- Speaker #0
Il y a un tas de choses qu'on ne peut pas parler parce que c'est un tabou, c'est politiquement correct. Le politiquement correct, c'est une façon d'imposer des tabous.
- Speaker #1
Bonjour, je suis Alexis Iméros et vous écoutez Un Café au Comptoir. Un Café au Comptoir,
- Speaker #0
un café au comptoir.
- Speaker #1
Mon invité du jour est de ces êtres dont on se demande s'ils sont véritablement humains. Outre le fait que tout paraît leur réussir, on a l'impression que la nature les a dotés de tous les talents. De plus... Il semble toujours maîtriser bien mieux le temps que le commun des mortels. De quel bois rare cet homme est-il fait pour mener de front une carrière hors norme de journaliste et celle d'écrivain comme un sacerdoce ? S'il faut se poser la question en ces termes, c'est que mon invité ne fait rien dans la demi-mesure. Journaliste d'abord, revenons là-dessus. Correspondant pour la BBC puis pour CNN, il a couvert comme reporter de guerre un bon nombre de conflits armés en Afrique, au Moyen-Orient, ou en Europe de l'Est. Plusieurs fois primé pour ses reportages et ses contributions journalistiques, il est aussi le présentateur de journal télévisé européen qui peut se targuer d'avoir la plus longue longévité. Le détenteur du record français s'appelait PPDA et leur ressemblance s'arrête là, comprennent qui pourra. Car pour lui, pas de temps à perdre avec la bagatelle. Après son journal télévisé, il a bien mieux à faire. Ce lusophone est un polyglotte qui parlerait au moins 5 langues, dont un français impeccable qu'il a bien fallu apprendre. Il a aussi enseigné à l'université de Lisbonne durant 25 ans, mais surtout, il a beaucoup écrit. Et sous sa plume est née une œuvre exigeante et hyper documentée, résultat d'un vrai travail d'enquêteur. Dire que c'est celle d'un bourreau de travail est un doux euphémisme. Car celui qui se définit comme un curieux de tout n'aime que les récits fondés sur des faits réels. C'est pourquoi ses livres, déjà une vingtaine, puisent tous leurs origines dans des histoires vraies. Cet auteur, qui admet avoir été influencé par Michael Christian pour le romanesque, est un maniaque du détail, un pointilleux du vraisemblable, un obsessionnel du crédible et un champion de l'uchronie. Il s'approche toujours au plus près de la vérité pour mieux imaginer une réalité parallèle à celle-ci. Cette démarche littéraire nécessite énormément de recherche, et donc de tout lire, tout étudier, tout compiler, pour dominer parfaitement son sujet, ce qu'il fait. Donc, dans son dernier livre, Les Oubliés, paru aux éditions Hervé Chopin, l'auteur nous entraîne par-delà une histoire d'amour dans les horreurs de la guerre de tranchée de 14-18, dépeinte de façon hyper réaliste. Pourquoi s'acharner à raconter le passé quand on peut magnifier le présent ? Pourquoi ne pas s'en tenir à une carrière de journaliste qui permet de mieux décrypter le futur ? Pourquoi ne pas faire un essai sur les tactiques comparées des clubs de Tottenham et du Benfica de Lichbois ? Pour le savoir, rien de mieux qu'une table de bistrot pour poser mes micros. et mes questions. Je suis avec Jair Dos Santos et vous écoutez un café au comptoir. Bonjour donc Jair Dos Santos.
- Speaker #0
Bonjour Alexis.
- Speaker #1
Vous êtes très secret. Il n'y a pas d'infos sur votre vie privée sur Internet. On sait peu de choses de vos passions mis à part le foot et puis une évocation de votre muse, Florbella. Aussi, je me suis dit que comme tous les auteurs parlent d'eux-mêmes dans leur oeuvre littéraire, peut-être que ce livre parle non pas de vos passions mais de vos tourments et principalement de vos cauchemars, celles des guerres dont vous avez été témoin. Est-ce que je me trompe ?
- Speaker #0
Oui, bon, en effet, ce livre-là, Oublié, il est né d'une expérience de guerre parce que j'ai né dans une région de guerre au nord du Mozambique. Il y avait la guerre coloniale. Mon père était médecin. Il avait un avion. Il voyageait dans toute la colonie pour amener des campagnes de santé dans les populations. Et j'ai connu la guerre dans cette situation. Puis, je suis devenu journaliste et universitaire. J'enseignais à l'Université de Lisbonne. Il me fallait faire une thèse de doctorat. Alors, j'ai fait une thèse de doctorat sur le reportage de guerre. Mais puisque... Et c'est là que j'ai commencé à faire des reportages de guerre parce que je comprenais qu'il me fallait comprendre le sujet de mon enquête. Et quand j'ai fait le... Le reportage, l'histoire des reporters de guerre portugais qui étaient dans la Grande Guerre, j'ai compris qu'ils avaient toute une grande histoire méconnue à raconter sur la présence de l'armée portugaise en Flandre pendant la guerre. 1917-1918, ils étaient dans la région de Armentière, devant l'île qui était occupée par les Allemands. Ils ont occupé une... quelques lignes de tranchées et en effet c'était les pires lignes apparemment les anglais ont donné aux portugais les pires lignes parce qu'il avait beaucoup de boue là c'était un terrain bas et c'était une histoire presque hollywoodesque parce que j'ai compris que bon vous savez cette époque là c'était très dur évidemment tout le monde le sait qu'être en tranchée alors les militaires décidaient que les forces ne pouvait pas être en tranchée plus que trois mois après trois mois il fallait les remplacer parce qu'ils n'étaient ils étaient hors capacité de combat et alors les français remplacer les forces chaque trois mois les Britanniques aussi, les Allemands aussi. Toutefois, les Portugais, ils ont été oubliés par le gouvernement à Lisbonne. Alors, ils sont restés en ligne pendant une année. Et évidemment, ils étaient absolument hors capacité de combat. Les Anglais ont compris ça. Ils ont donné de l'ordre de remplacer la force portugaise le 9 avril 1918. Et le jour où ils devraient être remplacés, quatre divisions fraîches allemandes ont tombé sur eux. C'était une débâcle qui a joué un rôle par rapport à la fin de la guerre. J'ai pensé que c'était une histoire extraordinaire à raconter. En plus, il y avait un tas d'autres choses sur les rapports entre les soldats portugais qui étaient dépaysés ici, une guerre qu'ils ne comprenaient pas, abandonnés par son gouvernement, abandonnés par leurs officiers. Ils avaient des rapports avec la population française, les militaires britanniques, et tout ça, il y avait toute une histoire. à raconter et je pensais que je devrais faire ce livre-là, alors c'est pourquoi j'ai écrit
- Speaker #1
Oublié. Vous êtes très fort parce que je parle de vous et de votre expérience de la guerre et vous arrivez là à retomber sur le sujet du livre, qui est génial, qui parle vraiment de cette boucherie, de cette injustice. Donc, à travers votre réponse, je traduis votre dégoût de l'injustice, mais vous, votre vécu par rapport à la guerre. Par rapport aux guerres que vous avez couvertes en tant que journaliste, comment ça se traduit dans ce livre ? Qu'est-ce que vous avez donné de vous ? Est-ce que c'est quelque chose qui vous a hanté de vivre ces guerres ?
- Speaker #0
Oui, alors, quand on fait en tant que journaliste des guerres, pourquoi est-ce que les journalistes font la guerre ? Normalement, on démarre parce qu'on a une sorte d'illusion hollywoodienne sur la guerre. On imagine des aventures, on est en temps, on fait n'importe quoi. Mais après qu'on fait des guerres, on commence à comprendre qu'effectivement ce qu'on voit dans le cinéma, ça n'a rien à voir avec cette réalité. Et aujourd'hui quand je vais en guerre, la dernière c'était la guerre en Ukraine, j'y étais et quand j'y vais, on me pose la question mais n'avez-vous pas peur ? Mais si, absolument, j'ai beaucoup de peur. Je fais la guerre et le meilleur moment, C'est toujours le moment où je sors de la guerre et je suis sain. Je ne suis pas blessé, je suis vivant. Et c'est parce que c'est vraiment un coin horrible. Je me souviens en Ukraine, j'étais là au début de la guerre, on voyait des gens qui pleuraient à la rue, normalement. C'était une chose normale à voir. Et ça, c'est terrible. Au-delà des blessés, des morts et tout ça, toute l'ambiance qui existe, les difficultés. Comment ça a abîmé les vies des gens. Et c'est une réalité qu'on voit. Et c'était dans toutes les guerres, on trouve cette réalité. C'est vraiment une chose terrible. Et très difficile à raconter dans les reportages. Parce que quand on voit les images, mais c'est seulement ça, on ne voit pas dans les images la peur. On ne voit pas le désespoir. Quelquefois, on voit un petit peu. Mais dans la réalité, c'est vraiment difficile. Je voulais aussi transmettre dans le bouquin, oublier cette expérience que j'ai vécue en tant que reporter lorsque j'ai commencé à faire ces reportages. Il y a une citation épigraphe dans le livre que j'aime beaucoup, d'un écrivain et journaliste portugais de cette époque-là, qui était en tranchée. C'était André Brun, qui était un portugais d'origine française. Le Brun, c'est français. un mantra de Strinsheide, ça veut dire les gardes étrangers il a écrit, et ça c'est beaucoup vrai, Il est très difficile pour ceux qui ont fait la guerre de se battre sur le terrain des lettres avec des civils qui la décrivent depuis l'arrière-garde, dans des livres ou des grands journaux. Pour rendre un mot un acte héroïque, il faut au moins un recul de 200 kilomètres. De près, le caractère héroïque se confond pas par trop. avec des choses qui n'ont strictement rien d'héroïque. Et je pense que cette citation d'André Brandt vraiment nous explique. la différence entre ce qu'on imagine qui est la guerre et vraiment ce qu'est la guerre. On parle, ils sont des héros, non, mais non, ils sont des gens désespérés. Les actes héroïques, normalement, ont fait un désespoir. Et c'est ça que j'ai essayé d'expliquer dans le roman.
- Speaker #1
Et alors vous, vous ne prenez pas 200 kilomètres, vous prenez 100 ans de distance, mais avec une précision du diable. Et est-ce que... Décrire une guerre d'il y a 100 ans aide à comprendre les guerres d'aujourd'hui, aide à comprendre l'horreur de la guerre d'aujourd'hui. Oui,
- Speaker #0
alors, mon expérience me dit que toutes les guerres sont différentes. Chaque guerre, on ne trouve pas deux guerres qui sont exactement la même chose. Toutefois, il y a des éléments qui sont communs. Au guerre, on trouve partout les nuits, parce que c'est une nuit pendant longtemps, on attend et rien ne se passe. Et soudain, quelque chose passe et c'est terrible. Et bon, il y a des détails qu'on trouve toujours. Les civils sont les principales victimes, bien sûr. Et ça, ce n'est pas un cliché. C'est vrai, on le voit sur le terrain. Et c'est vraiment ça que j'ai trouvé dans ces guerres. J'ai essayé d'expliquer aussi dans mes bouquins. J'ai une façon d'écrire ce que j'appelle cinématographique, voire visuel. J'essaie d'écrire d'une façon telle que les gens ne voient plus les mots écrits sur le papier. Les gens voient les situations. Soudain, on n'est plus à Paris, à la brasserie Lippe 2024. Nous sommes en tranchée à Neuve-Chapelle, région Armantière, en 1917, dans les tranchées avec les soldats. Je trouve que la fiction, quand on écrit d'une façon... cinématographique, elle est vraiment très puissante car elle nous permet de comprendre les sujets mieux. Parce que vous savez, on comprend mieux les sujets d'une façon émotionnelle. Je vous donne un exemple, si on parle des débarquements en Normandie, j'ai toujours entendu parler de ces débarquements, oui beaucoup de monde est mort et tout ça, c'était terrible, ok, ça c'est une autre chose différente. c'est voir une image d'une main qui tremble. Et l'image s'ouvre et on voit que c'est un soldat américain, c'est Tom Hanks. Il est dans un petit bateau qui va s'ouvrir, ses camarades vont être tués immédiatement, il va tomber sur l'eau, il va essayer d'arriver à la plage. Nous sommes dans le film de Steven Spielberg, Saving Private Ryan. Et là, nous sommes avec Tom Hanks à la plage. C'est là la capacité de la fiction. Elle rend l'histoire... présente. On comprend le sujet rationnellement, mais aussi émotionnellement, comme ils ont vécu. Et c'est ça que je trouve que la fiction a cette puissance. Alors que lorsque j'ai écrit Oublié, c'était de faire cet effort d'amener le lecteur à ce coin et à cette époque pour comprendre bien ce qui s'est passé.
- Speaker #1
Vous avez un style qui est simple, mais qui est au service d'une pensée complexe. Comme si vous vouliez... démocratiser au plus grand nombre possible la lecture. Est-ce que à l'heure de TikTok, d'une culture qui est prémâchée, qui est formatée, est-ce que finalement, vous pensez que la littérature, c'est le seul biais possible pour parler au plus grand nombre, pour le sauver, pour sauver le monde d'un abrutissement général ?
- Speaker #0
Je ne dirais pas seulement la littérature, la fiction en général. Le cinéma, elle peut faire aussi... En effet, un livre très intéressant d'un historien français, Marc Ferro, il a écrit un livre titré Les tabous de l'histoire où il raconte, il a vérifié en effet, que toutes nos sociétés sont pleines de tabous. Il y a un tas de choses qu'on ne peut pas parler parce que c'est un tabou, c'est politiquement correct. Le politiquement correct, c'est une façon d'imposer des tabous. Il a découvert qu'il y avait un tas de tabous que les historiens ne touchaient pas. Et les premiers à toucher, c'était les fictionnistes, les écrivains, les cinéastes, notamment par exemple les moutineries pendant la Grande Guerre. C'était la fiction qui a touché ce sujet premièrement. Et après, les historiens ont trouvé que le tabou a été brisé, alors ils pouvaient y toucher. La collaboration française avec la Shoah, c'était un sujet absolument tabou. C'était les fictionnistes, la littérature et le cinéma qui ont touché au sujet et ont brisé le tabou. Et c'est ça ce qui se passe avec la fiction, cette puissance qu'elle a de... de dire ce qui n'est pas permis de dire. Et c'est pourquoi je trouve la fiction si puissante. Je dis toujours, la fiction, la bonne fiction, est la vérité déguisée à un message. C'est un message dans le sens, c'est un roman, oui, mais on peut exprimer des choses profondément vraies, des choses interdites. Je vous donne un exemple. Madame Bovary de Flaubert, c'est un livre, j'ai lu la traduction. Un portugais, je n'ai pas lu directement en français. Mais du point de vue du style, il m'a paru normal. L'histoire, normale. Mais pourquoi alors c'est un livre si important ? Parce qu'au 19e siècle, il était interdit de parler des femmes aussi. De dire qu'elles avaient des rapports extra-matrimoniales et tout ça, c'était interdit. Et Flaubert, il a brisé le tabou. Et quand vous lisez Kafka avec le procès, c'est la même chose. Quand vous lisez... 1984, de George Orwell, la même chose, il a dit des choses sur le communisme qu'en 1946, on ne pouvait pas dire. Mais c'est un fictionniste qui l'a dit. Et après, des autres sont arrivés, et on a commencé à croire aux autres voyageurs qui écrivaient la même chose. Mais c'était par le biais de la fiction qu'on a brisé ces mythes. Et c'est pourquoi je trouve la fiction si importante.
- Speaker #1
Vous, en fait, vous êtes un écrivain qui sait... découvert écrivain, parce que je ne sais pas si l'anecdote est vraie, mais quelqu'un serait venu vous voir lors d'un salon du livre, lors de la promotion d'un de vos premiers livres qui n'était pas du genre roman, et vous vous êtes dit, vous êtes un écrivain, et vous vous êtes mis dans l'impôt.
- Speaker #0
Oui, en effet, parce que j'ai fait cette thèse d'autorade sur le reportage d'hier, j'ai publié un trois volumes, et le président de l'association portugaise d'écrivains, il a lu la thèse, et c'est celui qui m'a dit... Je ne connaissais pas, en effet. Il m'a dit Vous êtes un écrivain, un romancier. Et bon, parce qu'il y a beaucoup d'écrivains, en effet, ce sont des gens qui rêvent d'être des écrivains. Et ils commencent très tôt. Pas moi. J'ai démarré à 30 ans, quelque chose ainsi. Et c'était en effet le résultat de ça. Et puis, je n'ai pas cru. C'est comme dire que j'étais un astronaute. Ce n'est pas dans mes horizons. ce n'était pas dans mes horizons. Alors, ce qui s'est passé, c'est qu'il m'a demandé une petite histoire pour son magasin littéraire. Je n'avais pas de marge de dire non, alors j'ai commencé à écrire une petite histoire qui était venue aussi de ma thèse d'autorat sur le Timor-Oriental. Et soudain, cette petite histoire, ce conte, il avait 200 pages. Alors, c'était... plus en compte, évidemment. Et c'est devenu mon premier roman. Et là, j'étais accro. J'ai compris la puissance de la fiction.
- Speaker #1
C'est quoi un écrivain ? Pardon ? C'est quoi un écrivain ?
- Speaker #0
Un écrivain. Qu'est-ce que c'est ? Voilà un débat, un débat... Une question non-projet. Même universitaire, mais très important. Parce qu'il y a des idées différentes. Il y a ceux qui disent qu'écrire, c'est raconter des histoires. Et certes, quand on voit la tradition... littéraire et demeurent par raconter des histoires la bible c'est un livre d'histoire l'épopée de gilles gamèche où le bio wolf au nord d'europe sont des histoires qu'on raconte il ya des autres écrivains qui disent non c'est le style l'histoire n'est pas importante par exemple josé salamago le nobel portugais m'a dit ah oui on peut trouver une histoire quelconque non c'est le plus important Humbert Weck m'a dit le contraire. Non, l'histoire, c'est le plus important. Évidemment que l'histoire est importante. Évidemment que le style est important. Mais le cœur de la littérature est la vérité. Et c'est ce que je disais il y a quelques instants, la capacité de briser des mythes, de révéler des choses qui sont cachées. L'écrivain, il raconte des histoires, mais il regarde le monde. Il comprend le monde, il va traduire le monde pour le lecteur. Il va montrer le chemin, il va dire des choses interdites. Il sera puni pour faire ça. Je suis sûr que Flaubert, lorsqu'il a écrit son livre, il a déclenché une polémique. Au Portugal, c'est passé avec Esad Queiroz, du 19e siècle aussi, qui avait écrit un livre, Le crime du père Amaro, où il parle des pères qui ont dans leur paroisse des filles qui sont des nièces, qu'en effet, il y a des rapports, tout ça. C'est un sujet... seulement interdit au 19e siècle au Portugal et toutefois il l'a fait et c'est un classique aujourd'hui de la littérature portugaise je parlais à peine de de George Orwell, la même chose, ce qu'il a dit. Il a été maudit. Il a dit, mais comment pouvez-vous dire ça du communisme ? C'est le paradis sur la Terre. Il a dit, non, c'est du fascisme. Et les gens ne croyaient pas, ce n'était pas acceptable. Et toutefois, on sait aujourd'hui qu'il a dit la vérité. Et c'est ça le rôle de l'écrivain. Ce n'est pas vraiment de vendre. Ce n'est pas d'être populaire. En effet, il est utile, s'il est impopulaire, quelquefois, c'est bon. Parce que ça veut dire qu'il a touché des sujets qui sont interdits. Et le vrai cœur de la fiction est la vérité. Et d'exprimer des choses cachées, interdites. Je me souviens d'une phrase de Schopenhauer. Il a dit sur la vérité. La vérité, quand on dit une vérité interdite, premièrement, on se moque. Puis, on proteste. Finalement, on l'accepte comme une chose évidente. Et finalement, c'est ça, c'est le cœur de la littérature.
- Speaker #1
Vous êtes un écrivain qui se fonde toujours sur des faits réels. C'est comme ça que vous élaborez vos romans. Je parlais du chrony dans votre portrait, mais c'est vraiment ça, on parle de quelque chose de réel. Et puis, vous allez tirer des histoires qui vont illustrer une histoire romancée qui vient de votre imagination. Mais tout se nourrit. Alors, je me demandais... En faisant toutes vos recherches, vous trouvez que quelque chose que tout le monde prend pour vrai, c'est faux. Est-ce que vous allez garder cette chose-là ou est-ce que vous allez l'écarter ? Qu'est-ce qu'on fait par rapport aux falsifications de l'histoire ?
- Speaker #0
Non, mon travail c'est d'essayer d'exprimer la vérité même si elle n'est pas agréable. Et beaucoup de gens sont fâchés à cause de ça, mais si c'est la vérité, c'est la vérité. Les romans disaient D'où la lèche, cette lèche, la loi est dure, mais la loi, je dirais, d'où la verre, cette verre. La vérité peut-être est dure, mais c'est la vérité et c'est notre travail de la trouver. Alors, mon travail ici, c'est justement de trouver la vérité derrière les choses. Comme je disais, il y a un tas de mythes qu'il faut faire des montages, d'en oublier évidemment. Ce que je voulais expliquer, c'était vraiment la situation qu'on a vécue. Mais il y a beaucoup de mes romans. En effet, je me souviens, un diplomate portugais m'a dit que je suis le plus grand iconoclaste du Portugal. Parce que j'écris des choses qui déclenchent des polémiques. Et puis, je démontre les faits et tout le monde est en silence. Et ça se passe avec beaucoup de romans. Il y a un roman, Codex 632, sur... Christophe Colomb, qui en effet n'était pas génois, et je démontre le texte, ça a déclenché un peu le mec avec les historiens, et puis j'ai répondu, et ils ont accepté mes réponses, parce qu'évidemment, la thèse était là. Quand je parle par exemple de l'ultime secret du Christ, c'est un démontage du personnage de Jésus, au-delà de celui qui est présenté par l'Église. Et je dis des choses qui sont interdites de dire dans le monde chrétien toutefois. Elles sont vraies, ce sont des découvertes des historiens qu'on connaît dans les universités, mais le grand public ne connaît pas. Alors, mon travail, c'est d'amener ces découvertes au grand public par le biais d'une histoire qui nous permet de comprendre le christianisme. Fruits divines, c'est sur l'islam, le démontage de l'islam, la violence qui est derrière, parce que nous avons des mythes que non, c'est seulement un groupe de fous qui sont des violents, mais la violence est inscrite dans la religion, en effet. ce que j'ai fait c'est de lire les textes originaux et faire le démontage je me souviens d'un autre livre qui a qui n'est pas traduit en français sur eux où je parle des totalitarisme et tout ça c'est sur la science politique le roman et je parle des origines marxiste du fascisme un sujet absolument interdit de parler toutefois absolument mais tout tous les idéologues du feu qui ont fondé le fascisme tous étaient des socialistes Et on ne peut pas parler de ça. Alors, le travail de l'écrivain, c'est de briser les mythes, montrer ce qui est caché. Les révoltes dans les tranchées dont Marc Ferro parlait. Il parlait aussi des mythes autour de la sexualité de Jeanne d'Arc, qui était un sujet qu'on ne pouvait pas toucher en France. Et on l'a brisé. C'est notre travail d'écrivain de faire ça. de penser notre société. Heureusement, nous sommes dans une société libérale, voire une société où on peut dire les choses librement, même si on nous critique, on ne va pas au goulag ou au lager. Nous sommes libres de le dire. Peut-être on va nous ostraciser et stigmatiser parce qu'on a dit une chose qui était interdite, toutefois vraie, mais c'est mon rôle d'écrivain de le faire. C'est vrai qu'on a beaucoup critiqué George Orwell, qui était finalement un socialiste, George Orwell. Mais il a dit la vérité, il était surtout un homme honnête et lucide. Et c'est ça ce qu'on demande d'un écrivain, d'être honnête et lucide.
- Speaker #1
C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ce ne sont plus les lois qui font qu'on va condamner, dans nos démocraties, condamner un auteur, mais peut-être plus une sorte de tribunal populaire où on peut canceller les personnes. Il y a toujours un risque.
- Speaker #0
Absolument. C'est normal, dans les sociétés, on critique ce qu'on n'aime pas, mais ça fait partie du jeu et je l'accepte. On peut même être stigmatisé, mais nous avons la capacité de répondre aussi. André Gide, il a écrit Retour de l'ORSS il a été beaucoup critiqué, il a été stigmatisé lorsque ce grand écrivain français qui a écrit L'étranger Camus, exactement. Il a écrit L'homme mutilé Il a été insulté par ses confrères. Jean-Paul Sartre l'a critiqué brutalement. Et toutefois, on sait aujourd'hui que Camus a dit la vérité. Et c'est le plus important, c'est notre rôle. Il a capacité de répondre aux critiques dans une société libérale. Nous avons cette liberté de le faire. et d'avoir le débat et d'essayer de montrer les choses.
- Speaker #1
Eh bien justement, la quête de la vérité, c'est dans le vrai ou faux d'un café au comptoir. Donc le vrai ou faux. Jaya Doussantouche, quand vous avez eu le Contributor Achievement Award, considéré comme le Pulitzer du journalisme télévisuel en l'an 2000, pour l'ensemble de votre travail, vous l'avez pris avec humour, considérant que généralement, on décerne cela à un journaliste en fin de carrière. C'est vrai ou c'est faux ?
- Speaker #0
Oui, en effet, Sénène m'a donné ce prix-là. J'étais très surpris parce que j'avais 40 ans, quelque chose ainsi. Mais c'est trop tôt pour avoir un prix ainsi. Mais ils ont fait ça. Et bon, je l'ai dit, parce que c'est vrai, normalement, c'est à la fin de la carrière qu'on reçoit des...
- Speaker #1
Vous vous êtes dit, c'est fini, c'est terminé ?
- Speaker #0
Non, non, non, non, non. J'ai dit ça. Ce que j'ai dit, c'est bizarre qu'on me donne un prix comme ça. Puisque je suis encore, heureusement, un petit peu jeune. Pas plus maintenant, mais... Vous vous enterrez trop vite. Exactement.
- Speaker #1
Vrai ou faux, vous avez un exemplaire du livre Le Nom de la Rose, non seulement signé par Umberto Eco lui-même, mais il l'a signé quand il vous a reçu chez lui à Milan.
- Speaker #0
Oui, j'étais chez lui deux fois. Il parlait français très bien, mais je parlais avec lui en italien, même si mon italien... Ce n'est pas au même niveau que le français, évidemment, mais ça m'a fait plaisir. Il était un homme très intéressant, comme tous les Italiens, avec un sens d'humeur et une humanité énorme. Et c'était vraiment un plaisir d'être avec lui.
- Speaker #1
Vrai ou faux, vous êtes devenu journaliste après avoir effectué un test à l'âge de 16 ans qui vous proposait trois choix d'orientation, architecte, pilote de l'armée de l'air ou écrivain ?
- Speaker #0
Non, journaliste.
- Speaker #1
Ou journaliste, pardon.
- Speaker #0
Exactement, c'est ça. En effet, le premier résultat fut architecte. Je dessine bien. En effet, mon français, il vient, vous serez surpris, il vient de la bande dessinée. J'ai eu deux années au lycée de français, mais c'était deux heures par semaine. En deux années, c'était rien. Et je lisais les bandes dessinées, traduites en portugais, évidemment, au Mozambique. Et puis, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup d'autres choses qui n'étaient pas traduites.
- Speaker #1
Quelle bande dessinée ?
- Speaker #0
Je lisais Tantan, Spirou, Gaston Lagaffe, Lucky Luke, Asterix, Michel Vaillant, Lou Corien, tous ces classiques. Et puis, je me suis rendu compte qu'il y avait un tas de choses qui n'étaient pas traduites. Alors, j'ai commencé à acheter. des albums qui arrivaient au Portugal parce que c'était la fin de l'Empire, alors je suis venu au Portugal. Et c'était très cher dans les librairies, je me souviens, des prix. Faut acheter un album en français, c'était un coût horrible, mais je faisais des économies pour acheter et j'ai commencé à lire. Et j'ai développé mon français. Alors quand j'ai publié La Formule D en France, je pense que c'était en 2012, bon, je suis venu avec mon français de bande dessinée. Ce livre-là, il va marcher partout à Tisse. Non, José, il ne faut pas le dire partout à Tisse. Mais c'est par l'hypopète. Vous ne dites plus le partout à Tisse. Non, c'est par l'hypopète non plus. Alors, c'était un petit peu comme ça, mais...
- Speaker #1
Gaston Lagaffe qui disait M'enfant M'enfant oui,
- Speaker #0
je sais, Franck-An. Aujourd'hui même, j'aime beaucoup Bruxelles, parce que quand je vais à Bruxelles, c'est Franck-An et c'est Tonton, c'est Hergé. Et Paris, c'est... Edgar Pierre Jacobs avec SOS Météor et c'est Tardy avec Adèle Blancsec et tout ça. Alors, je reconnais les coins, pas par les photos, mais par les dessins.
- Speaker #1
Vrai ou faux, vous avez votre marionnette au guignol de l'info du Portugal.
- Speaker #0
Oui, c'est vrai. On avait les guignols pendant longtemps et ils avaient besoin d'un journaliste. Alors, c'était moi. Et un jour...
- Speaker #1
Ça fait quoi en fait qu'on s'aperçoit de ça ?
- Speaker #0
C'est amusant, je dirais. C'est flottant. Je me souviens, une fois, j'ai interviewé mon guignol dans le journal même. Oui, c'était amusant. Mais c'est fini ça parce que...
- Speaker #1
C'est fini en France également. Vrai ou faux, vous avez une production quotidienne de 10 pages. C'est votre... que j'ai lu, c'était votre moyenne de travail. Alors déjà, vrai ou faux, et après, 10 pages de quoi ? 10 grosses pages, 10 petites pages ? Expliquez-moi.
- Speaker #0
Non, non, j'écris 10 pages. Non, elles ne sont pas petites. C'est mon objectif. Mais j'ai découvert qu'en effet, tous les artistes font des choses ainsi. Même les musiciens. On se réveille. On a un but ce jour-là, d'arriver à un certain point. On essaie d'arriver et quand on arrive, on est satisfait. Si par une raison ou quelqu'autre, on n'arrive pas, on est un petit peu frustré. Alors j'ai une sorte de... J'écris un roman chaque année et j'ai une sorte de rituel où je fais la recherche l'automne. Par exemple, maintenant, je suis en train de rechercher un nouveau roman.
- Speaker #1
Vous avez un mur de post-it ? Non, non, non. Il y a des gens qui font des recherches pour vous ?
- Speaker #0
Non, non, non. C'est seulement moi. J'ai plusieurs idées. J'achète pendant des années de documentation. Et un jour, je décide, je vais toucher à ce sujet-là. Et alors, je me plonge sur toute la documentation que j'ai. assemblées.
- Speaker #1
Vous faites des diagrammes ?
- Speaker #0
Non,
- Speaker #1
pas du tout.
- Speaker #0
Je lis des textes, je souligne ce qui est important, et puis je fais le rapport entre les choses. Quand vous lisez mes romans, il y a toute l'histoire que je raconte, et à la fin, il y a ce que j'appelle une note finale où j'explique les enjeux de non-fiction du roman, et à la fin, il y a aussi la bibliographie.
- Speaker #1
Je vais vous expliquer dans les dernières pages. C'est assez succinct. Il y a une bibliographie également. Mais je me suis dit, s'il a tout ça en tête, c'est peut-être pour cela que je ne trouve aucune information sur lui, sur est-ce qu'il aime jouer au golf ou est-ce que... Je n'en sais rien. Je joue au golf. Il travaille énormément.
- Speaker #0
Oui, oui, non.
- Speaker #1
Il n'a pas de vie, en fait.
- Speaker #0
Oui, non. Vous savez, des gens me posent la question, comment vous faites pour faire tout ça ? Parce que faire le journal, j'étais devanteur au Portugal, il est à 33 ans. l'université que j'ai terminé parce que grâce au voyage je ne pouvais pas être en classe alors il ne fallait pas continuer et les livres, un roman chaque année et en plus les essais c'est compliqué mais la réponse sont les bouddhistes qui m'ont donné la réponse. Les bouddhistes disent quand on aime faire une chose pardon il est possible de vivre une vie sans travailler c'est de faire ce qu'on aime. Et c'est ça ce que je fais. Je fais ce que j'aime. Et quand on aime faire une chose, on trouve toujours le temps. Et c'est ainsi que je fais les choses. Alors, je fais la recherche tout seul et ça me donne beaucoup de plaisir. Aller en profondeur sur le sujet. Aussi, chacun de mes romans touche à différents sujets de la connaissance. J'ai des romans sur l'histoire, notamment oubliés, des romans sur la philosophie. Spinoza, l'homme qui a tout aidé, par exemple. J'ai des romans sur l'économie, pas traduit en français, sur la politique, la géostratégie, la physique, la physique quantique, la biologie, l'éthologie, l'intelligence artificielle. Alors je touche à tous les sujets de la connaissance. Et j'aime beaucoup faire ça. Et ça me donne aussi une... Vous savez, le problème... avec beaucoup de gens qui écrivent, c'est qu'ils sont spécialisés sur un sujet. Mais ils ne connaissent pas d'autres sujets qui sont dans différents domaines, mais qui ont un rapport avec ce sujet-là. Parce que nous divisons la réalité en disciplines. Mais ça, c'est une méthode, car la réalité, elle n'est pas divisée, elle est unie, tout est ensemble. Nous sommes... À une table, dans cette table de bois, il y a de la mathématiques, les formes géométriques, tout ça. Il y a de la physique, le bois. Il y a de la biologie là. Alors il y a un tas de choses qui sont mélangées. Et la réalité, elle se mélange, elle n'est pas divisée comme nous faisons en tant que méthode.
- Speaker #1
Dans ce lieu, nous sommes à la brasserie Lips, un lieu que vous avez choisi parce que vous l'évoquez dans ce roman oublié. Il y a également de la poésie. Dans cette table, il peut y avoir de la poésie également ?
- Speaker #0
Absolument, oui.
- Speaker #1
Est-ce que c'est un genre dans lequel vous iriez ?
- Speaker #0
La poésie, c'est notre regard sur les choses. C'est dans notre tête, en effet. Parce qu'on trouve le monde, le monde, il est comme il est. C'est nous que nous sommes en train de construire le monde d'une certaine façon. Et ça, c'est la poésie.
- Speaker #1
Et c'est basé également sur des faits réels, la poésie. Est-ce que vous pourriez faire un ouvrage de poésie ?
- Speaker #0
Non, je ne suis pas un poète.
- Speaker #1
Vous avez des limites, alors ?
- Speaker #0
Bien sûr, comme tout le monde. alors non même si ou oubliez a été écrit dans une prose poétique quand on lit on comprend ça mais effectivement non je suis pas un poète j'admire les gens qui sont capables de faire des choses que je suis pas capable de faire alors
- Speaker #1
j'ai lu oublié je me demandais quel est le retentissement au portugal de ce roman Comment les gens l'ont pris ? Parce que ça parle d'une histoire portugaise en France. Et on a l'impression vraiment que ces combattants portugais ont été livrés à la pire boucherie de 14-18.
- Speaker #0
Bon, c'est une histoire portugaise, mais c'est une histoire universelle. Je me souviens que Gontégras, un jour, je l'ai trouvé chez lui à Lübeck, en Allemagne. Avant qu'il gagne le prix Nobel, non, c'était après, je pense. Il m'a dit, quand il a publié son livre de Blecht-Rommel aux États-Unis, il a dit à son éditeur américain, mais c'est une histoire allemande, pourquoi publier en Amérique ? Et son éditeur américain a dit, mais les histoires locales sont histoires universelles. Oubliez ça, c'est un petit peu la même chose, c'est une histoire portugaise en France, mais c'est une histoire universelle aussi, parce que ce qu'on voit chez les soldats portugais, certainement les poilus ont vécu la même chose, et les britanniques et les allemands et tout ça. Alors, comment le bouquin a été reçu au Portugal ? C'est un petit peu bizarre.
- Speaker #1
Est-ce que ça relance un sentiment anti-français ?
- Speaker #0
Non, non, non, pas du tout, non, pas du tout, en effet.
- Speaker #1
Ça pourrait, je me suis dit. Non, non,
- Speaker #0
non,
- Speaker #1
pas du tout. Je me suis dit, ah, les salauds de français, les salauds d'homé. Non,
- Speaker #0
ce n'est pas un livre anti-ryen, c'est un livre intéressant parce que, évidemment, ces gens-là, ils étaient dépaysés, ils étaient dans une guerre qu'ils ne comprenaient pas, mais ils avaient des rapports avec les G. En effet, ils avaient plus de rivalité avec les forces britanniques. Ils avaient des bons rapports avec la population française. Ils n'envisageaient pas les Allemands comme des ennemis. Ils ne comprenaient pas pourquoi ils devraient tuer des Allemands.
- Speaker #1
On le lit également de ces scènes de fraternité qui naissent entre les deux camps à certains moments à Noël.
- Speaker #0
Exactement. Et en effet, il se passait des choses. Un tranché, par exemple, il y avait des instants où les Portugais, les lignes étaient tranquilles. Alors, les Portugais disaient Granade ! Et ils envoyaient, parce qu'ils aïe-aïe, le corned beef anglais. Ils mangeaient le corned beef anglais et ils laissaient ça. Alors ils envoyaient les boîtes de corned beef pour les Allemands. Et les Allemands répondaient Granade ! Ils envoyaient des saucisses pour les Portugais. Ça, c'est des événements vrais. Alors ils avaient une sorte d'entente. Ils avaient même des instants où ils ne tiraient pas pour faire des réparations en tranchée. Alors ils ne tiraient pas. C'est tout un côté sur l'histoire des guerres qui est très peu connu parce qu'on parle souvent de l'antagonisme mais aussi d'une certaine complicité entre les soldats. J'ai parlé beaucoup de ça dans la guerre coloniale portugaise. Mon père, c'est un roman qui s'appelle L'Ange Blanc, il n'est pas traduit en français, mais ça se passe au Mozambique où je suis né. Et mon père, il était un médecin, il avait un avion, il était un flying doctor. Dans son avion, il faisait des campagnes sanitaires auprès des populations. Il traitait les soldats portugais et aussi les guerriers qui étaient des ennemis, supposément. Et dans l'hôpital, il était le directeur de l'hôpital. Il avait... Ça s'est passé. Je raconte ces histoires. Ce sont des histoires vraies. Il avait une chambre, les soldats portugais blessés. Les militaires, les officiers venaient le voir. Et dans la chambre suivante était le guerrier. l'ennemi. Et la frélimo, il disait il y a un accident dans la forêt et tout ça, c'est faux. Et tout le monde le comprenait. Mais il y avait une sorte d'entente entre les ennemis. Et ça se passe souvent en guerre. On ne raconte pas beaucoup ça.
- Speaker #1
On remarque également dans ce livre, c'est votre francophilie. D'ailleurs, vous parlez un français impeccable, mais vous aimez ces lieux. Vous aimez ces lieux. Je répète qu'on est à cette brasserie lippe qui est décrite dans ce roman. Vous faites revivre. une certaine poésie, une certaine magie de ces lieux dont aujourd'hui on a l'impression qu'ils sont laissés comme des petits pains aux touristes qui viennent parce qu'Emilie in Paris est venue prendre un café ici.
- Speaker #0
Oui, c'est vrai. Vous savez, quand on écrit sur les guerres, par exemple, un coin de guerre est un petit peu un coin mystique. Il y a une atmosphère mystique presque, parce que c'est un lieu de mort et c'est très dangereux d'y être. Et alors, j'ai visité évidemment les régions d'Armentières, il y a un cimetière portugais. Il y a beaucoup de gens dans cette région de Flandre qui disent Ah, je suis français, oui, mais mon grand-père, il était un soldat portugais. Et ça, c'est très souvent. Il y a une histoire d'amour ici entre un officier portugais et une baronne française, et évidemment des rapports des soldats avec les Françaises. Et j'ai écrit le roman. Je ne vais pas raconter la fin de l'histoire parce que sinon, ça serait gâché, ça serait un spoiler. Mais je me souviens qu'après avoir publié le livre, une de mes tantes m'a dit Mais José, comment tu as su l'histoire de l'oncle Brandon ? Mon personnage s'appelle Afonso Brandon. Et je dis Mais quelle histoire, quel oncle ? Je ne connaissais pas ça. Alors j'ai appris, elle m'a raconté, que j'avais le frère de ma grand-mère qui s'appelait Brandon. C'était le même nom de mon personnage. Il avait une fille dans les France. C'était une réfugiée belge. Ce n'était pas une française. Mais bon, il s'est passé des choses exactement comme dans le roman. Alors, j'ai écrit une histoire de famille sans le savoir.
- Speaker #1
Peut-être l'aviez-vous entendu étant petit et puis c'est rentré. Non, non, pas du tout.
- Speaker #0
Je ne suis absolument sûr à ce sujet. C'est une coïncidence extraordinaire. Mais alors, quand je parle sur le livre, ce n'est pas dans le sens de dire. Il y a un regard sur les Français, car quand j'ai publié le livre, je n'ai jamais imaginé qu'il serait traduit en français. Alors, c'est une vision très franche. Comment les soldats regardaient la population autour d'eux ? Et aussi, comment la population les regardait ? Parce que les envisageaient. Et c'est très intéressant de voir ça et de comprendre les différences culturelles, mais aussi les affinités humaines.
- Speaker #1
C'est un livre également dans lequel on parle beaucoup de la religion,
- Speaker #0
de Dieu.
- Speaker #1
Moi, je ne vais pas vous demander si vous croyez en Dieu, mais est-ce que vous n'avez pas envie de faire en sorte que votre lecteur croit en quelque chose de mystique, de plus fort que lui, de plus grand ?
- Speaker #0
C'est une belle question. Je vais répondre de cette façon. Mon auteur favori, c'est un Anglais né à Paris et décédé à Nice, Somerset Maugham. Un jour, il a dit Tous les écrivains racontent toujours la même histoire Alors, cette phrase m'a fait penser Mais quelle est l'histoire que je raconte dans chacun de mes romans ? Parce que tous les romans sont absolument différents. Comme j'ai dit, je touche à des sujets tout à fait différents. Et en effet, mon histoire, c'est une quête du sens de la vie. Et mes romans racontent ces histoires par le biais de différentes histoires, de différents sujets, soit la mathématique, l'histoire, la philosophie. L'éthologie, l'intelligence artificielle, c'est toujours une quête sur le sens de la vie. Et c'est pourquoi peut-être on trouve ça très fort dans Oublié. Il y a une question posée par un grand biologue français, Jacques Monod, prix Nobel. Il a écrit un livre qui s'appelle L'hasard ou la nécessité ? Et c'est un livre, un titre très philosophique parce que la question qu'il posait, est-ce que la vie, elle est un hasard ? Et si elle est un hasard, la conséquence philosophique, c'est que… il n'a pas un sens à la vie, c'est un hasard. Ou est-ce qu'elle est une nécessité ? Voire, dans certaines conditions, la vie existera toujours, elle fait partie du plein de l'univers. Et dans ce cas, il y a un sens. Et c'est, on trouve dans toute mon œuvre, un effort de chercher le sens. Est-ce que c'est un hasard ? Ou est-ce que c'est une nécessité ? Voire, dans l'oublié, on parle beaucoup du destin. Est-ce que nous sommes maîtres de notre destin ou est-ce que nous sommes des victimes du destin ? C'est un sujet très présent dans le roman et en effet, dans toute mon œuvre, quand je parle par exemple de l'homme de Constantinople, c'est l'histoire de Gobenguien, l'homme le plus riche du monde, qui avait une énorme collection d'art privé, la plus grande du monde à son époque. Je parle sur l'esthétique, l'art, la beauté, tout ça, et c'est aussi une quête de sens. Dans l'Ange blanc, ce roman qui n'est pas traduit en français sur la guerre coloniale au Portugal, le sujet philosophique est qu'est-ce que la morale, qu'est-ce que l'éthique, qu'est-ce que ça veut dire être bon et être mauvais. Et ça c'est une quête de sens aussi sur les choses.
- Speaker #1
C'est une question qu'on peut lire dans ce roman, quand il y a cette rencontre entre le personnage principal et les ecclésiastes qui participent à sa formation. La quête de la vérité, ici, nous sommes dans un café. C'est des questions sur l'univers du café pour conclure ce podcast. Alors, quel est le nom donné à un café expresso dans la région de Lisbonne ? Il y a un nom de café, c'est le Bika, c'est ça ?
- Speaker #0
Le Bika, c'est le petit expresso qu'on a là. On a cette expression. Au Porto, ils ont une autre expression, c'est Bika, c'est Lisbonne. À Porto, ils disent Simbalino. Et pourquoi ? Parce qu'apparemment, toutes les machines sont italiennes, c'est la Cimbali. Et alors, ils disent Simbalino, Cimbali, Simbalino. Ah,
- Speaker #1
d'accord.
- Speaker #0
C'est pourquoi ils l'appellent Simbalino à Porto. C'est la transcription rapide. Exactement.
- Speaker #1
Quelle était la ration de café soluble des soldats américains pendant la guerre 14-18 ?
- Speaker #0
Ah, j'avoue, je ne sais pas.
- Speaker #1
Je me suis dit, comment on liait le truc ? En fait, ils avaient 27 livres, soit environ 12 kilos. de café soluble par soldat. Et donc, ça fait à peu près... Donc, on peut dire que ça fait un kilo par mois. Donc, ça permet de faire quatre à cinq tasses par jour. Il buvait beaucoup de café. Le café soluble, le café instantané.
- Speaker #0
Oui, il avait beaucoup de nouveautés. Même les montres dans le bras, c'est une innovation de la guerre parce que c'était plus facile. À cette époque-là, les gens avaient des horloges dans la poche.
- Speaker #1
Oui, bien sûr, des montres à pousser.
- Speaker #0
Et c'est pendant la guerre que ça a changé, à cause des aviateurs. C'était plus facile pour eux de s'orienter.
- Speaker #1
Vous et moi, nous sommes prêts à faire la guerre, nous avons une montre. Quelle est la boisson portugaise la plus consommée en France ?
- Speaker #0
J'imagine, pas du vin, car vous avez beaucoup de vin, j'ai aucune idée.
- Speaker #1
C'est une bière, c'est la bière Superboc.
- Speaker #0
Ah, Superboc, alors, ok.
- Speaker #1
Voilà. Il y a eu des recherches.
- Speaker #0
Vous parliez au début de Benfica. Un jour, un Français m'a dit qu'il a vu une statistique qui disait que le deuxième club plus populaire en France, c'était Benfica.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
Premièrement, c'est PSG. C'est à cause, évidemment, des Portugais qui habitent ici. C'est un club très populaire dans la communauté portugaise, évidemment. Et c'est devenu le deuxième le plus populaire.
- Speaker #1
C'est votre club favori.
- Speaker #0
C'est mon club, en effet. Et dans Oublié, je raconte comment il est né.
- Speaker #1
car c'était un club parce que ça parle de football également oui c'était l'époque où le foot a commencé voilà merci beaucoup JR Dos Santos d'avoir accepté cet entretien pour un café au comptoir je rappelle le titre de votre livre Oublié aux éditions Hervé Chopin et je vous souhaite beaucoup de succès avec ce livre que j'invite tout le monde à lire passez une très bonne journée merci merci bonne lecture Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, ça nous en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, ce que vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très très très très bientôt pour un nouveau café.