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Chloé Thibaud, autrice et journaliste, au café les Tournesols pour son livre Désirer la violence cover
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Un café au comptoir - interview art, culture et littérature

Chloé Thibaud, autrice et journaliste, au café les Tournesols pour son livre Désirer la violence

Chloé Thibaud, autrice et journaliste, au café les Tournesols pour son livre Désirer la violence

53min |08/10/2024
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Un café au comptoir - interview art, culture et littérature

Chloé Thibaud, autrice et journaliste, au café les Tournesols pour son livre Désirer la violence

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53min |08/10/2024
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Description

Venez écouter Chloé Thibaud parler féminisme, cinéma et violence !


Il y a des livres qu’on aimerait ne pas avoir lus tant ils changent notre manière d’aimer certaines choses de notre quotidien. Celui écrit par mon invitée appartient à ceux là. Dans Désirer la violence (aux éditions Les Insolentes), on est confronté à ce qu’on n’avait pas vraiment envie de voir même si c’était planté comme un nez au milieu d’une figure… artistique, je parle de l’omniprésence de la  misogynie, du sexisme, du masculinisme et autres discours déviants et violents dans la pop culture, entendez par là, dans le cinéma, la musique, la peinture, la littérature, les séries tv, la publicité, bref tout ce à quoi on n’échappe pas et qui nous influence à notre insu jusqu’à modifier nos  comportements en société.


Car oui, spoiler alert  de la pub au pur divertissement,  insidieusement, un processus de manipulation s’opère sur notre façon de penser le monde . Et alors me direz-vous ? Il n’y a qu’à faire la part des choses. Bien sûr, vous répondrai je mais ce n’est pas si simple ! On parle d’un film, d’une chanson, qui dans ses images ou ses paroles banalise et rend acceptable la brutalité  ordinaire, de la claque au viol. Si l’autrice de cet essai peut se targuer de recevoir régulièrement  volées de bois vert et tombereaux d’insultes pour avoir dénoncé la violence sous jacente chez des génies tous  arts confondus, c’est que sa parole fait réfléchir et bûcher le système patriarcal.


J’imagine que c’est dur pour elle, éreintant même, éprouvant  de se prendre  ce mur de commentaires  vindicatifs, cimenté à la bêtise crasse. Moi, je l’ai touché du doigt, ce mur, il n’y a pas si longtemps avec Régis. Régis, c’est son vrai prénom, ce n’est pas un hommage au sketch des Nuls même si la réalité a fini par rejoindre  la fiction , Régis donc , est venu commenter sur Instagram un extrait de mon interview de Giulia Foïs.


Faisant fi des propos de mon invitée, Régis y est allé de son « not all men » « pas tous les hommes. » D’ailleurs  son épouse  pouvait  en témoigner, il aide à la maison… une perle ce Régis, revenant inlassablement à la charge pour défendre son bout de gras,  méprisant le cœur du sujet , le problème d égalité homme/ femme dans toutes les strates de la société mis en exergue par Giulia Fois .


Ce qui avait scandalisé sa conscience victimaire, c’était que mon invitée puisse parler de féminisme. Dans les commentaires, j’avais beau, comme avec un copain un peu lourdingue ou bourré, d’homme à homme, entre couilles, essayer  de ramener Régis à la raison, ou sur le chemin d’une réconciliation  même timide. Rien n’y faisait. Régis restait sourd  à tout argument.


Pour lui, en résumé «  les féministes faisaient chier » alors oui la dessus je le rejoins elles nous font chier car elles nous  plongent le nez dans notre propre caca, et c’est fort déplaisant.  Preuve  que le travail d’anthropologie culturelle de mon invitée est salutaire,  non …indispensable


Sa démonstration dans Désirer la Violence, toute implacable qu’elle soit, ne  se fait jamais dans l’animosité ou la rancoeur. Elle est humanisée  parce que racontée  par le prisme  de son expérience, d’anecdotes  humoristiques ou poignantes .


C’est donc pour en savoir davantage que ce que son compte Instagram et ses livres - car il y en a plusieurs !- donnent à comprendre sur elle, sur son tatouage dans le dos et surtout sur sa pensée acérée que je j'ai retrouvé Chloé Thibaud au café Le Tournesol rue de la gaité à Paris pour prendre avec elle un café au comptoir.



présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/


Enregistré au cafe Le Tournesol
https://www.reserverbarparis.fr/bar/le-tournesol/


instagram Chloe Thibaud :

https://www.instagram.com/chloe_thbd/





Transcription

  • Speaker #0

    Quand tous les matins on se réveille et qu'on a des commentaires qui nous disent qu'on est débile, je me sens de plus en plus en rebelle. J'ai pleuré de colère. Si Emmanuel c'est un chef-d'oeuvre de l'érotisme, vraiment j'arrête en fait, j'arrête.

  • Speaker #1

    Dans un café, tout le monde y passe et chacun s'y retrouve. Je suis Alexis Himéros et j'adore découvrir ces bars, ces cafés, où il fait bon prendre la boisson de son choix pour admirer le temps qui passe. J'ai demandé à des personnalités de m'inviter à partager leur zinc préféré pour prendre avec elles un café au comptoir. Il y a des livres qu'on aimerait ne pas avoir lus tant qu'ils changent notre manière d'aimer les choses dans notre quotidien. Celui écrit par mon invité appartient à cela. Dans Désirer la violence, aux éditions Les Insolentes, on est confronté à ce qu'on n'avait pas vraiment envie de voir, même si c'était planté comme un nez au milieu d'une figure artistique. Oui, parce que je parle de l'omniprésence, de la misogynie, du sexisme, du masculinisme et autres discours déviants. et violents dans la pop culture, entendez par là, dans le cinéma, la musique, la peinture, la littérature, les séries TV, la publicité, bref, tout ce à quoi on n'échappe pas et qui nous influence à notre insu jusqu'à modifier nos comportements en société. Car oui, spoiler alert, de la pub au pur divertissement, insidieusement, un processus de manipulation s'opère sur notre façon de penser le monde. Et alors, me direz-vous, il n'y a qu'à faire la part des choses. Oui, maman. Bien sûr, mais je vous répondrai que ce n'est pas si simple. On parle d'un film, d'une chanson qui, dans ses images ou ses paroles, banalise et rend acceptable la brutalité ordinaire de la claque au viol. Si l'autrice de cet essai peut se targuer de recevoir régulièrement volés de bois vert et tomberaux d'insultes pour avoir dénoncé la violence sous-jacente chez des génies tous arts confondus, c'est que sa parole fait réfléchir et bûcher le système patriarcal. J'imagine que c'est dur pour elle, éreintant même, éprouvant, de se prendre... Ce mur de commentaires vindicatifs, cimentés à la bêtise crasse. Parce que moi, je l'ai touché du doigt, ce mur, il n'y a pas si longtemps, avec Régis, c'est une histoire vraie. Régis, c'est son vrai prénom. Et ce n'est pas un hommage au sketch des nuls, même si la réalité a fini par rejoindre la friction. Régis, donc, est venu commenter sur Instagram un extrait de mon interview de Julia Foyce. Faisant fi des propos de mon invité, Régis y est allé de son not all men, pas tous les hommes. Et d'ailleurs, son épouse pouvait en témoigner. il aide à la maison. C'est une perle, ce Régis, revenant inlassablement à la charge pour défendre son bout de gras, méprisant le cœur du sujet, le problème d'égalité homme-femme, dans toutes les strates de la société mise en exergue par Julia Foy. Ce qui avait scandalisé sa conscience victimaire, c'était que mon invité puisse parler de féminisme. Dans les commentaires, j'avais beau, comme avec un copain un peu lourdingue ou bourré, d'homme à homme, entre couilles, essayer de ramener Régis à raison ou sur le chemin d'une réconciliation, même timide, Rien n'y faisait, Régis restait sourd à tout argument. Pour lui, en résumé, les féministes faisaient chier. Alors oui, moi là-dessus, je le rejoins. Oui, elles nous font chier, car elles nous plongent le nez dans notre propre caca. C'est fort déplaisant, preuve que le travail d'anthropologie culturelle de mon invité est salutaire. Non, il est indispensable. Sa démonstration dans Désirer la violence, toute implacable qu'elle soit, ne se fait jamais dans l'animosité ou la rancœur. Elle est humanisée. parce que racontée par le prix de son expérience d'anecdotes humoristiques ou poignantes, nettement moins drôles même. Et c'est donc pour en savoir davantage que ce que son compte Instagram et ses livres, car il y en a plusieurs, donnent à comprendre sur elle, sur son tatouage dans le dos, et surtout sur sa pensée acérée que je l'ai retrouvée au café Tournesol, vue de la gaieté à Paris, pour prendre avec elle un café au comptoir. Bonjour Chloé Thibault.

  • Speaker #0

    Bonjour, quelle introduction.

  • Speaker #1

    Incroyable.

  • Speaker #0

    Ça m'a beaucoup plu.

  • Speaker #1

    Tout est vrai.

  • Speaker #0

    Je me sens un petit peu espionnée pour le tatouage.

  • Speaker #1

    Ah ouais, stalker. Mais là,

  • Speaker #0

    on est en ligne, donc accessible.

  • Speaker #1

    J'ai rien inventé. Voilà, je ne vous ai pas suivi de là.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas une fake news.

  • Speaker #1

    En plus. Combien avez-vous rencontré de régis depuis la sortie de Désirer la violence ?

  • Speaker #0

    Rencontrer, j'ai eu de la chance, pas tant que ça.

  • Speaker #1

    On rencontrait en ligne, on va dire.

  • Speaker #0

    Je ne pourrais même pas l'écouter. C'est quotidien ? Oui, c'est quotidien. Ça s'est un petit peu calmé, là, quand même, depuis la rentrée. Ils ont pris des vacances. les régis, je crois qu'il faut qu'ils se remettent en route je sais pas, non là c'est en je pense que c'est en milliers, parce que si on s'en réfère au nombre de commentaires sous les vidéos que j'ai faites on est sur des milliers de régis, un régime de régis

  • Speaker #1

    Comment on le vit ? Au début on essaye d'expliquer,

  • Speaker #0

    et puis à un moment on lâche l'affaire Alors au tout début on a la chance d'être bien entouré par des consoeurs même plus âgés, autrices, journalistes, artistes, qui m'avaient prévenu en me disant, à la sortie de ton livre mais surtout à la sortie des grosses vidéos des gros médias, protège-toi, coupe le téléphone ou bien vraiment ne regarde pas les commentaires. Ce que j'ai bien réussi à faire, mais ma curiosité m'a eu ensuite et je n'ai pu m'empêcher de les regarder, mais bizarrement... Je l'ai quand même plutôt bien vécu parce que, sincèrement, je trouve que beaucoup de commentaires sont bêtes. Voilà. Et donc, ça ne m'attend pas parce que je trouve qu'il n'y a pas d'argument derrière. C'est vraiment du sexisme pur, de la misogynie. Je n'aime pas parler de misogynie ordinaire ou de sexisme ordinaire parce qu'on ne doit pas du tout banaliser ça. Mais en tout cas, c'est tellement cliché que ça ne m'attend pas. Mais il y a quand même un effet de nombre au bout d'un moment, quand c'est tous les jours, pendant au moins deux mois avant l'été. Pendant deux mois, quand tous les matins on se réveille et qu'on a des commentaires qui nous disent qu'on est débile, et ça c'est les plus gentils d'entre eux, mais sinon que je dois aller à l'hôpital psychiatrique, et puis qu'il y a quelques petites menaces de violence, c'est pas du tout plaisant. Et oui, ça finit par nous atteindre un petit peu, mais en fait, pas personnellement, c'est plutôt qu'on se dit purée, mais le travail, au moins, sera peut-être très très long, mais sinon on n'aboutira jamais. Et je trouve que le plus dur, c'est de ne pas se laisser décourager. Parce que malheureusement, les gens ont plus le réflexe de mettre des commentaires de ce type plutôt que des commentaires encourageants, même si je reçois beaucoup de soutien. Et donc, c'est juste une impression de parler dans le vide malgré tout. Donc ça, il faut réussir à garder sa motivation malgré les régis.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on ne se dit pas que ce qui fait naître ces commentaires, c'est une certaine impunité ?

  • Speaker #0

    On se le dit, je me le dis. Je vais arrêter d'utiliser la troisième personne pour... pour parler de moi. Je me le dis tous les jours, mais c'est ce qui me motive, justement, l'impunité de tous ces hommes. Le cyberharcèlement, la cyberviolence peut être punie, mais moi, évidemment, ce dont je traite surtout, ce sont des violences sexistes, sexuelles et conjugales. Ces violences-là sont impunies à l'heure actuelle en France, la majorité d'entre elles. Ça, c'est ce qui me motive. Mais en fait, ce qui, très rapidement, a germé chez moi, c'est le fait de voir tous ces commentaires négatifs. comme un moteur. C'est-à-dire que je me suis dit si j'en reçois autant et si tous et toutes me disent à peu près la même chose, c'est que j'ai appuyé au bon endroit. Donc en fait, assez vite, je me suis dit t'as réussi, c'est une victoire. Parce que si ça fait autant parler, si ça provoque autant de rejets, c'est que je suis au bon endroit.

  • Speaker #1

    Vous êtes attaquée surtout au cinéma dans Désir et la violence. La violence est surreprésentée là-dedans.

  • Speaker #0

    La violence est partout. Mais moi, j'aime énormément la peinture. Depuis toute petite, je visite beaucoup de musées, d'expositions, mais je trouve que ce travail-là est déjà bien fait et beaucoup réalisé par des consoeurs ces dernières années. Il y a vraiment plusieurs bouquins passionnants sur, entre guillemets, pour résumer l'histoire de l'art au féminin. Il y a des choses importantes. Je pense par exemple au podcast Vénus s'épilait-elle la chatte ? qui pour moi est indispensable. Et Julie Bozac, la créatrice, a sorti notamment un... Un gros épisode, je me demande même si ce n'est pas en deux parties, je ne sais plus, sur Picasso. À partir de là, il y a vraiment eu un gros reméménage, en tout cas dans le milieu féministe, mais qui a quand même commencé à envahir le public mainstream. Donc sur la partie peinture, par exemple, je trouve qu'il y a eu beaucoup de choses. Sur la musique, j'ai travaillé par ailleurs sur le sujet, je continue de travailler sur le sujet, donc je ressentais moins ça. Ce qu'il y a, c'est que selon moi... Oui, c'est le cinéma, mais je parle de pop culture, c'est-à-dire que c'est pour moi ce qui va parler vraiment au plus de gens. Et c'est vraiment avec ça, je pense, qu'on se construit parce que c'est un art complet. Il y a l'image, il y a le son. C'est vraiment ce qui, je pense, construit notre imagination, notre imaginaire plus que tout. Plus que la peinture, qui peut-être peut avoir un petit côté élitiste, plus que la littérature et peut-être à égalité avec la musique.

  • Speaker #1

    C'est vrai que le cinéma, c'est également les stérilités, je précise, pour les personnes qui n'ont pas découvert ce livre. Donc, il y a vraiment une analyse profonde de certains films que vous avez aimés. C'est comme si vous aviez eu des désillusions sur les choses qui vous ont fait triper.

  • Speaker #0

    En fait, en écoutant la question formulée comme ça, je me dis, oui, comme avec les hommes. Je les ai aimés et j'ai eu des désillusions sur des choses qui m'ont fait triper. En fait, c'est aussi simple que ça. C'est vraiment... ça c'est ce que je raconte au début du livre, c'est pourquoi est-ce que je me retrouve passer 30 ans ? Alors là pour le coup je vais à plein dans le discours anti-féministe, regardez là la pauvre avec son féminisme, ça l'a mené nulle part, elle a plus de 30 ans et elle est célibataire avec ses chats. Et elle ? Voilà. Oui d'abord et alors, mais ensuite, oui, comment se fait-il en étant pourtant une hétérosexuelle désireuse de rencontrer un homme chouette ? Comment ça se fait que j'en suis là ? et que j'ai autant souffert et que j'ai multiplié les relations chaotiques. En posant cette question-là, je me remets en question la première. Parce que parmi mes haters, la question qui revient le plus, c'est remets-toi en question, pauvre meuf En gros, c'est ça. Va chez la psy. Le problème vient peut-être de toi. Eh bien oui, je vous remercie. Oui, oui, je l'ai fait. Je fais tout ça. Je me remets en question. Le problème vient en partie de moi. J'ai aucun souci à l'admettre. Mais ensuite, une fois que je me suis dit ça, quand même, je ne suis pas à 100% responsable. Il y a plein d'autres choses qui m'arrivent et plein d'autres choses qui m'ont construite. Et donc après avoir fait tout ce travail de thérapie... qui se poursuit, d'ailleurs, qui se poursuit durant toutes nos vies, eh bien, je me suis rendu compte que oui, le cinéma, les séries, mais même les publicités et les clips que j'ai mis de côté dans mon livre ont vraiment participé à créer cet imaginaire amoureux qui est infiniment toxique.

  • Speaker #1

    Je parlais vraiment de ces désillusions, ces désillusions sur certains films. Comment on arrive vraiment à se dire que non, on ne va pas les canceller pour autant ? Parce que c'est ce que vous dites dans le livre. Il y a des choses que vous ne regardez pas. Il y a des chansons que vous n'écoutez plus, mais c'est un choix, mais vous dites surtout Mais en fait, je n'empêche personne de les écouter, je n'appelle pas au boycott, je ne suis pas là-dedans.

  • Speaker #0

    Absolument, vraiment. Moi, je n'aspire pas à un dictateur, donc vraiment, je laisse chacun et chacune libre de leur choix. Voilà, moi, le but de mon travail, ce n'est absolument pas de tomber dans ce cliché qu'on aimerait bien, évidemment, que je défende de la cancel culture. Maintenant, pour fabriquer le livre, j'ai dû faire des choix. parce que quand on dit le cinéma, c'est des millions d'exemples que j'aurais pu utiliser. Donc, je suis partie de moi et je me suis dit, mais toi, avec quel film est-ce que tu t'es construite ? Quand j'ai repensé à ces films et que j'ai réfléchi aux images, aux modèles qu'on m'a donnés, je me suis dit, est-ce que ça marche ? Alors, est-ce que ça marche dans la vraie vie ? Non, non. La plupart du temps, non. Et non seulement ça ne marche pas, mais en plus, ça m'a, ça c'est tout mon propos, éduqué. à désirer, à fantasmer sur des comportements qui sont très malsains, voire violents. À partir de là, quand on chausse ses lunettes et qu'on les voit pour ce qu'ils sont, ses comportements, c'est très difficile de continuer à avoir du plaisir à les regarder. En tout cas, on est plus neutre. Mais je repense, dans l'été, j'ai vu des passages de Grease. J'aime toujours autant, j'aime en fait. La BO, elle me transcende, ça me rappelle plein de choses. Je continue à regarder la majeure partie de ces films et de ces séries. Malheureusement, et vraiment je dis bien malheureusement, je ne peux plus les voir avec l'innocence que j'avais quand j'étais plus jeune.

  • Speaker #1

    Alors, en fait, ce que vous dites dans Désir et la violence, quand vous parlez exactement de la fièvre du samedi soir, de Grease, de Pretty Woman même, eh bien que c'est un film qui est très À la manière de certaines plateformes, et je pense à Disney qui fait ça sur des films Disney, il y a une recontextualisation de la période à laquelle le film est sorti. Vous pouvez rencontrer de la misogynie, vous pouvez rencontrer de la consommation de tabac, vous pouvez rencontrer du racisme. Mais parce que l'époque est comme ça, ils n'ont pas enlevé ces films-là. Vous souhaitez ça, une sorte de... C'est quoi, c'est des trigger words ? Ouais, c'est... Trigger warning, oui.

  • Speaker #0

    Je ne souhaite pas outrance. C'est-à-dire, attention, cette œuvre contient de la misogynie. Je pense que, bon, on aurait tous droit. Tous les films, il y aurait droit. Sexisme, on n'en parle pas. C'est partout, tout le temps. Non, je pense que...

  • Speaker #1

    Je parlais de recontextualisation.

  • Speaker #0

    En fait, la recontextualisation, franchement, ce serait barbant. Moi, la première, quand je lance un film, je n'ai pas envie de me farcir, je ne sais pas, 5 minutes d'introduction. J'imagine là un générique à la Star Wars avec le texte qui défile. pour m'expliquer que tout ce que je vais voir, attention, c'est pas bien, c'est immoral, etc. Non, j'aspire pas à ça. En revanche, ce qui, en plus, dans certains pays, est en discussion, et ce qui serait très simple à mettre en place, c'est un petit logo ou un petit avertissement sur les violences sexuelles et le non-consentement. Mais ce qui existe déjà, là, par exemple, sur des plateformes de streaming, mais de façon bien plus systématique, mais qu'on ne puisse plus... Parce que le test, je l'ai fait en temps réel quand j'ai travaillé sur le bouquin. Je n'ai pas tous les DVD. D'ailleurs, les DVD, c'est ringard. Ça me date un peu. Attention, j'ai donné mon âge.

  • Speaker #1

    Tu parlais du carré blanc. Même les VHS,

  • Speaker #0

    je n'ai plus de lecteur. Bref, j'ai racheté un lecteur DVD et j'ai racheté des DVD. Mais j'ai dû aussi acheter des vidéos à la demande. Par exemple, La fièvre du samedi soir. Par exemple, Les valseuses ne m'en voulaient pas. Je n'ai pas les DVD. Je n'y tiens pas. Et quand je les ai loués, j'ai absolument rien qui m'indique que ces films-là sont des films mettant en scène des viols. Et pire encore, si je regarde, comme toute personne un peu lambda, la page Wikipédia du film, pour un film comme Les Valseuses, on me parle d'une comédie érotique. Donc comment moi... Je me dis, tiens, je vais me lancer une comédie érotique. Et je tombe sur un film qui fait l'apologie du viol.

  • Speaker #1

    Avec un acteur qui est l'un des plus grands acteurs français, qui honore la France, comme le précise notre président de la République. Vous avez tout l'ironie dans ce propos, bien évidemment.

  • Speaker #0

    Je pensais que c'était au premier dit. Non, mais ça, ça me paraît relativement simple. Et je pense que ça pourrait créer quelques petites prises de conscience. si au moins on se dit ah bon ? il y a de la violence sexuelle, il y a des viols dans ce film-là idem pour la fièvre du samedi soir pour citer ces deux exemples pour ce qui est de la contextualisation et de la recontextualisation je pense que ça demande un petit peu plus de travail mais par exemple je ne sais pas s'il y a un cycle obligé dans un cinéma à Paris se dire faisons appel à une médiatrice un peu éclairée qui nous parle de tout ça qu'en fait ces oeuvres-là ne soient plus systématiquement célébrées comme étant des productions de grands génies, du cinéma d'auteurs, du cinéma français, sans aucune nuance et sans justement qu'on nomme les choses pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des viols et des agressions sexuelles.

  • Speaker #1

    Je pense que s'il y avait un cycle lié dans un cinéma du 5e arrondissement, par exemple, ce serait pour un public assez averti, et je vais peut-être faire un trait caricatural, mais assez cultureux. Ça ne parle pas à suffisamment de monde.

  • Speaker #0

    Ah oui ! Oui, mais c'est bien pour ça que dans le livre, je convoque des exemples peut-être plus pop qu'oubliés, comme la fièvre du samedi soir. Parce que la fièvre du samedi soir, j'ai fait le test quand j'interviens et même auprès de mon entourage. Même si on ne l'a pas vue, même si on a 20 ans, 25 ans, je ne sais pas, mais au moins qu'on ne l'a pas vue, on sait quand même vaguement que c'est John Travolta, le disco, les Bee Gees. Après tout,

  • Speaker #1

    ils vont danser. Ce n'est pas ça.

  • Speaker #0

    Non, et on a les scènes de danse. Bon, là, c'est un podcast, on ne voit pas faire ce mouvement ridicule. Mais on a juste cette image générale-là qui vient instantanément. Mais quand on dit aux gens, mais tu te rappelles de la scène de viol collectif dans la fève du samedi soir ? Non, non, pas du tout. Les gens ne se rappellent pas. S'ils ne l'ont pas vu récemment, ça passe complètement inaperçu.

  • Speaker #1

    C'est un problème d'éducation en général ?

  • Speaker #0

    C'est un problème d'éducation. En fait, c'est précisément la culture du viol. La culture du viol, c'est... C'est l'ensemble des représentations, des comportements qui participent à justifier les agressions sexuelles et le viol. À les justifier, à les minimiser, à les romantiser, au fait qu'on puisse en rire. Mais c'est vraiment une culture. Donc oui, c'est de l'éducation. Et je mesure bien que mes mots sont forts, mais je considère qu'on nous éduque à la violence sexuelle, à la subir ou à la commettre.

  • Speaker #1

    Oui. Dans ce que vous expliquez dans ce livre, c'est également le refus des rapports de domination. Ce n'est pas uniquement sur les violences sexuelles, mais c'est également des dominations sur les femmes, sur toutes les minorités. Comment on fait ? Parce que c'est induit dans le capitalisme, ça. Vous vous considérez un peu comme anticapitaliste ?

  • Speaker #0

    En fait, pour être humble, moi, je ne m'y connais pas assez pour dire je suis anticapitaliste En revanche, je comprends bien que c'est lié. La lutte anticapitaliste et la lutte féministe et la lutte écologiste, en fait, tous ces combats sont liés parce que le dénominateur commun, c'est le patriarcat. Donc oui, de fait, je le suis un petit peu près dans mon quotidien.

  • Speaker #1

    Je flamme d'une révolutionnaire sur le papier.

  • Speaker #0

    Je vais répondre un tout petit peu à côté en disant qu'en tout cas, je me sens de plus en plus rebelle, plus que révolutionnaire. de plus en plus engagée dans mon travail. Je pense que justement, avec ce livre-là, on voit bien qu'il y a un tournant, même si les livres d'avant étaient aussi féministes et engagés d'une certaine façon. Mais en fait, je supporte de moins en moins de ne rien dire et de ne rien faire face à tout ça, mais notamment aux injustices liées au genre et aux violences sexistes, sexuelles, conjugales, aux violences faites aux femmes et aux enfants. Sur ce terrain-là, comme aussi je me sens de plus en plus légitime à prendre la parole, parce que je connais de mieux en mieux ces sujets-là, ma colère ne fait que grandir. Mais j'arrive à en faire quelque chose de positif, c'est-à-dire à en faire un moteur. Ce qui rejoint un petit peu ce que vous disiez en introduction, apprendre parfois avec des pincettes, mais on me dit beaucoup c'est bien parce que... Là, c'était pas d'animosité, etc. Mais en fait, je fais attention à ce qu'on me dise. C'est bien toi, contrairement aux autres, t'as pas l'air d'une hystérique, etc. C'est pas ce que j'ai ressenti dans l'introduction, mais ça peut vite être ça. Mais en tout cas, moi, je me dis tant mieux, mine de rien, si les gens ressentent ça. Parce que ça veut dire que j'arrive à faire ressortir ma colère d'une façon qui ne soit peut-être pas colérique. Je ne sais pas si je suis très claire.

  • Speaker #1

    Moi, ce que j'ai ressenti dans le livre, c'est que vous donnez beaucoup de vous-même. On vous sent... On vous sent autrice, ce n'est pas juste un essai, vous êtes dedans. vous expliquer, on voit votre vie. Et c'est ce qui humanise le propos, ce sont vraiment les mots que je vais employer, ça humanise le propos, et on se dit, ah oui, c'est une vraie personne derrière, ce n'est pas une accumulation de faits, ce n'est pas juste une analyse critique qu'on pourrait en avoir avec un narrateur complètement neutre, et un monsieur qui passe avec un transpalette, il fait un petit peu bruit, mais ce n'est pas grave, on aime ça, c'est la vie, c'est la vie de la gaieté, tout le monde est heureux, tout le monde est gai, dans cette rue. Et en fait, c'est là-dedans qu'on retrouve un style, le style du notrice, un style qu'on a découvert dans d'autres livres également. Et c'est là que j'ai retrouvé le fil.

  • Speaker #0

    Ça me fait plaisir. Ça me fait plaisir. Merci de ce que vous me dites. Parce que... Et quand je dis ça, alors... Là, c'est une prétérition, ce que je suis en train de faire, parce que si, ça va être de la justification. En fait, je sais que je serais tout à fait capable de faire un essai plus traditionnel, plus académique, et donc peut-être plus... intello. Je pense que c'est quand même le mot, parce que je suis issue d'une formation littéraire exigeante. On m'a appris à faire ça, à ne pas mettre de moi dans les analyses, dans les commentaires de texte, etc. Mais je crois vraiment que finalement c'est ma patte, si on utilise notre jargon. C'est même pas que je ne saurais pas faire autrement, mais je n'ai plus envie de faire autrement. Même dans mon travail de journaliste, ça fait 4 ans maintenant, 4-5 ans que j'écris des formats newsletter. pour différents médias ou des chroniques. Et donc, en fait, partir de moi, mais pour réussir à toucher quelque chose de plus large et d'universel, c'est devenu presque ma marque de fabrique. Mais en fait, quand je dis que ça me fait plaisir, c'est parce que c'est quelque chose qui revient de temps en temps quand les lecteurs et les lectrices m'écrivent et je me rends compte que c'est aussi ce qui me permet de toucher les gens. Et sur ce sujet-là, qui est un sujet grave, je me dis que c'était vraiment important de l'écrire de cette façon parce que... On a sans doute moins l'impression que je fais la morale et que je dis, alors ça c'est bien, ce film-là ne le regardez plus. En fait, moi je dis aussi, mais attendez, moi ce plaisir coupable, je l'ai. Moi je continue d'écouter Marilyn Manson. Parfois j'écoute Marilyn Manson parce que c'est toute mon adolescence. Pour autant, je sais très bien que c'est un affreux personnage. Le mot est faible. Enfin voilà, je ne suis pas irréprochable. Et en fait, moi constamment, je questionne justement mon féminisme. Et j'essaye de dire aux autres, surtout aux femmes, on peut être féministe, on peut être au courant de tout ça, défendre corps et âme, tout ce qu'on défend, mais ne pas être parfaite. Et continuer à avoir ce qu'on appelle des plaisirs coupables, mais je ne suis pas très fan de cette expression.

  • Speaker #1

    Sur ce sujet, juste après un vrai ou faux jingle. Vrai ou faux ? Vous attendez le jour où vous serez bluffée, émue, transportée par une scène de sexe consenti, sexe consenti, écrite et filmée par un homme cisgenre hétérosexuel. Ça n'existe pas ?

  • Speaker #0

    Donc vrai, vrai, je l'ai écrit. Ce serait quand même dommage que je dise le contraire.

  • Speaker #1

    Ça n'existe pas ?

  • Speaker #0

    Non, j'en ai pas trouvé.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ça existe si c'est d'autres personnes ? C'est-à-dire, mettons, ça soit une réalisatrice, est-ce que là, elles ont réussi ?

  • Speaker #0

    Bah écoutez, je peux vous répondre de façon très contemporaine, puisque j'ai vu le film Emmanuel d'Audrey Diwan, et j'en suis sortie très déçue, très déçue. Parce que, alors pour le coup, Emmanuel de 1974 n'est pas dans mon livre, et je pense que j'aurais dû finalement en parler, j'ai pas été assez stratège. En fait, je crois qu'à l'époque, quand j'ai commencé à travailler sur Désir et la Véloche, je ne savais pas qu'Audrey Diwan allait le tourner, etc. Mais en fait, j'ai travaillé à posteriori sur la question d'Emmanuel de 1974, qui est, pour être tout à fait honnête, j'ai pleuré à la fin du film. J'ai pleuré de colère, parce que vraiment, je me suis dit, si Emmanuel, c'est un chef-d'œuvre de l'érotisme, vraiment, j'arrête en fait, j'arrête. Si des milliers, millions d'hommes, pardon pour mon langage, d'une certaine génération, mais qui sont encore parmi nous, se sont masturbés en regardant Emmanuel. Ça veut dire qu'ils se sont masturbés, ça veut dire qu'ils ont joui devant des viols du début à la fin. Emmanuel, ça n'est que ça. Donc vraiment, j'ai eu un moment de désespoir complet quand j'ai revu Emmanuel. Et donc, sachant qu'Audrey Duhuan repart du livre d'origine d'Emmanuel Arsene et que La Promesse, quand même, était un film plus féministe qui célèbre le plaisir féminin, j'en attendais beaucoup de choses. Et vraiment, et je vous assure que je ne suis pas devenue frigide comme... comme le voudraient les masculinistes, et bien vraiment, ça ne m'a pas du tout excitée. Et je trouve que le pari n'est pas relevé. Et que c'est un film qui reste encore assez male gaze. Donc c'est-à-dire... très cliché dans ce que peut attendre le spectateur au regard masculin. Et vraiment, je ne l'ai pas trouvé érotique, je ne l'ai pas trouvé sensuel. Je suis peut-être dure, parce que là, ça fait quelques jours que j'en parle de façon très radicale, mais je suis vraiment déçue par ce film, parce que je m'étais dit, peut-être qu'on va avoir cette fois un vrai chef-d'œuvre, le terme est très grand, mais un classique érotique féministe, mainstream en plus, par une réalisatrice que par ailleurs j'aime. J'ai rien du tout contre Audrey D. Wan. Donc voilà, pour moi, c'est raté.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il peut y avoir un male gaze féminin ? Je sais que ça a l'air un peu bizarre de dire ça comme ça. Que ça peut être porté également par un regard féminin, qui peut être, je parlais tout à l'heure du capitalisme, du libéralisme. N'oublions pas qu'une réalisatrice, même avec les meilleures intentions, peut être pressée par un producteur, par une maison de production, par tout un environnement autour d'elle qui la force à faire certaines images.

  • Speaker #0

    Et une femme peut être sexiste. Et moi, j'ai encore, j'imagine, certains biais sexistes à l'intérieur de moi. Donc, on peut tout à fait être une femme réalisatrice et filmer de façon male gaze. Mais pour le rappeler, juste le male gaze, c'est un concept qui a été théorisé en 75 par Laura Mulvey. En France, Iris Bray, elle, a sorti Le regard féminin, donc où elle développe l'idée du female gaze en réponse. Chacune explique que ce n'est pas parce qu'on est un homme. Quand on utilise le male gaze et une femme, le female gaze, ce serait beaucoup trop simple, en fait. Et beaucoup trop genré, pour le coup, et cliché. Des femmes qui nous ont sorti des films archi male gaze, il y en a plein. Bon, là, je n'aime pas tirer dans les pattes d'autres femmes et de consoeurs, mais ça, pour le coup, j'en ai revu en me disant... Et même dans les dialogues. Mais le bon vieux plan, donc 100% male gaze, qui parle à tout le monde de la femme canon qui sort de l'eau. à la plage et qu'on fonde des pieds à la tête et qu'ils se passent les mains comme ça au ralenti sur la poitrine et les cheveux. Ou bien à l'inverse, le gros plan fesse avant qu'on voit le visage, etc. Je l'ai vu dans plein de films de nanas.

  • Speaker #1

    C'est vrai que moi, quand je sors de l'eau, je fais très attention. Sauf que souvent, je vais sur des plages de galets et je me fais mal aux pieds. Je me tords n'importe quand. C'est horrible. Alors, un autre vrai ou faux. Vrai ou faux, vous êtes une ex-fane de Gainsbourg.

  • Speaker #0

    Ah non, je ne peux pas dire. Je ne peux pas dire vrai.

  • Speaker #1

    C'est pour une référence à sa chanson.

  • Speaker #0

    Je l'avais quand même.

  • Speaker #1

    Merci. Ça me permet, je vous coupe un petit peu, mais ça me permet de faire un parallèle entre votre premier livre publié en relisant Gainsbourg et puis Désirer la violence. Et finalement, il y a un chemin qui s'est fait entre faire un livre qui... Il y a une critique quand même de Gainsbourg, mais en même temps, c'est un formidable... hommage.

  • Speaker #0

    Ah oui, qui célèbre Gainsbourg.

  • Speaker #1

    Car vous êtes une spécialiste de l'œuvre de Gainsbourg.

  • Speaker #0

    J'ai beaucoup travaillé sur son œuvre parce que c'est un premier essai qui était tiré de mon travail de mémoire universitaire quand j'étais en licence de lettres. La thèse de ce livre, c'est Gainsbourg, ce grand poète du 19e, en tout cas qui ressemble très fort à Rimbaud Baudelaire, qui était ses héros. Oui, en tout cas, qui étaient ses modèles. Après, sur le pompage, on peut rentrer dans les détails. Mais c'est un livre qui célèbre Gainsbourg.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui a évolué dans votre analyse de Gainsbourg, de ses textes, de ce qu'il exprime ?

  • Speaker #0

    En fait, je réponds en prenant la question un peu à l'envers. Admettons que... La nana qui a pensé à tout. Admettons qu'en 2030, on me contacte pour rééditer mon livre à l'occasion des 40 ans de la disparition de Gainsbourg. Parce que là, mon livre était sorti en 2020 à l'occasion des 30 ans de sa disparition. Si donc je devais reprendre un peu ce manuscrit et me dire qu'est-ce que j'en fais ? Eh bien, ça m'intéresserait très peu, en fait, de toucher au texte que j'ai déjà sorti. Ce que je ferais, c'est soit d'écrire quelque chose avant mon texte, soit après mon texte. où là, je parle de l'homme Gainsbourg et de tout l'à-côté. Et oui, en effet, je reviendrai sans doute sur des textes pour expliquer comment telle ou telle chose, notamment la fascination pour les mineurs, que j'évoque quand même un petit peu dans mon bouquin. En fait, ce serait un à-côté. Mais tout ce que j'ai écrit de son œuvre, de ses textes, je le pense encore. C'est pour ça. Non, je n'ai pas brûlé ces disques. J'ai encore des vinyles.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous voyez Gainsbourg différemment aujourd'hui d'il y a dix ans ? Oui,

  • Speaker #0

    en fait, c'est ça qui a changé. En fait, pour moi, ce qui est très, très important et ce qui est sans doute la clé pour qu'on arrive un peu toutes et tous à faire la paix et qu'on arrête de... traiter mon camp de woke, de wokiste, de façon péjorative. Parce qu'en fait, moi, ce que je défends, c'est le fait de pouvoir dire que, oui, à mes yeux, Gainsbourg est un génie de la chanson. Ce qui n'empêche pas que ce soit un homme très problématique et violent. L'un n'empêche pas l'autre. En fait, c'est pas séparer l'homme de l'artiste, c'est comprendre que les deux ne font qu'un, et que les deux, en même temps, peuvent être géniales et abominables. Et en fait, pour moi, c'est ça la clé. C'est exactement la même chose. Ça,

  • Speaker #1

    c'est un petit peu comme vous le disiez, que quelquefois, on dit, oui, il y a Gainsbourg et Gainsbourg, mais non, en fait, ce n'est qu'un seul et même personnage.

  • Speaker #0

    Oui, ça, ça a été mon petit argument préféré pendant longtemps. Non, non, mais moi, j'aime Gainsbourg. Gainsbourg, je n'aime pas du tout, mais j'aime Gainsbourg. En fait, ce que je faisais précisément à ce moment-là, c'est jouer le jeu du patriarcat. C'était vraiment la défense des hommes violents. Non, non, mais... C'est un très bon père de famille. Oui, à côté de ça, il me donne des coups, il me maltraite, mais c'est un super papa. En fait, c'est essayer de diviser, de séparer le problème. Et c'est ça qui est le plus douloureux. C'est ça, en ce moment, qui commence vraiment à transparaître dans l'actualité. Je pense à l'affaire Gisèle Pellicot. Au moment où on enregistre, de toute façon, on va en entendre parler pendant quatre mois.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    sur quatre. Une femme qui a été violée par une cinquantaine d'hommes et son mari qui a organisé tout ça. Et en fait, quand on voit le profil de ces hommes-là et du mari, ce sont vraiment des hommes ordinaires. Donc, je ne doute pas que parmi ces hommes-là, il y ait, et d'ailleurs on l'a dit, des excellents journalistes, de très bons pompiers, des policiers investis, des conseillers municipaux. Ces hommes-là ne sont sans doute pas des monstres dans leur vie quotidienne. Par ailleurs, ce sont des hommes abominablement violents. Avec la culture, c'est précisément la même chose. Et j'ai... aucune honte à chaque fois à en parler, mais pendant longtemps, j'ai dit que si j'avais un petit garçon, je l'appellerais Roman, parce que j'étais fan du cinéma de Roman Polanski quand j'étais plus jeune et ado. C'était vraiment l'un de mes cinéastes préférés. J'ai eu une statuette de Woody Allen dans mon entrée pendant longtemps, dès que j'ai eu mon premier appartement. En fait, moi, tous ces hommes-là, je les ai admirés. C'était mes références. On en fait quoi, après ? On remet tout en question. C'est très, très douloureux. Finalement, souvent le dégoût l'emporte, donc on n'a plus envie de regarder leurs films. Mais c'est pas grave, parce qu'il y en a plein d'autres. Il y en a vraiment plein d'autres. Donc voilà, on avance. Mais c'est comme... C'était pas pour faire une blague que je disais, c'est comme avec les hommes. On peut avoir de la nostalgie en repensant à tel ex et en se disant quand même, on était bien parfois quand on faisait les cons au bord de la scène. Bah oui, mais en fait, à côté, tout le mal qu'il y a eu l'emporte, quoi. Et donc on n'a plus du tout envie de se remettre avec ce type-là. C'est la même chose.

  • Speaker #1

    Boris Vian, vous assumez toujours ?

  • Speaker #0

    Ah oui. Oui. Boris Vian, j'ai jamais...

  • Speaker #1

    Vous l'avez dans la peau ?

  • Speaker #0

    Je l'ai dans la peau. Mais c'est surtout... Peut-être qu'un jour, des choses affreuses sortiront à son sujet. Mais je défendrai... En fait, je vous dirai la même chose.

  • Speaker #1

    Je ne suis même pas sûr, non. Il écrit la chanson avec Magalie Noël, Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny

  • Speaker #0

    Que je paraphrase, d'ailleurs. dans un sous-titre.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, un de vos amoureux éphémères vous a dit un jour...

  • Speaker #0

    J'ai peur.

  • Speaker #1

    Si ça peut te faire bien voir dans ton taf de dire que tu connais un futur romancier à succès, n'hésite pas à citer mon nom, je serais ravi de pouvoir t'aider.

  • Speaker #0

    Je m'y attendais pas.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est pas...

  • Speaker #0

    J'avais vraiment bien travaillé, purée, l'interview. C'est absolument vrai. Après, très honnêtement, c'était pas un amoureux éphémère. Ça a été une espèce de plan sexe que j'ai vu deux, trois fois.

  • Speaker #1

    Mais alors, il a sorti son truc ou pas ?

  • Speaker #0

    Mais bien sûr que non. Mais il n'a rien sorti du tout. Je ne sais même pas ce qu'il devient professionnellement, mais à l'époque, il était retourné vivre chez sa mère. Et en fait, il m'avait ghosté parce qu'apparemment, il était parti deux ou trois mois dans le désert. Non, mais une histoire, une histoire. Il était revenu à les poches remplies de carnets où il avait écrit de la poésie à deux balles. Et en fait, moi, j'étais quand même déjà sur mes rails littéraires, journalistiques, etc. Et il frimait en disant, si ça peut t'aider, tu peux dire que je vais sortir un premier roman. Et il m'avait dit, de toute façon, à 30 ans, si je ne suis pas édité chez Gallimard... Non, si je n'ai pas le Goncourt, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    C'est le Goncourt. Il dit, je serai édité chez Gallimard.

  • Speaker #0

    T'es chez Gallimard et j'aurai un concours, etc. Bah franchement, on pensait pour lui. Une minute de silence pour...

  • Speaker #1

    Peut-être a-t-il changé l'identité, on ne le sait pas.

  • Speaker #0

    Ce qui en dit très long, et là on en rit, mais je vous prie de croire que c'est très pénible parce qu'ils sont nombreux, en tout cas, à avoir croisé ma route. C'est des hommes qui s'intéressent finalement peu à moi alors que j'ai énormément de choses à raconter et que j'accomplis beaucoup de choses. Et qui, eux, en ayant fait, je vais être gentille, moitié moins, mais c'est beaucoup plus que moitié moins, la ramènent, mais carrément, quoi. Et essayent de me rabaisser. Mais c'est fini, tout va bien.

  • Speaker #1

    Pour les personnes qui se demandent d'où je tiens cette information, c'est dans le livre Péchaud, Canard.

  • Speaker #0

    Quel jeu de mots.

  • Speaker #1

    Voilà, quel jeu de mots.

  • Speaker #0

    Et Décryptage d'une vie amoureuse tumultueuse, qui sont 20 chapitres au titre plein de jeux de mots canardesques, puisque le monsieur dont on vient de parler, c'est le canarcycique.

  • Speaker #1

    Le canarcycique.

  • Speaker #0

    Et la plupart des... Enfin, certaines de ses histoires sont analysées par Lilian Holstein, qui est psychanalyste et qui est ma... qui a été ma vraie psychanalyste. Donc c'est finalement un ouvrage très intime, mais qui lui n'a pas vraiment trouvé son public, donc qui pour moi, tant mieux si ça vous fait rire, mais qui pour moi a été très important. Et finalement, ça a été le déclencheur de Désirer la violence.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, vrai ou faux, depuis votre livre Pêche au canard, les hommes qui passent dans votre vie vous font signer des accords de confidentialité.

  • Speaker #0

    Non, mais plusieurs, évidemment, m'ont fait la blague. Je vais me retrouver dans un livre, il va y avoir un tome 2. Et je leur dis, tu aimerais bien. Pas mal. Parce qu'en fait, et puis il y en a même qui ont acheté le bouquin pour voir s'ils étaient dedans. J'en ai qui sont dedans, qui se sont reconnus. Un qui a fait son mea culpa. D'autres qui finalement n'ont rien dit. Et d'autres qui ont été déçus de ne pas y être. Mais c'est pour dire quand même l'ego, quoi. L'ego masculin, parce que c'est pas très glorifiant d'être dedans.

  • Speaker #1

    J'ai adoré ce livre. D'ailleurs, vrai ou faux, pour vous séduire, pratiquez la gyroroue. La gyroroue, oui, il n'y a rien de mieux. Je précise que c'est une gyroroue, c'est une sorte de gyropode, c'est une roue sur laquelle vous mettez les deux pieds, vous tenez debout, vous pouvez mettre un casque. C'est important le casque d'ailleurs, et vous pouvez déambuler comme ça.

  • Speaker #0

    Je suis en train de rejouer le pire date de ma vie. Alors avec lui, il ne s'est rien passé, mais c'était le date à la fois le plus court et en ressenti le plus long de l'histoire. Parce que c'est un type qui n'avait que me parler de ça. J'ai roulé. C'était affreux. C'est fini tout ça, c'est derrière moi.

  • Speaker #1

    Vous parlez beaucoup de vous dans vos livres. Là, je prenais un peu un...

  • Speaker #0

    Vous parlez de quelqu'un d'autre.

  • Speaker #1

    Ben non, vous êtes là. Mais vous parlez beaucoup de vous dans vos livres. C'est-à-dire qu'on connaît beaucoup de choses de votre vie. Même sur Instagram, moi j'ai trouvé des choses qui sont très personnelles. J'évoquais ce tatouage dans le dos, cette phrase de Boris Vian. Et ça devient un passage obligé, finalement, quelque part, de donner de soi, de donner de son intimité quand on écrit aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Non, vraiment. En plus, moi, j'ai quand même encore cette double casquette de journaliste. Donc, non seulement ce n'est pas un passage obligé, mais je sais bien qu'en plus, pour... Beaucoup de journalistes et beaucoup de médias, ce que je fais, c'est mal. En tout cas, je sais qu'il y a des médias, peut-être pour lesquels je ne pourrai plus travailler, justement parce que je suis trop ouvertement moi-même dans mon travail, que je mets trop d'intime, peut-être trop d'engagement politique, féministe. Je dis ça sans qu'on m'ait dit, non, non, on ne travaillerait pas pour le monde. Je n'ai pas tenté, mais je veux dire, j'ai conscience de ça, parce que dans le journalisme, il y a cette supposée. Objectivité, mais qui n'en est rien parce qu'on n'est jamais 100% objectif. Mais bon, en tout cas, neutralité journalistique. Mais moi, j'ai réussi en fait à passer ce cap-là aussi parce que j'ai fait une année d'Erasmus en Angleterre. Et parce que je connais des amis qui sont aux États-Unis ou donc en Angleterre. Et que là-bas, c'est très différent en fait. On met beaucoup moins les gens dans une case. Donc soit journaliste, soit auteur, etc. Soit poète, que sais-je. et qu'ils ont beaucoup plus cette... Enfin, I'm a writer, c'est je peux tout à fait écrire et être journaliste et être auteur et être un peu les deux. Et il y a beaucoup plus l'effet chronique.

  • Speaker #1

    Peut-être moins dans une case, finalement.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    exactement.

  • Speaker #0

    Et même, d'ailleurs, je dis ça pour les anglo-saxons, mais en Erasmus, je partageais ma maison avec des Allemandes. Bon, je ne parle pas du tout allemand. Mais ce que j'apprécie avec elle, c'est qu'elle pouvait avoir une majeure maths et à côté philo ou musique ou art, et vraiment mener les deux de front. En France, il faut vraiment qu'on fasse notre choix très tôt.

  • Speaker #1

    Quelque chose de très monolithique.

  • Speaker #0

    Voilà, soit on est lettres, soit on est matheux. Soit on est éco, et ça, ça m'emmerde profondément. Et dans le journalisme, c'est quelque chose que j'ai beaucoup ressenti, justement, parce que parfois, j'ai travaillé, enfin parfois, pas mal de temps, j'ai travaillé dans des rubriques sexo, par exemple, tout en ayant complètement envie de pouvoir traiter des sujets de société ou de la politique, ou entre mille guillemets, des choses plus sérieuses.

  • Speaker #1

    Et le sexe est politique ?

  • Speaker #0

    Absolument, et tout à fait sérieux. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il peut vraiment y avoir quelque chose d'élitiste. et parfois d'un peu méprisant sur certains formats, sur certains sujets. J'ai décidé que je refusais d'en bâtir. Donc, je mène différents projets qui, aux yeux de certains, peuvent paraître incompatibles, mais qui ne le sont pas du tout au mien.

  • Speaker #1

    Et en même temps, vous êtes très dans l'air du temps. Je pense à des journalistes qui donnent leur avis, qui ont un point de vue... et qui donne à lire de leur vie je pense à salomé saké je pense à des journalistes qu'on peut voir dans l'équipe de quotidien par exemple mais est ce que aujourd'hui le journalisme a changé le journalisme de s'impliquer tant

  • Speaker #0

    vous êtes attaqué c'est à dire que c'est comme si journalistes étaient devenus un gros mot c'est très difficile pour moi de répondre en généralisant parce que pour moi journalistes ça recouvre 50 réalités différentes que j'ai pu vivre moi-même parce qu'au début de ma carrière j'étais journaliste, reporter d'images et rédactrice par exemple pour France 3 donc là dans un média beaucoup plus traditionnel où je faisais de l'information générale donc j'ai vécu ça j'ai fait des sauts de puce chez BFM donc j'ai connu différentes réalités donc déjà rien que du point de vue de ma carrière le mot journaliste il a voulu dire dix choses différentes. Ce qui est sûr, c'est que c'est un métier que les gens globalement n'aiment pas, mais qui selon moi est très méconnu, parce que soit on ne l'aime pas du tout, on nous rejette, je pense vraiment à mes confrères et consoeurs de news, qui sont agressés même dans la rue. Je sais moi qu'à l'époque où j'avais le micro BFM, et pourtant je travaillais pour le service culture, mais peu importe, j'étais quand même alpaguée. voire un peu malmené, insulté quand je faisais certains de mes sujets parce qu'on voyait la bonnette BFM, donc je l'ai un petit peu senti à mon échelle. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que c'est un métier qui est méconnu, et soit on déteste, soit on le fantasme. Et je dirais qu'actuellement, moi je souffre, entre guillemets, plus de la deuxième option, qu'on le fantasme. C'est-à-dire que les gens ont l'impression que c'est un métier très bourgeois, où les gens gagnent plein d'argent, et c'est bien pour ça que c'est méconnu. Parce que la plupart des journalistes et des journalistes qui m'entourent et moi-même, non, nous n'en mettons pas plein les fouilles. Et c'est très, très important d'expliquer ça, d'expliquer la précarité de notre métier.

  • Speaker #1

    Précarité de journaliste ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui,

  • Speaker #1

    oui. Par exemple, vous voulez dire que vous pourriez avoir des problèmes avec, je ne sais pas...

  • Speaker #0

    Avec Paul Lampeloff, en fait. Franchement, je préfère qu'on s'attarde sur autre chose. Mais en tout cas, oui.

  • Speaker #1

    en tout cas des journalistes je fais ça parce que ça fait un peu une side joke mais pas du tout, c'est à dire que sur Instagram récemment vous avez partagé des stories pour dire que Paul Emploi vous avez humilié et raccroché au nez et en fait il s'est avéré quand on suivait un petit peu les commentaires sur vos publications que énormément de personnes ressentaient cela je

  • Speaker #0

    devrais peut-être préciser en tout cas les journalistes pigistes la pige c'est quoi en journalisme ? C'est du salariat mais c'est que moi par exemple si j'écris un article, je suis payée pour cet article cet article c'est une pige, si je fais une journée de tournage c'est une pige donc en fait je parle de précarité parce que je n'ai pas de contrat long, même pas de CDD et qu'on fait appel à moi pour une pige, deux piges, trois piges par mois, j'ai peu de visibilité sur six mois mais même parfois sur un mois, quand j'étais chez France 3, je me réveillais le matin, on pouvait m'appeler, me dire tiens est-ce que demain tu peux aller à Bordeaux pour trois jours et après ne plus bosser pendant 15 jours. Donc, c'est ça, la précarité dont je parle, c'est ça. Et puis, vis-à-vis de France Travail, c'est une méconnaissance totale, en fait, de la façon dont fonctionne la pige. Et donc, oui, on a vraiment maltraité. Le conseiller m'a raccroché au nez quand j'expliquais ma situation, parce qu'en fait, on nous réclame des papiers, des certificats d'employeur, dont nous ne disposons pas forcément. Parce que justement, quand tu écris un papier, enfin, que sais-je, un papier pour quelqu'un, Bon, c'est une collab. Peut-être que dans deux ans, tu réécriras un papier. Mais en fait, on n'ouvre pas de contrat et on ne ferme pas de contrat. C'est juste un article comme ça que tu as écrit. Donc, tu as une fiche de paye, ce qui est déjà bien.

  • Speaker #1

    Ce qui fait qu'au final, non, vous n'êtes pas bourgeoise richissime.

  • Speaker #0

    J'aimerais, mais déjà, comme je crois très fort. Alors attention, là, c'est le petit moment perché de votre interview. Je crois très fort en l'énergie et en la loi de l'attraction. Et en fait, je me dis qu'il faut que j'arrête de dire que je ne suis pas riche. Parce que le plus on dit je ne suis pas riche, le moins on est riche. Parce que l'univers comprend qu'on n'est pas riche.

  • Speaker #1

    Psychanalytiquement, votre psy vous dirait la même chose.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Donc voilà, je ne suis pas à la rue, je ne manque pas d'argent. Mais en tout cas, être journaliste ne veut pas dire être très riche. Et ce n'est pas parce qu'on voit notre tête à la télé ou en vidéo qu'on gagne plein d'argent. Et ça, c'est quelque chose aussi qui est important, puisque là, j'ai une très belle promotion sur le livre. C'est que la plupart des gens croient que quand on intervient dans une vidéo pour Konbini, pour Brut, et peut-être même là pour le podcast, on est rémunéré. Bien sûr. Mais non, vous, vous m'avez grassement payé.

  • Speaker #1

    Je suis vraiment reconnaissante.

  • Speaker #0

    Plein de thunes. Donc, en fait, pour moi, ça, c'est presque de l'éducation aux médias. Et en tout cas, pour les gens, pour le grand public, de parler de façon incarnée de mon travail et de montrer aussi la réalité de tout ça. Parce que depuis quatre mois, les gens, à raison, me disent c'est génial, tu as du succès, ton livre cartonne. Oui, mais en parallèle, moi, cet été, j'ai rentré zéro euro. et Pôle emploi ne m'a pas versé mes allocations. Depuis, c'est réglé. Mais en tout cas, voilà, c'est juste pour dire oui, mais encore une fois, en fait, les deux réalités sont possibles. J'ai du succès, mais là, je n'ai pas beaucoup d'argent. En fait, tout est compatible.

  • Speaker #1

    Plus loin que le journalisme et les essais dans lesquels on met beaucoup de soi, encore plus de soi, un roman, un jour ?

  • Speaker #0

    C'est honnête, je ne m'attendais pas à la question. C'est ma prochaine envie. Là, j'ai fait le point. Ça a l'air très, très formel. J'ai fait le point pendant l'été. Là, j'ai quelques projets dans les tuyaux, comme disent les jeunes. Un livre qui va apparaître en mars 2025. J'en dis pas beaucoup plus. Quelques projets pour lesquels j'attends des retours. Ce serait très chouette si ça se fait, mais qui ne seront pas des essais. Enfin, qui seront, j'aime pas dire des petits livres, mais des projets un peu amusants. Attention, ça ne veut pas dire que le sujet l'est. Mais en tout cas, pour moi, dans la façon de les créer, de les écrire, voilà, un petit peu plus ludique. Divertissant. Mais j'ai fait le bilan et je me suis dit, mon rêve, c'était d'avoir publié un livre à 30 ans. Je m'étais toujours dit, c'est génial si tu publies un livre à 30 ans.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    J'ai 33 ans, j'en ai sorti 5. Il y a des projets qui sont dans les tuyaux. Donc, je me suis dit, la prochaine étape, c'est les 35. C'est terrible, mais bon, on réfléchit comme ça, 30, 35, 40. Et je me suis dit, quelle est... Quel est ton autre rêve, ton autre envie ? Donc, c'est le roman. Je me suis dit, bon, allez. En fait, je n'ai pas envie de rempiler sur un essai. Et tout ce que j'ai encore à dire, parce que j'ai encore beaucoup, beaucoup de choses à dire qui sont liées à Désirer la violence, à Pêche aux canards, qui sont là très, très, très intimes. Donc, je pense qu'en fait, c'est de la matière à roman. Voilà.

  • Speaker #1

    On a hâte de lire ça. Puisqu'on est dans un café, nous allons terminer avec trois questions sur l'hiver du café, la boisson et tout ça. Oui, Qu'est-ce que le cocktail Angel Shot ?

  • Speaker #0

    Angel Shot, je connais Sorry Angel,

  • Speaker #1

    mais... C'est un faux cocktail qui est destiné à alerter le personnel que vous avez un problème avec quelqu'un de mal intentionné. C'est surtout aux Etats-Unis. Alors, il y a quelques cafés et bars parisiens qui font ça sous d'autres noms, mais aux Etats-Unis, c'est assez connu. Vous demandez un Angel Shot et ça veut dire que vous avez un petit souci. C'est pas mal.

  • Speaker #0

    Je connaissais le concept, je ne connais pas le nom et d'ailleurs je ne le connais pas en français

  • Speaker #1

    Il y a une différence selon les cafés ils mettent ça dans les cartes de cocktail J'aborde des thématiques sous l'angle de la boisson Vas-y,

  • Speaker #0

    super,

  • Speaker #1

    j'adore Quel est le cocktail préféré de Serge Gainsbourg ? Il y en a plusieurs Il y en a un dont il a fait la démonstration plusieurs fois notamment en vidéo au bar du Raphaël

  • Speaker #0

    Je ne sais pas

  • Speaker #1

    C'est le Gibson.

  • Speaker #0

    Ah non,

  • Speaker #1

    je ne sais pas. Il y a un jour qui disait Je connais mes limites, c'est pourquoi je vais au-delà. Et le Gibson, c'est du vermouth, du gin et des petits oignons blancs.

  • Speaker #0

    Vous savez que cette phrase Je connais mes limites, c'est pourquoi je vais au-delà c'était un exergue sur mon CV pendant très longtemps.

  • Speaker #1

    Pas mal.

  • Speaker #0

    J'aime beaucoup cette phrase. Mais après, quand j'ai commencé à postuler pour des médias féministes, je me suis dit C'est peut-être mal vu. Attends. Mais pourquoi vous l'avez cité là ? Parce que c'était dans cette vidéo, c'était pour un cocktail qu'il l'a...

  • Speaker #1

    Cette vidéo, oui.

  • Speaker #0

    Ça change tout alors. C'est plus du tout la même chose. Les oignons dans le cocktail, ça me brosse pas.

  • Speaker #1

    Ce sont des petits oignons blancs.

  • Speaker #0

    Qu'on met dans les pots de cornichons.

  • Speaker #1

    Ouais, exactement. D'accord, on va pas prendre ça. Et pour Pop Culture, quelle est la bière préférée de Homer Simpson ?

  • Speaker #0

    Bah la d'œuf ! Mais il y a la d'œuf ! Oh purée, j'ai le droit à une imitation. Oui, c'est bien.

  • Speaker #1

    Oui, je l'ai fait.

  • Speaker #0

    En fait, c'était juste pour ça la question. C'était pour pouvoir l'imiter.

  • Speaker #1

    Non, c'est un petit peu ça. Je suis vraiment désolé.

  • Speaker #0

    Mais moi, je prime juste pour finir. Je suis très heureuse parce que cet été, j'ai visité les studios Hollywood. à Los Angeles. Et donc, je me suis baladée dans Springfield. Parce que c'est reconstitué. Et donc, je suis allée chez Mo. Et là-bas, il y avait plein de produits dérivés de la Duff.

  • Speaker #1

    Ah, la frime !

  • Speaker #0

    Oui, voilà. Mais moi, j'imite Marge, mais là, je ne le sens pas.

  • Speaker #1

    Tant pis, on n'insistera pas.

  • Speaker #0

    Mais je l'imite bien.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, beaucoup, beaucoup, Chloé Thibault. Donc, je rappelle le titre du dernier livre qui est là, dans mes mains. Clac, clac, et qu'une préface de Lyo. Désirer la violence, ce que la... propre culture nous apprend à aimer et ce ce c'est eux ou ce c'est le ux les superbes voilà je le conseille lisez le tous et toutes mais surtout tous avec le consentement bien sûr vous avez écouté un café au comptoir petit mot habituel de chaque fin de podcast et bien aller sur apple podcast mettez 5 étoiles c'est encore mieux et puis surtout laissez nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast comment vous l'avez aimé vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, ce que vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très, très, très, très bientôt pour un nouveau café.

Description

Venez écouter Chloé Thibaud parler féminisme, cinéma et violence !


Il y a des livres qu’on aimerait ne pas avoir lus tant ils changent notre manière d’aimer certaines choses de notre quotidien. Celui écrit par mon invitée appartient à ceux là. Dans Désirer la violence (aux éditions Les Insolentes), on est confronté à ce qu’on n’avait pas vraiment envie de voir même si c’était planté comme un nez au milieu d’une figure… artistique, je parle de l’omniprésence de la  misogynie, du sexisme, du masculinisme et autres discours déviants et violents dans la pop culture, entendez par là, dans le cinéma, la musique, la peinture, la littérature, les séries tv, la publicité, bref tout ce à quoi on n’échappe pas et qui nous influence à notre insu jusqu’à modifier nos  comportements en société.


Car oui, spoiler alert  de la pub au pur divertissement,  insidieusement, un processus de manipulation s’opère sur notre façon de penser le monde . Et alors me direz-vous ? Il n’y a qu’à faire la part des choses. Bien sûr, vous répondrai je mais ce n’est pas si simple ! On parle d’un film, d’une chanson, qui dans ses images ou ses paroles banalise et rend acceptable la brutalité  ordinaire, de la claque au viol. Si l’autrice de cet essai peut se targuer de recevoir régulièrement  volées de bois vert et tombereaux d’insultes pour avoir dénoncé la violence sous jacente chez des génies tous  arts confondus, c’est que sa parole fait réfléchir et bûcher le système patriarcal.


J’imagine que c’est dur pour elle, éreintant même, éprouvant  de se prendre  ce mur de commentaires  vindicatifs, cimenté à la bêtise crasse. Moi, je l’ai touché du doigt, ce mur, il n’y a pas si longtemps avec Régis. Régis, c’est son vrai prénom, ce n’est pas un hommage au sketch des Nuls même si la réalité a fini par rejoindre  la fiction , Régis donc , est venu commenter sur Instagram un extrait de mon interview de Giulia Foïs.


Faisant fi des propos de mon invitée, Régis y est allé de son « not all men » « pas tous les hommes. » D’ailleurs  son épouse  pouvait  en témoigner, il aide à la maison… une perle ce Régis, revenant inlassablement à la charge pour défendre son bout de gras,  méprisant le cœur du sujet , le problème d égalité homme/ femme dans toutes les strates de la société mis en exergue par Giulia Fois .


Ce qui avait scandalisé sa conscience victimaire, c’était que mon invitée puisse parler de féminisme. Dans les commentaires, j’avais beau, comme avec un copain un peu lourdingue ou bourré, d’homme à homme, entre couilles, essayer  de ramener Régis à la raison, ou sur le chemin d’une réconciliation  même timide. Rien n’y faisait. Régis restait sourd  à tout argument.


Pour lui, en résumé «  les féministes faisaient chier » alors oui la dessus je le rejoins elles nous font chier car elles nous  plongent le nez dans notre propre caca, et c’est fort déplaisant.  Preuve  que le travail d’anthropologie culturelle de mon invitée est salutaire,  non …indispensable


Sa démonstration dans Désirer la Violence, toute implacable qu’elle soit, ne  se fait jamais dans l’animosité ou la rancoeur. Elle est humanisée  parce que racontée  par le prisme  de son expérience, d’anecdotes  humoristiques ou poignantes .


C’est donc pour en savoir davantage que ce que son compte Instagram et ses livres - car il y en a plusieurs !- donnent à comprendre sur elle, sur son tatouage dans le dos et surtout sur sa pensée acérée que je j'ai retrouvé Chloé Thibaud au café Le Tournesol rue de la gaité à Paris pour prendre avec elle un café au comptoir.



présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/


Enregistré au cafe Le Tournesol
https://www.reserverbarparis.fr/bar/le-tournesol/


instagram Chloe Thibaud :

https://www.instagram.com/chloe_thbd/





Transcription

  • Speaker #0

    Quand tous les matins on se réveille et qu'on a des commentaires qui nous disent qu'on est débile, je me sens de plus en plus en rebelle. J'ai pleuré de colère. Si Emmanuel c'est un chef-d'oeuvre de l'érotisme, vraiment j'arrête en fait, j'arrête.

  • Speaker #1

    Dans un café, tout le monde y passe et chacun s'y retrouve. Je suis Alexis Himéros et j'adore découvrir ces bars, ces cafés, où il fait bon prendre la boisson de son choix pour admirer le temps qui passe. J'ai demandé à des personnalités de m'inviter à partager leur zinc préféré pour prendre avec elles un café au comptoir. Il y a des livres qu'on aimerait ne pas avoir lus tant qu'ils changent notre manière d'aimer les choses dans notre quotidien. Celui écrit par mon invité appartient à cela. Dans Désirer la violence, aux éditions Les Insolentes, on est confronté à ce qu'on n'avait pas vraiment envie de voir, même si c'était planté comme un nez au milieu d'une figure artistique. Oui, parce que je parle de l'omniprésence, de la misogynie, du sexisme, du masculinisme et autres discours déviants. et violents dans la pop culture, entendez par là, dans le cinéma, la musique, la peinture, la littérature, les séries TV, la publicité, bref, tout ce à quoi on n'échappe pas et qui nous influence à notre insu jusqu'à modifier nos comportements en société. Car oui, spoiler alert, de la pub au pur divertissement, insidieusement, un processus de manipulation s'opère sur notre façon de penser le monde. Et alors, me direz-vous, il n'y a qu'à faire la part des choses. Oui, maman. Bien sûr, mais je vous répondrai que ce n'est pas si simple. On parle d'un film, d'une chanson qui, dans ses images ou ses paroles, banalise et rend acceptable la brutalité ordinaire de la claque au viol. Si l'autrice de cet essai peut se targuer de recevoir régulièrement volés de bois vert et tomberaux d'insultes pour avoir dénoncé la violence sous-jacente chez des génies tous arts confondus, c'est que sa parole fait réfléchir et bûcher le système patriarcal. J'imagine que c'est dur pour elle, éreintant même, éprouvant, de se prendre... Ce mur de commentaires vindicatifs, cimentés à la bêtise crasse. Parce que moi, je l'ai touché du doigt, ce mur, il n'y a pas si longtemps, avec Régis, c'est une histoire vraie. Régis, c'est son vrai prénom. Et ce n'est pas un hommage au sketch des nuls, même si la réalité a fini par rejoindre la friction. Régis, donc, est venu commenter sur Instagram un extrait de mon interview de Julia Foyce. Faisant fi des propos de mon invité, Régis y est allé de son not all men, pas tous les hommes. Et d'ailleurs, son épouse pouvait en témoigner. il aide à la maison. C'est une perle, ce Régis, revenant inlassablement à la charge pour défendre son bout de gras, méprisant le cœur du sujet, le problème d'égalité homme-femme, dans toutes les strates de la société mise en exergue par Julia Foy. Ce qui avait scandalisé sa conscience victimaire, c'était que mon invité puisse parler de féminisme. Dans les commentaires, j'avais beau, comme avec un copain un peu lourdingue ou bourré, d'homme à homme, entre couilles, essayer de ramener Régis à raison ou sur le chemin d'une réconciliation, même timide, Rien n'y faisait, Régis restait sourd à tout argument. Pour lui, en résumé, les féministes faisaient chier. Alors oui, moi là-dessus, je le rejoins. Oui, elles nous font chier, car elles nous plongent le nez dans notre propre caca. C'est fort déplaisant, preuve que le travail d'anthropologie culturelle de mon invité est salutaire. Non, il est indispensable. Sa démonstration dans Désirer la violence, toute implacable qu'elle soit, ne se fait jamais dans l'animosité ou la rancœur. Elle est humanisée. parce que racontée par le prix de son expérience d'anecdotes humoristiques ou poignantes, nettement moins drôles même. Et c'est donc pour en savoir davantage que ce que son compte Instagram et ses livres, car il y en a plusieurs, donnent à comprendre sur elle, sur son tatouage dans le dos, et surtout sur sa pensée acérée que je l'ai retrouvée au café Tournesol, vue de la gaieté à Paris, pour prendre avec elle un café au comptoir. Bonjour Chloé Thibault.

  • Speaker #0

    Bonjour, quelle introduction.

  • Speaker #1

    Incroyable.

  • Speaker #0

    Ça m'a beaucoup plu.

  • Speaker #1

    Tout est vrai.

  • Speaker #0

    Je me sens un petit peu espionnée pour le tatouage.

  • Speaker #1

    Ah ouais, stalker. Mais là,

  • Speaker #0

    on est en ligne, donc accessible.

  • Speaker #1

    J'ai rien inventé. Voilà, je ne vous ai pas suivi de là.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas une fake news.

  • Speaker #1

    En plus. Combien avez-vous rencontré de régis depuis la sortie de Désirer la violence ?

  • Speaker #0

    Rencontrer, j'ai eu de la chance, pas tant que ça.

  • Speaker #1

    On rencontrait en ligne, on va dire.

  • Speaker #0

    Je ne pourrais même pas l'écouter. C'est quotidien ? Oui, c'est quotidien. Ça s'est un petit peu calmé, là, quand même, depuis la rentrée. Ils ont pris des vacances. les régis, je crois qu'il faut qu'ils se remettent en route je sais pas, non là c'est en je pense que c'est en milliers, parce que si on s'en réfère au nombre de commentaires sous les vidéos que j'ai faites on est sur des milliers de régis, un régime de régis

  • Speaker #1

    Comment on le vit ? Au début on essaye d'expliquer,

  • Speaker #0

    et puis à un moment on lâche l'affaire Alors au tout début on a la chance d'être bien entouré par des consoeurs même plus âgés, autrices, journalistes, artistes, qui m'avaient prévenu en me disant, à la sortie de ton livre mais surtout à la sortie des grosses vidéos des gros médias, protège-toi, coupe le téléphone ou bien vraiment ne regarde pas les commentaires. Ce que j'ai bien réussi à faire, mais ma curiosité m'a eu ensuite et je n'ai pu m'empêcher de les regarder, mais bizarrement... Je l'ai quand même plutôt bien vécu parce que, sincèrement, je trouve que beaucoup de commentaires sont bêtes. Voilà. Et donc, ça ne m'attend pas parce que je trouve qu'il n'y a pas d'argument derrière. C'est vraiment du sexisme pur, de la misogynie. Je n'aime pas parler de misogynie ordinaire ou de sexisme ordinaire parce qu'on ne doit pas du tout banaliser ça. Mais en tout cas, c'est tellement cliché que ça ne m'attend pas. Mais il y a quand même un effet de nombre au bout d'un moment, quand c'est tous les jours, pendant au moins deux mois avant l'été. Pendant deux mois, quand tous les matins on se réveille et qu'on a des commentaires qui nous disent qu'on est débile, et ça c'est les plus gentils d'entre eux, mais sinon que je dois aller à l'hôpital psychiatrique, et puis qu'il y a quelques petites menaces de violence, c'est pas du tout plaisant. Et oui, ça finit par nous atteindre un petit peu, mais en fait, pas personnellement, c'est plutôt qu'on se dit purée, mais le travail, au moins, sera peut-être très très long, mais sinon on n'aboutira jamais. Et je trouve que le plus dur, c'est de ne pas se laisser décourager. Parce que malheureusement, les gens ont plus le réflexe de mettre des commentaires de ce type plutôt que des commentaires encourageants, même si je reçois beaucoup de soutien. Et donc, c'est juste une impression de parler dans le vide malgré tout. Donc ça, il faut réussir à garder sa motivation malgré les régis.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on ne se dit pas que ce qui fait naître ces commentaires, c'est une certaine impunité ?

  • Speaker #0

    On se le dit, je me le dis. Je vais arrêter d'utiliser la troisième personne pour... pour parler de moi. Je me le dis tous les jours, mais c'est ce qui me motive, justement, l'impunité de tous ces hommes. Le cyberharcèlement, la cyberviolence peut être punie, mais moi, évidemment, ce dont je traite surtout, ce sont des violences sexistes, sexuelles et conjugales. Ces violences-là sont impunies à l'heure actuelle en France, la majorité d'entre elles. Ça, c'est ce qui me motive. Mais en fait, ce qui, très rapidement, a germé chez moi, c'est le fait de voir tous ces commentaires négatifs. comme un moteur. C'est-à-dire que je me suis dit si j'en reçois autant et si tous et toutes me disent à peu près la même chose, c'est que j'ai appuyé au bon endroit. Donc en fait, assez vite, je me suis dit t'as réussi, c'est une victoire. Parce que si ça fait autant parler, si ça provoque autant de rejets, c'est que je suis au bon endroit.

  • Speaker #1

    Vous êtes attaquée surtout au cinéma dans Désir et la violence. La violence est surreprésentée là-dedans.

  • Speaker #0

    La violence est partout. Mais moi, j'aime énormément la peinture. Depuis toute petite, je visite beaucoup de musées, d'expositions, mais je trouve que ce travail-là est déjà bien fait et beaucoup réalisé par des consoeurs ces dernières années. Il y a vraiment plusieurs bouquins passionnants sur, entre guillemets, pour résumer l'histoire de l'art au féminin. Il y a des choses importantes. Je pense par exemple au podcast Vénus s'épilait-elle la chatte ? qui pour moi est indispensable. Et Julie Bozac, la créatrice, a sorti notamment un... Un gros épisode, je me demande même si ce n'est pas en deux parties, je ne sais plus, sur Picasso. À partir de là, il y a vraiment eu un gros reméménage, en tout cas dans le milieu féministe, mais qui a quand même commencé à envahir le public mainstream. Donc sur la partie peinture, par exemple, je trouve qu'il y a eu beaucoup de choses. Sur la musique, j'ai travaillé par ailleurs sur le sujet, je continue de travailler sur le sujet, donc je ressentais moins ça. Ce qu'il y a, c'est que selon moi... Oui, c'est le cinéma, mais je parle de pop culture, c'est-à-dire que c'est pour moi ce qui va parler vraiment au plus de gens. Et c'est vraiment avec ça, je pense, qu'on se construit parce que c'est un art complet. Il y a l'image, il y a le son. C'est vraiment ce qui, je pense, construit notre imagination, notre imaginaire plus que tout. Plus que la peinture, qui peut-être peut avoir un petit côté élitiste, plus que la littérature et peut-être à égalité avec la musique.

  • Speaker #1

    C'est vrai que le cinéma, c'est également les stérilités, je précise, pour les personnes qui n'ont pas découvert ce livre. Donc, il y a vraiment une analyse profonde de certains films que vous avez aimés. C'est comme si vous aviez eu des désillusions sur les choses qui vous ont fait triper.

  • Speaker #0

    En fait, en écoutant la question formulée comme ça, je me dis, oui, comme avec les hommes. Je les ai aimés et j'ai eu des désillusions sur des choses qui m'ont fait triper. En fait, c'est aussi simple que ça. C'est vraiment... ça c'est ce que je raconte au début du livre, c'est pourquoi est-ce que je me retrouve passer 30 ans ? Alors là pour le coup je vais à plein dans le discours anti-féministe, regardez là la pauvre avec son féminisme, ça l'a mené nulle part, elle a plus de 30 ans et elle est célibataire avec ses chats. Et elle ? Voilà. Oui d'abord et alors, mais ensuite, oui, comment se fait-il en étant pourtant une hétérosexuelle désireuse de rencontrer un homme chouette ? Comment ça se fait que j'en suis là ? et que j'ai autant souffert et que j'ai multiplié les relations chaotiques. En posant cette question-là, je me remets en question la première. Parce que parmi mes haters, la question qui revient le plus, c'est remets-toi en question, pauvre meuf En gros, c'est ça. Va chez la psy. Le problème vient peut-être de toi. Eh bien oui, je vous remercie. Oui, oui, je l'ai fait. Je fais tout ça. Je me remets en question. Le problème vient en partie de moi. J'ai aucun souci à l'admettre. Mais ensuite, une fois que je me suis dit ça, quand même, je ne suis pas à 100% responsable. Il y a plein d'autres choses qui m'arrivent et plein d'autres choses qui m'ont construite. Et donc après avoir fait tout ce travail de thérapie... qui se poursuit, d'ailleurs, qui se poursuit durant toutes nos vies, eh bien, je me suis rendu compte que oui, le cinéma, les séries, mais même les publicités et les clips que j'ai mis de côté dans mon livre ont vraiment participé à créer cet imaginaire amoureux qui est infiniment toxique.

  • Speaker #1

    Je parlais vraiment de ces désillusions, ces désillusions sur certains films. Comment on arrive vraiment à se dire que non, on ne va pas les canceller pour autant ? Parce que c'est ce que vous dites dans le livre. Il y a des choses que vous ne regardez pas. Il y a des chansons que vous n'écoutez plus, mais c'est un choix, mais vous dites surtout Mais en fait, je n'empêche personne de les écouter, je n'appelle pas au boycott, je ne suis pas là-dedans.

  • Speaker #0

    Absolument, vraiment. Moi, je n'aspire pas à un dictateur, donc vraiment, je laisse chacun et chacune libre de leur choix. Voilà, moi, le but de mon travail, ce n'est absolument pas de tomber dans ce cliché qu'on aimerait bien, évidemment, que je défende de la cancel culture. Maintenant, pour fabriquer le livre, j'ai dû faire des choix. parce que quand on dit le cinéma, c'est des millions d'exemples que j'aurais pu utiliser. Donc, je suis partie de moi et je me suis dit, mais toi, avec quel film est-ce que tu t'es construite ? Quand j'ai repensé à ces films et que j'ai réfléchi aux images, aux modèles qu'on m'a donnés, je me suis dit, est-ce que ça marche ? Alors, est-ce que ça marche dans la vraie vie ? Non, non. La plupart du temps, non. Et non seulement ça ne marche pas, mais en plus, ça m'a, ça c'est tout mon propos, éduqué. à désirer, à fantasmer sur des comportements qui sont très malsains, voire violents. À partir de là, quand on chausse ses lunettes et qu'on les voit pour ce qu'ils sont, ses comportements, c'est très difficile de continuer à avoir du plaisir à les regarder. En tout cas, on est plus neutre. Mais je repense, dans l'été, j'ai vu des passages de Grease. J'aime toujours autant, j'aime en fait. La BO, elle me transcende, ça me rappelle plein de choses. Je continue à regarder la majeure partie de ces films et de ces séries. Malheureusement, et vraiment je dis bien malheureusement, je ne peux plus les voir avec l'innocence que j'avais quand j'étais plus jeune.

  • Speaker #1

    Alors, en fait, ce que vous dites dans Désir et la violence, quand vous parlez exactement de la fièvre du samedi soir, de Grease, de Pretty Woman même, eh bien que c'est un film qui est très À la manière de certaines plateformes, et je pense à Disney qui fait ça sur des films Disney, il y a une recontextualisation de la période à laquelle le film est sorti. Vous pouvez rencontrer de la misogynie, vous pouvez rencontrer de la consommation de tabac, vous pouvez rencontrer du racisme. Mais parce que l'époque est comme ça, ils n'ont pas enlevé ces films-là. Vous souhaitez ça, une sorte de... C'est quoi, c'est des trigger words ? Ouais, c'est... Trigger warning, oui.

  • Speaker #0

    Je ne souhaite pas outrance. C'est-à-dire, attention, cette œuvre contient de la misogynie. Je pense que, bon, on aurait tous droit. Tous les films, il y aurait droit. Sexisme, on n'en parle pas. C'est partout, tout le temps. Non, je pense que...

  • Speaker #1

    Je parlais de recontextualisation.

  • Speaker #0

    En fait, la recontextualisation, franchement, ce serait barbant. Moi, la première, quand je lance un film, je n'ai pas envie de me farcir, je ne sais pas, 5 minutes d'introduction. J'imagine là un générique à la Star Wars avec le texte qui défile. pour m'expliquer que tout ce que je vais voir, attention, c'est pas bien, c'est immoral, etc. Non, j'aspire pas à ça. En revanche, ce qui, en plus, dans certains pays, est en discussion, et ce qui serait très simple à mettre en place, c'est un petit logo ou un petit avertissement sur les violences sexuelles et le non-consentement. Mais ce qui existe déjà, là, par exemple, sur des plateformes de streaming, mais de façon bien plus systématique, mais qu'on ne puisse plus... Parce que le test, je l'ai fait en temps réel quand j'ai travaillé sur le bouquin. Je n'ai pas tous les DVD. D'ailleurs, les DVD, c'est ringard. Ça me date un peu. Attention, j'ai donné mon âge.

  • Speaker #1

    Tu parlais du carré blanc. Même les VHS,

  • Speaker #0

    je n'ai plus de lecteur. Bref, j'ai racheté un lecteur DVD et j'ai racheté des DVD. Mais j'ai dû aussi acheter des vidéos à la demande. Par exemple, La fièvre du samedi soir. Par exemple, Les valseuses ne m'en voulaient pas. Je n'ai pas les DVD. Je n'y tiens pas. Et quand je les ai loués, j'ai absolument rien qui m'indique que ces films-là sont des films mettant en scène des viols. Et pire encore, si je regarde, comme toute personne un peu lambda, la page Wikipédia du film, pour un film comme Les Valseuses, on me parle d'une comédie érotique. Donc comment moi... Je me dis, tiens, je vais me lancer une comédie érotique. Et je tombe sur un film qui fait l'apologie du viol.

  • Speaker #1

    Avec un acteur qui est l'un des plus grands acteurs français, qui honore la France, comme le précise notre président de la République. Vous avez tout l'ironie dans ce propos, bien évidemment.

  • Speaker #0

    Je pensais que c'était au premier dit. Non, mais ça, ça me paraît relativement simple. Et je pense que ça pourrait créer quelques petites prises de conscience. si au moins on se dit ah bon ? il y a de la violence sexuelle, il y a des viols dans ce film-là idem pour la fièvre du samedi soir pour citer ces deux exemples pour ce qui est de la contextualisation et de la recontextualisation je pense que ça demande un petit peu plus de travail mais par exemple je ne sais pas s'il y a un cycle obligé dans un cinéma à Paris se dire faisons appel à une médiatrice un peu éclairée qui nous parle de tout ça qu'en fait ces oeuvres-là ne soient plus systématiquement célébrées comme étant des productions de grands génies, du cinéma d'auteurs, du cinéma français, sans aucune nuance et sans justement qu'on nomme les choses pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des viols et des agressions sexuelles.

  • Speaker #1

    Je pense que s'il y avait un cycle lié dans un cinéma du 5e arrondissement, par exemple, ce serait pour un public assez averti, et je vais peut-être faire un trait caricatural, mais assez cultureux. Ça ne parle pas à suffisamment de monde.

  • Speaker #0

    Ah oui ! Oui, mais c'est bien pour ça que dans le livre, je convoque des exemples peut-être plus pop qu'oubliés, comme la fièvre du samedi soir. Parce que la fièvre du samedi soir, j'ai fait le test quand j'interviens et même auprès de mon entourage. Même si on ne l'a pas vue, même si on a 20 ans, 25 ans, je ne sais pas, mais au moins qu'on ne l'a pas vue, on sait quand même vaguement que c'est John Travolta, le disco, les Bee Gees. Après tout,

  • Speaker #1

    ils vont danser. Ce n'est pas ça.

  • Speaker #0

    Non, et on a les scènes de danse. Bon, là, c'est un podcast, on ne voit pas faire ce mouvement ridicule. Mais on a juste cette image générale-là qui vient instantanément. Mais quand on dit aux gens, mais tu te rappelles de la scène de viol collectif dans la fève du samedi soir ? Non, non, pas du tout. Les gens ne se rappellent pas. S'ils ne l'ont pas vu récemment, ça passe complètement inaperçu.

  • Speaker #1

    C'est un problème d'éducation en général ?

  • Speaker #0

    C'est un problème d'éducation. En fait, c'est précisément la culture du viol. La culture du viol, c'est... C'est l'ensemble des représentations, des comportements qui participent à justifier les agressions sexuelles et le viol. À les justifier, à les minimiser, à les romantiser, au fait qu'on puisse en rire. Mais c'est vraiment une culture. Donc oui, c'est de l'éducation. Et je mesure bien que mes mots sont forts, mais je considère qu'on nous éduque à la violence sexuelle, à la subir ou à la commettre.

  • Speaker #1

    Oui. Dans ce que vous expliquez dans ce livre, c'est également le refus des rapports de domination. Ce n'est pas uniquement sur les violences sexuelles, mais c'est également des dominations sur les femmes, sur toutes les minorités. Comment on fait ? Parce que c'est induit dans le capitalisme, ça. Vous vous considérez un peu comme anticapitaliste ?

  • Speaker #0

    En fait, pour être humble, moi, je ne m'y connais pas assez pour dire je suis anticapitaliste En revanche, je comprends bien que c'est lié. La lutte anticapitaliste et la lutte féministe et la lutte écologiste, en fait, tous ces combats sont liés parce que le dénominateur commun, c'est le patriarcat. Donc oui, de fait, je le suis un petit peu près dans mon quotidien.

  • Speaker #1

    Je flamme d'une révolutionnaire sur le papier.

  • Speaker #0

    Je vais répondre un tout petit peu à côté en disant qu'en tout cas, je me sens de plus en plus rebelle, plus que révolutionnaire. de plus en plus engagée dans mon travail. Je pense que justement, avec ce livre-là, on voit bien qu'il y a un tournant, même si les livres d'avant étaient aussi féministes et engagés d'une certaine façon. Mais en fait, je supporte de moins en moins de ne rien dire et de ne rien faire face à tout ça, mais notamment aux injustices liées au genre et aux violences sexistes, sexuelles, conjugales, aux violences faites aux femmes et aux enfants. Sur ce terrain-là, comme aussi je me sens de plus en plus légitime à prendre la parole, parce que je connais de mieux en mieux ces sujets-là, ma colère ne fait que grandir. Mais j'arrive à en faire quelque chose de positif, c'est-à-dire à en faire un moteur. Ce qui rejoint un petit peu ce que vous disiez en introduction, apprendre parfois avec des pincettes, mais on me dit beaucoup c'est bien parce que... Là, c'était pas d'animosité, etc. Mais en fait, je fais attention à ce qu'on me dise. C'est bien toi, contrairement aux autres, t'as pas l'air d'une hystérique, etc. C'est pas ce que j'ai ressenti dans l'introduction, mais ça peut vite être ça. Mais en tout cas, moi, je me dis tant mieux, mine de rien, si les gens ressentent ça. Parce que ça veut dire que j'arrive à faire ressortir ma colère d'une façon qui ne soit peut-être pas colérique. Je ne sais pas si je suis très claire.

  • Speaker #1

    Moi, ce que j'ai ressenti dans le livre, c'est que vous donnez beaucoup de vous-même. On vous sent... On vous sent autrice, ce n'est pas juste un essai, vous êtes dedans. vous expliquer, on voit votre vie. Et c'est ce qui humanise le propos, ce sont vraiment les mots que je vais employer, ça humanise le propos, et on se dit, ah oui, c'est une vraie personne derrière, ce n'est pas une accumulation de faits, ce n'est pas juste une analyse critique qu'on pourrait en avoir avec un narrateur complètement neutre, et un monsieur qui passe avec un transpalette, il fait un petit peu bruit, mais ce n'est pas grave, on aime ça, c'est la vie, c'est la vie de la gaieté, tout le monde est heureux, tout le monde est gai, dans cette rue. Et en fait, c'est là-dedans qu'on retrouve un style, le style du notrice, un style qu'on a découvert dans d'autres livres également. Et c'est là que j'ai retrouvé le fil.

  • Speaker #0

    Ça me fait plaisir. Ça me fait plaisir. Merci de ce que vous me dites. Parce que... Et quand je dis ça, alors... Là, c'est une prétérition, ce que je suis en train de faire, parce que si, ça va être de la justification. En fait, je sais que je serais tout à fait capable de faire un essai plus traditionnel, plus académique, et donc peut-être plus... intello. Je pense que c'est quand même le mot, parce que je suis issue d'une formation littéraire exigeante. On m'a appris à faire ça, à ne pas mettre de moi dans les analyses, dans les commentaires de texte, etc. Mais je crois vraiment que finalement c'est ma patte, si on utilise notre jargon. C'est même pas que je ne saurais pas faire autrement, mais je n'ai plus envie de faire autrement. Même dans mon travail de journaliste, ça fait 4 ans maintenant, 4-5 ans que j'écris des formats newsletter. pour différents médias ou des chroniques. Et donc, en fait, partir de moi, mais pour réussir à toucher quelque chose de plus large et d'universel, c'est devenu presque ma marque de fabrique. Mais en fait, quand je dis que ça me fait plaisir, c'est parce que c'est quelque chose qui revient de temps en temps quand les lecteurs et les lectrices m'écrivent et je me rends compte que c'est aussi ce qui me permet de toucher les gens. Et sur ce sujet-là, qui est un sujet grave, je me dis que c'était vraiment important de l'écrire de cette façon parce que... On a sans doute moins l'impression que je fais la morale et que je dis, alors ça c'est bien, ce film-là ne le regardez plus. En fait, moi je dis aussi, mais attendez, moi ce plaisir coupable, je l'ai. Moi je continue d'écouter Marilyn Manson. Parfois j'écoute Marilyn Manson parce que c'est toute mon adolescence. Pour autant, je sais très bien que c'est un affreux personnage. Le mot est faible. Enfin voilà, je ne suis pas irréprochable. Et en fait, moi constamment, je questionne justement mon féminisme. Et j'essaye de dire aux autres, surtout aux femmes, on peut être féministe, on peut être au courant de tout ça, défendre corps et âme, tout ce qu'on défend, mais ne pas être parfaite. Et continuer à avoir ce qu'on appelle des plaisirs coupables, mais je ne suis pas très fan de cette expression.

  • Speaker #1

    Sur ce sujet, juste après un vrai ou faux jingle. Vrai ou faux ? Vous attendez le jour où vous serez bluffée, émue, transportée par une scène de sexe consenti, sexe consenti, écrite et filmée par un homme cisgenre hétérosexuel. Ça n'existe pas ?

  • Speaker #0

    Donc vrai, vrai, je l'ai écrit. Ce serait quand même dommage que je dise le contraire.

  • Speaker #1

    Ça n'existe pas ?

  • Speaker #0

    Non, j'en ai pas trouvé.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ça existe si c'est d'autres personnes ? C'est-à-dire, mettons, ça soit une réalisatrice, est-ce que là, elles ont réussi ?

  • Speaker #0

    Bah écoutez, je peux vous répondre de façon très contemporaine, puisque j'ai vu le film Emmanuel d'Audrey Diwan, et j'en suis sortie très déçue, très déçue. Parce que, alors pour le coup, Emmanuel de 1974 n'est pas dans mon livre, et je pense que j'aurais dû finalement en parler, j'ai pas été assez stratège. En fait, je crois qu'à l'époque, quand j'ai commencé à travailler sur Désir et la Véloche, je ne savais pas qu'Audrey Diwan allait le tourner, etc. Mais en fait, j'ai travaillé à posteriori sur la question d'Emmanuel de 1974, qui est, pour être tout à fait honnête, j'ai pleuré à la fin du film. J'ai pleuré de colère, parce que vraiment, je me suis dit, si Emmanuel, c'est un chef-d'œuvre de l'érotisme, vraiment, j'arrête en fait, j'arrête. Si des milliers, millions d'hommes, pardon pour mon langage, d'une certaine génération, mais qui sont encore parmi nous, se sont masturbés en regardant Emmanuel. Ça veut dire qu'ils se sont masturbés, ça veut dire qu'ils ont joui devant des viols du début à la fin. Emmanuel, ça n'est que ça. Donc vraiment, j'ai eu un moment de désespoir complet quand j'ai revu Emmanuel. Et donc, sachant qu'Audrey Duhuan repart du livre d'origine d'Emmanuel Arsene et que La Promesse, quand même, était un film plus féministe qui célèbre le plaisir féminin, j'en attendais beaucoup de choses. Et vraiment, et je vous assure que je ne suis pas devenue frigide comme... comme le voudraient les masculinistes, et bien vraiment, ça ne m'a pas du tout excitée. Et je trouve que le pari n'est pas relevé. Et que c'est un film qui reste encore assez male gaze. Donc c'est-à-dire... très cliché dans ce que peut attendre le spectateur au regard masculin. Et vraiment, je ne l'ai pas trouvé érotique, je ne l'ai pas trouvé sensuel. Je suis peut-être dure, parce que là, ça fait quelques jours que j'en parle de façon très radicale, mais je suis vraiment déçue par ce film, parce que je m'étais dit, peut-être qu'on va avoir cette fois un vrai chef-d'œuvre, le terme est très grand, mais un classique érotique féministe, mainstream en plus, par une réalisatrice que par ailleurs j'aime. J'ai rien du tout contre Audrey D. Wan. Donc voilà, pour moi, c'est raté.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il peut y avoir un male gaze féminin ? Je sais que ça a l'air un peu bizarre de dire ça comme ça. Que ça peut être porté également par un regard féminin, qui peut être, je parlais tout à l'heure du capitalisme, du libéralisme. N'oublions pas qu'une réalisatrice, même avec les meilleures intentions, peut être pressée par un producteur, par une maison de production, par tout un environnement autour d'elle qui la force à faire certaines images.

  • Speaker #0

    Et une femme peut être sexiste. Et moi, j'ai encore, j'imagine, certains biais sexistes à l'intérieur de moi. Donc, on peut tout à fait être une femme réalisatrice et filmer de façon male gaze. Mais pour le rappeler, juste le male gaze, c'est un concept qui a été théorisé en 75 par Laura Mulvey. En France, Iris Bray, elle, a sorti Le regard féminin, donc où elle développe l'idée du female gaze en réponse. Chacune explique que ce n'est pas parce qu'on est un homme. Quand on utilise le male gaze et une femme, le female gaze, ce serait beaucoup trop simple, en fait. Et beaucoup trop genré, pour le coup, et cliché. Des femmes qui nous ont sorti des films archi male gaze, il y en a plein. Bon, là, je n'aime pas tirer dans les pattes d'autres femmes et de consoeurs, mais ça, pour le coup, j'en ai revu en me disant... Et même dans les dialogues. Mais le bon vieux plan, donc 100% male gaze, qui parle à tout le monde de la femme canon qui sort de l'eau. à la plage et qu'on fonde des pieds à la tête et qu'ils se passent les mains comme ça au ralenti sur la poitrine et les cheveux. Ou bien à l'inverse, le gros plan fesse avant qu'on voit le visage, etc. Je l'ai vu dans plein de films de nanas.

  • Speaker #1

    C'est vrai que moi, quand je sors de l'eau, je fais très attention. Sauf que souvent, je vais sur des plages de galets et je me fais mal aux pieds. Je me tords n'importe quand. C'est horrible. Alors, un autre vrai ou faux. Vrai ou faux, vous êtes une ex-fane de Gainsbourg.

  • Speaker #0

    Ah non, je ne peux pas dire. Je ne peux pas dire vrai.

  • Speaker #1

    C'est pour une référence à sa chanson.

  • Speaker #0

    Je l'avais quand même.

  • Speaker #1

    Merci. Ça me permet, je vous coupe un petit peu, mais ça me permet de faire un parallèle entre votre premier livre publié en relisant Gainsbourg et puis Désirer la violence. Et finalement, il y a un chemin qui s'est fait entre faire un livre qui... Il y a une critique quand même de Gainsbourg, mais en même temps, c'est un formidable... hommage.

  • Speaker #0

    Ah oui, qui célèbre Gainsbourg.

  • Speaker #1

    Car vous êtes une spécialiste de l'œuvre de Gainsbourg.

  • Speaker #0

    J'ai beaucoup travaillé sur son œuvre parce que c'est un premier essai qui était tiré de mon travail de mémoire universitaire quand j'étais en licence de lettres. La thèse de ce livre, c'est Gainsbourg, ce grand poète du 19e, en tout cas qui ressemble très fort à Rimbaud Baudelaire, qui était ses héros. Oui, en tout cas, qui étaient ses modèles. Après, sur le pompage, on peut rentrer dans les détails. Mais c'est un livre qui célèbre Gainsbourg.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui a évolué dans votre analyse de Gainsbourg, de ses textes, de ce qu'il exprime ?

  • Speaker #0

    En fait, je réponds en prenant la question un peu à l'envers. Admettons que... La nana qui a pensé à tout. Admettons qu'en 2030, on me contacte pour rééditer mon livre à l'occasion des 40 ans de la disparition de Gainsbourg. Parce que là, mon livre était sorti en 2020 à l'occasion des 30 ans de sa disparition. Si donc je devais reprendre un peu ce manuscrit et me dire qu'est-ce que j'en fais ? Eh bien, ça m'intéresserait très peu, en fait, de toucher au texte que j'ai déjà sorti. Ce que je ferais, c'est soit d'écrire quelque chose avant mon texte, soit après mon texte. où là, je parle de l'homme Gainsbourg et de tout l'à-côté. Et oui, en effet, je reviendrai sans doute sur des textes pour expliquer comment telle ou telle chose, notamment la fascination pour les mineurs, que j'évoque quand même un petit peu dans mon bouquin. En fait, ce serait un à-côté. Mais tout ce que j'ai écrit de son œuvre, de ses textes, je le pense encore. C'est pour ça. Non, je n'ai pas brûlé ces disques. J'ai encore des vinyles.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous voyez Gainsbourg différemment aujourd'hui d'il y a dix ans ? Oui,

  • Speaker #0

    en fait, c'est ça qui a changé. En fait, pour moi, ce qui est très, très important et ce qui est sans doute la clé pour qu'on arrive un peu toutes et tous à faire la paix et qu'on arrête de... traiter mon camp de woke, de wokiste, de façon péjorative. Parce qu'en fait, moi, ce que je défends, c'est le fait de pouvoir dire que, oui, à mes yeux, Gainsbourg est un génie de la chanson. Ce qui n'empêche pas que ce soit un homme très problématique et violent. L'un n'empêche pas l'autre. En fait, c'est pas séparer l'homme de l'artiste, c'est comprendre que les deux ne font qu'un, et que les deux, en même temps, peuvent être géniales et abominables. Et en fait, pour moi, c'est ça la clé. C'est exactement la même chose. Ça,

  • Speaker #1

    c'est un petit peu comme vous le disiez, que quelquefois, on dit, oui, il y a Gainsbourg et Gainsbourg, mais non, en fait, ce n'est qu'un seul et même personnage.

  • Speaker #0

    Oui, ça, ça a été mon petit argument préféré pendant longtemps. Non, non, mais moi, j'aime Gainsbourg. Gainsbourg, je n'aime pas du tout, mais j'aime Gainsbourg. En fait, ce que je faisais précisément à ce moment-là, c'est jouer le jeu du patriarcat. C'était vraiment la défense des hommes violents. Non, non, mais... C'est un très bon père de famille. Oui, à côté de ça, il me donne des coups, il me maltraite, mais c'est un super papa. En fait, c'est essayer de diviser, de séparer le problème. Et c'est ça qui est le plus douloureux. C'est ça, en ce moment, qui commence vraiment à transparaître dans l'actualité. Je pense à l'affaire Gisèle Pellicot. Au moment où on enregistre, de toute façon, on va en entendre parler pendant quatre mois.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    sur quatre. Une femme qui a été violée par une cinquantaine d'hommes et son mari qui a organisé tout ça. Et en fait, quand on voit le profil de ces hommes-là et du mari, ce sont vraiment des hommes ordinaires. Donc, je ne doute pas que parmi ces hommes-là, il y ait, et d'ailleurs on l'a dit, des excellents journalistes, de très bons pompiers, des policiers investis, des conseillers municipaux. Ces hommes-là ne sont sans doute pas des monstres dans leur vie quotidienne. Par ailleurs, ce sont des hommes abominablement violents. Avec la culture, c'est précisément la même chose. Et j'ai... aucune honte à chaque fois à en parler, mais pendant longtemps, j'ai dit que si j'avais un petit garçon, je l'appellerais Roman, parce que j'étais fan du cinéma de Roman Polanski quand j'étais plus jeune et ado. C'était vraiment l'un de mes cinéastes préférés. J'ai eu une statuette de Woody Allen dans mon entrée pendant longtemps, dès que j'ai eu mon premier appartement. En fait, moi, tous ces hommes-là, je les ai admirés. C'était mes références. On en fait quoi, après ? On remet tout en question. C'est très, très douloureux. Finalement, souvent le dégoût l'emporte, donc on n'a plus envie de regarder leurs films. Mais c'est pas grave, parce qu'il y en a plein d'autres. Il y en a vraiment plein d'autres. Donc voilà, on avance. Mais c'est comme... C'était pas pour faire une blague que je disais, c'est comme avec les hommes. On peut avoir de la nostalgie en repensant à tel ex et en se disant quand même, on était bien parfois quand on faisait les cons au bord de la scène. Bah oui, mais en fait, à côté, tout le mal qu'il y a eu l'emporte, quoi. Et donc on n'a plus du tout envie de se remettre avec ce type-là. C'est la même chose.

  • Speaker #1

    Boris Vian, vous assumez toujours ?

  • Speaker #0

    Ah oui. Oui. Boris Vian, j'ai jamais...

  • Speaker #1

    Vous l'avez dans la peau ?

  • Speaker #0

    Je l'ai dans la peau. Mais c'est surtout... Peut-être qu'un jour, des choses affreuses sortiront à son sujet. Mais je défendrai... En fait, je vous dirai la même chose.

  • Speaker #1

    Je ne suis même pas sûr, non. Il écrit la chanson avec Magalie Noël, Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny

  • Speaker #0

    Que je paraphrase, d'ailleurs. dans un sous-titre.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, un de vos amoureux éphémères vous a dit un jour...

  • Speaker #0

    J'ai peur.

  • Speaker #1

    Si ça peut te faire bien voir dans ton taf de dire que tu connais un futur romancier à succès, n'hésite pas à citer mon nom, je serais ravi de pouvoir t'aider.

  • Speaker #0

    Je m'y attendais pas.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est pas...

  • Speaker #0

    J'avais vraiment bien travaillé, purée, l'interview. C'est absolument vrai. Après, très honnêtement, c'était pas un amoureux éphémère. Ça a été une espèce de plan sexe que j'ai vu deux, trois fois.

  • Speaker #1

    Mais alors, il a sorti son truc ou pas ?

  • Speaker #0

    Mais bien sûr que non. Mais il n'a rien sorti du tout. Je ne sais même pas ce qu'il devient professionnellement, mais à l'époque, il était retourné vivre chez sa mère. Et en fait, il m'avait ghosté parce qu'apparemment, il était parti deux ou trois mois dans le désert. Non, mais une histoire, une histoire. Il était revenu à les poches remplies de carnets où il avait écrit de la poésie à deux balles. Et en fait, moi, j'étais quand même déjà sur mes rails littéraires, journalistiques, etc. Et il frimait en disant, si ça peut t'aider, tu peux dire que je vais sortir un premier roman. Et il m'avait dit, de toute façon, à 30 ans, si je ne suis pas édité chez Gallimard... Non, si je n'ai pas le Goncourt, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    C'est le Goncourt. Il dit, je serai édité chez Gallimard.

  • Speaker #0

    T'es chez Gallimard et j'aurai un concours, etc. Bah franchement, on pensait pour lui. Une minute de silence pour...

  • Speaker #1

    Peut-être a-t-il changé l'identité, on ne le sait pas.

  • Speaker #0

    Ce qui en dit très long, et là on en rit, mais je vous prie de croire que c'est très pénible parce qu'ils sont nombreux, en tout cas, à avoir croisé ma route. C'est des hommes qui s'intéressent finalement peu à moi alors que j'ai énormément de choses à raconter et que j'accomplis beaucoup de choses. Et qui, eux, en ayant fait, je vais être gentille, moitié moins, mais c'est beaucoup plus que moitié moins, la ramènent, mais carrément, quoi. Et essayent de me rabaisser. Mais c'est fini, tout va bien.

  • Speaker #1

    Pour les personnes qui se demandent d'où je tiens cette information, c'est dans le livre Péchaud, Canard.

  • Speaker #0

    Quel jeu de mots.

  • Speaker #1

    Voilà, quel jeu de mots.

  • Speaker #0

    Et Décryptage d'une vie amoureuse tumultueuse, qui sont 20 chapitres au titre plein de jeux de mots canardesques, puisque le monsieur dont on vient de parler, c'est le canarcycique.

  • Speaker #1

    Le canarcycique.

  • Speaker #0

    Et la plupart des... Enfin, certaines de ses histoires sont analysées par Lilian Holstein, qui est psychanalyste et qui est ma... qui a été ma vraie psychanalyste. Donc c'est finalement un ouvrage très intime, mais qui lui n'a pas vraiment trouvé son public, donc qui pour moi, tant mieux si ça vous fait rire, mais qui pour moi a été très important. Et finalement, ça a été le déclencheur de Désirer la violence.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, vrai ou faux, depuis votre livre Pêche au canard, les hommes qui passent dans votre vie vous font signer des accords de confidentialité.

  • Speaker #0

    Non, mais plusieurs, évidemment, m'ont fait la blague. Je vais me retrouver dans un livre, il va y avoir un tome 2. Et je leur dis, tu aimerais bien. Pas mal. Parce qu'en fait, et puis il y en a même qui ont acheté le bouquin pour voir s'ils étaient dedans. J'en ai qui sont dedans, qui se sont reconnus. Un qui a fait son mea culpa. D'autres qui finalement n'ont rien dit. Et d'autres qui ont été déçus de ne pas y être. Mais c'est pour dire quand même l'ego, quoi. L'ego masculin, parce que c'est pas très glorifiant d'être dedans.

  • Speaker #1

    J'ai adoré ce livre. D'ailleurs, vrai ou faux, pour vous séduire, pratiquez la gyroroue. La gyroroue, oui, il n'y a rien de mieux. Je précise que c'est une gyroroue, c'est une sorte de gyropode, c'est une roue sur laquelle vous mettez les deux pieds, vous tenez debout, vous pouvez mettre un casque. C'est important le casque d'ailleurs, et vous pouvez déambuler comme ça.

  • Speaker #0

    Je suis en train de rejouer le pire date de ma vie. Alors avec lui, il ne s'est rien passé, mais c'était le date à la fois le plus court et en ressenti le plus long de l'histoire. Parce que c'est un type qui n'avait que me parler de ça. J'ai roulé. C'était affreux. C'est fini tout ça, c'est derrière moi.

  • Speaker #1

    Vous parlez beaucoup de vous dans vos livres. Là, je prenais un peu un...

  • Speaker #0

    Vous parlez de quelqu'un d'autre.

  • Speaker #1

    Ben non, vous êtes là. Mais vous parlez beaucoup de vous dans vos livres. C'est-à-dire qu'on connaît beaucoup de choses de votre vie. Même sur Instagram, moi j'ai trouvé des choses qui sont très personnelles. J'évoquais ce tatouage dans le dos, cette phrase de Boris Vian. Et ça devient un passage obligé, finalement, quelque part, de donner de soi, de donner de son intimité quand on écrit aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Non, vraiment. En plus, moi, j'ai quand même encore cette double casquette de journaliste. Donc, non seulement ce n'est pas un passage obligé, mais je sais bien qu'en plus, pour... Beaucoup de journalistes et beaucoup de médias, ce que je fais, c'est mal. En tout cas, je sais qu'il y a des médias, peut-être pour lesquels je ne pourrai plus travailler, justement parce que je suis trop ouvertement moi-même dans mon travail, que je mets trop d'intime, peut-être trop d'engagement politique, féministe. Je dis ça sans qu'on m'ait dit, non, non, on ne travaillerait pas pour le monde. Je n'ai pas tenté, mais je veux dire, j'ai conscience de ça, parce que dans le journalisme, il y a cette supposée. Objectivité, mais qui n'en est rien parce qu'on n'est jamais 100% objectif. Mais bon, en tout cas, neutralité journalistique. Mais moi, j'ai réussi en fait à passer ce cap-là aussi parce que j'ai fait une année d'Erasmus en Angleterre. Et parce que je connais des amis qui sont aux États-Unis ou donc en Angleterre. Et que là-bas, c'est très différent en fait. On met beaucoup moins les gens dans une case. Donc soit journaliste, soit auteur, etc. Soit poète, que sais-je. et qu'ils ont beaucoup plus cette... Enfin, I'm a writer, c'est je peux tout à fait écrire et être journaliste et être auteur et être un peu les deux. Et il y a beaucoup plus l'effet chronique.

  • Speaker #1

    Peut-être moins dans une case, finalement.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    exactement.

  • Speaker #0

    Et même, d'ailleurs, je dis ça pour les anglo-saxons, mais en Erasmus, je partageais ma maison avec des Allemandes. Bon, je ne parle pas du tout allemand. Mais ce que j'apprécie avec elle, c'est qu'elle pouvait avoir une majeure maths et à côté philo ou musique ou art, et vraiment mener les deux de front. En France, il faut vraiment qu'on fasse notre choix très tôt.

  • Speaker #1

    Quelque chose de très monolithique.

  • Speaker #0

    Voilà, soit on est lettres, soit on est matheux. Soit on est éco, et ça, ça m'emmerde profondément. Et dans le journalisme, c'est quelque chose que j'ai beaucoup ressenti, justement, parce que parfois, j'ai travaillé, enfin parfois, pas mal de temps, j'ai travaillé dans des rubriques sexo, par exemple, tout en ayant complètement envie de pouvoir traiter des sujets de société ou de la politique, ou entre mille guillemets, des choses plus sérieuses.

  • Speaker #1

    Et le sexe est politique ?

  • Speaker #0

    Absolument, et tout à fait sérieux. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il peut vraiment y avoir quelque chose d'élitiste. et parfois d'un peu méprisant sur certains formats, sur certains sujets. J'ai décidé que je refusais d'en bâtir. Donc, je mène différents projets qui, aux yeux de certains, peuvent paraître incompatibles, mais qui ne le sont pas du tout au mien.

  • Speaker #1

    Et en même temps, vous êtes très dans l'air du temps. Je pense à des journalistes qui donnent leur avis, qui ont un point de vue... et qui donne à lire de leur vie je pense à salomé saké je pense à des journalistes qu'on peut voir dans l'équipe de quotidien par exemple mais est ce que aujourd'hui le journalisme a changé le journalisme de s'impliquer tant

  • Speaker #0

    vous êtes attaqué c'est à dire que c'est comme si journalistes étaient devenus un gros mot c'est très difficile pour moi de répondre en généralisant parce que pour moi journalistes ça recouvre 50 réalités différentes que j'ai pu vivre moi-même parce qu'au début de ma carrière j'étais journaliste, reporter d'images et rédactrice par exemple pour France 3 donc là dans un média beaucoup plus traditionnel où je faisais de l'information générale donc j'ai vécu ça j'ai fait des sauts de puce chez BFM donc j'ai connu différentes réalités donc déjà rien que du point de vue de ma carrière le mot journaliste il a voulu dire dix choses différentes. Ce qui est sûr, c'est que c'est un métier que les gens globalement n'aiment pas, mais qui selon moi est très méconnu, parce que soit on ne l'aime pas du tout, on nous rejette, je pense vraiment à mes confrères et consoeurs de news, qui sont agressés même dans la rue. Je sais moi qu'à l'époque où j'avais le micro BFM, et pourtant je travaillais pour le service culture, mais peu importe, j'étais quand même alpaguée. voire un peu malmené, insulté quand je faisais certains de mes sujets parce qu'on voyait la bonnette BFM, donc je l'ai un petit peu senti à mon échelle. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que c'est un métier qui est méconnu, et soit on déteste, soit on le fantasme. Et je dirais qu'actuellement, moi je souffre, entre guillemets, plus de la deuxième option, qu'on le fantasme. C'est-à-dire que les gens ont l'impression que c'est un métier très bourgeois, où les gens gagnent plein d'argent, et c'est bien pour ça que c'est méconnu. Parce que la plupart des journalistes et des journalistes qui m'entourent et moi-même, non, nous n'en mettons pas plein les fouilles. Et c'est très, très important d'expliquer ça, d'expliquer la précarité de notre métier.

  • Speaker #1

    Précarité de journaliste ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui,

  • Speaker #1

    oui. Par exemple, vous voulez dire que vous pourriez avoir des problèmes avec, je ne sais pas...

  • Speaker #0

    Avec Paul Lampeloff, en fait. Franchement, je préfère qu'on s'attarde sur autre chose. Mais en tout cas, oui.

  • Speaker #1

    en tout cas des journalistes je fais ça parce que ça fait un peu une side joke mais pas du tout, c'est à dire que sur Instagram récemment vous avez partagé des stories pour dire que Paul Emploi vous avez humilié et raccroché au nez et en fait il s'est avéré quand on suivait un petit peu les commentaires sur vos publications que énormément de personnes ressentaient cela je

  • Speaker #0

    devrais peut-être préciser en tout cas les journalistes pigistes la pige c'est quoi en journalisme ? C'est du salariat mais c'est que moi par exemple si j'écris un article, je suis payée pour cet article cet article c'est une pige, si je fais une journée de tournage c'est une pige donc en fait je parle de précarité parce que je n'ai pas de contrat long, même pas de CDD et qu'on fait appel à moi pour une pige, deux piges, trois piges par mois, j'ai peu de visibilité sur six mois mais même parfois sur un mois, quand j'étais chez France 3, je me réveillais le matin, on pouvait m'appeler, me dire tiens est-ce que demain tu peux aller à Bordeaux pour trois jours et après ne plus bosser pendant 15 jours. Donc, c'est ça, la précarité dont je parle, c'est ça. Et puis, vis-à-vis de France Travail, c'est une méconnaissance totale, en fait, de la façon dont fonctionne la pige. Et donc, oui, on a vraiment maltraité. Le conseiller m'a raccroché au nez quand j'expliquais ma situation, parce qu'en fait, on nous réclame des papiers, des certificats d'employeur, dont nous ne disposons pas forcément. Parce que justement, quand tu écris un papier, enfin, que sais-je, un papier pour quelqu'un, Bon, c'est une collab. Peut-être que dans deux ans, tu réécriras un papier. Mais en fait, on n'ouvre pas de contrat et on ne ferme pas de contrat. C'est juste un article comme ça que tu as écrit. Donc, tu as une fiche de paye, ce qui est déjà bien.

  • Speaker #1

    Ce qui fait qu'au final, non, vous n'êtes pas bourgeoise richissime.

  • Speaker #0

    J'aimerais, mais déjà, comme je crois très fort. Alors attention, là, c'est le petit moment perché de votre interview. Je crois très fort en l'énergie et en la loi de l'attraction. Et en fait, je me dis qu'il faut que j'arrête de dire que je ne suis pas riche. Parce que le plus on dit je ne suis pas riche, le moins on est riche. Parce que l'univers comprend qu'on n'est pas riche.

  • Speaker #1

    Psychanalytiquement, votre psy vous dirait la même chose.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Donc voilà, je ne suis pas à la rue, je ne manque pas d'argent. Mais en tout cas, être journaliste ne veut pas dire être très riche. Et ce n'est pas parce qu'on voit notre tête à la télé ou en vidéo qu'on gagne plein d'argent. Et ça, c'est quelque chose aussi qui est important, puisque là, j'ai une très belle promotion sur le livre. C'est que la plupart des gens croient que quand on intervient dans une vidéo pour Konbini, pour Brut, et peut-être même là pour le podcast, on est rémunéré. Bien sûr. Mais non, vous, vous m'avez grassement payé.

  • Speaker #1

    Je suis vraiment reconnaissante.

  • Speaker #0

    Plein de thunes. Donc, en fait, pour moi, ça, c'est presque de l'éducation aux médias. Et en tout cas, pour les gens, pour le grand public, de parler de façon incarnée de mon travail et de montrer aussi la réalité de tout ça. Parce que depuis quatre mois, les gens, à raison, me disent c'est génial, tu as du succès, ton livre cartonne. Oui, mais en parallèle, moi, cet été, j'ai rentré zéro euro. et Pôle emploi ne m'a pas versé mes allocations. Depuis, c'est réglé. Mais en tout cas, voilà, c'est juste pour dire oui, mais encore une fois, en fait, les deux réalités sont possibles. J'ai du succès, mais là, je n'ai pas beaucoup d'argent. En fait, tout est compatible.

  • Speaker #1

    Plus loin que le journalisme et les essais dans lesquels on met beaucoup de soi, encore plus de soi, un roman, un jour ?

  • Speaker #0

    C'est honnête, je ne m'attendais pas à la question. C'est ma prochaine envie. Là, j'ai fait le point. Ça a l'air très, très formel. J'ai fait le point pendant l'été. Là, j'ai quelques projets dans les tuyaux, comme disent les jeunes. Un livre qui va apparaître en mars 2025. J'en dis pas beaucoup plus. Quelques projets pour lesquels j'attends des retours. Ce serait très chouette si ça se fait, mais qui ne seront pas des essais. Enfin, qui seront, j'aime pas dire des petits livres, mais des projets un peu amusants. Attention, ça ne veut pas dire que le sujet l'est. Mais en tout cas, pour moi, dans la façon de les créer, de les écrire, voilà, un petit peu plus ludique. Divertissant. Mais j'ai fait le bilan et je me suis dit, mon rêve, c'était d'avoir publié un livre à 30 ans. Je m'étais toujours dit, c'est génial si tu publies un livre à 30 ans.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    J'ai 33 ans, j'en ai sorti 5. Il y a des projets qui sont dans les tuyaux. Donc, je me suis dit, la prochaine étape, c'est les 35. C'est terrible, mais bon, on réfléchit comme ça, 30, 35, 40. Et je me suis dit, quelle est... Quel est ton autre rêve, ton autre envie ? Donc, c'est le roman. Je me suis dit, bon, allez. En fait, je n'ai pas envie de rempiler sur un essai. Et tout ce que j'ai encore à dire, parce que j'ai encore beaucoup, beaucoup de choses à dire qui sont liées à Désirer la violence, à Pêche aux canards, qui sont là très, très, très intimes. Donc, je pense qu'en fait, c'est de la matière à roman. Voilà.

  • Speaker #1

    On a hâte de lire ça. Puisqu'on est dans un café, nous allons terminer avec trois questions sur l'hiver du café, la boisson et tout ça. Oui, Qu'est-ce que le cocktail Angel Shot ?

  • Speaker #0

    Angel Shot, je connais Sorry Angel,

  • Speaker #1

    mais... C'est un faux cocktail qui est destiné à alerter le personnel que vous avez un problème avec quelqu'un de mal intentionné. C'est surtout aux Etats-Unis. Alors, il y a quelques cafés et bars parisiens qui font ça sous d'autres noms, mais aux Etats-Unis, c'est assez connu. Vous demandez un Angel Shot et ça veut dire que vous avez un petit souci. C'est pas mal.

  • Speaker #0

    Je connaissais le concept, je ne connais pas le nom et d'ailleurs je ne le connais pas en français

  • Speaker #1

    Il y a une différence selon les cafés ils mettent ça dans les cartes de cocktail J'aborde des thématiques sous l'angle de la boisson Vas-y,

  • Speaker #0

    super,

  • Speaker #1

    j'adore Quel est le cocktail préféré de Serge Gainsbourg ? Il y en a plusieurs Il y en a un dont il a fait la démonstration plusieurs fois notamment en vidéo au bar du Raphaël

  • Speaker #0

    Je ne sais pas

  • Speaker #1

    C'est le Gibson.

  • Speaker #0

    Ah non,

  • Speaker #1

    je ne sais pas. Il y a un jour qui disait Je connais mes limites, c'est pourquoi je vais au-delà. Et le Gibson, c'est du vermouth, du gin et des petits oignons blancs.

  • Speaker #0

    Vous savez que cette phrase Je connais mes limites, c'est pourquoi je vais au-delà c'était un exergue sur mon CV pendant très longtemps.

  • Speaker #1

    Pas mal.

  • Speaker #0

    J'aime beaucoup cette phrase. Mais après, quand j'ai commencé à postuler pour des médias féministes, je me suis dit C'est peut-être mal vu. Attends. Mais pourquoi vous l'avez cité là ? Parce que c'était dans cette vidéo, c'était pour un cocktail qu'il l'a...

  • Speaker #1

    Cette vidéo, oui.

  • Speaker #0

    Ça change tout alors. C'est plus du tout la même chose. Les oignons dans le cocktail, ça me brosse pas.

  • Speaker #1

    Ce sont des petits oignons blancs.

  • Speaker #0

    Qu'on met dans les pots de cornichons.

  • Speaker #1

    Ouais, exactement. D'accord, on va pas prendre ça. Et pour Pop Culture, quelle est la bière préférée de Homer Simpson ?

  • Speaker #0

    Bah la d'œuf ! Mais il y a la d'œuf ! Oh purée, j'ai le droit à une imitation. Oui, c'est bien.

  • Speaker #1

    Oui, je l'ai fait.

  • Speaker #0

    En fait, c'était juste pour ça la question. C'était pour pouvoir l'imiter.

  • Speaker #1

    Non, c'est un petit peu ça. Je suis vraiment désolé.

  • Speaker #0

    Mais moi, je prime juste pour finir. Je suis très heureuse parce que cet été, j'ai visité les studios Hollywood. à Los Angeles. Et donc, je me suis baladée dans Springfield. Parce que c'est reconstitué. Et donc, je suis allée chez Mo. Et là-bas, il y avait plein de produits dérivés de la Duff.

  • Speaker #1

    Ah, la frime !

  • Speaker #0

    Oui, voilà. Mais moi, j'imite Marge, mais là, je ne le sens pas.

  • Speaker #1

    Tant pis, on n'insistera pas.

  • Speaker #0

    Mais je l'imite bien.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, beaucoup, beaucoup, Chloé Thibault. Donc, je rappelle le titre du dernier livre qui est là, dans mes mains. Clac, clac, et qu'une préface de Lyo. Désirer la violence, ce que la... propre culture nous apprend à aimer et ce ce c'est eux ou ce c'est le ux les superbes voilà je le conseille lisez le tous et toutes mais surtout tous avec le consentement bien sûr vous avez écouté un café au comptoir petit mot habituel de chaque fin de podcast et bien aller sur apple podcast mettez 5 étoiles c'est encore mieux et puis surtout laissez nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast comment vous l'avez aimé vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, ce que vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très, très, très, très bientôt pour un nouveau café.

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Description

Venez écouter Chloé Thibaud parler féminisme, cinéma et violence !


Il y a des livres qu’on aimerait ne pas avoir lus tant ils changent notre manière d’aimer certaines choses de notre quotidien. Celui écrit par mon invitée appartient à ceux là. Dans Désirer la violence (aux éditions Les Insolentes), on est confronté à ce qu’on n’avait pas vraiment envie de voir même si c’était planté comme un nez au milieu d’une figure… artistique, je parle de l’omniprésence de la  misogynie, du sexisme, du masculinisme et autres discours déviants et violents dans la pop culture, entendez par là, dans le cinéma, la musique, la peinture, la littérature, les séries tv, la publicité, bref tout ce à quoi on n’échappe pas et qui nous influence à notre insu jusqu’à modifier nos  comportements en société.


Car oui, spoiler alert  de la pub au pur divertissement,  insidieusement, un processus de manipulation s’opère sur notre façon de penser le monde . Et alors me direz-vous ? Il n’y a qu’à faire la part des choses. Bien sûr, vous répondrai je mais ce n’est pas si simple ! On parle d’un film, d’une chanson, qui dans ses images ou ses paroles banalise et rend acceptable la brutalité  ordinaire, de la claque au viol. Si l’autrice de cet essai peut se targuer de recevoir régulièrement  volées de bois vert et tombereaux d’insultes pour avoir dénoncé la violence sous jacente chez des génies tous  arts confondus, c’est que sa parole fait réfléchir et bûcher le système patriarcal.


J’imagine que c’est dur pour elle, éreintant même, éprouvant  de se prendre  ce mur de commentaires  vindicatifs, cimenté à la bêtise crasse. Moi, je l’ai touché du doigt, ce mur, il n’y a pas si longtemps avec Régis. Régis, c’est son vrai prénom, ce n’est pas un hommage au sketch des Nuls même si la réalité a fini par rejoindre  la fiction , Régis donc , est venu commenter sur Instagram un extrait de mon interview de Giulia Foïs.


Faisant fi des propos de mon invitée, Régis y est allé de son « not all men » « pas tous les hommes. » D’ailleurs  son épouse  pouvait  en témoigner, il aide à la maison… une perle ce Régis, revenant inlassablement à la charge pour défendre son bout de gras,  méprisant le cœur du sujet , le problème d égalité homme/ femme dans toutes les strates de la société mis en exergue par Giulia Fois .


Ce qui avait scandalisé sa conscience victimaire, c’était que mon invitée puisse parler de féminisme. Dans les commentaires, j’avais beau, comme avec un copain un peu lourdingue ou bourré, d’homme à homme, entre couilles, essayer  de ramener Régis à la raison, ou sur le chemin d’une réconciliation  même timide. Rien n’y faisait. Régis restait sourd  à tout argument.


Pour lui, en résumé «  les féministes faisaient chier » alors oui la dessus je le rejoins elles nous font chier car elles nous  plongent le nez dans notre propre caca, et c’est fort déplaisant.  Preuve  que le travail d’anthropologie culturelle de mon invitée est salutaire,  non …indispensable


Sa démonstration dans Désirer la Violence, toute implacable qu’elle soit, ne  se fait jamais dans l’animosité ou la rancoeur. Elle est humanisée  parce que racontée  par le prisme  de son expérience, d’anecdotes  humoristiques ou poignantes .


C’est donc pour en savoir davantage que ce que son compte Instagram et ses livres - car il y en a plusieurs !- donnent à comprendre sur elle, sur son tatouage dans le dos et surtout sur sa pensée acérée que je j'ai retrouvé Chloé Thibaud au café Le Tournesol rue de la gaité à Paris pour prendre avec elle un café au comptoir.



présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/


Enregistré au cafe Le Tournesol
https://www.reserverbarparis.fr/bar/le-tournesol/


instagram Chloe Thibaud :

https://www.instagram.com/chloe_thbd/





Transcription

  • Speaker #0

    Quand tous les matins on se réveille et qu'on a des commentaires qui nous disent qu'on est débile, je me sens de plus en plus en rebelle. J'ai pleuré de colère. Si Emmanuel c'est un chef-d'oeuvre de l'érotisme, vraiment j'arrête en fait, j'arrête.

  • Speaker #1

    Dans un café, tout le monde y passe et chacun s'y retrouve. Je suis Alexis Himéros et j'adore découvrir ces bars, ces cafés, où il fait bon prendre la boisson de son choix pour admirer le temps qui passe. J'ai demandé à des personnalités de m'inviter à partager leur zinc préféré pour prendre avec elles un café au comptoir. Il y a des livres qu'on aimerait ne pas avoir lus tant qu'ils changent notre manière d'aimer les choses dans notre quotidien. Celui écrit par mon invité appartient à cela. Dans Désirer la violence, aux éditions Les Insolentes, on est confronté à ce qu'on n'avait pas vraiment envie de voir, même si c'était planté comme un nez au milieu d'une figure artistique. Oui, parce que je parle de l'omniprésence, de la misogynie, du sexisme, du masculinisme et autres discours déviants. et violents dans la pop culture, entendez par là, dans le cinéma, la musique, la peinture, la littérature, les séries TV, la publicité, bref, tout ce à quoi on n'échappe pas et qui nous influence à notre insu jusqu'à modifier nos comportements en société. Car oui, spoiler alert, de la pub au pur divertissement, insidieusement, un processus de manipulation s'opère sur notre façon de penser le monde. Et alors, me direz-vous, il n'y a qu'à faire la part des choses. Oui, maman. Bien sûr, mais je vous répondrai que ce n'est pas si simple. On parle d'un film, d'une chanson qui, dans ses images ou ses paroles, banalise et rend acceptable la brutalité ordinaire de la claque au viol. Si l'autrice de cet essai peut se targuer de recevoir régulièrement volés de bois vert et tomberaux d'insultes pour avoir dénoncé la violence sous-jacente chez des génies tous arts confondus, c'est que sa parole fait réfléchir et bûcher le système patriarcal. J'imagine que c'est dur pour elle, éreintant même, éprouvant, de se prendre... Ce mur de commentaires vindicatifs, cimentés à la bêtise crasse. Parce que moi, je l'ai touché du doigt, ce mur, il n'y a pas si longtemps, avec Régis, c'est une histoire vraie. Régis, c'est son vrai prénom. Et ce n'est pas un hommage au sketch des nuls, même si la réalité a fini par rejoindre la friction. Régis, donc, est venu commenter sur Instagram un extrait de mon interview de Julia Foyce. Faisant fi des propos de mon invité, Régis y est allé de son not all men, pas tous les hommes. Et d'ailleurs, son épouse pouvait en témoigner. il aide à la maison. C'est une perle, ce Régis, revenant inlassablement à la charge pour défendre son bout de gras, méprisant le cœur du sujet, le problème d'égalité homme-femme, dans toutes les strates de la société mise en exergue par Julia Foy. Ce qui avait scandalisé sa conscience victimaire, c'était que mon invité puisse parler de féminisme. Dans les commentaires, j'avais beau, comme avec un copain un peu lourdingue ou bourré, d'homme à homme, entre couilles, essayer de ramener Régis à raison ou sur le chemin d'une réconciliation, même timide, Rien n'y faisait, Régis restait sourd à tout argument. Pour lui, en résumé, les féministes faisaient chier. Alors oui, moi là-dessus, je le rejoins. Oui, elles nous font chier, car elles nous plongent le nez dans notre propre caca. C'est fort déplaisant, preuve que le travail d'anthropologie culturelle de mon invité est salutaire. Non, il est indispensable. Sa démonstration dans Désirer la violence, toute implacable qu'elle soit, ne se fait jamais dans l'animosité ou la rancœur. Elle est humanisée. parce que racontée par le prix de son expérience d'anecdotes humoristiques ou poignantes, nettement moins drôles même. Et c'est donc pour en savoir davantage que ce que son compte Instagram et ses livres, car il y en a plusieurs, donnent à comprendre sur elle, sur son tatouage dans le dos, et surtout sur sa pensée acérée que je l'ai retrouvée au café Tournesol, vue de la gaieté à Paris, pour prendre avec elle un café au comptoir. Bonjour Chloé Thibault.

  • Speaker #0

    Bonjour, quelle introduction.

  • Speaker #1

    Incroyable.

  • Speaker #0

    Ça m'a beaucoup plu.

  • Speaker #1

    Tout est vrai.

  • Speaker #0

    Je me sens un petit peu espionnée pour le tatouage.

  • Speaker #1

    Ah ouais, stalker. Mais là,

  • Speaker #0

    on est en ligne, donc accessible.

  • Speaker #1

    J'ai rien inventé. Voilà, je ne vous ai pas suivi de là.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas une fake news.

  • Speaker #1

    En plus. Combien avez-vous rencontré de régis depuis la sortie de Désirer la violence ?

  • Speaker #0

    Rencontrer, j'ai eu de la chance, pas tant que ça.

  • Speaker #1

    On rencontrait en ligne, on va dire.

  • Speaker #0

    Je ne pourrais même pas l'écouter. C'est quotidien ? Oui, c'est quotidien. Ça s'est un petit peu calmé, là, quand même, depuis la rentrée. Ils ont pris des vacances. les régis, je crois qu'il faut qu'ils se remettent en route je sais pas, non là c'est en je pense que c'est en milliers, parce que si on s'en réfère au nombre de commentaires sous les vidéos que j'ai faites on est sur des milliers de régis, un régime de régis

  • Speaker #1

    Comment on le vit ? Au début on essaye d'expliquer,

  • Speaker #0

    et puis à un moment on lâche l'affaire Alors au tout début on a la chance d'être bien entouré par des consoeurs même plus âgés, autrices, journalistes, artistes, qui m'avaient prévenu en me disant, à la sortie de ton livre mais surtout à la sortie des grosses vidéos des gros médias, protège-toi, coupe le téléphone ou bien vraiment ne regarde pas les commentaires. Ce que j'ai bien réussi à faire, mais ma curiosité m'a eu ensuite et je n'ai pu m'empêcher de les regarder, mais bizarrement... Je l'ai quand même plutôt bien vécu parce que, sincèrement, je trouve que beaucoup de commentaires sont bêtes. Voilà. Et donc, ça ne m'attend pas parce que je trouve qu'il n'y a pas d'argument derrière. C'est vraiment du sexisme pur, de la misogynie. Je n'aime pas parler de misogynie ordinaire ou de sexisme ordinaire parce qu'on ne doit pas du tout banaliser ça. Mais en tout cas, c'est tellement cliché que ça ne m'attend pas. Mais il y a quand même un effet de nombre au bout d'un moment, quand c'est tous les jours, pendant au moins deux mois avant l'été. Pendant deux mois, quand tous les matins on se réveille et qu'on a des commentaires qui nous disent qu'on est débile, et ça c'est les plus gentils d'entre eux, mais sinon que je dois aller à l'hôpital psychiatrique, et puis qu'il y a quelques petites menaces de violence, c'est pas du tout plaisant. Et oui, ça finit par nous atteindre un petit peu, mais en fait, pas personnellement, c'est plutôt qu'on se dit purée, mais le travail, au moins, sera peut-être très très long, mais sinon on n'aboutira jamais. Et je trouve que le plus dur, c'est de ne pas se laisser décourager. Parce que malheureusement, les gens ont plus le réflexe de mettre des commentaires de ce type plutôt que des commentaires encourageants, même si je reçois beaucoup de soutien. Et donc, c'est juste une impression de parler dans le vide malgré tout. Donc ça, il faut réussir à garder sa motivation malgré les régis.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on ne se dit pas que ce qui fait naître ces commentaires, c'est une certaine impunité ?

  • Speaker #0

    On se le dit, je me le dis. Je vais arrêter d'utiliser la troisième personne pour... pour parler de moi. Je me le dis tous les jours, mais c'est ce qui me motive, justement, l'impunité de tous ces hommes. Le cyberharcèlement, la cyberviolence peut être punie, mais moi, évidemment, ce dont je traite surtout, ce sont des violences sexistes, sexuelles et conjugales. Ces violences-là sont impunies à l'heure actuelle en France, la majorité d'entre elles. Ça, c'est ce qui me motive. Mais en fait, ce qui, très rapidement, a germé chez moi, c'est le fait de voir tous ces commentaires négatifs. comme un moteur. C'est-à-dire que je me suis dit si j'en reçois autant et si tous et toutes me disent à peu près la même chose, c'est que j'ai appuyé au bon endroit. Donc en fait, assez vite, je me suis dit t'as réussi, c'est une victoire. Parce que si ça fait autant parler, si ça provoque autant de rejets, c'est que je suis au bon endroit.

  • Speaker #1

    Vous êtes attaquée surtout au cinéma dans Désir et la violence. La violence est surreprésentée là-dedans.

  • Speaker #0

    La violence est partout. Mais moi, j'aime énormément la peinture. Depuis toute petite, je visite beaucoup de musées, d'expositions, mais je trouve que ce travail-là est déjà bien fait et beaucoup réalisé par des consoeurs ces dernières années. Il y a vraiment plusieurs bouquins passionnants sur, entre guillemets, pour résumer l'histoire de l'art au féminin. Il y a des choses importantes. Je pense par exemple au podcast Vénus s'épilait-elle la chatte ? qui pour moi est indispensable. Et Julie Bozac, la créatrice, a sorti notamment un... Un gros épisode, je me demande même si ce n'est pas en deux parties, je ne sais plus, sur Picasso. À partir de là, il y a vraiment eu un gros reméménage, en tout cas dans le milieu féministe, mais qui a quand même commencé à envahir le public mainstream. Donc sur la partie peinture, par exemple, je trouve qu'il y a eu beaucoup de choses. Sur la musique, j'ai travaillé par ailleurs sur le sujet, je continue de travailler sur le sujet, donc je ressentais moins ça. Ce qu'il y a, c'est que selon moi... Oui, c'est le cinéma, mais je parle de pop culture, c'est-à-dire que c'est pour moi ce qui va parler vraiment au plus de gens. Et c'est vraiment avec ça, je pense, qu'on se construit parce que c'est un art complet. Il y a l'image, il y a le son. C'est vraiment ce qui, je pense, construit notre imagination, notre imaginaire plus que tout. Plus que la peinture, qui peut-être peut avoir un petit côté élitiste, plus que la littérature et peut-être à égalité avec la musique.

  • Speaker #1

    C'est vrai que le cinéma, c'est également les stérilités, je précise, pour les personnes qui n'ont pas découvert ce livre. Donc, il y a vraiment une analyse profonde de certains films que vous avez aimés. C'est comme si vous aviez eu des désillusions sur les choses qui vous ont fait triper.

  • Speaker #0

    En fait, en écoutant la question formulée comme ça, je me dis, oui, comme avec les hommes. Je les ai aimés et j'ai eu des désillusions sur des choses qui m'ont fait triper. En fait, c'est aussi simple que ça. C'est vraiment... ça c'est ce que je raconte au début du livre, c'est pourquoi est-ce que je me retrouve passer 30 ans ? Alors là pour le coup je vais à plein dans le discours anti-féministe, regardez là la pauvre avec son féminisme, ça l'a mené nulle part, elle a plus de 30 ans et elle est célibataire avec ses chats. Et elle ? Voilà. Oui d'abord et alors, mais ensuite, oui, comment se fait-il en étant pourtant une hétérosexuelle désireuse de rencontrer un homme chouette ? Comment ça se fait que j'en suis là ? et que j'ai autant souffert et que j'ai multiplié les relations chaotiques. En posant cette question-là, je me remets en question la première. Parce que parmi mes haters, la question qui revient le plus, c'est remets-toi en question, pauvre meuf En gros, c'est ça. Va chez la psy. Le problème vient peut-être de toi. Eh bien oui, je vous remercie. Oui, oui, je l'ai fait. Je fais tout ça. Je me remets en question. Le problème vient en partie de moi. J'ai aucun souci à l'admettre. Mais ensuite, une fois que je me suis dit ça, quand même, je ne suis pas à 100% responsable. Il y a plein d'autres choses qui m'arrivent et plein d'autres choses qui m'ont construite. Et donc après avoir fait tout ce travail de thérapie... qui se poursuit, d'ailleurs, qui se poursuit durant toutes nos vies, eh bien, je me suis rendu compte que oui, le cinéma, les séries, mais même les publicités et les clips que j'ai mis de côté dans mon livre ont vraiment participé à créer cet imaginaire amoureux qui est infiniment toxique.

  • Speaker #1

    Je parlais vraiment de ces désillusions, ces désillusions sur certains films. Comment on arrive vraiment à se dire que non, on ne va pas les canceller pour autant ? Parce que c'est ce que vous dites dans le livre. Il y a des choses que vous ne regardez pas. Il y a des chansons que vous n'écoutez plus, mais c'est un choix, mais vous dites surtout Mais en fait, je n'empêche personne de les écouter, je n'appelle pas au boycott, je ne suis pas là-dedans.

  • Speaker #0

    Absolument, vraiment. Moi, je n'aspire pas à un dictateur, donc vraiment, je laisse chacun et chacune libre de leur choix. Voilà, moi, le but de mon travail, ce n'est absolument pas de tomber dans ce cliché qu'on aimerait bien, évidemment, que je défende de la cancel culture. Maintenant, pour fabriquer le livre, j'ai dû faire des choix. parce que quand on dit le cinéma, c'est des millions d'exemples que j'aurais pu utiliser. Donc, je suis partie de moi et je me suis dit, mais toi, avec quel film est-ce que tu t'es construite ? Quand j'ai repensé à ces films et que j'ai réfléchi aux images, aux modèles qu'on m'a donnés, je me suis dit, est-ce que ça marche ? Alors, est-ce que ça marche dans la vraie vie ? Non, non. La plupart du temps, non. Et non seulement ça ne marche pas, mais en plus, ça m'a, ça c'est tout mon propos, éduqué. à désirer, à fantasmer sur des comportements qui sont très malsains, voire violents. À partir de là, quand on chausse ses lunettes et qu'on les voit pour ce qu'ils sont, ses comportements, c'est très difficile de continuer à avoir du plaisir à les regarder. En tout cas, on est plus neutre. Mais je repense, dans l'été, j'ai vu des passages de Grease. J'aime toujours autant, j'aime en fait. La BO, elle me transcende, ça me rappelle plein de choses. Je continue à regarder la majeure partie de ces films et de ces séries. Malheureusement, et vraiment je dis bien malheureusement, je ne peux plus les voir avec l'innocence que j'avais quand j'étais plus jeune.

  • Speaker #1

    Alors, en fait, ce que vous dites dans Désir et la violence, quand vous parlez exactement de la fièvre du samedi soir, de Grease, de Pretty Woman même, eh bien que c'est un film qui est très À la manière de certaines plateformes, et je pense à Disney qui fait ça sur des films Disney, il y a une recontextualisation de la période à laquelle le film est sorti. Vous pouvez rencontrer de la misogynie, vous pouvez rencontrer de la consommation de tabac, vous pouvez rencontrer du racisme. Mais parce que l'époque est comme ça, ils n'ont pas enlevé ces films-là. Vous souhaitez ça, une sorte de... C'est quoi, c'est des trigger words ? Ouais, c'est... Trigger warning, oui.

  • Speaker #0

    Je ne souhaite pas outrance. C'est-à-dire, attention, cette œuvre contient de la misogynie. Je pense que, bon, on aurait tous droit. Tous les films, il y aurait droit. Sexisme, on n'en parle pas. C'est partout, tout le temps. Non, je pense que...

  • Speaker #1

    Je parlais de recontextualisation.

  • Speaker #0

    En fait, la recontextualisation, franchement, ce serait barbant. Moi, la première, quand je lance un film, je n'ai pas envie de me farcir, je ne sais pas, 5 minutes d'introduction. J'imagine là un générique à la Star Wars avec le texte qui défile. pour m'expliquer que tout ce que je vais voir, attention, c'est pas bien, c'est immoral, etc. Non, j'aspire pas à ça. En revanche, ce qui, en plus, dans certains pays, est en discussion, et ce qui serait très simple à mettre en place, c'est un petit logo ou un petit avertissement sur les violences sexuelles et le non-consentement. Mais ce qui existe déjà, là, par exemple, sur des plateformes de streaming, mais de façon bien plus systématique, mais qu'on ne puisse plus... Parce que le test, je l'ai fait en temps réel quand j'ai travaillé sur le bouquin. Je n'ai pas tous les DVD. D'ailleurs, les DVD, c'est ringard. Ça me date un peu. Attention, j'ai donné mon âge.

  • Speaker #1

    Tu parlais du carré blanc. Même les VHS,

  • Speaker #0

    je n'ai plus de lecteur. Bref, j'ai racheté un lecteur DVD et j'ai racheté des DVD. Mais j'ai dû aussi acheter des vidéos à la demande. Par exemple, La fièvre du samedi soir. Par exemple, Les valseuses ne m'en voulaient pas. Je n'ai pas les DVD. Je n'y tiens pas. Et quand je les ai loués, j'ai absolument rien qui m'indique que ces films-là sont des films mettant en scène des viols. Et pire encore, si je regarde, comme toute personne un peu lambda, la page Wikipédia du film, pour un film comme Les Valseuses, on me parle d'une comédie érotique. Donc comment moi... Je me dis, tiens, je vais me lancer une comédie érotique. Et je tombe sur un film qui fait l'apologie du viol.

  • Speaker #1

    Avec un acteur qui est l'un des plus grands acteurs français, qui honore la France, comme le précise notre président de la République. Vous avez tout l'ironie dans ce propos, bien évidemment.

  • Speaker #0

    Je pensais que c'était au premier dit. Non, mais ça, ça me paraît relativement simple. Et je pense que ça pourrait créer quelques petites prises de conscience. si au moins on se dit ah bon ? il y a de la violence sexuelle, il y a des viols dans ce film-là idem pour la fièvre du samedi soir pour citer ces deux exemples pour ce qui est de la contextualisation et de la recontextualisation je pense que ça demande un petit peu plus de travail mais par exemple je ne sais pas s'il y a un cycle obligé dans un cinéma à Paris se dire faisons appel à une médiatrice un peu éclairée qui nous parle de tout ça qu'en fait ces oeuvres-là ne soient plus systématiquement célébrées comme étant des productions de grands génies, du cinéma d'auteurs, du cinéma français, sans aucune nuance et sans justement qu'on nomme les choses pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des viols et des agressions sexuelles.

  • Speaker #1

    Je pense que s'il y avait un cycle lié dans un cinéma du 5e arrondissement, par exemple, ce serait pour un public assez averti, et je vais peut-être faire un trait caricatural, mais assez cultureux. Ça ne parle pas à suffisamment de monde.

  • Speaker #0

    Ah oui ! Oui, mais c'est bien pour ça que dans le livre, je convoque des exemples peut-être plus pop qu'oubliés, comme la fièvre du samedi soir. Parce que la fièvre du samedi soir, j'ai fait le test quand j'interviens et même auprès de mon entourage. Même si on ne l'a pas vue, même si on a 20 ans, 25 ans, je ne sais pas, mais au moins qu'on ne l'a pas vue, on sait quand même vaguement que c'est John Travolta, le disco, les Bee Gees. Après tout,

  • Speaker #1

    ils vont danser. Ce n'est pas ça.

  • Speaker #0

    Non, et on a les scènes de danse. Bon, là, c'est un podcast, on ne voit pas faire ce mouvement ridicule. Mais on a juste cette image générale-là qui vient instantanément. Mais quand on dit aux gens, mais tu te rappelles de la scène de viol collectif dans la fève du samedi soir ? Non, non, pas du tout. Les gens ne se rappellent pas. S'ils ne l'ont pas vu récemment, ça passe complètement inaperçu.

  • Speaker #1

    C'est un problème d'éducation en général ?

  • Speaker #0

    C'est un problème d'éducation. En fait, c'est précisément la culture du viol. La culture du viol, c'est... C'est l'ensemble des représentations, des comportements qui participent à justifier les agressions sexuelles et le viol. À les justifier, à les minimiser, à les romantiser, au fait qu'on puisse en rire. Mais c'est vraiment une culture. Donc oui, c'est de l'éducation. Et je mesure bien que mes mots sont forts, mais je considère qu'on nous éduque à la violence sexuelle, à la subir ou à la commettre.

  • Speaker #1

    Oui. Dans ce que vous expliquez dans ce livre, c'est également le refus des rapports de domination. Ce n'est pas uniquement sur les violences sexuelles, mais c'est également des dominations sur les femmes, sur toutes les minorités. Comment on fait ? Parce que c'est induit dans le capitalisme, ça. Vous vous considérez un peu comme anticapitaliste ?

  • Speaker #0

    En fait, pour être humble, moi, je ne m'y connais pas assez pour dire je suis anticapitaliste En revanche, je comprends bien que c'est lié. La lutte anticapitaliste et la lutte féministe et la lutte écologiste, en fait, tous ces combats sont liés parce que le dénominateur commun, c'est le patriarcat. Donc oui, de fait, je le suis un petit peu près dans mon quotidien.

  • Speaker #1

    Je flamme d'une révolutionnaire sur le papier.

  • Speaker #0

    Je vais répondre un tout petit peu à côté en disant qu'en tout cas, je me sens de plus en plus rebelle, plus que révolutionnaire. de plus en plus engagée dans mon travail. Je pense que justement, avec ce livre-là, on voit bien qu'il y a un tournant, même si les livres d'avant étaient aussi féministes et engagés d'une certaine façon. Mais en fait, je supporte de moins en moins de ne rien dire et de ne rien faire face à tout ça, mais notamment aux injustices liées au genre et aux violences sexistes, sexuelles, conjugales, aux violences faites aux femmes et aux enfants. Sur ce terrain-là, comme aussi je me sens de plus en plus légitime à prendre la parole, parce que je connais de mieux en mieux ces sujets-là, ma colère ne fait que grandir. Mais j'arrive à en faire quelque chose de positif, c'est-à-dire à en faire un moteur. Ce qui rejoint un petit peu ce que vous disiez en introduction, apprendre parfois avec des pincettes, mais on me dit beaucoup c'est bien parce que... Là, c'était pas d'animosité, etc. Mais en fait, je fais attention à ce qu'on me dise. C'est bien toi, contrairement aux autres, t'as pas l'air d'une hystérique, etc. C'est pas ce que j'ai ressenti dans l'introduction, mais ça peut vite être ça. Mais en tout cas, moi, je me dis tant mieux, mine de rien, si les gens ressentent ça. Parce que ça veut dire que j'arrive à faire ressortir ma colère d'une façon qui ne soit peut-être pas colérique. Je ne sais pas si je suis très claire.

  • Speaker #1

    Moi, ce que j'ai ressenti dans le livre, c'est que vous donnez beaucoup de vous-même. On vous sent... On vous sent autrice, ce n'est pas juste un essai, vous êtes dedans. vous expliquer, on voit votre vie. Et c'est ce qui humanise le propos, ce sont vraiment les mots que je vais employer, ça humanise le propos, et on se dit, ah oui, c'est une vraie personne derrière, ce n'est pas une accumulation de faits, ce n'est pas juste une analyse critique qu'on pourrait en avoir avec un narrateur complètement neutre, et un monsieur qui passe avec un transpalette, il fait un petit peu bruit, mais ce n'est pas grave, on aime ça, c'est la vie, c'est la vie de la gaieté, tout le monde est heureux, tout le monde est gai, dans cette rue. Et en fait, c'est là-dedans qu'on retrouve un style, le style du notrice, un style qu'on a découvert dans d'autres livres également. Et c'est là que j'ai retrouvé le fil.

  • Speaker #0

    Ça me fait plaisir. Ça me fait plaisir. Merci de ce que vous me dites. Parce que... Et quand je dis ça, alors... Là, c'est une prétérition, ce que je suis en train de faire, parce que si, ça va être de la justification. En fait, je sais que je serais tout à fait capable de faire un essai plus traditionnel, plus académique, et donc peut-être plus... intello. Je pense que c'est quand même le mot, parce que je suis issue d'une formation littéraire exigeante. On m'a appris à faire ça, à ne pas mettre de moi dans les analyses, dans les commentaires de texte, etc. Mais je crois vraiment que finalement c'est ma patte, si on utilise notre jargon. C'est même pas que je ne saurais pas faire autrement, mais je n'ai plus envie de faire autrement. Même dans mon travail de journaliste, ça fait 4 ans maintenant, 4-5 ans que j'écris des formats newsletter. pour différents médias ou des chroniques. Et donc, en fait, partir de moi, mais pour réussir à toucher quelque chose de plus large et d'universel, c'est devenu presque ma marque de fabrique. Mais en fait, quand je dis que ça me fait plaisir, c'est parce que c'est quelque chose qui revient de temps en temps quand les lecteurs et les lectrices m'écrivent et je me rends compte que c'est aussi ce qui me permet de toucher les gens. Et sur ce sujet-là, qui est un sujet grave, je me dis que c'était vraiment important de l'écrire de cette façon parce que... On a sans doute moins l'impression que je fais la morale et que je dis, alors ça c'est bien, ce film-là ne le regardez plus. En fait, moi je dis aussi, mais attendez, moi ce plaisir coupable, je l'ai. Moi je continue d'écouter Marilyn Manson. Parfois j'écoute Marilyn Manson parce que c'est toute mon adolescence. Pour autant, je sais très bien que c'est un affreux personnage. Le mot est faible. Enfin voilà, je ne suis pas irréprochable. Et en fait, moi constamment, je questionne justement mon féminisme. Et j'essaye de dire aux autres, surtout aux femmes, on peut être féministe, on peut être au courant de tout ça, défendre corps et âme, tout ce qu'on défend, mais ne pas être parfaite. Et continuer à avoir ce qu'on appelle des plaisirs coupables, mais je ne suis pas très fan de cette expression.

  • Speaker #1

    Sur ce sujet, juste après un vrai ou faux jingle. Vrai ou faux ? Vous attendez le jour où vous serez bluffée, émue, transportée par une scène de sexe consenti, sexe consenti, écrite et filmée par un homme cisgenre hétérosexuel. Ça n'existe pas ?

  • Speaker #0

    Donc vrai, vrai, je l'ai écrit. Ce serait quand même dommage que je dise le contraire.

  • Speaker #1

    Ça n'existe pas ?

  • Speaker #0

    Non, j'en ai pas trouvé.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ça existe si c'est d'autres personnes ? C'est-à-dire, mettons, ça soit une réalisatrice, est-ce que là, elles ont réussi ?

  • Speaker #0

    Bah écoutez, je peux vous répondre de façon très contemporaine, puisque j'ai vu le film Emmanuel d'Audrey Diwan, et j'en suis sortie très déçue, très déçue. Parce que, alors pour le coup, Emmanuel de 1974 n'est pas dans mon livre, et je pense que j'aurais dû finalement en parler, j'ai pas été assez stratège. En fait, je crois qu'à l'époque, quand j'ai commencé à travailler sur Désir et la Véloche, je ne savais pas qu'Audrey Diwan allait le tourner, etc. Mais en fait, j'ai travaillé à posteriori sur la question d'Emmanuel de 1974, qui est, pour être tout à fait honnête, j'ai pleuré à la fin du film. J'ai pleuré de colère, parce que vraiment, je me suis dit, si Emmanuel, c'est un chef-d'œuvre de l'érotisme, vraiment, j'arrête en fait, j'arrête. Si des milliers, millions d'hommes, pardon pour mon langage, d'une certaine génération, mais qui sont encore parmi nous, se sont masturbés en regardant Emmanuel. Ça veut dire qu'ils se sont masturbés, ça veut dire qu'ils ont joui devant des viols du début à la fin. Emmanuel, ça n'est que ça. Donc vraiment, j'ai eu un moment de désespoir complet quand j'ai revu Emmanuel. Et donc, sachant qu'Audrey Duhuan repart du livre d'origine d'Emmanuel Arsene et que La Promesse, quand même, était un film plus féministe qui célèbre le plaisir féminin, j'en attendais beaucoup de choses. Et vraiment, et je vous assure que je ne suis pas devenue frigide comme... comme le voudraient les masculinistes, et bien vraiment, ça ne m'a pas du tout excitée. Et je trouve que le pari n'est pas relevé. Et que c'est un film qui reste encore assez male gaze. Donc c'est-à-dire... très cliché dans ce que peut attendre le spectateur au regard masculin. Et vraiment, je ne l'ai pas trouvé érotique, je ne l'ai pas trouvé sensuel. Je suis peut-être dure, parce que là, ça fait quelques jours que j'en parle de façon très radicale, mais je suis vraiment déçue par ce film, parce que je m'étais dit, peut-être qu'on va avoir cette fois un vrai chef-d'œuvre, le terme est très grand, mais un classique érotique féministe, mainstream en plus, par une réalisatrice que par ailleurs j'aime. J'ai rien du tout contre Audrey D. Wan. Donc voilà, pour moi, c'est raté.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il peut y avoir un male gaze féminin ? Je sais que ça a l'air un peu bizarre de dire ça comme ça. Que ça peut être porté également par un regard féminin, qui peut être, je parlais tout à l'heure du capitalisme, du libéralisme. N'oublions pas qu'une réalisatrice, même avec les meilleures intentions, peut être pressée par un producteur, par une maison de production, par tout un environnement autour d'elle qui la force à faire certaines images.

  • Speaker #0

    Et une femme peut être sexiste. Et moi, j'ai encore, j'imagine, certains biais sexistes à l'intérieur de moi. Donc, on peut tout à fait être une femme réalisatrice et filmer de façon male gaze. Mais pour le rappeler, juste le male gaze, c'est un concept qui a été théorisé en 75 par Laura Mulvey. En France, Iris Bray, elle, a sorti Le regard féminin, donc où elle développe l'idée du female gaze en réponse. Chacune explique que ce n'est pas parce qu'on est un homme. Quand on utilise le male gaze et une femme, le female gaze, ce serait beaucoup trop simple, en fait. Et beaucoup trop genré, pour le coup, et cliché. Des femmes qui nous ont sorti des films archi male gaze, il y en a plein. Bon, là, je n'aime pas tirer dans les pattes d'autres femmes et de consoeurs, mais ça, pour le coup, j'en ai revu en me disant... Et même dans les dialogues. Mais le bon vieux plan, donc 100% male gaze, qui parle à tout le monde de la femme canon qui sort de l'eau. à la plage et qu'on fonde des pieds à la tête et qu'ils se passent les mains comme ça au ralenti sur la poitrine et les cheveux. Ou bien à l'inverse, le gros plan fesse avant qu'on voit le visage, etc. Je l'ai vu dans plein de films de nanas.

  • Speaker #1

    C'est vrai que moi, quand je sors de l'eau, je fais très attention. Sauf que souvent, je vais sur des plages de galets et je me fais mal aux pieds. Je me tords n'importe quand. C'est horrible. Alors, un autre vrai ou faux. Vrai ou faux, vous êtes une ex-fane de Gainsbourg.

  • Speaker #0

    Ah non, je ne peux pas dire. Je ne peux pas dire vrai.

  • Speaker #1

    C'est pour une référence à sa chanson.

  • Speaker #0

    Je l'avais quand même.

  • Speaker #1

    Merci. Ça me permet, je vous coupe un petit peu, mais ça me permet de faire un parallèle entre votre premier livre publié en relisant Gainsbourg et puis Désirer la violence. Et finalement, il y a un chemin qui s'est fait entre faire un livre qui... Il y a une critique quand même de Gainsbourg, mais en même temps, c'est un formidable... hommage.

  • Speaker #0

    Ah oui, qui célèbre Gainsbourg.

  • Speaker #1

    Car vous êtes une spécialiste de l'œuvre de Gainsbourg.

  • Speaker #0

    J'ai beaucoup travaillé sur son œuvre parce que c'est un premier essai qui était tiré de mon travail de mémoire universitaire quand j'étais en licence de lettres. La thèse de ce livre, c'est Gainsbourg, ce grand poète du 19e, en tout cas qui ressemble très fort à Rimbaud Baudelaire, qui était ses héros. Oui, en tout cas, qui étaient ses modèles. Après, sur le pompage, on peut rentrer dans les détails. Mais c'est un livre qui célèbre Gainsbourg.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui a évolué dans votre analyse de Gainsbourg, de ses textes, de ce qu'il exprime ?

  • Speaker #0

    En fait, je réponds en prenant la question un peu à l'envers. Admettons que... La nana qui a pensé à tout. Admettons qu'en 2030, on me contacte pour rééditer mon livre à l'occasion des 40 ans de la disparition de Gainsbourg. Parce que là, mon livre était sorti en 2020 à l'occasion des 30 ans de sa disparition. Si donc je devais reprendre un peu ce manuscrit et me dire qu'est-ce que j'en fais ? Eh bien, ça m'intéresserait très peu, en fait, de toucher au texte que j'ai déjà sorti. Ce que je ferais, c'est soit d'écrire quelque chose avant mon texte, soit après mon texte. où là, je parle de l'homme Gainsbourg et de tout l'à-côté. Et oui, en effet, je reviendrai sans doute sur des textes pour expliquer comment telle ou telle chose, notamment la fascination pour les mineurs, que j'évoque quand même un petit peu dans mon bouquin. En fait, ce serait un à-côté. Mais tout ce que j'ai écrit de son œuvre, de ses textes, je le pense encore. C'est pour ça. Non, je n'ai pas brûlé ces disques. J'ai encore des vinyles.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous voyez Gainsbourg différemment aujourd'hui d'il y a dix ans ? Oui,

  • Speaker #0

    en fait, c'est ça qui a changé. En fait, pour moi, ce qui est très, très important et ce qui est sans doute la clé pour qu'on arrive un peu toutes et tous à faire la paix et qu'on arrête de... traiter mon camp de woke, de wokiste, de façon péjorative. Parce qu'en fait, moi, ce que je défends, c'est le fait de pouvoir dire que, oui, à mes yeux, Gainsbourg est un génie de la chanson. Ce qui n'empêche pas que ce soit un homme très problématique et violent. L'un n'empêche pas l'autre. En fait, c'est pas séparer l'homme de l'artiste, c'est comprendre que les deux ne font qu'un, et que les deux, en même temps, peuvent être géniales et abominables. Et en fait, pour moi, c'est ça la clé. C'est exactement la même chose. Ça,

  • Speaker #1

    c'est un petit peu comme vous le disiez, que quelquefois, on dit, oui, il y a Gainsbourg et Gainsbourg, mais non, en fait, ce n'est qu'un seul et même personnage.

  • Speaker #0

    Oui, ça, ça a été mon petit argument préféré pendant longtemps. Non, non, mais moi, j'aime Gainsbourg. Gainsbourg, je n'aime pas du tout, mais j'aime Gainsbourg. En fait, ce que je faisais précisément à ce moment-là, c'est jouer le jeu du patriarcat. C'était vraiment la défense des hommes violents. Non, non, mais... C'est un très bon père de famille. Oui, à côté de ça, il me donne des coups, il me maltraite, mais c'est un super papa. En fait, c'est essayer de diviser, de séparer le problème. Et c'est ça qui est le plus douloureux. C'est ça, en ce moment, qui commence vraiment à transparaître dans l'actualité. Je pense à l'affaire Gisèle Pellicot. Au moment où on enregistre, de toute façon, on va en entendre parler pendant quatre mois.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    sur quatre. Une femme qui a été violée par une cinquantaine d'hommes et son mari qui a organisé tout ça. Et en fait, quand on voit le profil de ces hommes-là et du mari, ce sont vraiment des hommes ordinaires. Donc, je ne doute pas que parmi ces hommes-là, il y ait, et d'ailleurs on l'a dit, des excellents journalistes, de très bons pompiers, des policiers investis, des conseillers municipaux. Ces hommes-là ne sont sans doute pas des monstres dans leur vie quotidienne. Par ailleurs, ce sont des hommes abominablement violents. Avec la culture, c'est précisément la même chose. Et j'ai... aucune honte à chaque fois à en parler, mais pendant longtemps, j'ai dit que si j'avais un petit garçon, je l'appellerais Roman, parce que j'étais fan du cinéma de Roman Polanski quand j'étais plus jeune et ado. C'était vraiment l'un de mes cinéastes préférés. J'ai eu une statuette de Woody Allen dans mon entrée pendant longtemps, dès que j'ai eu mon premier appartement. En fait, moi, tous ces hommes-là, je les ai admirés. C'était mes références. On en fait quoi, après ? On remet tout en question. C'est très, très douloureux. Finalement, souvent le dégoût l'emporte, donc on n'a plus envie de regarder leurs films. Mais c'est pas grave, parce qu'il y en a plein d'autres. Il y en a vraiment plein d'autres. Donc voilà, on avance. Mais c'est comme... C'était pas pour faire une blague que je disais, c'est comme avec les hommes. On peut avoir de la nostalgie en repensant à tel ex et en se disant quand même, on était bien parfois quand on faisait les cons au bord de la scène. Bah oui, mais en fait, à côté, tout le mal qu'il y a eu l'emporte, quoi. Et donc on n'a plus du tout envie de se remettre avec ce type-là. C'est la même chose.

  • Speaker #1

    Boris Vian, vous assumez toujours ?

  • Speaker #0

    Ah oui. Oui. Boris Vian, j'ai jamais...

  • Speaker #1

    Vous l'avez dans la peau ?

  • Speaker #0

    Je l'ai dans la peau. Mais c'est surtout... Peut-être qu'un jour, des choses affreuses sortiront à son sujet. Mais je défendrai... En fait, je vous dirai la même chose.

  • Speaker #1

    Je ne suis même pas sûr, non. Il écrit la chanson avec Magalie Noël, Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny

  • Speaker #0

    Que je paraphrase, d'ailleurs. dans un sous-titre.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, un de vos amoureux éphémères vous a dit un jour...

  • Speaker #0

    J'ai peur.

  • Speaker #1

    Si ça peut te faire bien voir dans ton taf de dire que tu connais un futur romancier à succès, n'hésite pas à citer mon nom, je serais ravi de pouvoir t'aider.

  • Speaker #0

    Je m'y attendais pas.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est pas...

  • Speaker #0

    J'avais vraiment bien travaillé, purée, l'interview. C'est absolument vrai. Après, très honnêtement, c'était pas un amoureux éphémère. Ça a été une espèce de plan sexe que j'ai vu deux, trois fois.

  • Speaker #1

    Mais alors, il a sorti son truc ou pas ?

  • Speaker #0

    Mais bien sûr que non. Mais il n'a rien sorti du tout. Je ne sais même pas ce qu'il devient professionnellement, mais à l'époque, il était retourné vivre chez sa mère. Et en fait, il m'avait ghosté parce qu'apparemment, il était parti deux ou trois mois dans le désert. Non, mais une histoire, une histoire. Il était revenu à les poches remplies de carnets où il avait écrit de la poésie à deux balles. Et en fait, moi, j'étais quand même déjà sur mes rails littéraires, journalistiques, etc. Et il frimait en disant, si ça peut t'aider, tu peux dire que je vais sortir un premier roman. Et il m'avait dit, de toute façon, à 30 ans, si je ne suis pas édité chez Gallimard... Non, si je n'ai pas le Goncourt, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    C'est le Goncourt. Il dit, je serai édité chez Gallimard.

  • Speaker #0

    T'es chez Gallimard et j'aurai un concours, etc. Bah franchement, on pensait pour lui. Une minute de silence pour...

  • Speaker #1

    Peut-être a-t-il changé l'identité, on ne le sait pas.

  • Speaker #0

    Ce qui en dit très long, et là on en rit, mais je vous prie de croire que c'est très pénible parce qu'ils sont nombreux, en tout cas, à avoir croisé ma route. C'est des hommes qui s'intéressent finalement peu à moi alors que j'ai énormément de choses à raconter et que j'accomplis beaucoup de choses. Et qui, eux, en ayant fait, je vais être gentille, moitié moins, mais c'est beaucoup plus que moitié moins, la ramènent, mais carrément, quoi. Et essayent de me rabaisser. Mais c'est fini, tout va bien.

  • Speaker #1

    Pour les personnes qui se demandent d'où je tiens cette information, c'est dans le livre Péchaud, Canard.

  • Speaker #0

    Quel jeu de mots.

  • Speaker #1

    Voilà, quel jeu de mots.

  • Speaker #0

    Et Décryptage d'une vie amoureuse tumultueuse, qui sont 20 chapitres au titre plein de jeux de mots canardesques, puisque le monsieur dont on vient de parler, c'est le canarcycique.

  • Speaker #1

    Le canarcycique.

  • Speaker #0

    Et la plupart des... Enfin, certaines de ses histoires sont analysées par Lilian Holstein, qui est psychanalyste et qui est ma... qui a été ma vraie psychanalyste. Donc c'est finalement un ouvrage très intime, mais qui lui n'a pas vraiment trouvé son public, donc qui pour moi, tant mieux si ça vous fait rire, mais qui pour moi a été très important. Et finalement, ça a été le déclencheur de Désirer la violence.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, vrai ou faux, depuis votre livre Pêche au canard, les hommes qui passent dans votre vie vous font signer des accords de confidentialité.

  • Speaker #0

    Non, mais plusieurs, évidemment, m'ont fait la blague. Je vais me retrouver dans un livre, il va y avoir un tome 2. Et je leur dis, tu aimerais bien. Pas mal. Parce qu'en fait, et puis il y en a même qui ont acheté le bouquin pour voir s'ils étaient dedans. J'en ai qui sont dedans, qui se sont reconnus. Un qui a fait son mea culpa. D'autres qui finalement n'ont rien dit. Et d'autres qui ont été déçus de ne pas y être. Mais c'est pour dire quand même l'ego, quoi. L'ego masculin, parce que c'est pas très glorifiant d'être dedans.

  • Speaker #1

    J'ai adoré ce livre. D'ailleurs, vrai ou faux, pour vous séduire, pratiquez la gyroroue. La gyroroue, oui, il n'y a rien de mieux. Je précise que c'est une gyroroue, c'est une sorte de gyropode, c'est une roue sur laquelle vous mettez les deux pieds, vous tenez debout, vous pouvez mettre un casque. C'est important le casque d'ailleurs, et vous pouvez déambuler comme ça.

  • Speaker #0

    Je suis en train de rejouer le pire date de ma vie. Alors avec lui, il ne s'est rien passé, mais c'était le date à la fois le plus court et en ressenti le plus long de l'histoire. Parce que c'est un type qui n'avait que me parler de ça. J'ai roulé. C'était affreux. C'est fini tout ça, c'est derrière moi.

  • Speaker #1

    Vous parlez beaucoup de vous dans vos livres. Là, je prenais un peu un...

  • Speaker #0

    Vous parlez de quelqu'un d'autre.

  • Speaker #1

    Ben non, vous êtes là. Mais vous parlez beaucoup de vous dans vos livres. C'est-à-dire qu'on connaît beaucoup de choses de votre vie. Même sur Instagram, moi j'ai trouvé des choses qui sont très personnelles. J'évoquais ce tatouage dans le dos, cette phrase de Boris Vian. Et ça devient un passage obligé, finalement, quelque part, de donner de soi, de donner de son intimité quand on écrit aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Non, vraiment. En plus, moi, j'ai quand même encore cette double casquette de journaliste. Donc, non seulement ce n'est pas un passage obligé, mais je sais bien qu'en plus, pour... Beaucoup de journalistes et beaucoup de médias, ce que je fais, c'est mal. En tout cas, je sais qu'il y a des médias, peut-être pour lesquels je ne pourrai plus travailler, justement parce que je suis trop ouvertement moi-même dans mon travail, que je mets trop d'intime, peut-être trop d'engagement politique, féministe. Je dis ça sans qu'on m'ait dit, non, non, on ne travaillerait pas pour le monde. Je n'ai pas tenté, mais je veux dire, j'ai conscience de ça, parce que dans le journalisme, il y a cette supposée. Objectivité, mais qui n'en est rien parce qu'on n'est jamais 100% objectif. Mais bon, en tout cas, neutralité journalistique. Mais moi, j'ai réussi en fait à passer ce cap-là aussi parce que j'ai fait une année d'Erasmus en Angleterre. Et parce que je connais des amis qui sont aux États-Unis ou donc en Angleterre. Et que là-bas, c'est très différent en fait. On met beaucoup moins les gens dans une case. Donc soit journaliste, soit auteur, etc. Soit poète, que sais-je. et qu'ils ont beaucoup plus cette... Enfin, I'm a writer, c'est je peux tout à fait écrire et être journaliste et être auteur et être un peu les deux. Et il y a beaucoup plus l'effet chronique.

  • Speaker #1

    Peut-être moins dans une case, finalement.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    exactement.

  • Speaker #0

    Et même, d'ailleurs, je dis ça pour les anglo-saxons, mais en Erasmus, je partageais ma maison avec des Allemandes. Bon, je ne parle pas du tout allemand. Mais ce que j'apprécie avec elle, c'est qu'elle pouvait avoir une majeure maths et à côté philo ou musique ou art, et vraiment mener les deux de front. En France, il faut vraiment qu'on fasse notre choix très tôt.

  • Speaker #1

    Quelque chose de très monolithique.

  • Speaker #0

    Voilà, soit on est lettres, soit on est matheux. Soit on est éco, et ça, ça m'emmerde profondément. Et dans le journalisme, c'est quelque chose que j'ai beaucoup ressenti, justement, parce que parfois, j'ai travaillé, enfin parfois, pas mal de temps, j'ai travaillé dans des rubriques sexo, par exemple, tout en ayant complètement envie de pouvoir traiter des sujets de société ou de la politique, ou entre mille guillemets, des choses plus sérieuses.

  • Speaker #1

    Et le sexe est politique ?

  • Speaker #0

    Absolument, et tout à fait sérieux. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il peut vraiment y avoir quelque chose d'élitiste. et parfois d'un peu méprisant sur certains formats, sur certains sujets. J'ai décidé que je refusais d'en bâtir. Donc, je mène différents projets qui, aux yeux de certains, peuvent paraître incompatibles, mais qui ne le sont pas du tout au mien.

  • Speaker #1

    Et en même temps, vous êtes très dans l'air du temps. Je pense à des journalistes qui donnent leur avis, qui ont un point de vue... et qui donne à lire de leur vie je pense à salomé saké je pense à des journalistes qu'on peut voir dans l'équipe de quotidien par exemple mais est ce que aujourd'hui le journalisme a changé le journalisme de s'impliquer tant

  • Speaker #0

    vous êtes attaqué c'est à dire que c'est comme si journalistes étaient devenus un gros mot c'est très difficile pour moi de répondre en généralisant parce que pour moi journalistes ça recouvre 50 réalités différentes que j'ai pu vivre moi-même parce qu'au début de ma carrière j'étais journaliste, reporter d'images et rédactrice par exemple pour France 3 donc là dans un média beaucoup plus traditionnel où je faisais de l'information générale donc j'ai vécu ça j'ai fait des sauts de puce chez BFM donc j'ai connu différentes réalités donc déjà rien que du point de vue de ma carrière le mot journaliste il a voulu dire dix choses différentes. Ce qui est sûr, c'est que c'est un métier que les gens globalement n'aiment pas, mais qui selon moi est très méconnu, parce que soit on ne l'aime pas du tout, on nous rejette, je pense vraiment à mes confrères et consoeurs de news, qui sont agressés même dans la rue. Je sais moi qu'à l'époque où j'avais le micro BFM, et pourtant je travaillais pour le service culture, mais peu importe, j'étais quand même alpaguée. voire un peu malmené, insulté quand je faisais certains de mes sujets parce qu'on voyait la bonnette BFM, donc je l'ai un petit peu senti à mon échelle. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que c'est un métier qui est méconnu, et soit on déteste, soit on le fantasme. Et je dirais qu'actuellement, moi je souffre, entre guillemets, plus de la deuxième option, qu'on le fantasme. C'est-à-dire que les gens ont l'impression que c'est un métier très bourgeois, où les gens gagnent plein d'argent, et c'est bien pour ça que c'est méconnu. Parce que la plupart des journalistes et des journalistes qui m'entourent et moi-même, non, nous n'en mettons pas plein les fouilles. Et c'est très, très important d'expliquer ça, d'expliquer la précarité de notre métier.

  • Speaker #1

    Précarité de journaliste ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui,

  • Speaker #1

    oui. Par exemple, vous voulez dire que vous pourriez avoir des problèmes avec, je ne sais pas...

  • Speaker #0

    Avec Paul Lampeloff, en fait. Franchement, je préfère qu'on s'attarde sur autre chose. Mais en tout cas, oui.

  • Speaker #1

    en tout cas des journalistes je fais ça parce que ça fait un peu une side joke mais pas du tout, c'est à dire que sur Instagram récemment vous avez partagé des stories pour dire que Paul Emploi vous avez humilié et raccroché au nez et en fait il s'est avéré quand on suivait un petit peu les commentaires sur vos publications que énormément de personnes ressentaient cela je

  • Speaker #0

    devrais peut-être préciser en tout cas les journalistes pigistes la pige c'est quoi en journalisme ? C'est du salariat mais c'est que moi par exemple si j'écris un article, je suis payée pour cet article cet article c'est une pige, si je fais une journée de tournage c'est une pige donc en fait je parle de précarité parce que je n'ai pas de contrat long, même pas de CDD et qu'on fait appel à moi pour une pige, deux piges, trois piges par mois, j'ai peu de visibilité sur six mois mais même parfois sur un mois, quand j'étais chez France 3, je me réveillais le matin, on pouvait m'appeler, me dire tiens est-ce que demain tu peux aller à Bordeaux pour trois jours et après ne plus bosser pendant 15 jours. Donc, c'est ça, la précarité dont je parle, c'est ça. Et puis, vis-à-vis de France Travail, c'est une méconnaissance totale, en fait, de la façon dont fonctionne la pige. Et donc, oui, on a vraiment maltraité. Le conseiller m'a raccroché au nez quand j'expliquais ma situation, parce qu'en fait, on nous réclame des papiers, des certificats d'employeur, dont nous ne disposons pas forcément. Parce que justement, quand tu écris un papier, enfin, que sais-je, un papier pour quelqu'un, Bon, c'est une collab. Peut-être que dans deux ans, tu réécriras un papier. Mais en fait, on n'ouvre pas de contrat et on ne ferme pas de contrat. C'est juste un article comme ça que tu as écrit. Donc, tu as une fiche de paye, ce qui est déjà bien.

  • Speaker #1

    Ce qui fait qu'au final, non, vous n'êtes pas bourgeoise richissime.

  • Speaker #0

    J'aimerais, mais déjà, comme je crois très fort. Alors attention, là, c'est le petit moment perché de votre interview. Je crois très fort en l'énergie et en la loi de l'attraction. Et en fait, je me dis qu'il faut que j'arrête de dire que je ne suis pas riche. Parce que le plus on dit je ne suis pas riche, le moins on est riche. Parce que l'univers comprend qu'on n'est pas riche.

  • Speaker #1

    Psychanalytiquement, votre psy vous dirait la même chose.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Donc voilà, je ne suis pas à la rue, je ne manque pas d'argent. Mais en tout cas, être journaliste ne veut pas dire être très riche. Et ce n'est pas parce qu'on voit notre tête à la télé ou en vidéo qu'on gagne plein d'argent. Et ça, c'est quelque chose aussi qui est important, puisque là, j'ai une très belle promotion sur le livre. C'est que la plupart des gens croient que quand on intervient dans une vidéo pour Konbini, pour Brut, et peut-être même là pour le podcast, on est rémunéré. Bien sûr. Mais non, vous, vous m'avez grassement payé.

  • Speaker #1

    Je suis vraiment reconnaissante.

  • Speaker #0

    Plein de thunes. Donc, en fait, pour moi, ça, c'est presque de l'éducation aux médias. Et en tout cas, pour les gens, pour le grand public, de parler de façon incarnée de mon travail et de montrer aussi la réalité de tout ça. Parce que depuis quatre mois, les gens, à raison, me disent c'est génial, tu as du succès, ton livre cartonne. Oui, mais en parallèle, moi, cet été, j'ai rentré zéro euro. et Pôle emploi ne m'a pas versé mes allocations. Depuis, c'est réglé. Mais en tout cas, voilà, c'est juste pour dire oui, mais encore une fois, en fait, les deux réalités sont possibles. J'ai du succès, mais là, je n'ai pas beaucoup d'argent. En fait, tout est compatible.

  • Speaker #1

    Plus loin que le journalisme et les essais dans lesquels on met beaucoup de soi, encore plus de soi, un roman, un jour ?

  • Speaker #0

    C'est honnête, je ne m'attendais pas à la question. C'est ma prochaine envie. Là, j'ai fait le point. Ça a l'air très, très formel. J'ai fait le point pendant l'été. Là, j'ai quelques projets dans les tuyaux, comme disent les jeunes. Un livre qui va apparaître en mars 2025. J'en dis pas beaucoup plus. Quelques projets pour lesquels j'attends des retours. Ce serait très chouette si ça se fait, mais qui ne seront pas des essais. Enfin, qui seront, j'aime pas dire des petits livres, mais des projets un peu amusants. Attention, ça ne veut pas dire que le sujet l'est. Mais en tout cas, pour moi, dans la façon de les créer, de les écrire, voilà, un petit peu plus ludique. Divertissant. Mais j'ai fait le bilan et je me suis dit, mon rêve, c'était d'avoir publié un livre à 30 ans. Je m'étais toujours dit, c'est génial si tu publies un livre à 30 ans.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    J'ai 33 ans, j'en ai sorti 5. Il y a des projets qui sont dans les tuyaux. Donc, je me suis dit, la prochaine étape, c'est les 35. C'est terrible, mais bon, on réfléchit comme ça, 30, 35, 40. Et je me suis dit, quelle est... Quel est ton autre rêve, ton autre envie ? Donc, c'est le roman. Je me suis dit, bon, allez. En fait, je n'ai pas envie de rempiler sur un essai. Et tout ce que j'ai encore à dire, parce que j'ai encore beaucoup, beaucoup de choses à dire qui sont liées à Désirer la violence, à Pêche aux canards, qui sont là très, très, très intimes. Donc, je pense qu'en fait, c'est de la matière à roman. Voilà.

  • Speaker #1

    On a hâte de lire ça. Puisqu'on est dans un café, nous allons terminer avec trois questions sur l'hiver du café, la boisson et tout ça. Oui, Qu'est-ce que le cocktail Angel Shot ?

  • Speaker #0

    Angel Shot, je connais Sorry Angel,

  • Speaker #1

    mais... C'est un faux cocktail qui est destiné à alerter le personnel que vous avez un problème avec quelqu'un de mal intentionné. C'est surtout aux Etats-Unis. Alors, il y a quelques cafés et bars parisiens qui font ça sous d'autres noms, mais aux Etats-Unis, c'est assez connu. Vous demandez un Angel Shot et ça veut dire que vous avez un petit souci. C'est pas mal.

  • Speaker #0

    Je connaissais le concept, je ne connais pas le nom et d'ailleurs je ne le connais pas en français

  • Speaker #1

    Il y a une différence selon les cafés ils mettent ça dans les cartes de cocktail J'aborde des thématiques sous l'angle de la boisson Vas-y,

  • Speaker #0

    super,

  • Speaker #1

    j'adore Quel est le cocktail préféré de Serge Gainsbourg ? Il y en a plusieurs Il y en a un dont il a fait la démonstration plusieurs fois notamment en vidéo au bar du Raphaël

  • Speaker #0

    Je ne sais pas

  • Speaker #1

    C'est le Gibson.

  • Speaker #0

    Ah non,

  • Speaker #1

    je ne sais pas. Il y a un jour qui disait Je connais mes limites, c'est pourquoi je vais au-delà. Et le Gibson, c'est du vermouth, du gin et des petits oignons blancs.

  • Speaker #0

    Vous savez que cette phrase Je connais mes limites, c'est pourquoi je vais au-delà c'était un exergue sur mon CV pendant très longtemps.

  • Speaker #1

    Pas mal.

  • Speaker #0

    J'aime beaucoup cette phrase. Mais après, quand j'ai commencé à postuler pour des médias féministes, je me suis dit C'est peut-être mal vu. Attends. Mais pourquoi vous l'avez cité là ? Parce que c'était dans cette vidéo, c'était pour un cocktail qu'il l'a...

  • Speaker #1

    Cette vidéo, oui.

  • Speaker #0

    Ça change tout alors. C'est plus du tout la même chose. Les oignons dans le cocktail, ça me brosse pas.

  • Speaker #1

    Ce sont des petits oignons blancs.

  • Speaker #0

    Qu'on met dans les pots de cornichons.

  • Speaker #1

    Ouais, exactement. D'accord, on va pas prendre ça. Et pour Pop Culture, quelle est la bière préférée de Homer Simpson ?

  • Speaker #0

    Bah la d'œuf ! Mais il y a la d'œuf ! Oh purée, j'ai le droit à une imitation. Oui, c'est bien.

  • Speaker #1

    Oui, je l'ai fait.

  • Speaker #0

    En fait, c'était juste pour ça la question. C'était pour pouvoir l'imiter.

  • Speaker #1

    Non, c'est un petit peu ça. Je suis vraiment désolé.

  • Speaker #0

    Mais moi, je prime juste pour finir. Je suis très heureuse parce que cet été, j'ai visité les studios Hollywood. à Los Angeles. Et donc, je me suis baladée dans Springfield. Parce que c'est reconstitué. Et donc, je suis allée chez Mo. Et là-bas, il y avait plein de produits dérivés de la Duff.

  • Speaker #1

    Ah, la frime !

  • Speaker #0

    Oui, voilà. Mais moi, j'imite Marge, mais là, je ne le sens pas.

  • Speaker #1

    Tant pis, on n'insistera pas.

  • Speaker #0

    Mais je l'imite bien.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, beaucoup, beaucoup, Chloé Thibault. Donc, je rappelle le titre du dernier livre qui est là, dans mes mains. Clac, clac, et qu'une préface de Lyo. Désirer la violence, ce que la... propre culture nous apprend à aimer et ce ce c'est eux ou ce c'est le ux les superbes voilà je le conseille lisez le tous et toutes mais surtout tous avec le consentement bien sûr vous avez écouté un café au comptoir petit mot habituel de chaque fin de podcast et bien aller sur apple podcast mettez 5 étoiles c'est encore mieux et puis surtout laissez nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast comment vous l'avez aimé vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, ce que vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très, très, très, très bientôt pour un nouveau café.

Description

Venez écouter Chloé Thibaud parler féminisme, cinéma et violence !


Il y a des livres qu’on aimerait ne pas avoir lus tant ils changent notre manière d’aimer certaines choses de notre quotidien. Celui écrit par mon invitée appartient à ceux là. Dans Désirer la violence (aux éditions Les Insolentes), on est confronté à ce qu’on n’avait pas vraiment envie de voir même si c’était planté comme un nez au milieu d’une figure… artistique, je parle de l’omniprésence de la  misogynie, du sexisme, du masculinisme et autres discours déviants et violents dans la pop culture, entendez par là, dans le cinéma, la musique, la peinture, la littérature, les séries tv, la publicité, bref tout ce à quoi on n’échappe pas et qui nous influence à notre insu jusqu’à modifier nos  comportements en société.


Car oui, spoiler alert  de la pub au pur divertissement,  insidieusement, un processus de manipulation s’opère sur notre façon de penser le monde . Et alors me direz-vous ? Il n’y a qu’à faire la part des choses. Bien sûr, vous répondrai je mais ce n’est pas si simple ! On parle d’un film, d’une chanson, qui dans ses images ou ses paroles banalise et rend acceptable la brutalité  ordinaire, de la claque au viol. Si l’autrice de cet essai peut se targuer de recevoir régulièrement  volées de bois vert et tombereaux d’insultes pour avoir dénoncé la violence sous jacente chez des génies tous  arts confondus, c’est que sa parole fait réfléchir et bûcher le système patriarcal.


J’imagine que c’est dur pour elle, éreintant même, éprouvant  de se prendre  ce mur de commentaires  vindicatifs, cimenté à la bêtise crasse. Moi, je l’ai touché du doigt, ce mur, il n’y a pas si longtemps avec Régis. Régis, c’est son vrai prénom, ce n’est pas un hommage au sketch des Nuls même si la réalité a fini par rejoindre  la fiction , Régis donc , est venu commenter sur Instagram un extrait de mon interview de Giulia Foïs.


Faisant fi des propos de mon invitée, Régis y est allé de son « not all men » « pas tous les hommes. » D’ailleurs  son épouse  pouvait  en témoigner, il aide à la maison… une perle ce Régis, revenant inlassablement à la charge pour défendre son bout de gras,  méprisant le cœur du sujet , le problème d égalité homme/ femme dans toutes les strates de la société mis en exergue par Giulia Fois .


Ce qui avait scandalisé sa conscience victimaire, c’était que mon invitée puisse parler de féminisme. Dans les commentaires, j’avais beau, comme avec un copain un peu lourdingue ou bourré, d’homme à homme, entre couilles, essayer  de ramener Régis à la raison, ou sur le chemin d’une réconciliation  même timide. Rien n’y faisait. Régis restait sourd  à tout argument.


Pour lui, en résumé «  les féministes faisaient chier » alors oui la dessus je le rejoins elles nous font chier car elles nous  plongent le nez dans notre propre caca, et c’est fort déplaisant.  Preuve  que le travail d’anthropologie culturelle de mon invitée est salutaire,  non …indispensable


Sa démonstration dans Désirer la Violence, toute implacable qu’elle soit, ne  se fait jamais dans l’animosité ou la rancoeur. Elle est humanisée  parce que racontée  par le prisme  de son expérience, d’anecdotes  humoristiques ou poignantes .


C’est donc pour en savoir davantage que ce que son compte Instagram et ses livres - car il y en a plusieurs !- donnent à comprendre sur elle, sur son tatouage dans le dos et surtout sur sa pensée acérée que je j'ai retrouvé Chloé Thibaud au café Le Tournesol rue de la gaité à Paris pour prendre avec elle un café au comptoir.



présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/


Enregistré au cafe Le Tournesol
https://www.reserverbarparis.fr/bar/le-tournesol/


instagram Chloe Thibaud :

https://www.instagram.com/chloe_thbd/





Transcription

  • Speaker #0

    Quand tous les matins on se réveille et qu'on a des commentaires qui nous disent qu'on est débile, je me sens de plus en plus en rebelle. J'ai pleuré de colère. Si Emmanuel c'est un chef-d'oeuvre de l'érotisme, vraiment j'arrête en fait, j'arrête.

  • Speaker #1

    Dans un café, tout le monde y passe et chacun s'y retrouve. Je suis Alexis Himéros et j'adore découvrir ces bars, ces cafés, où il fait bon prendre la boisson de son choix pour admirer le temps qui passe. J'ai demandé à des personnalités de m'inviter à partager leur zinc préféré pour prendre avec elles un café au comptoir. Il y a des livres qu'on aimerait ne pas avoir lus tant qu'ils changent notre manière d'aimer les choses dans notre quotidien. Celui écrit par mon invité appartient à cela. Dans Désirer la violence, aux éditions Les Insolentes, on est confronté à ce qu'on n'avait pas vraiment envie de voir, même si c'était planté comme un nez au milieu d'une figure artistique. Oui, parce que je parle de l'omniprésence, de la misogynie, du sexisme, du masculinisme et autres discours déviants. et violents dans la pop culture, entendez par là, dans le cinéma, la musique, la peinture, la littérature, les séries TV, la publicité, bref, tout ce à quoi on n'échappe pas et qui nous influence à notre insu jusqu'à modifier nos comportements en société. Car oui, spoiler alert, de la pub au pur divertissement, insidieusement, un processus de manipulation s'opère sur notre façon de penser le monde. Et alors, me direz-vous, il n'y a qu'à faire la part des choses. Oui, maman. Bien sûr, mais je vous répondrai que ce n'est pas si simple. On parle d'un film, d'une chanson qui, dans ses images ou ses paroles, banalise et rend acceptable la brutalité ordinaire de la claque au viol. Si l'autrice de cet essai peut se targuer de recevoir régulièrement volés de bois vert et tomberaux d'insultes pour avoir dénoncé la violence sous-jacente chez des génies tous arts confondus, c'est que sa parole fait réfléchir et bûcher le système patriarcal. J'imagine que c'est dur pour elle, éreintant même, éprouvant, de se prendre... Ce mur de commentaires vindicatifs, cimentés à la bêtise crasse. Parce que moi, je l'ai touché du doigt, ce mur, il n'y a pas si longtemps, avec Régis, c'est une histoire vraie. Régis, c'est son vrai prénom. Et ce n'est pas un hommage au sketch des nuls, même si la réalité a fini par rejoindre la friction. Régis, donc, est venu commenter sur Instagram un extrait de mon interview de Julia Foyce. Faisant fi des propos de mon invité, Régis y est allé de son not all men, pas tous les hommes. Et d'ailleurs, son épouse pouvait en témoigner. il aide à la maison. C'est une perle, ce Régis, revenant inlassablement à la charge pour défendre son bout de gras, méprisant le cœur du sujet, le problème d'égalité homme-femme, dans toutes les strates de la société mise en exergue par Julia Foy. Ce qui avait scandalisé sa conscience victimaire, c'était que mon invité puisse parler de féminisme. Dans les commentaires, j'avais beau, comme avec un copain un peu lourdingue ou bourré, d'homme à homme, entre couilles, essayer de ramener Régis à raison ou sur le chemin d'une réconciliation, même timide, Rien n'y faisait, Régis restait sourd à tout argument. Pour lui, en résumé, les féministes faisaient chier. Alors oui, moi là-dessus, je le rejoins. Oui, elles nous font chier, car elles nous plongent le nez dans notre propre caca. C'est fort déplaisant, preuve que le travail d'anthropologie culturelle de mon invité est salutaire. Non, il est indispensable. Sa démonstration dans Désirer la violence, toute implacable qu'elle soit, ne se fait jamais dans l'animosité ou la rancœur. Elle est humanisée. parce que racontée par le prix de son expérience d'anecdotes humoristiques ou poignantes, nettement moins drôles même. Et c'est donc pour en savoir davantage que ce que son compte Instagram et ses livres, car il y en a plusieurs, donnent à comprendre sur elle, sur son tatouage dans le dos, et surtout sur sa pensée acérée que je l'ai retrouvée au café Tournesol, vue de la gaieté à Paris, pour prendre avec elle un café au comptoir. Bonjour Chloé Thibault.

  • Speaker #0

    Bonjour, quelle introduction.

  • Speaker #1

    Incroyable.

  • Speaker #0

    Ça m'a beaucoup plu.

  • Speaker #1

    Tout est vrai.

  • Speaker #0

    Je me sens un petit peu espionnée pour le tatouage.

  • Speaker #1

    Ah ouais, stalker. Mais là,

  • Speaker #0

    on est en ligne, donc accessible.

  • Speaker #1

    J'ai rien inventé. Voilà, je ne vous ai pas suivi de là.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas une fake news.

  • Speaker #1

    En plus. Combien avez-vous rencontré de régis depuis la sortie de Désirer la violence ?

  • Speaker #0

    Rencontrer, j'ai eu de la chance, pas tant que ça.

  • Speaker #1

    On rencontrait en ligne, on va dire.

  • Speaker #0

    Je ne pourrais même pas l'écouter. C'est quotidien ? Oui, c'est quotidien. Ça s'est un petit peu calmé, là, quand même, depuis la rentrée. Ils ont pris des vacances. les régis, je crois qu'il faut qu'ils se remettent en route je sais pas, non là c'est en je pense que c'est en milliers, parce que si on s'en réfère au nombre de commentaires sous les vidéos que j'ai faites on est sur des milliers de régis, un régime de régis

  • Speaker #1

    Comment on le vit ? Au début on essaye d'expliquer,

  • Speaker #0

    et puis à un moment on lâche l'affaire Alors au tout début on a la chance d'être bien entouré par des consoeurs même plus âgés, autrices, journalistes, artistes, qui m'avaient prévenu en me disant, à la sortie de ton livre mais surtout à la sortie des grosses vidéos des gros médias, protège-toi, coupe le téléphone ou bien vraiment ne regarde pas les commentaires. Ce que j'ai bien réussi à faire, mais ma curiosité m'a eu ensuite et je n'ai pu m'empêcher de les regarder, mais bizarrement... Je l'ai quand même plutôt bien vécu parce que, sincèrement, je trouve que beaucoup de commentaires sont bêtes. Voilà. Et donc, ça ne m'attend pas parce que je trouve qu'il n'y a pas d'argument derrière. C'est vraiment du sexisme pur, de la misogynie. Je n'aime pas parler de misogynie ordinaire ou de sexisme ordinaire parce qu'on ne doit pas du tout banaliser ça. Mais en tout cas, c'est tellement cliché que ça ne m'attend pas. Mais il y a quand même un effet de nombre au bout d'un moment, quand c'est tous les jours, pendant au moins deux mois avant l'été. Pendant deux mois, quand tous les matins on se réveille et qu'on a des commentaires qui nous disent qu'on est débile, et ça c'est les plus gentils d'entre eux, mais sinon que je dois aller à l'hôpital psychiatrique, et puis qu'il y a quelques petites menaces de violence, c'est pas du tout plaisant. Et oui, ça finit par nous atteindre un petit peu, mais en fait, pas personnellement, c'est plutôt qu'on se dit purée, mais le travail, au moins, sera peut-être très très long, mais sinon on n'aboutira jamais. Et je trouve que le plus dur, c'est de ne pas se laisser décourager. Parce que malheureusement, les gens ont plus le réflexe de mettre des commentaires de ce type plutôt que des commentaires encourageants, même si je reçois beaucoup de soutien. Et donc, c'est juste une impression de parler dans le vide malgré tout. Donc ça, il faut réussir à garder sa motivation malgré les régis.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on ne se dit pas que ce qui fait naître ces commentaires, c'est une certaine impunité ?

  • Speaker #0

    On se le dit, je me le dis. Je vais arrêter d'utiliser la troisième personne pour... pour parler de moi. Je me le dis tous les jours, mais c'est ce qui me motive, justement, l'impunité de tous ces hommes. Le cyberharcèlement, la cyberviolence peut être punie, mais moi, évidemment, ce dont je traite surtout, ce sont des violences sexistes, sexuelles et conjugales. Ces violences-là sont impunies à l'heure actuelle en France, la majorité d'entre elles. Ça, c'est ce qui me motive. Mais en fait, ce qui, très rapidement, a germé chez moi, c'est le fait de voir tous ces commentaires négatifs. comme un moteur. C'est-à-dire que je me suis dit si j'en reçois autant et si tous et toutes me disent à peu près la même chose, c'est que j'ai appuyé au bon endroit. Donc en fait, assez vite, je me suis dit t'as réussi, c'est une victoire. Parce que si ça fait autant parler, si ça provoque autant de rejets, c'est que je suis au bon endroit.

  • Speaker #1

    Vous êtes attaquée surtout au cinéma dans Désir et la violence. La violence est surreprésentée là-dedans.

  • Speaker #0

    La violence est partout. Mais moi, j'aime énormément la peinture. Depuis toute petite, je visite beaucoup de musées, d'expositions, mais je trouve que ce travail-là est déjà bien fait et beaucoup réalisé par des consoeurs ces dernières années. Il y a vraiment plusieurs bouquins passionnants sur, entre guillemets, pour résumer l'histoire de l'art au féminin. Il y a des choses importantes. Je pense par exemple au podcast Vénus s'épilait-elle la chatte ? qui pour moi est indispensable. Et Julie Bozac, la créatrice, a sorti notamment un... Un gros épisode, je me demande même si ce n'est pas en deux parties, je ne sais plus, sur Picasso. À partir de là, il y a vraiment eu un gros reméménage, en tout cas dans le milieu féministe, mais qui a quand même commencé à envahir le public mainstream. Donc sur la partie peinture, par exemple, je trouve qu'il y a eu beaucoup de choses. Sur la musique, j'ai travaillé par ailleurs sur le sujet, je continue de travailler sur le sujet, donc je ressentais moins ça. Ce qu'il y a, c'est que selon moi... Oui, c'est le cinéma, mais je parle de pop culture, c'est-à-dire que c'est pour moi ce qui va parler vraiment au plus de gens. Et c'est vraiment avec ça, je pense, qu'on se construit parce que c'est un art complet. Il y a l'image, il y a le son. C'est vraiment ce qui, je pense, construit notre imagination, notre imaginaire plus que tout. Plus que la peinture, qui peut-être peut avoir un petit côté élitiste, plus que la littérature et peut-être à égalité avec la musique.

  • Speaker #1

    C'est vrai que le cinéma, c'est également les stérilités, je précise, pour les personnes qui n'ont pas découvert ce livre. Donc, il y a vraiment une analyse profonde de certains films que vous avez aimés. C'est comme si vous aviez eu des désillusions sur les choses qui vous ont fait triper.

  • Speaker #0

    En fait, en écoutant la question formulée comme ça, je me dis, oui, comme avec les hommes. Je les ai aimés et j'ai eu des désillusions sur des choses qui m'ont fait triper. En fait, c'est aussi simple que ça. C'est vraiment... ça c'est ce que je raconte au début du livre, c'est pourquoi est-ce que je me retrouve passer 30 ans ? Alors là pour le coup je vais à plein dans le discours anti-féministe, regardez là la pauvre avec son féminisme, ça l'a mené nulle part, elle a plus de 30 ans et elle est célibataire avec ses chats. Et elle ? Voilà. Oui d'abord et alors, mais ensuite, oui, comment se fait-il en étant pourtant une hétérosexuelle désireuse de rencontrer un homme chouette ? Comment ça se fait que j'en suis là ? et que j'ai autant souffert et que j'ai multiplié les relations chaotiques. En posant cette question-là, je me remets en question la première. Parce que parmi mes haters, la question qui revient le plus, c'est remets-toi en question, pauvre meuf En gros, c'est ça. Va chez la psy. Le problème vient peut-être de toi. Eh bien oui, je vous remercie. Oui, oui, je l'ai fait. Je fais tout ça. Je me remets en question. Le problème vient en partie de moi. J'ai aucun souci à l'admettre. Mais ensuite, une fois que je me suis dit ça, quand même, je ne suis pas à 100% responsable. Il y a plein d'autres choses qui m'arrivent et plein d'autres choses qui m'ont construite. Et donc après avoir fait tout ce travail de thérapie... qui se poursuit, d'ailleurs, qui se poursuit durant toutes nos vies, eh bien, je me suis rendu compte que oui, le cinéma, les séries, mais même les publicités et les clips que j'ai mis de côté dans mon livre ont vraiment participé à créer cet imaginaire amoureux qui est infiniment toxique.

  • Speaker #1

    Je parlais vraiment de ces désillusions, ces désillusions sur certains films. Comment on arrive vraiment à se dire que non, on ne va pas les canceller pour autant ? Parce que c'est ce que vous dites dans le livre. Il y a des choses que vous ne regardez pas. Il y a des chansons que vous n'écoutez plus, mais c'est un choix, mais vous dites surtout Mais en fait, je n'empêche personne de les écouter, je n'appelle pas au boycott, je ne suis pas là-dedans.

  • Speaker #0

    Absolument, vraiment. Moi, je n'aspire pas à un dictateur, donc vraiment, je laisse chacun et chacune libre de leur choix. Voilà, moi, le but de mon travail, ce n'est absolument pas de tomber dans ce cliché qu'on aimerait bien, évidemment, que je défende de la cancel culture. Maintenant, pour fabriquer le livre, j'ai dû faire des choix. parce que quand on dit le cinéma, c'est des millions d'exemples que j'aurais pu utiliser. Donc, je suis partie de moi et je me suis dit, mais toi, avec quel film est-ce que tu t'es construite ? Quand j'ai repensé à ces films et que j'ai réfléchi aux images, aux modèles qu'on m'a donnés, je me suis dit, est-ce que ça marche ? Alors, est-ce que ça marche dans la vraie vie ? Non, non. La plupart du temps, non. Et non seulement ça ne marche pas, mais en plus, ça m'a, ça c'est tout mon propos, éduqué. à désirer, à fantasmer sur des comportements qui sont très malsains, voire violents. À partir de là, quand on chausse ses lunettes et qu'on les voit pour ce qu'ils sont, ses comportements, c'est très difficile de continuer à avoir du plaisir à les regarder. En tout cas, on est plus neutre. Mais je repense, dans l'été, j'ai vu des passages de Grease. J'aime toujours autant, j'aime en fait. La BO, elle me transcende, ça me rappelle plein de choses. Je continue à regarder la majeure partie de ces films et de ces séries. Malheureusement, et vraiment je dis bien malheureusement, je ne peux plus les voir avec l'innocence que j'avais quand j'étais plus jeune.

  • Speaker #1

    Alors, en fait, ce que vous dites dans Désir et la violence, quand vous parlez exactement de la fièvre du samedi soir, de Grease, de Pretty Woman même, eh bien que c'est un film qui est très À la manière de certaines plateformes, et je pense à Disney qui fait ça sur des films Disney, il y a une recontextualisation de la période à laquelle le film est sorti. Vous pouvez rencontrer de la misogynie, vous pouvez rencontrer de la consommation de tabac, vous pouvez rencontrer du racisme. Mais parce que l'époque est comme ça, ils n'ont pas enlevé ces films-là. Vous souhaitez ça, une sorte de... C'est quoi, c'est des trigger words ? Ouais, c'est... Trigger warning, oui.

  • Speaker #0

    Je ne souhaite pas outrance. C'est-à-dire, attention, cette œuvre contient de la misogynie. Je pense que, bon, on aurait tous droit. Tous les films, il y aurait droit. Sexisme, on n'en parle pas. C'est partout, tout le temps. Non, je pense que...

  • Speaker #1

    Je parlais de recontextualisation.

  • Speaker #0

    En fait, la recontextualisation, franchement, ce serait barbant. Moi, la première, quand je lance un film, je n'ai pas envie de me farcir, je ne sais pas, 5 minutes d'introduction. J'imagine là un générique à la Star Wars avec le texte qui défile. pour m'expliquer que tout ce que je vais voir, attention, c'est pas bien, c'est immoral, etc. Non, j'aspire pas à ça. En revanche, ce qui, en plus, dans certains pays, est en discussion, et ce qui serait très simple à mettre en place, c'est un petit logo ou un petit avertissement sur les violences sexuelles et le non-consentement. Mais ce qui existe déjà, là, par exemple, sur des plateformes de streaming, mais de façon bien plus systématique, mais qu'on ne puisse plus... Parce que le test, je l'ai fait en temps réel quand j'ai travaillé sur le bouquin. Je n'ai pas tous les DVD. D'ailleurs, les DVD, c'est ringard. Ça me date un peu. Attention, j'ai donné mon âge.

  • Speaker #1

    Tu parlais du carré blanc. Même les VHS,

  • Speaker #0

    je n'ai plus de lecteur. Bref, j'ai racheté un lecteur DVD et j'ai racheté des DVD. Mais j'ai dû aussi acheter des vidéos à la demande. Par exemple, La fièvre du samedi soir. Par exemple, Les valseuses ne m'en voulaient pas. Je n'ai pas les DVD. Je n'y tiens pas. Et quand je les ai loués, j'ai absolument rien qui m'indique que ces films-là sont des films mettant en scène des viols. Et pire encore, si je regarde, comme toute personne un peu lambda, la page Wikipédia du film, pour un film comme Les Valseuses, on me parle d'une comédie érotique. Donc comment moi... Je me dis, tiens, je vais me lancer une comédie érotique. Et je tombe sur un film qui fait l'apologie du viol.

  • Speaker #1

    Avec un acteur qui est l'un des plus grands acteurs français, qui honore la France, comme le précise notre président de la République. Vous avez tout l'ironie dans ce propos, bien évidemment.

  • Speaker #0

    Je pensais que c'était au premier dit. Non, mais ça, ça me paraît relativement simple. Et je pense que ça pourrait créer quelques petites prises de conscience. si au moins on se dit ah bon ? il y a de la violence sexuelle, il y a des viols dans ce film-là idem pour la fièvre du samedi soir pour citer ces deux exemples pour ce qui est de la contextualisation et de la recontextualisation je pense que ça demande un petit peu plus de travail mais par exemple je ne sais pas s'il y a un cycle obligé dans un cinéma à Paris se dire faisons appel à une médiatrice un peu éclairée qui nous parle de tout ça qu'en fait ces oeuvres-là ne soient plus systématiquement célébrées comme étant des productions de grands génies, du cinéma d'auteurs, du cinéma français, sans aucune nuance et sans justement qu'on nomme les choses pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des viols et des agressions sexuelles.

  • Speaker #1

    Je pense que s'il y avait un cycle lié dans un cinéma du 5e arrondissement, par exemple, ce serait pour un public assez averti, et je vais peut-être faire un trait caricatural, mais assez cultureux. Ça ne parle pas à suffisamment de monde.

  • Speaker #0

    Ah oui ! Oui, mais c'est bien pour ça que dans le livre, je convoque des exemples peut-être plus pop qu'oubliés, comme la fièvre du samedi soir. Parce que la fièvre du samedi soir, j'ai fait le test quand j'interviens et même auprès de mon entourage. Même si on ne l'a pas vue, même si on a 20 ans, 25 ans, je ne sais pas, mais au moins qu'on ne l'a pas vue, on sait quand même vaguement que c'est John Travolta, le disco, les Bee Gees. Après tout,

  • Speaker #1

    ils vont danser. Ce n'est pas ça.

  • Speaker #0

    Non, et on a les scènes de danse. Bon, là, c'est un podcast, on ne voit pas faire ce mouvement ridicule. Mais on a juste cette image générale-là qui vient instantanément. Mais quand on dit aux gens, mais tu te rappelles de la scène de viol collectif dans la fève du samedi soir ? Non, non, pas du tout. Les gens ne se rappellent pas. S'ils ne l'ont pas vu récemment, ça passe complètement inaperçu.

  • Speaker #1

    C'est un problème d'éducation en général ?

  • Speaker #0

    C'est un problème d'éducation. En fait, c'est précisément la culture du viol. La culture du viol, c'est... C'est l'ensemble des représentations, des comportements qui participent à justifier les agressions sexuelles et le viol. À les justifier, à les minimiser, à les romantiser, au fait qu'on puisse en rire. Mais c'est vraiment une culture. Donc oui, c'est de l'éducation. Et je mesure bien que mes mots sont forts, mais je considère qu'on nous éduque à la violence sexuelle, à la subir ou à la commettre.

  • Speaker #1

    Oui. Dans ce que vous expliquez dans ce livre, c'est également le refus des rapports de domination. Ce n'est pas uniquement sur les violences sexuelles, mais c'est également des dominations sur les femmes, sur toutes les minorités. Comment on fait ? Parce que c'est induit dans le capitalisme, ça. Vous vous considérez un peu comme anticapitaliste ?

  • Speaker #0

    En fait, pour être humble, moi, je ne m'y connais pas assez pour dire je suis anticapitaliste En revanche, je comprends bien que c'est lié. La lutte anticapitaliste et la lutte féministe et la lutte écologiste, en fait, tous ces combats sont liés parce que le dénominateur commun, c'est le patriarcat. Donc oui, de fait, je le suis un petit peu près dans mon quotidien.

  • Speaker #1

    Je flamme d'une révolutionnaire sur le papier.

  • Speaker #0

    Je vais répondre un tout petit peu à côté en disant qu'en tout cas, je me sens de plus en plus rebelle, plus que révolutionnaire. de plus en plus engagée dans mon travail. Je pense que justement, avec ce livre-là, on voit bien qu'il y a un tournant, même si les livres d'avant étaient aussi féministes et engagés d'une certaine façon. Mais en fait, je supporte de moins en moins de ne rien dire et de ne rien faire face à tout ça, mais notamment aux injustices liées au genre et aux violences sexistes, sexuelles, conjugales, aux violences faites aux femmes et aux enfants. Sur ce terrain-là, comme aussi je me sens de plus en plus légitime à prendre la parole, parce que je connais de mieux en mieux ces sujets-là, ma colère ne fait que grandir. Mais j'arrive à en faire quelque chose de positif, c'est-à-dire à en faire un moteur. Ce qui rejoint un petit peu ce que vous disiez en introduction, apprendre parfois avec des pincettes, mais on me dit beaucoup c'est bien parce que... Là, c'était pas d'animosité, etc. Mais en fait, je fais attention à ce qu'on me dise. C'est bien toi, contrairement aux autres, t'as pas l'air d'une hystérique, etc. C'est pas ce que j'ai ressenti dans l'introduction, mais ça peut vite être ça. Mais en tout cas, moi, je me dis tant mieux, mine de rien, si les gens ressentent ça. Parce que ça veut dire que j'arrive à faire ressortir ma colère d'une façon qui ne soit peut-être pas colérique. Je ne sais pas si je suis très claire.

  • Speaker #1

    Moi, ce que j'ai ressenti dans le livre, c'est que vous donnez beaucoup de vous-même. On vous sent... On vous sent autrice, ce n'est pas juste un essai, vous êtes dedans. vous expliquer, on voit votre vie. Et c'est ce qui humanise le propos, ce sont vraiment les mots que je vais employer, ça humanise le propos, et on se dit, ah oui, c'est une vraie personne derrière, ce n'est pas une accumulation de faits, ce n'est pas juste une analyse critique qu'on pourrait en avoir avec un narrateur complètement neutre, et un monsieur qui passe avec un transpalette, il fait un petit peu bruit, mais ce n'est pas grave, on aime ça, c'est la vie, c'est la vie de la gaieté, tout le monde est heureux, tout le monde est gai, dans cette rue. Et en fait, c'est là-dedans qu'on retrouve un style, le style du notrice, un style qu'on a découvert dans d'autres livres également. Et c'est là que j'ai retrouvé le fil.

  • Speaker #0

    Ça me fait plaisir. Ça me fait plaisir. Merci de ce que vous me dites. Parce que... Et quand je dis ça, alors... Là, c'est une prétérition, ce que je suis en train de faire, parce que si, ça va être de la justification. En fait, je sais que je serais tout à fait capable de faire un essai plus traditionnel, plus académique, et donc peut-être plus... intello. Je pense que c'est quand même le mot, parce que je suis issue d'une formation littéraire exigeante. On m'a appris à faire ça, à ne pas mettre de moi dans les analyses, dans les commentaires de texte, etc. Mais je crois vraiment que finalement c'est ma patte, si on utilise notre jargon. C'est même pas que je ne saurais pas faire autrement, mais je n'ai plus envie de faire autrement. Même dans mon travail de journaliste, ça fait 4 ans maintenant, 4-5 ans que j'écris des formats newsletter. pour différents médias ou des chroniques. Et donc, en fait, partir de moi, mais pour réussir à toucher quelque chose de plus large et d'universel, c'est devenu presque ma marque de fabrique. Mais en fait, quand je dis que ça me fait plaisir, c'est parce que c'est quelque chose qui revient de temps en temps quand les lecteurs et les lectrices m'écrivent et je me rends compte que c'est aussi ce qui me permet de toucher les gens. Et sur ce sujet-là, qui est un sujet grave, je me dis que c'était vraiment important de l'écrire de cette façon parce que... On a sans doute moins l'impression que je fais la morale et que je dis, alors ça c'est bien, ce film-là ne le regardez plus. En fait, moi je dis aussi, mais attendez, moi ce plaisir coupable, je l'ai. Moi je continue d'écouter Marilyn Manson. Parfois j'écoute Marilyn Manson parce que c'est toute mon adolescence. Pour autant, je sais très bien que c'est un affreux personnage. Le mot est faible. Enfin voilà, je ne suis pas irréprochable. Et en fait, moi constamment, je questionne justement mon féminisme. Et j'essaye de dire aux autres, surtout aux femmes, on peut être féministe, on peut être au courant de tout ça, défendre corps et âme, tout ce qu'on défend, mais ne pas être parfaite. Et continuer à avoir ce qu'on appelle des plaisirs coupables, mais je ne suis pas très fan de cette expression.

  • Speaker #1

    Sur ce sujet, juste après un vrai ou faux jingle. Vrai ou faux ? Vous attendez le jour où vous serez bluffée, émue, transportée par une scène de sexe consenti, sexe consenti, écrite et filmée par un homme cisgenre hétérosexuel. Ça n'existe pas ?

  • Speaker #0

    Donc vrai, vrai, je l'ai écrit. Ce serait quand même dommage que je dise le contraire.

  • Speaker #1

    Ça n'existe pas ?

  • Speaker #0

    Non, j'en ai pas trouvé.

  • Speaker #1

    Et est-ce que ça existe si c'est d'autres personnes ? C'est-à-dire, mettons, ça soit une réalisatrice, est-ce que là, elles ont réussi ?

  • Speaker #0

    Bah écoutez, je peux vous répondre de façon très contemporaine, puisque j'ai vu le film Emmanuel d'Audrey Diwan, et j'en suis sortie très déçue, très déçue. Parce que, alors pour le coup, Emmanuel de 1974 n'est pas dans mon livre, et je pense que j'aurais dû finalement en parler, j'ai pas été assez stratège. En fait, je crois qu'à l'époque, quand j'ai commencé à travailler sur Désir et la Véloche, je ne savais pas qu'Audrey Diwan allait le tourner, etc. Mais en fait, j'ai travaillé à posteriori sur la question d'Emmanuel de 1974, qui est, pour être tout à fait honnête, j'ai pleuré à la fin du film. J'ai pleuré de colère, parce que vraiment, je me suis dit, si Emmanuel, c'est un chef-d'œuvre de l'érotisme, vraiment, j'arrête en fait, j'arrête. Si des milliers, millions d'hommes, pardon pour mon langage, d'une certaine génération, mais qui sont encore parmi nous, se sont masturbés en regardant Emmanuel. Ça veut dire qu'ils se sont masturbés, ça veut dire qu'ils ont joui devant des viols du début à la fin. Emmanuel, ça n'est que ça. Donc vraiment, j'ai eu un moment de désespoir complet quand j'ai revu Emmanuel. Et donc, sachant qu'Audrey Duhuan repart du livre d'origine d'Emmanuel Arsene et que La Promesse, quand même, était un film plus féministe qui célèbre le plaisir féminin, j'en attendais beaucoup de choses. Et vraiment, et je vous assure que je ne suis pas devenue frigide comme... comme le voudraient les masculinistes, et bien vraiment, ça ne m'a pas du tout excitée. Et je trouve que le pari n'est pas relevé. Et que c'est un film qui reste encore assez male gaze. Donc c'est-à-dire... très cliché dans ce que peut attendre le spectateur au regard masculin. Et vraiment, je ne l'ai pas trouvé érotique, je ne l'ai pas trouvé sensuel. Je suis peut-être dure, parce que là, ça fait quelques jours que j'en parle de façon très radicale, mais je suis vraiment déçue par ce film, parce que je m'étais dit, peut-être qu'on va avoir cette fois un vrai chef-d'œuvre, le terme est très grand, mais un classique érotique féministe, mainstream en plus, par une réalisatrice que par ailleurs j'aime. J'ai rien du tout contre Audrey D. Wan. Donc voilà, pour moi, c'est raté.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il peut y avoir un male gaze féminin ? Je sais que ça a l'air un peu bizarre de dire ça comme ça. Que ça peut être porté également par un regard féminin, qui peut être, je parlais tout à l'heure du capitalisme, du libéralisme. N'oublions pas qu'une réalisatrice, même avec les meilleures intentions, peut être pressée par un producteur, par une maison de production, par tout un environnement autour d'elle qui la force à faire certaines images.

  • Speaker #0

    Et une femme peut être sexiste. Et moi, j'ai encore, j'imagine, certains biais sexistes à l'intérieur de moi. Donc, on peut tout à fait être une femme réalisatrice et filmer de façon male gaze. Mais pour le rappeler, juste le male gaze, c'est un concept qui a été théorisé en 75 par Laura Mulvey. En France, Iris Bray, elle, a sorti Le regard féminin, donc où elle développe l'idée du female gaze en réponse. Chacune explique que ce n'est pas parce qu'on est un homme. Quand on utilise le male gaze et une femme, le female gaze, ce serait beaucoup trop simple, en fait. Et beaucoup trop genré, pour le coup, et cliché. Des femmes qui nous ont sorti des films archi male gaze, il y en a plein. Bon, là, je n'aime pas tirer dans les pattes d'autres femmes et de consoeurs, mais ça, pour le coup, j'en ai revu en me disant... Et même dans les dialogues. Mais le bon vieux plan, donc 100% male gaze, qui parle à tout le monde de la femme canon qui sort de l'eau. à la plage et qu'on fonde des pieds à la tête et qu'ils se passent les mains comme ça au ralenti sur la poitrine et les cheveux. Ou bien à l'inverse, le gros plan fesse avant qu'on voit le visage, etc. Je l'ai vu dans plein de films de nanas.

  • Speaker #1

    C'est vrai que moi, quand je sors de l'eau, je fais très attention. Sauf que souvent, je vais sur des plages de galets et je me fais mal aux pieds. Je me tords n'importe quand. C'est horrible. Alors, un autre vrai ou faux. Vrai ou faux, vous êtes une ex-fane de Gainsbourg.

  • Speaker #0

    Ah non, je ne peux pas dire. Je ne peux pas dire vrai.

  • Speaker #1

    C'est pour une référence à sa chanson.

  • Speaker #0

    Je l'avais quand même.

  • Speaker #1

    Merci. Ça me permet, je vous coupe un petit peu, mais ça me permet de faire un parallèle entre votre premier livre publié en relisant Gainsbourg et puis Désirer la violence. Et finalement, il y a un chemin qui s'est fait entre faire un livre qui... Il y a une critique quand même de Gainsbourg, mais en même temps, c'est un formidable... hommage.

  • Speaker #0

    Ah oui, qui célèbre Gainsbourg.

  • Speaker #1

    Car vous êtes une spécialiste de l'œuvre de Gainsbourg.

  • Speaker #0

    J'ai beaucoup travaillé sur son œuvre parce que c'est un premier essai qui était tiré de mon travail de mémoire universitaire quand j'étais en licence de lettres. La thèse de ce livre, c'est Gainsbourg, ce grand poète du 19e, en tout cas qui ressemble très fort à Rimbaud Baudelaire, qui était ses héros. Oui, en tout cas, qui étaient ses modèles. Après, sur le pompage, on peut rentrer dans les détails. Mais c'est un livre qui célèbre Gainsbourg.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui a évolué dans votre analyse de Gainsbourg, de ses textes, de ce qu'il exprime ?

  • Speaker #0

    En fait, je réponds en prenant la question un peu à l'envers. Admettons que... La nana qui a pensé à tout. Admettons qu'en 2030, on me contacte pour rééditer mon livre à l'occasion des 40 ans de la disparition de Gainsbourg. Parce que là, mon livre était sorti en 2020 à l'occasion des 30 ans de sa disparition. Si donc je devais reprendre un peu ce manuscrit et me dire qu'est-ce que j'en fais ? Eh bien, ça m'intéresserait très peu, en fait, de toucher au texte que j'ai déjà sorti. Ce que je ferais, c'est soit d'écrire quelque chose avant mon texte, soit après mon texte. où là, je parle de l'homme Gainsbourg et de tout l'à-côté. Et oui, en effet, je reviendrai sans doute sur des textes pour expliquer comment telle ou telle chose, notamment la fascination pour les mineurs, que j'évoque quand même un petit peu dans mon bouquin. En fait, ce serait un à-côté. Mais tout ce que j'ai écrit de son œuvre, de ses textes, je le pense encore. C'est pour ça. Non, je n'ai pas brûlé ces disques. J'ai encore des vinyles.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous voyez Gainsbourg différemment aujourd'hui d'il y a dix ans ? Oui,

  • Speaker #0

    en fait, c'est ça qui a changé. En fait, pour moi, ce qui est très, très important et ce qui est sans doute la clé pour qu'on arrive un peu toutes et tous à faire la paix et qu'on arrête de... traiter mon camp de woke, de wokiste, de façon péjorative. Parce qu'en fait, moi, ce que je défends, c'est le fait de pouvoir dire que, oui, à mes yeux, Gainsbourg est un génie de la chanson. Ce qui n'empêche pas que ce soit un homme très problématique et violent. L'un n'empêche pas l'autre. En fait, c'est pas séparer l'homme de l'artiste, c'est comprendre que les deux ne font qu'un, et que les deux, en même temps, peuvent être géniales et abominables. Et en fait, pour moi, c'est ça la clé. C'est exactement la même chose. Ça,

  • Speaker #1

    c'est un petit peu comme vous le disiez, que quelquefois, on dit, oui, il y a Gainsbourg et Gainsbourg, mais non, en fait, ce n'est qu'un seul et même personnage.

  • Speaker #0

    Oui, ça, ça a été mon petit argument préféré pendant longtemps. Non, non, mais moi, j'aime Gainsbourg. Gainsbourg, je n'aime pas du tout, mais j'aime Gainsbourg. En fait, ce que je faisais précisément à ce moment-là, c'est jouer le jeu du patriarcat. C'était vraiment la défense des hommes violents. Non, non, mais... C'est un très bon père de famille. Oui, à côté de ça, il me donne des coups, il me maltraite, mais c'est un super papa. En fait, c'est essayer de diviser, de séparer le problème. Et c'est ça qui est le plus douloureux. C'est ça, en ce moment, qui commence vraiment à transparaître dans l'actualité. Je pense à l'affaire Gisèle Pellicot. Au moment où on enregistre, de toute façon, on va en entendre parler pendant quatre mois.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    sur quatre. Une femme qui a été violée par une cinquantaine d'hommes et son mari qui a organisé tout ça. Et en fait, quand on voit le profil de ces hommes-là et du mari, ce sont vraiment des hommes ordinaires. Donc, je ne doute pas que parmi ces hommes-là, il y ait, et d'ailleurs on l'a dit, des excellents journalistes, de très bons pompiers, des policiers investis, des conseillers municipaux. Ces hommes-là ne sont sans doute pas des monstres dans leur vie quotidienne. Par ailleurs, ce sont des hommes abominablement violents. Avec la culture, c'est précisément la même chose. Et j'ai... aucune honte à chaque fois à en parler, mais pendant longtemps, j'ai dit que si j'avais un petit garçon, je l'appellerais Roman, parce que j'étais fan du cinéma de Roman Polanski quand j'étais plus jeune et ado. C'était vraiment l'un de mes cinéastes préférés. J'ai eu une statuette de Woody Allen dans mon entrée pendant longtemps, dès que j'ai eu mon premier appartement. En fait, moi, tous ces hommes-là, je les ai admirés. C'était mes références. On en fait quoi, après ? On remet tout en question. C'est très, très douloureux. Finalement, souvent le dégoût l'emporte, donc on n'a plus envie de regarder leurs films. Mais c'est pas grave, parce qu'il y en a plein d'autres. Il y en a vraiment plein d'autres. Donc voilà, on avance. Mais c'est comme... C'était pas pour faire une blague que je disais, c'est comme avec les hommes. On peut avoir de la nostalgie en repensant à tel ex et en se disant quand même, on était bien parfois quand on faisait les cons au bord de la scène. Bah oui, mais en fait, à côté, tout le mal qu'il y a eu l'emporte, quoi. Et donc on n'a plus du tout envie de se remettre avec ce type-là. C'est la même chose.

  • Speaker #1

    Boris Vian, vous assumez toujours ?

  • Speaker #0

    Ah oui. Oui. Boris Vian, j'ai jamais...

  • Speaker #1

    Vous l'avez dans la peau ?

  • Speaker #0

    Je l'ai dans la peau. Mais c'est surtout... Peut-être qu'un jour, des choses affreuses sortiront à son sujet. Mais je défendrai... En fait, je vous dirai la même chose.

  • Speaker #1

    Je ne suis même pas sûr, non. Il écrit la chanson avec Magalie Noël, Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny

  • Speaker #0

    Que je paraphrase, d'ailleurs. dans un sous-titre.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, un de vos amoureux éphémères vous a dit un jour...

  • Speaker #0

    J'ai peur.

  • Speaker #1

    Si ça peut te faire bien voir dans ton taf de dire que tu connais un futur romancier à succès, n'hésite pas à citer mon nom, je serais ravi de pouvoir t'aider.

  • Speaker #0

    Je m'y attendais pas.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est pas...

  • Speaker #0

    J'avais vraiment bien travaillé, purée, l'interview. C'est absolument vrai. Après, très honnêtement, c'était pas un amoureux éphémère. Ça a été une espèce de plan sexe que j'ai vu deux, trois fois.

  • Speaker #1

    Mais alors, il a sorti son truc ou pas ?

  • Speaker #0

    Mais bien sûr que non. Mais il n'a rien sorti du tout. Je ne sais même pas ce qu'il devient professionnellement, mais à l'époque, il était retourné vivre chez sa mère. Et en fait, il m'avait ghosté parce qu'apparemment, il était parti deux ou trois mois dans le désert. Non, mais une histoire, une histoire. Il était revenu à les poches remplies de carnets où il avait écrit de la poésie à deux balles. Et en fait, moi, j'étais quand même déjà sur mes rails littéraires, journalistiques, etc. Et il frimait en disant, si ça peut t'aider, tu peux dire que je vais sortir un premier roman. Et il m'avait dit, de toute façon, à 30 ans, si je ne suis pas édité chez Gallimard... Non, si je n'ai pas le Goncourt, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    C'est le Goncourt. Il dit, je serai édité chez Gallimard.

  • Speaker #0

    T'es chez Gallimard et j'aurai un concours, etc. Bah franchement, on pensait pour lui. Une minute de silence pour...

  • Speaker #1

    Peut-être a-t-il changé l'identité, on ne le sait pas.

  • Speaker #0

    Ce qui en dit très long, et là on en rit, mais je vous prie de croire que c'est très pénible parce qu'ils sont nombreux, en tout cas, à avoir croisé ma route. C'est des hommes qui s'intéressent finalement peu à moi alors que j'ai énormément de choses à raconter et que j'accomplis beaucoup de choses. Et qui, eux, en ayant fait, je vais être gentille, moitié moins, mais c'est beaucoup plus que moitié moins, la ramènent, mais carrément, quoi. Et essayent de me rabaisser. Mais c'est fini, tout va bien.

  • Speaker #1

    Pour les personnes qui se demandent d'où je tiens cette information, c'est dans le livre Péchaud, Canard.

  • Speaker #0

    Quel jeu de mots.

  • Speaker #1

    Voilà, quel jeu de mots.

  • Speaker #0

    Et Décryptage d'une vie amoureuse tumultueuse, qui sont 20 chapitres au titre plein de jeux de mots canardesques, puisque le monsieur dont on vient de parler, c'est le canarcycique.

  • Speaker #1

    Le canarcycique.

  • Speaker #0

    Et la plupart des... Enfin, certaines de ses histoires sont analysées par Lilian Holstein, qui est psychanalyste et qui est ma... qui a été ma vraie psychanalyste. Donc c'est finalement un ouvrage très intime, mais qui lui n'a pas vraiment trouvé son public, donc qui pour moi, tant mieux si ça vous fait rire, mais qui pour moi a été très important. Et finalement, ça a été le déclencheur de Désirer la violence.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, vrai ou faux, depuis votre livre Pêche au canard, les hommes qui passent dans votre vie vous font signer des accords de confidentialité.

  • Speaker #0

    Non, mais plusieurs, évidemment, m'ont fait la blague. Je vais me retrouver dans un livre, il va y avoir un tome 2. Et je leur dis, tu aimerais bien. Pas mal. Parce qu'en fait, et puis il y en a même qui ont acheté le bouquin pour voir s'ils étaient dedans. J'en ai qui sont dedans, qui se sont reconnus. Un qui a fait son mea culpa. D'autres qui finalement n'ont rien dit. Et d'autres qui ont été déçus de ne pas y être. Mais c'est pour dire quand même l'ego, quoi. L'ego masculin, parce que c'est pas très glorifiant d'être dedans.

  • Speaker #1

    J'ai adoré ce livre. D'ailleurs, vrai ou faux, pour vous séduire, pratiquez la gyroroue. La gyroroue, oui, il n'y a rien de mieux. Je précise que c'est une gyroroue, c'est une sorte de gyropode, c'est une roue sur laquelle vous mettez les deux pieds, vous tenez debout, vous pouvez mettre un casque. C'est important le casque d'ailleurs, et vous pouvez déambuler comme ça.

  • Speaker #0

    Je suis en train de rejouer le pire date de ma vie. Alors avec lui, il ne s'est rien passé, mais c'était le date à la fois le plus court et en ressenti le plus long de l'histoire. Parce que c'est un type qui n'avait que me parler de ça. J'ai roulé. C'était affreux. C'est fini tout ça, c'est derrière moi.

  • Speaker #1

    Vous parlez beaucoup de vous dans vos livres. Là, je prenais un peu un...

  • Speaker #0

    Vous parlez de quelqu'un d'autre.

  • Speaker #1

    Ben non, vous êtes là. Mais vous parlez beaucoup de vous dans vos livres. C'est-à-dire qu'on connaît beaucoup de choses de votre vie. Même sur Instagram, moi j'ai trouvé des choses qui sont très personnelles. J'évoquais ce tatouage dans le dos, cette phrase de Boris Vian. Et ça devient un passage obligé, finalement, quelque part, de donner de soi, de donner de son intimité quand on écrit aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Non, vraiment. En plus, moi, j'ai quand même encore cette double casquette de journaliste. Donc, non seulement ce n'est pas un passage obligé, mais je sais bien qu'en plus, pour... Beaucoup de journalistes et beaucoup de médias, ce que je fais, c'est mal. En tout cas, je sais qu'il y a des médias, peut-être pour lesquels je ne pourrai plus travailler, justement parce que je suis trop ouvertement moi-même dans mon travail, que je mets trop d'intime, peut-être trop d'engagement politique, féministe. Je dis ça sans qu'on m'ait dit, non, non, on ne travaillerait pas pour le monde. Je n'ai pas tenté, mais je veux dire, j'ai conscience de ça, parce que dans le journalisme, il y a cette supposée. Objectivité, mais qui n'en est rien parce qu'on n'est jamais 100% objectif. Mais bon, en tout cas, neutralité journalistique. Mais moi, j'ai réussi en fait à passer ce cap-là aussi parce que j'ai fait une année d'Erasmus en Angleterre. Et parce que je connais des amis qui sont aux États-Unis ou donc en Angleterre. Et que là-bas, c'est très différent en fait. On met beaucoup moins les gens dans une case. Donc soit journaliste, soit auteur, etc. Soit poète, que sais-je. et qu'ils ont beaucoup plus cette... Enfin, I'm a writer, c'est je peux tout à fait écrire et être journaliste et être auteur et être un peu les deux. Et il y a beaucoup plus l'effet chronique.

  • Speaker #1

    Peut-être moins dans une case, finalement.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    exactement.

  • Speaker #0

    Et même, d'ailleurs, je dis ça pour les anglo-saxons, mais en Erasmus, je partageais ma maison avec des Allemandes. Bon, je ne parle pas du tout allemand. Mais ce que j'apprécie avec elle, c'est qu'elle pouvait avoir une majeure maths et à côté philo ou musique ou art, et vraiment mener les deux de front. En France, il faut vraiment qu'on fasse notre choix très tôt.

  • Speaker #1

    Quelque chose de très monolithique.

  • Speaker #0

    Voilà, soit on est lettres, soit on est matheux. Soit on est éco, et ça, ça m'emmerde profondément. Et dans le journalisme, c'est quelque chose que j'ai beaucoup ressenti, justement, parce que parfois, j'ai travaillé, enfin parfois, pas mal de temps, j'ai travaillé dans des rubriques sexo, par exemple, tout en ayant complètement envie de pouvoir traiter des sujets de société ou de la politique, ou entre mille guillemets, des choses plus sérieuses.

  • Speaker #1

    Et le sexe est politique ?

  • Speaker #0

    Absolument, et tout à fait sérieux. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il peut vraiment y avoir quelque chose d'élitiste. et parfois d'un peu méprisant sur certains formats, sur certains sujets. J'ai décidé que je refusais d'en bâtir. Donc, je mène différents projets qui, aux yeux de certains, peuvent paraître incompatibles, mais qui ne le sont pas du tout au mien.

  • Speaker #1

    Et en même temps, vous êtes très dans l'air du temps. Je pense à des journalistes qui donnent leur avis, qui ont un point de vue... et qui donne à lire de leur vie je pense à salomé saké je pense à des journalistes qu'on peut voir dans l'équipe de quotidien par exemple mais est ce que aujourd'hui le journalisme a changé le journalisme de s'impliquer tant

  • Speaker #0

    vous êtes attaqué c'est à dire que c'est comme si journalistes étaient devenus un gros mot c'est très difficile pour moi de répondre en généralisant parce que pour moi journalistes ça recouvre 50 réalités différentes que j'ai pu vivre moi-même parce qu'au début de ma carrière j'étais journaliste, reporter d'images et rédactrice par exemple pour France 3 donc là dans un média beaucoup plus traditionnel où je faisais de l'information générale donc j'ai vécu ça j'ai fait des sauts de puce chez BFM donc j'ai connu différentes réalités donc déjà rien que du point de vue de ma carrière le mot journaliste il a voulu dire dix choses différentes. Ce qui est sûr, c'est que c'est un métier que les gens globalement n'aiment pas, mais qui selon moi est très méconnu, parce que soit on ne l'aime pas du tout, on nous rejette, je pense vraiment à mes confrères et consoeurs de news, qui sont agressés même dans la rue. Je sais moi qu'à l'époque où j'avais le micro BFM, et pourtant je travaillais pour le service culture, mais peu importe, j'étais quand même alpaguée. voire un peu malmené, insulté quand je faisais certains de mes sujets parce qu'on voyait la bonnette BFM, donc je l'ai un petit peu senti à mon échelle. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que c'est un métier qui est méconnu, et soit on déteste, soit on le fantasme. Et je dirais qu'actuellement, moi je souffre, entre guillemets, plus de la deuxième option, qu'on le fantasme. C'est-à-dire que les gens ont l'impression que c'est un métier très bourgeois, où les gens gagnent plein d'argent, et c'est bien pour ça que c'est méconnu. Parce que la plupart des journalistes et des journalistes qui m'entourent et moi-même, non, nous n'en mettons pas plein les fouilles. Et c'est très, très important d'expliquer ça, d'expliquer la précarité de notre métier.

  • Speaker #1

    Précarité de journaliste ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui,

  • Speaker #1

    oui. Par exemple, vous voulez dire que vous pourriez avoir des problèmes avec, je ne sais pas...

  • Speaker #0

    Avec Paul Lampeloff, en fait. Franchement, je préfère qu'on s'attarde sur autre chose. Mais en tout cas, oui.

  • Speaker #1

    en tout cas des journalistes je fais ça parce que ça fait un peu une side joke mais pas du tout, c'est à dire que sur Instagram récemment vous avez partagé des stories pour dire que Paul Emploi vous avez humilié et raccroché au nez et en fait il s'est avéré quand on suivait un petit peu les commentaires sur vos publications que énormément de personnes ressentaient cela je

  • Speaker #0

    devrais peut-être préciser en tout cas les journalistes pigistes la pige c'est quoi en journalisme ? C'est du salariat mais c'est que moi par exemple si j'écris un article, je suis payée pour cet article cet article c'est une pige, si je fais une journée de tournage c'est une pige donc en fait je parle de précarité parce que je n'ai pas de contrat long, même pas de CDD et qu'on fait appel à moi pour une pige, deux piges, trois piges par mois, j'ai peu de visibilité sur six mois mais même parfois sur un mois, quand j'étais chez France 3, je me réveillais le matin, on pouvait m'appeler, me dire tiens est-ce que demain tu peux aller à Bordeaux pour trois jours et après ne plus bosser pendant 15 jours. Donc, c'est ça, la précarité dont je parle, c'est ça. Et puis, vis-à-vis de France Travail, c'est une méconnaissance totale, en fait, de la façon dont fonctionne la pige. Et donc, oui, on a vraiment maltraité. Le conseiller m'a raccroché au nez quand j'expliquais ma situation, parce qu'en fait, on nous réclame des papiers, des certificats d'employeur, dont nous ne disposons pas forcément. Parce que justement, quand tu écris un papier, enfin, que sais-je, un papier pour quelqu'un, Bon, c'est une collab. Peut-être que dans deux ans, tu réécriras un papier. Mais en fait, on n'ouvre pas de contrat et on ne ferme pas de contrat. C'est juste un article comme ça que tu as écrit. Donc, tu as une fiche de paye, ce qui est déjà bien.

  • Speaker #1

    Ce qui fait qu'au final, non, vous n'êtes pas bourgeoise richissime.

  • Speaker #0

    J'aimerais, mais déjà, comme je crois très fort. Alors attention, là, c'est le petit moment perché de votre interview. Je crois très fort en l'énergie et en la loi de l'attraction. Et en fait, je me dis qu'il faut que j'arrête de dire que je ne suis pas riche. Parce que le plus on dit je ne suis pas riche, le moins on est riche. Parce que l'univers comprend qu'on n'est pas riche.

  • Speaker #1

    Psychanalytiquement, votre psy vous dirait la même chose.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Donc voilà, je ne suis pas à la rue, je ne manque pas d'argent. Mais en tout cas, être journaliste ne veut pas dire être très riche. Et ce n'est pas parce qu'on voit notre tête à la télé ou en vidéo qu'on gagne plein d'argent. Et ça, c'est quelque chose aussi qui est important, puisque là, j'ai une très belle promotion sur le livre. C'est que la plupart des gens croient que quand on intervient dans une vidéo pour Konbini, pour Brut, et peut-être même là pour le podcast, on est rémunéré. Bien sûr. Mais non, vous, vous m'avez grassement payé.

  • Speaker #1

    Je suis vraiment reconnaissante.

  • Speaker #0

    Plein de thunes. Donc, en fait, pour moi, ça, c'est presque de l'éducation aux médias. Et en tout cas, pour les gens, pour le grand public, de parler de façon incarnée de mon travail et de montrer aussi la réalité de tout ça. Parce que depuis quatre mois, les gens, à raison, me disent c'est génial, tu as du succès, ton livre cartonne. Oui, mais en parallèle, moi, cet été, j'ai rentré zéro euro. et Pôle emploi ne m'a pas versé mes allocations. Depuis, c'est réglé. Mais en tout cas, voilà, c'est juste pour dire oui, mais encore une fois, en fait, les deux réalités sont possibles. J'ai du succès, mais là, je n'ai pas beaucoup d'argent. En fait, tout est compatible.

  • Speaker #1

    Plus loin que le journalisme et les essais dans lesquels on met beaucoup de soi, encore plus de soi, un roman, un jour ?

  • Speaker #0

    C'est honnête, je ne m'attendais pas à la question. C'est ma prochaine envie. Là, j'ai fait le point. Ça a l'air très, très formel. J'ai fait le point pendant l'été. Là, j'ai quelques projets dans les tuyaux, comme disent les jeunes. Un livre qui va apparaître en mars 2025. J'en dis pas beaucoup plus. Quelques projets pour lesquels j'attends des retours. Ce serait très chouette si ça se fait, mais qui ne seront pas des essais. Enfin, qui seront, j'aime pas dire des petits livres, mais des projets un peu amusants. Attention, ça ne veut pas dire que le sujet l'est. Mais en tout cas, pour moi, dans la façon de les créer, de les écrire, voilà, un petit peu plus ludique. Divertissant. Mais j'ai fait le bilan et je me suis dit, mon rêve, c'était d'avoir publié un livre à 30 ans. Je m'étais toujours dit, c'est génial si tu publies un livre à 30 ans.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    J'ai 33 ans, j'en ai sorti 5. Il y a des projets qui sont dans les tuyaux. Donc, je me suis dit, la prochaine étape, c'est les 35. C'est terrible, mais bon, on réfléchit comme ça, 30, 35, 40. Et je me suis dit, quelle est... Quel est ton autre rêve, ton autre envie ? Donc, c'est le roman. Je me suis dit, bon, allez. En fait, je n'ai pas envie de rempiler sur un essai. Et tout ce que j'ai encore à dire, parce que j'ai encore beaucoup, beaucoup de choses à dire qui sont liées à Désirer la violence, à Pêche aux canards, qui sont là très, très, très intimes. Donc, je pense qu'en fait, c'est de la matière à roman. Voilà.

  • Speaker #1

    On a hâte de lire ça. Puisqu'on est dans un café, nous allons terminer avec trois questions sur l'hiver du café, la boisson et tout ça. Oui, Qu'est-ce que le cocktail Angel Shot ?

  • Speaker #0

    Angel Shot, je connais Sorry Angel,

  • Speaker #1

    mais... C'est un faux cocktail qui est destiné à alerter le personnel que vous avez un problème avec quelqu'un de mal intentionné. C'est surtout aux Etats-Unis. Alors, il y a quelques cafés et bars parisiens qui font ça sous d'autres noms, mais aux Etats-Unis, c'est assez connu. Vous demandez un Angel Shot et ça veut dire que vous avez un petit souci. C'est pas mal.

  • Speaker #0

    Je connaissais le concept, je ne connais pas le nom et d'ailleurs je ne le connais pas en français

  • Speaker #1

    Il y a une différence selon les cafés ils mettent ça dans les cartes de cocktail J'aborde des thématiques sous l'angle de la boisson Vas-y,

  • Speaker #0

    super,

  • Speaker #1

    j'adore Quel est le cocktail préféré de Serge Gainsbourg ? Il y en a plusieurs Il y en a un dont il a fait la démonstration plusieurs fois notamment en vidéo au bar du Raphaël

  • Speaker #0

    Je ne sais pas

  • Speaker #1

    C'est le Gibson.

  • Speaker #0

    Ah non,

  • Speaker #1

    je ne sais pas. Il y a un jour qui disait Je connais mes limites, c'est pourquoi je vais au-delà. Et le Gibson, c'est du vermouth, du gin et des petits oignons blancs.

  • Speaker #0

    Vous savez que cette phrase Je connais mes limites, c'est pourquoi je vais au-delà c'était un exergue sur mon CV pendant très longtemps.

  • Speaker #1

    Pas mal.

  • Speaker #0

    J'aime beaucoup cette phrase. Mais après, quand j'ai commencé à postuler pour des médias féministes, je me suis dit C'est peut-être mal vu. Attends. Mais pourquoi vous l'avez cité là ? Parce que c'était dans cette vidéo, c'était pour un cocktail qu'il l'a...

  • Speaker #1

    Cette vidéo, oui.

  • Speaker #0

    Ça change tout alors. C'est plus du tout la même chose. Les oignons dans le cocktail, ça me brosse pas.

  • Speaker #1

    Ce sont des petits oignons blancs.

  • Speaker #0

    Qu'on met dans les pots de cornichons.

  • Speaker #1

    Ouais, exactement. D'accord, on va pas prendre ça. Et pour Pop Culture, quelle est la bière préférée de Homer Simpson ?

  • Speaker #0

    Bah la d'œuf ! Mais il y a la d'œuf ! Oh purée, j'ai le droit à une imitation. Oui, c'est bien.

  • Speaker #1

    Oui, je l'ai fait.

  • Speaker #0

    En fait, c'était juste pour ça la question. C'était pour pouvoir l'imiter.

  • Speaker #1

    Non, c'est un petit peu ça. Je suis vraiment désolé.

  • Speaker #0

    Mais moi, je prime juste pour finir. Je suis très heureuse parce que cet été, j'ai visité les studios Hollywood. à Los Angeles. Et donc, je me suis baladée dans Springfield. Parce que c'est reconstitué. Et donc, je suis allée chez Mo. Et là-bas, il y avait plein de produits dérivés de la Duff.

  • Speaker #1

    Ah, la frime !

  • Speaker #0

    Oui, voilà. Mais moi, j'imite Marge, mais là, je ne le sens pas.

  • Speaker #1

    Tant pis, on n'insistera pas.

  • Speaker #0

    Mais je l'imite bien.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, beaucoup, beaucoup, Chloé Thibault. Donc, je rappelle le titre du dernier livre qui est là, dans mes mains. Clac, clac, et qu'une préface de Lyo. Désirer la violence, ce que la... propre culture nous apprend à aimer et ce ce c'est eux ou ce c'est le ux les superbes voilà je le conseille lisez le tous et toutes mais surtout tous avec le consentement bien sûr vous avez écouté un café au comptoir petit mot habituel de chaque fin de podcast et bien aller sur apple podcast mettez 5 étoiles c'est encore mieux et puis surtout laissez nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast comment vous l'avez aimé vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, ce que vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très, très, très, très bientôt pour un nouveau café.

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