, c'est évidemment propice à davantage de consommation et moins d'épargne. Il y a aussi le fait que les bulles ont été résorbées, notamment la bulle immobilière, une part significative, même si on ne peut pas très bien mesurer la quantité. Probablement, cette grosse épargne chinoise était liée au fait qu'ils savaient qu'il y avait un risque immobilier important. Donc il y a une épargne de précaution qui s'est faite pendant des années. Bon, maintenant la bulle est déflatée, il n'y a pas vraiment de raison de continuer à épargner pour des raisons de précaution. Ça, ça devrait aussi être consommé. Et puis il y a un dernier élément, c'est l'élément social, sécurité sociale. La Chine n'était pas très protectrice. Aujourd'hui, ça accélère, même depuis quelques années, on connaît la force. des Chinois, de l'administration chinoise pour développer à marche forcée ce type de services. Les services de santé, d'éducation se sont considérablement développés de manière accélérée depuis quelques temps. Ça aussi, ça nécessite moins d'épargne, de précaution. Et donc on peut penser que le ménage chinois, ayant moins besoin de se protéger contre un risque de santé ou contre des difficultés à trouver. Un job ayant un meilleur accès à l'éducation épargne moins, comme on le fait, nous, dans des pays qui sont davantage développés. Tout ça, ce sont des éléments mécaniques, fondamentaux, stratégiques qui sont en train de se passer maintenant en Chine et qui vont alimenter le modèle de croissance chinoise pour les prochaines années. Maintenant, la croissance elle-même, elle reste. plutôt orienté à la baisse. On ne regardera pas les régimes à deux chiffres qu'on a connus par le passé, ou même les 5% qu'on connaît aujourd'hui. La croissance potentielle de la Chine, elle se situe un peu plus bas. Mais la forme que prend cette croissance est en train de changer et sera davantage orientée vers la consommation et moins vers l'investissement, comme ça a pu être le cas par le passé.
- Speaker #1
Et quid du sujet démographique de la Chine ? Est-ce que le fait qu'il y ait moins... d'actifs pour les retraités dans le futur. Quel sera l'impact de ce facteur ?
- Speaker #0
Évidemment, c'est un élément important pour expliquer la baisse de la croissance tendancielle de la Chine. La démographie pèse, la population diminue, et ça, c'est de la croissance tendancielle en moins. Mais il faut quand même ajouter un bémol à ça. La croissance d'un pays, c'est sa force de travail, c'est l'ensemble de ses travailleurs. lorsque la population diminue, évidemment, elle a tendance à diminuer. Mais en Chine, vous avez quand même un réservoir important. Vous avez une population importante et l'éducation qui progresse beaucoup, notamment dans les campagnes et le transit, l'urbanisation, le transit vers les villes, vous offre un réservoir de force, de main-d'œuvre qui est tout à fait important et qui peut compenser dans une certaine mesure cette démographie en effet négative qui se présente pour les années futures. Je crois que ce qui est important de retenir ici, ce n'est pas une croissance renouvelée en Chine. On change de modèle. C'est une croissance qui se compare davantage à ce qu'on connaît, nous, dans les pays développés. Elle est plus basse, mais elle est davantage composée de consommation, moins orientée vers les exports, ce qui veut dire que quand il y a un choc aux États-Unis, c'est forcément moins un problème, mais que ça peut tout à fait être un régime de croissance tout à fait confortable et intéressant pour le pays.
- Speaker #1
Est-ce que la Chine est le seul pays dans ce cas avec ces coussins qu'elle aurait à disposition et aussi ces opportunités ? Ou est-ce qu'il y a d'autres pays qui pourraient rentrer dans les mêmes scénarios ?
- Speaker #0
Pour la transition vers la consommation, on en a connu des exemples par le passé. Il y en a peut-être qui sont à venir, par exemple l'Inde, avec une forme de décalage qui se présente. un peu plus tard, se présenterait un peu plus tard dans une situation similaire. Maintenant, sur les filets de sécurité, les moteurs qui vous permettent de rester en vol, même s'il y a des secousses, oui, beaucoup de pays sont dans cette situation. On a parlé de l'Europe tout à l'heure. La Chine offre aussi ses moteurs, les a à disposition, mais c'est le cas de très nombreux pays, et même d'ailleurs de pays émergents eux-mêmes. De manière presque étonnante, on a des comptes... publics dans les pays émergents qui ont été gérés de manière plus rigoureuse que ce qu'on a pu connaître dans les pays développés, notamment aux États-Unis ces dernières années, ce qui leur offre une robustesse qui est bien supérieure à celle qu'on a pu connaître par le passé. On a presque inversé les rôles pour un certain nombre d'entre eux, même des pays émergents assez cycliques, exposés au cycle en Amérique latine, en Afrique du Sud ou en Asie, qui aujourd'hui sont suffisamment robustes par leur balance des capitaux, par leur balance commerciale. pour être capable d'absorber un choc externe. Alors quand les États-Unis éternuent, ils n'attraperont pas forcément le rhume.
- Speaker #1
Tu as 30 ans d'expérience, et on accumule beaucoup d'expérience chez H2O Asset Management. Si tu devais mettre sur une échelle le changement que nous faisons face aujourd'hui avec d'une part un ralentissement de l'économie américaine et d'autre part des changements qu'on voit dans les... dans la Chine, par exemple, de quelle magnitude est-ce qu'il s'agit par rapport aux autres pays ?
- Speaker #0
En fait, c'est très différent. On a connu des petits chocs, des grands chocs, des chocs systémiques, d'autres plus exogènes. On a vécu beaucoup de choses dans ces 30 dernières années. Mais là, on parle davantage d'une transition. On change de modèle, on change d'équilibre économique entre les États-Unis et le reste du monde. Ça va être un processus long, profond. Et la nouvelle administration a pris résolument le chemin d'y aller. Et ce qu'elle a déjà mis en place nous y emmène de toute façon, tout droit. On va le vivre maintenant avec les implications que ça a sur le rééquilibrage de la croissance économique et de la forme qu'elle prend. Moins de consommation aux États-Unis, davantage ailleurs. Et ça aura évidemment les implications qui vont avec sur les marchés financiers, sur les devises.
- Speaker #1
et des implications importantes sur le long terme.
- Speaker #0
Ah oui, là, on parle vraiment des prochaines années, probablement même davantage.
- Speaker #1
Et donc des opportunités.
- Speaker #0
Oui, toujours. Dès lors qu'on est global, dès lors qu'on n'est pas scotché, condamné aux seuls actifs américains, évidemment, les alternatives se constituent. On a parlé de la robustesse des autres pays. La robustesse, c'est le début de l'opportunité alternative aux actifs américains. Maintenant, en Chine, ça veut dire aussi des opportunités. Peut-être qu'en Europe ou dans d'autres pays, les décisions seront aussi prises pour transformer une simple capacité de résistance en vrai potentiel de revenus et d'investissement pour les investisseurs internationaux. L'avenir nous le dira. Mais les conditions sont là, l'opportunité est là. Et on voit déjà une certaine volonté politique, pas seulement en Europe, dans beaucoup d'endroits dans le monde, qui devrait offrir de très belles alternatives aux actifs américains dans les années qui viennent.
- Speaker #1
Ces opportunités que nous allons matérialiser dans nos portefeuilles, ce sera le sujet d'une discussion plus avec les commerciaux de la Joso Asset Management. Merci Vincent pour ton temps et tes explications.
- Speaker #0
Merci Baba.
- Speaker #1
Je vous invite à poursuivre cette discussion. avec les commerciaux d'H2O Asset Management que vous pouvez retrouver sur le site www.h2o-am.com. Merci Vincent.
- Speaker #0
Merci Babac.