- Antoine Lacouturière
Bonjour, soyez les bienvenus sur Toucher du doigt la santé, le podcast autour des soins, du bien-être et de la santé. Je m'appelle Antoine Lacouturière, j'exerce l'ostéopathie et la sophrologie depuis plus de dix ans maintenant et j'ai à coeur de rencontrer des experts dans leur domaine pour continuer à progresser et aussi pour vous proposer partager leurs expériences, leurs visions, leurs pratiques. Aujourd'hui, nous avons le plaisir de recevoir Jennifer Léogier, anthropologue française devenue massage therapist, masseuse, aux Etats-Unis. Jennifer nous propose une manière inédite de répondre à la question « C'est quoi la santé ? » Vous découvrirez, en plus de son parcours universitaire et de son expérience américaine, des compétences d'écriture qui invitent à prendre conscience d'éléments influençant la santé, directement ou indirectement. Les soins, le toucher, l'importance d'être touché, les massages, les différences entre la France et les Etats-Unis seront une partie des sujets du jour. Jennifer est une de ces personnes inspirantes, particulièrement modeste, en recherche constante d'amélioration et je suis très heureux de démarrer cette troisième saison du podcast à ses côtés. J'en profite pour vous remercier de vos retours, de vos partages. Ils participent activement à semer des graines de santé. Belle écoute ! Bonjour Jennifer.
- Jennifer Leogier
Bonjour Antoine.
- Antoine Lacouturière
Merci d'avoir accepté mon invitation et merci d'être là en limousin. Aujourd'hui, ce que je vous propose de faire, c'est de commencer l'épisode un petit peu différemment. Habituellement... Tout de suite, on donne la parole à l'invité en lui disant est-ce que tu veux bien te présenter pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ? Et j'ai envie, j'ai l'intuition de commencer différemment. Est-ce que c'est ok pour toi de commencer avec ta définition de la santé que tu as préparée et après te présenter ?
- Jennifer Leogier
Bien sûr.
- Antoine Lacouturière
Ok, super. Alors je te laisse la parole, le micro et je t'écoute.
- Jennifer Leogier
Santé. La santé n'est pas un bien, mais un chemin. C'est l'élan du sentir, l'art d'exister, un murmure entre le corps et la lumière du matin. Être en santé, c'est entendre ses besoins, c'est écouter le rythme du corps sans témoin. Pas dans l'avoir, ni dans l'agir effréné, mais dans l'être qui se laisse habiter. La santé est un poème incarné, où chaque sens devient chant sacré. Et dans ce dialogue tendre et suffisant, L'on se découvre entier, juste en vivant.
- Antoine Lacouturière
Waouh ! Je le découvre, du coup je ne l'ai pas lu, entendu, écouté avant. C'est en train d'arriver, de maturer pour reformuler. Je te remercie d'avoir préparé ça. Tu avais anticipé la question.
- Jennifer Leogier
Exactement, oui.
- Antoine Lacouturière
Tu connais le podcast et tu avais anticipé cette question-là.
- Jennifer Leogier
C'est ça, j'avais anticipé et je voulais proposer plutôt un poème qu'une définition.
- Antoine Lacouturière
Bien joué, merci, bravo pour ça. Est-ce que... peut-être qu'on reviendra sur ça après. Est-ce que c'est ok pour toi, en quelques mots, de donner des grandes lignes pour que les auditrices, les auditeurs puissent se dire, derrière ces mots, derrière la sensorialité dans le poème, derrière la finesse, la délicatesse, les rimes, l'image que tu nous donnes dans ces quelques mots, tu vas bien nous faire partager qui tu es.
- Jennifer Leogier
Bien sûr. Donc, je m'appelle Jennifer Léogier, je suis expatriée depuis 14 ans aux Etats-Unis, à Dallas, au Texas. Je suis masseuse. À la base, ce n'était pas du tout mon métier, j'étais anthropologue, quand même lié aux questions de santé, mais la vie a fait que j'ai changé de métier, de profession plusieurs fois. Et là, j'ai trouvé ce qui me va. Donc voilà, je suis masseuse aux Etats-Unis. Maman aussi, de deux enfants. Et voilà.
- Antoine Lacouturière
Super, ça trace le cadre. On a une bonne idée de la trajectoire. Masseuse, est-ce que tu veux bien préciser ? Parce qu'en France, on va le voir dans le podcast, mais le fait de toucher, contacter avec les mains, il y a beaucoup de professionnels différents qui le font. Est-ce que... Tu peux cadrer un peu aux Etats-Unis ce que ça veut dire masseur ?
- Jennifer Leogier
Bien sûr. Alors, pour devenir masseur, masseuse aux Etats-Unis, il faut faire une école de massage qui dure un an en général, avec Des heures de stage, entre 300 et 500 heures de stage. Il y a des classes de pathologie, d'anatomie, etc. Il y a des cours aussi pratiques, beaucoup de cours pratiques. Ensuite, il faut passer un examen qui est au niveau national. Et ensuite, on peut exercer. Et là, on a deux options. On peut exercer dans des spas, dans des centres de soins, pour des massages aussi bien relaxation que... Alors, je n'aime pas dire plus thérapeutique, parce qu'en fait, le massage relaxation, c'est thérapeutique en soi, mais il y a quand même cette distinction entre, entre, guillemets, entre massage bien-être et massage thérapeutique, même si en réalité, le massage bien-être, c'est déjà thérapeutique. Et donc, après l'école, en général, on a l'option ou d'ouvrir notre propre cabinet, notre propre, notre propre cabinet, ou alors de travailler dans un institut. Et là, souvent, la formation à l'école, c'est très général. Massage bien-être avec des petites options qu'on peut prendre, massage sportif, etc. Ou massage prénatal pour les femmes enceintes, etc. Et une fois qu'on sort de l'école, c'est là où vraiment la richesse peut commencer parce qu'on peut se faire former à des modalités. Et donc là, c'est les US. Beaucoup de choix, il y a beaucoup d'options et on peut devenir massage, on peut se spécialiser dans le massage oncologie, massage sportif, massage pré-natal, post-natal, le crânio-sacral aussi, les possibilités sont infinies presque.
- Antoine Lacouturière
Ça nous permet d'imaginer un petit peu. J'ai le sentiment en France qu'il n'y a pas forcément d'équivalent. C'est-à-dire que tu es un petit peu entre ma sœur kinésithérapeute, et je salue tous mes copains kinés que j'adore, et simplement ma sœur kinésithérapeute esthéticienne, socio-esthéticienne, ostéo. Alors, tu vois, j'ai ce sentiment-là que c'est un poste un peu à part pour vous.
- Jennifer Leogier
Oui, je pense. Alors je ne vis plus en France depuis très très longtemps, donc c'est très dur pour moi de comparer. Mais je pense quand même qu'il y a de grandes différences, parce qu'une fois qu'on sort de l'école, on peut se faire former, mais il y a des formations par exemple qui durent deux ans, trois ans, où on peut quand même exercer, mais en même temps on a des ateliers qui sont toutes les semaines, tous les mois, etc. Et là on arrive sur des choses quand même très très techniques. Avec justement, on revisite l'anatomie, on revisite des concepts, si on travaille sur les facias par exemple. Et je ne sais pas si il y a, je ne pense pas qu'il y ait ça en France, mais je ne suis pas sûre, je ne sais pas. Pour les masseurs, sans être kiné en fait.
- Antoine Lacouturière
Il va y avoir ça chez les ostéos, probablement chez les chiros, mais à ma connaissance, ça n'existe pas dans le côté spa. Je fais une différence du peu que j'ai vu dans les trois semaines aux Etats-Unis. et sur... Ce que je connais de la France plutôt bien, bien-être santé, c'est drôle, tu présentes ça et c'est vraiment important pour moi ces deux notions. L'OMS, l'Organisation Mondiale de la Santé, elle dit que la santé c'est un état de bien-être, mais en France quand tu dis je fais du massage bien-être, tout de suite tu dis attends, on va passer un bon moment, c'est du coco-ning, mais on n'est pas là pour la santé. Et je te rejoins, pour moi c'est plutôt, on n'est pas là pour guérir des maladies. Là, on est professionnel de santé, ok. Par contre, on est vraiment là activement pour favoriser du bien-être, que ce soit de la relaxation ou de ce que j'entends être un motif de consultation. Par exemple, quelqu'un qui vient te voir avec une lombalgie et où là, tu vas orienter le massage thérapeutique en mode je réponds à une demande peut-être plus symptomatique, entre guillemets.
- Jennifer Leogier
Oui, exactement.
- Antoine Lacouturière
Ça correspond un petit peu à ça. Oui,
- Jennifer Leogier
c'est exactement ça.
- Antoine Lacouturière
et intéressant pour les françaises les français qui écoutent en France ou à l'étranger parce que Chez nous, je pense que ce qui se rapproche le plus, c'est cette espèce d'intermédiaire entre spa, où là, clairement, les filles, parce que c'est principalement des nanas quand même, elles disent, voilà, moi, je suis là pour du bien-être, on est en superficiel, c'est rare qu'elles rentrent dans les tissus en profondeur. Et là, pour le coup, clairement, il n'y a pas toute cette possibilité de formation. Je sais que dans ton parcours, il y a eu de la dissection. C'est quelque chose qui... clairement n'est pas au programme de la formation SPA. On peut imaginer cette espèce d'intermédiaire où t'as pas le diplôme d'ostéo parce qu'aux Etats-Unis, ostéo, c'est médecine. T'as pas le diplôme de physio, physiothérapiste. Je crois que c'est ma soeur qui est une hésitéraphe équivalente. Par contre, t'as un rôle où... Eh bien, plutôt que moi j'en parle, peut-être tu peux nous dire ce que tu fais toute la journée quand tu travailles ? Qu'est-ce que c'est le fait de masser les gens pour toi ?
- Jennifer Leogier
Bien sûr ! Alors, je propose différents services et il y a les gens qui veulent venir que pour du bien-être. Entre guillemets, se mettre sur la table et un petit peu sombrer dans le monde ou dans l'entre-deux et juste se sentir bien et s'évader, qu'on prenne soin d'eux en fait. Alors là, je propose ça, mais je suis très claire en disant à mes clients, et donc c'est des clients, ce ne sont pas des patients, mais en disant à mes clients On ne travaille pas s'ils viennent en me disant « j'ai un problème de mobilité au niveau de l'épaule, j'ai le dos coincé » . Alors non, si on veut adresser ces problématiques, on passe dans d'autres types de soins. Mais si on est là pour vraiment juste du bien-être, se sentir bien, alors là, je vais utiliser même d'autres techniques. Je reste dans de l'effleurage, des choses très rythmiques qui mettent vraiment le système nerveux un peu en mode « ah, ça y est, c'est la relâche » . Vraiment tous les systèmes, le ventre commence à faire du bruit, les pupilles se dilatent et c'est ok, on se relaxe, c'est la relâche. Et je ne travaille pas moins de 90 minutes. Je sais que beaucoup de spas proposent juste des 60 minutes, 50 minutes. Je considère que ce n'est pas assez de temps en fait parce qu'on vit tellement des vies où on est à 300% et les gens ont vraiment du mal à se poser, à laisser faire la gravité sur la table. Dans le coup, je dis, ok, 90 minutes et on est là pour de la relaxation. Ça, c'est le premier type de soins que je propose. Et je propose d'autres types de soins avec du craniosacral et du travail avec les fascias. Et là, les gens viennent avec des problématiques spécifiques. J'ai beaucoup, donc 90% de ma clientèle sont des femmes et des femmes d'âge mûr, donc 40, 50, 60, 70 ans. Beaucoup de remplacements, par exemple, de hanches, de genoux, d'épaules. Et elles ont fait le kiné. Et elles se retrouvent, j'ai fini mes 12 sessions, mes 16 sessions, peu importe. Et je ne suis pas contente. Je n'ai pas fini, mais les protocoles qui sont proposés par les kinés, en tout cas aux US, on ne sait plus quoi faire, entre guillemets. Donc, elles viennent me voir et là, on travaille vraiment sur, OK, qu'est-ce qui se passe au niveau de cette articulation ? Qu'est-ce qu'on peut faire ? Etc. Et là, par contre, je peux proposer des sessions un peu plus courtes, 60 minutes ou 90 minutes. Mais je travaille pas moins de 60 minutes. Parce que pareil, il faut quand même toujours un petit peu apprivoiser. Avec des femmes d'âge mûr, il y a une vie entière avec beaucoup d'histoires, beaucoup de traumatismes. Donc, bon. On se pose sur la table, on parle, on fait une anamnèse. Et puis après, on commence à apprivoiser, à travailler. Et on peut arriver après sur des résolutions ou pas. Parce que des fois aussi, je renvoie d'autres spécialistes parce que c'est hors de mes compétences. Mais voilà comment je travaille. C'est un petit peu le tour de ce que je fais. Après, vraiment, il y a de tout. Je pense que c'est comme tout spécialiste de santé. On vient parce que... et je... anxieux, problèmes de sommeil ou alors vraiment de mobilité d'épaule articulaire, etc. Ça dépend.
- Antoine Lacouturière
Tu veux dire qu'il y a beaucoup de symptômes différents qui amènent les gens à te consulter ? Voilà,
- Jennifer Leogier
exactement.
- Antoine Lacouturière
Bon, top. Je crois qu'on peut avoir une bonne idée de ton quotidien. Tu poses les mains sur les gens, mais avant ça, il y a une phase d'anamnèse, de questions interrogatoires, entre guillemets, mais sans le côté, on va dire, policier, sur le côté recueil de données, l'histoire de vie des patients.
- Jennifer Leogier
J'appelle ça une interview, moi.
- Antoine Lacouturière
Interview. C'est le mot que tu utilises aux US ?
- Jennifer Leogier
Oui, c'est le mot que j'utilise aux US. On va faire une petite interview, on va parler suivant les personnes, mais ouais.
- Antoine Lacouturière
C'est un joli mot, j'ajoute celui-là. Tu interviews, vous faites une interview sur la table après, en fonction du motif, il y a aussi la notion de temps, et puis dans ce que tu décris, ça fait beaucoup d'écho avec nos vies d'ostéopathes quand même, à la fois sur le chemin qui amène les patients à te consulter, ou sur les modalités de comment ça se passe, mis à part le temps peut-être, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de séances d'ostéopathie qui arrivent à 90 minutes, d'accord. Je te remercie pour cette description qui nous permet de s'immerger un peu dans ton quotidien. Un des titres supposés, souvent je rédige les titres après l'interview parce que parfois on va dans un sens, dans l'autre. Là, un des titres supposés, c'est les bienfaits du massage et presque la nécessité d'être touché. En ostéo, je crois que c'est quelque chose dans nos discussions qu'on a pu avoir et au Texas en janvier et là, dans ces quelques jours partagés, où il y a vraiment cette sensation de... On a besoin d'être touché. te lance une perche là-dessus, c'est comment toi tu perçois ça, tu ressens ça, tu vis ça ?
- Jennifer Leogier
Ouais. Alors je vais faire un petit pont avec un podcast que tu avais publié il y a très longtemps. C'était avec une dame, si je ne me trompe pas, qui était spécialiste du sommeil. Et elle disait, et là je reformule, mais elle disait, les enfants en fait, on leur fait toute une cérémonie pour le coucher, pour aller se coucher. températures, les doudous, les câlins, le rituel, etc. Parce qu'en fait, il faut toutes ces choses. Et quand j'ai écouté ce podcast, elle disait ensuite on est adulte et on ne pense plus à ça. On a l'impression que comme on est adulte, on n'a pas besoin de tous ces rituels, on n'a pas besoin de tous ces rituels d'endormissement, etc. Et quand j'ai écouté cette dame parler, je me suis dit mais c'est exactement pareil avec le toucher. Et là j'ai fait un pont et je me suis dit alors... Quand on est enfant, on touche nos enfants tout le temps, on leur fait des câlins, on a tous lu des études qui montrent par exemple que les prématurés, ceux qui s'en sortent le mieux, c'est ceux qui passent le plus de temps en kangourou, à faire du peau à peau, parce que vraiment c'est un de nos besoins vitals en fait, de se faire toucher et de toucher. Sauf qu'on oublie ça en grandissant. Alors on est touché beaucoup et on touche beaucoup quand on est petit, nos mamans, nos papas, les câlins, et puis les copains aussi, on fait souvent des câlins, etc. Après il y a l'adolescence, et là c'est pareil, on est bras-dessus-bras-dessous avec les copains, les copines, les premières relations amoureuses, la découverte du toucher, mais cette fois sensuel, la sexualité, etc. on commence le monde adulte on a nos enfants et là on est encore une fois si on a des enfants On est encore une fois dans le toucher, on touche nos enfants tout le temps, les câlins, le soir on va aller se coucher sur les canapés, etc. Même des fois on prend l'apéro, nos enfants viennent, on les serre contre nous, etc. Et puis après, au plus on vieillit, et je trouve qu'au moins il y a le toucher présent dans nos vies en fait. Nos enfants grandissent, ils veulent moins être touchés, on les touche moins, il y a cette distance qui est normale. Et moi je travaille surtout avec des femmes matures, beaucoup de femmes qui n'ont plus de mari, qui ont perdu leur mari ou qui sont divorcées. Et en fait je trouve qu'il y a ce manque du toucher, elles vivent vraiment toutes ces femmes beaucoup dans... c'est la pénurie, c'est le désert tactile. J'aimerais vraiment des fois faire des enquêtes, à dire combien de fois par jour as-tu été touchée ? Un touché bienveillant, un touché qui n'est pas sensuel, qui n'a rien à voir avec la sexualité, juste le fait d'exister, d'être présent, d'être là. Et je me dis, en fait pour beaucoup de gens, il s'avère que je travaille avec des femmes, mais je pense que si on faisait des enquêtes globales, en fait je pense que pour beaucoup de gens, le toucher est presque inexistant. Peut-être qu'on fait une bise ou deux par jour, ou trois ou quatre, mais il n'y a pas d'autre forme de toucher qui existe une fois qu'on est à l'âge adulte et vraiment dans la deuxième partie de notre vie. Et donc moi je prends à cœur avec mon travail d'offrir ça, ce toucher qui rappelle qu'on existe, qu'on est là, qu'il y a quelqu'un qui est témoin. Et des fois, c'est vraiment aussi, l'intention, ce n'est pas de faire. Et c'est pour ça aussi que j'aime avoir 90 minutes. Parce que oui, on travaille sur des problématiques spécifiques. Mais j'ai du temps aussi, juste pour être là, pour être présente. Avoir une main sur une épaule, une main sur une jambe. Et souvent, pareil, en termes de système nerveux, c'est magnifique ce qui se passe. Parce qu'il y a, ah, eh bien oui. Ce toucher me rappelle que j'existe, ce toucher est témoin en fait. Alors là je vais dire un mot en anglais mais c'est juste du witness, I witness people. Je suis juste là à être témoin que les gens sont ici présents et ça rappelle aussi à une instanté. On est dans le présent parce qu'on ne peut pas être ailleurs en fait, on est juste là maintenant. Il y a toutes ces sensations corporelles ou pas. Donc oui, je dirais que le toucher, c'est central pour ma pratique, et puis aussi pour la vie. Je pense qu'on sous-estime, j'invite tes auditeurs, tes auditrices à regarder pendant 2-3 jours, et c'est combien de fois j'ai touché des gens, ou combien de fois j'ai été touchée. Et en fait, ça doit être très peu, et dans le coup, je me dis, en repensant à la dame qui parlait du sommeil, et je me dis, en fait, on... On loupe quelque chose, on passe à côté de quelque chose qui je pense est essentiel pour la santé justement, qui est essentiel pour notre existence en fait, pour être heureux, pour être en santé, pour être épanoui.
- Antoine Lacouturière
Magnifique. Je propose à titre exceptionnel une petite pause dans le podcast de quelques secondes pour que chacun, chacune puisse se dire comment c'était pour moi les derniers touchés, comment c'était les dernières fois que j'ai touché, que j'ai reçu un touché. Alors comment c'était pour vous les derniers contacts, les dernières fois qu'un être humain est venu poser une main ? Quand est-ce que c'était ? Dans quelles circonstances ? Et peut-être aussi les dernières fois que vous avez posé une main sur un être humain, sur un enfant, sur un parent, sur un conjoint, une conjointe, peut-être même sur un grand-parent. Notre rapport au toucher, on en a parlé plusieurs fois et je trouve ça... rigolo, chouette, du pont que tu proposes de ce parallèle avec Caroline Rome, que je salue, qui écoute les podcasts et qui me fait des retours de temps en temps. Donc c'était l'experte sommeil sophrologue et c'était le deuxième épisode il y a déjà un an et demi où elle parlait de ça. Pour celles et ceux qui ont envie, vous pouvez aller écouter le passage où elle dit qu'on crée des rituels pour les enfants et que finalement à l'âge adulte on oublie ça. Ça fait vraiment écho, cette attention portée à travers le sens kinesthésique touché, ostéopathiquement. Je vois la quantité de capteurs qu'on a sur la peau qui est colossale. Je ne suis pas sûr que les gens se rendent compte de la quantité de capteurs qu'on a pour les vibrations, pour les pressions douces, les pressions moyennes, les pressions profondes, les étirements, la température, la douleur, la chaleur, le plaisir, etc. C'est colossal. Ce qu'on vient de dire, Jenny, ça fait écho avec une discussion récente que j'ai eue avec d'autres invités du podcast sur les moments où on... Les êtres humains peuvent exprimer et peuvent être écoutés sans être interrompus. Et on se disait entre nous que finalement il n'y avait pas beaucoup de moments, en dehors des cercles intimes avec une relation d'amitié, de familial, mais en tout cas que dans les relations professionnelles et notamment dans le système de santé, en France. Le temps d'écoute, il était très très très faible, et que même on était interrompu en quelques secondes en moyenne dans les consultes médicales. Est-ce que c'est quelque chose qu'on pourrait... Tu vois, j'ai envie de faire un parallèle entre le temps d'écoute et le temps de toucher. Ça me fait vraiment penser à ça, à ces entrées sensorielles qui sont hyper importantes, et comment est-ce qu'elles sont intégrées dans la santé aujourd'hui. Et en écoutant tout ce que tu viens de dire, j'ai vraiment le sentiment finalement que... Ton métier, ta manière de le voir, je crois que c'est aussi ça, ta manière de le voir et de nous le proposer, c'est une manière d'apporter un point d'appui, une aide, un fulcrum, ta goutte d'eau, une graine, l'image que tu veux, mais dans un sujet où on en manque énormément. Tu vois ce que je veux dire ou pas ?
- Jennifer Leogier
Bien sûr, oui,
- Antoine Lacouturière
bien sûr.
- Jennifer Leogier
Alors, dans mon emploi du temps, j'ai 30 minutes. qui n'est pas inclus dans les 60 minutes ou les 90 minutes pour l'anamnèse, donc pour l'interview. Parce que comme tu dis, en fait, c'est très important pour le patient, le client, mais c'est aussi super important pour nous en tant que thérapeute, parce qu'en fait, en 30 minutes, et en fait, ça ne dure jamais 30 minutes, mais peut-être en 10, 15, 20 minutes, en fait, si on laisse le temps, Le patient, le client, donne toutes les informations. Si on s'est un petit peu creusé aussi, ou orienté une question ou deux, rebondir sur, vraiment, si on est à l'écoute entière, et on n'a pas, parce qu'aux Etats-Unis, une consultation chez un généraliste, c'est 6 minutes. Je ne sais pas en France exactement ce que c'est, mais 6 à 8, 8 max, c'est vraiment maximum, maximum. Et là... Moi j'ai accès à des informations quand on prend 20 minutes et qu'on se pose réellement. Ah ok, on a mal au cou, je ne sais pas, l'épaule, etc. Ok, depuis quand, ça vient d'où, etc. Qu'est-ce qui se passe en ce moment dans votre vie ? Est-ce que c'est récurrent ? Ah mais oui, mais en fait ça fait 20 ans, ok, ou ça fait 10 ans, ok. Donc ça me permet moi après d'être beaucoup plus stratégique, entre guillemets, une fois qu'ils sont sur la table. Et peut-être que c'est possible de le faire en six minutes, je ne sais pas. Mais en fait, je préfère prendre le temps. Et juste, comme tu dis, le fait d'être à l'écoute, déjà, ça met le patient ou le client en confort. Ils sont confortables, ils se sentent déjà plus à l'aise, bien, et ils se sentent écoutés. Et là, tout de suite, on établit cette relation thérapeutique à un autre niveau, je pense. que si on n'a que cinq minutes, alors qu'est-ce qui vous amène aujourd'hui ? Ok, bon, ben allez, on va passer sur la table. En fait, on a tous besoin, encore une fois, je pense qu'on a tous besoin de parler, de dire, et que des fois même, les gens se mettent à parler, et d'un coup, ils se rendent compte eux-mêmes. Ah, ben oui, mais en fait, oui, il y a quinze jours, il s'est passé ça, et en fait, c'est quand ça a commencé. Ah oui, d'accord, donc là, déjà, on peut mettre en place des réflexions, en fait. Mais après, je comprends aussi, oui, je travaille comme ça, mais c'est peut-être pas possible dans tous les cas de figure de faire ça, de prendre autant de temps.
- Antoine Lacouturière
Bien sûr. Et là, je reprends la parole pour déposer à nouveau, dans tous les épisodes du podcast, j'insiste et nous insistons avec les invités pour dire qu'on est là pour critiquer personne, dans le sens, c'est pas comme ça qu'il faut faire, que ce soit les médecins généralistes qui ont une... Une charge, une responsabilité importante et des rémunérations qui ne sont clairement pas à la hauteur de leur travail, que ce soit les autres professionnels de santé, les rééducateurs, je pense au kiné, à 16 euros 13, c'est impossible de travailler comme ça. C'est vraiment pas de dire vous devriez faire différemment les autres, en disant moi je fais bien, vous vous faites mal et c'est nul. L'idée c'est jamais ça, clairement. A la limite on pourrait critiquer les décideurs qui imposent des numerus clausus et des quotas pour dire on est de moins en moins de soignants il y a de plus en plus de demandes et mis à part faire du rendement en augmentant la quantité de personnes et en diminuant le temps, il y a quand même peu de façons de faire et c'est terrible, donc ça vraiment clairement tu peux être très à l'aise dans le podcast le fil rouge était toujours là de dire on illustre, on montre, on propose d'autres choses sans dire c'est nul c'est archi nul, jamais donc sans toi très à l'aise, l'idée c'est de dire que dans ta pratique aujourd'hui C'est important pour toi d'offrir cet espace d'écoute, de verbalisation, d'échange, d'interview, et qu'après tu vas proposer un temps manuel de contact avec ton bagage qui est quand même grand. On va aller un peu plus loin tout à l'heure dans l'interview sur ton passé universitaire, mais dans ton passé de compétences manuelles, il y a cette année de formation, et puis il y a eu aussi d'autres formations continues qui sont vraiment venus augmenter ton champ de compétences et qui te rapproche pour moi d'une ostéo en France véritablement. Tout ça pour dire que j'ai l'impression qu'en fait dans tes séances il y a vraiment ces deux sens qui ressortent fort. L'espace laissé aux autres pour être entendu Là j'ai une petite pensée pour Thomas Dansbourg qui parle de mal entendu, de mal écouté, mal formulé, donc pour être bien entendu et pour être touché avec un toucher bienveillant thérapeutique. Deux choses qu'on retrouve assez peu dans la vie aujourd'hui. Comment est-ce que c'est perçu aux US ce rôle que tu as un peu intermédiaire, sans rentrer dans les critiques des pros de santé dont on vient de parler ?
- Jennifer Leogier
Alors, le système de soins est... tellement différents aux Etats-Unis et une consultation chez un docteur classique pour cette consultation de 8 minutes à peu près ou 6 minutes est facturée en général 170 dollars 180, même 200 dollars suivant les médecins Après, on peut se faire rembourser si on a une bonne assurance ou pas, etc. Mais c'est des montants très hauts, en fait. Donc, les gens, par exemple, qui, en France, vont voir le médecin parce qu'ils ont une lombalgie, parce qu'ils ne peuvent plus tourner la tête, parce qu'ils ont un mal de tête, parce qu'ils sont anxieux, et qui vont voir le médecin, en général, le médecin va prescrire ou des médicaments, ou des médicaments ou de l'imagerie. Et donc, après, il faut encore payer. Pour les médicaments, pour l'imagerie. Donc en fait, souvent, les gens ne vont pas voir le médecin généraliste, parce qu'en fait, c'est juste une question de moyens. Et ils préfèrent, si je peux dire le prix, mais moi, par exemple, pour une heure, c'est 105 dollars, et pour 90 minutes, une heure et demie, c'est 155 dollars. Et donc, les gens préfèrent venir voir des thérapeutes manuels, enfin, faire de la thérapie manuelle. plutôt que d'aller chez le médecin parce qu'ils vont payer moins cher et ils vont passer une heure et demie à vraiment être entendu, écouté, manipulé, enfin manipulé, je ne manipule pas. C'est ok,
- Antoine Lacouturière
manipulé, mobilisé.
- Jennifer Leogier
Voilà, mobilisé, c'est plus adéquat. Et dans le coup, je pense qu'ils se sentent beaucoup plus à l'aise, enfin pour eux c'est un meilleur investissement. leur santé aussi basse on va essayer ça d'abord et puis si vraiment ça passe pas ou des fois par exemple je dis normal il faudrait mieux aller voir un ostéo ou généraliste parce que je sais hors de mes compétences donc en fait on est très sollicité très très très sollicité à cause en fait d'un système général plus global qui qui est pas Qui ne va pas dans le sens des patients, quoi. Qui fait défaut aux patients.
- Antoine Lacouturière
Ok. ce qu'on est en train de se dire jenny ce qu'on est en train de partager ça j'ai une image qui me vient aujourd'hui en france il ya des spas des espaces des instituts de bien-être de beauté de bien-être qui sont gérés par des esthéticiennes avec différentes je vais dire orientation tu vois tu as les massages californiens les massages etc mais en gros c'est du massage Sémantiquement parlant, le mot juste c'est modelage, parce que massage il est réservé aux masseurs-kinesithérapeutes, même si dans la réalité des faits, pour plein de raisons différentes, les masseurs-kinesithérapeutes ne massent presque plus. C'est rare des kinés qui massent. Mais j'ai pas envie d'aller dans ce sujet-là de critique, j'ai plutôt envie de dire, je constate au quotidien, dans mon job d'ostéo, de sophrologue, que... Les instituts de beauté qui produisent des soins de confort sont parfois complets à deux mois, tu vois. Aujourd'hui, à Limoges, là, autour de nous, il y a plusieurs instituts qui ont un mois et demi, deux mois d'attente complète, tu vois, sur les 10-12 créneaux de la journée. Des fois, ils sont 6-7-8 amassés. Et je me dis, mais il y a quand même un besoin qui fait écho avec tout ce qu'on a dit. Pour moi, ça fait quand même tilt. Je me dis, attends, on a raté quelque chose. Les professionnels de santé, ils sont là pour la maladie. Et dès qu'il y a un problème, on est tous très contents de les trouver en disant, là, j'ai une pathologie grave, j'ai besoin de vous, et c'est OK. Par contre, ce temps d'écoute, ce temps de massage qui remplit nos cabinets, je pense qu'il est grandement sous-estimé dans la partie participation à l'état de santé, à cet état d'être là. Est-ce qu'aux Etats-Unis, vous êtes mieux vu, mieux toléré que nous en France ? Tu vois, il y a vraiment une forme de clivage entre les pros de santé, une partie, pas tous comme d'hab, on ne fait pas de généralité, mais ce côté thérapeutique pathologique, attention, chasse gardée, mot gardé, avocat, ordre, etc. Et ce côté non, là on fait juste du confort, du coup conning quoi, en gros. Et le lien entre les deux, il est parfois... Parfois délicat. Comment est-ce que ça se passe aux US pour vous ?
- Jennifer Leogier
Alors tout ce que je vais dire, c'est basé que sur ma propre perception, mais je pense que c'est bien moins clivé. Il n'y a pas ce clivage entre professionnel de santé et professionnel de bien-être ou masseur, etc. Par exemple, je vais donner deux exemples très simples. Mon médecin généraliste donne mes cartes. Et quand il a des patients qui lui pensent, ou il devrait peut-être aller se faire masser, faire de la relaxation, avoir un temps pour eux, etc. Donc, il me réfère en fait. Mon ostéo, pareil, je suis dans sa base de données et elle me réfère à des clients. Il y avait un chirurgien orthopédique, une de mes clientes, remplacement de hanche, elle va chez le kiné, elle ne regagne pas ce qu'elle voulait regagner. Et donc son orthopédiste lui dit, en fait, là maintenant, trouve-toi quelqu'un qui fasse du massage, qui travaille avec les fascias, qui travaille thérapeutique un peu plus, mais quand même masseuse. Trouve-toi quelqu'un. Elle me trouve... On travaille ensemble pendant deux mois et elle est très contente, tout va bien. Donc elle en parle à son orthopédiste et l'orthopédiste dit « Bon, donne-moi sa carte et maintenant j'enverrai les patients comme toi qui ont besoin d'extra, enfin d'un petit peu plus ou de quelque chose d'autre, du complémentaire, etc. » Donc il n'y a pas cette notion de… En tout cas, moi je ne ressens pas cette notion. Tu la ressens moins comme ça.
- Antoine Lacouturière
Je la ressens beaucoup moins.
- Jennifer Leogier
Je mets aussi des parenthèses. Il y a évidemment des pros qui travaillent en pluridisciplinaire, et c'est génial. Malgré tout, il y a quand même cette notion bien-être et pas santé, que je trouve intéressante. Et c'est aussi l'idée du podcast, c'est de les réunir et de dire en fait, on est dans une grande équipe, et on travaille tous avec des notions de compétences, des champs de compétences. On ne va pas opérer demain une péritonite, on ne va pas opérer demain un abcédentaire. Non, ce n'est pas dans nos compétences. Par contre, réciproquement, l'espace qu'on crée aux gens d'être entendus touchés, déposés, avec un impact sur le système nerveux, système nerveux autonome et parasympathique, et ses états de relaxation profonds. Alors je crois qu'il n'y a pas beaucoup d'autres endroits où, dans le système de santé, on est amené à ça. De plus en plus, et heureusement, mais ça fait partie des idées.
- Antoine Lacouturière
Surtout qu'il y a un réel besoin, comme tu le dis, les instituts sont pleins. Parce que les vies qu'on mène, les systèmes nerveux ne sont pas faits pour vivre ces vies-là. Dans le coup, on a besoin de ces instants. Parce que juste être assis sur le canapé à regarder Netflix, ça ne repose pas. Et les gens ont besoin de ça, de venir dans une salle où il fait sombre, où on peut se poser, on peut se relaxer. Par contre, au début, je faisais un peu plus de relaxation bien-être. Ce qui était un petit grand soir, encore une fois.
- Jennifer Leogier
On a bien compris.
- Antoine Lacouturière
Surtout que là, il y a plein d'études scientifiques avec des choses objectivables. Ah oui, le rythme cardiaque change, les endorphines, etc. Donc il y a toutes ces choses qui montrent bien que ça marche en fait. Par contre, comme je disais toujours à mes clients au début quand je faisais beaucoup de relaxation, On ne peut pas dire, parce qu'il y a un peu cette injonction aussi à prendre soin de soi, il faut prendre soin de soi. Et on a cette idée, si je vais me faire masser, je vais me faire faire une pédicure, une manucure, en fait je prends soin de moi, je prends du temps pour moi. Alors oui c'est génial, mais faire ça une fois par mois. Alors après les moyens, le temps, les moyens financiers, le temps, je sais que c'est toujours une équation assez problématique. Une fois par mois, même une fois tous les 15 jours, en fait je leur disais ça ne suffit pas. Vous ne pouvez pas dire oui je prends soin de moi en allant me faire masser une fois par mois. C'est génial, c'est extraordinaire déjà. Mais en fait vraiment j'invitais mes clients à dire qu'est-ce que vous pouvez mettre en place tous les jours justement pour contrebalancer ces vies qu'on mène à 300 à l'heure qui nous fatiguent en fait, qui nous usent.
- Jennifer Leogier
J'entends dans ce que tu dis le fait de ne pas décharger la responsabilité de redescendre dans les tours, que ton système nerveux il sort de la zone de stress, de orange rouge, de charge mentale colossale, de ne pas dire c'est bon, j'ai vu le masseur, la masseuse, c'est ok, dans 15 jours je vais pouvoir souffler, elle va tout gérer, tout guérir, ça fera écho et il y a un paquet de thérapeutes qui vont se reconnaître en disant Oui, dans le quotidien, on le voit dans les cabinets, les patients qui viennent en disant « C'est bon, là, il était temps que je vienne vous voir parce que faites pour moi, faites à ma place. » Et non, mauvaise pioche. On entend ça aussi. Tu as dit plusieurs choses qui m'amènent à croire que tu as une perception du corps humain qui est assez complète quand même. Tu parles de système nerveux. je triche et j'anticipe un peu parce que je sais dans le background que tu as aussi fait des formations spécifiques. Est-ce que tu peux nous parler de ce que tu as eu envie d'aller chercher pour aujourd'hui percevoir ça, le poème d'entrée, les premiers mots que tu as posés, cette vision, cette proposition d'entendre, d'écouter, de toucher, d'entendre aussi quelque part avec les mains et de proposer ces espaces. Mais il n'y a pas que ça, il y a aussi cette notion
- Antoine Lacouturière
système nerveux comment tu as été creusé ça alors tout de suite en sortant de l'école en fait je me suis dit alors le massage relaxation et bien-être c'est génial et oui ça marche mais j'avais envie de creuser un peu plus et donc là encore une fois comme il ya beaucoup de possibilités moi ce qui m'attirait vraiment c'était j'aime mettre dans les tissus en fait donc travailler avec les fascias spécifiquement Donc je me suis fait former plusieurs formations avec différents grands noms aux Etats-Unis qui sont spécialistes des fascias. Et aussi le système nerveux, c'est au centre de ma pratique en fait, vraiment c'est central. Donc je me suis fait former en craniosacral avec l'Institut Appledger. Et j'ai beaucoup lu sur la théorie polyvagale aussi, pour être, moi en tant que thérapeute, un peu le compas, enfin non le compas, la boussole pardon, la boussole dans la pièce. Si mon système nerveux est régulé, si je suis calme, si je suis honneur, mon travail aura un plus grand impact. Et c'est important aussi de se remettre en question, soit en tant que thérapeute. Donc je me suis formée à toutes ces modalités, toutes ces courants de pensée, tous ces modèles, je ne sais pas comment on peut appeler ça. Et il y a une autre pièce centrale qui était vraiment importante pour moi, c'était, on travaille avec des corps, enfin on travaille avec des corps toute la journée, des corps physiques vraiment.
- Jennifer Leogier
Des systèmes corporels.
- Antoine Lacouturière
Des systèmes corporels, voilà. On travaille avec des systèmes corporels toute la journée, mais on est toujours au dehors, ce qui est normal. Et je me suis dit, j'ai quand même envie de voir ce qui se passe à l'intérieur, vraiment. Alors on peut prendre les encyclopédies comme le Netter, par exemple, des encyclopédies d'anatomie, voilà. Mais je me suis dit, je veux aller plus loin. Et donc on a la chance aux États-Unis qu'il y ait deux ou trois personnes aux US qui proposent en fait de faire des stages de dissection. Donc je suis partie en stage de dissection dans le Colorado avec Gil Headley, qui propose à tout le monde, presque, ou presque, alors bien sûr il y a un dossier d'entrée avec une centaine de questions, un essai à écrire, etc. de faire des dissections sur des corps non préservés et donc en une semaine On rentre dans le système corporel, donc on commence par disséquer nous-mêmes, en ce cas le pelle en main, la peau, ensuite la couche adipeuse, ensuite on est dans les muscles, les fascières, etc. Il y a un jour qui est réservé à l'éviscération, donc tout ce qui est viscère, et puis les deux derniers jours, on travaille sur la forme... sur le skeletonize, donc juste les articulations et le squelette quoi, il n'y a plus rien, il ne reste plus rien. Et ça pour le coup, ça a été certainement une des semaines les plus, enfin qui m'ont transformée au niveau personnel et professionnel. Ça a permis de rajouter une dimension dans mon travail. Même si, bien sûr, chaque être humain est différent, et pendant le stage, il y avait quatre corps, et donc les variations d'un corps à l'autre sont très grandes, parfois en termes d'attachement musculaire, ça varie énormément, mais quand même, ça m'a donné vraiment cette... vision interne et maintenant ça m'aide beaucoup en fait dans mon travail de tous les jours parce que ce que je touche avec mes mains je peux le voir aussi dans ma tête en me disant ah oui c'est comme ça ou c'était comme ça etc donc ça a rajouté vraiment une dimension et puis même au niveau humain au niveau personnel c'était extraordinaire
- Jennifer Leogier
Magnifique, on peut saluer Guil que tu connais, j'ai eu la chance d'avoir accès à plusieurs de ses vidéos et à changer avec lui. Il n'écoutera pas le podcast en français, il m'avait dit que tu as un bien meilleur anglais que moi en français. Un jour j'irai le voir, c'est sûr. Et peut-être qu'on peut inviter les auditrices et les auditeurs à jeter un coup d'œil sur son site internet parce qu'il y a une partie qui n'est pas premium, qui est gratuite. Accessible, oui.
- Antoine Lacouturière
Et puis il y a des vidéos sur YouTube aussi qui sont... qui sont gratuites, accessibles.
- Jennifer Leogier
On mettra le lien dans la description. Et ça fait aussi écho avec le docteur Gimberto, que j'ai envie de citer à ce moment-là, parce que leur travail, leurs travaux, les deux sont assez complémentaires. Ils ont une vision qui se rejoint sur un grand nombre de points. Donc on sent quand même cette volonté d'aller au-delà de la peau, d'aller à travers, d'aller au-dedans. Et ça permet d'illustrer cette profondeur, cet engagement derrière. C'est pas simplement le fait de masser. C'est pour ça que je disais que pour moi, tu te rapprochais vraiment du profil d'ostéo en France. De certains ostéos en tout cas. Et je crois qu'il n'y a pas que ça, Jenny. Derrière cette humilité qu'on entend, qu'on devine, je crois qu'il y a aussi un autre champ de compétences plus universitaire. que moi je ne connais pas très bien. Est-ce que tu peux nous partager ce parcours et ces questions qui étaient là depuis longtemps dans ta vie finalement ?
- Antoine Lacouturière
Bien sûr. J'ai une licence et un master en anthropologie et un master en anthropologie appliquée aux questions de santé. J'ai travaillé notamment sur des questions de prévention du suicide financées par les ARS en Rhône-Alpes. pour savoir ce qui se passait sur le terrain, etc. Donc j'ai fait ça pendant un moment, et ensuite je suis partie aux Etats-Unis. Et là, il y a eu une petite redirection. J'étais redirigée par la vie. Aux Etats-Unis, il n'y avait pas beaucoup d'argent. Enfin, il n'y a pas beaucoup d'argent. pour adresser les questions sociales en fait. En France, notre équipe était pluridisciplinaire, il y avait même un philosophe dans notre équipe, un sociologue, un épidémiologiste, moi en tant qu'anthropo. Et quand je suis arrivée aux Etats-Unis, alors ça c'était un petit peu, le concept était un peu alien. Ils adoraient l'idée, « Oh, waouh, c'est génial, waouh, vous travaillez avec même un philosophe ! » C'était vraiment le truc « waouh, mind blown ! » Mais c'est là maintenant mais nous on n'a pas d'argent donc vous pouvez travailler mais gratuitement ce qui à l'époque m'intéressait pas j'aurais peut-être dû parce que j'aurais créé un réseau etc mais je n'ai pas fait donc je me suis réorienté une première fois dans ma carrière, vers l'éducation. Et j'ai enseigné pendant huit ans dans un lycée. Et j'ai enseigné les cultures du monde, la géographie, ce qui me rapprochait de l'anthropologie. Et j'avais laissé un petit peu toutes les questions de santé. Et quoique, parce que j'enseignais aussi une classe qui s'intitulait Health, donc santé. Et aucun autre prof ne voulait enseigner cette classe. parce que la santé, la sexualité est inclue dans la santé et donc les profs américains ne voulaient pas toucher à ces questions. Moi, je n'ai pas de problème. Je peux faire la santé. J'adore la santé, la sexualité. Pas de problème. Ça fait partie de la vie. Pas de souci. Mais c'était très européen, entre guillemets. Donc, j'ai fait ça. Donc, ça m'a un petit peu quand même les questions de santé. Et puis après, une autre réorientation de la vie. j'ai eu un accident de voiture qui m'a je ne pouvais plus utiliser une de mes jambes et j'ai rencontré un kiné extraordinaire qui n'était pas du tout dans les tissus en fait au début et qui m'a dit ok je vais te parler de système nerveux, je vais te parler de la douleur. Et qu'est-ce que la douleur, en fait ? Est-ce que c'est physique ? Est-ce que ton cerveau, etc. ? On a fait beaucoup de respirations, beaucoup de... Et en fait, c'était très éducationnel, presque. Il me faisait des petits graphes, il avait un tableau blanc, il me faisait ses graphes, il me faisait faire des choses. Alors là, si ton système nerveux, il reste là-haut, après, chaque stimulus, tadadadada. Et donc là, ça m'a... Oh ! Je me suis dit... tout un monde en fait. Et comme les changements professionnels aux Etats-Unis, c'est très flexible. Il n'y a pas trop de rigidité. Je me suis dit, bon, je me réoriente. Et j'ai pensé à ostéopathe, mais faire médecine, ce n'était pas une option à ce moment-là. Et dans le coup, je me suis dit, en fait, masseuse, c'est génial parce qu'il y a quand même ce côté et avec ces classes quand même de pathologie, d'anatomie, de physiologie, de kinésiologie, etc. Et je me suis dit, en fait, c'est pas mal. Et là, je me sentais plus à l'aise de faire une année d'école, passer un examen. Et puis, donc voilà, encore une autre réorientation.
- Jennifer Leogier
Merci pour ce témoignage qui est riche. On entend le parcours universitaire, la transition France-Europe. système de vision de pensée arrive aux états unis on entend les histoires de vie aussi avec cet accident et puis les personnes que tu croises qui qui participent à ces réorientations c'est riche ça vient rajouter une un élément de compréhension par rapport à la lecture que tu peux avoir du corps surtout le côté à la fois universitaire au départ et petit à petit Intratissulaire entre guillemets avec les mains. Génial, merci pour ça.
- Antoine Lacouturière
De rien.
- Jennifer Leogier
À nouveau un échange enrichissant avec cette compréhension du parcours de l'être humain au milieu du soignant. C'est la soignante que tu es aujourd'hui parce que pour moi c'est du soin clairement, au sens donner des soins, recevoir des soins, prendre soin. Et puis cette histoire de vie qui nous permet de deviner un petit peu, d'imager, d'illustrer ton parcours. Il me reste deux choses à faire. Comme un fil rouge du podcast aussi, comme la fin, la première chose, c'est te remercier pour le lien créé aux Etats-Unis, parce que ça fait partie de la richesse du voyage, Jenny. Donc je te remercie très chaleureusement à nouveau pour ce que tu m'as permis de voir, faire vivre, être, ressentir aussi là-bas, sur le plan pro, mais aussi sur le plan perso. Il y a cet épisode qui sort aujourd'hui en France, en limousin, à côté de Limoges. Et je trouve ça génial, cette magie du podcast, de se dire qu'il y a encore un an, on ne se connaissait pas et on était à un océan d'écart. Et là, on partage ça, cette richesse-là. Je ressors avec plein de convictions, d'être renforcé dans certaines idées. Et puis aussi avec cette ouverture sur ce que tu nous proposes. Ça m'énerve. Ça agrandit le spectre, ça donne cette envie de renforcer les invitations à... apporter attention à ces espaces, à ces espaces presque sacrés de temps d'écoute et de temps de toucher, d'être touché, de recevoir ça, de donner ça aussi. Donc un grand merci pour tout ça. Moi j'arrête de parler après, c'était des longs remerciements, mais la gratitude on sait aujourd'hui que c'est important. Alors le verbaliser et l'exprimer, j'ose de plus en plus. Merci pour tout ça. Je te laisse le micro ouvert pour... dire ce que t'as envie, pour partager avec la communauté, toucher du doigt ce qui te fait envie. Et puis, si quand même, toucher du doigt la santé et le massage, les bienfaits du massage, finalement, il fallait absolument qu'on le fasse cet épisode. Et puis, je te propose aussi de garder un temps après ça pour relire la version longue de ton poème. Je trouve que pour clôturer le podcast, ça sera magnifique. Voilà, Jenny.
- Antoine Lacouturière
Ok, bah déjà, merci Antoine de cette invitation et de ... me donner la parole, de partager ce temps ensemble, merci infiniment. Peut-être un message pour tes auditeurs, auditrices, de leur dire que la santé peut aussi passer par le toucher, et de peut-être s'interroger dans leur vie quotidienne, et d'essayer d'intégrer ce toucher, être touché, et toucher aussi les gens qu'on aime, les gens que... poser une main, une main bienveillante, une main vraiment en présence, en pleine présence, en pleine conscience. et de voir ce qui se passe à l'intérieur d'eux et à l'intérieur des gens qui touchent. Peut-être cette invitation pour tes auditeurs, auditrices. Voilà, je vais lire ce poème. Santé. La santé n'est pas un bien, mais un chemin. C'est l'élan du sentir, l'art d'exister. Un murmure entre le corps et la lumière du matin. Être en santé, c'est entendre ses besoins, c'est écouter le rythme du corps sans témoin. C'est l'art de la relation, l'espace partagé. Pas dans l'avoir ni dans l'agir effréné, mais dans l'être qui se laisse habiter. Un intérieur riche de sensations, un extérieur où vibrent les frissons. La santé est un poème incarné, où chaque sens devient chant sacré. Et dans ce dialogue tendre et suffisant, on se découvre entier, juste en vivant.
- Jennifer Leogier
L'épisode touche sa fin avec ces mots. J'espère que vous en retiendrez quelque chose de positif. Une image, une question, une idée, des graines à semer ou de nouvelles perspectives autour des soins, du bien-être et de la santé. Si la démarche vous plaît, je vous invite à prendre quelques instants pour participer à la croissance du podcast. Un partage sur les réseaux sociaux, une note sur les applications Apple Podcasts ou Spotify, travail. et aussi la possibilité d'échanger directement si le cœur vous en dit. Cela contribue à l'aventure, alors merci d'avance pour ces quelques instants. Je vous souhaite une très belle fin de journée, soirée, nuit, et je vous dis à bientôt.