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Un Monde En Joie - Marlène Le Gal

Marie-Noëlle CHABAN

Marie-Noëlle CHABAN

51min |11/07/2024
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Un Monde En Joie - Marlène Le Gal

Marie-Noëlle CHABAN

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51min |11/07/2024
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Description

Marie-Noëlle Chaban est thérapeute de couple et sexologue clinicienne en cabinet libéral.

Pour le CIDFF (Centre Information sur les Droits des femmes et Familles) et l'Espace Ecoute Veuvage de Dialogues et Solidarités, c'est en tant que conseillère conjugale et familiale qu'elle intervient auprès de ceux qui en ont besoin.


Je l'ai invitée dans ce podcast pour parler des groupes de paroles et des cafés deuil qu'elle anime pour venir en aide à ceux qui ont perdu un(e) conjoint(e).


Livre : Consolations (celles que l'on reçoit et celles que l'on donne) - Christophe André

La chanson qui la met en joie : Le monde s'est dédoublé - Clara Ysé


Conversation enregistrée à l'Atelier 68 à Angoulême (merci Nicole Lehmann).


Merci à Marie-Noëlle Chaban pour cet échange.



Vous avez aimé la conversation? Faîtes un don pour soutenir mon travail indépendant et non subventionné, un clic simple et sécurisé (Marlène Le Gal ❤️) :

https://www.paypal.me/unmondeenjoie






Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors regarde Marie-Noël, commence avec un petit T,

  • Speaker #1

    je me suis dit que ce serait pas mal. Oui, merci.

  • Speaker #0

    J'ai envie de te demander comment toi en quelques mots, en quelques phrases, tu te présenterais.

  • Speaker #1

    Alors, je me présenterais peut-être bien comme une optimiste de naissance, avec une grande curiosité concernant l'humain, concernant la nature aussi, concernant tout ce qui est évolution. De la naissance à la mort et après, peut-être quelque chose comme ça. Je me présente comme quelqu'un qui a déjà vécu pas mal de choses, mais qui a bien envie d'en vivre encore pas mal aussi. Voilà.

  • Speaker #0

    Et dans ta vie, si tu dois présenter tes activités, tes professions, dans quelle heure tu fais les choses ? Femme, mère, conjointe, amante ?

  • Speaker #1

    Tout d'abord, femme, en tout cas, c'est ce que j'essaie de prôner aussi bien dans ma pratique, donc mes pratiques professionnelles, qui sont des pratiques d'accompagnement, de soutien par rapport à tout ce qui sont les difficultés du quotidien, que ce soit au travers du couple, que ce soit par rapport à soi-même, à son histoire, à son... corps, à sa sexualité. Également, en termes d'identité, identité, justement, on parlait, comment on se présente, en tant que parent, en tant que mère, pour moi, ma part, je suis aussi une maman. J'ai été plusieurs fois dans une relation amoureuse, cohabitante ou pas cohabitante, d'ailleurs. parce qu'aujourd'hui, on parle de couple, mais je ne sais pas trop ce que ça veut dire, même si je suis un peu spécialiste de la question du couple et de la question, justement, de la séparation qui amène à la question du deuil, des deuils, parce que, voilà, il n'y a pas, pour moi, il y a plein de sortes de deuils, mais en fait, je pense que toute notre vie, on traverse des deuils et que peut-être que vivre, enfin, c'est apprendre aussi ça, quoi. Comment on peut rester debout en traversant tout un tas de tumultes, de tsunamis, de toutes ces choses-là, que sont notamment les séparations, les pertes, les deuils, que ce soit par la mort de quelqu'un, ou le fait de quitter, d'être quitté, de perdre, c'est-à-dire de la perte.

  • Speaker #0

    Et alors avant de perdre, tu interviens aussi sur les relations de couple, la difficulté. Qu'est-ce qu'on peut dire ? La difficulté à s'aimer, à s'entendre ?

  • Speaker #1

    Oui, la difficulté à... Je pense que c'est d'abord la difficulté à s'aimer soi-même et la difficulté aussi à entretenir la flamme du lien. Alors on met le mot amour, qu'est-ce que ça veut dire ? Beaucoup de gens mettent, projettent, chacun projette ce qu'il peut dans cette histoire-là de l'amour. Pour ce qui est en rapport avec la perte, avec le deuil, ça vient questionner ce qui nous a reliés à l'autre, quelle était la nature de ce lien. Toi,

  • Speaker #0

    tu es thérapeute, psychologue ?

  • Speaker #1

    Alors, au départ, j'avais un peu démarré en tout cas en tant que conseillère conjugale et familiale. Ensuite, je... J'ai eu envie d'approfondir toute la question de la sexualité par un diplôme universitaire en sexologie. humaine et puis ensuite j'ai continué en sexo avec des approches autour plutôt du corps en sexo corporel fonctionnel tout ce qui a été ensuite approfondir ce qui était la thérapie de couple la prise en charge thérapeutique des couples j'ai également suivi des formations concernant l'hypnose thérapeutique Après tout ce qui a été formation autour de la question du deuil et notamment par rapport au veuvage, la perte d'un conjoint ou d'une conjointe et aussi pour les enfants la perte d'un parent. Tout ça c'est des choses que tout au long de la vie j'ai pu approfondir. Que dire d'autre ? en diverses structures associatives. Depuis 27 ans, pour le Centre d'information sur le droit des femmes et des familles en Charente et depuis une vingtaine d'années en libéral. Donc là, je reçois des personnes qui viennent par rapport à des problématiques familiales, des problématiques de couple, des problématiques de rupture, de séparation, des problématiques de confiance en elles-mêmes, des problématiques de... de parentalité, de deuil aussi, de perte d'un parent pour des adultes, et puis tout ce qui est consécutif aux conséquences d'une rupture, d'une séparation. Voilà, donc je reçois aussi, ça m'arrive de recevoir des familles, des familles de parents avec des enfants adultes, autour de conflits familiaux, de besoin de mettre en mots des choses qui n'ont jamais pu être exprimées. Ça permet d'être à la fois témoin et de pouvoir aussi permettre une autre expression et d'aider les personnes à trouver des solutions qu'elles ont en elles-mêmes la plupart du temps.

  • Speaker #0

    Comment ça se partage un petit peu ton temps ? Est-ce que tu arrives à le voir ça ? Est-ce que ta semaine, est-ce qu'il y a plus de problématiques de deuil ? Est-ce que c'est la sexualité ? Pas de sexualité, mais des couples qui viennent te voir parce qu'il a une... Ça, c'est pas le problème, mais autre chose. Enfin,

  • Speaker #1

    comment... Alors, moi, au niveau du cabinet, du côté libéral, en fait, il y a des personnes qui viennent en disant Je viens d'abord vous parler. Alors, souvent, la porte d'entrée, ça peut être la problématique sexuelle. Mais bien souvent, c'est juste l'arbre qui cache la forêt ou bien c'est la partie visible de l'iceberg. C'est-à-dire qu'il y a effectivement... Une problématique qui a trait à la sexualité, au désir ou à l'absence de désir, problème de libido, problème de communication dans le couple, et souvent tout est lié, le problème d'usure via le temps, via la routine, comme si la routine c'était quelque chose qui tombait du ciel, alors que c'est bien nous qui la fabriquons. Et puis les problématiques autour des enfants, problématiques parentales, les gens qui se perdent de vue. Et parfois des couples qui viennent ensemble, on travaille quoi ? Quelle est leur demande en fait ? Est-ce qu'ils s'aiment encore ? Et ça c'est la question compliquée parce qu'on ne va pas la poser d'emblée. Est-ce que vous aimez encore ? Mais c'est une question qui va apparaître assez vite. Ça veut dire,

  • Speaker #0

    excuse-moi, que la plupart du temps les gens viennent et ce n'est pas forcément la première question. Et au final, au fur et à mesure, on se rend compte que c'est ça la question sous-jacente. Est-ce qu'on s'aime ? Est-ce qu'on s'est déjà aimé peut-être ?

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est la genèse de l'histoire. C'est-à-dire comment tout ça a commencé, dès le début. Qu'est-ce qui les a fait se rencontrer ? Qu'est-ce qui les a liés ? Qu'est-ce qui les a reliés ? Est-ce qu'il y avait alchimie, pas alchimie ? Sur quoi ça s'est construit ? Sur quelle fondation s'est construite la maison du couple ? Et on le voit aussi dans l'histoire du deuil. Est-ce que ce couple était un couple fusionnel ? Est-ce qu'il y avait de l'autonomie de part et d'autre ? Est-ce qu'il y avait des centres d'intérêt et des manières de vivre le quotidien avec d'autres relations amicales, d'autres centres d'intérêt ? Ou est-ce que tout tournait autour du couple ? couple et de la famille, donc il y a beaucoup de questions à poser.

  • Speaker #0

    Avant qu'on continue, qu'est-ce que ça t'évoque, un monde en joie, et qu'est-ce que c'est pour toi, la joie ?

  • Speaker #1

    Pour moi, la joie... C'est peut-être la capacité, même au milieu du désastre, de pouvoir découvrir qu'il y a un rayon de soleil, qu'il y a quelque chose comme ça qui va susciter une émotion joyeuse, comme un rire. Pour moi, la joie, il y a quelque chose de l'ouverture, il y a quelque chose du sourire, voire du rire. Et puis... Quelque chose qui t'envahit, qui est plus fort que la mort, par exemple, dans l'histoire de la joie. Alors, c'est une joie qui peut être partagée ou c'est une joie qui peut être très, très, ou intériorisée, ou solitaire, et qui a à voir aussi peut-être avec l'émerveillement, de s'émerveiller de la beauté. de quelque chose ou de quelqu'un et puis quand on dit quelque chose qui nous met en joie c'est peut-être de savoir que quelque chose va être possible donc il y a quelque chose avec ouvrir le champ des possibles dans la joie alors moi ce qui me vient dans un monde en joie c'est il y a quelque chose de moment de communion avec d'autres qui partagent un moment même si c'est pas longtemps cette même énergie parce que je pense qu'il y a de l'énergie dans la joie et il y a quelque chose qui te porte qui te tire vers le haut donc pour moi c'est quand même associé aux couleurs c'est quand même associé à une certaine sensation de liberté et d'expression d'expression où on sort des carcasses qu'on sort des limites que nous impose, ou qu'on s'impose d'ailleurs, ou que nous impose parfois certains carcans sociaux, ou que nous-mêmes nous imposons pour aller au-delà. C'est quelque chose de l'ordre de la transcendance ou de explosion, on parle d'explosion de joie, un peu comme un espèce de jet de fontaine qui jaillit, quelque chose comme ça. Cette image me plaît assez de quelque chose comme ça, qui monte vers le ciel, le soleil, quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que ta joie a évolué ? Est-ce que tu as des souvenirs d'enfants, de moments de joie ? Est-ce que ta joie dans ton enfance, c'est la même que ta joie d'adulte ?

  • Speaker #1

    Il y a une joie qui est toujours la même. J'y pensais l'autre fois sur mon vélo. Quand je suis dans un endroit que j'affectionne particulièrement, qu'il fait beau, que je suis sur mon vélo, et ça me rappelle quand j'étais gamine, et que j'avais cette liberté à l'époque de partir dans la campagne sur mon vélo, et une espèce de jubilation, alors jubilation, je vois, je sais pas, mais d'être sur mon vélo, et d'avancer sur mon vélo, et d'être dans la nature, d'être en lien, sentir l'air sur ma peau, et aller vers quelque chose. Il y avait toujours un but. Moi, j'allais à la campagne chez une vieille tante chez qui je passais une partie de mes vacances, rejoindre les copains, la bande de copains, en creuse. Et la liberté qui était rattachée parce qu'en fait, il y avait une dizaine d'années. Et à l'époque, on pouvait vraiment se balader tranquillement. En tout cas, c'est ce que je ressentais. Donc, il y avait cette joie liée à la liberté, peut-être aux vacances, aux vacances. à la nature. C'est vraiment relié, je pense, à ça. Après, une autre forme de joie, pour moi, c'est de danser avec des personnes qui sont un peu en phase, dans un moment de fête. Et ça, ça peut être aussi une expression de joie qui est très différente.

  • Speaker #0

    Est-ce que cette joie d'enfant, alors tu dis que tu y es repensée sur ton vélo, est-ce que c'est la même ? Est-ce qu'elle a été transformée par les épreuves, par la vie ? Ou est-ce qu'il y a un endroit où c'est complètement intact ?

  • Speaker #1

    Alors je pense que quand on est enfant, on trouve que tout est normal et naturel. On ne se pose pas la question quand on arrive à l'âge que j'ai. Peut-être qu'on se dit que c'est vraiment un cadeau et une chance. Voilà, peut-être que ce serait ça la différence.

  • Speaker #0

    Ça veut dire que c'est plus fort ?

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est ressenti comme plus précieux.

  • Speaker #0

    Quand tu étais enfant, tu savais ce que tu allais faire plus tard ? Je veux dire, à l'adolescence, est-ce que tu avais envie d'être dans le soin ?

  • Speaker #1

    Oui, clairement. Alors, à un moment, je me souviens, à un moment, quand j'étais gamine, je me disais, je veux être en centre social. Après, psychologue. Puis après, j'ai eu un moment où j'ai arrêté les études, où j'ai voulu vivre autre chose, la nature, justement, le retour aux sources, tout ça. Et finalement, après, j'ai repris des études. Et en fait, clairement... J'ai été confrontée au deuil quand j'avais 27 ans, de la perte d'un enfant. Et là, quand j'ai vu aussi combien nous on avait la chance d'avoir été entourés, d'avoir été vraiment bien accompagnés, et que j'ai vu à l'hôpital notamment des parents qui étaient réellement... en souffrance et qu'il n'y avait pas cette solidarité autour d'eux, là, je me suis dit, oui, il y a du boulot. Et c'est comme ça que j'avais repris des études et que j'ai vraiment eu envie de travailler sur cette question. Et je me rends compte que la question du deuil, elle a été totalement un fil rouge tout au long de ma vie et de ma vie professionnelle.

  • Speaker #0

    Ça veut dire qu'avant la perte de cet enfant, donc tu avais 27 ans, tu avais un autre chemin avant ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, j'ai... J'avais eu un enfant assez jeune. Après, il y avait la perte de ce bébé. Et ensuite, il y a un troisième qui a été gravement malade, qui a failli mourir. Donc, on a beaucoup aussi fréquenté les hôpitaux. Il a été opéré du cœur deux fois. Enfin bon. Donc, c'est là où... Parce qu'auparavant, je n'avais pas beaucoup de temps pour travailler. En fait, j'avais repris, j'étais plus dans... Tout ce qui était l'animation et des choses qui étaient beaucoup moins psy. Et après, vraiment, je me suis dit, non, mais en fait, c'est vraiment l'histoire du soin, de l'accompagnement. Les choses un peu moins légères, mais plus... Et puis, j'avais fait de l'accompagnement socioprofessionnel. Enfin, j'ai fait différentes choses autour de plus de l'insertion, de l'aide à l'insertion, puis de l'animation socioculturelle, des choses comme ça. Et ensuite, peu à peu, je me suis dit, non mais vraiment, moi, ce qui me tient à cœur, c'est ça. Il faut aimer les autres, quels qu'ils soient, et les prendre comme ils sont, là où ils sont. Et clairement, les événements douloureux de la vie, enfin moi en tout cas, m'ont amenée à questionner ces moments-là, pour les transformer, pour en faire quelque chose. Et en faire quelque chose dans le sens de la vie.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'à un moment donné, la joie n'était plus là.

  • Speaker #1

    La joie n'est plus là quand il y a le chagrin, quand il y a la perte, quand il y a, bon, clairement, je veux dire, le corps de toute façon, enfin, c'est le corps qui accuse le choc, qui accuse la... C'est quelque chose de totalement physique. On parle des tripes, on parle de tout ça. Donc, clairement... Avant que la joie revienne, il peut y avoir des petits moments de joie très fugaces. On le sait, même lors d'obsèques, on peut avoir des moments où il y a de la communion. Quand il y a de la communion, quand tout le monde se réunit autour de quelqu'un, autour de quelque chose, et qu'il y a de nouveau de l'espoir ou de l'espérance, comme on veut, il y a une forme de joie dans la peine. Donc trouver la joie dans la peine... Je ne dis pas que ce n'est pas quelque chose qu'on peut chercher, c'est quelque chose qui se vit ou qui ne se vit pas. Mais je me souviens de moments où on aperçoit des petits rayons de lumière au bout du tunnel où on se dit qu'il y a quand même quelque chose qui est possible. Et pour moi, la nature est aussi d'un grand enseignement par rapport à ça. Même quand tout semble absolument détruit, que tu as l'impression qu'il y a des ruines. Je me souviens, j'avais choisi pour... Pour illustrer mon mémoire sur le deuil de l'après-couple, c'était une femme qui pleurait sur les ruines de sa maison avec, je ne sais plus s'il y avait un enfant ou pas dans ses bras d'ailleurs, mais il y avait quelque chose de cet ordre-là. Il y a des ruines, oui, ou alors j'aime beaucoup cette autre image de l'oiseau phénix qui renaît de ses cendres. Je trouve que c'est vraiment ça parce qu'on a l'impression que tout n'est plus que cendres, mais en fait oui, on peut renaître quand même.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'au travers de ces cafés d'œil, c'est peut-être tout ça que tu as envie de transmettre ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a eu d'abord, avant les cafés d'œil, la proposition de Dialogue et Solidarité, qui émane de l'OCIIRP, qui est un organisme commun des institutions de rente de prévoyance. Donc c'est un peu un pot commun dans lequel toutes ces institutions vont financer des actions, dont une action autour de l'accompagnement. au veuvage, il y a d'autres actions autour de l'orphelinage pour les enfants orphelins, il y a des actions autour du handicap et autour du mieux vieillir. Et parmi toutes ces actions, il y a le financement d'antennes de l'association Dialogue et Solidarité qui permet l'ouverture d'espaces d'écoute, d'accompagnement. au deuil par veuvage. Et donc, ce sont les centres d'information sur les droits des femmes et des familles, généralement, qui sont financés et qui proposent ce type de prestations. Ça veut dire que c'était en 2009, donc dès 2009, le CIDF de la Charente s'était proposé pour ouvrir un espace, une antenne. Et donc, en fait, c'était l'initiative à l'époque, Isabelle Moreau, qui a été directrice au moment du CIDFF. Et moi qui étais très intéressée pour pouvoir animer cet espace-là. Donc on a fait la demande et puis ça a été accepté, financé. Et à partir de là, moi j'avais donc des permanences d'accueil pour des personnes qui avaient perdu un conjoint ou une conjointe. Et la possibilité d'ouvrir des groupes de parole. Donc ça, ça a été 2009-2010, l'ouverture de ces groupes de parole. une fois par mois. À un moment, j'ai été jusqu'à quatre groupes de paroles par mois, donc ça faisait quand même beaucoup de monde.

  • Speaker #0

    Comment ça se passe concrètement ?

  • Speaker #1

    L'idée d'un groupe de paroles, c'est de pouvoir permettre une expression qui est dans un groupe qui est un groupe d'entraide. Il n'y a pas quelqu'un qui est le sachant ou la sachante. On favorise l'expression, la parole. Pour des personnes qui vivent toutes et tous des situations similaires, à savoir la perte d'un conjoint ou d'une conjointe.

  • Speaker #0

    C'est que la perte d'un conjoint ou d'une conjointe ?

  • Speaker #1

    Alors, pour dialogue et solidarité, oui, on appelle ça veuvage. Alors, veuvage n'est pas un joli mot en français, c'est plutôt moche. Veuvage, mais en tout cas, ce sont des personnes en situation de veuvage. Ça veut dire ou récents, ou parfois des personnes qui viennent au bout de 3-4 ans, des personnes qui cohabitent ou pas. C'est-à-dire que ça peut être effectivement... Quelqu'un avec qui on entretenait une relation sans cohabitation, parfois même des personnes qui vivaient une relation cachée, c'est encore plus compliqué parce qu'elles ne sont pas le ou la partenaire officielle, donc c'est plus compliqué encore. Couple de même sexe ou pas, enfin voilà, c'est vraiment ouvert sans condition, c'est gratuit, totalement gratuit. L'idée du groupe de parole, c'est contrairement au café d'œil, le café d'œil c'est une fois. sont anonymes, on ne sait pas qui sont les personnes qui viennent. Le groupe de parole, il y a d'abord des entretiens pour vérifier que la demande est bien adaptée à ce qu'on peut proposer. Ensuite, une inscription sur la durée. Le groupe de parole, ce n'est pas je viens consommer, je viens, je viens pas, je préviens, je préviens pas. C'est vraiment un engagement dans la durée. Alors la durée, il n'y a pas de durée max, mais on va dire qu'il y a une durée quand même minimum. De toute façon, les personnes ne viennent pas deux fois ou trois fois. C'est neuf mois, un an en gros. Et bien sûr qu'il y a des règles, il y a un cadre, comme dans tout groupe, de soutien, d'entraide, qui sont le non-jugement, le respect de la parole de l'autre, ce qui... Il dit dans le groupe, ne sors pas du groupe, enfin voilà, toutes ces questions de confidentialité qui sont vraiment le cadre posé. Donc les groupes de parole, c'est une réunion par mois pendant deux heures.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'il dit dans ces groupes de parole ? C'est anonyme ?

  • Speaker #1

    Alors c'est anonyme, les personnes qui se présentent connaissent leur prénom et il se dit beaucoup de choses très intimes, c'est-à-dire avant tout la première expression, c'est l'expression de la peine, du chagrin, de la douleur, de la perte, de l'impression... de ne pas y arriver et de dire je viens dans le groupe parce que j'ai vraiment besoin d'abord de rencontrer d'autres personnes qui vivent des choses similaires, même si c'est jamais la même chose, on se comprend, ça a besoin d'expliquer, de ne pas entendre toutes les paroles malheureuses qui sont souvent dites, du genre pour les personnes assez jeunes, oh mais t'es jeune, tu vas retrouver quelqu'un, ou... Oh, mais vous avez quand même, pour les personnes plus âgées, vous avez quand même eu une belle vie.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que parfois, on veut aider et rassurer. C'est ce qu'on doit dire.

  • Speaker #1

    Alors, on est en train de travailler avec Dialogue et Solidarité, d'abord sur une deutéque. C'est-à-dire, non pas un petit livret mode d'emploi, parce que dans la deutéque, il y aurait plein de choses, mais effectivement, quelles sont les paroles consolantes ? Qu'est-ce que les personnes attendent ? En tout cas, ce qu'ils expriment vraiment, c'est que dans les paroles malheureuses, il y a… Ah, bonjour, comment tu vas ? Je ne vais pas bien. Comment vas-tu ? Non. C'est vrai que c'est le truc comme ça, réflexe de bonne éducation. Et puis, dans les paroles malheureuses, il y a tout ce qui est la négation. de ce que peuvent ressentir les personnes. Ou dire, maintenant ça fait quand même 8 mois, 12 mois, ça fait un an, quand même il serait temps de passer à autre chose. C'est des paroles maladroites la plupart du temps. Et en fait, dans les paroles consolantes, beaucoup de personnes disent que c'est plutôt, est-ce que tu as besoin de quelque chose ? De quoi as-tu besoin ? Et pareil, il y a beaucoup de gens qui disent mais tu m'appelles, on se voit Mais en fait, elles ont besoin qu'on les appelle et qu'on leur propose, parce qu'elles ne sont pas en capacité de proposer quoi que ce soit. Et il y a une grosse culpabilité, oui, mais je vais encore plomber l'ambiance, et puis de toute façon, je ne peux faire que parler toujours de la même chose, je vais les saouler Donc les personnes se referment. Il y a des personnes aussi qui disent mais moi j'aimerais qu'on me parle de mon conjoint, de ma conjointe et en fait ils n'osent pas en parler, ils font encore pire comme s'ils n'avaient pas existé ou qu'ils n'avaient pas existé. Donc il y a toutes ces questions, il y a toutes les questions autour des enfants, quand il s'agit de grands enfants qui ont eux-mêmes effectivement un chagrin et ils ont peur de raviver le chagrin de leurs parents, du parent restant et donc ils ne parlent de rien. Et les paroles des mémoires, j'ai besoin qu'on parle, j'aurais besoin qu'on regarde des albums ou qu'on évoque des souvenirs. Donc c'est toujours compliqué parce que comme il n'y a pas de communication, il y a de vrais malentendus parce que rien n'est exprimé.

  • Speaker #0

    Ce qui est déjà un petit peu vrai en temps normal, on va dire, et là c'est complètement exacerbé.

  • Speaker #1

    Il y a des projections, je pense, parce qu'on se dit moi j'aurais besoin de ça mais ce n'est pas parce que moi j'aurais besoin de ça que l'autre a besoin de la même chose. Il y a beaucoup de peur, il y a beaucoup de gêne. Les gens ne savent pas quoi dire. Ils ne savent pas quoi dire quand ils rencontrent quelqu'un qui vient de vivre la perte d'un être cher. Ils sont très gênés souvent parce que la mort, ça reste encore très tabou. On parle plus facilement de sexualité que de mort encore. Comme on est dans une société où on veut gommer toutes les marques du temps, du vieillissement, de la maladie et donc de la mort, et que tous les rituels qui étaient associés ont peu à peu disparu. On ne voit plus de cortège funéraire traverser les villes, les cimetières sont à l'écart. Puis comme les gens, enfin avant les gens au moins se retrouvaient à l'église, et souvent l'église était au centre du village ou au bord de la ville. Il y avait les veillées dans les maisons, les veillées mortuaires étaient dans les maisons, il y avait des vrais rituels. Alors il y a encore quand même les rituels de l'après, après les obsèques où les gens se retrouvent pour partager un moment autour d'un repas partagé ou de quelque chose qui va créer du lien. On va parler de la personne disparue, on va discuter et tout ça. Bon, le Covid a fait beaucoup de mal, enfin le Covid, pas le Covid en lui-même, les mesures qui ont été prises. qui ont été horribles pour les gens endeuillés, qui ont rajouté du trauma au trauma pour beaucoup de personnes. Parce que dans des conditions, que ce soit à l'hôpital, que ce soit les obsèques, certaines pompes funèbres, qui ont vraiment été appliquées de manière drastique, ça a beaucoup compliqué les cérémonies.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça a changé quelque chose durablement ou pas ?

  • Speaker #1

    Il y a un certain nombre de personnes qui ont davantage d'exigences parce qu'ils ont justement des fois loupé totalement ou été privés de revoir et de rituels. Donc si jamais ils ont le malheur de revivre d'autres deuils, d'autres pertes, la mort d'autres proches, ils ne veulent pas qu'on leur confisque cette fois.

  • Speaker #0

    C'est cet événement aussi important autour de l'accompagnement, qu'on appelle sa dernière demeure, quelle qu'elle soit, même si c'est une crémation. Et ça, c'est peut-être un peu nouveau, oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que c'est faire son deuil ? Est-ce qu'on doit vraiment faire son deuil ?

  • Speaker #0

    Personne ne fait son deuil, parce que faire son deuil, ça voudrait dire à un moment c'est fait, on n'en parle plus, on met un mouchoir par-dessus. Non, on traverse un deuil. On peut imaginer que ce deuil, peu à peu, va... Sur un chemin à avancer, progresser, on parle d'avancer sur un chemin de deuil, que peu à peu ce sera moins douloureux, que l'évocation de la personne disparue ne sera plus une plaie béante ouverte, donc elle est sur la cicatrisation. Le temps va faire son travail. Après ce qui permet aussi d'avancer, c'est l'accompagnement, la solidarité. l'entourage, la capacité que chaque personne va avoir plus ou moins aussi à élaborer autour de tout ça parce que un deuil vient en chercher d'autres forcément et ça peut réouvrir des blessures qui finalement n'étaient pas tant refermées que ça, ça peut convoquer des angoisses qui avaient été un peu... Protégée par la personne qui était conjoint ou conjointe. Et pendant tout ce temps-là, ces angoisses ont été un peu mises sous cloche. Et donc, ça libère tout ça. Donc, ça renvoie à soi-même. Ça renvoie, bien sûr, à... Des questions très philosophiques sur sa propre finitude. Qu'est-ce qui va se passer ? Est-ce que je serai seule ? Est-ce que je vais être malade ? Qui m'accompagnera ?

  • Speaker #1

    Je vois deux choses. Quand tu disais qu'on ne savait pas quoi dire à une personne qui est en deuil, parce qu'effectivement, je pense qu'on a peur de la blesser. Et puis après, il y a la confrontation à sa propre mort.

  • Speaker #0

    À nos propres peurs. On le voit par exemple, un couple qui va voir une personne, ils connaissaient le couple maintenant, ils s'adressent à une personne. Donc il y avait des amitiés de couple qui ne résistent pas dès l'instant où le couple est dissous pour l'un des deux. Donc beaucoup de personnes disent c'est comme si c'était contagieux. Alors bien sûr que ça ne l'est pas. Je crois que c'est surtout ce que les couples qui rencontrent un ou une amie en deuil de son conjoint, de sa conjointe, eh bien, ça leur envoie quelque chose, ça pourrait nous arriver à nous. Et c'est juste quelque chose d'impensable. C'est-à-dire qu'en fait, beaucoup d'êtres humains n'arrivent pas à penser à leur mort, à leur fin. Il évacue, c'est le déni total, comme si on était immortel, comme si on pouvait continuer indéfiniment. Et là, on ne peut pas l'évacuer et ça saute à la figure de beaucoup de personnes. On peut dire, mais ça aurait pu être moi, ça aurait pu être nous. Et effectivement, il faut avoir une bonne dose d'amour en soi. de solidité, de sérénité, pour être avec quelqu'un qui va très mal, qui pleure beaucoup, qui est complètement démuni, désespéré parfois, et être là, et pas s'enfuir, et rester là, et rien dire, enfin, pas obligé de dire quelque chose, mais être là, être là et dire mais moi je suis là, même si je dis rien, et puis parfois qu'est-ce qu'on peut dire, qu'est-ce qu'on peut faire, parfois dire non, mais faire. porter un repas, prendre soin, faire des courses, s'occuper de ce qui a à s'occuper, aider dans les démarches. Et puis à un moment, proposer, tiens, on va sortir, tu n'as pas envie de sortir, mais ce n'est pas grave, on va quand même sortir, prendre l'air, peu à peu se remettre dans la vie parce qu'il y a les paroles, mais il y a les actes. C'est-à-dire les actes, c'est qu'est-ce qu'on partage, qu'on peut partager un petit moment, on va aller marcher ensemble, on va aller voir la mer ensemble. Je ne sais pas, enfin, il y a plein de choses comme ça, même si c'est aller voir une expo pour pendant un temps s'oublier. Je recevais tout à l'heure une personne qui me disait, je sens le besoin de m'extraire de moi-même pour justement aller vers les autres et m'oublier un peu moi et ne plus rester juste avec ma peine, parce qu'on peut être en couple avec sa peine, on a été en couple avec l'autre. Comme l'autre n'est plus là, c'est la peine qui remplace. Et du coup, la peine devient l'autre.

  • Speaker #1

    Tout ce que tu dis, c'est vrai aussi quand on a perdu un enfant.

  • Speaker #0

    Alors, il y a en plus, beaucoup de gens disent, ah oui, mais le plus horrible, c'est ça. Parce que perdre un parent, perdre un... Mais perdre un enfant, beaucoup de personnes disent dans l'échelle, comme s'il y avait des échelles à la douleur de la perte. Ça, c'est quelque chose d'abord qui n'est pas dans l'ordre des choses. Alors effectivement, bien sûr, perdre son grand-père, sa grand-mère ou même ses parents quand ils sont âgés, on peut dire que c'est dans l'ordre des choses. Mais il y a quelque chose d'une profonde injustice, ce n'est pas dans l'ordre des choses. Eh bien, cette histoire-là de la mort d'un enfant, ça apparaît comme insupportable, inacceptable. Et n'empêche que, comment faire un parent pour traverser ça ? Et selon l'âge de l'enfant, quand c'est un accident, moi j'ai accompagné des personnes avec un bon accident de la route, un enfant, 15, 16 ans, 17 ans, une amie de ma fille qui est décédée sous une avalanche, elle avait 17 ans, sortie avec prof de sport dans les Alpes, et deux adolescents qui meurent, ils partent le matin en pleine forme, et voilà. Donc là, il y a des deuils extrêmement, extrêmement, extrêmement, effectivement compliqués. Il faut énormément d'amour autour. Et quand la personne était très, très fragile avant, clairement, ça va être beaucoup plus compliqué.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui est aidant ?

  • Speaker #0

    Je crois que ce qui est aidant, encore une fois, c'est de ressentir de l'amour autour. Alors, dans les groupes de parole, pour revenir au groupe de parole, on va dire que de l'amour, les gens ne se connaissent pas. Mais de ressentir... simplement qu'on ait écouté, entendu, compris, non jugé, et que beaucoup de personnes disent mais j'ai l'impression de devenir folle et bien de dire mais non, en fait, finalement, je ne suis pas fou, je ne suis pas folle Ce que je vis, d'autres l'ont vécu, ce que je traverse, d'autres le traversent ou l'ont traversé, c'est un itinéraire malheureusement un peu obligé, avec le côté hyper tortueux, avec le fait que... Ces moments, des montagnes russes, ça va un peu mieux, on croit que ça va mieux, puis bloum, on replonge et qu'il faut surfer sur la vague et que parfois il y a des périodes de rémission, on pense que ça va mieux, puis ça revient. Ça peut durer, il n'y a pas de temps, il n'y a pas de date limite où on dit au-delà de cette limite qui n'est plus valable, il y a des personnes pour lesquelles ça va mettre. plus longtemps que d'autres et encore une fois, il y a des médecins ou d'autres personnes qui disent non, normalement, c'est neuf mois, c'est un an, au-delà de temps, ce n'est pas normal, on parle de deuil pathologique Cette notion de deuil pathologique, à mon sens, elle est quand même assez rare. Il y a des personnes qui font comme si tout allait bien, non, je reprends le travail tout de suite, je mets plein de choses en place, je suis en activité constante et puis ça dure trois mois, six mois, puis à un moment où le corps rattrape et boum, le corps ne peut plus, où il se passe un truc et puis la personne effectivement elle s'effondre parce qu'elle n'a pas pris le temps des larmes, le temps de dire j'y arrive pas, du chagrin et de se laisser aller à ce chagrin-là.

  • Speaker #1

    Tu me reprendras si je dis quelque chose de complètement déplacé ? Mais j'ai l'impression que parfois, traverser un deuil, et Dieu sait si on peut en traverser plusieurs dans une vie, c'est aussi une opportunité de mieux se connaître.

  • Speaker #0

    Ah mais tout à fait, tout à fait, parce que cela nous met...

  • Speaker #1

    C'est pour l'opportunité, bon je sais que ça peut...

  • Speaker #0

    Oui, non, mais alors disons que toute épreuve peut nous faire grandir ou nous mettre par terre. Clairement... Ça veut dire être mis en face de quelque chose qui va falloir, personne ne dit qu'il faut à tout prix, mais si on veut être du côté de la vie et de continuer à vivre. effectivement, cela demande à regarder en face un certain nombre de ces peurs, qui peuvent être la peur de la solitude, la peur du vide, la peur de ne pas arriver à combler tous les espaces qui auparavant étaient remplis par de la présence, par des échanges, par des gestes, de la tendresse, de l'amour, du partage, plein de trucs. Donc... C'est vraiment l'anéantissement total. Et là, pour parler de la perte du conjoint et de la conjointe, parce que je pense que par rapport aux enfants, c'est encore autre chose. Et puis, il y a plein d'autres deuils. Mais c'est vrai que pour les enfants, c'est encore autre chose. Mais il y a quelque chose de comment, effectivement, quand tout est par terre, on ne va pas reconstruire la même chose, on va reconstruire autre chose. Ça sera peut-être différent, ça sera peut-être... plus modeste, ça sera peut-être plus dépouillé, ça sera peut-être différent parce que ça ne sera plus qu'à notre image à nous et pas à l'image des deux dans l'histoire du couple on parle d'une construction d'une maison où les deux choisissent mais symboliquement c'est qu'est-ce que je reconstruis pour moi quelque chose dans lequel je vais me sentir bien dans lequel je vais me sentir à ma juste place donc ça vient questionner l'identité, qui suis-je Qui étais-je avant ? Avec l'autre, il y avait le regard de l'autre qui faisait de moi ce que je me sentais être. Et là, il y a, si le regard de l'autre ne me définit plus, qui suis-je ? Ça peut être très vertigineux, cette question-là.

  • Speaker #1

    Chaque deuil, en fait, c'est en fonction de l'histoire de la personne, de ce qu'elle était avant, de ce qu'elle va reconstruire ensuite. Parce que là, comme ça, parler de joie, c'est peut-être pas à chaque fois.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans les groupes de paroles, il y a beaucoup de rire. Quand on me dit Oulala, ça doit être difficile, ça doit être quand même pas simple, ça doit être plombant d'animer des groupes de parole non. Il y a des moments de rire, il y a des moments, et puis bon, on parle d'humour noir, mais il y a des moments d'autodérision. Et je pense que c'est très nécessaire et que le rire est vraiment hyper important. C'est aussi se reconnecter avec ça et ne pas être tout le temps dans et la plainte Et... tourner en rond dans sa cage de chagrin, parce qu'il est également parfois, pour certaines personnes, presque rassurant de rester en lien avec le chagrin, puisque le chagrin, ça veut dire je n'oublie pas l'autre, je suis avec lui. Il y a une grosse peur d'oublier, il y a une grosse peur de ne plus se souvenir, il y a une grosse peur que l'autre disparaisse. Si on n'est plus dans le chagrin, et j'en parlais encore, justement, on entretient tout à l'heure, en fait, il y a une grosse différence entre ce qui n'existera plus jamais, c'est-à-dire la vie avec l'autre, et l'autre, qui continuera d'exister, simplement, dans notre cœur, dans notre tête, dans nos souvenirs, dans notre vie, parce que l'autre fait partie de nous et parce que l'autre nous a aussi permis d'être ce qu'on est aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Comment, toi, ça t'impacte ? toutes ces rencontres ? Comment ça t'impacte ? Comment t'arrives à mettre de la distance ? Est-ce que t'y arrives ? Est-ce que des fois c'est plus difficile ? Est-ce qu'il y a des rencontres qui font que ça te travaille un peu plus ?

  • Speaker #0

    Eh bien, curieusement, je pense que ça ne m'impacte pas du tout de manière négative. Je trouve qu'à chaque fois, après chaque groupe de parole, même café d'œil et même les entretiens individuels que je propose quand même régulièrement, je trouve qu'il y a beaucoup d'espoir. dans les ressources de l'être humain à chaque fois. Et je vois comment les groupes de parole ont cette capacité de faire que lorsque les personnes ressortent, elles se sentent regonflées, nourries. Alors ça ne veut pas dire que ça a duré pendant des semaines, mais elles disent quand même la plupart qu'elles se sont senties rechargées en énergie, en confiance. et puis dans le partage et dans le sentiment de ne pas être toute seule. Donc c'est vraiment une communauté humaine, et même si c'est une communauté de partage qui se fait effectivement dans le chagrin, dans la peine, il y a quand même quelque chose de cet ordre-là, de se relier à d'autres êtres humains qui vivent la même chose et qui, même dans leur chagrin le plus profond, sont capables de s'écouter. Et de se réconforter. Il y a une chose importante, c'est la consolation. On n'en a pas trop parlé, mais la consolation. Même quelqu'un de très désespéré, très impacté par le chagrin de la perte de l'autre. Je crois que ce qui fait du bien, c'est tout ce qui est en termes de gestes, en termes de regards, en termes d'actes, en termes de paroles aussi.

  • Speaker #1

    Excuse-moi, je t'interromps. Comment justement, parce que là aussi on peut être très maladroit, comment on peut consoler ?

  • Speaker #0

    Il y a des personnes qui n'aiment pas être prises dans les bras. Donc là, il faut respecter. On le sent tout de suite, quelqu'un qui ne peut pas. Des fois, elles ont le premier rejet, la première réaction de mise à distance. Et puis finalement, des fois, si on reste un petit peu, on dit allez, ça va là Pour que les personnes puissent s'abandonner. Donc là, il n'y a pas de mots, mais il y a juste un contact. Parce que beaucoup de personnes en deuxième disent que plus personne ne les touche, plus personne ne les embrasse, plus personne ne les prend dans les bras. que ça, c'est terrible, ça leur manque énormément.

  • Speaker #1

    Il y a vraiment, tu vois, et ça me touche au moment où j'en parle là, c'est marrant, c'est ce mot de consolation et d'inconsolable, il y a tellement cette peur aussi en voulant consoler, de réveiller, quelque chose de se dire, ah, il y a peut-être une douleur qui était endormie, mais en voulant consoler, je vais la réveiller, enfin tu vois.

  • Speaker #0

    Si la douleur est réveillée, c'est qu'elle est là. Parfois la douleur qui était à l'intérieur, il vaut mieux qu'elle s'exprime et qu'elle sorte. alors elle est réveillée, elle va pouvoir s'exprimer. Si c'est par les pleurs, si c'est par effectivement déclencher quelque chose. Après, il faut se sentir soi-même en capacité de pouvoir l'accompagner, cette douleur. Mais alors, c'est effectivement prendre dans les bras. Et puis, les paroles consolantes, c'est je suis là. Tu peux avoir envie de... Est-ce que tu as envie d'en parler ? Si la personne dit non, OK, c'est OK. Mais je suis là. Après, il y a plein de manières de... par des gestes, par des attitudes corporelles, des postures, par des mots, par des attentions. Il y a plein de choses qui permettent, il y a le verbal et le non-verbal, mais il y a toujours quelque chose.

  • Speaker #1

    Et même si on ne va pas dans un groupe de parole, finalement, c'est peut-être bien de savoir aussi qu'il y a des thérapeutes et qu'on peut aussi aller aborder la question de la mort, qu'on soit endeuillé ou pas, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Alors après, tous les thérapeutes ne sont pas formés à cette question-là. Moi, je sais. Sur le terrain que je connais ici, il y a des thérapeutes qui sont très mal à l'aise avec ça. Ce n'est pas parce que tu es psychologue que tu sais répondre à tout, et que tu as un mode d'emploi pour tout, et les bons mots pour tout. Donc il faut juste choisir la personne avec laquelle on se sent en confiance, et qui a en capacité d'accueillir, d'écouter, d'accompagner. Mais, et la consolation, elle est importante. Il y a des mots de consolation que des psys peuvent tout à fait, que ce soit psychologue ou psychologue. psychothérapeute, psychoparadicien, ce qu'on veut. Il y a des postures à avoir, il y a des choses à connaître sur le processus de deuil. C'est un vrai processus.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est Christophe André qui a écrit un livre sur la consolation.

  • Speaker #0

    Il a beaucoup écrit là-dessus. Et c'est vraiment important, parce que je pense qu'on n'ose pas suffisamment aller là-dessus. Mais alors, il y a les consolations aussi. que l'on attend, mais est-ce qu'on est capable de dire de quoi on a besoin quand on est dans la détresse la plus profonde ? On peut dire non ça, non ça, ça, j'ai pas envie, ça, j'ai pas besoin, bon, on peut dire des tas de choses, mais après, est-ce qu'on peut aussi oser proposer ?

  • Speaker #1

    J'aimerais terminer cette heure, alors ensuite on pourra peut-être prévoir de faire d'autres émissions, parce que je pense qu'il y aurait énormément de choses à dire, et comme on est dans un monde en joie, J'avais envie que tu nous parles d'une photo, que tu nous montres une photo qui te met en joie d'un objet et peut-être une musique.

  • Speaker #0

    La photo qui me met en joie, c'est la photo de l'océan et du mouvement des vagues, parce que c'est vraiment le côté sans cesse renouvelé du flux, du reflux, de l'énergie et de ce que peut... ce que peut transmettre l'océan. Voilà. Une musique, alors en ce moment, moi j'écoute beaucoup Clara Isay, qui est quelqu'un d'assez extraordinaire et qui a vécu un deuil parce que sa mère, qui était une philosophe et psychanalyste célèbre, c'était Anne du Fourmentel. En fait, s'est noyée en voulant sauver un enfant il y a quelques années de ça. Et Clara Isay, qui est une artiste incroyable, qui écrit, qui compose, qui chante et qui est quelqu'un que j'aime beaucoup. Alors, il y en a... Le monde s'est dédoublé, que j'aime particulièrement. Il y a plein de chansons d'elle qui sont extraordinaires parce qu'il y a à la fois du fond, il y a de la légèreté et de la profondeur. Et de la joie parce que cette jeune femme est... Une espèce de joie à la fois intérieure et d'éjarté, tout en ayant traversé notamment le drame, j'imagine, de la perte de sa mère. Mais il y a tout ce que sa mère lui a transmis et qu'on ressent vraiment. Et je trouve que c'est un beau symbole.

  • Speaker #1

    Et un objet ?

  • Speaker #0

    Un objet ? Alors, tu vois, j'ai un petit bracelet de pierre dans les tons verts, avec un peu de blanc et de... Voilà, qui... Ils sont là peut-être, alors voilà, il y a plein de vertus dans les pierres pour à la fois recentrer, mais aussi donner de l'énergie. Ça brille, c'est joli, voilà.

  • Speaker #1

    Je crois qu'on va s'arrêter là, parce qu'on aurait tellement de choses, on pourrait tirer beaucoup de fils. Merci Marie-Noël.

  • Speaker #0

    Merci Marlène, c'est toujours intéressant, ça permet de continuer à réfléchir à tout ça, puis à partager surtout.

Description

Marie-Noëlle Chaban est thérapeute de couple et sexologue clinicienne en cabinet libéral.

Pour le CIDFF (Centre Information sur les Droits des femmes et Familles) et l'Espace Ecoute Veuvage de Dialogues et Solidarités, c'est en tant que conseillère conjugale et familiale qu'elle intervient auprès de ceux qui en ont besoin.


Je l'ai invitée dans ce podcast pour parler des groupes de paroles et des cafés deuil qu'elle anime pour venir en aide à ceux qui ont perdu un(e) conjoint(e).


Livre : Consolations (celles que l'on reçoit et celles que l'on donne) - Christophe André

La chanson qui la met en joie : Le monde s'est dédoublé - Clara Ysé


Conversation enregistrée à l'Atelier 68 à Angoulême (merci Nicole Lehmann).


Merci à Marie-Noëlle Chaban pour cet échange.



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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors regarde Marie-Noël, commence avec un petit T,

  • Speaker #1

    je me suis dit que ce serait pas mal. Oui, merci.

  • Speaker #0

    J'ai envie de te demander comment toi en quelques mots, en quelques phrases, tu te présenterais.

  • Speaker #1

    Alors, je me présenterais peut-être bien comme une optimiste de naissance, avec une grande curiosité concernant l'humain, concernant la nature aussi, concernant tout ce qui est évolution. De la naissance à la mort et après, peut-être quelque chose comme ça. Je me présente comme quelqu'un qui a déjà vécu pas mal de choses, mais qui a bien envie d'en vivre encore pas mal aussi. Voilà.

  • Speaker #0

    Et dans ta vie, si tu dois présenter tes activités, tes professions, dans quelle heure tu fais les choses ? Femme, mère, conjointe, amante ?

  • Speaker #1

    Tout d'abord, femme, en tout cas, c'est ce que j'essaie de prôner aussi bien dans ma pratique, donc mes pratiques professionnelles, qui sont des pratiques d'accompagnement, de soutien par rapport à tout ce qui sont les difficultés du quotidien, que ce soit au travers du couple, que ce soit par rapport à soi-même, à son histoire, à son... corps, à sa sexualité. Également, en termes d'identité, identité, justement, on parlait, comment on se présente, en tant que parent, en tant que mère, pour moi, ma part, je suis aussi une maman. J'ai été plusieurs fois dans une relation amoureuse, cohabitante ou pas cohabitante, d'ailleurs. parce qu'aujourd'hui, on parle de couple, mais je ne sais pas trop ce que ça veut dire, même si je suis un peu spécialiste de la question du couple et de la question, justement, de la séparation qui amène à la question du deuil, des deuils, parce que, voilà, il n'y a pas, pour moi, il y a plein de sortes de deuils, mais en fait, je pense que toute notre vie, on traverse des deuils et que peut-être que vivre, enfin, c'est apprendre aussi ça, quoi. Comment on peut rester debout en traversant tout un tas de tumultes, de tsunamis, de toutes ces choses-là, que sont notamment les séparations, les pertes, les deuils, que ce soit par la mort de quelqu'un, ou le fait de quitter, d'être quitté, de perdre, c'est-à-dire de la perte.

  • Speaker #0

    Et alors avant de perdre, tu interviens aussi sur les relations de couple, la difficulté. Qu'est-ce qu'on peut dire ? La difficulté à s'aimer, à s'entendre ?

  • Speaker #1

    Oui, la difficulté à... Je pense que c'est d'abord la difficulté à s'aimer soi-même et la difficulté aussi à entretenir la flamme du lien. Alors on met le mot amour, qu'est-ce que ça veut dire ? Beaucoup de gens mettent, projettent, chacun projette ce qu'il peut dans cette histoire-là de l'amour. Pour ce qui est en rapport avec la perte, avec le deuil, ça vient questionner ce qui nous a reliés à l'autre, quelle était la nature de ce lien. Toi,

  • Speaker #0

    tu es thérapeute, psychologue ?

  • Speaker #1

    Alors, au départ, j'avais un peu démarré en tout cas en tant que conseillère conjugale et familiale. Ensuite, je... J'ai eu envie d'approfondir toute la question de la sexualité par un diplôme universitaire en sexologie. humaine et puis ensuite j'ai continué en sexo avec des approches autour plutôt du corps en sexo corporel fonctionnel tout ce qui a été ensuite approfondir ce qui était la thérapie de couple la prise en charge thérapeutique des couples j'ai également suivi des formations concernant l'hypnose thérapeutique Après tout ce qui a été formation autour de la question du deuil et notamment par rapport au veuvage, la perte d'un conjoint ou d'une conjointe et aussi pour les enfants la perte d'un parent. Tout ça c'est des choses que tout au long de la vie j'ai pu approfondir. Que dire d'autre ? en diverses structures associatives. Depuis 27 ans, pour le Centre d'information sur le droit des femmes et des familles en Charente et depuis une vingtaine d'années en libéral. Donc là, je reçois des personnes qui viennent par rapport à des problématiques familiales, des problématiques de couple, des problématiques de rupture, de séparation, des problématiques de confiance en elles-mêmes, des problématiques de... de parentalité, de deuil aussi, de perte d'un parent pour des adultes, et puis tout ce qui est consécutif aux conséquences d'une rupture, d'une séparation. Voilà, donc je reçois aussi, ça m'arrive de recevoir des familles, des familles de parents avec des enfants adultes, autour de conflits familiaux, de besoin de mettre en mots des choses qui n'ont jamais pu être exprimées. Ça permet d'être à la fois témoin et de pouvoir aussi permettre une autre expression et d'aider les personnes à trouver des solutions qu'elles ont en elles-mêmes la plupart du temps.

  • Speaker #0

    Comment ça se partage un petit peu ton temps ? Est-ce que tu arrives à le voir ça ? Est-ce que ta semaine, est-ce qu'il y a plus de problématiques de deuil ? Est-ce que c'est la sexualité ? Pas de sexualité, mais des couples qui viennent te voir parce qu'il a une... Ça, c'est pas le problème, mais autre chose. Enfin,

  • Speaker #1

    comment... Alors, moi, au niveau du cabinet, du côté libéral, en fait, il y a des personnes qui viennent en disant Je viens d'abord vous parler. Alors, souvent, la porte d'entrée, ça peut être la problématique sexuelle. Mais bien souvent, c'est juste l'arbre qui cache la forêt ou bien c'est la partie visible de l'iceberg. C'est-à-dire qu'il y a effectivement... Une problématique qui a trait à la sexualité, au désir ou à l'absence de désir, problème de libido, problème de communication dans le couple, et souvent tout est lié, le problème d'usure via le temps, via la routine, comme si la routine c'était quelque chose qui tombait du ciel, alors que c'est bien nous qui la fabriquons. Et puis les problématiques autour des enfants, problématiques parentales, les gens qui se perdent de vue. Et parfois des couples qui viennent ensemble, on travaille quoi ? Quelle est leur demande en fait ? Est-ce qu'ils s'aiment encore ? Et ça c'est la question compliquée parce qu'on ne va pas la poser d'emblée. Est-ce que vous aimez encore ? Mais c'est une question qui va apparaître assez vite. Ça veut dire,

  • Speaker #0

    excuse-moi, que la plupart du temps les gens viennent et ce n'est pas forcément la première question. Et au final, au fur et à mesure, on se rend compte que c'est ça la question sous-jacente. Est-ce qu'on s'aime ? Est-ce qu'on s'est déjà aimé peut-être ?

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est la genèse de l'histoire. C'est-à-dire comment tout ça a commencé, dès le début. Qu'est-ce qui les a fait se rencontrer ? Qu'est-ce qui les a liés ? Qu'est-ce qui les a reliés ? Est-ce qu'il y avait alchimie, pas alchimie ? Sur quoi ça s'est construit ? Sur quelle fondation s'est construite la maison du couple ? Et on le voit aussi dans l'histoire du deuil. Est-ce que ce couple était un couple fusionnel ? Est-ce qu'il y avait de l'autonomie de part et d'autre ? Est-ce qu'il y avait des centres d'intérêt et des manières de vivre le quotidien avec d'autres relations amicales, d'autres centres d'intérêt ? Ou est-ce que tout tournait autour du couple ? couple et de la famille, donc il y a beaucoup de questions à poser.

  • Speaker #0

    Avant qu'on continue, qu'est-ce que ça t'évoque, un monde en joie, et qu'est-ce que c'est pour toi, la joie ?

  • Speaker #1

    Pour moi, la joie... C'est peut-être la capacité, même au milieu du désastre, de pouvoir découvrir qu'il y a un rayon de soleil, qu'il y a quelque chose comme ça qui va susciter une émotion joyeuse, comme un rire. Pour moi, la joie, il y a quelque chose de l'ouverture, il y a quelque chose du sourire, voire du rire. Et puis... Quelque chose qui t'envahit, qui est plus fort que la mort, par exemple, dans l'histoire de la joie. Alors, c'est une joie qui peut être partagée ou c'est une joie qui peut être très, très, ou intériorisée, ou solitaire, et qui a à voir aussi peut-être avec l'émerveillement, de s'émerveiller de la beauté. de quelque chose ou de quelqu'un et puis quand on dit quelque chose qui nous met en joie c'est peut-être de savoir que quelque chose va être possible donc il y a quelque chose avec ouvrir le champ des possibles dans la joie alors moi ce qui me vient dans un monde en joie c'est il y a quelque chose de moment de communion avec d'autres qui partagent un moment même si c'est pas longtemps cette même énergie parce que je pense qu'il y a de l'énergie dans la joie et il y a quelque chose qui te porte qui te tire vers le haut donc pour moi c'est quand même associé aux couleurs c'est quand même associé à une certaine sensation de liberté et d'expression d'expression où on sort des carcasses qu'on sort des limites que nous impose, ou qu'on s'impose d'ailleurs, ou que nous impose parfois certains carcans sociaux, ou que nous-mêmes nous imposons pour aller au-delà. C'est quelque chose de l'ordre de la transcendance ou de explosion, on parle d'explosion de joie, un peu comme un espèce de jet de fontaine qui jaillit, quelque chose comme ça. Cette image me plaît assez de quelque chose comme ça, qui monte vers le ciel, le soleil, quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que ta joie a évolué ? Est-ce que tu as des souvenirs d'enfants, de moments de joie ? Est-ce que ta joie dans ton enfance, c'est la même que ta joie d'adulte ?

  • Speaker #1

    Il y a une joie qui est toujours la même. J'y pensais l'autre fois sur mon vélo. Quand je suis dans un endroit que j'affectionne particulièrement, qu'il fait beau, que je suis sur mon vélo, et ça me rappelle quand j'étais gamine, et que j'avais cette liberté à l'époque de partir dans la campagne sur mon vélo, et une espèce de jubilation, alors jubilation, je vois, je sais pas, mais d'être sur mon vélo, et d'avancer sur mon vélo, et d'être dans la nature, d'être en lien, sentir l'air sur ma peau, et aller vers quelque chose. Il y avait toujours un but. Moi, j'allais à la campagne chez une vieille tante chez qui je passais une partie de mes vacances, rejoindre les copains, la bande de copains, en creuse. Et la liberté qui était rattachée parce qu'en fait, il y avait une dizaine d'années. Et à l'époque, on pouvait vraiment se balader tranquillement. En tout cas, c'est ce que je ressentais. Donc, il y avait cette joie liée à la liberté, peut-être aux vacances, aux vacances. à la nature. C'est vraiment relié, je pense, à ça. Après, une autre forme de joie, pour moi, c'est de danser avec des personnes qui sont un peu en phase, dans un moment de fête. Et ça, ça peut être aussi une expression de joie qui est très différente.

  • Speaker #0

    Est-ce que cette joie d'enfant, alors tu dis que tu y es repensée sur ton vélo, est-ce que c'est la même ? Est-ce qu'elle a été transformée par les épreuves, par la vie ? Ou est-ce qu'il y a un endroit où c'est complètement intact ?

  • Speaker #1

    Alors je pense que quand on est enfant, on trouve que tout est normal et naturel. On ne se pose pas la question quand on arrive à l'âge que j'ai. Peut-être qu'on se dit que c'est vraiment un cadeau et une chance. Voilà, peut-être que ce serait ça la différence.

  • Speaker #0

    Ça veut dire que c'est plus fort ?

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est ressenti comme plus précieux.

  • Speaker #0

    Quand tu étais enfant, tu savais ce que tu allais faire plus tard ? Je veux dire, à l'adolescence, est-ce que tu avais envie d'être dans le soin ?

  • Speaker #1

    Oui, clairement. Alors, à un moment, je me souviens, à un moment, quand j'étais gamine, je me disais, je veux être en centre social. Après, psychologue. Puis après, j'ai eu un moment où j'ai arrêté les études, où j'ai voulu vivre autre chose, la nature, justement, le retour aux sources, tout ça. Et finalement, après, j'ai repris des études. Et en fait, clairement... J'ai été confrontée au deuil quand j'avais 27 ans, de la perte d'un enfant. Et là, quand j'ai vu aussi combien nous on avait la chance d'avoir été entourés, d'avoir été vraiment bien accompagnés, et que j'ai vu à l'hôpital notamment des parents qui étaient réellement... en souffrance et qu'il n'y avait pas cette solidarité autour d'eux, là, je me suis dit, oui, il y a du boulot. Et c'est comme ça que j'avais repris des études et que j'ai vraiment eu envie de travailler sur cette question. Et je me rends compte que la question du deuil, elle a été totalement un fil rouge tout au long de ma vie et de ma vie professionnelle.

  • Speaker #0

    Ça veut dire qu'avant la perte de cet enfant, donc tu avais 27 ans, tu avais un autre chemin avant ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, j'ai... J'avais eu un enfant assez jeune. Après, il y avait la perte de ce bébé. Et ensuite, il y a un troisième qui a été gravement malade, qui a failli mourir. Donc, on a beaucoup aussi fréquenté les hôpitaux. Il a été opéré du cœur deux fois. Enfin bon. Donc, c'est là où... Parce qu'auparavant, je n'avais pas beaucoup de temps pour travailler. En fait, j'avais repris, j'étais plus dans... Tout ce qui était l'animation et des choses qui étaient beaucoup moins psy. Et après, vraiment, je me suis dit, non, mais en fait, c'est vraiment l'histoire du soin, de l'accompagnement. Les choses un peu moins légères, mais plus... Et puis, j'avais fait de l'accompagnement socioprofessionnel. Enfin, j'ai fait différentes choses autour de plus de l'insertion, de l'aide à l'insertion, puis de l'animation socioculturelle, des choses comme ça. Et ensuite, peu à peu, je me suis dit, non mais vraiment, moi, ce qui me tient à cœur, c'est ça. Il faut aimer les autres, quels qu'ils soient, et les prendre comme ils sont, là où ils sont. Et clairement, les événements douloureux de la vie, enfin moi en tout cas, m'ont amenée à questionner ces moments-là, pour les transformer, pour en faire quelque chose. Et en faire quelque chose dans le sens de la vie.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'à un moment donné, la joie n'était plus là.

  • Speaker #1

    La joie n'est plus là quand il y a le chagrin, quand il y a la perte, quand il y a, bon, clairement, je veux dire, le corps de toute façon, enfin, c'est le corps qui accuse le choc, qui accuse la... C'est quelque chose de totalement physique. On parle des tripes, on parle de tout ça. Donc, clairement... Avant que la joie revienne, il peut y avoir des petits moments de joie très fugaces. On le sait, même lors d'obsèques, on peut avoir des moments où il y a de la communion. Quand il y a de la communion, quand tout le monde se réunit autour de quelqu'un, autour de quelque chose, et qu'il y a de nouveau de l'espoir ou de l'espérance, comme on veut, il y a une forme de joie dans la peine. Donc trouver la joie dans la peine... Je ne dis pas que ce n'est pas quelque chose qu'on peut chercher, c'est quelque chose qui se vit ou qui ne se vit pas. Mais je me souviens de moments où on aperçoit des petits rayons de lumière au bout du tunnel où on se dit qu'il y a quand même quelque chose qui est possible. Et pour moi, la nature est aussi d'un grand enseignement par rapport à ça. Même quand tout semble absolument détruit, que tu as l'impression qu'il y a des ruines. Je me souviens, j'avais choisi pour... Pour illustrer mon mémoire sur le deuil de l'après-couple, c'était une femme qui pleurait sur les ruines de sa maison avec, je ne sais plus s'il y avait un enfant ou pas dans ses bras d'ailleurs, mais il y avait quelque chose de cet ordre-là. Il y a des ruines, oui, ou alors j'aime beaucoup cette autre image de l'oiseau phénix qui renaît de ses cendres. Je trouve que c'est vraiment ça parce qu'on a l'impression que tout n'est plus que cendres, mais en fait oui, on peut renaître quand même.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'au travers de ces cafés d'œil, c'est peut-être tout ça que tu as envie de transmettre ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a eu d'abord, avant les cafés d'œil, la proposition de Dialogue et Solidarité, qui émane de l'OCIIRP, qui est un organisme commun des institutions de rente de prévoyance. Donc c'est un peu un pot commun dans lequel toutes ces institutions vont financer des actions, dont une action autour de l'accompagnement. au veuvage, il y a d'autres actions autour de l'orphelinage pour les enfants orphelins, il y a des actions autour du handicap et autour du mieux vieillir. Et parmi toutes ces actions, il y a le financement d'antennes de l'association Dialogue et Solidarité qui permet l'ouverture d'espaces d'écoute, d'accompagnement. au deuil par veuvage. Et donc, ce sont les centres d'information sur les droits des femmes et des familles, généralement, qui sont financés et qui proposent ce type de prestations. Ça veut dire que c'était en 2009, donc dès 2009, le CIDF de la Charente s'était proposé pour ouvrir un espace, une antenne. Et donc, en fait, c'était l'initiative à l'époque, Isabelle Moreau, qui a été directrice au moment du CIDFF. Et moi qui étais très intéressée pour pouvoir animer cet espace-là. Donc on a fait la demande et puis ça a été accepté, financé. Et à partir de là, moi j'avais donc des permanences d'accueil pour des personnes qui avaient perdu un conjoint ou une conjointe. Et la possibilité d'ouvrir des groupes de parole. Donc ça, ça a été 2009-2010, l'ouverture de ces groupes de parole. une fois par mois. À un moment, j'ai été jusqu'à quatre groupes de paroles par mois, donc ça faisait quand même beaucoup de monde.

  • Speaker #0

    Comment ça se passe concrètement ?

  • Speaker #1

    L'idée d'un groupe de paroles, c'est de pouvoir permettre une expression qui est dans un groupe qui est un groupe d'entraide. Il n'y a pas quelqu'un qui est le sachant ou la sachante. On favorise l'expression, la parole. Pour des personnes qui vivent toutes et tous des situations similaires, à savoir la perte d'un conjoint ou d'une conjointe.

  • Speaker #0

    C'est que la perte d'un conjoint ou d'une conjointe ?

  • Speaker #1

    Alors, pour dialogue et solidarité, oui, on appelle ça veuvage. Alors, veuvage n'est pas un joli mot en français, c'est plutôt moche. Veuvage, mais en tout cas, ce sont des personnes en situation de veuvage. Ça veut dire ou récents, ou parfois des personnes qui viennent au bout de 3-4 ans, des personnes qui cohabitent ou pas. C'est-à-dire que ça peut être effectivement... Quelqu'un avec qui on entretenait une relation sans cohabitation, parfois même des personnes qui vivaient une relation cachée, c'est encore plus compliqué parce qu'elles ne sont pas le ou la partenaire officielle, donc c'est plus compliqué encore. Couple de même sexe ou pas, enfin voilà, c'est vraiment ouvert sans condition, c'est gratuit, totalement gratuit. L'idée du groupe de parole, c'est contrairement au café d'œil, le café d'œil c'est une fois. sont anonymes, on ne sait pas qui sont les personnes qui viennent. Le groupe de parole, il y a d'abord des entretiens pour vérifier que la demande est bien adaptée à ce qu'on peut proposer. Ensuite, une inscription sur la durée. Le groupe de parole, ce n'est pas je viens consommer, je viens, je viens pas, je préviens, je préviens pas. C'est vraiment un engagement dans la durée. Alors la durée, il n'y a pas de durée max, mais on va dire qu'il y a une durée quand même minimum. De toute façon, les personnes ne viennent pas deux fois ou trois fois. C'est neuf mois, un an en gros. Et bien sûr qu'il y a des règles, il y a un cadre, comme dans tout groupe, de soutien, d'entraide, qui sont le non-jugement, le respect de la parole de l'autre, ce qui... Il dit dans le groupe, ne sors pas du groupe, enfin voilà, toutes ces questions de confidentialité qui sont vraiment le cadre posé. Donc les groupes de parole, c'est une réunion par mois pendant deux heures.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'il dit dans ces groupes de parole ? C'est anonyme ?

  • Speaker #1

    Alors c'est anonyme, les personnes qui se présentent connaissent leur prénom et il se dit beaucoup de choses très intimes, c'est-à-dire avant tout la première expression, c'est l'expression de la peine, du chagrin, de la douleur, de la perte, de l'impression... de ne pas y arriver et de dire je viens dans le groupe parce que j'ai vraiment besoin d'abord de rencontrer d'autres personnes qui vivent des choses similaires, même si c'est jamais la même chose, on se comprend, ça a besoin d'expliquer, de ne pas entendre toutes les paroles malheureuses qui sont souvent dites, du genre pour les personnes assez jeunes, oh mais t'es jeune, tu vas retrouver quelqu'un, ou... Oh, mais vous avez quand même, pour les personnes plus âgées, vous avez quand même eu une belle vie.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que parfois, on veut aider et rassurer. C'est ce qu'on doit dire.

  • Speaker #1

    Alors, on est en train de travailler avec Dialogue et Solidarité, d'abord sur une deutéque. C'est-à-dire, non pas un petit livret mode d'emploi, parce que dans la deutéque, il y aurait plein de choses, mais effectivement, quelles sont les paroles consolantes ? Qu'est-ce que les personnes attendent ? En tout cas, ce qu'ils expriment vraiment, c'est que dans les paroles malheureuses, il y a… Ah, bonjour, comment tu vas ? Je ne vais pas bien. Comment vas-tu ? Non. C'est vrai que c'est le truc comme ça, réflexe de bonne éducation. Et puis, dans les paroles malheureuses, il y a tout ce qui est la négation. de ce que peuvent ressentir les personnes. Ou dire, maintenant ça fait quand même 8 mois, 12 mois, ça fait un an, quand même il serait temps de passer à autre chose. C'est des paroles maladroites la plupart du temps. Et en fait, dans les paroles consolantes, beaucoup de personnes disent que c'est plutôt, est-ce que tu as besoin de quelque chose ? De quoi as-tu besoin ? Et pareil, il y a beaucoup de gens qui disent mais tu m'appelles, on se voit Mais en fait, elles ont besoin qu'on les appelle et qu'on leur propose, parce qu'elles ne sont pas en capacité de proposer quoi que ce soit. Et il y a une grosse culpabilité, oui, mais je vais encore plomber l'ambiance, et puis de toute façon, je ne peux faire que parler toujours de la même chose, je vais les saouler Donc les personnes se referment. Il y a des personnes aussi qui disent mais moi j'aimerais qu'on me parle de mon conjoint, de ma conjointe et en fait ils n'osent pas en parler, ils font encore pire comme s'ils n'avaient pas existé ou qu'ils n'avaient pas existé. Donc il y a toutes ces questions, il y a toutes les questions autour des enfants, quand il s'agit de grands enfants qui ont eux-mêmes effectivement un chagrin et ils ont peur de raviver le chagrin de leurs parents, du parent restant et donc ils ne parlent de rien. Et les paroles des mémoires, j'ai besoin qu'on parle, j'aurais besoin qu'on regarde des albums ou qu'on évoque des souvenirs. Donc c'est toujours compliqué parce que comme il n'y a pas de communication, il y a de vrais malentendus parce que rien n'est exprimé.

  • Speaker #0

    Ce qui est déjà un petit peu vrai en temps normal, on va dire, et là c'est complètement exacerbé.

  • Speaker #1

    Il y a des projections, je pense, parce qu'on se dit moi j'aurais besoin de ça mais ce n'est pas parce que moi j'aurais besoin de ça que l'autre a besoin de la même chose. Il y a beaucoup de peur, il y a beaucoup de gêne. Les gens ne savent pas quoi dire. Ils ne savent pas quoi dire quand ils rencontrent quelqu'un qui vient de vivre la perte d'un être cher. Ils sont très gênés souvent parce que la mort, ça reste encore très tabou. On parle plus facilement de sexualité que de mort encore. Comme on est dans une société où on veut gommer toutes les marques du temps, du vieillissement, de la maladie et donc de la mort, et que tous les rituels qui étaient associés ont peu à peu disparu. On ne voit plus de cortège funéraire traverser les villes, les cimetières sont à l'écart. Puis comme les gens, enfin avant les gens au moins se retrouvaient à l'église, et souvent l'église était au centre du village ou au bord de la ville. Il y avait les veillées dans les maisons, les veillées mortuaires étaient dans les maisons, il y avait des vrais rituels. Alors il y a encore quand même les rituels de l'après, après les obsèques où les gens se retrouvent pour partager un moment autour d'un repas partagé ou de quelque chose qui va créer du lien. On va parler de la personne disparue, on va discuter et tout ça. Bon, le Covid a fait beaucoup de mal, enfin le Covid, pas le Covid en lui-même, les mesures qui ont été prises. qui ont été horribles pour les gens endeuillés, qui ont rajouté du trauma au trauma pour beaucoup de personnes. Parce que dans des conditions, que ce soit à l'hôpital, que ce soit les obsèques, certaines pompes funèbres, qui ont vraiment été appliquées de manière drastique, ça a beaucoup compliqué les cérémonies.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça a changé quelque chose durablement ou pas ?

  • Speaker #1

    Il y a un certain nombre de personnes qui ont davantage d'exigences parce qu'ils ont justement des fois loupé totalement ou été privés de revoir et de rituels. Donc si jamais ils ont le malheur de revivre d'autres deuils, d'autres pertes, la mort d'autres proches, ils ne veulent pas qu'on leur confisque cette fois.

  • Speaker #0

    C'est cet événement aussi important autour de l'accompagnement, qu'on appelle sa dernière demeure, quelle qu'elle soit, même si c'est une crémation. Et ça, c'est peut-être un peu nouveau, oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que c'est faire son deuil ? Est-ce qu'on doit vraiment faire son deuil ?

  • Speaker #0

    Personne ne fait son deuil, parce que faire son deuil, ça voudrait dire à un moment c'est fait, on n'en parle plus, on met un mouchoir par-dessus. Non, on traverse un deuil. On peut imaginer que ce deuil, peu à peu, va... Sur un chemin à avancer, progresser, on parle d'avancer sur un chemin de deuil, que peu à peu ce sera moins douloureux, que l'évocation de la personne disparue ne sera plus une plaie béante ouverte, donc elle est sur la cicatrisation. Le temps va faire son travail. Après ce qui permet aussi d'avancer, c'est l'accompagnement, la solidarité. l'entourage, la capacité que chaque personne va avoir plus ou moins aussi à élaborer autour de tout ça parce que un deuil vient en chercher d'autres forcément et ça peut réouvrir des blessures qui finalement n'étaient pas tant refermées que ça, ça peut convoquer des angoisses qui avaient été un peu... Protégée par la personne qui était conjoint ou conjointe. Et pendant tout ce temps-là, ces angoisses ont été un peu mises sous cloche. Et donc, ça libère tout ça. Donc, ça renvoie à soi-même. Ça renvoie, bien sûr, à... Des questions très philosophiques sur sa propre finitude. Qu'est-ce qui va se passer ? Est-ce que je serai seule ? Est-ce que je vais être malade ? Qui m'accompagnera ?

  • Speaker #1

    Je vois deux choses. Quand tu disais qu'on ne savait pas quoi dire à une personne qui est en deuil, parce qu'effectivement, je pense qu'on a peur de la blesser. Et puis après, il y a la confrontation à sa propre mort.

  • Speaker #0

    À nos propres peurs. On le voit par exemple, un couple qui va voir une personne, ils connaissaient le couple maintenant, ils s'adressent à une personne. Donc il y avait des amitiés de couple qui ne résistent pas dès l'instant où le couple est dissous pour l'un des deux. Donc beaucoup de personnes disent c'est comme si c'était contagieux. Alors bien sûr que ça ne l'est pas. Je crois que c'est surtout ce que les couples qui rencontrent un ou une amie en deuil de son conjoint, de sa conjointe, eh bien, ça leur envoie quelque chose, ça pourrait nous arriver à nous. Et c'est juste quelque chose d'impensable. C'est-à-dire qu'en fait, beaucoup d'êtres humains n'arrivent pas à penser à leur mort, à leur fin. Il évacue, c'est le déni total, comme si on était immortel, comme si on pouvait continuer indéfiniment. Et là, on ne peut pas l'évacuer et ça saute à la figure de beaucoup de personnes. On peut dire, mais ça aurait pu être moi, ça aurait pu être nous. Et effectivement, il faut avoir une bonne dose d'amour en soi. de solidité, de sérénité, pour être avec quelqu'un qui va très mal, qui pleure beaucoup, qui est complètement démuni, désespéré parfois, et être là, et pas s'enfuir, et rester là, et rien dire, enfin, pas obligé de dire quelque chose, mais être là, être là et dire mais moi je suis là, même si je dis rien, et puis parfois qu'est-ce qu'on peut dire, qu'est-ce qu'on peut faire, parfois dire non, mais faire. porter un repas, prendre soin, faire des courses, s'occuper de ce qui a à s'occuper, aider dans les démarches. Et puis à un moment, proposer, tiens, on va sortir, tu n'as pas envie de sortir, mais ce n'est pas grave, on va quand même sortir, prendre l'air, peu à peu se remettre dans la vie parce qu'il y a les paroles, mais il y a les actes. C'est-à-dire les actes, c'est qu'est-ce qu'on partage, qu'on peut partager un petit moment, on va aller marcher ensemble, on va aller voir la mer ensemble. Je ne sais pas, enfin, il y a plein de choses comme ça, même si c'est aller voir une expo pour pendant un temps s'oublier. Je recevais tout à l'heure une personne qui me disait, je sens le besoin de m'extraire de moi-même pour justement aller vers les autres et m'oublier un peu moi et ne plus rester juste avec ma peine, parce qu'on peut être en couple avec sa peine, on a été en couple avec l'autre. Comme l'autre n'est plus là, c'est la peine qui remplace. Et du coup, la peine devient l'autre.

  • Speaker #1

    Tout ce que tu dis, c'est vrai aussi quand on a perdu un enfant.

  • Speaker #0

    Alors, il y a en plus, beaucoup de gens disent, ah oui, mais le plus horrible, c'est ça. Parce que perdre un parent, perdre un... Mais perdre un enfant, beaucoup de personnes disent dans l'échelle, comme s'il y avait des échelles à la douleur de la perte. Ça, c'est quelque chose d'abord qui n'est pas dans l'ordre des choses. Alors effectivement, bien sûr, perdre son grand-père, sa grand-mère ou même ses parents quand ils sont âgés, on peut dire que c'est dans l'ordre des choses. Mais il y a quelque chose d'une profonde injustice, ce n'est pas dans l'ordre des choses. Eh bien, cette histoire-là de la mort d'un enfant, ça apparaît comme insupportable, inacceptable. Et n'empêche que, comment faire un parent pour traverser ça ? Et selon l'âge de l'enfant, quand c'est un accident, moi j'ai accompagné des personnes avec un bon accident de la route, un enfant, 15, 16 ans, 17 ans, une amie de ma fille qui est décédée sous une avalanche, elle avait 17 ans, sortie avec prof de sport dans les Alpes, et deux adolescents qui meurent, ils partent le matin en pleine forme, et voilà. Donc là, il y a des deuils extrêmement, extrêmement, extrêmement, effectivement compliqués. Il faut énormément d'amour autour. Et quand la personne était très, très fragile avant, clairement, ça va être beaucoup plus compliqué.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui est aidant ?

  • Speaker #0

    Je crois que ce qui est aidant, encore une fois, c'est de ressentir de l'amour autour. Alors, dans les groupes de parole, pour revenir au groupe de parole, on va dire que de l'amour, les gens ne se connaissent pas. Mais de ressentir... simplement qu'on ait écouté, entendu, compris, non jugé, et que beaucoup de personnes disent mais j'ai l'impression de devenir folle et bien de dire mais non, en fait, finalement, je ne suis pas fou, je ne suis pas folle Ce que je vis, d'autres l'ont vécu, ce que je traverse, d'autres le traversent ou l'ont traversé, c'est un itinéraire malheureusement un peu obligé, avec le côté hyper tortueux, avec le fait que... Ces moments, des montagnes russes, ça va un peu mieux, on croit que ça va mieux, puis bloum, on replonge et qu'il faut surfer sur la vague et que parfois il y a des périodes de rémission, on pense que ça va mieux, puis ça revient. Ça peut durer, il n'y a pas de temps, il n'y a pas de date limite où on dit au-delà de cette limite qui n'est plus valable, il y a des personnes pour lesquelles ça va mettre. plus longtemps que d'autres et encore une fois, il y a des médecins ou d'autres personnes qui disent non, normalement, c'est neuf mois, c'est un an, au-delà de temps, ce n'est pas normal, on parle de deuil pathologique Cette notion de deuil pathologique, à mon sens, elle est quand même assez rare. Il y a des personnes qui font comme si tout allait bien, non, je reprends le travail tout de suite, je mets plein de choses en place, je suis en activité constante et puis ça dure trois mois, six mois, puis à un moment où le corps rattrape et boum, le corps ne peut plus, où il se passe un truc et puis la personne effectivement elle s'effondre parce qu'elle n'a pas pris le temps des larmes, le temps de dire j'y arrive pas, du chagrin et de se laisser aller à ce chagrin-là.

  • Speaker #1

    Tu me reprendras si je dis quelque chose de complètement déplacé ? Mais j'ai l'impression que parfois, traverser un deuil, et Dieu sait si on peut en traverser plusieurs dans une vie, c'est aussi une opportunité de mieux se connaître.

  • Speaker #0

    Ah mais tout à fait, tout à fait, parce que cela nous met...

  • Speaker #1

    C'est pour l'opportunité, bon je sais que ça peut...

  • Speaker #0

    Oui, non, mais alors disons que toute épreuve peut nous faire grandir ou nous mettre par terre. Clairement... Ça veut dire être mis en face de quelque chose qui va falloir, personne ne dit qu'il faut à tout prix, mais si on veut être du côté de la vie et de continuer à vivre. effectivement, cela demande à regarder en face un certain nombre de ces peurs, qui peuvent être la peur de la solitude, la peur du vide, la peur de ne pas arriver à combler tous les espaces qui auparavant étaient remplis par de la présence, par des échanges, par des gestes, de la tendresse, de l'amour, du partage, plein de trucs. Donc... C'est vraiment l'anéantissement total. Et là, pour parler de la perte du conjoint et de la conjointe, parce que je pense que par rapport aux enfants, c'est encore autre chose. Et puis, il y a plein d'autres deuils. Mais c'est vrai que pour les enfants, c'est encore autre chose. Mais il y a quelque chose de comment, effectivement, quand tout est par terre, on ne va pas reconstruire la même chose, on va reconstruire autre chose. Ça sera peut-être différent, ça sera peut-être... plus modeste, ça sera peut-être plus dépouillé, ça sera peut-être différent parce que ça ne sera plus qu'à notre image à nous et pas à l'image des deux dans l'histoire du couple on parle d'une construction d'une maison où les deux choisissent mais symboliquement c'est qu'est-ce que je reconstruis pour moi quelque chose dans lequel je vais me sentir bien dans lequel je vais me sentir à ma juste place donc ça vient questionner l'identité, qui suis-je Qui étais-je avant ? Avec l'autre, il y avait le regard de l'autre qui faisait de moi ce que je me sentais être. Et là, il y a, si le regard de l'autre ne me définit plus, qui suis-je ? Ça peut être très vertigineux, cette question-là.

  • Speaker #1

    Chaque deuil, en fait, c'est en fonction de l'histoire de la personne, de ce qu'elle était avant, de ce qu'elle va reconstruire ensuite. Parce que là, comme ça, parler de joie, c'est peut-être pas à chaque fois.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans les groupes de paroles, il y a beaucoup de rire. Quand on me dit Oulala, ça doit être difficile, ça doit être quand même pas simple, ça doit être plombant d'animer des groupes de parole non. Il y a des moments de rire, il y a des moments, et puis bon, on parle d'humour noir, mais il y a des moments d'autodérision. Et je pense que c'est très nécessaire et que le rire est vraiment hyper important. C'est aussi se reconnecter avec ça et ne pas être tout le temps dans et la plainte Et... tourner en rond dans sa cage de chagrin, parce qu'il est également parfois, pour certaines personnes, presque rassurant de rester en lien avec le chagrin, puisque le chagrin, ça veut dire je n'oublie pas l'autre, je suis avec lui. Il y a une grosse peur d'oublier, il y a une grosse peur de ne plus se souvenir, il y a une grosse peur que l'autre disparaisse. Si on n'est plus dans le chagrin, et j'en parlais encore, justement, on entretient tout à l'heure, en fait, il y a une grosse différence entre ce qui n'existera plus jamais, c'est-à-dire la vie avec l'autre, et l'autre, qui continuera d'exister, simplement, dans notre cœur, dans notre tête, dans nos souvenirs, dans notre vie, parce que l'autre fait partie de nous et parce que l'autre nous a aussi permis d'être ce qu'on est aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Comment, toi, ça t'impacte ? toutes ces rencontres ? Comment ça t'impacte ? Comment t'arrives à mettre de la distance ? Est-ce que t'y arrives ? Est-ce que des fois c'est plus difficile ? Est-ce qu'il y a des rencontres qui font que ça te travaille un peu plus ?

  • Speaker #0

    Eh bien, curieusement, je pense que ça ne m'impacte pas du tout de manière négative. Je trouve qu'à chaque fois, après chaque groupe de parole, même café d'œil et même les entretiens individuels que je propose quand même régulièrement, je trouve qu'il y a beaucoup d'espoir. dans les ressources de l'être humain à chaque fois. Et je vois comment les groupes de parole ont cette capacité de faire que lorsque les personnes ressortent, elles se sentent regonflées, nourries. Alors ça ne veut pas dire que ça a duré pendant des semaines, mais elles disent quand même la plupart qu'elles se sont senties rechargées en énergie, en confiance. et puis dans le partage et dans le sentiment de ne pas être toute seule. Donc c'est vraiment une communauté humaine, et même si c'est une communauté de partage qui se fait effectivement dans le chagrin, dans la peine, il y a quand même quelque chose de cet ordre-là, de se relier à d'autres êtres humains qui vivent la même chose et qui, même dans leur chagrin le plus profond, sont capables de s'écouter. Et de se réconforter. Il y a une chose importante, c'est la consolation. On n'en a pas trop parlé, mais la consolation. Même quelqu'un de très désespéré, très impacté par le chagrin de la perte de l'autre. Je crois que ce qui fait du bien, c'est tout ce qui est en termes de gestes, en termes de regards, en termes d'actes, en termes de paroles aussi.

  • Speaker #1

    Excuse-moi, je t'interromps. Comment justement, parce que là aussi on peut être très maladroit, comment on peut consoler ?

  • Speaker #0

    Il y a des personnes qui n'aiment pas être prises dans les bras. Donc là, il faut respecter. On le sent tout de suite, quelqu'un qui ne peut pas. Des fois, elles ont le premier rejet, la première réaction de mise à distance. Et puis finalement, des fois, si on reste un petit peu, on dit allez, ça va là Pour que les personnes puissent s'abandonner. Donc là, il n'y a pas de mots, mais il y a juste un contact. Parce que beaucoup de personnes en deuxième disent que plus personne ne les touche, plus personne ne les embrasse, plus personne ne les prend dans les bras. que ça, c'est terrible, ça leur manque énormément.

  • Speaker #1

    Il y a vraiment, tu vois, et ça me touche au moment où j'en parle là, c'est marrant, c'est ce mot de consolation et d'inconsolable, il y a tellement cette peur aussi en voulant consoler, de réveiller, quelque chose de se dire, ah, il y a peut-être une douleur qui était endormie, mais en voulant consoler, je vais la réveiller, enfin tu vois.

  • Speaker #0

    Si la douleur est réveillée, c'est qu'elle est là. Parfois la douleur qui était à l'intérieur, il vaut mieux qu'elle s'exprime et qu'elle sorte. alors elle est réveillée, elle va pouvoir s'exprimer. Si c'est par les pleurs, si c'est par effectivement déclencher quelque chose. Après, il faut se sentir soi-même en capacité de pouvoir l'accompagner, cette douleur. Mais alors, c'est effectivement prendre dans les bras. Et puis, les paroles consolantes, c'est je suis là. Tu peux avoir envie de... Est-ce que tu as envie d'en parler ? Si la personne dit non, OK, c'est OK. Mais je suis là. Après, il y a plein de manières de... par des gestes, par des attitudes corporelles, des postures, par des mots, par des attentions. Il y a plein de choses qui permettent, il y a le verbal et le non-verbal, mais il y a toujours quelque chose.

  • Speaker #1

    Et même si on ne va pas dans un groupe de parole, finalement, c'est peut-être bien de savoir aussi qu'il y a des thérapeutes et qu'on peut aussi aller aborder la question de la mort, qu'on soit endeuillé ou pas, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Alors après, tous les thérapeutes ne sont pas formés à cette question-là. Moi, je sais. Sur le terrain que je connais ici, il y a des thérapeutes qui sont très mal à l'aise avec ça. Ce n'est pas parce que tu es psychologue que tu sais répondre à tout, et que tu as un mode d'emploi pour tout, et les bons mots pour tout. Donc il faut juste choisir la personne avec laquelle on se sent en confiance, et qui a en capacité d'accueillir, d'écouter, d'accompagner. Mais, et la consolation, elle est importante. Il y a des mots de consolation que des psys peuvent tout à fait, que ce soit psychologue ou psychologue. psychothérapeute, psychoparadicien, ce qu'on veut. Il y a des postures à avoir, il y a des choses à connaître sur le processus de deuil. C'est un vrai processus.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est Christophe André qui a écrit un livre sur la consolation.

  • Speaker #0

    Il a beaucoup écrit là-dessus. Et c'est vraiment important, parce que je pense qu'on n'ose pas suffisamment aller là-dessus. Mais alors, il y a les consolations aussi. que l'on attend, mais est-ce qu'on est capable de dire de quoi on a besoin quand on est dans la détresse la plus profonde ? On peut dire non ça, non ça, ça, j'ai pas envie, ça, j'ai pas besoin, bon, on peut dire des tas de choses, mais après, est-ce qu'on peut aussi oser proposer ?

  • Speaker #1

    J'aimerais terminer cette heure, alors ensuite on pourra peut-être prévoir de faire d'autres émissions, parce que je pense qu'il y aurait énormément de choses à dire, et comme on est dans un monde en joie, J'avais envie que tu nous parles d'une photo, que tu nous montres une photo qui te met en joie d'un objet et peut-être une musique.

  • Speaker #0

    La photo qui me met en joie, c'est la photo de l'océan et du mouvement des vagues, parce que c'est vraiment le côté sans cesse renouvelé du flux, du reflux, de l'énergie et de ce que peut... ce que peut transmettre l'océan. Voilà. Une musique, alors en ce moment, moi j'écoute beaucoup Clara Isay, qui est quelqu'un d'assez extraordinaire et qui a vécu un deuil parce que sa mère, qui était une philosophe et psychanalyste célèbre, c'était Anne du Fourmentel. En fait, s'est noyée en voulant sauver un enfant il y a quelques années de ça. Et Clara Isay, qui est une artiste incroyable, qui écrit, qui compose, qui chante et qui est quelqu'un que j'aime beaucoup. Alors, il y en a... Le monde s'est dédoublé, que j'aime particulièrement. Il y a plein de chansons d'elle qui sont extraordinaires parce qu'il y a à la fois du fond, il y a de la légèreté et de la profondeur. Et de la joie parce que cette jeune femme est... Une espèce de joie à la fois intérieure et d'éjarté, tout en ayant traversé notamment le drame, j'imagine, de la perte de sa mère. Mais il y a tout ce que sa mère lui a transmis et qu'on ressent vraiment. Et je trouve que c'est un beau symbole.

  • Speaker #1

    Et un objet ?

  • Speaker #0

    Un objet ? Alors, tu vois, j'ai un petit bracelet de pierre dans les tons verts, avec un peu de blanc et de... Voilà, qui... Ils sont là peut-être, alors voilà, il y a plein de vertus dans les pierres pour à la fois recentrer, mais aussi donner de l'énergie. Ça brille, c'est joli, voilà.

  • Speaker #1

    Je crois qu'on va s'arrêter là, parce qu'on aurait tellement de choses, on pourrait tirer beaucoup de fils. Merci Marie-Noël.

  • Speaker #0

    Merci Marlène, c'est toujours intéressant, ça permet de continuer à réfléchir à tout ça, puis à partager surtout.

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Description

Marie-Noëlle Chaban est thérapeute de couple et sexologue clinicienne en cabinet libéral.

Pour le CIDFF (Centre Information sur les Droits des femmes et Familles) et l'Espace Ecoute Veuvage de Dialogues et Solidarités, c'est en tant que conseillère conjugale et familiale qu'elle intervient auprès de ceux qui en ont besoin.


Je l'ai invitée dans ce podcast pour parler des groupes de paroles et des cafés deuil qu'elle anime pour venir en aide à ceux qui ont perdu un(e) conjoint(e).


Livre : Consolations (celles que l'on reçoit et celles que l'on donne) - Christophe André

La chanson qui la met en joie : Le monde s'est dédoublé - Clara Ysé


Conversation enregistrée à l'Atelier 68 à Angoulême (merci Nicole Lehmann).


Merci à Marie-Noëlle Chaban pour cet échange.



Vous avez aimé la conversation? Faîtes un don pour soutenir mon travail indépendant et non subventionné, un clic simple et sécurisé (Marlène Le Gal ❤️) :

https://www.paypal.me/unmondeenjoie






Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors regarde Marie-Noël, commence avec un petit T,

  • Speaker #1

    je me suis dit que ce serait pas mal. Oui, merci.

  • Speaker #0

    J'ai envie de te demander comment toi en quelques mots, en quelques phrases, tu te présenterais.

  • Speaker #1

    Alors, je me présenterais peut-être bien comme une optimiste de naissance, avec une grande curiosité concernant l'humain, concernant la nature aussi, concernant tout ce qui est évolution. De la naissance à la mort et après, peut-être quelque chose comme ça. Je me présente comme quelqu'un qui a déjà vécu pas mal de choses, mais qui a bien envie d'en vivre encore pas mal aussi. Voilà.

  • Speaker #0

    Et dans ta vie, si tu dois présenter tes activités, tes professions, dans quelle heure tu fais les choses ? Femme, mère, conjointe, amante ?

  • Speaker #1

    Tout d'abord, femme, en tout cas, c'est ce que j'essaie de prôner aussi bien dans ma pratique, donc mes pratiques professionnelles, qui sont des pratiques d'accompagnement, de soutien par rapport à tout ce qui sont les difficultés du quotidien, que ce soit au travers du couple, que ce soit par rapport à soi-même, à son histoire, à son... corps, à sa sexualité. Également, en termes d'identité, identité, justement, on parlait, comment on se présente, en tant que parent, en tant que mère, pour moi, ma part, je suis aussi une maman. J'ai été plusieurs fois dans une relation amoureuse, cohabitante ou pas cohabitante, d'ailleurs. parce qu'aujourd'hui, on parle de couple, mais je ne sais pas trop ce que ça veut dire, même si je suis un peu spécialiste de la question du couple et de la question, justement, de la séparation qui amène à la question du deuil, des deuils, parce que, voilà, il n'y a pas, pour moi, il y a plein de sortes de deuils, mais en fait, je pense que toute notre vie, on traverse des deuils et que peut-être que vivre, enfin, c'est apprendre aussi ça, quoi. Comment on peut rester debout en traversant tout un tas de tumultes, de tsunamis, de toutes ces choses-là, que sont notamment les séparations, les pertes, les deuils, que ce soit par la mort de quelqu'un, ou le fait de quitter, d'être quitté, de perdre, c'est-à-dire de la perte.

  • Speaker #0

    Et alors avant de perdre, tu interviens aussi sur les relations de couple, la difficulté. Qu'est-ce qu'on peut dire ? La difficulté à s'aimer, à s'entendre ?

  • Speaker #1

    Oui, la difficulté à... Je pense que c'est d'abord la difficulté à s'aimer soi-même et la difficulté aussi à entretenir la flamme du lien. Alors on met le mot amour, qu'est-ce que ça veut dire ? Beaucoup de gens mettent, projettent, chacun projette ce qu'il peut dans cette histoire-là de l'amour. Pour ce qui est en rapport avec la perte, avec le deuil, ça vient questionner ce qui nous a reliés à l'autre, quelle était la nature de ce lien. Toi,

  • Speaker #0

    tu es thérapeute, psychologue ?

  • Speaker #1

    Alors, au départ, j'avais un peu démarré en tout cas en tant que conseillère conjugale et familiale. Ensuite, je... J'ai eu envie d'approfondir toute la question de la sexualité par un diplôme universitaire en sexologie. humaine et puis ensuite j'ai continué en sexo avec des approches autour plutôt du corps en sexo corporel fonctionnel tout ce qui a été ensuite approfondir ce qui était la thérapie de couple la prise en charge thérapeutique des couples j'ai également suivi des formations concernant l'hypnose thérapeutique Après tout ce qui a été formation autour de la question du deuil et notamment par rapport au veuvage, la perte d'un conjoint ou d'une conjointe et aussi pour les enfants la perte d'un parent. Tout ça c'est des choses que tout au long de la vie j'ai pu approfondir. Que dire d'autre ? en diverses structures associatives. Depuis 27 ans, pour le Centre d'information sur le droit des femmes et des familles en Charente et depuis une vingtaine d'années en libéral. Donc là, je reçois des personnes qui viennent par rapport à des problématiques familiales, des problématiques de couple, des problématiques de rupture, de séparation, des problématiques de confiance en elles-mêmes, des problématiques de... de parentalité, de deuil aussi, de perte d'un parent pour des adultes, et puis tout ce qui est consécutif aux conséquences d'une rupture, d'une séparation. Voilà, donc je reçois aussi, ça m'arrive de recevoir des familles, des familles de parents avec des enfants adultes, autour de conflits familiaux, de besoin de mettre en mots des choses qui n'ont jamais pu être exprimées. Ça permet d'être à la fois témoin et de pouvoir aussi permettre une autre expression et d'aider les personnes à trouver des solutions qu'elles ont en elles-mêmes la plupart du temps.

  • Speaker #0

    Comment ça se partage un petit peu ton temps ? Est-ce que tu arrives à le voir ça ? Est-ce que ta semaine, est-ce qu'il y a plus de problématiques de deuil ? Est-ce que c'est la sexualité ? Pas de sexualité, mais des couples qui viennent te voir parce qu'il a une... Ça, c'est pas le problème, mais autre chose. Enfin,

  • Speaker #1

    comment... Alors, moi, au niveau du cabinet, du côté libéral, en fait, il y a des personnes qui viennent en disant Je viens d'abord vous parler. Alors, souvent, la porte d'entrée, ça peut être la problématique sexuelle. Mais bien souvent, c'est juste l'arbre qui cache la forêt ou bien c'est la partie visible de l'iceberg. C'est-à-dire qu'il y a effectivement... Une problématique qui a trait à la sexualité, au désir ou à l'absence de désir, problème de libido, problème de communication dans le couple, et souvent tout est lié, le problème d'usure via le temps, via la routine, comme si la routine c'était quelque chose qui tombait du ciel, alors que c'est bien nous qui la fabriquons. Et puis les problématiques autour des enfants, problématiques parentales, les gens qui se perdent de vue. Et parfois des couples qui viennent ensemble, on travaille quoi ? Quelle est leur demande en fait ? Est-ce qu'ils s'aiment encore ? Et ça c'est la question compliquée parce qu'on ne va pas la poser d'emblée. Est-ce que vous aimez encore ? Mais c'est une question qui va apparaître assez vite. Ça veut dire,

  • Speaker #0

    excuse-moi, que la plupart du temps les gens viennent et ce n'est pas forcément la première question. Et au final, au fur et à mesure, on se rend compte que c'est ça la question sous-jacente. Est-ce qu'on s'aime ? Est-ce qu'on s'est déjà aimé peut-être ?

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est la genèse de l'histoire. C'est-à-dire comment tout ça a commencé, dès le début. Qu'est-ce qui les a fait se rencontrer ? Qu'est-ce qui les a liés ? Qu'est-ce qui les a reliés ? Est-ce qu'il y avait alchimie, pas alchimie ? Sur quoi ça s'est construit ? Sur quelle fondation s'est construite la maison du couple ? Et on le voit aussi dans l'histoire du deuil. Est-ce que ce couple était un couple fusionnel ? Est-ce qu'il y avait de l'autonomie de part et d'autre ? Est-ce qu'il y avait des centres d'intérêt et des manières de vivre le quotidien avec d'autres relations amicales, d'autres centres d'intérêt ? Ou est-ce que tout tournait autour du couple ? couple et de la famille, donc il y a beaucoup de questions à poser.

  • Speaker #0

    Avant qu'on continue, qu'est-ce que ça t'évoque, un monde en joie, et qu'est-ce que c'est pour toi, la joie ?

  • Speaker #1

    Pour moi, la joie... C'est peut-être la capacité, même au milieu du désastre, de pouvoir découvrir qu'il y a un rayon de soleil, qu'il y a quelque chose comme ça qui va susciter une émotion joyeuse, comme un rire. Pour moi, la joie, il y a quelque chose de l'ouverture, il y a quelque chose du sourire, voire du rire. Et puis... Quelque chose qui t'envahit, qui est plus fort que la mort, par exemple, dans l'histoire de la joie. Alors, c'est une joie qui peut être partagée ou c'est une joie qui peut être très, très, ou intériorisée, ou solitaire, et qui a à voir aussi peut-être avec l'émerveillement, de s'émerveiller de la beauté. de quelque chose ou de quelqu'un et puis quand on dit quelque chose qui nous met en joie c'est peut-être de savoir que quelque chose va être possible donc il y a quelque chose avec ouvrir le champ des possibles dans la joie alors moi ce qui me vient dans un monde en joie c'est il y a quelque chose de moment de communion avec d'autres qui partagent un moment même si c'est pas longtemps cette même énergie parce que je pense qu'il y a de l'énergie dans la joie et il y a quelque chose qui te porte qui te tire vers le haut donc pour moi c'est quand même associé aux couleurs c'est quand même associé à une certaine sensation de liberté et d'expression d'expression où on sort des carcasses qu'on sort des limites que nous impose, ou qu'on s'impose d'ailleurs, ou que nous impose parfois certains carcans sociaux, ou que nous-mêmes nous imposons pour aller au-delà. C'est quelque chose de l'ordre de la transcendance ou de explosion, on parle d'explosion de joie, un peu comme un espèce de jet de fontaine qui jaillit, quelque chose comme ça. Cette image me plaît assez de quelque chose comme ça, qui monte vers le ciel, le soleil, quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que ta joie a évolué ? Est-ce que tu as des souvenirs d'enfants, de moments de joie ? Est-ce que ta joie dans ton enfance, c'est la même que ta joie d'adulte ?

  • Speaker #1

    Il y a une joie qui est toujours la même. J'y pensais l'autre fois sur mon vélo. Quand je suis dans un endroit que j'affectionne particulièrement, qu'il fait beau, que je suis sur mon vélo, et ça me rappelle quand j'étais gamine, et que j'avais cette liberté à l'époque de partir dans la campagne sur mon vélo, et une espèce de jubilation, alors jubilation, je vois, je sais pas, mais d'être sur mon vélo, et d'avancer sur mon vélo, et d'être dans la nature, d'être en lien, sentir l'air sur ma peau, et aller vers quelque chose. Il y avait toujours un but. Moi, j'allais à la campagne chez une vieille tante chez qui je passais une partie de mes vacances, rejoindre les copains, la bande de copains, en creuse. Et la liberté qui était rattachée parce qu'en fait, il y avait une dizaine d'années. Et à l'époque, on pouvait vraiment se balader tranquillement. En tout cas, c'est ce que je ressentais. Donc, il y avait cette joie liée à la liberté, peut-être aux vacances, aux vacances. à la nature. C'est vraiment relié, je pense, à ça. Après, une autre forme de joie, pour moi, c'est de danser avec des personnes qui sont un peu en phase, dans un moment de fête. Et ça, ça peut être aussi une expression de joie qui est très différente.

  • Speaker #0

    Est-ce que cette joie d'enfant, alors tu dis que tu y es repensée sur ton vélo, est-ce que c'est la même ? Est-ce qu'elle a été transformée par les épreuves, par la vie ? Ou est-ce qu'il y a un endroit où c'est complètement intact ?

  • Speaker #1

    Alors je pense que quand on est enfant, on trouve que tout est normal et naturel. On ne se pose pas la question quand on arrive à l'âge que j'ai. Peut-être qu'on se dit que c'est vraiment un cadeau et une chance. Voilà, peut-être que ce serait ça la différence.

  • Speaker #0

    Ça veut dire que c'est plus fort ?

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est ressenti comme plus précieux.

  • Speaker #0

    Quand tu étais enfant, tu savais ce que tu allais faire plus tard ? Je veux dire, à l'adolescence, est-ce que tu avais envie d'être dans le soin ?

  • Speaker #1

    Oui, clairement. Alors, à un moment, je me souviens, à un moment, quand j'étais gamine, je me disais, je veux être en centre social. Après, psychologue. Puis après, j'ai eu un moment où j'ai arrêté les études, où j'ai voulu vivre autre chose, la nature, justement, le retour aux sources, tout ça. Et finalement, après, j'ai repris des études. Et en fait, clairement... J'ai été confrontée au deuil quand j'avais 27 ans, de la perte d'un enfant. Et là, quand j'ai vu aussi combien nous on avait la chance d'avoir été entourés, d'avoir été vraiment bien accompagnés, et que j'ai vu à l'hôpital notamment des parents qui étaient réellement... en souffrance et qu'il n'y avait pas cette solidarité autour d'eux, là, je me suis dit, oui, il y a du boulot. Et c'est comme ça que j'avais repris des études et que j'ai vraiment eu envie de travailler sur cette question. Et je me rends compte que la question du deuil, elle a été totalement un fil rouge tout au long de ma vie et de ma vie professionnelle.

  • Speaker #0

    Ça veut dire qu'avant la perte de cet enfant, donc tu avais 27 ans, tu avais un autre chemin avant ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, j'ai... J'avais eu un enfant assez jeune. Après, il y avait la perte de ce bébé. Et ensuite, il y a un troisième qui a été gravement malade, qui a failli mourir. Donc, on a beaucoup aussi fréquenté les hôpitaux. Il a été opéré du cœur deux fois. Enfin bon. Donc, c'est là où... Parce qu'auparavant, je n'avais pas beaucoup de temps pour travailler. En fait, j'avais repris, j'étais plus dans... Tout ce qui était l'animation et des choses qui étaient beaucoup moins psy. Et après, vraiment, je me suis dit, non, mais en fait, c'est vraiment l'histoire du soin, de l'accompagnement. Les choses un peu moins légères, mais plus... Et puis, j'avais fait de l'accompagnement socioprofessionnel. Enfin, j'ai fait différentes choses autour de plus de l'insertion, de l'aide à l'insertion, puis de l'animation socioculturelle, des choses comme ça. Et ensuite, peu à peu, je me suis dit, non mais vraiment, moi, ce qui me tient à cœur, c'est ça. Il faut aimer les autres, quels qu'ils soient, et les prendre comme ils sont, là où ils sont. Et clairement, les événements douloureux de la vie, enfin moi en tout cas, m'ont amenée à questionner ces moments-là, pour les transformer, pour en faire quelque chose. Et en faire quelque chose dans le sens de la vie.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'à un moment donné, la joie n'était plus là.

  • Speaker #1

    La joie n'est plus là quand il y a le chagrin, quand il y a la perte, quand il y a, bon, clairement, je veux dire, le corps de toute façon, enfin, c'est le corps qui accuse le choc, qui accuse la... C'est quelque chose de totalement physique. On parle des tripes, on parle de tout ça. Donc, clairement... Avant que la joie revienne, il peut y avoir des petits moments de joie très fugaces. On le sait, même lors d'obsèques, on peut avoir des moments où il y a de la communion. Quand il y a de la communion, quand tout le monde se réunit autour de quelqu'un, autour de quelque chose, et qu'il y a de nouveau de l'espoir ou de l'espérance, comme on veut, il y a une forme de joie dans la peine. Donc trouver la joie dans la peine... Je ne dis pas que ce n'est pas quelque chose qu'on peut chercher, c'est quelque chose qui se vit ou qui ne se vit pas. Mais je me souviens de moments où on aperçoit des petits rayons de lumière au bout du tunnel où on se dit qu'il y a quand même quelque chose qui est possible. Et pour moi, la nature est aussi d'un grand enseignement par rapport à ça. Même quand tout semble absolument détruit, que tu as l'impression qu'il y a des ruines. Je me souviens, j'avais choisi pour... Pour illustrer mon mémoire sur le deuil de l'après-couple, c'était une femme qui pleurait sur les ruines de sa maison avec, je ne sais plus s'il y avait un enfant ou pas dans ses bras d'ailleurs, mais il y avait quelque chose de cet ordre-là. Il y a des ruines, oui, ou alors j'aime beaucoup cette autre image de l'oiseau phénix qui renaît de ses cendres. Je trouve que c'est vraiment ça parce qu'on a l'impression que tout n'est plus que cendres, mais en fait oui, on peut renaître quand même.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'au travers de ces cafés d'œil, c'est peut-être tout ça que tu as envie de transmettre ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a eu d'abord, avant les cafés d'œil, la proposition de Dialogue et Solidarité, qui émane de l'OCIIRP, qui est un organisme commun des institutions de rente de prévoyance. Donc c'est un peu un pot commun dans lequel toutes ces institutions vont financer des actions, dont une action autour de l'accompagnement. au veuvage, il y a d'autres actions autour de l'orphelinage pour les enfants orphelins, il y a des actions autour du handicap et autour du mieux vieillir. Et parmi toutes ces actions, il y a le financement d'antennes de l'association Dialogue et Solidarité qui permet l'ouverture d'espaces d'écoute, d'accompagnement. au deuil par veuvage. Et donc, ce sont les centres d'information sur les droits des femmes et des familles, généralement, qui sont financés et qui proposent ce type de prestations. Ça veut dire que c'était en 2009, donc dès 2009, le CIDF de la Charente s'était proposé pour ouvrir un espace, une antenne. Et donc, en fait, c'était l'initiative à l'époque, Isabelle Moreau, qui a été directrice au moment du CIDFF. Et moi qui étais très intéressée pour pouvoir animer cet espace-là. Donc on a fait la demande et puis ça a été accepté, financé. Et à partir de là, moi j'avais donc des permanences d'accueil pour des personnes qui avaient perdu un conjoint ou une conjointe. Et la possibilité d'ouvrir des groupes de parole. Donc ça, ça a été 2009-2010, l'ouverture de ces groupes de parole. une fois par mois. À un moment, j'ai été jusqu'à quatre groupes de paroles par mois, donc ça faisait quand même beaucoup de monde.

  • Speaker #0

    Comment ça se passe concrètement ?

  • Speaker #1

    L'idée d'un groupe de paroles, c'est de pouvoir permettre une expression qui est dans un groupe qui est un groupe d'entraide. Il n'y a pas quelqu'un qui est le sachant ou la sachante. On favorise l'expression, la parole. Pour des personnes qui vivent toutes et tous des situations similaires, à savoir la perte d'un conjoint ou d'une conjointe.

  • Speaker #0

    C'est que la perte d'un conjoint ou d'une conjointe ?

  • Speaker #1

    Alors, pour dialogue et solidarité, oui, on appelle ça veuvage. Alors, veuvage n'est pas un joli mot en français, c'est plutôt moche. Veuvage, mais en tout cas, ce sont des personnes en situation de veuvage. Ça veut dire ou récents, ou parfois des personnes qui viennent au bout de 3-4 ans, des personnes qui cohabitent ou pas. C'est-à-dire que ça peut être effectivement... Quelqu'un avec qui on entretenait une relation sans cohabitation, parfois même des personnes qui vivaient une relation cachée, c'est encore plus compliqué parce qu'elles ne sont pas le ou la partenaire officielle, donc c'est plus compliqué encore. Couple de même sexe ou pas, enfin voilà, c'est vraiment ouvert sans condition, c'est gratuit, totalement gratuit. L'idée du groupe de parole, c'est contrairement au café d'œil, le café d'œil c'est une fois. sont anonymes, on ne sait pas qui sont les personnes qui viennent. Le groupe de parole, il y a d'abord des entretiens pour vérifier que la demande est bien adaptée à ce qu'on peut proposer. Ensuite, une inscription sur la durée. Le groupe de parole, ce n'est pas je viens consommer, je viens, je viens pas, je préviens, je préviens pas. C'est vraiment un engagement dans la durée. Alors la durée, il n'y a pas de durée max, mais on va dire qu'il y a une durée quand même minimum. De toute façon, les personnes ne viennent pas deux fois ou trois fois. C'est neuf mois, un an en gros. Et bien sûr qu'il y a des règles, il y a un cadre, comme dans tout groupe, de soutien, d'entraide, qui sont le non-jugement, le respect de la parole de l'autre, ce qui... Il dit dans le groupe, ne sors pas du groupe, enfin voilà, toutes ces questions de confidentialité qui sont vraiment le cadre posé. Donc les groupes de parole, c'est une réunion par mois pendant deux heures.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'il dit dans ces groupes de parole ? C'est anonyme ?

  • Speaker #1

    Alors c'est anonyme, les personnes qui se présentent connaissent leur prénom et il se dit beaucoup de choses très intimes, c'est-à-dire avant tout la première expression, c'est l'expression de la peine, du chagrin, de la douleur, de la perte, de l'impression... de ne pas y arriver et de dire je viens dans le groupe parce que j'ai vraiment besoin d'abord de rencontrer d'autres personnes qui vivent des choses similaires, même si c'est jamais la même chose, on se comprend, ça a besoin d'expliquer, de ne pas entendre toutes les paroles malheureuses qui sont souvent dites, du genre pour les personnes assez jeunes, oh mais t'es jeune, tu vas retrouver quelqu'un, ou... Oh, mais vous avez quand même, pour les personnes plus âgées, vous avez quand même eu une belle vie.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que parfois, on veut aider et rassurer. C'est ce qu'on doit dire.

  • Speaker #1

    Alors, on est en train de travailler avec Dialogue et Solidarité, d'abord sur une deutéque. C'est-à-dire, non pas un petit livret mode d'emploi, parce que dans la deutéque, il y aurait plein de choses, mais effectivement, quelles sont les paroles consolantes ? Qu'est-ce que les personnes attendent ? En tout cas, ce qu'ils expriment vraiment, c'est que dans les paroles malheureuses, il y a… Ah, bonjour, comment tu vas ? Je ne vais pas bien. Comment vas-tu ? Non. C'est vrai que c'est le truc comme ça, réflexe de bonne éducation. Et puis, dans les paroles malheureuses, il y a tout ce qui est la négation. de ce que peuvent ressentir les personnes. Ou dire, maintenant ça fait quand même 8 mois, 12 mois, ça fait un an, quand même il serait temps de passer à autre chose. C'est des paroles maladroites la plupart du temps. Et en fait, dans les paroles consolantes, beaucoup de personnes disent que c'est plutôt, est-ce que tu as besoin de quelque chose ? De quoi as-tu besoin ? Et pareil, il y a beaucoup de gens qui disent mais tu m'appelles, on se voit Mais en fait, elles ont besoin qu'on les appelle et qu'on leur propose, parce qu'elles ne sont pas en capacité de proposer quoi que ce soit. Et il y a une grosse culpabilité, oui, mais je vais encore plomber l'ambiance, et puis de toute façon, je ne peux faire que parler toujours de la même chose, je vais les saouler Donc les personnes se referment. Il y a des personnes aussi qui disent mais moi j'aimerais qu'on me parle de mon conjoint, de ma conjointe et en fait ils n'osent pas en parler, ils font encore pire comme s'ils n'avaient pas existé ou qu'ils n'avaient pas existé. Donc il y a toutes ces questions, il y a toutes les questions autour des enfants, quand il s'agit de grands enfants qui ont eux-mêmes effectivement un chagrin et ils ont peur de raviver le chagrin de leurs parents, du parent restant et donc ils ne parlent de rien. Et les paroles des mémoires, j'ai besoin qu'on parle, j'aurais besoin qu'on regarde des albums ou qu'on évoque des souvenirs. Donc c'est toujours compliqué parce que comme il n'y a pas de communication, il y a de vrais malentendus parce que rien n'est exprimé.

  • Speaker #0

    Ce qui est déjà un petit peu vrai en temps normal, on va dire, et là c'est complètement exacerbé.

  • Speaker #1

    Il y a des projections, je pense, parce qu'on se dit moi j'aurais besoin de ça mais ce n'est pas parce que moi j'aurais besoin de ça que l'autre a besoin de la même chose. Il y a beaucoup de peur, il y a beaucoup de gêne. Les gens ne savent pas quoi dire. Ils ne savent pas quoi dire quand ils rencontrent quelqu'un qui vient de vivre la perte d'un être cher. Ils sont très gênés souvent parce que la mort, ça reste encore très tabou. On parle plus facilement de sexualité que de mort encore. Comme on est dans une société où on veut gommer toutes les marques du temps, du vieillissement, de la maladie et donc de la mort, et que tous les rituels qui étaient associés ont peu à peu disparu. On ne voit plus de cortège funéraire traverser les villes, les cimetières sont à l'écart. Puis comme les gens, enfin avant les gens au moins se retrouvaient à l'église, et souvent l'église était au centre du village ou au bord de la ville. Il y avait les veillées dans les maisons, les veillées mortuaires étaient dans les maisons, il y avait des vrais rituels. Alors il y a encore quand même les rituels de l'après, après les obsèques où les gens se retrouvent pour partager un moment autour d'un repas partagé ou de quelque chose qui va créer du lien. On va parler de la personne disparue, on va discuter et tout ça. Bon, le Covid a fait beaucoup de mal, enfin le Covid, pas le Covid en lui-même, les mesures qui ont été prises. qui ont été horribles pour les gens endeuillés, qui ont rajouté du trauma au trauma pour beaucoup de personnes. Parce que dans des conditions, que ce soit à l'hôpital, que ce soit les obsèques, certaines pompes funèbres, qui ont vraiment été appliquées de manière drastique, ça a beaucoup compliqué les cérémonies.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça a changé quelque chose durablement ou pas ?

  • Speaker #1

    Il y a un certain nombre de personnes qui ont davantage d'exigences parce qu'ils ont justement des fois loupé totalement ou été privés de revoir et de rituels. Donc si jamais ils ont le malheur de revivre d'autres deuils, d'autres pertes, la mort d'autres proches, ils ne veulent pas qu'on leur confisque cette fois.

  • Speaker #0

    C'est cet événement aussi important autour de l'accompagnement, qu'on appelle sa dernière demeure, quelle qu'elle soit, même si c'est une crémation. Et ça, c'est peut-être un peu nouveau, oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que c'est faire son deuil ? Est-ce qu'on doit vraiment faire son deuil ?

  • Speaker #0

    Personne ne fait son deuil, parce que faire son deuil, ça voudrait dire à un moment c'est fait, on n'en parle plus, on met un mouchoir par-dessus. Non, on traverse un deuil. On peut imaginer que ce deuil, peu à peu, va... Sur un chemin à avancer, progresser, on parle d'avancer sur un chemin de deuil, que peu à peu ce sera moins douloureux, que l'évocation de la personne disparue ne sera plus une plaie béante ouverte, donc elle est sur la cicatrisation. Le temps va faire son travail. Après ce qui permet aussi d'avancer, c'est l'accompagnement, la solidarité. l'entourage, la capacité que chaque personne va avoir plus ou moins aussi à élaborer autour de tout ça parce que un deuil vient en chercher d'autres forcément et ça peut réouvrir des blessures qui finalement n'étaient pas tant refermées que ça, ça peut convoquer des angoisses qui avaient été un peu... Protégée par la personne qui était conjoint ou conjointe. Et pendant tout ce temps-là, ces angoisses ont été un peu mises sous cloche. Et donc, ça libère tout ça. Donc, ça renvoie à soi-même. Ça renvoie, bien sûr, à... Des questions très philosophiques sur sa propre finitude. Qu'est-ce qui va se passer ? Est-ce que je serai seule ? Est-ce que je vais être malade ? Qui m'accompagnera ?

  • Speaker #1

    Je vois deux choses. Quand tu disais qu'on ne savait pas quoi dire à une personne qui est en deuil, parce qu'effectivement, je pense qu'on a peur de la blesser. Et puis après, il y a la confrontation à sa propre mort.

  • Speaker #0

    À nos propres peurs. On le voit par exemple, un couple qui va voir une personne, ils connaissaient le couple maintenant, ils s'adressent à une personne. Donc il y avait des amitiés de couple qui ne résistent pas dès l'instant où le couple est dissous pour l'un des deux. Donc beaucoup de personnes disent c'est comme si c'était contagieux. Alors bien sûr que ça ne l'est pas. Je crois que c'est surtout ce que les couples qui rencontrent un ou une amie en deuil de son conjoint, de sa conjointe, eh bien, ça leur envoie quelque chose, ça pourrait nous arriver à nous. Et c'est juste quelque chose d'impensable. C'est-à-dire qu'en fait, beaucoup d'êtres humains n'arrivent pas à penser à leur mort, à leur fin. Il évacue, c'est le déni total, comme si on était immortel, comme si on pouvait continuer indéfiniment. Et là, on ne peut pas l'évacuer et ça saute à la figure de beaucoup de personnes. On peut dire, mais ça aurait pu être moi, ça aurait pu être nous. Et effectivement, il faut avoir une bonne dose d'amour en soi. de solidité, de sérénité, pour être avec quelqu'un qui va très mal, qui pleure beaucoup, qui est complètement démuni, désespéré parfois, et être là, et pas s'enfuir, et rester là, et rien dire, enfin, pas obligé de dire quelque chose, mais être là, être là et dire mais moi je suis là, même si je dis rien, et puis parfois qu'est-ce qu'on peut dire, qu'est-ce qu'on peut faire, parfois dire non, mais faire. porter un repas, prendre soin, faire des courses, s'occuper de ce qui a à s'occuper, aider dans les démarches. Et puis à un moment, proposer, tiens, on va sortir, tu n'as pas envie de sortir, mais ce n'est pas grave, on va quand même sortir, prendre l'air, peu à peu se remettre dans la vie parce qu'il y a les paroles, mais il y a les actes. C'est-à-dire les actes, c'est qu'est-ce qu'on partage, qu'on peut partager un petit moment, on va aller marcher ensemble, on va aller voir la mer ensemble. Je ne sais pas, enfin, il y a plein de choses comme ça, même si c'est aller voir une expo pour pendant un temps s'oublier. Je recevais tout à l'heure une personne qui me disait, je sens le besoin de m'extraire de moi-même pour justement aller vers les autres et m'oublier un peu moi et ne plus rester juste avec ma peine, parce qu'on peut être en couple avec sa peine, on a été en couple avec l'autre. Comme l'autre n'est plus là, c'est la peine qui remplace. Et du coup, la peine devient l'autre.

  • Speaker #1

    Tout ce que tu dis, c'est vrai aussi quand on a perdu un enfant.

  • Speaker #0

    Alors, il y a en plus, beaucoup de gens disent, ah oui, mais le plus horrible, c'est ça. Parce que perdre un parent, perdre un... Mais perdre un enfant, beaucoup de personnes disent dans l'échelle, comme s'il y avait des échelles à la douleur de la perte. Ça, c'est quelque chose d'abord qui n'est pas dans l'ordre des choses. Alors effectivement, bien sûr, perdre son grand-père, sa grand-mère ou même ses parents quand ils sont âgés, on peut dire que c'est dans l'ordre des choses. Mais il y a quelque chose d'une profonde injustice, ce n'est pas dans l'ordre des choses. Eh bien, cette histoire-là de la mort d'un enfant, ça apparaît comme insupportable, inacceptable. Et n'empêche que, comment faire un parent pour traverser ça ? Et selon l'âge de l'enfant, quand c'est un accident, moi j'ai accompagné des personnes avec un bon accident de la route, un enfant, 15, 16 ans, 17 ans, une amie de ma fille qui est décédée sous une avalanche, elle avait 17 ans, sortie avec prof de sport dans les Alpes, et deux adolescents qui meurent, ils partent le matin en pleine forme, et voilà. Donc là, il y a des deuils extrêmement, extrêmement, extrêmement, effectivement compliqués. Il faut énormément d'amour autour. Et quand la personne était très, très fragile avant, clairement, ça va être beaucoup plus compliqué.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui est aidant ?

  • Speaker #0

    Je crois que ce qui est aidant, encore une fois, c'est de ressentir de l'amour autour. Alors, dans les groupes de parole, pour revenir au groupe de parole, on va dire que de l'amour, les gens ne se connaissent pas. Mais de ressentir... simplement qu'on ait écouté, entendu, compris, non jugé, et que beaucoup de personnes disent mais j'ai l'impression de devenir folle et bien de dire mais non, en fait, finalement, je ne suis pas fou, je ne suis pas folle Ce que je vis, d'autres l'ont vécu, ce que je traverse, d'autres le traversent ou l'ont traversé, c'est un itinéraire malheureusement un peu obligé, avec le côté hyper tortueux, avec le fait que... Ces moments, des montagnes russes, ça va un peu mieux, on croit que ça va mieux, puis bloum, on replonge et qu'il faut surfer sur la vague et que parfois il y a des périodes de rémission, on pense que ça va mieux, puis ça revient. Ça peut durer, il n'y a pas de temps, il n'y a pas de date limite où on dit au-delà de cette limite qui n'est plus valable, il y a des personnes pour lesquelles ça va mettre. plus longtemps que d'autres et encore une fois, il y a des médecins ou d'autres personnes qui disent non, normalement, c'est neuf mois, c'est un an, au-delà de temps, ce n'est pas normal, on parle de deuil pathologique Cette notion de deuil pathologique, à mon sens, elle est quand même assez rare. Il y a des personnes qui font comme si tout allait bien, non, je reprends le travail tout de suite, je mets plein de choses en place, je suis en activité constante et puis ça dure trois mois, six mois, puis à un moment où le corps rattrape et boum, le corps ne peut plus, où il se passe un truc et puis la personne effectivement elle s'effondre parce qu'elle n'a pas pris le temps des larmes, le temps de dire j'y arrive pas, du chagrin et de se laisser aller à ce chagrin-là.

  • Speaker #1

    Tu me reprendras si je dis quelque chose de complètement déplacé ? Mais j'ai l'impression que parfois, traverser un deuil, et Dieu sait si on peut en traverser plusieurs dans une vie, c'est aussi une opportunité de mieux se connaître.

  • Speaker #0

    Ah mais tout à fait, tout à fait, parce que cela nous met...

  • Speaker #1

    C'est pour l'opportunité, bon je sais que ça peut...

  • Speaker #0

    Oui, non, mais alors disons que toute épreuve peut nous faire grandir ou nous mettre par terre. Clairement... Ça veut dire être mis en face de quelque chose qui va falloir, personne ne dit qu'il faut à tout prix, mais si on veut être du côté de la vie et de continuer à vivre. effectivement, cela demande à regarder en face un certain nombre de ces peurs, qui peuvent être la peur de la solitude, la peur du vide, la peur de ne pas arriver à combler tous les espaces qui auparavant étaient remplis par de la présence, par des échanges, par des gestes, de la tendresse, de l'amour, du partage, plein de trucs. Donc... C'est vraiment l'anéantissement total. Et là, pour parler de la perte du conjoint et de la conjointe, parce que je pense que par rapport aux enfants, c'est encore autre chose. Et puis, il y a plein d'autres deuils. Mais c'est vrai que pour les enfants, c'est encore autre chose. Mais il y a quelque chose de comment, effectivement, quand tout est par terre, on ne va pas reconstruire la même chose, on va reconstruire autre chose. Ça sera peut-être différent, ça sera peut-être... plus modeste, ça sera peut-être plus dépouillé, ça sera peut-être différent parce que ça ne sera plus qu'à notre image à nous et pas à l'image des deux dans l'histoire du couple on parle d'une construction d'une maison où les deux choisissent mais symboliquement c'est qu'est-ce que je reconstruis pour moi quelque chose dans lequel je vais me sentir bien dans lequel je vais me sentir à ma juste place donc ça vient questionner l'identité, qui suis-je Qui étais-je avant ? Avec l'autre, il y avait le regard de l'autre qui faisait de moi ce que je me sentais être. Et là, il y a, si le regard de l'autre ne me définit plus, qui suis-je ? Ça peut être très vertigineux, cette question-là.

  • Speaker #1

    Chaque deuil, en fait, c'est en fonction de l'histoire de la personne, de ce qu'elle était avant, de ce qu'elle va reconstruire ensuite. Parce que là, comme ça, parler de joie, c'est peut-être pas à chaque fois.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans les groupes de paroles, il y a beaucoup de rire. Quand on me dit Oulala, ça doit être difficile, ça doit être quand même pas simple, ça doit être plombant d'animer des groupes de parole non. Il y a des moments de rire, il y a des moments, et puis bon, on parle d'humour noir, mais il y a des moments d'autodérision. Et je pense que c'est très nécessaire et que le rire est vraiment hyper important. C'est aussi se reconnecter avec ça et ne pas être tout le temps dans et la plainte Et... tourner en rond dans sa cage de chagrin, parce qu'il est également parfois, pour certaines personnes, presque rassurant de rester en lien avec le chagrin, puisque le chagrin, ça veut dire je n'oublie pas l'autre, je suis avec lui. Il y a une grosse peur d'oublier, il y a une grosse peur de ne plus se souvenir, il y a une grosse peur que l'autre disparaisse. Si on n'est plus dans le chagrin, et j'en parlais encore, justement, on entretient tout à l'heure, en fait, il y a une grosse différence entre ce qui n'existera plus jamais, c'est-à-dire la vie avec l'autre, et l'autre, qui continuera d'exister, simplement, dans notre cœur, dans notre tête, dans nos souvenirs, dans notre vie, parce que l'autre fait partie de nous et parce que l'autre nous a aussi permis d'être ce qu'on est aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Comment, toi, ça t'impacte ? toutes ces rencontres ? Comment ça t'impacte ? Comment t'arrives à mettre de la distance ? Est-ce que t'y arrives ? Est-ce que des fois c'est plus difficile ? Est-ce qu'il y a des rencontres qui font que ça te travaille un peu plus ?

  • Speaker #0

    Eh bien, curieusement, je pense que ça ne m'impacte pas du tout de manière négative. Je trouve qu'à chaque fois, après chaque groupe de parole, même café d'œil et même les entretiens individuels que je propose quand même régulièrement, je trouve qu'il y a beaucoup d'espoir. dans les ressources de l'être humain à chaque fois. Et je vois comment les groupes de parole ont cette capacité de faire que lorsque les personnes ressortent, elles se sentent regonflées, nourries. Alors ça ne veut pas dire que ça a duré pendant des semaines, mais elles disent quand même la plupart qu'elles se sont senties rechargées en énergie, en confiance. et puis dans le partage et dans le sentiment de ne pas être toute seule. Donc c'est vraiment une communauté humaine, et même si c'est une communauté de partage qui se fait effectivement dans le chagrin, dans la peine, il y a quand même quelque chose de cet ordre-là, de se relier à d'autres êtres humains qui vivent la même chose et qui, même dans leur chagrin le plus profond, sont capables de s'écouter. Et de se réconforter. Il y a une chose importante, c'est la consolation. On n'en a pas trop parlé, mais la consolation. Même quelqu'un de très désespéré, très impacté par le chagrin de la perte de l'autre. Je crois que ce qui fait du bien, c'est tout ce qui est en termes de gestes, en termes de regards, en termes d'actes, en termes de paroles aussi.

  • Speaker #1

    Excuse-moi, je t'interromps. Comment justement, parce que là aussi on peut être très maladroit, comment on peut consoler ?

  • Speaker #0

    Il y a des personnes qui n'aiment pas être prises dans les bras. Donc là, il faut respecter. On le sent tout de suite, quelqu'un qui ne peut pas. Des fois, elles ont le premier rejet, la première réaction de mise à distance. Et puis finalement, des fois, si on reste un petit peu, on dit allez, ça va là Pour que les personnes puissent s'abandonner. Donc là, il n'y a pas de mots, mais il y a juste un contact. Parce que beaucoup de personnes en deuxième disent que plus personne ne les touche, plus personne ne les embrasse, plus personne ne les prend dans les bras. que ça, c'est terrible, ça leur manque énormément.

  • Speaker #1

    Il y a vraiment, tu vois, et ça me touche au moment où j'en parle là, c'est marrant, c'est ce mot de consolation et d'inconsolable, il y a tellement cette peur aussi en voulant consoler, de réveiller, quelque chose de se dire, ah, il y a peut-être une douleur qui était endormie, mais en voulant consoler, je vais la réveiller, enfin tu vois.

  • Speaker #0

    Si la douleur est réveillée, c'est qu'elle est là. Parfois la douleur qui était à l'intérieur, il vaut mieux qu'elle s'exprime et qu'elle sorte. alors elle est réveillée, elle va pouvoir s'exprimer. Si c'est par les pleurs, si c'est par effectivement déclencher quelque chose. Après, il faut se sentir soi-même en capacité de pouvoir l'accompagner, cette douleur. Mais alors, c'est effectivement prendre dans les bras. Et puis, les paroles consolantes, c'est je suis là. Tu peux avoir envie de... Est-ce que tu as envie d'en parler ? Si la personne dit non, OK, c'est OK. Mais je suis là. Après, il y a plein de manières de... par des gestes, par des attitudes corporelles, des postures, par des mots, par des attentions. Il y a plein de choses qui permettent, il y a le verbal et le non-verbal, mais il y a toujours quelque chose.

  • Speaker #1

    Et même si on ne va pas dans un groupe de parole, finalement, c'est peut-être bien de savoir aussi qu'il y a des thérapeutes et qu'on peut aussi aller aborder la question de la mort, qu'on soit endeuillé ou pas, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Alors après, tous les thérapeutes ne sont pas formés à cette question-là. Moi, je sais. Sur le terrain que je connais ici, il y a des thérapeutes qui sont très mal à l'aise avec ça. Ce n'est pas parce que tu es psychologue que tu sais répondre à tout, et que tu as un mode d'emploi pour tout, et les bons mots pour tout. Donc il faut juste choisir la personne avec laquelle on se sent en confiance, et qui a en capacité d'accueillir, d'écouter, d'accompagner. Mais, et la consolation, elle est importante. Il y a des mots de consolation que des psys peuvent tout à fait, que ce soit psychologue ou psychologue. psychothérapeute, psychoparadicien, ce qu'on veut. Il y a des postures à avoir, il y a des choses à connaître sur le processus de deuil. C'est un vrai processus.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est Christophe André qui a écrit un livre sur la consolation.

  • Speaker #0

    Il a beaucoup écrit là-dessus. Et c'est vraiment important, parce que je pense qu'on n'ose pas suffisamment aller là-dessus. Mais alors, il y a les consolations aussi. que l'on attend, mais est-ce qu'on est capable de dire de quoi on a besoin quand on est dans la détresse la plus profonde ? On peut dire non ça, non ça, ça, j'ai pas envie, ça, j'ai pas besoin, bon, on peut dire des tas de choses, mais après, est-ce qu'on peut aussi oser proposer ?

  • Speaker #1

    J'aimerais terminer cette heure, alors ensuite on pourra peut-être prévoir de faire d'autres émissions, parce que je pense qu'il y aurait énormément de choses à dire, et comme on est dans un monde en joie, J'avais envie que tu nous parles d'une photo, que tu nous montres une photo qui te met en joie d'un objet et peut-être une musique.

  • Speaker #0

    La photo qui me met en joie, c'est la photo de l'océan et du mouvement des vagues, parce que c'est vraiment le côté sans cesse renouvelé du flux, du reflux, de l'énergie et de ce que peut... ce que peut transmettre l'océan. Voilà. Une musique, alors en ce moment, moi j'écoute beaucoup Clara Isay, qui est quelqu'un d'assez extraordinaire et qui a vécu un deuil parce que sa mère, qui était une philosophe et psychanalyste célèbre, c'était Anne du Fourmentel. En fait, s'est noyée en voulant sauver un enfant il y a quelques années de ça. Et Clara Isay, qui est une artiste incroyable, qui écrit, qui compose, qui chante et qui est quelqu'un que j'aime beaucoup. Alors, il y en a... Le monde s'est dédoublé, que j'aime particulièrement. Il y a plein de chansons d'elle qui sont extraordinaires parce qu'il y a à la fois du fond, il y a de la légèreté et de la profondeur. Et de la joie parce que cette jeune femme est... Une espèce de joie à la fois intérieure et d'éjarté, tout en ayant traversé notamment le drame, j'imagine, de la perte de sa mère. Mais il y a tout ce que sa mère lui a transmis et qu'on ressent vraiment. Et je trouve que c'est un beau symbole.

  • Speaker #1

    Et un objet ?

  • Speaker #0

    Un objet ? Alors, tu vois, j'ai un petit bracelet de pierre dans les tons verts, avec un peu de blanc et de... Voilà, qui... Ils sont là peut-être, alors voilà, il y a plein de vertus dans les pierres pour à la fois recentrer, mais aussi donner de l'énergie. Ça brille, c'est joli, voilà.

  • Speaker #1

    Je crois qu'on va s'arrêter là, parce qu'on aurait tellement de choses, on pourrait tirer beaucoup de fils. Merci Marie-Noël.

  • Speaker #0

    Merci Marlène, c'est toujours intéressant, ça permet de continuer à réfléchir à tout ça, puis à partager surtout.

Description

Marie-Noëlle Chaban est thérapeute de couple et sexologue clinicienne en cabinet libéral.

Pour le CIDFF (Centre Information sur les Droits des femmes et Familles) et l'Espace Ecoute Veuvage de Dialogues et Solidarités, c'est en tant que conseillère conjugale et familiale qu'elle intervient auprès de ceux qui en ont besoin.


Je l'ai invitée dans ce podcast pour parler des groupes de paroles et des cafés deuil qu'elle anime pour venir en aide à ceux qui ont perdu un(e) conjoint(e).


Livre : Consolations (celles que l'on reçoit et celles que l'on donne) - Christophe André

La chanson qui la met en joie : Le monde s'est dédoublé - Clara Ysé


Conversation enregistrée à l'Atelier 68 à Angoulême (merci Nicole Lehmann).


Merci à Marie-Noëlle Chaban pour cet échange.



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https://www.paypal.me/unmondeenjoie






Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors regarde Marie-Noël, commence avec un petit T,

  • Speaker #1

    je me suis dit que ce serait pas mal. Oui, merci.

  • Speaker #0

    J'ai envie de te demander comment toi en quelques mots, en quelques phrases, tu te présenterais.

  • Speaker #1

    Alors, je me présenterais peut-être bien comme une optimiste de naissance, avec une grande curiosité concernant l'humain, concernant la nature aussi, concernant tout ce qui est évolution. De la naissance à la mort et après, peut-être quelque chose comme ça. Je me présente comme quelqu'un qui a déjà vécu pas mal de choses, mais qui a bien envie d'en vivre encore pas mal aussi. Voilà.

  • Speaker #0

    Et dans ta vie, si tu dois présenter tes activités, tes professions, dans quelle heure tu fais les choses ? Femme, mère, conjointe, amante ?

  • Speaker #1

    Tout d'abord, femme, en tout cas, c'est ce que j'essaie de prôner aussi bien dans ma pratique, donc mes pratiques professionnelles, qui sont des pratiques d'accompagnement, de soutien par rapport à tout ce qui sont les difficultés du quotidien, que ce soit au travers du couple, que ce soit par rapport à soi-même, à son histoire, à son... corps, à sa sexualité. Également, en termes d'identité, identité, justement, on parlait, comment on se présente, en tant que parent, en tant que mère, pour moi, ma part, je suis aussi une maman. J'ai été plusieurs fois dans une relation amoureuse, cohabitante ou pas cohabitante, d'ailleurs. parce qu'aujourd'hui, on parle de couple, mais je ne sais pas trop ce que ça veut dire, même si je suis un peu spécialiste de la question du couple et de la question, justement, de la séparation qui amène à la question du deuil, des deuils, parce que, voilà, il n'y a pas, pour moi, il y a plein de sortes de deuils, mais en fait, je pense que toute notre vie, on traverse des deuils et que peut-être que vivre, enfin, c'est apprendre aussi ça, quoi. Comment on peut rester debout en traversant tout un tas de tumultes, de tsunamis, de toutes ces choses-là, que sont notamment les séparations, les pertes, les deuils, que ce soit par la mort de quelqu'un, ou le fait de quitter, d'être quitté, de perdre, c'est-à-dire de la perte.

  • Speaker #0

    Et alors avant de perdre, tu interviens aussi sur les relations de couple, la difficulté. Qu'est-ce qu'on peut dire ? La difficulté à s'aimer, à s'entendre ?

  • Speaker #1

    Oui, la difficulté à... Je pense que c'est d'abord la difficulté à s'aimer soi-même et la difficulté aussi à entretenir la flamme du lien. Alors on met le mot amour, qu'est-ce que ça veut dire ? Beaucoup de gens mettent, projettent, chacun projette ce qu'il peut dans cette histoire-là de l'amour. Pour ce qui est en rapport avec la perte, avec le deuil, ça vient questionner ce qui nous a reliés à l'autre, quelle était la nature de ce lien. Toi,

  • Speaker #0

    tu es thérapeute, psychologue ?

  • Speaker #1

    Alors, au départ, j'avais un peu démarré en tout cas en tant que conseillère conjugale et familiale. Ensuite, je... J'ai eu envie d'approfondir toute la question de la sexualité par un diplôme universitaire en sexologie. humaine et puis ensuite j'ai continué en sexo avec des approches autour plutôt du corps en sexo corporel fonctionnel tout ce qui a été ensuite approfondir ce qui était la thérapie de couple la prise en charge thérapeutique des couples j'ai également suivi des formations concernant l'hypnose thérapeutique Après tout ce qui a été formation autour de la question du deuil et notamment par rapport au veuvage, la perte d'un conjoint ou d'une conjointe et aussi pour les enfants la perte d'un parent. Tout ça c'est des choses que tout au long de la vie j'ai pu approfondir. Que dire d'autre ? en diverses structures associatives. Depuis 27 ans, pour le Centre d'information sur le droit des femmes et des familles en Charente et depuis une vingtaine d'années en libéral. Donc là, je reçois des personnes qui viennent par rapport à des problématiques familiales, des problématiques de couple, des problématiques de rupture, de séparation, des problématiques de confiance en elles-mêmes, des problématiques de... de parentalité, de deuil aussi, de perte d'un parent pour des adultes, et puis tout ce qui est consécutif aux conséquences d'une rupture, d'une séparation. Voilà, donc je reçois aussi, ça m'arrive de recevoir des familles, des familles de parents avec des enfants adultes, autour de conflits familiaux, de besoin de mettre en mots des choses qui n'ont jamais pu être exprimées. Ça permet d'être à la fois témoin et de pouvoir aussi permettre une autre expression et d'aider les personnes à trouver des solutions qu'elles ont en elles-mêmes la plupart du temps.

  • Speaker #0

    Comment ça se partage un petit peu ton temps ? Est-ce que tu arrives à le voir ça ? Est-ce que ta semaine, est-ce qu'il y a plus de problématiques de deuil ? Est-ce que c'est la sexualité ? Pas de sexualité, mais des couples qui viennent te voir parce qu'il a une... Ça, c'est pas le problème, mais autre chose. Enfin,

  • Speaker #1

    comment... Alors, moi, au niveau du cabinet, du côté libéral, en fait, il y a des personnes qui viennent en disant Je viens d'abord vous parler. Alors, souvent, la porte d'entrée, ça peut être la problématique sexuelle. Mais bien souvent, c'est juste l'arbre qui cache la forêt ou bien c'est la partie visible de l'iceberg. C'est-à-dire qu'il y a effectivement... Une problématique qui a trait à la sexualité, au désir ou à l'absence de désir, problème de libido, problème de communication dans le couple, et souvent tout est lié, le problème d'usure via le temps, via la routine, comme si la routine c'était quelque chose qui tombait du ciel, alors que c'est bien nous qui la fabriquons. Et puis les problématiques autour des enfants, problématiques parentales, les gens qui se perdent de vue. Et parfois des couples qui viennent ensemble, on travaille quoi ? Quelle est leur demande en fait ? Est-ce qu'ils s'aiment encore ? Et ça c'est la question compliquée parce qu'on ne va pas la poser d'emblée. Est-ce que vous aimez encore ? Mais c'est une question qui va apparaître assez vite. Ça veut dire,

  • Speaker #0

    excuse-moi, que la plupart du temps les gens viennent et ce n'est pas forcément la première question. Et au final, au fur et à mesure, on se rend compte que c'est ça la question sous-jacente. Est-ce qu'on s'aime ? Est-ce qu'on s'est déjà aimé peut-être ?

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est la genèse de l'histoire. C'est-à-dire comment tout ça a commencé, dès le début. Qu'est-ce qui les a fait se rencontrer ? Qu'est-ce qui les a liés ? Qu'est-ce qui les a reliés ? Est-ce qu'il y avait alchimie, pas alchimie ? Sur quoi ça s'est construit ? Sur quelle fondation s'est construite la maison du couple ? Et on le voit aussi dans l'histoire du deuil. Est-ce que ce couple était un couple fusionnel ? Est-ce qu'il y avait de l'autonomie de part et d'autre ? Est-ce qu'il y avait des centres d'intérêt et des manières de vivre le quotidien avec d'autres relations amicales, d'autres centres d'intérêt ? Ou est-ce que tout tournait autour du couple ? couple et de la famille, donc il y a beaucoup de questions à poser.

  • Speaker #0

    Avant qu'on continue, qu'est-ce que ça t'évoque, un monde en joie, et qu'est-ce que c'est pour toi, la joie ?

  • Speaker #1

    Pour moi, la joie... C'est peut-être la capacité, même au milieu du désastre, de pouvoir découvrir qu'il y a un rayon de soleil, qu'il y a quelque chose comme ça qui va susciter une émotion joyeuse, comme un rire. Pour moi, la joie, il y a quelque chose de l'ouverture, il y a quelque chose du sourire, voire du rire. Et puis... Quelque chose qui t'envahit, qui est plus fort que la mort, par exemple, dans l'histoire de la joie. Alors, c'est une joie qui peut être partagée ou c'est une joie qui peut être très, très, ou intériorisée, ou solitaire, et qui a à voir aussi peut-être avec l'émerveillement, de s'émerveiller de la beauté. de quelque chose ou de quelqu'un et puis quand on dit quelque chose qui nous met en joie c'est peut-être de savoir que quelque chose va être possible donc il y a quelque chose avec ouvrir le champ des possibles dans la joie alors moi ce qui me vient dans un monde en joie c'est il y a quelque chose de moment de communion avec d'autres qui partagent un moment même si c'est pas longtemps cette même énergie parce que je pense qu'il y a de l'énergie dans la joie et il y a quelque chose qui te porte qui te tire vers le haut donc pour moi c'est quand même associé aux couleurs c'est quand même associé à une certaine sensation de liberté et d'expression d'expression où on sort des carcasses qu'on sort des limites que nous impose, ou qu'on s'impose d'ailleurs, ou que nous impose parfois certains carcans sociaux, ou que nous-mêmes nous imposons pour aller au-delà. C'est quelque chose de l'ordre de la transcendance ou de explosion, on parle d'explosion de joie, un peu comme un espèce de jet de fontaine qui jaillit, quelque chose comme ça. Cette image me plaît assez de quelque chose comme ça, qui monte vers le ciel, le soleil, quelque chose comme ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que ta joie a évolué ? Est-ce que tu as des souvenirs d'enfants, de moments de joie ? Est-ce que ta joie dans ton enfance, c'est la même que ta joie d'adulte ?

  • Speaker #1

    Il y a une joie qui est toujours la même. J'y pensais l'autre fois sur mon vélo. Quand je suis dans un endroit que j'affectionne particulièrement, qu'il fait beau, que je suis sur mon vélo, et ça me rappelle quand j'étais gamine, et que j'avais cette liberté à l'époque de partir dans la campagne sur mon vélo, et une espèce de jubilation, alors jubilation, je vois, je sais pas, mais d'être sur mon vélo, et d'avancer sur mon vélo, et d'être dans la nature, d'être en lien, sentir l'air sur ma peau, et aller vers quelque chose. Il y avait toujours un but. Moi, j'allais à la campagne chez une vieille tante chez qui je passais une partie de mes vacances, rejoindre les copains, la bande de copains, en creuse. Et la liberté qui était rattachée parce qu'en fait, il y avait une dizaine d'années. Et à l'époque, on pouvait vraiment se balader tranquillement. En tout cas, c'est ce que je ressentais. Donc, il y avait cette joie liée à la liberté, peut-être aux vacances, aux vacances. à la nature. C'est vraiment relié, je pense, à ça. Après, une autre forme de joie, pour moi, c'est de danser avec des personnes qui sont un peu en phase, dans un moment de fête. Et ça, ça peut être aussi une expression de joie qui est très différente.

  • Speaker #0

    Est-ce que cette joie d'enfant, alors tu dis que tu y es repensée sur ton vélo, est-ce que c'est la même ? Est-ce qu'elle a été transformée par les épreuves, par la vie ? Ou est-ce qu'il y a un endroit où c'est complètement intact ?

  • Speaker #1

    Alors je pense que quand on est enfant, on trouve que tout est normal et naturel. On ne se pose pas la question quand on arrive à l'âge que j'ai. Peut-être qu'on se dit que c'est vraiment un cadeau et une chance. Voilà, peut-être que ce serait ça la différence.

  • Speaker #0

    Ça veut dire que c'est plus fort ?

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est ressenti comme plus précieux.

  • Speaker #0

    Quand tu étais enfant, tu savais ce que tu allais faire plus tard ? Je veux dire, à l'adolescence, est-ce que tu avais envie d'être dans le soin ?

  • Speaker #1

    Oui, clairement. Alors, à un moment, je me souviens, à un moment, quand j'étais gamine, je me disais, je veux être en centre social. Après, psychologue. Puis après, j'ai eu un moment où j'ai arrêté les études, où j'ai voulu vivre autre chose, la nature, justement, le retour aux sources, tout ça. Et finalement, après, j'ai repris des études. Et en fait, clairement... J'ai été confrontée au deuil quand j'avais 27 ans, de la perte d'un enfant. Et là, quand j'ai vu aussi combien nous on avait la chance d'avoir été entourés, d'avoir été vraiment bien accompagnés, et que j'ai vu à l'hôpital notamment des parents qui étaient réellement... en souffrance et qu'il n'y avait pas cette solidarité autour d'eux, là, je me suis dit, oui, il y a du boulot. Et c'est comme ça que j'avais repris des études et que j'ai vraiment eu envie de travailler sur cette question. Et je me rends compte que la question du deuil, elle a été totalement un fil rouge tout au long de ma vie et de ma vie professionnelle.

  • Speaker #0

    Ça veut dire qu'avant la perte de cet enfant, donc tu avais 27 ans, tu avais un autre chemin avant ?

  • Speaker #1

    En fait, moi, j'ai... J'avais eu un enfant assez jeune. Après, il y avait la perte de ce bébé. Et ensuite, il y a un troisième qui a été gravement malade, qui a failli mourir. Donc, on a beaucoup aussi fréquenté les hôpitaux. Il a été opéré du cœur deux fois. Enfin bon. Donc, c'est là où... Parce qu'auparavant, je n'avais pas beaucoup de temps pour travailler. En fait, j'avais repris, j'étais plus dans... Tout ce qui était l'animation et des choses qui étaient beaucoup moins psy. Et après, vraiment, je me suis dit, non, mais en fait, c'est vraiment l'histoire du soin, de l'accompagnement. Les choses un peu moins légères, mais plus... Et puis, j'avais fait de l'accompagnement socioprofessionnel. Enfin, j'ai fait différentes choses autour de plus de l'insertion, de l'aide à l'insertion, puis de l'animation socioculturelle, des choses comme ça. Et ensuite, peu à peu, je me suis dit, non mais vraiment, moi, ce qui me tient à cœur, c'est ça. Il faut aimer les autres, quels qu'ils soient, et les prendre comme ils sont, là où ils sont. Et clairement, les événements douloureux de la vie, enfin moi en tout cas, m'ont amenée à questionner ces moments-là, pour les transformer, pour en faire quelque chose. Et en faire quelque chose dans le sens de la vie.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'à un moment donné, la joie n'était plus là.

  • Speaker #1

    La joie n'est plus là quand il y a le chagrin, quand il y a la perte, quand il y a, bon, clairement, je veux dire, le corps de toute façon, enfin, c'est le corps qui accuse le choc, qui accuse la... C'est quelque chose de totalement physique. On parle des tripes, on parle de tout ça. Donc, clairement... Avant que la joie revienne, il peut y avoir des petits moments de joie très fugaces. On le sait, même lors d'obsèques, on peut avoir des moments où il y a de la communion. Quand il y a de la communion, quand tout le monde se réunit autour de quelqu'un, autour de quelque chose, et qu'il y a de nouveau de l'espoir ou de l'espérance, comme on veut, il y a une forme de joie dans la peine. Donc trouver la joie dans la peine... Je ne dis pas que ce n'est pas quelque chose qu'on peut chercher, c'est quelque chose qui se vit ou qui ne se vit pas. Mais je me souviens de moments où on aperçoit des petits rayons de lumière au bout du tunnel où on se dit qu'il y a quand même quelque chose qui est possible. Et pour moi, la nature est aussi d'un grand enseignement par rapport à ça. Même quand tout semble absolument détruit, que tu as l'impression qu'il y a des ruines. Je me souviens, j'avais choisi pour... Pour illustrer mon mémoire sur le deuil de l'après-couple, c'était une femme qui pleurait sur les ruines de sa maison avec, je ne sais plus s'il y avait un enfant ou pas dans ses bras d'ailleurs, mais il y avait quelque chose de cet ordre-là. Il y a des ruines, oui, ou alors j'aime beaucoup cette autre image de l'oiseau phénix qui renaît de ses cendres. Je trouve que c'est vraiment ça parce qu'on a l'impression que tout n'est plus que cendres, mais en fait oui, on peut renaître quand même.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'au travers de ces cafés d'œil, c'est peut-être tout ça que tu as envie de transmettre ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a eu d'abord, avant les cafés d'œil, la proposition de Dialogue et Solidarité, qui émane de l'OCIIRP, qui est un organisme commun des institutions de rente de prévoyance. Donc c'est un peu un pot commun dans lequel toutes ces institutions vont financer des actions, dont une action autour de l'accompagnement. au veuvage, il y a d'autres actions autour de l'orphelinage pour les enfants orphelins, il y a des actions autour du handicap et autour du mieux vieillir. Et parmi toutes ces actions, il y a le financement d'antennes de l'association Dialogue et Solidarité qui permet l'ouverture d'espaces d'écoute, d'accompagnement. au deuil par veuvage. Et donc, ce sont les centres d'information sur les droits des femmes et des familles, généralement, qui sont financés et qui proposent ce type de prestations. Ça veut dire que c'était en 2009, donc dès 2009, le CIDF de la Charente s'était proposé pour ouvrir un espace, une antenne. Et donc, en fait, c'était l'initiative à l'époque, Isabelle Moreau, qui a été directrice au moment du CIDFF. Et moi qui étais très intéressée pour pouvoir animer cet espace-là. Donc on a fait la demande et puis ça a été accepté, financé. Et à partir de là, moi j'avais donc des permanences d'accueil pour des personnes qui avaient perdu un conjoint ou une conjointe. Et la possibilité d'ouvrir des groupes de parole. Donc ça, ça a été 2009-2010, l'ouverture de ces groupes de parole. une fois par mois. À un moment, j'ai été jusqu'à quatre groupes de paroles par mois, donc ça faisait quand même beaucoup de monde.

  • Speaker #0

    Comment ça se passe concrètement ?

  • Speaker #1

    L'idée d'un groupe de paroles, c'est de pouvoir permettre une expression qui est dans un groupe qui est un groupe d'entraide. Il n'y a pas quelqu'un qui est le sachant ou la sachante. On favorise l'expression, la parole. Pour des personnes qui vivent toutes et tous des situations similaires, à savoir la perte d'un conjoint ou d'une conjointe.

  • Speaker #0

    C'est que la perte d'un conjoint ou d'une conjointe ?

  • Speaker #1

    Alors, pour dialogue et solidarité, oui, on appelle ça veuvage. Alors, veuvage n'est pas un joli mot en français, c'est plutôt moche. Veuvage, mais en tout cas, ce sont des personnes en situation de veuvage. Ça veut dire ou récents, ou parfois des personnes qui viennent au bout de 3-4 ans, des personnes qui cohabitent ou pas. C'est-à-dire que ça peut être effectivement... Quelqu'un avec qui on entretenait une relation sans cohabitation, parfois même des personnes qui vivaient une relation cachée, c'est encore plus compliqué parce qu'elles ne sont pas le ou la partenaire officielle, donc c'est plus compliqué encore. Couple de même sexe ou pas, enfin voilà, c'est vraiment ouvert sans condition, c'est gratuit, totalement gratuit. L'idée du groupe de parole, c'est contrairement au café d'œil, le café d'œil c'est une fois. sont anonymes, on ne sait pas qui sont les personnes qui viennent. Le groupe de parole, il y a d'abord des entretiens pour vérifier que la demande est bien adaptée à ce qu'on peut proposer. Ensuite, une inscription sur la durée. Le groupe de parole, ce n'est pas je viens consommer, je viens, je viens pas, je préviens, je préviens pas. C'est vraiment un engagement dans la durée. Alors la durée, il n'y a pas de durée max, mais on va dire qu'il y a une durée quand même minimum. De toute façon, les personnes ne viennent pas deux fois ou trois fois. C'est neuf mois, un an en gros. Et bien sûr qu'il y a des règles, il y a un cadre, comme dans tout groupe, de soutien, d'entraide, qui sont le non-jugement, le respect de la parole de l'autre, ce qui... Il dit dans le groupe, ne sors pas du groupe, enfin voilà, toutes ces questions de confidentialité qui sont vraiment le cadre posé. Donc les groupes de parole, c'est une réunion par mois pendant deux heures.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'il dit dans ces groupes de parole ? C'est anonyme ?

  • Speaker #1

    Alors c'est anonyme, les personnes qui se présentent connaissent leur prénom et il se dit beaucoup de choses très intimes, c'est-à-dire avant tout la première expression, c'est l'expression de la peine, du chagrin, de la douleur, de la perte, de l'impression... de ne pas y arriver et de dire je viens dans le groupe parce que j'ai vraiment besoin d'abord de rencontrer d'autres personnes qui vivent des choses similaires, même si c'est jamais la même chose, on se comprend, ça a besoin d'expliquer, de ne pas entendre toutes les paroles malheureuses qui sont souvent dites, du genre pour les personnes assez jeunes, oh mais t'es jeune, tu vas retrouver quelqu'un, ou... Oh, mais vous avez quand même, pour les personnes plus âgées, vous avez quand même eu une belle vie.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que parfois, on veut aider et rassurer. C'est ce qu'on doit dire.

  • Speaker #1

    Alors, on est en train de travailler avec Dialogue et Solidarité, d'abord sur une deutéque. C'est-à-dire, non pas un petit livret mode d'emploi, parce que dans la deutéque, il y aurait plein de choses, mais effectivement, quelles sont les paroles consolantes ? Qu'est-ce que les personnes attendent ? En tout cas, ce qu'ils expriment vraiment, c'est que dans les paroles malheureuses, il y a… Ah, bonjour, comment tu vas ? Je ne vais pas bien. Comment vas-tu ? Non. C'est vrai que c'est le truc comme ça, réflexe de bonne éducation. Et puis, dans les paroles malheureuses, il y a tout ce qui est la négation. de ce que peuvent ressentir les personnes. Ou dire, maintenant ça fait quand même 8 mois, 12 mois, ça fait un an, quand même il serait temps de passer à autre chose. C'est des paroles maladroites la plupart du temps. Et en fait, dans les paroles consolantes, beaucoup de personnes disent que c'est plutôt, est-ce que tu as besoin de quelque chose ? De quoi as-tu besoin ? Et pareil, il y a beaucoup de gens qui disent mais tu m'appelles, on se voit Mais en fait, elles ont besoin qu'on les appelle et qu'on leur propose, parce qu'elles ne sont pas en capacité de proposer quoi que ce soit. Et il y a une grosse culpabilité, oui, mais je vais encore plomber l'ambiance, et puis de toute façon, je ne peux faire que parler toujours de la même chose, je vais les saouler Donc les personnes se referment. Il y a des personnes aussi qui disent mais moi j'aimerais qu'on me parle de mon conjoint, de ma conjointe et en fait ils n'osent pas en parler, ils font encore pire comme s'ils n'avaient pas existé ou qu'ils n'avaient pas existé. Donc il y a toutes ces questions, il y a toutes les questions autour des enfants, quand il s'agit de grands enfants qui ont eux-mêmes effectivement un chagrin et ils ont peur de raviver le chagrin de leurs parents, du parent restant et donc ils ne parlent de rien. Et les paroles des mémoires, j'ai besoin qu'on parle, j'aurais besoin qu'on regarde des albums ou qu'on évoque des souvenirs. Donc c'est toujours compliqué parce que comme il n'y a pas de communication, il y a de vrais malentendus parce que rien n'est exprimé.

  • Speaker #0

    Ce qui est déjà un petit peu vrai en temps normal, on va dire, et là c'est complètement exacerbé.

  • Speaker #1

    Il y a des projections, je pense, parce qu'on se dit moi j'aurais besoin de ça mais ce n'est pas parce que moi j'aurais besoin de ça que l'autre a besoin de la même chose. Il y a beaucoup de peur, il y a beaucoup de gêne. Les gens ne savent pas quoi dire. Ils ne savent pas quoi dire quand ils rencontrent quelqu'un qui vient de vivre la perte d'un être cher. Ils sont très gênés souvent parce que la mort, ça reste encore très tabou. On parle plus facilement de sexualité que de mort encore. Comme on est dans une société où on veut gommer toutes les marques du temps, du vieillissement, de la maladie et donc de la mort, et que tous les rituels qui étaient associés ont peu à peu disparu. On ne voit plus de cortège funéraire traverser les villes, les cimetières sont à l'écart. Puis comme les gens, enfin avant les gens au moins se retrouvaient à l'église, et souvent l'église était au centre du village ou au bord de la ville. Il y avait les veillées dans les maisons, les veillées mortuaires étaient dans les maisons, il y avait des vrais rituels. Alors il y a encore quand même les rituels de l'après, après les obsèques où les gens se retrouvent pour partager un moment autour d'un repas partagé ou de quelque chose qui va créer du lien. On va parler de la personne disparue, on va discuter et tout ça. Bon, le Covid a fait beaucoup de mal, enfin le Covid, pas le Covid en lui-même, les mesures qui ont été prises. qui ont été horribles pour les gens endeuillés, qui ont rajouté du trauma au trauma pour beaucoup de personnes. Parce que dans des conditions, que ce soit à l'hôpital, que ce soit les obsèques, certaines pompes funèbres, qui ont vraiment été appliquées de manière drastique, ça a beaucoup compliqué les cérémonies.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça a changé quelque chose durablement ou pas ?

  • Speaker #1

    Il y a un certain nombre de personnes qui ont davantage d'exigences parce qu'ils ont justement des fois loupé totalement ou été privés de revoir et de rituels. Donc si jamais ils ont le malheur de revivre d'autres deuils, d'autres pertes, la mort d'autres proches, ils ne veulent pas qu'on leur confisque cette fois.

  • Speaker #0

    C'est cet événement aussi important autour de l'accompagnement, qu'on appelle sa dernière demeure, quelle qu'elle soit, même si c'est une crémation. Et ça, c'est peut-être un peu nouveau, oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que c'est faire son deuil ? Est-ce qu'on doit vraiment faire son deuil ?

  • Speaker #0

    Personne ne fait son deuil, parce que faire son deuil, ça voudrait dire à un moment c'est fait, on n'en parle plus, on met un mouchoir par-dessus. Non, on traverse un deuil. On peut imaginer que ce deuil, peu à peu, va... Sur un chemin à avancer, progresser, on parle d'avancer sur un chemin de deuil, que peu à peu ce sera moins douloureux, que l'évocation de la personne disparue ne sera plus une plaie béante ouverte, donc elle est sur la cicatrisation. Le temps va faire son travail. Après ce qui permet aussi d'avancer, c'est l'accompagnement, la solidarité. l'entourage, la capacité que chaque personne va avoir plus ou moins aussi à élaborer autour de tout ça parce que un deuil vient en chercher d'autres forcément et ça peut réouvrir des blessures qui finalement n'étaient pas tant refermées que ça, ça peut convoquer des angoisses qui avaient été un peu... Protégée par la personne qui était conjoint ou conjointe. Et pendant tout ce temps-là, ces angoisses ont été un peu mises sous cloche. Et donc, ça libère tout ça. Donc, ça renvoie à soi-même. Ça renvoie, bien sûr, à... Des questions très philosophiques sur sa propre finitude. Qu'est-ce qui va se passer ? Est-ce que je serai seule ? Est-ce que je vais être malade ? Qui m'accompagnera ?

  • Speaker #1

    Je vois deux choses. Quand tu disais qu'on ne savait pas quoi dire à une personne qui est en deuil, parce qu'effectivement, je pense qu'on a peur de la blesser. Et puis après, il y a la confrontation à sa propre mort.

  • Speaker #0

    À nos propres peurs. On le voit par exemple, un couple qui va voir une personne, ils connaissaient le couple maintenant, ils s'adressent à une personne. Donc il y avait des amitiés de couple qui ne résistent pas dès l'instant où le couple est dissous pour l'un des deux. Donc beaucoup de personnes disent c'est comme si c'était contagieux. Alors bien sûr que ça ne l'est pas. Je crois que c'est surtout ce que les couples qui rencontrent un ou une amie en deuil de son conjoint, de sa conjointe, eh bien, ça leur envoie quelque chose, ça pourrait nous arriver à nous. Et c'est juste quelque chose d'impensable. C'est-à-dire qu'en fait, beaucoup d'êtres humains n'arrivent pas à penser à leur mort, à leur fin. Il évacue, c'est le déni total, comme si on était immortel, comme si on pouvait continuer indéfiniment. Et là, on ne peut pas l'évacuer et ça saute à la figure de beaucoup de personnes. On peut dire, mais ça aurait pu être moi, ça aurait pu être nous. Et effectivement, il faut avoir une bonne dose d'amour en soi. de solidité, de sérénité, pour être avec quelqu'un qui va très mal, qui pleure beaucoup, qui est complètement démuni, désespéré parfois, et être là, et pas s'enfuir, et rester là, et rien dire, enfin, pas obligé de dire quelque chose, mais être là, être là et dire mais moi je suis là, même si je dis rien, et puis parfois qu'est-ce qu'on peut dire, qu'est-ce qu'on peut faire, parfois dire non, mais faire. porter un repas, prendre soin, faire des courses, s'occuper de ce qui a à s'occuper, aider dans les démarches. Et puis à un moment, proposer, tiens, on va sortir, tu n'as pas envie de sortir, mais ce n'est pas grave, on va quand même sortir, prendre l'air, peu à peu se remettre dans la vie parce qu'il y a les paroles, mais il y a les actes. C'est-à-dire les actes, c'est qu'est-ce qu'on partage, qu'on peut partager un petit moment, on va aller marcher ensemble, on va aller voir la mer ensemble. Je ne sais pas, enfin, il y a plein de choses comme ça, même si c'est aller voir une expo pour pendant un temps s'oublier. Je recevais tout à l'heure une personne qui me disait, je sens le besoin de m'extraire de moi-même pour justement aller vers les autres et m'oublier un peu moi et ne plus rester juste avec ma peine, parce qu'on peut être en couple avec sa peine, on a été en couple avec l'autre. Comme l'autre n'est plus là, c'est la peine qui remplace. Et du coup, la peine devient l'autre.

  • Speaker #1

    Tout ce que tu dis, c'est vrai aussi quand on a perdu un enfant.

  • Speaker #0

    Alors, il y a en plus, beaucoup de gens disent, ah oui, mais le plus horrible, c'est ça. Parce que perdre un parent, perdre un... Mais perdre un enfant, beaucoup de personnes disent dans l'échelle, comme s'il y avait des échelles à la douleur de la perte. Ça, c'est quelque chose d'abord qui n'est pas dans l'ordre des choses. Alors effectivement, bien sûr, perdre son grand-père, sa grand-mère ou même ses parents quand ils sont âgés, on peut dire que c'est dans l'ordre des choses. Mais il y a quelque chose d'une profonde injustice, ce n'est pas dans l'ordre des choses. Eh bien, cette histoire-là de la mort d'un enfant, ça apparaît comme insupportable, inacceptable. Et n'empêche que, comment faire un parent pour traverser ça ? Et selon l'âge de l'enfant, quand c'est un accident, moi j'ai accompagné des personnes avec un bon accident de la route, un enfant, 15, 16 ans, 17 ans, une amie de ma fille qui est décédée sous une avalanche, elle avait 17 ans, sortie avec prof de sport dans les Alpes, et deux adolescents qui meurent, ils partent le matin en pleine forme, et voilà. Donc là, il y a des deuils extrêmement, extrêmement, extrêmement, effectivement compliqués. Il faut énormément d'amour autour. Et quand la personne était très, très fragile avant, clairement, ça va être beaucoup plus compliqué.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui est aidant ?

  • Speaker #0

    Je crois que ce qui est aidant, encore une fois, c'est de ressentir de l'amour autour. Alors, dans les groupes de parole, pour revenir au groupe de parole, on va dire que de l'amour, les gens ne se connaissent pas. Mais de ressentir... simplement qu'on ait écouté, entendu, compris, non jugé, et que beaucoup de personnes disent mais j'ai l'impression de devenir folle et bien de dire mais non, en fait, finalement, je ne suis pas fou, je ne suis pas folle Ce que je vis, d'autres l'ont vécu, ce que je traverse, d'autres le traversent ou l'ont traversé, c'est un itinéraire malheureusement un peu obligé, avec le côté hyper tortueux, avec le fait que... Ces moments, des montagnes russes, ça va un peu mieux, on croit que ça va mieux, puis bloum, on replonge et qu'il faut surfer sur la vague et que parfois il y a des périodes de rémission, on pense que ça va mieux, puis ça revient. Ça peut durer, il n'y a pas de temps, il n'y a pas de date limite où on dit au-delà de cette limite qui n'est plus valable, il y a des personnes pour lesquelles ça va mettre. plus longtemps que d'autres et encore une fois, il y a des médecins ou d'autres personnes qui disent non, normalement, c'est neuf mois, c'est un an, au-delà de temps, ce n'est pas normal, on parle de deuil pathologique Cette notion de deuil pathologique, à mon sens, elle est quand même assez rare. Il y a des personnes qui font comme si tout allait bien, non, je reprends le travail tout de suite, je mets plein de choses en place, je suis en activité constante et puis ça dure trois mois, six mois, puis à un moment où le corps rattrape et boum, le corps ne peut plus, où il se passe un truc et puis la personne effectivement elle s'effondre parce qu'elle n'a pas pris le temps des larmes, le temps de dire j'y arrive pas, du chagrin et de se laisser aller à ce chagrin-là.

  • Speaker #1

    Tu me reprendras si je dis quelque chose de complètement déplacé ? Mais j'ai l'impression que parfois, traverser un deuil, et Dieu sait si on peut en traverser plusieurs dans une vie, c'est aussi une opportunité de mieux se connaître.

  • Speaker #0

    Ah mais tout à fait, tout à fait, parce que cela nous met...

  • Speaker #1

    C'est pour l'opportunité, bon je sais que ça peut...

  • Speaker #0

    Oui, non, mais alors disons que toute épreuve peut nous faire grandir ou nous mettre par terre. Clairement... Ça veut dire être mis en face de quelque chose qui va falloir, personne ne dit qu'il faut à tout prix, mais si on veut être du côté de la vie et de continuer à vivre. effectivement, cela demande à regarder en face un certain nombre de ces peurs, qui peuvent être la peur de la solitude, la peur du vide, la peur de ne pas arriver à combler tous les espaces qui auparavant étaient remplis par de la présence, par des échanges, par des gestes, de la tendresse, de l'amour, du partage, plein de trucs. Donc... C'est vraiment l'anéantissement total. Et là, pour parler de la perte du conjoint et de la conjointe, parce que je pense que par rapport aux enfants, c'est encore autre chose. Et puis, il y a plein d'autres deuils. Mais c'est vrai que pour les enfants, c'est encore autre chose. Mais il y a quelque chose de comment, effectivement, quand tout est par terre, on ne va pas reconstruire la même chose, on va reconstruire autre chose. Ça sera peut-être différent, ça sera peut-être... plus modeste, ça sera peut-être plus dépouillé, ça sera peut-être différent parce que ça ne sera plus qu'à notre image à nous et pas à l'image des deux dans l'histoire du couple on parle d'une construction d'une maison où les deux choisissent mais symboliquement c'est qu'est-ce que je reconstruis pour moi quelque chose dans lequel je vais me sentir bien dans lequel je vais me sentir à ma juste place donc ça vient questionner l'identité, qui suis-je Qui étais-je avant ? Avec l'autre, il y avait le regard de l'autre qui faisait de moi ce que je me sentais être. Et là, il y a, si le regard de l'autre ne me définit plus, qui suis-je ? Ça peut être très vertigineux, cette question-là.

  • Speaker #1

    Chaque deuil, en fait, c'est en fonction de l'histoire de la personne, de ce qu'elle était avant, de ce qu'elle va reconstruire ensuite. Parce que là, comme ça, parler de joie, c'est peut-être pas à chaque fois.

  • Speaker #0

    Oui, mais dans les groupes de paroles, il y a beaucoup de rire. Quand on me dit Oulala, ça doit être difficile, ça doit être quand même pas simple, ça doit être plombant d'animer des groupes de parole non. Il y a des moments de rire, il y a des moments, et puis bon, on parle d'humour noir, mais il y a des moments d'autodérision. Et je pense que c'est très nécessaire et que le rire est vraiment hyper important. C'est aussi se reconnecter avec ça et ne pas être tout le temps dans et la plainte Et... tourner en rond dans sa cage de chagrin, parce qu'il est également parfois, pour certaines personnes, presque rassurant de rester en lien avec le chagrin, puisque le chagrin, ça veut dire je n'oublie pas l'autre, je suis avec lui. Il y a une grosse peur d'oublier, il y a une grosse peur de ne plus se souvenir, il y a une grosse peur que l'autre disparaisse. Si on n'est plus dans le chagrin, et j'en parlais encore, justement, on entretient tout à l'heure, en fait, il y a une grosse différence entre ce qui n'existera plus jamais, c'est-à-dire la vie avec l'autre, et l'autre, qui continuera d'exister, simplement, dans notre cœur, dans notre tête, dans nos souvenirs, dans notre vie, parce que l'autre fait partie de nous et parce que l'autre nous a aussi permis d'être ce qu'on est aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Comment, toi, ça t'impacte ? toutes ces rencontres ? Comment ça t'impacte ? Comment t'arrives à mettre de la distance ? Est-ce que t'y arrives ? Est-ce que des fois c'est plus difficile ? Est-ce qu'il y a des rencontres qui font que ça te travaille un peu plus ?

  • Speaker #0

    Eh bien, curieusement, je pense que ça ne m'impacte pas du tout de manière négative. Je trouve qu'à chaque fois, après chaque groupe de parole, même café d'œil et même les entretiens individuels que je propose quand même régulièrement, je trouve qu'il y a beaucoup d'espoir. dans les ressources de l'être humain à chaque fois. Et je vois comment les groupes de parole ont cette capacité de faire que lorsque les personnes ressortent, elles se sentent regonflées, nourries. Alors ça ne veut pas dire que ça a duré pendant des semaines, mais elles disent quand même la plupart qu'elles se sont senties rechargées en énergie, en confiance. et puis dans le partage et dans le sentiment de ne pas être toute seule. Donc c'est vraiment une communauté humaine, et même si c'est une communauté de partage qui se fait effectivement dans le chagrin, dans la peine, il y a quand même quelque chose de cet ordre-là, de se relier à d'autres êtres humains qui vivent la même chose et qui, même dans leur chagrin le plus profond, sont capables de s'écouter. Et de se réconforter. Il y a une chose importante, c'est la consolation. On n'en a pas trop parlé, mais la consolation. Même quelqu'un de très désespéré, très impacté par le chagrin de la perte de l'autre. Je crois que ce qui fait du bien, c'est tout ce qui est en termes de gestes, en termes de regards, en termes d'actes, en termes de paroles aussi.

  • Speaker #1

    Excuse-moi, je t'interromps. Comment justement, parce que là aussi on peut être très maladroit, comment on peut consoler ?

  • Speaker #0

    Il y a des personnes qui n'aiment pas être prises dans les bras. Donc là, il faut respecter. On le sent tout de suite, quelqu'un qui ne peut pas. Des fois, elles ont le premier rejet, la première réaction de mise à distance. Et puis finalement, des fois, si on reste un petit peu, on dit allez, ça va là Pour que les personnes puissent s'abandonner. Donc là, il n'y a pas de mots, mais il y a juste un contact. Parce que beaucoup de personnes en deuxième disent que plus personne ne les touche, plus personne ne les embrasse, plus personne ne les prend dans les bras. que ça, c'est terrible, ça leur manque énormément.

  • Speaker #1

    Il y a vraiment, tu vois, et ça me touche au moment où j'en parle là, c'est marrant, c'est ce mot de consolation et d'inconsolable, il y a tellement cette peur aussi en voulant consoler, de réveiller, quelque chose de se dire, ah, il y a peut-être une douleur qui était endormie, mais en voulant consoler, je vais la réveiller, enfin tu vois.

  • Speaker #0

    Si la douleur est réveillée, c'est qu'elle est là. Parfois la douleur qui était à l'intérieur, il vaut mieux qu'elle s'exprime et qu'elle sorte. alors elle est réveillée, elle va pouvoir s'exprimer. Si c'est par les pleurs, si c'est par effectivement déclencher quelque chose. Après, il faut se sentir soi-même en capacité de pouvoir l'accompagner, cette douleur. Mais alors, c'est effectivement prendre dans les bras. Et puis, les paroles consolantes, c'est je suis là. Tu peux avoir envie de... Est-ce que tu as envie d'en parler ? Si la personne dit non, OK, c'est OK. Mais je suis là. Après, il y a plein de manières de... par des gestes, par des attitudes corporelles, des postures, par des mots, par des attentions. Il y a plein de choses qui permettent, il y a le verbal et le non-verbal, mais il y a toujours quelque chose.

  • Speaker #1

    Et même si on ne va pas dans un groupe de parole, finalement, c'est peut-être bien de savoir aussi qu'il y a des thérapeutes et qu'on peut aussi aller aborder la question de la mort, qu'on soit endeuillé ou pas, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Alors après, tous les thérapeutes ne sont pas formés à cette question-là. Moi, je sais. Sur le terrain que je connais ici, il y a des thérapeutes qui sont très mal à l'aise avec ça. Ce n'est pas parce que tu es psychologue que tu sais répondre à tout, et que tu as un mode d'emploi pour tout, et les bons mots pour tout. Donc il faut juste choisir la personne avec laquelle on se sent en confiance, et qui a en capacité d'accueillir, d'écouter, d'accompagner. Mais, et la consolation, elle est importante. Il y a des mots de consolation que des psys peuvent tout à fait, que ce soit psychologue ou psychologue. psychothérapeute, psychoparadicien, ce qu'on veut. Il y a des postures à avoir, il y a des choses à connaître sur le processus de deuil. C'est un vrai processus.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est Christophe André qui a écrit un livre sur la consolation.

  • Speaker #0

    Il a beaucoup écrit là-dessus. Et c'est vraiment important, parce que je pense qu'on n'ose pas suffisamment aller là-dessus. Mais alors, il y a les consolations aussi. que l'on attend, mais est-ce qu'on est capable de dire de quoi on a besoin quand on est dans la détresse la plus profonde ? On peut dire non ça, non ça, ça, j'ai pas envie, ça, j'ai pas besoin, bon, on peut dire des tas de choses, mais après, est-ce qu'on peut aussi oser proposer ?

  • Speaker #1

    J'aimerais terminer cette heure, alors ensuite on pourra peut-être prévoir de faire d'autres émissions, parce que je pense qu'il y aurait énormément de choses à dire, et comme on est dans un monde en joie, J'avais envie que tu nous parles d'une photo, que tu nous montres une photo qui te met en joie d'un objet et peut-être une musique.

  • Speaker #0

    La photo qui me met en joie, c'est la photo de l'océan et du mouvement des vagues, parce que c'est vraiment le côté sans cesse renouvelé du flux, du reflux, de l'énergie et de ce que peut... ce que peut transmettre l'océan. Voilà. Une musique, alors en ce moment, moi j'écoute beaucoup Clara Isay, qui est quelqu'un d'assez extraordinaire et qui a vécu un deuil parce que sa mère, qui était une philosophe et psychanalyste célèbre, c'était Anne du Fourmentel. En fait, s'est noyée en voulant sauver un enfant il y a quelques années de ça. Et Clara Isay, qui est une artiste incroyable, qui écrit, qui compose, qui chante et qui est quelqu'un que j'aime beaucoup. Alors, il y en a... Le monde s'est dédoublé, que j'aime particulièrement. Il y a plein de chansons d'elle qui sont extraordinaires parce qu'il y a à la fois du fond, il y a de la légèreté et de la profondeur. Et de la joie parce que cette jeune femme est... Une espèce de joie à la fois intérieure et d'éjarté, tout en ayant traversé notamment le drame, j'imagine, de la perte de sa mère. Mais il y a tout ce que sa mère lui a transmis et qu'on ressent vraiment. Et je trouve que c'est un beau symbole.

  • Speaker #1

    Et un objet ?

  • Speaker #0

    Un objet ? Alors, tu vois, j'ai un petit bracelet de pierre dans les tons verts, avec un peu de blanc et de... Voilà, qui... Ils sont là peut-être, alors voilà, il y a plein de vertus dans les pierres pour à la fois recentrer, mais aussi donner de l'énergie. Ça brille, c'est joli, voilà.

  • Speaker #1

    Je crois qu'on va s'arrêter là, parce qu'on aurait tellement de choses, on pourrait tirer beaucoup de fils. Merci Marie-Noël.

  • Speaker #0

    Merci Marlène, c'est toujours intéressant, ça permet de continuer à réfléchir à tout ça, puis à partager surtout.

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