- Speaker #0
Le mot humain vient de la terre, ou mousse en latin, la terre. De cette même racine découle l'humilité, être humain, faire preuve d'humilité, c'est aussi se rappeler d'où l'on vient, c'est-à-dire de la terre, qu'on partage tous la même, qu'on est tous issus du même sol.
- Speaker #1
Bonjour, je suis Alexis Imeros, je suis auteur, créateur, producteur de plusieurs podcasts et j'interview des personnalités de la culture et des médias. Bienvenue sur Un Café au Comptoir, ça commence maintenant. Un Café au Comptoir,
- Speaker #0
le café au comptoir.
- Speaker #1
Mon invité du jour n'aime rien tant que partager son savoir. La langue française ne semble pas avoir de secret pour lui. Il la dissèque, la décompose, l'analyse et vous l'offre en courte pastille dans des résumés très clairs et très drôles. Lui, son truc, c'est l'étymologie. Du grec etumon signifiant vrai sens et logia dérivé de logos la parole, le discours, la raison. Dire le vrai sens des mots, c'est... exactement ce à quoi il s'attache dans des vidéos qui sont à découvrir sur les réseaux sociaux. Cet enseignant en lettres classiques, féru de latin et de grec ancien, est devenu en quelques mois une des stars de l'Instagram francophone avec son compte Étymo Curieux Grâce à un savant mélange d'humour et d'érudition, il a réussi à capter l'attention et à séduire un public jeune en lui révélant l'origine des mots vieux comme le monde C'est un succès. Du latin successus l'arrivée. Même si pour lui… On sent que cette aventure représente plus un nouveau départ. Ses élèves devront donc patienter pour le revoir en chair et en os. Lui n'arrête plus de plonger entre les pages de ses dictionnaires afin de présenter, entre autres, le vrai sens de canicule, de scrupule et même de testicule. Ce transomère a remporté le pari de rendre l'étude de la langue de Molière passionnante, mais aussi vivante, celle de Sénèque et celle de Platon. De surcroît, son tour de force est d'être parvenu à occuper le terrain contrôlé par le Hall. de l'anglais butin, d'influenceuse sur-botoxée, sur-maquillée, sur-filtrée, d'être présent là où la concurrence est rude, où le scroll infini vous inflige le visionnage de vidéos de chiens déguisés à l'occasion d'Halloween. Le Figaro, journal reconnu pour être très attaché au respect dû au patrimoine linguistique français, a même consacré à ce meldois, habitant de la ville de Meaux, une interview pour mettre à l'honneur son travail étymologique. Ils auraient pu tout autant mettre en lumière ces qualités d'organiste, de clave ciniste ou de chef de chœur, trois des autres talents que possède ce personnage bien éloigné du stéréotype du latiniste monomaniaque. Et c'est pour en savoir davantage sur cet archéologue du mot et connaître ses prochains défis que je l'ai retrouvé dans un de ses lieux favoris où il aime à réfléchir, le choc situé dans les anciens bureaux de l'éditeur Calman Levy, pour prendre avec lui un café au comptoir. Bonjour Sébastien Grimaud.
- Speaker #0
Salut Alexis.
- Speaker #1
En fait, ce n'est pas un café, c'est un thé.
- Speaker #0
Oui, je suis au thé noir. Parce que j'ai entendu récemment Amélie Nothomb dire qu'elle avait une passion pour le thé noir. J'ai goûté et j'ai aimé. Et je l'ai adopté.
- Speaker #1
Quand on cherche l'origine des mots, est-ce qu'on lit beaucoup déjà ? Ou est-ce qu'on est surtout dans les dictionnaires ?
- Speaker #0
Les deux, mon capitaine. On lit beaucoup. J'ai beaucoup lu dans ma vie. Mais moi, mon dada, ce n'est pas les romans. C'est plutôt la poésie. et les vieux traités des grammairiens du XVIIe et du XVIIIe siècle. Chacun ses passions. Moi, c'est un peu bizarre, mais c'est ce que je préfère lire.
- Speaker #1
Vous jouez à la fois sur le mot et également sur l'image. Peut-être involontairement, c'est-à-dire que je vous vois, vous êtes en jogging, on pourrait penser que vous êtes tout, sauf quelqu'un qui va adorer l'étymologie, le latin, le grec. Et justement... Est-ce que c'est une voie pour lutter contre les idées reçues ?
- Speaker #0
Je ne sais pas si je le vis comme ça. C'est juste moi-même. Je n'essaie pas de créer un décalage entre l'image que je renvoie et ce que j'aime. Je m'habille comme j'aime m'habiller. Je parle de ce dont j'aime parler. Et si ça peut déconstruire des idées reçues, tant mieux. Mais ce n'est pas mon but premier.
- Speaker #1
Comment on y arrive à se dire, présenter les mots sur Instagram, c'est sans doute une bonne idée ?
- Speaker #0
Je ne me suis pas dit ça. Je me suis pas dit que c'était une bonne idée. Je me suis simplement lancé. L'idée est venue au détour d'une soirée avec des amis, de la famille. On a commencé à faire un tour de table des prénoms. Et quand je la connaissais, j'en donnais l'étymologie. Et il y avait eu un tel silence, mais vraiment, les gens étaient captivés. Je me suis dit, waouh, mais en fait, ça n'intéresse pas que les rats de bibliothèque comme moi. Ça intéresse aussi à tout un chacun. Et j'ai commencé à poster d'abord des petites images sur Instagram avec deux, trois lignes de texte, vraiment pas grand chose. Et en effet, j'ai vu que ça a pris, les gens m'ont suivi, les gens en voulaient plus. Et du coup, j'avais envie d'en donner plus moi aussi.
- Speaker #1
Vous vous êtes montré ?
- Speaker #0
Et voilà, je me suis montré. J'ai commencé à faire des vidéos un mois après. Et là, vraiment, le compte a pris de l'ampleur.
- Speaker #1
Alors, l'étymologie de Sébastien, quelle est-elle ? Est-ce qu'on peut apprendre d'une personne par son prénom ?
- Speaker #0
Mais tellement, oui. C'est ça qui est paradoxal, c'est que son prénom, on ne le choisit pas. On le choisit pour nous. Mais il est toujours porteur d'un sens qui peut influencer notre personnalité. Je ne sais pas si c'est mon cas. Sébastien, en grec, ça vient de honorer, vénérer. Voilà. Donc, je ne sais pas si... S'il me correspond.
- Speaker #1
Vous êtes vénéré ou vous vénérez ?
- Speaker #0
Je vais dire les deux, j'en sais rien. Si je suis vénéré, je ne sais pas. Et si je vénère, j'ai quand même des grandes idoles. J'ai mes idoles. Parce que je suis musicien, mais je suis aussi amoureux des lettres, mais je suis surtout musicien. Jean-Sébastien Bach, par exemple, c'est une de mes grandes idoles. Victor Hugo, c'est une de mes grandes idoles. Marc Aurel, l'empereur Marc Aurel, pour sa philosophie, c'est une de mes grandes idoles. Donc je ne sais pas si je les vénère. Par contre, je pense à eux presque tous les jours et je m'inspire d'eux pour avancer dans la vie.
- Speaker #1
Quand on a ces idoles-là présenter des mots sur Instagram, il y a une certaine ambivalence. Parce qu'on imagine que c'est un peu le lieu des futilités. Et pourtant, de plus en plus de comptes qui vont parler de mots, qui vont parler de grammaire, commencent à émerger, attirent énormément de publics. Comment vous l'expliquez ?
- Speaker #0
Les gens sont avides de ça, en fait. On aime le divertissement. et je suis le premier à en consommer sur Instagram. Je ne m'en cache pas. Moi, la plupart des comptes que je suis, ce sont des humoristes qui font des sketchs. J'adore regarder des vidéos bébêtes, voir des animaux déguisés pour Halloween. Typiquement, vous en parliez en intro. Moi, ça ne me dérange pas.
- Speaker #1
J'ai déguisé mon chien.
- Speaker #0
Ah bah voilà, c'est bon. C'est très bien, je trouve ça très bien. Il faut s'amuser dans la vie. Donc les gens aiment ça, ils aiment se divertir, mais ils aiment aussi se cultiver. Les gens ne sont pas bêtes. Ça fait le tri entre ce qui relève de l'amusement et ce qui relève des nourritures intellectuelles. Et c'est bien de trouver de tout sur Instagram, sur les réseaux en général, mais il y a de la place pour tout le monde. Il y a des comptes de cuisine, il y a des comptes de sport, il y a des comptes de philo, il y a des comptes de jardinage, je trouve ça super. Et puis il y a aussi des comptes en effet de langue française. Je ne suis pas le premier, il y en a eu bien d'autres avant moi. J'ai plein de collègues créateurs. J'en connais certains, on discute, on échange, c'est super. Moi, ma niche, c'est l'étymologie. J'ai choisi ça. Je ne fais pas de cours de français, je ne donne pas de leçons de grammaire, je ne suis pas un dictionnaire, je ne donne pas des définitions. Mais j'ai choisi cet angle-là, c'est-à-dire prendre un mot, essayer de voir ce qu'il recèle, ce qu'il cache. Parce que les mots ont une histoire géniale. On les utilise tous et tous les jours. Ils sont totalement immatériels, ils sont très volatiles. Et en même temps, ils ont... une telle densité, ils ont tellement de choses à nous apprendre et il y a tellement à dire sur eux que j'ai choisi de parler de ça sur Instagram. Et c'est une thématique presque sans fond, en fait. Parce que des mots, il y en a tellement que je n'aurais jamais terminé.
- Speaker #1
Il y a quelques mois, on recevait à ce même micro Karine Dijoux, que vous connaissez bien, et qui nous rapportait que c'était dur, quand même, le monde Instagram, via les commentaires, les remarques que l'on peut subir. Vous également, vous subissez quelquefois l'ire des haters.
- Speaker #0
Oui, je crois que c'est assez inévitable. Mais ça va, franchement, ça va. C'est ultra minoritaire. J'ai quand même une communauté, comme on dit, qui est très, très, très cool, très bienveillante. L'espace commentaire est très sain. Les gens me remercient. Les gens apportent des compléments d'informations. Et ça, c'est super. C'est ce que je préfère. J'adore aussi recevoir de gentils commentaires pour m'encourager. Mais j'adore quand les gens apportent des connaissances supplémentaires. Ah oui, moi, je connais, je n'en sais rien, la langue sarde. Moi, je connais le ourdou. Vraiment, ils apportent des choses et puis les gens se répondent et ils débattent. Enfin, ils débattent, ce n'est pas vraiment le mot. Ils se remercient mutuellement de s'apprendre des choses. Je trouve ça génial. Et oui, de temps en temps, il y a des gens qui passent parce que le réseau est ouvert. Tout le monde peut venir, tout le monde peut tomber sur la vidéo. et donc oui ça arrive parfois que des gens me critiquent sur ma façon de parler parce que je choisis, c'est volontaire un ton très oral donc je vais faire sauter des négations je ne vais pas dire je ne sais pas mais je sais pas parce que c'est comme ça qu'on parle aujourd'hui et je n'ai pas honte d'utiliser des formules comme du coup ou par contre dénigré par Voltaire à tort pour moi très bien de dire et donc il y a toujours des gens que ça va que ça va je ne sais pas irriter, je m'en fiche en général Quand il y a des attaques personnelles qui sont vraiment, pour le coup, rarissimes, là, je ne me pose pas de questions, je bloque. Et comme ça, je m'évite ce genre de désagréments.
- Speaker #1
Vous avez bien raison. La langue, c'est politique. Dans une époque où tout... débat est polarisé, en quoi il y a quelque chose qui est important de dire que la langue appartient à tous.
- Speaker #0
C'est vrai que si on regarde ce qui se passe en France, le climat politique actuel, il y a quand même, je sais pas comment dire, il y a quand même un sentiment identitaire qui peut ressortir parfois. Et en effet, le français, c'est la langue des français, c'est la langue de la France, la grande France. J'aime beaucoup mon pays, j'adore mon pays. C'est lui qui m'a instruit, pas de souci à ce niveau-là. Mais le français, c'est aussi la langue des Belges, des Suisses, des Sénégalais, des Québécois. Donc bon, c'est bien aussi de le rappeler, la plupart des francophones, ils ne vivent pas en France, ils vivent en Afrique, d'une part. Et puis d'autre part, les mots dont on a hérité, très souvent en effet, ils sont capturés. On veut leur faire dire ce qu'on veut dire, alors que les mots sont libres et très souvent, quand on creuse, ils révèlent autre chose. Je voudrais prendre un exemple. par exemple récemment j'ai traité le mot amour qui est un mot très ambivalent en français parce qu'on n'a jamais trop su s'il était féminin ou masculin on trouve les deux usages, d'ailleurs au départ il est plutôt féminin Chrétien de Troyes dit une amour et puis Christine de Pisan aussi, vraiment et puis même encore plus tard Queneau dit encore une amour au XXe siècle on a longtemps hésité et dire que ce mot n'a pas de genre C'est le terme en grammaire. Il n'a pas de genre. Il a un genre fluctuant, masculin, féminin.
- Speaker #1
Les amours naissantes.
- Speaker #0
Oui, les amours naissantes. Brassens dit les amours débutants, mais on dit normalement de folles, normalement. On dit de folleuses amours au féminin. Bref. Rappelez ça, que le mot amour lui-même n'a pas qu'un seul genre. Ça permet aussi de dire que les amours aujourd'hui, de tout temps, mais c'est bien de le rappeler aujourd'hui, sont aussi de tout genre. Il y a des couples hétérosexuels, des couples homosexuels, des personnes dont le genre est, on va dire, très personnel. Enfin, bon, voilà. Et en disant ça, forcément, je fais un peu de politique. Même si ce n'est pas le but de la vidéo, mais forcément, je le fais. Quand je dis que le mot humain vient de la terre, humus en latin, c'est la terre, et que de cette même racine découlent humilité et humiliation, par exemple. Oui, être humain, faire preuve d'humilité, c'est aussi se rappeler d'où l'on vient, c'est-à-dire de la Terre, qu'on partage tous la même, qu'on est tous issus du même sol, si on veut. Voilà, et il y a forcément des messages qui passent à travers ça et qui, j'espère, adoucissent un peu le climat politique qui est un peu tendu. Voilà.
- Speaker #1
Comment ça naît un poste le matin ? c'est-à-dire, peut-être le soir, j'en sais rien, comment vous dites, tiens, ce mot-là, il est intéressant ? Parce que parfois, vous allez vous nourrir de l'actualité pour dire, tiens, on va parler de, pas d'un mot, mais de trois mots. Et voilà, comment ça se... C'est quoi votre règle, votre truc ? Je n'ai pas de règle,
- Speaker #0
je n'ai pas de routine, mais il y a beaucoup de feeling. Je vais parfois simplement me poser. Et réfléchir et laisser les mots venir. Parfois, ça va être au détour d'une lecture. Je vais attraper un livre. Je vais tomber sur un mot intéressant. Le plus souvent, c'est au détour d'une conversation. En parlant avec quelqu'un, on va utiliser un mot et on va... Alors, soit moi tout seul, soit ensemble, on va dire ça, mais il est marrant ce mot, il a une drôle de tête, il a une drôle de sonorité. Ou alors, ah, il ressemble à tel autre mot, est-ce qu'ils sont liés ? Donc, voilà. Il y a aussi mes abonnés, bien sûr, qui m'envoient plein, plein de questions. Et je les en remercie. Plein, plein, plein de questions. J'ai une source d'inspiration infinie parce que je note tout ce qu'ils me disent pour plus tard. Et puis, il y a aussi mes lectures linguistiques. J'adore lire des traités de grammaire, j'adore lire des vieux dictionnaires. Je sais que c'est très bizarre. Il y a peu de gens qui le font. J'en ai rencontré quelques-uns, mais pas beaucoup. Je passe beaucoup, beaucoup de temps sur Gallica, par exemple. Ils nous mettent à disposition, et c'est très, très gentil, tous les écrits, tous les traités du passé. Je trouve ça génial.
- Speaker #1
Ils sont scannés.
- Speaker #0
Ils sont scannés, voilà. On peut les lire. Tout le monde peut les lire. Allez-y, lisez-les. C'est gratuit. Et voilà. Et donc, de cette tambouille-là, il y a toujours quelque chose qui sort. Et j'écris. J'écris. C'est ce qui prend le plus de temps, en fait. C'est la recherche. Parce que si les vidéos durent une minute, une minute trente, il y a des heures de recherche derrière. pour essayer de ne pas laisser passer de coquilles, ça peut arriver, plus souvent j'essaie d'être très rigoureux. Et ensuite il faut mettre tout ça en forme, parce que quand on a 4 ou 5 pages de texte, je ne peux pas balancer des tartines comme ça, donc je resserre le tout pour que ça dure une minute, que ce soit si possible un peu drôle, avec un ou deux jeux de mots, quelque chose d'un peu spirituel, et en même temps des citations littéraires, ça prend beaucoup de temps. Donc les sujets viennent comme ils viennent. Il n'y a pas de mécanisme. J'en ressens pas en tout cas. Par contre, une fois dans le travail, oui, là, il y a une routine. C'est-à-dire travailler, travailler, tailler dans le vif, écrire des vers de temps en temps, parce que j'adore finir souvent par deux, trois petits vers. Et le tout, ben voilà, donne cette vidéo.
- Speaker #1
Génial. Et est-ce que parfois, vous faites une recherche sur un mot et vous vous dites, c'est tout pourri, en fait, ce que j'apprends. Vous êtes déçu par un mot.
- Speaker #0
Complètement. Ça arrive très souvent. En fait... Cette métaphore n'est pas de moi. Je ne sais pas de qui elle est, mais je l'avais trouvée sur Internet. Les mots, c'est un peu comme une boîte de chocolat. Il y en a certains qui sont très surprenants, très intéressants, très goûteux. Et d'autres qui sont très décevants. Je ne sais pas, il y a de la praline dedans. Moi, je n'aime pas trop la praline. Il y a un truc dedans qui... Ou alors, simplement, ils sont fades, insipides. Et il y a des mots, en effet, qui ne sont pas forcément intéressants du point de vue de la racine. Quelquefois, on me dit, c'est quoi l'étymologie de vie ? C'est Wita en latin. C'est le même mot. En vrai, si on cherche, on peut trouver quand même. On va sur la racine indoropéenne, on voit les autres mots que ça a donné. On trouve toujours des choses à dire. Mais certains, quand même, sont très, très, très intéressants. Ils sont très inattendus. Je vais rebondir sur testicule. Vous avez cité en introduction.
- Speaker #1
J'en avais trois mots qui finissaient en ul postés un peu de jour après.
- Speaker #0
C'est très malin. Mais c'est vrai. Je ne l'ai pas fait exprès, mais c'est vrai. Testicule, scrupule, et l'autre, c'était ?
- Speaker #1
Canicule.
- Speaker #0
scrupules et testicules. Mais oui, mais canicule aussi, c'est pareil. Canicule, période de forte chaleur, ça vient de canis, qui veut dire le chien, mais surtout de canicula, qui veut dire la petite chienne. Il faut quand même voir le rapport. Donc j'essaie d'expliquer ça. Ça vient d'une constellation. Le soleil traverse cette constellation pendant les périodes de forte chaleur. Bref. Donc, certains mots, en effet, sont pleins, pleins de surprises. Pleins de surprises. Et sur mon compte, je choisis ceux qui sont les plus surprenants. J'essaie de... C'est de piquer la curiosité de mes étimaux curieux.
- Speaker #1
Vous êtes latiniste et héléniste. Comment on motive un collégien de 6e, 5e qui dit que tu devrais faire du latin ?
- Speaker #0
Comment on le motive ? J'ai été prof au collège. Je ne suis plus. Ça fait quelques années que je ne suis plus prof. Mais j'ai été prof. C'est dur de motiver des élèves à faire du latin et du grec. Parce qu'il y a tout un imaginaire derrière. c'est des vieilleries, ça sert à rien c'est difficile, et c'est vrai c'est pas facile mais il faut toujours trouver une porte d'entrée, il faut toujours trouver quelque chose de séduisant.
- Speaker #1
C'était quoi ?
- Speaker #0
Souvent c'est la mythologie, parce que ce qu'ils aiment et moi aussi c'était un peu ça il faut du récit il faut un peu d'évasion, en plus la mythologie c'est plein d'histoires de cul ça plaît en général aux adultes Et aux plus jeunes. Moi, ce qui m'avait plu, mais moi je suis très particulier, moi ce qui m'avait fait faire du latin quand j'étais en sixième, c'était le Requiem de Mozart. D'accord. Parce que j'avais découvert ça vers 9-10 ans. Et je l'écoutais en boucle à 10 ans. J'écoutais le Requiem de Mozart, faut pas chercher. Et tout est en latin, évidemment. Et je lisais le texte en latin en écoutant la musique et je comprenais rien, forcément. C'est pour ça que j'avais commencé à faire du latin. Parce que la musique, ça me passionnait, ça me faisait vibrer et je voulais rentrer dans l'œuvre à fond. Pour moi, c'était ça, c'était la musique. Il faut que chacun trouve quelque chose dans sa personnalité, dans ses goûts, qui le feront aller vers les langues anciennes. Pour moi, c'est la musique. Pour d'autres, ça peut être l'art. Pour d'autres, encore la mythologie. Pour d'autres, ça peut être l'amour de la grammaire ou simplement le désir de faire moins de fautes d'orthographe. Parce qu'en effet, souvent le latin et le grec... permettre de comprendre pourquoi on met un TH à orthographe, parce que orthos, ça veut dire droit en grec. Pourquoi on met un G à doigt, parce que c'est digitus en latin. Donc, souvent, c'est un argument qu'on donne aux parents et aux enfants. C'est faites du latin, ça va vous aider à mieux écrire, à mieux comprendre le français, à mieux comprendre votre langue et à mieux l'aimer aussi. Moi, ça m'a vraiment appris à mieux apprécier ce que je lisais, ce que j'écrivais.
- Speaker #1
On va faire un vrai ou faux.
- Speaker #0
Allez.
- Speaker #1
Jingle. Vrai ou faux. Vous avez joué avec Jean-François Copé, le maire de Meaux.
- Speaker #0
C'est vrai, c'est vrai. C'est un organiste. Organiste, pianiste ?
- Speaker #1
Oui, pianiste,
- Speaker #0
organiste. Il pianote un peu, je pense.
- Speaker #1
Il fait du jazz.
- Speaker #0
Oui, c'est vrai. J'ai joué avec lui. Parce que je suis meldois. Très beau gentilé. Quand il est meldois. C'est vrai, on met les doigts dans le piano à un moment. Mais oui, il est maire de Meaux. Et en effet, on s'est rencontrés plusieurs fois. Il m'a même remis un prix, une année.
- Speaker #1
Et déloquence.
- Speaker #0
Pas prix d'éloquence, non. C'était le prix, c'est un peu pompeux dit comme ça, c'était le prix de l'excellent.
- Speaker #1
Ah, de l'excellent, je suis pas en train de dire.
- Speaker #0
C'était pour la musique. Et on s'est retrouvés sur scène une fois, en effet, au théâtre du Luxembourg à Meaux, et on a joué du piano. Ouais, ouais, c'est vrai. C'est vrai. Bon, maintenant, je suis moins à Meaux. J'y suis toujours un peu, mais maintenant, je suis Montpellier-Rhin aussi, qui est ma grande ville de cœur. Et voilà.
- Speaker #1
Vrai ou faux, vous êtes fan de Jean-Sébastien Barr. D'ailleurs, on dit Bach ou Bach ?
- Speaker #0
Vous dites quoi ? Moi, je dis Bach. On peut dire Bach. Non, non. On peut dire Bach, si on veut. À l'anglaise, ça veut dire le... À l'anglaise. À l'allemande, ça veut dire le ruisseau. Mais bon, je dis Jean-Sébastien Bach. Et je suis fan absolu. Absolu parce que c'est un génie. Parce que c'est un bosseur. Parce que... Parce que c'est beau. Voilà. Quand il a écrit La Passion selon Saint-Mathieu, qui est une merveille. On trouve ça dans sa correspondance. On lui demande, mais comment vous avez fait pour écrire un truc pareil ? Parce que c'est vrai que c'est monstrueusement beau, en fait. Il répond, j'ai beaucoup travaillé. Je trouve cette phrase d'une simplicité déconcertante et en même temps très intimidante. C'est tellement simple et c'est motivant aussi. Oui, il faut beaucoup travailler. Il faut beaucoup travailler. Moi, ça m'inspire. Je ne sais pas si j'arriverai au niveau de bac un jour. Je n'ai pas forcément cette prétention. Mais de voir des gens comme ça qui ont vraiment bossé dur pour produire des belles choses. ça me motive.
- Speaker #1
Qui interprète Bach selon vous ? Qui l'interprète le mieux ?
- Speaker #0
C'est difficile ça. Au clavecin, moi je trouve que Pierre Antaille, quand même. Il y a une telle intelligence du jeu, il y a une telle maîtrise. Parce que Bach, souvent on a cette image-là très mathématique, très millimétrée, très... très intellectuelle, et c'est vrai. Mais il y a aussi beaucoup de sensibilité, une grande spiritualité. La place de Dieu dans la musique de Bach, elle est très importante. Il y a beaucoup de symbolisme. Et sous le toucher de Pierre Antaille, je trouve tout ça. C'est un claveciniste. Pierre Antaille. Et au piano ? Au piano. Je n'écoute pas beaucoup au piano. S'il y a Andras Schiff, qui joue le clavier bien tempéré, ça c'est vraiment... c'est très très beau celui qu'on attend peut-être je sais pas c'est Glenn Gould mais Glenn Gould c'est très particulier quand même très spécial c'est rock'n'roll c'est un saffaston d'être ah oui ça c'est sûr mais en plus moi disons que c'est pas ce que je préfère pour écouter Bach parce que des fois il y a des choses surtout quand on a fait du clavecin qui sont presque à contre sens mais en même temps c'est quelqu'un pareil qui travaille très très dur qui a quasiment créé un style C'est quelqu'un de très important. Je le respecte. Je respecte son jeu. Ce n'est pas ce que je préfère pour Bach. Je préfère des choses plus fidèles.
- Speaker #1
C'est vous qui l'avez cité. C'est vrai ou faux ? Vous vous êtes fait tatouer le visage de Ferdinand de Saussure, célèbre linguiste, sur le bras.
- Speaker #0
C'est vrai. Non, pas du tout. C'est faux. Non, non, non. Je n'irai pas jusque là. Ma vénération a des limites. Et en plus, je vénère pas Saussure. Non, je me suis fait tatouer des animaux et des végétaux, parce que j'aime beaucoup la nature. Et pour le coup, la nature, pour moi, c'est quasi sacré. Donc moi, c'est des motifs animaux et végétaux et pas des personnes.
- Speaker #1
Vous auriez pu être linguiste ?
- Speaker #0
Peut-être. J'ai pas pris ce chemin-là. Et c'est vrai que je l'assume. C'est un conte qui parle beaucoup de linguistique. Je mobilise des concepts linguistiques. Je vais parler de lénition, d'amuissement et de métathèse. mais j'ai pas une formation de linguiste, j'ai une formation de lettres classiques, de latin et de grec. Je suis pas allé vers la linguistique parce que ça s'est pas présenté, parce que je sais pas pourquoi d'ailleurs, c'est simplement les rencontres, c'était plus la musique et les lettres et la linguistique est venue plus tard. Et est-ce que j'aurais pu être linguiste ? Peut-être, mais ça viendra peut-être à ma manière. Enfin ce que j'aime c'est ne pas choisir. J'aime faire plein de choses et j'aime être plein de choses. D'ailleurs,
- Speaker #1
ne pas choisir vrai ou faux, c'est le Covid qui vous a fait renoncer à une carrière de concertiste.
- Speaker #0
Je vais être honnête, non, je ne peux pas dire ça. En vérité, ce qui s'est passé, c'est que l'année du Covid, j'ai été reçu en même temps à l'agrégation de musique en France et en même temps au conservatoire de La Haye aux Pays-Bas pour faire en effet une formation de concertiste en clavecin. Et il a fallu faire un choix. Le choix de rester en France avec mon agrégation, d'enseigner. C'était de toute sécurité, je restais dans mon pays. Et choisir d'aller vivre à l'étranger, apprendre une langue que je ne connaissais pas, donc le néerlandais, abandonner, partir loin de tous mes proches. La vérité, c'est que j'ai manqué de courage. Ah ouais ? Ouais. Je ne peux pas dire que c'est le Covid.
- Speaker #1
Si,
- Speaker #0
quand même. Le Covid aurait peut-être compliqué les choses. Et c'est ce que je me suis donné comme excuse. En réalité, je pense que j'ai choisi la sécurité plutôt que l'aventure. Je suis honnête. Mais ça ne m'a pas empêché de continuer à faire du clavecin, bien sûr. Mais je serais parti vraiment dans 3 à 5 ans pour être concertiste, après déjà 5 ans d'études. Et puis je me suis dit, pas la flemme, mais je me suis dit, allez, on va sortir un peu des études.
- Speaker #1
On va parler musique ensuite, mais alors, mon dernier vrai ou faux, vous préparez un livre.
- Speaker #0
C'est vrai, je prépare un livre qui ne sera pas un livre académique, ce ne sera pas un livre de linguiste pour le coup. Ce sera un livre que je vais essayer de faire à l'image de mon compte, c'est-à-dire léger, illustré, plein de petites anecdotes, mais aussi avec une petite patte personnelle, des petits vers de temps en temps. Voilà, quelque chose de grand public, de rigoureux. mais quelque chose de grand public et qui puisse parler à tout le monde et surtout à tous les âges. Parce que ça, c'est ce que j'aime bien aussi, réunir les gens.
- Speaker #1
Je ne trouvais pas ça amusant, presque ironique, de se dire que souvent, quand on réalise quelque chose dans le virtuel, sur les réseaux sociaux, on a besoin de le tirer ensuite via un objet dans le réel. Quelqu'un qui va faire de la musique, qui va chanter, va se dire Tiens, je trouve ça intéressant de... Il va être très fier de présenter un disque vinyle, en sorte de témoin presque d'un passé de la musique. Beaucoup de personnes, d'influenceurs, vont dire tiens, je suis très fier de présenter un livre, je le présente, il est en réel, on crée là À chaque fois, on a envie de montrer quelque chose qui s'inscrit vraiment, qui puisse être détaché des écrans. Comment vous l'analysez ?
- Speaker #0
Eh ben parce que parce que les paroles s'envolent mais les écrits restent et c'est encore plus vrai c'est tout aussi vrai sur les réseaux sur Instagram la durée de vie d'une vidéo elle est très courte en fait on la poste, elle vit quelques jours, quelques semaines, parfois quelques mois quand elle marche très bien mais très vite elle tombe dans les limbes d'Instagram et d'autres vidéos prennent la place et il faut se renouveler de sorte que les premières vidéos on les oublie quasiment les gens ne les voient plus alors qu'un livre Un livre, c'est quelque chose de palpable, quelque chose de matériel, qu'on garde dans sa bibliothèque, qu'on peut ouvrir, qu'on peut feuilleter, qu'on peut prêter. Voilà, il y a quelque chose. Et puis, on est quand même des êtres matériels. Je ne suis pas un être désincarné qui n'existe que sur les réseaux. Les gens, parfois, ils me croisent dans la rue, ils me disent Ah, vous existez en vrai ! Évidemment que j'existe en vrai !
- Speaker #1
Je le touche,
- Speaker #0
son épaule. C'est constant. En plus, c'est le bras de Saussure. Donc, voilà. Envie de laisser quelque chose de concret. Et en effet, oui, j'ai envie de rencontrer les gens aussi. Parce que qui dit livre, dit, je ne sais pas, signature ou salon, quelque chose. Aller au contact des gens, moi, j'ai envie de ça. Les réseaux sociaux, c'est très bien. J'aime beaucoup ça. Ça m'ouvre plein de portes. D'ailleurs, ça me permet de rencontrer du monde et je trouve ça super. Mais je ne veux pas rester que sur les réseaux. J'ai aussi envie d'aller dans le monde réel. Le livre, c'est un bon moyen, mais il y a d'autres choses. J'ai d'autres choses en tête, plein de choses.
- Speaker #1
Dans le monde réel, il y a l'instrument. L'instrument de musique, je disais que vous faites du clavecin, vous faites de l'orgue, je pense à l'orgue liturgique, c'est bien ça. Vous le mettez un peu en avant, mais vous ne mettez pas énormément cela en avant. Qu'est-ce qui fait que, pourquoi vous n'êtes pas connu en tant que tel, aussi fort que pour votre travail sur les mots ?
- Speaker #0
Je fais de la musique, je fais des concerts, mais j'en fais un peu. Je n'ai pas du tout une grande carrière de musicien. Même si ça commence à prendre de plus en plus de place, les mots, il se trouve que c'est ça dont j'ai parlé sur les réseaux. Et donc, c'est grâce à ça que les gens me connaissent. Mais quand il y a des concerts, les gens viennent, des étymo-curieux viennent à mes concerts et on parle après. Et je commence à poster de plus en plus de musique sur mon compte. Ce n'était pas le thème au début. Donc, je me suis dit que ça n'intéressera pas les gens. Je ne vais pas mettre un morceau de piano ou parler de... Et en fait, si, ça les intéresse. Et donc, parfois, je poste... Un petit morceau de piano, un petit morceau de clavecin, et puis je fais aussi de la pub pour les concerts. Les deux se croisent un peu.
- Speaker #1
On a fait un café au comptoir avec deux pianistes, il y a quelques mois de cela, à l'occasion du festival de Pâques à Deauville. On a parlé musique classique. Et moi, je me suis dit, ça ne va intéresser personne, la musique classique, mais faisons-le parce que ça me tenait vraiment à cœur. Et finalement, c'est un des épisodes du Café au comptoir qui a été le plus écouté. Comment là encore, la musique classique, il faut battre toutes les idées réussies qu'on peut avoir sur elle.
- Speaker #0
C'est surtout affaire d'éducation. En fait, si on n'a pas été mis en contact avec des objets culturels, on n'y va pas spontanément. Les gens ne vont pas à l'opéra ou ne vont pas au concert classique, très souvent parce qu'ils sont intimidés, parce qu'ils ne vont pas se sentir à leur place, ou parce qu'ils en ont tellement peu entendu que ça va être dur pour eux de l'apprécier. Vraiment, je pense que ce n'est pas tant affaire d'idées reçues. Il y en a, bien sûr, on s'imagine quelque chose de chiant ou de guindé. Il y a un peu de ça. Mais il y a aussi surtout cette idée que c'est pas mon monde, c'est pas mon univers, c'est pas pour moi. Donc l'école a un grand rôle à jouer. Il faut mettre les jeunes en contact avec des choses qu'ils ne connaissent pas. Même si au début ils ont une réaction, et je sais de quoi je parle, j'étais prof de musique au collège pendant 4 ans, j'étais prof de lait classique pendant 4 ans aussi. Il y en a beaucoup qui ne veulent pas, c'est vraiment épidermique, je connais pas, ça me fait chier. Donc il faut les mettre en contact. Et puis il faut aussi que les familles essayent de faire goûter à leurs enfants un peu de tout. Moi j'ai eu la chance d'avoir un père qui était, qui est toujours, mélomane, grand lecteur, qui n'est pas du tout dans un milieu artistique, mais qui s'intéresse à plein de choses. Et qui nous emmenait avec mon frère au musée tous les week-ends. Et ça nous embêtait, on n'avait pas envie. Mais grâce à ça j'ai vu plein de choses, il nous emmenait au concert, donc j'ai entendu plein de choses. Bref. on a été mis en contact avec des objets qui étaient très loin de Gonesse, parce qu'on habitait à Gonesse, en banlieue parisienne. Mais voilà, et je suis sûr que ça a joué un grand rôle dans ce que je suis et ce que je fais aujourd'hui. C'est juste affaire de contact, c'est pas trop affaire d'idée reçue, c'est il faut... N'accepter au quotidien. Ouais, au moins une petite dose de temps en temps. Et si on aime, on creuse, ou pas. Parce que la musique classique, c'est très bien, moi j'adore ça évidemment, mais j'écoute pas que de la musique classique.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
J'écoute... J'irais pas de tout. Mais j'écoute plein de choses différentes. Je peux passer de la messe en lutte mineure de Mozart à Supertramp. C'était ma soirée d'hier. Et j'adore les deux. Il n'y a pas forcément à hiérarchiser. Mais il faut faire comprendre qu'il y a du bon, possiblement dans tout. Et que si les œuvres sont jouées et qu'on les a gardées 200, 300 ou 400 ans et qu'on continue à les jouer, c'est que peut-être il y a un intérêt.
- Speaker #1
Un petit message privé à ma fille qui écoute peut-être ce podcast, il n'y a pas que ton père qui t'oblige à aller au musée.
- Speaker #0
Bravo !
- Speaker #1
Est-ce que la musique classique a été accaparée par la bourgeoisie à un moment ? Et c'est ce qui ferait qu'aujourd'hui, elle semble un peu souvent élitiste.
- Speaker #0
Non, c'est le contraire de ce qui s'est passé. La musique classique, c'est une musique bourgeoise. Enfin, c'est même d'abord une musique aristocratique. Tout le monde n'a pas un clavecin chez soi Je parle du 17ème ou du 18ème siècle Les concerts de musique dite classique C'est des concerts que très très peu de gens entendent à leur époque Parce que très peu de gens ont l'occasion de l'entendre en fait La masse des gens ne connaît pas Mozart Ne connaît pas Bach Bach est très peu connu à son époque ceci dit
- Speaker #1
Et en même temps la musique est partout C'est-à-dire que dans plein de publicités Maintenant oui C'est-à-dire que maintenant au contraire
- Speaker #0
Elle se démocratise, cette musique, parce qu'il y a les publicités, parce qu'il y a le cinéma, parce qu'il y a les plateformes de streaming, parce qu'il y a YouTube et qu'on peut accéder à ces musiques-là. Quand j'étais prof de musique, très souvent, je passais un morceau, je ne sais pas, du Brahms ou je ne sais quoi. Ah, mais je connais ça, c'est la pub pour telle marque de voiture. Oui, c'est vrai, mais ce n'est pas que ça. Avant, c'était autre chose. Ce n'est pas que la musique classique a été capturée par la bourgeoisie, c'est que ça vient à l'origine, c'est une musique qui émane d'un milieu, en effet, bourgeois ou aristocratique. Et puis, ça a mis du temps à en sortir. Et ça a gardé cette image-là. Quand on pense Mozart, on pense perruque poudrée, alors que c'est que des sons, en fait.
- Speaker #1
Vous n'avez pas envie de porter de perruque poudrée ?
- Speaker #0
Non.
- Speaker #1
Comment on fait pour la démocratiser encore et encore, cette musique ? Et comment on fait pour faire comprendre que ça apporte de la joie ? Parce que je vous ai vu jouer. Parfois, vous avez l'air très concentré, mais également, j'ai l'impression que ça apporte une joie intense de jouer.
- Speaker #0
Ah oui, moi, j'adore ça. Il y a quelque chose... Parce que pour pouvoir jouer, il faut travailler. C'est toujours pareil. En rien, travailler, travailler, travailler. Des heures. Et une fois qu'on atteint la maîtrise, on bascule dans une autre dimension qui est presque une transe. Quelque chose, vraiment, on est hors du temps. On est pris par les émotions. Les doigts filent tout seul ou presque. Il y a une espèce d'apesanteur. Vraiment, oui, ça me donne beaucoup de joie de jouer. Et surtout, enfin surtout non, mais aussi d'improviser. J'adore improviser. Il y a quelque chose de... de l'instant. Dans la musique, la musique, c'est l'art de l'instant. Le son, le jou, il est déjà parti. La seconde d'après, il y a quelque chose de très vivant. Tout le monde ne joue pas, mais tout le monde a des oreilles. Tout le monde peut entendre la musique. Presque. C'est toujours pareil, le contact, en fait. Et puis, je crois qu'il faut se forcer aussi, à certains moments. Il faut se forcer à sortir de sa bulle. Moi, j'agis beaucoup sur les réseaux avec Etimo Curieux. Et sur les réseaux, il se passe quelque chose, c'est que... Quand on aime un certain contenu, l'algorithme va nous suggérer un contenu similaire. Parfois, il faut se forcer, il faut casser l'algorithme. Il faut taper des mots-clés qu'on n'aurait jamais tapés.
- Speaker #1
Tu fais quoi comme mots-clés ?
- Speaker #0
Je tape quoi comme mots-clés ? Je n'en sais rien. Il faut essayer de casser un peu. Moi, c'est surtout pour écouter de la musique ou pour la littérature. Je vais taper auteur francophone sénégalais. Senghor, on connaît, mais bon. D'autres, je vais trouver d'autres. Auteur québécois, auteur. Parce que sinon, il va toujours me suggérer les mêmes choses. Pour la musique, c'est pareil. Je vais aller taper, souvent c'est des noms de pays, des pays que je n'aurais jamais écouté. J'ai écouté Indonésie, je vais taper Togo. Il faut être curieux.
- Speaker #1
Je reviens un peu aux réseaux sociaux. Je me permets de vous couper parce que ça me fait penser. Après, j'ai oublié ma question. Finalement, les algorithmes des réseaux sociaux nous gardent dans notre zone de confort. C'est un risque finalement pour la culture.
- Speaker #0
Oui, mais c'est pareil dans la vraie vie. On fréquente des gens qui nous ressemblent, on fréquente des lieux qu'on connaît déjà, on va voir des films qui ressemblent à ceux qu'on a déjà vus. C'est pareil dans la vraie vie, en fait. Les réseaux, c'est pas si différent de la vraie vie.
- Speaker #1
C'est bien de se mettre en danger.
- Speaker #0
Évidemment. Mais je dis ça, moi, j'ai longtemps vécu dans l'inhibition. J'étais un énorme timide quand j'étais ado, mais c'était maladif, c'était la phobie sociale. C'était très très difficile justement de sortir de ma zone de confort, de faire des choix aventureux, c'était très très compliqué. Maintenant ça a changé, maintenant... Un peu. Il y a toujours un peu la raison derrière, mais c'est beaucoup mieux maintenant. Et en fait oui, pour vivre, il faut prendre des risques, il faut sortir de sa zone de confort. Il faut la raison derrière. La raison de ?
- Speaker #1
La raison de ce qui a provoqué ce changement.
- Speaker #0
Mais l'envie de vivre en fait.
- Speaker #1
On se sent mourir à un moment ?
- Speaker #0
Non, pas mourir, mais un peu végété. Les végétaux sont vivants. Mais quand on est humain, on a envie de bouger, on a envie de vibrer, il y a quelque chose. Et la phobie sociale, c'est quelque chose qui vous paralyse, en fait. Qui vous empêche d'entrer quelque part, qui vous empêche de parler à des gens.
- Speaker #1
Il y a eu un déclic ?
- Speaker #0
Il n'y a pas eu de déclic particulier, je ne crois pas. Non. Juste une lassitude qui s'est installée au fil des années. Je me suis dit, mais merde ! Allez, on y va maintenant, stop ! Et le fait d'être prof aussi, être prof ça m'a aidé. Parce qu'il faut prendre la parole, faire un one-man show pendant une heure devant une classe, et ça, six ou sept fois par jour. Donc forcément, ça libère, ça oblige. Et puis, ça permet aussi de tester des trucs. On est un peu un personnage quand on est un prof, on n'est jamais vraiment soi-même. Forcément, il y a des choses de soi qui passent si on est très honnête. Et moi, je suis honnête. Mais bon, on surjoue un peu les choses. Ou alors, on va parler fort, on va prendre de la place. Donc ça, ça a aidé. Et puis la musique aussi, puisqu'il faut monter sur scène et jouer.
- Speaker #1
Vous êtes un mauvais timide, en fait.
- Speaker #0
J'étais un mauvais timide ?
- Speaker #1
Vous avez raté votre carrière de timide.
- Speaker #0
Heureusement.
- Speaker #1
Puisque nous sommes dans un café, dans ce formidable écran, on est dans les anciens locaux de Calman Levy qui ont été... redécorer à grands frais, faire un très très beau café parisien dans lequel on y travaille. Nous allons faire un quiz sur la boisson. Vous êtes prêts ? Ah oui ! De quelle langue le mot café provient-il et quelle est son origine étymologique ?
- Speaker #0
J'adore cette histoire. Alors café, le café d'abord, je parle vraiment de la plante, de la graine, vient d'Ethiopie. Il se trouve qu'en Ethiopie, il y a une plaine qui s'appelle Kaffa. Ça ressemble beaucoup au café, mais... Ça ne vient sûrement pas de là. Vraiment. Ça vient plutôt de l'arabe. Kahwa, en arabe, ça désigne le café. Mais à l'origine, ça désigne toute boisson stimulante et notamment l'alcool. Et c'était très apprécié par les soufis, notamment qui sont les mystiques de l'islam, qui buvaient du café pour se maintenir éveillés pendant leur longue nuit de prière et de méditation. Et donc, Kahwa, c'est spécifié dans le sens de café. Et puis, ensuite, il passe en turc, café. Puis, il passe en italien. Grâce au commerce, tout simplement. Et les Italiens, eux, l'adaptent en café. Et puis c'est sous cette forme ensuite qui s'y diffuse dans toute l'Europe et qui arrive jusque-nous sous la forme café. Donc le café, à l'origine, c'est un mot qui désigne une boisson stimulante, qui réveille, qui excite. Et puis ensuite, c'est spécifié dans le sens du café qu'on boit maintenant, même si on boit du thé.
- Speaker #1
C'est bien parce que j'ai même pas eu le temps de proposer mes trois possibilités.
- Speaker #0
Les trois possibilités ? Ah, les trois hypothèses.
- Speaker #1
Les trois hypothèses. Il s'agit soit du français, de l'arabe ou de l'italien. Et les trois.
- Speaker #0
Voilà.
- Speaker #1
Donc, quelle est l'origine du mot chocolat ?
- Speaker #0
Chocolat, ça vient du nahuatl, qui est une langue d'Amérique du Sud. Non, d'Amérique du Sud, je ne sais pas dire de conneries. Les nahuatl, c'est une langue aztèque.
- Speaker #1
Aztèque.
- Speaker #0
Aztèque.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Et... Et alors, pas spécialement de sens à ma connaissance, mais il y en a d'autres qui ont un sens rigolo. Il y a chocolat, qui est le chocolat, et il y a aguacatl, qui vient de la même langue. Et ça veut dire... Ça veut dire une couille. Parce que le fruit pend de l'arbre et qui retient vraiment. C'est pas une blague.
- Speaker #1
J'ai trouvé que dans le nahuatl, ça signifie eau amère.
- Speaker #0
Le chocolat ? Peut-être. Je n'ai pas tout entendu.
- Speaker #1
Et troisième question, quel est le phénomène linguistique qui explique la différence entre bière en français et beer en anglais ? Un phénomène linguistique, est-ce que c'est ? Petit A.
- Speaker #0
Ah mais pardon, c'est un quiz, mais oui, à chaque fois je réponds, mais en fait il faut attendre.
- Speaker #1
Non mais c'est très bien, c'est très bien. Petit A, le cognac. B, faux amis. Ou C, le calque.
- Speaker #0
Mais le phénomène linguistique ? Ouais. On ne sait rien, le cognac, ils ont la même racine. Le cognac,
- Speaker #1
les bières et français et bières en anglais sont des cognats. Les cognats sont des mots qui ont une origine commune et une forme similaire dans différentes langues. Ils proviennent généralement de la même racine étymologique et ont souvent des significations similaires ou identiques.
- Speaker #0
Tout simplement.
- Speaker #1
Voilà. Merci beaucoup. C'est quoi la suite des événements pour Étymocurieux ? C'est continuer sur Étymocurieux. C'est probablement ce livre pour 2025.
- Speaker #0
c'est continuer les vidéos sur Etimo Curieux c'est travailler sur le livre et d'autres choses je ne veux pas tout dire parce que je suis à la surprise et parce qu'après ça peut mettre une certaine pression aussi mais je bosse sur plusieurs choses mais je peux au moins dire que ça m'aidera à aller au contact des gens en chair et en os
- Speaker #1
Merci beaucoup Sébastien Grimaud on vous retrouve évidemment sur tous les réseaux sociaux sur le compte Etimo Curieux avec un X à la fin
- Speaker #0
évidemment. Merci beaucoup Alexis.
- Speaker #1
Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très, Très bientôt pour un nouveau café.