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Un Monde En Joie - Marlène Le Gal

Olivier RONDINAUD - Les charentaises, une histoire de famille

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50min |18/07/2025
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Description

Pour cet épisode je suis avec Olivier RONDINAUD dans la boutique des charentaises "Rondinaud" au coeur d'Angoulême et au coeur d'une famille qui a transmis un savoir-faire unique de génération en génération depuis 1907. Tout a commencé avec les arrières grands-parents d'Olivier.


Merci à Olivier RONDINAUD pour cet échange.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On est entouré de charentaises, ce chausson mythique, connu et reconnu jusqu'à New York. Vraiment, ça me touche d'être ici. D'abord parce que je suis arrivée en Goulême il y a pile 20 ans et que la bretonne que je suis se sent de plus en plus charentaise. Et puis aussi parce que j'entre dans une famille qui a transmis depuis 1907 son savoir-faire de génération en génération jusqu'à toi, Olivier. Pour commencer cet échange, est-ce que tu peux me dire ce que ça fait d'appartenir à la famille Rondineau ? Est-ce que ça fait quelque chose ? Qu'est-ce que ça veut dire pour toi ?

  • Speaker #1

    La famille Rondineau, c'est une famille comme toutes celles qu'on pourrait croiser. qui a un nom qui aujourd'hui résonne sur une marque et sur un produit spécifique.

  • Speaker #0

    Alors c'est une marque, ça j'entends bien, mais c'est aussi ton nom. Tu t'appelles Olivier Rondineau. Comment ça résonne ? Comment ça résonne avec l'histoire de la famille ? On va en parler, l'histoire de la famille, on va revenir dessus. Mais je voulais savoir, toi, c'est quoi le sentiment ?

  • Speaker #1

    C'est une question vraiment qui est particulière parce que le sentiment... J'allais dire, Rondino, Rondino, Rondino, comme à tout un chacun, c'est mon nom de famille. Donc, moi, je porte mon nom de famille comme tout le monde le porte. Donc, il n'y a pas de prise de position ou de prise de tête sur le fait que j'ai un nom qui résonne un peu plus que d'autres sur la Charente. Mais heureusement pour moi, il y a aussi beaucoup de personnes en Charente qui ont du patrimoine historique et... qui vivent la même chose, c'est-à-dire que le nom de famille, pour moi, ça reste mon nom de famille. Je ne me lève pas tous les matins en me disant « Ah, mes grands-parents ont fait ça, c'est pas vrai ! » Ou je peux être content, c'est quand il va y avoir un marché particulier qui va arriver, ou quand il va y avoir une expression qui arrive, et là, « Ah tiens, mes grands-parents ont fait ça ! » Il y a quelques années, je t'avais dit... que finalement, ce que j'étais en train de faire, c'était une boucle. C'est-à-dire que mes arrière-grands-parents ont été marchands de chaussures. Avant ça, ils étaient marchands fourains. Ils faisaient de la draperie et des pantoufles aussi. Et puis, ils se sont sédentarisés en 1907 à La Rochefoucauld en rachetant une boutique dans laquelle il y avait une cordonnerie à l'arrière. Ils ont fabriqué leurs brodequins et leurs charantaises dans cette cordonnerie, et puis, de fil en aiguille, ils sont passés de l'état d'artisan à l'état d'industriel. Parce que forcément, on sortit de la guerre, et bien après, il fallait produire, produire, produire. Ils ont monté une entreprise d'une taille très conséquente pour le département et même en France, puisqu'ils ont eu jusqu'à 1200 personnes. Et là, le nom résonnait, mais différemment.

  • Speaker #0

    C'est comme si tu me répondais en me disant « bon, je m'appelle Rondino, mais c'est un nom comme les autres, c'est normal » . Et en fait, il ne faut quand même pas longtemps pour que toute l'histoire, elle est là, elle est en toi cette histoire.

  • Speaker #1

    L'histoire est là.

  • Speaker #0

    Peut-être que toi c'est banal.

  • Speaker #1

    Pour moi c'est banal, parce que moi je le vis tous les jours.

  • Speaker #0

    Alors ce que je veux préciser aussi, parce que tu as dit, tu m'avais déjà parlé de quelque chose, parce qu'on s'était rencontré il y a quelques années, et j'avais déjà fait une émission avec toi, et c'était un moment compliqué, parce que c'était au moment où tu... Il fallait faire repartir l'entreprise parce que ça ne marchait plus. Il y avait une liquidation, je ne sais plus exactement. C'est pour expliquer qu'on s'est déjà rencontrés, mais qu'on ne se connaît pas. Et là, on s'est recroisés. Et moi, j'étais super heureuse de voir qu'il y avait cette boutique à Angoulême, au centre-ville, en me disant « Chouette, Rondineau, ça repart et ça repart bien » .

  • Speaker #1

    Je repars où maintenant ?

  • Speaker #0

    Alors tu repars... Donc en fait, cette histoire, elle est très très forte. Elle est quand même en toi. Et avec ses grands-parents. Donc il commence tout en 1907.

  • Speaker #1

    Donc en 1907, mes grands-parents se sédentarisent à La Rochefoucauld en rachetant un magasin de chaussures dans lequel il y avait une cordonnerie. Et ils ont commencé à fabriquer leur première charanthèse sous l'égide de Rondineau, puisque avant c'était un magasin qui s'appelait Adam.

  • Speaker #0

    Donc ils ont créé la charanthèse ?

  • Speaker #1

    Ils n'ont pas créé la charanthèse, parce que la charanthèse c'est un produit qui a été créé il y a déjà plus de trois siècles. Par contre, ils ont su le mettre en avant. Et ils en ont fait une institution. Mon grand-père, lui, a réussi à faire passer la charentaise dans le monde entier, en la modernisant, en mettant des écossais, en mettant des tissus flash, en mettant des coloris qui détonnaient à l'époque. Là, je parle des années 50, 60, jusqu'à 70. Donc effectivement, il a redoré le blason de ce produit.

  • Speaker #0

    Mais la charentaise qui existait depuis hyper longtemps, Effectivement, je crois que c'était avec les différentes entreprises d'ailleurs de la région, le feutre...

  • Speaker #1

    Alors la véritable charentaise, vraiment.

  • Speaker #0

    Mais est-ce qu'elle s'appelait déjà charentaise ?

  • Speaker #1

    Elle s'appelait déjà charentaise parce que le terme charentaise, c'est un terme qui n'est pas déposable. Donc le produit, effectivement, s'appelait charentaise. Et ça, par contre, retomber sur le mot exact et pourquoi, si c'était que les charentaises sont nées sur les deux départements, Charente et Charente-Maritime... Avec Charente-Maritime, parce qu'à Rochefort, le roi Louis XIV avait sa flotte, donc la marine royale était ancrée à Rochefort, on a encore d'ailleurs quelques beaux vestiges avec la corderie, et les tailleurs aux alentours de Rochefort avaient été mandatés par le roi pour confectionner les uniformes de marine. Et avec les petits coupons de feutre qui restaient justement de ces toiles d'uniformes, il a été créé le dessus de la Charentaise. Après pour le... La semelle, on est en Charente, on est autour d'Angoulême, et la semelle est née, elle, des feutres qui servaient à assécher les pattes de papier. Et donc c'est le mix des deux, l'assemblage de ces deux éléments-là, les feutres de marine et les feutres de papeterie, qui ont donné naissance à la Charentaise, proprement dite. Mais ça, il y a plus de trois siècles. Nous, on ne sévit dans ma famille que depuis un peu plus d'un siècle, tout simplement parce que... Je dirais, mon arrière-grand-père a mis en place l'outil. Mon grand-père l'a fait fructifier et l'a monté au niveau d'industrie sur un produit qui était un produit à la base de récupération. Et surtout, c'est que c'est lui qui a su la vendre et la promouvoir dans le monde entier. Donc,

  • Speaker #0

    ils ont créé la charentaise moderne.

  • Speaker #1

    Ils ont développé la charentaise moderne. On ne peut pas dire clé proprement dit, si on veut rester très clair sur cet esprit-là. Ensuite, mes parents et oncles, qui ont eux aussi travaillé dans la société, ont vécu sur ce savoir. Et puis, j'ai commencé ma vie professionnelle dans cette structure familiale, qui malheureusement, en 2017, a connu des difficultés financières. et a été vendu. Donc je suis revenu, aujourd'hui, artisan, comme l'étaient mes arrière-grands-parents, il y a déjà un peu plus d'un siècle.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que tu parlais de boucle.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que je parle de boucle.

  • Speaker #0

    Et quand tu étais enfant, c'est quoi tes souvenirs ? Est-ce que tu traînais, je ne sais pas comment on dit,

  • Speaker #1

    dans les ateliers ? Mes souvenirs d'enfant, c'était deux types de souvenirs. On va dire oui, effectivement, période de vacances, ou... continuer à travailler, enfin quand je dis on, mes parents continuaient à travailler et ma mère nous emmenait dans les ateliers qui eux étaient fermés pour les vacances d'été et avec ma soeur on jouait dans l'usine. Donc oui forcément on courait au milieu des machines, on courait au milieu des stocks de produits, ça c'est un souvenir. Après le deuxième souvenir c'est les réunions de famille. les déjeuners du samedi chez mes grands-parents, les repas de famille tels que les fêtes, Noël et ce que l'on veut. Systématiquement, comme toute la famille travaillait dans la société familiale, à un moment ou à un autre, c'était le travail qui redéboulait sur la table et donc ça se transformait davantage en déjeuner de réunion d'entreprise plus qu'en déjeuner de famille. Voilà, donc effectivement, le fait... de travailler dans une société familiale où toute la famille travaille, c'est qu'il y a un lien qui est tel que finalement on revient toujours au travail.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est vu comme du travail ? Est-ce que finalement, ça ne devient pas une sorte de passion ?

  • Speaker #1

    Ça dépend, parce que pour ceux qui travaillent réellement, c'est certainement par passion. Pour des enfants qui sont complètement en dehors de ça, puisqu'on parle vraiment de l'enfance, ça peut être un petit peu fatigant à la fin, parce qu'on doit rester à table, on ne peut pas sortir. Et puis, on n'entend parler que d'entreprises, que de clients, que de choses comme ça. Donc, c'est rébarbatif. C'est un peu lourd. C'est un peu lourd.

  • Speaker #0

    Pour un enfant. Et c'était quoi les conversations ? Tu t'en souviens ? C'était les difficultés ? C'était qu'est-ce qu'on va faire ? Est-ce qu'on va faire des nouvelles charentaises ?

  • Speaker #1

    C'était les programmes de production. C'était les clients visités. C'était les commandes qui rentraient, qui ne rentraient pas. C'était tout ce que l'on peut, je dirais, suivre d'une vie d'entreprise. Sauf que plutôt que de se dérouler dans une salle autour d'une table comme ça se ferait aujourd'hui, ça se déroulait autour d'une table toujours, mais avec un repas de famille. Même si on ne voulait pas que l'entreprise vienne sur le côté privé, à un moment ça déboulait.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y avait une évidence aussi que les enfants devaient reprendre le flambeau ? Est-ce que tes parents eux-mêmes, ils ont pu choisir ?

  • Speaker #1

    Ils sont tous rentrés dans la société. Je ne suis pas sûr qu'ils aient eu le choix. Mais ça se portait comme ça. Comme mon grand-père souhaitait qu'au moins un de ses enfants, enfin de ses petits-enfants, arrive dans la société. Etant l'aîné des garçons, j'ai fait mes armes dans la société familiale.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu avais des envies d'ailleurs ? Est-ce que quand tu étais petit garçon, toi... À l'école, tu t'imaginais quoi plus tard ? Est-ce que tu avais un rêve autre ?

  • Speaker #1

    Alors ça. Comme tous les petits garçons, on a envie d'être pompier. Et puis après, chemin faisant, ce que je me destinais plutôt à faire, c'était plutôt dans le contact, dans le commerce. J'ai eu à faire différentes choses dans ma carrière, déjà en rentrant dans l'entreprise, parce que la première des missions qu'on m'est donné à faire, c'était d'essayer de développer un secteur parallèle à la pantoufle, c'était la chaussette. Après, j'ai aussi vendu des bateaux. Des annexes conflables de bateaux de plaisance. Ça fait partie un petit peu de ma formation. Oui,

  • Speaker #0

    tu as fait tes armes.

  • Speaker #1

    J'ai touché à différentes petites choses. Mais tout ça dans la structure sociétaire de la famille.

  • Speaker #0

    Et à quel moment tu es vraiment installé ? Est-ce qu'il y a un moment charnière ? Ou tu t'es dit, c'est ma vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    À la fin de mes études, je suis rentré en France, parce que j'ai fait un petit séjour en Angleterre. Et puis là, on m'a dit, tiens, ton bureau, il est là. Voilà, tu vas commencer à faire le tour un petit peu de toute la chaîne pour savoir quels sont tous les éléments qui permettent de fabriquer une charanthèse. Alors tout ce qui était... bureaux, commercial, choses comme ça. À l'époque, je ne mettais que très peu mon nez dans la production, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Donc là, tu as fait un petit peu le tour. Il y avait quelqu'un qui t'aidait ? Comment c'était ? Quelqu'un de la famille ?

  • Speaker #1

    Non, pas vraiment, non. Après, il y avait, comme toute grosse entreprise, il y avait déjà des personnes en poste et en place à différents hiérarchies, à différents niveaux. Donc, ma première année dans l'entreprise, ça a été de faire le tour un petit peu de tout ça, que ce soit Ausha, que ce soit au lancement. Donc, le lancement, c'est la mise en place des commandes à réaliser dans l'atelier, la création de collections, les réceptions aux fournisseurs, enfin, tout ce qui va autour.

  • Speaker #0

    Je précise parce que dans la boutique, quand je disais qu'on était entouré de charentaises, c'est vraiment ça. Il y en a partout, on est au milieu, elles sont toutes différentes. J'imagine qu'au départ, ce n'était pas comme ça. Là, il y a vraiment des motifs, des couleurs incroyables.

  • Speaker #1

    La charanthèse d'origine, proprement dit. Alors, comme je te le disais tout à l'heure, la charanthèse, c'est un mot qu'on ne peut pas déposer, qui n'est plus déposable. Donc, tout produit qui a une petite languette sur le dessus porte le nom de charanthèse. Là,

  • Speaker #0

    je précise que tu viens de prendre une charanthèse qui était à portée de main.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est ça. Donc, tout produit qui a une languette sur le coup de pied... porte le nom de Charentaise, quel que soit Ça se mêle, quelle que soit sa provenance.

  • Speaker #0

    La languette, c'est la forme comme ça, un peu carrée ?

  • Speaker #1

    La languette, c'est la forme un petit peu carrée qui se trouve sur le dessus du pied et qui, à l'origine, avait été créée, c'est le bon sens paysan, mais qui permettait d'éviter la meurtrissure du bois du sabot sur le coup de pied.

  • Speaker #0

    C'est ça, les choses qui se mettaient dans les sabots et ça,

  • Speaker #1

    ça protégeait. Exactement, et ça protégeait le haut du pied. Donc, cette forme-là, c'est une forme charentaise. Et donc, que ce soit... sur ce type de chaussons là où on pourrait imaginer un petit produit beaucoup plus fin toujours avec une languette, ça pourrait. Que ce soit avec une semelle en feutre, que ce soit avec une semelle en caoutchouc, en plastique, ça porte toujours le nom de charanthez. Moi aujourd'hui ce que je défends c'est une charanthez bien sûr, mais surtout une technique de fabrication qui elle est l'original. et l'originale c'est le cousu retourné c'est à dire qu'on fait toute la couture sur le côté intérieur. Et la dernière étape de fabrication, c'est le fait de retourner tout le produit pour le mettre dans son sens d'utilisation.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est un savoir-faire, mais vraiment très, très, très ancien.

  • Speaker #1

    C'est un savoir-faire très, très, très, très ancien. Et surtout, c'est qu'aujourd'hui, on est les derniers fabricants en Charente. Et après, je n'ai que deux collègues en France qui ont encore la capacité de fabriquer cette technique-là.

  • Speaker #0

    Ça veut dire qu'on peut trouver d'autres Charentais. C'est la forme, en fait, avec la languette, mais... Il n'y a pas forcément ce savoir-faire.

  • Speaker #1

    Ce sont d'autres savoirs, mais après, ce sont des produits qu'on peut réaliser partout dans le monde. Alors que cette fameuse charentaise en cousure tournée, il n'y a qu'ici qu'on la trouve.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu y tiens tellement à ce savoir-faire ?

  • Speaker #1

    J'y tiens tellement parce que, déjà la charentaise proprement dit, elle porte son nom, le nom du lieu dans lequel elle est née. Elle est née sur les deux Charentes. Donc Charente, Charentaise, effectivement. J'ai des clients des fois qui me disent, bah oui, elle aurait été créée en Dordogne, elle s'appellerait la Dordognaise, mais pas la Charentaise, voilà. Même si mon collègue, enfin un de mes collègues, se trouve en Dordogne. C'est pas grave ça, on est dans une zone géographique, donc c'est pas le débat. Mais toujours est-il qu'on est ancré sur un savoir-faire qui était local. Mon grand-père... avait une phrase qui disait que nos ancêtres avaient retourné la terre de nos racines. Voilà, donc mes racines elles sont là. Donc défendre ce patrimoine local, ça me paraît juste, je dirais, normal. Voilà, pourquoi celui-là ? Parce qu'aujourd'hui, cette technique de fabrication apporte un tel confort qu'on ne retrouve pas sur les autres fabrications. Et que, comme il n'y a plus personne qui l'a fait, c'est quelque chose qui est voué ou qui serait voué à disparaître.

  • Speaker #0

    Le confort,

  • Speaker #1

    il se situe. Parce qu'il est cousu. Donc, il a toute la souplesse et l'élasticité du textile. C'est un produit, il est quasiment écologique. Il n'y a pas de colle. Donc, comme il n'y a pas de colle, on n'a rien en contrainte. C'est textile sur textile.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça veut dire que c'est aussi plus solide ?

  • Speaker #1

    Je reprends encore deux expressions de mes grands-parents. Bon marché, c'est déjà trop cher. Et il faut être riche pour acheter bon marché. Deux petits adages. Bon, c'est pas eux qui les ont créés non plus. Mais c'est quelque chose qui est très vrai.

  • Speaker #0

    Il y a quand même une sacrée empreinte rondineau. Parce que tu vois, tu cites quand même énormément tes...

  • Speaker #1

    Mais je ne peux pas faire autrement. J'ai vécu avec eux. C'est eux qui m'ont formé dans ma façon de réagir, d'avancer. Et puis, à un moment, il faut aussi se rappeler du passé pour pouvoir prévoir le futur. Pour en revenir à ça... Sur la charentaise, cette technologie, elle était courante jusque dans les années 50. Industrialisation à partir de 1890, donc on était sur une technique de production avec des machines très particulières. D'ailleurs les machines que l'on utilise aujourd'hui encore dans l'atelier... Pour les étapes de montage, donc la couture de la semelle sur le dessus, les dernières machines ont été fabriquées justement dans les années 50. Depuis ces années-là, on a arrêté de fabriquer ces machines, parce que ces machines étaient trop lentes par rapport à ce que l'on a pu créer comme machine après, et surtout on était sur une société de consommation. Donc il fallait produire plus vite, à moindre coût. Alors que nos machines de couture... et bien elles étaient longues pour coudre la semelle d'une part et elles étaient extrêmement gourmande en temps de formation des artisans qui vont pouvoir les faire fonctionner parce qu'un artisan pour faire fonctionner ce type de machine là et bien avec un tuteur, avant d'être vraiment opérationnel, c'est entre 2 et 5 ans. Donc c'est très long. Qu'est-ce qui s'est passé dans les années 50 ? Les nouvelles technologies sont arrivées. Le fait de venir coller les semelles ou venir injecter du PVC sous pression dans des moules, ça c'est la modernisation. Et cette modernisation, quand elle est arrivée dans les entreprises, qu'est-ce qui s'est passé ? Ces fameuses fascines à coudre, dans un premier temps, elles ont été mises dans le fond de l'atelier pour laisser la place à la nouvelle génération de machines avec de nouvelles typologies de produits. Et puis, au bout d'un moment, dans le fond de l'atelier, ça prenait trop de place. Et puis, les gens ont commencé à se dire, « Non, mais pourquoi on les garde ces machines-là ? Tu sais encore t'en servir, toi ? » « Bah non. » Et hop, on les vire, poubelle. Et puis, elles ont été efféraillées. Donc aujourd'hui, ces machines-là sont extrêmement rares.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, ce sont des machines que tu es allé chercher en 2020, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Ce que j'allais chercher en 2020 ? Je vais les chercher toujours en 2025. Mais il y en a encore. Non, il n'y a quasiment plus rien. Je les cherche, je rentre en contact. Là, je suis rentré en contact avec un monsieur qui a des aiguilles, qui est dans la région parisienne. Il en a 47. Donc là, il va falloir que j'aille à Paris chercher ses 47 aiguilles.

  • Speaker #0

    Et comment ça se fait qu'il a conservé les aiguilles ?

  • Speaker #1

    Parce qu'à une époque, il était marchand. Et puis, il a des petits stocks. Et ce monsieur, je suis rentré en contact avec lui. par l'intermédiaire d'un club de voitures anciennes qui est venu visiter l'atelier. Il y avait un monsieur dans ces visiteurs qui connaissait ce monsieur-là. Et il nous a mis en contact. Voilà, tout simplement.

  • Speaker #0

    Est-ce que ces machines-là, il y en a à l'étranger ?

  • Speaker #1

    Alors, à ma connaissance, il y en a une ou deux en Espagne. Mais c'est tout. Après, je n'en connais pas d'autres ailleurs. De toute façon, économiquement parlant... Dans les années 50-60, c'était plus intéressant. Il fallait produire plus vite, moins cher. Et effectivement, au bout, on va dire, je vais donner un ordre d'idée, mais où il faudrait 10 minutes pour fabriquer une paire de charentaises en cousue retournée, avec de l'injecté, on n'a besoin que de 5 minutes. Et avec du soudé, donc du collé, on va être aussi sur le même type de temps. Le débat, c'est qu'effectivement, avec ces technologies plus rapides, eh bien on s'est heurté aussi à un prix plus bas. Donc les produits en cousue retournée se sont retrouvés déconnectés du prix du marché. Et tout le monde est parti sur des productions à bas prix. Enfin, à bas prix, entre parenthèses, parce qu'il y a le bas prix en France, et puis après il y a le bas prix en Europe, et puis après il y a le bas prix asiatique. Donc ça, ça change aussi un petit peu la donne. Maintenant, Pour revenir sur ce que tu me disais tout à l'heure, une charantheise, sa durée de vie, alors c'est ce que je dis avec malice à mes visiteurs, la durée de vie ça va surtout dépendre de la voracité du chien. On est tous différents. Vous avez des personnes qui vont user une paire de chaussures en 6 mois, et il y en a d'autres, en 10 ans, elles seront encore neuves. Une paire de charantheises qui sort de l'atelier avec les semelles en feutre, comme ça, on va dire... Un temps d'utilisation normal, c'est deux ans, trois ans. Après, il y a des gens qui viennent me voir en me disant « Ah, moi j'ai vos charentaises, moi j'achète que des rondineaux, et j'ai des charentaises de chez vous, elles ont sept ans, huit ans. » Et j'en suis très content.

  • Speaker #0

    Là, tu me justifies le prix un peu élevé, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Je ne justifie pas un prix élevé, parce qu'en réalité, on utilise des matières qui, elles, valent déjà cher. Donc à partir du moment où on emploie des matières chères, avec un besoin de personnel qui ont un savoir-faire, on ne peut pas les payer avec un lance-pierre, et puis de l'autre côté après, on a ce temps de fabrication étant plus long, qui explique aussi que le produit soit un peu plus cher qu'un produit qu'on va... Oui, c'est la qualité. Voilà, c'est une qualité de matière.

  • Speaker #0

    La qualité du savoir-faire, du travail bien fait et des matières à la base... Entre autres. Parce que tu peux travailler des gens aussi de la région, je crois,

  • Speaker #1

    sur le texte. On fait travailler, on essaie d'avoir un produit le plus possible français. Mais on voit nos feutres, donc les feutres qui servent à la semelle. Ça, elles viennent du Tarn. Ce fabricant, c'est le dernier à être encore capable de fabriquer le feutre tel qu'il était réalisé pour les papeteries il y a 300 ans. C'est le dernier, il n'y en a pas d'autres. Et il n'y en a pas d'autres dans le monde. Donc, on est intimement liés. Eux, ça fait partie de leur ADN aussi, comme nous, chez nous c'est la charanthèse, c'est le feutre de papeterie.

  • Speaker #0

    Et ça veut dire que les charanthèses, les autres charanthèses qui n'ont pas tout ce savoir-faire, par exemple, à la place du feutre, c'est quoi comme matière ?

  • Speaker #1

    Alors, il peut y avoir des feutres aussi, mais des feutres qui ne vont pas être tissés, parce que là je parle du feutre d'origine, qui est tissé, ce qu'on appelle chaîné-trame, donc avec des fils de chaîne et des fils de trame. Après, il existe des feutres, aujourd'hui, qui sont aiguillités. Donc là, ce n'est pas un feutre tissé, c'est un feutre avec des milliers de petites aiguilles qui viennent et qui passent à l'intérieur des fibres et qui vont les nouer. On rajoute différentes composantes à l'intérieur, on met tout ça au four, on chauffe, on presse tout ça, et puis on obtient un feutre tissé tram. Par contre, un feutre aiguilleté n'a pas la résistance d'un feutre tissé. Un feutre tel que celui qu'on utilise ici avec des fils de chaîne et des fils de tram, vous pouvez le mettre dans une machine à laver, il va ressortir, il sera nickel. Si vous le faites avec un feutre en aiguilleté, il n'y a pas de garantie. Alors quand on parle de la charentaise et celle que l'on produit, je dirais presque écologique, elle a quoi ? Elle a plein de choses qui sont essentielles. Et c'est pour ça que moi me battre pour ce patrimoine, ça m'intéresse. C'est un produit qui a une histoire. On a dit à peu près trois siècles. C'est un produit qui représente un territoire. C'est vrai que la charentaise en charente, il y a le nom qu'il porte. Et puis, comme je le disais tout à l'heure, On a cette représentation du français avec ses charantaises au pied. On est sur un produit qui est considéré comme écologique. On n'a pas de colle, on travaille qu'avec du fil et du tissu. On a un produit qui est durable, puisqu'en moyenne, on est quand même sur deux ans, voire trois. Et puis, on a un côté aussi un peu bobo, parce qu'aujourd'hui, les charantaises, on les montre.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu en as une, vieille charentaise ? Non,

  • Speaker #1

    dans la boutique, je n'en ai pas. Mais une vraie vieille charentaise, c'était une toile de feutre, tout ce qu'il y a de plus classique. Il n'y avait pas de doublure. D'abord, il n'y avait pas de pied droit, il n'y avait pas de pied gauche non plus. C'est ce qu'on appelle une forme droite. C'était un chausson qui avait pour utilité d'être mis dans le sabot. Quelle couleur ?

  • Speaker #0

    Il y avait des couleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, il y avait plein de couleurs. Il y avait du noir, il y avait du marine. Il y avait peut-être un peu de rouge. Il ne faut pas oublier qu'on est sur un produit qui, en réalité, est un produit de récupération à 100%. Donc, on ne cherchait pas. Et de toute façon, il y a trois siècles de ça, on ne cherchait pas à avoir un article qui était mode. On était toujours dans l'usuel du produit. Donc, il fallait que ça soit usuel. Il fallait que ça soit confortable.

  • Speaker #0

    Il y avait un peu de couleurs quand même.

  • Speaker #1

    Il y avait très peu de couleurs. En réalité, les couleurs, c'était ni plus ni moins que les couleurs des uniformes de la marine. Et puis, ça s'arrêtait là.

  • Speaker #0

    Et l'écossais, c'est arrivé quand ?

  • Speaker #1

    Les écossais, c'est une farce de mon grand-père, ça. c'est que mon grand-père, dans les années 50, a commencé à dire il faut moderniser le truc, il faut aller un peu plus loin. Et Jean Brondino a commencé à vendre ses charentaises avec des écossais dessus. Et aujourd'hui, tout le monde pense que la charentaise, c'était écossais. Mais la charentaise d'origine, comme c'était des produits de récupération d'étoiles de marine, on était sur des coloris basiques.

  • Speaker #0

    Donc, il y avait les anciennes noires, rouges, marines. Et hop,

  • Speaker #1

    ton grand-père... Et après, il est passé à tout ça. Sur d'autres éléments, il fallait réveiller tout ça. Il fallait pousser les murs. Et ça, c'est ce qu'il savait faire. Donc, il l'a fait. Ce qui fait que mon grand-père était beaucoup plus, lui, sur le côté commercial, allait chercher les clients, les comptes. Et ma grand-mère, elle, était beaucoup plus dans les ateliers, justement, à faire en sorte que les productions qui étaient commandées puissent être livrées.

  • Speaker #0

    Alors justement, à l'entrée de la boutique, il y a un cadre avec ton... grand-père. La première génération, c'était Yvonne et Théophile. Et puis, alors après, la deuxième génération, c'est ton grand-père qui est là. Il n'y a pas de photo de tes arrière-grands-parents, mais il y a une photo...

  • Speaker #1

    Sur toutes les boîtes. Là, je te montre la boîte. Sur le perron.

  • Speaker #0

    C'est une photo en noir et blanc.

  • Speaker #1

    C'est une photo en noir et blanc qui était la photo de la boutique originelle. Là où on voit Yvonne sur le perron de la boutique. Son mari théophile, juste à côté, avec son béret, lui aussi. Puis un petit garçon. Et ça, c'est Jam. C'est justement le monsieur qu'on voit en photo après sur le cadre.

  • Speaker #0

    D'accord, c'est ton grand-père. Et là, à gauche, c'est qui ? C'est l'employé ou c'est quelqu'un d'affaibli ?

  • Speaker #1

    Ça, c'est M. Roudy. M. Roudy était le cordonnier en chef de l'atelier. Et c'est lui qui a formé, donc Jam Rondineau, ce petit garçon, au métier de la cordonnerie. et qui lui a donné le goût du travail et de la réalisation des produits.

  • Speaker #0

    Toi, quand tu vois cette photo, tu vas me dire, c'est comme toutes les familles. C'est un peu ça. C'est un peu ça, oui. Qu'est-ce que ça te fait quand même ? Est-ce qu'il y a, je ne sais pas, une émotion ? Est-ce qu'il y a de la fierté ?

  • Speaker #1

    Ce qui est sympa sur cette photo, c'est qu'en réalité, il y a une partie de mon patrimoine qui est là, de mon historique. Après, j'ai d'autres photos où on voit mes grands-parents. alors là on est plus sur les arrière-grands-parents mais mes grands-parents dans l'atelier qui se trouve juste derrière ce magasin qui était la cordonnerie à l'époque où l'atelier commençait à monter avec une quarantaine de personnes ou une cinquantaine de personnes et là vous avez Jamais Lucienne et devant eux deux de leurs fils

  • Speaker #0

    Donc il y a du transgénérationnel qui passe. Non, moi je trouve sympa le fait de se dire, eh bien ça fait quatre générations déjà sur le même métier. Maintenant, est-ce que dans le futur, on retrouvera encore autant de générations passantes ? Ce n'est pas sûr. Tout à l'heure, je parlais...

  • Speaker #1

    C'est fascinant. Pour moi en tout cas.

  • Speaker #0

    Mais tout ça parce qu'à un moment, il y a des choses qui se sont faites. Parce qu'en 2017, quand la société a périclité, finalement, ça aurait pu ne pas faire plus de génération. Donc la société a été vendue et elle est rentrée dans un consortium qui a regroupé les quatre dernières sociétés qui fabriquaient cette typologie de produits en Charente. parce qu'elles se sont toutes retrouvées en difficulté au même moment. Donc elles ont été regroupées. Et puis finalement, ça n'a pas été, je dirais, glorieux parce que des erreurs ont été commises. Et puis un an et demi plus tard, il y a eu par contre plus redressement et passation, mais liquidation de la société. À ce moment-là, moi, je me suis posé la question, qu'est-ce qu'on peut faire ? parce que j'avais du mal à... me dire, on va laisser partir un patrimoine français parce que il n'y avait quasiment plus personne derrière. Et puis, personnellement, c'était un patrimoine familial. Justement, cette histoire de génération.

  • Speaker #1

    Oui, là, quand même, ça t'aurait fait mal. Tu t'en étais attaché quand même.

  • Speaker #0

    On est toujours attaché quand on n'a connu que ça. Quand on n'a pas connu que ça, on passe à autre chose. Maintenant, j'ai eu... je ne vais pas dire l'opportunité de faire et de remonter une structure pour préserver ce savoir-faire, mais j'aurais à un moment pu aussi me dire, allez, on laisse tout tomber et puis, aujourd'hui, je ferai autre chose. Mais bon, ça a été sur le moment. Donc battu pour remettre tout ça en place. Il y a eu d'autres difficultés par la suite, mais... On est tombé avec le Covid, il y a eu plein d'éléments là aussi.

  • Speaker #1

    Finalement, le Covid, ça n'a pas été... Parce que j'ai cru voir ça en faisant un petit peu de recherche, qu'il y avait des ventes qui étaient reparties. Enfin, le côté refuge, comme ça, les gens chez eux, apparemment, les ventes sont reparties.

  • Speaker #0

    Entre parenthèses, ça nous a aidés au départ. Ça nous a aidés et en même temps, ça nous a plombés. Parce que la problématique du Covid, c'est qu'effectivement, les gens ont fait du télétravail, beaucoup. Donc, on est à l'aise chez soi. On peut être en charanthèse, entre autres, mais plein de choses sont aussi, il n'y a pas que les charanthèses. Et après, il y a, ça c'est pour le côté... positif donc effectivement les volumes arrivent sauf que pour arriver à produire et bien faut-il encore avoir les matières et quand vous n'avez pas les matières pour produire et que les commandes arrivent et bien les clients vous insultent enfin quand je dis vous insulte façon de parler mais vous vous faites pourrir parce que eux ils veulent de la cam ils veulent de la marchandise ils veulent pouvoir vendre et vous vous avez une capacité réduite parce que vous n'arrivez pas à être approvisionnés de la part de des usines de fabrication de tissus ou de feutres pour arriver à subvenir aux besoins de tout le monde. C'est-à-dire que la capacité de production, elle est là, les artisans formés, ils sont là, mais on travaille au ralenti parce qu'on n'a pas les matières. Et ça, pour un commerçant, c'est incompréhensible. Lui, ce qu'il voit, c'est qu'aujourd'hui, il a raté la vente de 5 paires et donc c'est du chiffre d'affaires qu'il n'a pas. Donc c'est pour ça que je dis, il y a les deux côtés. Il y a le côté effectivement positif qui a fait qu'il y a eu un engouement sur les produits d'intérieur. Et à côté de ça, le côté négatif où ça a été extrêmement difficile à gérer parce que tout le monde voulait tout et tout de suite. Et là, malheureusement, il y avait des délais et on n'est pas capable de subvenir aux besoins de tout le monde. Donc, un client qui commandait, on va dire un exemple, 100 paires pour une livraison en octobre, il n'avait que 50 paires. En livraison, novembre ou décembre.

  • Speaker #1

    Qui sont les clients aujourd'hui ? C'est des grands magasins, c'est ça ? Ou c'est des petites boutiques ?

  • Speaker #0

    D'abord, notre cœur de marché, c'est les magasins de centre-ville. Le détail de centre-ville. C'est-à-dire les boutiques de chausseurs, de cordonneries, ce genre de clients-là. Donc ça, ça représente à peu près 500 clients en France. Ensuite, on va avoir notre propre réseau de vente. avec notre site internet où là, effectivement, on a aussi, je dirais, de belles commandes qui passent. Et après, nos boutiques personnelles aussi, ça depuis l'année dernière. Donc, on a une boutique à Angoulême, dans laquelle on se trouve aujourd'hui, et une deuxième boutique qui est à Limoges. Voilà. Donc ça, après, on verra ce qu'on fait, si on va plus loin. Mais déjà, on a mis ça en place. Après, on va travailler aussi avec l'étranger. Donc là, on a des clients. un petit peu partout dans le monde alors ça ne pèse pas des grosses quantités mais en termes d'images c'est quand même assez intéressant et dans les belles images que l'on peut avoir à l'étranger c'est notamment ce que l'on a fait il y a deux ans et l'année dernière avec le MoMA ça raconte parce que c'est quand même une aventure folle parce que c'est le musée à New York c'est eux qui nous ont contactés c'est eux qui sont rentrés en contact avec nous mais ça pour différentes raisons je soupçonne la prise de contact du MoMA avec Rondino, suite à l'exposition du savoir fabriqué en France, qui s'est tenue dans les salons de l'Elysée en 2023, pour laquelle on avait été retenus. Et donc, il y a 8000 visiteurs qui sont passés. Et donc c'est quand même une très belle image en termes de rayonnement. Et donc là effectivement, le Museum of Modern Art à New York est rentré en contact avec nous. Je présume que c'est par ce biais-là. Alors c'est moi qui les ai eus, oui, c'est moi qui les ai eus. Et là, bonjour, c'est le MoMA. On voudrait mettre en place une petite collaboration. Quand on commence à lire ça, on se dit, c'est bon, allez, on nous fait une petite blague. On commence à faire des recherches, je regarde un petit peu tout ça. Et puis, je m'aperçois qu'il y a des choses qui collent. Donc là, je réponds aux mails. Et effectivement, on a commencé à communiquer. On a mis en place une gamme en place. Et puis, les commandes sont arrivées. Donc là, oui, c'est intéressant. Maintenant, on a fait ça aussi avec le Grand-Duché du Luxembourg, où on a quelques modèles qui sont aujourd'hui... dans leurs musées nationaux.

  • Speaker #1

    Donc à chaque fois, ce qui est valorisé, c'est vraiment ce savoir-faire.

  • Speaker #0

    C'est ce savoir-faire. Aux États-Unis, ils ont beaucoup de choses, mais ils n'ont pas cette culture historique. Il y a un mois et demi, j'étais dans la boutique où on se trouve ici, et je remplaçais ma petite vendeuse. Et là, j'ai un couple d'Américains qui étaient en touriste ici, et qui sont rentrés. On a commencé à discuter, on a regardé un petit peu les produits. Ah oui, ça c'est bien, ça c'est bien. Ah oui, vous faites ça comme ça, vous faites ça comme ça. Et c'est tout fait à la main. Ouais, c'est extraordinaire. Voilà, donc ils se rachètent une petite partie de patrimoine. Voilà, et c'est ce qui est assez rigolo. Pour en revenir à notre réseau de distribution, oui, effectivement, on travaille avec l'export. Donc on a des clients en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, en Belgique, en Italie, en Espagne. On en a encore un au Japon. Donc oui, on a des produits qui partent, un peu plus loin que nos frontières, mais notre gros marché reste quand même un marché français. Après, on a des collaborations aussi. Il y a un petit fabricant de chaussettes qui n'est pas loin d'ici, à Limoges. D'ailleurs, on a ici des présentoirs avec les chaussettes qui sont de la maison Brousseau. Et eux me font fabriquer des charentaises à leur effigie. Et moi, ici dans la boutique, je leur vends des chaussettes. Voilà, donc on a des ADN qui sont extrêmement proches. On a souvent la même vision des choses. Et l'union fait la force. Donc, on va trouver des petites collabs comme ça.

  • Speaker #1

    Mais vu qu'il n'y avait pas que d'ailleurs dans les chaussures, il n'y a pas que des charentaises. Il y a aussi des petites chaussures d'été.

  • Speaker #0

    Là, il y a... Parce que la charentaise d'été, ça se vend un petit peu moins. Je ne dis pas que ça ne se vend pas, parce qu'on en vend, mais ça se vend un peu moins. Pour un commerçant détaillant, il faut trouver des produits qui aillent sur la saison de transition. Donc oui, il y a des espadrilles. C'est des espadrilles made in France.

  • Speaker #1

    En plus, là, aujourd'hui, ça va, même il pleuvait tout à l'heure. Regardez par la vitrine, on a eu quelques jours de canicule. Oui. Donc là, la charentaise en tant que...

  • Speaker #0

    On en a vendu quand même.

  • Speaker #1

    Peut-être que ça isole.

  • Speaker #0

    D'une part, ça isole, mais d'autre part, comme c'est un produit emblématique du département, vous avez une partie de touristes qui vient ici pour ça. Enfin, pour ça. C'est-à-dire qu'ils vont repartir avec un souvenir. Et pourquoi pas ça ? Ils vont en Bretagne, ils repartent avec une marinière. ils viennent en Charente, ils repartent avec une bouteille de cognac ou une paire de charentaises.

  • Speaker #1

    Et donc il y a des petites chaussures, est-ce qu'on disait les espadrilles ? Je ne sais pas si on peut dire espadrilles. Oui,

  • Speaker #0

    on peut, parce que c'est pareil, c'est un terme qu'on peut utiliser à toute sauce. Donc tout ce qui est smell cord, tout simplement, parce que ça fait partie des produits corollaires à ce que nous, nous savons faire.

  • Speaker #1

    Alors Olivier, tu sais qu'on est dans un monde en joie. Donc je voudrais savoir ce que c'est que la joie pour toi.

  • Speaker #0

    Super question. La joie, il ne faut pas grand-chose pour être joyeux. La joie, ça passe par un moment partagé, un bon moment partagé. L'amour de ses proches. Pour être heureux, pour être joyeux, il ne faut pas forcément de gros moyens. C'est surtout des moments de partage.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a une musique, une chanson qui te met en joie ? Ou toi, tu te dis que si ça ne va pas bien, tu te dis tiens, je vais écouter ça.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas très mélomane.

  • Speaker #1

    Ça peut être même une chanson rigolote, pas forcément...

  • Speaker #0

    Oui, mais là, vu comme ça, je n'ai pas de...

  • Speaker #1

    Ce n'est pas grave. Est-ce qu'il y a une photo ou quelque chose qui est... te met en joie, une image ?

  • Speaker #0

    Une image qui me met en joie. Quand ma fille, je la vois avec le sourire jusqu'aux deux oreilles, ça suffit à me mettre en joie. C'est le plaisir partagé avec mon épouse de voir notre petite prendre du plaisir dans la vie, tout simplement.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu penses à la suite ? de rondineau. Est-ce que ta fille...

  • Speaker #0

    On y pense toujours. La seule chose, c'est que elle est un peu jeune aujourd'hui pour choisir. Avec sa mère, souvent, on lui pose la question, juste histoire de la taquiner. Elle a 10 ans et demi. On lui pose la question pour la taquiner en lui disant, qu'est-ce que tu voudrais faire plus tard ? Qu'est-ce qu'on fait ? Ça, alors, l'usine de papa, on la garde ou on la vend ? Maman, qu'est-ce qu'on en fait de ces affaires ? Tu vas travailler avec elle ou tu vas pas travailler avec elle ? Merci. ton épouse elle travaille dans autre chose oui complètement autre chose et donc au final c'est ah bah non on garde, d'accord donc finalement si tu vas travailler avec maman l'usine de papa t'en fait quoi ? je mettrais quelqu'un dedans et puis je surveillerais voilà donc elle a pas forcément envie de ne pas s'investir à l'intérieur mais est-ce que ça sera sa voix plus tard ? c'est pas sûr donc aujourd'hui je préfère voir un petit peu aussi comment elle va évoluer Merci. savoir quels vont être ses centres réellement d'intérêt, et puis qu'est-ce qui va la motiver plus tard. J'allais dire, j'en ferais pas une maladie si elle ne va pas derrière. Le tout, c'est que ce qui a été mis en place sur ces dernières années aussi puisse continuer à perdurer, après moi. Maintenant, Rondino, c'est devenu une marque. Donc le nom, il est rattaché à ça. Et c'est vrai que... Aujourd'hui, quand on parle de Charentaise, on va facilement en disant « Ah oui, Charentaise, c'est Rondineau » . Quand on va dans les magasins de détails, c'est une référence. Même si demain je ne suis plus là, on va dire qu'il y a des choses qui vont rester.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui est écrit d'ailleurs sous les Charentaises, pour ceux qui ne connaissent pas, pour ceux qui n'ont pas encore acheté leur première paire ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'il y a de marqué ? Il y a marqué « Made in Charente, fabriquée par Rondineau, maison fondée, il y a belle lurette » . C'est un petit texte un petit peu humoristique. C'est même un signe de reconnaissance aujourd'hui. D'ailleurs, c'est un signe de reconnaissance que j'ai même déposé au niveau de l'INPI.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut, pour terminer, se faire un petit tour de boutique comme ça, regarder toutes ces belles paires de charentaises ? Est-ce qu'il y a un motif préféré ? Est-ce que vous continuez à chercher ? Est-ce qu'il y a des modèles qui vont encore sortir dans les années à venir ? Est-ce qu'il y a une veille pour ça ?

  • Speaker #0

    Tous les ans, c'est à peu près 180 modèles différents qu'on va sortir. Sur ces 180 modèles, il va y avoir à peu près une quarantaine de modèles qui vont être des permanents. Donc des produits qu'on va retrouver d'année après année. Et le reste, ça sera des nouveautés. Alors, quand on parle de nouveautés, une charantèse, c'est une charantèse. C'est la même coupe. Par contre, c'est tout ce qu'on va faire sur les dessus. Arriver à trouver des nouveaux colorations, suivre la mode. Parce que finalement, même au niveau d'un produit qui n'est pas celui-là, il faut être à la mode. Il faut être un peu pointu.

  • Speaker #1

    Mais c'est quoi être à la mode avec des charentaises en ce moment ? Pardon, mais... La question qui tue ?

  • Speaker #0

    On va suivre le vestimentaire. C'est-à-dire que d'une année sur l'autre, vous avez des fois des teintes qui vont être... Allez, cette année, ça a été le vert pomme. L'année prochaine, ça sera les oranges.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de modèles différents autour de moi. Regarde, là, c'est parme, rose parme. Là, c'est des petites fleurs rouges. Là, c'est bleu avec un liseré orange. Là, c'est des petites fleurs violettes. Un peu mexicain, léopard, jaune, moutarde.

  • Speaker #0

    Parce qu'il en faut pour tous les goûts. Voilà. Mais quand on regarde bien ce qui se vend, aujourd'hui, nos intemporels, en réalité, se vendent très bien. Pourquoi ? Parce que les jeunes générations sont en train de s'associer au fait qu'ils veulent essayer de retrouver les produits qu'ils ont connus chez leurs parents, voire leurs grands-parents. Donc, ils vont revenir vers des essentiels. Et en réalité, les modèles les plus chamarrés, les plus pétants, C'est une clientèle d'il y a une cinquantaine d'années, 50, 60, qui les achète. Et les modèles qui sont les plus ordinaires, quand je dis ordinaires, c'est-à-dire j'en ai là-bas, au fond de la boutique, les verts, les beiges, les rouges, les bleus marines. Ça fait 30 ans qu'on les fabrique et ce sont ceux qui marchent le mieux. Parce que dans l'esprit des jeunes, ça c'est une charantheise. Après, on en a plein. En Unis, on fait plein de choses. Quand on a fait la charentaise pour l'exposition du savoir fabriqué en France à l'Elysée, et qu'est-ce qu'on a fait ? Un truc très discret. On a juste mis une ganse bleu-blanc-rouge autour du produit pour le rendre patriotique.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais ça, c'est une charentaise de président.

  • Speaker #0

    Ou présidentiable. Oui. Mais toujours est-il que voilà. Donc ça, ça a eu beaucoup de succès. Ça représente un savoir-faire. Par contre, là, on n'est pas sur un Écossais, on est bien sur un uni. Donc, c'est à la fois discret, si je peux dire chic, pourquoi pas, puisqu'aujourd'hui, on n'hésite plus à recevoir en charentaise. Et on va aller chercher, justement, des matières qui vont être sympas. On va chercher des matières qui vont avoir un toucher, un soyeux, quelque chose de sympa.

  • Speaker #1

    Et les gens, quand ils viennent, ils essayent, évidemment ? Et je trouve ça rigolo, j'ai l'image tout d'un coup des gens qui essayent leurs petits chaussons dans la boutique. Ils sont à l'aise les gens quand ils essayent ?

  • Speaker #0

    Oui, il n'y a pas de complexe par rapport à ça. On ne vient pas cacher pour venir chercher une paire de charentaises. Non, au contraire. Et puis après, on va en essayer un, deux, trois. Ah tiens, tu trouves que ça c'est mieux, ça c'est moins bien. Ah oui, moi je préfère celle-là parce que tu vois, ça peut être assorti avec ça. Parce qu'une paire de charentaises, ce n'est pas forcément pour porter qu'avec un pyjama. Quand on est chez soi, on est chez soi. c'est la chaussure C'est la chaussure d'intérieur. Et après, on peut être à l'aise chez soi sans forcément avoir quelque chose qui va être tristouné ou qui va être un gars. Donc, il y a énormément de possibilités. Et puis après, on voit effectivement, en fonction des âges, l'évolution du produit.

  • Speaker #1

    Comment tu vois les années qui viennent ? Ça fait combien de temps que tu es là ? On est derrière le palais de justice Angoulême, au cœur du centre-ville ?

  • Speaker #0

    Du vieil Angoulême, oui.

  • Speaker #1

    Du vieil Angoulême, exactement.

  • Speaker #0

    On est installé ici depuis le mois de novembre. Donc ça ne fait pas encore un an.

  • Speaker #1

    Est-ce que ça t'a fait du bien d'être là ? Est-ce qu'il y a des choses qui...

  • Speaker #0

    Je suis arrivé à Angoulême, au centre-ville, par étapes. Je veux dire par étapes, tout simplement, parce que j'avais monté il y a deux ans un magasin éphémère. qui se trouvaient dans la rue Piétonne. Et là, il y avait eu un engouement. Les gens étaient super contents de revoir leur marque de charentaise favorite implantée dans la ville. Donc Angoulême, on est aussi sur le chef-lieu du département, donc ça a quand même du sens. De l'autre côté, comme on représente aussi indirectement un savoir-faire charentais, C'est pas mal. Donc les gens étaient ravis. Et puis, ils ont été déçus de voir que la boutique, elle n'était qu'éphémère. Donc j'ai été plébiscité par rapport à ça pour mettre une boutique en place pour du long terme. Alors j'ai commencé à chercher un grand moment vers la rue Piétonne. Malheureusement, je n'ai pas trouvé de local. Donc je suis venu m'installer là. Donc cette boutique est là depuis maintenant 8 mois. ça commence à démarrer correctement. Mais elle ne va pas rester là longtemps, parce qu'effectivement, là maintenant, elle va se trouver dans la rue des Postes, tout à fait à l'entrée de la rue des Postes, quasiment en face de la mairie.

  • Speaker #1

    Ce sera encore mieux là. Ou là,

  • Speaker #0

    on sera encore mieux placé, tout simplement parce qu'on ne passe pas...

  • Speaker #1

    On ne tourne pas forcément.

  • Speaker #0

    Les touristes ne viennent pas forcément par là. Voilà. Les habitants d'Angoulême... Il n'y a pas de débat. À fur et à mesure, on en voit arriver de plus en plus. Donc, ils finissent par savoir où ça se trouve. Mais on passe à côté de toute la partie tourisme. Donc là, pour un produit du patrimoine touristique, il faut quand même se trouver au bon endroit.

  • Speaker #1

    Olivier, on va fermer la boutique. Normalement, c'est fermé aujourd'hui, mais on n'a pas fermé la porte. C'est lundi.

  • Speaker #0

    On va éteindre les lumières. Par contre, demain, on sera ouvert.

  • Speaker #1

    Merci encore.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir.

Description

Pour cet épisode je suis avec Olivier RONDINAUD dans la boutique des charentaises "Rondinaud" au coeur d'Angoulême et au coeur d'une famille qui a transmis un savoir-faire unique de génération en génération depuis 1907. Tout a commencé avec les arrières grands-parents d'Olivier.


Merci à Olivier RONDINAUD pour cet échange.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On est entouré de charentaises, ce chausson mythique, connu et reconnu jusqu'à New York. Vraiment, ça me touche d'être ici. D'abord parce que je suis arrivée en Goulême il y a pile 20 ans et que la bretonne que je suis se sent de plus en plus charentaise. Et puis aussi parce que j'entre dans une famille qui a transmis depuis 1907 son savoir-faire de génération en génération jusqu'à toi, Olivier. Pour commencer cet échange, est-ce que tu peux me dire ce que ça fait d'appartenir à la famille Rondineau ? Est-ce que ça fait quelque chose ? Qu'est-ce que ça veut dire pour toi ?

  • Speaker #1

    La famille Rondineau, c'est une famille comme toutes celles qu'on pourrait croiser. qui a un nom qui aujourd'hui résonne sur une marque et sur un produit spécifique.

  • Speaker #0

    Alors c'est une marque, ça j'entends bien, mais c'est aussi ton nom. Tu t'appelles Olivier Rondineau. Comment ça résonne ? Comment ça résonne avec l'histoire de la famille ? On va en parler, l'histoire de la famille, on va revenir dessus. Mais je voulais savoir, toi, c'est quoi le sentiment ?

  • Speaker #1

    C'est une question vraiment qui est particulière parce que le sentiment... J'allais dire, Rondino, Rondino, Rondino, comme à tout un chacun, c'est mon nom de famille. Donc, moi, je porte mon nom de famille comme tout le monde le porte. Donc, il n'y a pas de prise de position ou de prise de tête sur le fait que j'ai un nom qui résonne un peu plus que d'autres sur la Charente. Mais heureusement pour moi, il y a aussi beaucoup de personnes en Charente qui ont du patrimoine historique et... qui vivent la même chose, c'est-à-dire que le nom de famille, pour moi, ça reste mon nom de famille. Je ne me lève pas tous les matins en me disant « Ah, mes grands-parents ont fait ça, c'est pas vrai ! » Ou je peux être content, c'est quand il va y avoir un marché particulier qui va arriver, ou quand il va y avoir une expression qui arrive, et là, « Ah tiens, mes grands-parents ont fait ça ! » Il y a quelques années, je t'avais dit... que finalement, ce que j'étais en train de faire, c'était une boucle. C'est-à-dire que mes arrière-grands-parents ont été marchands de chaussures. Avant ça, ils étaient marchands fourains. Ils faisaient de la draperie et des pantoufles aussi. Et puis, ils se sont sédentarisés en 1907 à La Rochefoucauld en rachetant une boutique dans laquelle il y avait une cordonnerie à l'arrière. Ils ont fabriqué leurs brodequins et leurs charantaises dans cette cordonnerie, et puis, de fil en aiguille, ils sont passés de l'état d'artisan à l'état d'industriel. Parce que forcément, on sortit de la guerre, et bien après, il fallait produire, produire, produire. Ils ont monté une entreprise d'une taille très conséquente pour le département et même en France, puisqu'ils ont eu jusqu'à 1200 personnes. Et là, le nom résonnait, mais différemment.

  • Speaker #0

    C'est comme si tu me répondais en me disant « bon, je m'appelle Rondino, mais c'est un nom comme les autres, c'est normal » . Et en fait, il ne faut quand même pas longtemps pour que toute l'histoire, elle est là, elle est en toi cette histoire.

  • Speaker #1

    L'histoire est là.

  • Speaker #0

    Peut-être que toi c'est banal.

  • Speaker #1

    Pour moi c'est banal, parce que moi je le vis tous les jours.

  • Speaker #0

    Alors ce que je veux préciser aussi, parce que tu as dit, tu m'avais déjà parlé de quelque chose, parce qu'on s'était rencontré il y a quelques années, et j'avais déjà fait une émission avec toi, et c'était un moment compliqué, parce que c'était au moment où tu... Il fallait faire repartir l'entreprise parce que ça ne marchait plus. Il y avait une liquidation, je ne sais plus exactement. C'est pour expliquer qu'on s'est déjà rencontrés, mais qu'on ne se connaît pas. Et là, on s'est recroisés. Et moi, j'étais super heureuse de voir qu'il y avait cette boutique à Angoulême, au centre-ville, en me disant « Chouette, Rondineau, ça repart et ça repart bien » .

  • Speaker #1

    Je repars où maintenant ?

  • Speaker #0

    Alors tu repars... Donc en fait, cette histoire, elle est très très forte. Elle est quand même en toi. Et avec ses grands-parents. Donc il commence tout en 1907.

  • Speaker #1

    Donc en 1907, mes grands-parents se sédentarisent à La Rochefoucauld en rachetant un magasin de chaussures dans lequel il y avait une cordonnerie. Et ils ont commencé à fabriquer leur première charanthèse sous l'égide de Rondineau, puisque avant c'était un magasin qui s'appelait Adam.

  • Speaker #0

    Donc ils ont créé la charanthèse ?

  • Speaker #1

    Ils n'ont pas créé la charanthèse, parce que la charanthèse c'est un produit qui a été créé il y a déjà plus de trois siècles. Par contre, ils ont su le mettre en avant. Et ils en ont fait une institution. Mon grand-père, lui, a réussi à faire passer la charentaise dans le monde entier, en la modernisant, en mettant des écossais, en mettant des tissus flash, en mettant des coloris qui détonnaient à l'époque. Là, je parle des années 50, 60, jusqu'à 70. Donc effectivement, il a redoré le blason de ce produit.

  • Speaker #0

    Mais la charentaise qui existait depuis hyper longtemps, Effectivement, je crois que c'était avec les différentes entreprises d'ailleurs de la région, le feutre...

  • Speaker #1

    Alors la véritable charentaise, vraiment.

  • Speaker #0

    Mais est-ce qu'elle s'appelait déjà charentaise ?

  • Speaker #1

    Elle s'appelait déjà charentaise parce que le terme charentaise, c'est un terme qui n'est pas déposable. Donc le produit, effectivement, s'appelait charentaise. Et ça, par contre, retomber sur le mot exact et pourquoi, si c'était que les charentaises sont nées sur les deux départements, Charente et Charente-Maritime... Avec Charente-Maritime, parce qu'à Rochefort, le roi Louis XIV avait sa flotte, donc la marine royale était ancrée à Rochefort, on a encore d'ailleurs quelques beaux vestiges avec la corderie, et les tailleurs aux alentours de Rochefort avaient été mandatés par le roi pour confectionner les uniformes de marine. Et avec les petits coupons de feutre qui restaient justement de ces toiles d'uniformes, il a été créé le dessus de la Charentaise. Après pour le... La semelle, on est en Charente, on est autour d'Angoulême, et la semelle est née, elle, des feutres qui servaient à assécher les pattes de papier. Et donc c'est le mix des deux, l'assemblage de ces deux éléments-là, les feutres de marine et les feutres de papeterie, qui ont donné naissance à la Charentaise, proprement dite. Mais ça, il y a plus de trois siècles. Nous, on ne sévit dans ma famille que depuis un peu plus d'un siècle, tout simplement parce que... Je dirais, mon arrière-grand-père a mis en place l'outil. Mon grand-père l'a fait fructifier et l'a monté au niveau d'industrie sur un produit qui était un produit à la base de récupération. Et surtout, c'est que c'est lui qui a su la vendre et la promouvoir dans le monde entier. Donc,

  • Speaker #0

    ils ont créé la charentaise moderne.

  • Speaker #1

    Ils ont développé la charentaise moderne. On ne peut pas dire clé proprement dit, si on veut rester très clair sur cet esprit-là. Ensuite, mes parents et oncles, qui ont eux aussi travaillé dans la société, ont vécu sur ce savoir. Et puis, j'ai commencé ma vie professionnelle dans cette structure familiale, qui malheureusement, en 2017, a connu des difficultés financières. et a été vendu. Donc je suis revenu, aujourd'hui, artisan, comme l'étaient mes arrière-grands-parents, il y a déjà un peu plus d'un siècle.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que tu parlais de boucle.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que je parle de boucle.

  • Speaker #0

    Et quand tu étais enfant, c'est quoi tes souvenirs ? Est-ce que tu traînais, je ne sais pas comment on dit,

  • Speaker #1

    dans les ateliers ? Mes souvenirs d'enfant, c'était deux types de souvenirs. On va dire oui, effectivement, période de vacances, ou... continuer à travailler, enfin quand je dis on, mes parents continuaient à travailler et ma mère nous emmenait dans les ateliers qui eux étaient fermés pour les vacances d'été et avec ma soeur on jouait dans l'usine. Donc oui forcément on courait au milieu des machines, on courait au milieu des stocks de produits, ça c'est un souvenir. Après le deuxième souvenir c'est les réunions de famille. les déjeuners du samedi chez mes grands-parents, les repas de famille tels que les fêtes, Noël et ce que l'on veut. Systématiquement, comme toute la famille travaillait dans la société familiale, à un moment ou à un autre, c'était le travail qui redéboulait sur la table et donc ça se transformait davantage en déjeuner de réunion d'entreprise plus qu'en déjeuner de famille. Voilà, donc effectivement, le fait... de travailler dans une société familiale où toute la famille travaille, c'est qu'il y a un lien qui est tel que finalement on revient toujours au travail.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est vu comme du travail ? Est-ce que finalement, ça ne devient pas une sorte de passion ?

  • Speaker #1

    Ça dépend, parce que pour ceux qui travaillent réellement, c'est certainement par passion. Pour des enfants qui sont complètement en dehors de ça, puisqu'on parle vraiment de l'enfance, ça peut être un petit peu fatigant à la fin, parce qu'on doit rester à table, on ne peut pas sortir. Et puis, on n'entend parler que d'entreprises, que de clients, que de choses comme ça. Donc, c'est rébarbatif. C'est un peu lourd. C'est un peu lourd.

  • Speaker #0

    Pour un enfant. Et c'était quoi les conversations ? Tu t'en souviens ? C'était les difficultés ? C'était qu'est-ce qu'on va faire ? Est-ce qu'on va faire des nouvelles charentaises ?

  • Speaker #1

    C'était les programmes de production. C'était les clients visités. C'était les commandes qui rentraient, qui ne rentraient pas. C'était tout ce que l'on peut, je dirais, suivre d'une vie d'entreprise. Sauf que plutôt que de se dérouler dans une salle autour d'une table comme ça se ferait aujourd'hui, ça se déroulait autour d'une table toujours, mais avec un repas de famille. Même si on ne voulait pas que l'entreprise vienne sur le côté privé, à un moment ça déboulait.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y avait une évidence aussi que les enfants devaient reprendre le flambeau ? Est-ce que tes parents eux-mêmes, ils ont pu choisir ?

  • Speaker #1

    Ils sont tous rentrés dans la société. Je ne suis pas sûr qu'ils aient eu le choix. Mais ça se portait comme ça. Comme mon grand-père souhaitait qu'au moins un de ses enfants, enfin de ses petits-enfants, arrive dans la société. Etant l'aîné des garçons, j'ai fait mes armes dans la société familiale.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu avais des envies d'ailleurs ? Est-ce que quand tu étais petit garçon, toi... À l'école, tu t'imaginais quoi plus tard ? Est-ce que tu avais un rêve autre ?

  • Speaker #1

    Alors ça. Comme tous les petits garçons, on a envie d'être pompier. Et puis après, chemin faisant, ce que je me destinais plutôt à faire, c'était plutôt dans le contact, dans le commerce. J'ai eu à faire différentes choses dans ma carrière, déjà en rentrant dans l'entreprise, parce que la première des missions qu'on m'est donné à faire, c'était d'essayer de développer un secteur parallèle à la pantoufle, c'était la chaussette. Après, j'ai aussi vendu des bateaux. Des annexes conflables de bateaux de plaisance. Ça fait partie un petit peu de ma formation. Oui,

  • Speaker #0

    tu as fait tes armes.

  • Speaker #1

    J'ai touché à différentes petites choses. Mais tout ça dans la structure sociétaire de la famille.

  • Speaker #0

    Et à quel moment tu es vraiment installé ? Est-ce qu'il y a un moment charnière ? Ou tu t'es dit, c'est ma vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    À la fin de mes études, je suis rentré en France, parce que j'ai fait un petit séjour en Angleterre. Et puis là, on m'a dit, tiens, ton bureau, il est là. Voilà, tu vas commencer à faire le tour un petit peu de toute la chaîne pour savoir quels sont tous les éléments qui permettent de fabriquer une charanthèse. Alors tout ce qui était... bureaux, commercial, choses comme ça. À l'époque, je ne mettais que très peu mon nez dans la production, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Donc là, tu as fait un petit peu le tour. Il y avait quelqu'un qui t'aidait ? Comment c'était ? Quelqu'un de la famille ?

  • Speaker #1

    Non, pas vraiment, non. Après, il y avait, comme toute grosse entreprise, il y avait déjà des personnes en poste et en place à différents hiérarchies, à différents niveaux. Donc, ma première année dans l'entreprise, ça a été de faire le tour un petit peu de tout ça, que ce soit Ausha, que ce soit au lancement. Donc, le lancement, c'est la mise en place des commandes à réaliser dans l'atelier, la création de collections, les réceptions aux fournisseurs, enfin, tout ce qui va autour.

  • Speaker #0

    Je précise parce que dans la boutique, quand je disais qu'on était entouré de charentaises, c'est vraiment ça. Il y en a partout, on est au milieu, elles sont toutes différentes. J'imagine qu'au départ, ce n'était pas comme ça. Là, il y a vraiment des motifs, des couleurs incroyables.

  • Speaker #1

    La charanthèse d'origine, proprement dit. Alors, comme je te le disais tout à l'heure, la charanthèse, c'est un mot qu'on ne peut pas déposer, qui n'est plus déposable. Donc, tout produit qui a une petite languette sur le dessus porte le nom de charanthèse. Là,

  • Speaker #0

    je précise que tu viens de prendre une charanthèse qui était à portée de main.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est ça. Donc, tout produit qui a une languette sur le coup de pied... porte le nom de Charentaise, quel que soit Ça se mêle, quelle que soit sa provenance.

  • Speaker #0

    La languette, c'est la forme comme ça, un peu carrée ?

  • Speaker #1

    La languette, c'est la forme un petit peu carrée qui se trouve sur le dessus du pied et qui, à l'origine, avait été créée, c'est le bon sens paysan, mais qui permettait d'éviter la meurtrissure du bois du sabot sur le coup de pied.

  • Speaker #0

    C'est ça, les choses qui se mettaient dans les sabots et ça,

  • Speaker #1

    ça protégeait. Exactement, et ça protégeait le haut du pied. Donc, cette forme-là, c'est une forme charentaise. Et donc, que ce soit... sur ce type de chaussons là où on pourrait imaginer un petit produit beaucoup plus fin toujours avec une languette, ça pourrait. Que ce soit avec une semelle en feutre, que ce soit avec une semelle en caoutchouc, en plastique, ça porte toujours le nom de charanthez. Moi aujourd'hui ce que je défends c'est une charanthez bien sûr, mais surtout une technique de fabrication qui elle est l'original. et l'originale c'est le cousu retourné c'est à dire qu'on fait toute la couture sur le côté intérieur. Et la dernière étape de fabrication, c'est le fait de retourner tout le produit pour le mettre dans son sens d'utilisation.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est un savoir-faire, mais vraiment très, très, très ancien.

  • Speaker #1

    C'est un savoir-faire très, très, très, très ancien. Et surtout, c'est qu'aujourd'hui, on est les derniers fabricants en Charente. Et après, je n'ai que deux collègues en France qui ont encore la capacité de fabriquer cette technique-là.

  • Speaker #0

    Ça veut dire qu'on peut trouver d'autres Charentais. C'est la forme, en fait, avec la languette, mais... Il n'y a pas forcément ce savoir-faire.

  • Speaker #1

    Ce sont d'autres savoirs, mais après, ce sont des produits qu'on peut réaliser partout dans le monde. Alors que cette fameuse charentaise en cousure tournée, il n'y a qu'ici qu'on la trouve.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu y tiens tellement à ce savoir-faire ?

  • Speaker #1

    J'y tiens tellement parce que, déjà la charentaise proprement dit, elle porte son nom, le nom du lieu dans lequel elle est née. Elle est née sur les deux Charentes. Donc Charente, Charentaise, effectivement. J'ai des clients des fois qui me disent, bah oui, elle aurait été créée en Dordogne, elle s'appellerait la Dordognaise, mais pas la Charentaise, voilà. Même si mon collègue, enfin un de mes collègues, se trouve en Dordogne. C'est pas grave ça, on est dans une zone géographique, donc c'est pas le débat. Mais toujours est-il qu'on est ancré sur un savoir-faire qui était local. Mon grand-père... avait une phrase qui disait que nos ancêtres avaient retourné la terre de nos racines. Voilà, donc mes racines elles sont là. Donc défendre ce patrimoine local, ça me paraît juste, je dirais, normal. Voilà, pourquoi celui-là ? Parce qu'aujourd'hui, cette technique de fabrication apporte un tel confort qu'on ne retrouve pas sur les autres fabrications. Et que, comme il n'y a plus personne qui l'a fait, c'est quelque chose qui est voué ou qui serait voué à disparaître.

  • Speaker #0

    Le confort,

  • Speaker #1

    il se situe. Parce qu'il est cousu. Donc, il a toute la souplesse et l'élasticité du textile. C'est un produit, il est quasiment écologique. Il n'y a pas de colle. Donc, comme il n'y a pas de colle, on n'a rien en contrainte. C'est textile sur textile.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça veut dire que c'est aussi plus solide ?

  • Speaker #1

    Je reprends encore deux expressions de mes grands-parents. Bon marché, c'est déjà trop cher. Et il faut être riche pour acheter bon marché. Deux petits adages. Bon, c'est pas eux qui les ont créés non plus. Mais c'est quelque chose qui est très vrai.

  • Speaker #0

    Il y a quand même une sacrée empreinte rondineau. Parce que tu vois, tu cites quand même énormément tes...

  • Speaker #1

    Mais je ne peux pas faire autrement. J'ai vécu avec eux. C'est eux qui m'ont formé dans ma façon de réagir, d'avancer. Et puis, à un moment, il faut aussi se rappeler du passé pour pouvoir prévoir le futur. Pour en revenir à ça... Sur la charentaise, cette technologie, elle était courante jusque dans les années 50. Industrialisation à partir de 1890, donc on était sur une technique de production avec des machines très particulières. D'ailleurs les machines que l'on utilise aujourd'hui encore dans l'atelier... Pour les étapes de montage, donc la couture de la semelle sur le dessus, les dernières machines ont été fabriquées justement dans les années 50. Depuis ces années-là, on a arrêté de fabriquer ces machines, parce que ces machines étaient trop lentes par rapport à ce que l'on a pu créer comme machine après, et surtout on était sur une société de consommation. Donc il fallait produire plus vite, à moindre coût. Alors que nos machines de couture... et bien elles étaient longues pour coudre la semelle d'une part et elles étaient extrêmement gourmande en temps de formation des artisans qui vont pouvoir les faire fonctionner parce qu'un artisan pour faire fonctionner ce type de machine là et bien avec un tuteur, avant d'être vraiment opérationnel, c'est entre 2 et 5 ans. Donc c'est très long. Qu'est-ce qui s'est passé dans les années 50 ? Les nouvelles technologies sont arrivées. Le fait de venir coller les semelles ou venir injecter du PVC sous pression dans des moules, ça c'est la modernisation. Et cette modernisation, quand elle est arrivée dans les entreprises, qu'est-ce qui s'est passé ? Ces fameuses fascines à coudre, dans un premier temps, elles ont été mises dans le fond de l'atelier pour laisser la place à la nouvelle génération de machines avec de nouvelles typologies de produits. Et puis, au bout d'un moment, dans le fond de l'atelier, ça prenait trop de place. Et puis, les gens ont commencé à se dire, « Non, mais pourquoi on les garde ces machines-là ? Tu sais encore t'en servir, toi ? » « Bah non. » Et hop, on les vire, poubelle. Et puis, elles ont été efféraillées. Donc aujourd'hui, ces machines-là sont extrêmement rares.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, ce sont des machines que tu es allé chercher en 2020, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Ce que j'allais chercher en 2020 ? Je vais les chercher toujours en 2025. Mais il y en a encore. Non, il n'y a quasiment plus rien. Je les cherche, je rentre en contact. Là, je suis rentré en contact avec un monsieur qui a des aiguilles, qui est dans la région parisienne. Il en a 47. Donc là, il va falloir que j'aille à Paris chercher ses 47 aiguilles.

  • Speaker #0

    Et comment ça se fait qu'il a conservé les aiguilles ?

  • Speaker #1

    Parce qu'à une époque, il était marchand. Et puis, il a des petits stocks. Et ce monsieur, je suis rentré en contact avec lui. par l'intermédiaire d'un club de voitures anciennes qui est venu visiter l'atelier. Il y avait un monsieur dans ces visiteurs qui connaissait ce monsieur-là. Et il nous a mis en contact. Voilà, tout simplement.

  • Speaker #0

    Est-ce que ces machines-là, il y en a à l'étranger ?

  • Speaker #1

    Alors, à ma connaissance, il y en a une ou deux en Espagne. Mais c'est tout. Après, je n'en connais pas d'autres ailleurs. De toute façon, économiquement parlant... Dans les années 50-60, c'était plus intéressant. Il fallait produire plus vite, moins cher. Et effectivement, au bout, on va dire, je vais donner un ordre d'idée, mais où il faudrait 10 minutes pour fabriquer une paire de charentaises en cousue retournée, avec de l'injecté, on n'a besoin que de 5 minutes. Et avec du soudé, donc du collé, on va être aussi sur le même type de temps. Le débat, c'est qu'effectivement, avec ces technologies plus rapides, eh bien on s'est heurté aussi à un prix plus bas. Donc les produits en cousue retournée se sont retrouvés déconnectés du prix du marché. Et tout le monde est parti sur des productions à bas prix. Enfin, à bas prix, entre parenthèses, parce qu'il y a le bas prix en France, et puis après il y a le bas prix en Europe, et puis après il y a le bas prix asiatique. Donc ça, ça change aussi un petit peu la donne. Maintenant, Pour revenir sur ce que tu me disais tout à l'heure, une charantheise, sa durée de vie, alors c'est ce que je dis avec malice à mes visiteurs, la durée de vie ça va surtout dépendre de la voracité du chien. On est tous différents. Vous avez des personnes qui vont user une paire de chaussures en 6 mois, et il y en a d'autres, en 10 ans, elles seront encore neuves. Une paire de charantheises qui sort de l'atelier avec les semelles en feutre, comme ça, on va dire... Un temps d'utilisation normal, c'est deux ans, trois ans. Après, il y a des gens qui viennent me voir en me disant « Ah, moi j'ai vos charentaises, moi j'achète que des rondineaux, et j'ai des charentaises de chez vous, elles ont sept ans, huit ans. » Et j'en suis très content.

  • Speaker #0

    Là, tu me justifies le prix un peu élevé, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Je ne justifie pas un prix élevé, parce qu'en réalité, on utilise des matières qui, elles, valent déjà cher. Donc à partir du moment où on emploie des matières chères, avec un besoin de personnel qui ont un savoir-faire, on ne peut pas les payer avec un lance-pierre, et puis de l'autre côté après, on a ce temps de fabrication étant plus long, qui explique aussi que le produit soit un peu plus cher qu'un produit qu'on va... Oui, c'est la qualité. Voilà, c'est une qualité de matière.

  • Speaker #0

    La qualité du savoir-faire, du travail bien fait et des matières à la base... Entre autres. Parce que tu peux travailler des gens aussi de la région, je crois,

  • Speaker #1

    sur le texte. On fait travailler, on essaie d'avoir un produit le plus possible français. Mais on voit nos feutres, donc les feutres qui servent à la semelle. Ça, elles viennent du Tarn. Ce fabricant, c'est le dernier à être encore capable de fabriquer le feutre tel qu'il était réalisé pour les papeteries il y a 300 ans. C'est le dernier, il n'y en a pas d'autres. Et il n'y en a pas d'autres dans le monde. Donc, on est intimement liés. Eux, ça fait partie de leur ADN aussi, comme nous, chez nous c'est la charanthèse, c'est le feutre de papeterie.

  • Speaker #0

    Et ça veut dire que les charanthèses, les autres charanthèses qui n'ont pas tout ce savoir-faire, par exemple, à la place du feutre, c'est quoi comme matière ?

  • Speaker #1

    Alors, il peut y avoir des feutres aussi, mais des feutres qui ne vont pas être tissés, parce que là je parle du feutre d'origine, qui est tissé, ce qu'on appelle chaîné-trame, donc avec des fils de chaîne et des fils de trame. Après, il existe des feutres, aujourd'hui, qui sont aiguillités. Donc là, ce n'est pas un feutre tissé, c'est un feutre avec des milliers de petites aiguilles qui viennent et qui passent à l'intérieur des fibres et qui vont les nouer. On rajoute différentes composantes à l'intérieur, on met tout ça au four, on chauffe, on presse tout ça, et puis on obtient un feutre tissé tram. Par contre, un feutre aiguilleté n'a pas la résistance d'un feutre tissé. Un feutre tel que celui qu'on utilise ici avec des fils de chaîne et des fils de tram, vous pouvez le mettre dans une machine à laver, il va ressortir, il sera nickel. Si vous le faites avec un feutre en aiguilleté, il n'y a pas de garantie. Alors quand on parle de la charentaise et celle que l'on produit, je dirais presque écologique, elle a quoi ? Elle a plein de choses qui sont essentielles. Et c'est pour ça que moi me battre pour ce patrimoine, ça m'intéresse. C'est un produit qui a une histoire. On a dit à peu près trois siècles. C'est un produit qui représente un territoire. C'est vrai que la charentaise en charente, il y a le nom qu'il porte. Et puis, comme je le disais tout à l'heure, On a cette représentation du français avec ses charantaises au pied. On est sur un produit qui est considéré comme écologique. On n'a pas de colle, on travaille qu'avec du fil et du tissu. On a un produit qui est durable, puisqu'en moyenne, on est quand même sur deux ans, voire trois. Et puis, on a un côté aussi un peu bobo, parce qu'aujourd'hui, les charantaises, on les montre.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu en as une, vieille charentaise ? Non,

  • Speaker #1

    dans la boutique, je n'en ai pas. Mais une vraie vieille charentaise, c'était une toile de feutre, tout ce qu'il y a de plus classique. Il n'y avait pas de doublure. D'abord, il n'y avait pas de pied droit, il n'y avait pas de pied gauche non plus. C'est ce qu'on appelle une forme droite. C'était un chausson qui avait pour utilité d'être mis dans le sabot. Quelle couleur ?

  • Speaker #0

    Il y avait des couleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, il y avait plein de couleurs. Il y avait du noir, il y avait du marine. Il y avait peut-être un peu de rouge. Il ne faut pas oublier qu'on est sur un produit qui, en réalité, est un produit de récupération à 100%. Donc, on ne cherchait pas. Et de toute façon, il y a trois siècles de ça, on ne cherchait pas à avoir un article qui était mode. On était toujours dans l'usuel du produit. Donc, il fallait que ça soit usuel. Il fallait que ça soit confortable.

  • Speaker #0

    Il y avait un peu de couleurs quand même.

  • Speaker #1

    Il y avait très peu de couleurs. En réalité, les couleurs, c'était ni plus ni moins que les couleurs des uniformes de la marine. Et puis, ça s'arrêtait là.

  • Speaker #0

    Et l'écossais, c'est arrivé quand ?

  • Speaker #1

    Les écossais, c'est une farce de mon grand-père, ça. c'est que mon grand-père, dans les années 50, a commencé à dire il faut moderniser le truc, il faut aller un peu plus loin. Et Jean Brondino a commencé à vendre ses charentaises avec des écossais dessus. Et aujourd'hui, tout le monde pense que la charentaise, c'était écossais. Mais la charentaise d'origine, comme c'était des produits de récupération d'étoiles de marine, on était sur des coloris basiques.

  • Speaker #0

    Donc, il y avait les anciennes noires, rouges, marines. Et hop,

  • Speaker #1

    ton grand-père... Et après, il est passé à tout ça. Sur d'autres éléments, il fallait réveiller tout ça. Il fallait pousser les murs. Et ça, c'est ce qu'il savait faire. Donc, il l'a fait. Ce qui fait que mon grand-père était beaucoup plus, lui, sur le côté commercial, allait chercher les clients, les comptes. Et ma grand-mère, elle, était beaucoup plus dans les ateliers, justement, à faire en sorte que les productions qui étaient commandées puissent être livrées.

  • Speaker #0

    Alors justement, à l'entrée de la boutique, il y a un cadre avec ton... grand-père. La première génération, c'était Yvonne et Théophile. Et puis, alors après, la deuxième génération, c'est ton grand-père qui est là. Il n'y a pas de photo de tes arrière-grands-parents, mais il y a une photo...

  • Speaker #1

    Sur toutes les boîtes. Là, je te montre la boîte. Sur le perron.

  • Speaker #0

    C'est une photo en noir et blanc.

  • Speaker #1

    C'est une photo en noir et blanc qui était la photo de la boutique originelle. Là où on voit Yvonne sur le perron de la boutique. Son mari théophile, juste à côté, avec son béret, lui aussi. Puis un petit garçon. Et ça, c'est Jam. C'est justement le monsieur qu'on voit en photo après sur le cadre.

  • Speaker #0

    D'accord, c'est ton grand-père. Et là, à gauche, c'est qui ? C'est l'employé ou c'est quelqu'un d'affaibli ?

  • Speaker #1

    Ça, c'est M. Roudy. M. Roudy était le cordonnier en chef de l'atelier. Et c'est lui qui a formé, donc Jam Rondineau, ce petit garçon, au métier de la cordonnerie. et qui lui a donné le goût du travail et de la réalisation des produits.

  • Speaker #0

    Toi, quand tu vois cette photo, tu vas me dire, c'est comme toutes les familles. C'est un peu ça. C'est un peu ça, oui. Qu'est-ce que ça te fait quand même ? Est-ce qu'il y a, je ne sais pas, une émotion ? Est-ce qu'il y a de la fierté ?

  • Speaker #1

    Ce qui est sympa sur cette photo, c'est qu'en réalité, il y a une partie de mon patrimoine qui est là, de mon historique. Après, j'ai d'autres photos où on voit mes grands-parents. alors là on est plus sur les arrière-grands-parents mais mes grands-parents dans l'atelier qui se trouve juste derrière ce magasin qui était la cordonnerie à l'époque où l'atelier commençait à monter avec une quarantaine de personnes ou une cinquantaine de personnes et là vous avez Jamais Lucienne et devant eux deux de leurs fils

  • Speaker #0

    Donc il y a du transgénérationnel qui passe. Non, moi je trouve sympa le fait de se dire, eh bien ça fait quatre générations déjà sur le même métier. Maintenant, est-ce que dans le futur, on retrouvera encore autant de générations passantes ? Ce n'est pas sûr. Tout à l'heure, je parlais...

  • Speaker #1

    C'est fascinant. Pour moi en tout cas.

  • Speaker #0

    Mais tout ça parce qu'à un moment, il y a des choses qui se sont faites. Parce qu'en 2017, quand la société a périclité, finalement, ça aurait pu ne pas faire plus de génération. Donc la société a été vendue et elle est rentrée dans un consortium qui a regroupé les quatre dernières sociétés qui fabriquaient cette typologie de produits en Charente. parce qu'elles se sont toutes retrouvées en difficulté au même moment. Donc elles ont été regroupées. Et puis finalement, ça n'a pas été, je dirais, glorieux parce que des erreurs ont été commises. Et puis un an et demi plus tard, il y a eu par contre plus redressement et passation, mais liquidation de la société. À ce moment-là, moi, je me suis posé la question, qu'est-ce qu'on peut faire ? parce que j'avais du mal à... me dire, on va laisser partir un patrimoine français parce que il n'y avait quasiment plus personne derrière. Et puis, personnellement, c'était un patrimoine familial. Justement, cette histoire de génération.

  • Speaker #1

    Oui, là, quand même, ça t'aurait fait mal. Tu t'en étais attaché quand même.

  • Speaker #0

    On est toujours attaché quand on n'a connu que ça. Quand on n'a pas connu que ça, on passe à autre chose. Maintenant, j'ai eu... je ne vais pas dire l'opportunité de faire et de remonter une structure pour préserver ce savoir-faire, mais j'aurais à un moment pu aussi me dire, allez, on laisse tout tomber et puis, aujourd'hui, je ferai autre chose. Mais bon, ça a été sur le moment. Donc battu pour remettre tout ça en place. Il y a eu d'autres difficultés par la suite, mais... On est tombé avec le Covid, il y a eu plein d'éléments là aussi.

  • Speaker #1

    Finalement, le Covid, ça n'a pas été... Parce que j'ai cru voir ça en faisant un petit peu de recherche, qu'il y avait des ventes qui étaient reparties. Enfin, le côté refuge, comme ça, les gens chez eux, apparemment, les ventes sont reparties.

  • Speaker #0

    Entre parenthèses, ça nous a aidés au départ. Ça nous a aidés et en même temps, ça nous a plombés. Parce que la problématique du Covid, c'est qu'effectivement, les gens ont fait du télétravail, beaucoup. Donc, on est à l'aise chez soi. On peut être en charanthèse, entre autres, mais plein de choses sont aussi, il n'y a pas que les charanthèses. Et après, il y a, ça c'est pour le côté... positif donc effectivement les volumes arrivent sauf que pour arriver à produire et bien faut-il encore avoir les matières et quand vous n'avez pas les matières pour produire et que les commandes arrivent et bien les clients vous insultent enfin quand je dis vous insulte façon de parler mais vous vous faites pourrir parce que eux ils veulent de la cam ils veulent de la marchandise ils veulent pouvoir vendre et vous vous avez une capacité réduite parce que vous n'arrivez pas à être approvisionnés de la part de des usines de fabrication de tissus ou de feutres pour arriver à subvenir aux besoins de tout le monde. C'est-à-dire que la capacité de production, elle est là, les artisans formés, ils sont là, mais on travaille au ralenti parce qu'on n'a pas les matières. Et ça, pour un commerçant, c'est incompréhensible. Lui, ce qu'il voit, c'est qu'aujourd'hui, il a raté la vente de 5 paires et donc c'est du chiffre d'affaires qu'il n'a pas. Donc c'est pour ça que je dis, il y a les deux côtés. Il y a le côté effectivement positif qui a fait qu'il y a eu un engouement sur les produits d'intérieur. Et à côté de ça, le côté négatif où ça a été extrêmement difficile à gérer parce que tout le monde voulait tout et tout de suite. Et là, malheureusement, il y avait des délais et on n'est pas capable de subvenir aux besoins de tout le monde. Donc, un client qui commandait, on va dire un exemple, 100 paires pour une livraison en octobre, il n'avait que 50 paires. En livraison, novembre ou décembre.

  • Speaker #1

    Qui sont les clients aujourd'hui ? C'est des grands magasins, c'est ça ? Ou c'est des petites boutiques ?

  • Speaker #0

    D'abord, notre cœur de marché, c'est les magasins de centre-ville. Le détail de centre-ville. C'est-à-dire les boutiques de chausseurs, de cordonneries, ce genre de clients-là. Donc ça, ça représente à peu près 500 clients en France. Ensuite, on va avoir notre propre réseau de vente. avec notre site internet où là, effectivement, on a aussi, je dirais, de belles commandes qui passent. Et après, nos boutiques personnelles aussi, ça depuis l'année dernière. Donc, on a une boutique à Angoulême, dans laquelle on se trouve aujourd'hui, et une deuxième boutique qui est à Limoges. Voilà. Donc ça, après, on verra ce qu'on fait, si on va plus loin. Mais déjà, on a mis ça en place. Après, on va travailler aussi avec l'étranger. Donc là, on a des clients. un petit peu partout dans le monde alors ça ne pèse pas des grosses quantités mais en termes d'images c'est quand même assez intéressant et dans les belles images que l'on peut avoir à l'étranger c'est notamment ce que l'on a fait il y a deux ans et l'année dernière avec le MoMA ça raconte parce que c'est quand même une aventure folle parce que c'est le musée à New York c'est eux qui nous ont contactés c'est eux qui sont rentrés en contact avec nous mais ça pour différentes raisons je soupçonne la prise de contact du MoMA avec Rondino, suite à l'exposition du savoir fabriqué en France, qui s'est tenue dans les salons de l'Elysée en 2023, pour laquelle on avait été retenus. Et donc, il y a 8000 visiteurs qui sont passés. Et donc c'est quand même une très belle image en termes de rayonnement. Et donc là effectivement, le Museum of Modern Art à New York est rentré en contact avec nous. Je présume que c'est par ce biais-là. Alors c'est moi qui les ai eus, oui, c'est moi qui les ai eus. Et là, bonjour, c'est le MoMA. On voudrait mettre en place une petite collaboration. Quand on commence à lire ça, on se dit, c'est bon, allez, on nous fait une petite blague. On commence à faire des recherches, je regarde un petit peu tout ça. Et puis, je m'aperçois qu'il y a des choses qui collent. Donc là, je réponds aux mails. Et effectivement, on a commencé à communiquer. On a mis en place une gamme en place. Et puis, les commandes sont arrivées. Donc là, oui, c'est intéressant. Maintenant, on a fait ça aussi avec le Grand-Duché du Luxembourg, où on a quelques modèles qui sont aujourd'hui... dans leurs musées nationaux.

  • Speaker #1

    Donc à chaque fois, ce qui est valorisé, c'est vraiment ce savoir-faire.

  • Speaker #0

    C'est ce savoir-faire. Aux États-Unis, ils ont beaucoup de choses, mais ils n'ont pas cette culture historique. Il y a un mois et demi, j'étais dans la boutique où on se trouve ici, et je remplaçais ma petite vendeuse. Et là, j'ai un couple d'Américains qui étaient en touriste ici, et qui sont rentrés. On a commencé à discuter, on a regardé un petit peu les produits. Ah oui, ça c'est bien, ça c'est bien. Ah oui, vous faites ça comme ça, vous faites ça comme ça. Et c'est tout fait à la main. Ouais, c'est extraordinaire. Voilà, donc ils se rachètent une petite partie de patrimoine. Voilà, et c'est ce qui est assez rigolo. Pour en revenir à notre réseau de distribution, oui, effectivement, on travaille avec l'export. Donc on a des clients en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, en Belgique, en Italie, en Espagne. On en a encore un au Japon. Donc oui, on a des produits qui partent, un peu plus loin que nos frontières, mais notre gros marché reste quand même un marché français. Après, on a des collaborations aussi. Il y a un petit fabricant de chaussettes qui n'est pas loin d'ici, à Limoges. D'ailleurs, on a ici des présentoirs avec les chaussettes qui sont de la maison Brousseau. Et eux me font fabriquer des charentaises à leur effigie. Et moi, ici dans la boutique, je leur vends des chaussettes. Voilà, donc on a des ADN qui sont extrêmement proches. On a souvent la même vision des choses. Et l'union fait la force. Donc, on va trouver des petites collabs comme ça.

  • Speaker #1

    Mais vu qu'il n'y avait pas que d'ailleurs dans les chaussures, il n'y a pas que des charentaises. Il y a aussi des petites chaussures d'été.

  • Speaker #0

    Là, il y a... Parce que la charentaise d'été, ça se vend un petit peu moins. Je ne dis pas que ça ne se vend pas, parce qu'on en vend, mais ça se vend un peu moins. Pour un commerçant détaillant, il faut trouver des produits qui aillent sur la saison de transition. Donc oui, il y a des espadrilles. C'est des espadrilles made in France.

  • Speaker #1

    En plus, là, aujourd'hui, ça va, même il pleuvait tout à l'heure. Regardez par la vitrine, on a eu quelques jours de canicule. Oui. Donc là, la charentaise en tant que...

  • Speaker #0

    On en a vendu quand même.

  • Speaker #1

    Peut-être que ça isole.

  • Speaker #0

    D'une part, ça isole, mais d'autre part, comme c'est un produit emblématique du département, vous avez une partie de touristes qui vient ici pour ça. Enfin, pour ça. C'est-à-dire qu'ils vont repartir avec un souvenir. Et pourquoi pas ça ? Ils vont en Bretagne, ils repartent avec une marinière. ils viennent en Charente, ils repartent avec une bouteille de cognac ou une paire de charentaises.

  • Speaker #1

    Et donc il y a des petites chaussures, est-ce qu'on disait les espadrilles ? Je ne sais pas si on peut dire espadrilles. Oui,

  • Speaker #0

    on peut, parce que c'est pareil, c'est un terme qu'on peut utiliser à toute sauce. Donc tout ce qui est smell cord, tout simplement, parce que ça fait partie des produits corollaires à ce que nous, nous savons faire.

  • Speaker #1

    Alors Olivier, tu sais qu'on est dans un monde en joie. Donc je voudrais savoir ce que c'est que la joie pour toi.

  • Speaker #0

    Super question. La joie, il ne faut pas grand-chose pour être joyeux. La joie, ça passe par un moment partagé, un bon moment partagé. L'amour de ses proches. Pour être heureux, pour être joyeux, il ne faut pas forcément de gros moyens. C'est surtout des moments de partage.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a une musique, une chanson qui te met en joie ? Ou toi, tu te dis que si ça ne va pas bien, tu te dis tiens, je vais écouter ça.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas très mélomane.

  • Speaker #1

    Ça peut être même une chanson rigolote, pas forcément...

  • Speaker #0

    Oui, mais là, vu comme ça, je n'ai pas de...

  • Speaker #1

    Ce n'est pas grave. Est-ce qu'il y a une photo ou quelque chose qui est... te met en joie, une image ?

  • Speaker #0

    Une image qui me met en joie. Quand ma fille, je la vois avec le sourire jusqu'aux deux oreilles, ça suffit à me mettre en joie. C'est le plaisir partagé avec mon épouse de voir notre petite prendre du plaisir dans la vie, tout simplement.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu penses à la suite ? de rondineau. Est-ce que ta fille...

  • Speaker #0

    On y pense toujours. La seule chose, c'est que elle est un peu jeune aujourd'hui pour choisir. Avec sa mère, souvent, on lui pose la question, juste histoire de la taquiner. Elle a 10 ans et demi. On lui pose la question pour la taquiner en lui disant, qu'est-ce que tu voudrais faire plus tard ? Qu'est-ce qu'on fait ? Ça, alors, l'usine de papa, on la garde ou on la vend ? Maman, qu'est-ce qu'on en fait de ces affaires ? Tu vas travailler avec elle ou tu vas pas travailler avec elle ? Merci. ton épouse elle travaille dans autre chose oui complètement autre chose et donc au final c'est ah bah non on garde, d'accord donc finalement si tu vas travailler avec maman l'usine de papa t'en fait quoi ? je mettrais quelqu'un dedans et puis je surveillerais voilà donc elle a pas forcément envie de ne pas s'investir à l'intérieur mais est-ce que ça sera sa voix plus tard ? c'est pas sûr donc aujourd'hui je préfère voir un petit peu aussi comment elle va évoluer Merci. savoir quels vont être ses centres réellement d'intérêt, et puis qu'est-ce qui va la motiver plus tard. J'allais dire, j'en ferais pas une maladie si elle ne va pas derrière. Le tout, c'est que ce qui a été mis en place sur ces dernières années aussi puisse continuer à perdurer, après moi. Maintenant, Rondino, c'est devenu une marque. Donc le nom, il est rattaché à ça. Et c'est vrai que... Aujourd'hui, quand on parle de Charentaise, on va facilement en disant « Ah oui, Charentaise, c'est Rondineau » . Quand on va dans les magasins de détails, c'est une référence. Même si demain je ne suis plus là, on va dire qu'il y a des choses qui vont rester.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui est écrit d'ailleurs sous les Charentaises, pour ceux qui ne connaissent pas, pour ceux qui n'ont pas encore acheté leur première paire ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'il y a de marqué ? Il y a marqué « Made in Charente, fabriquée par Rondineau, maison fondée, il y a belle lurette » . C'est un petit texte un petit peu humoristique. C'est même un signe de reconnaissance aujourd'hui. D'ailleurs, c'est un signe de reconnaissance que j'ai même déposé au niveau de l'INPI.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut, pour terminer, se faire un petit tour de boutique comme ça, regarder toutes ces belles paires de charentaises ? Est-ce qu'il y a un motif préféré ? Est-ce que vous continuez à chercher ? Est-ce qu'il y a des modèles qui vont encore sortir dans les années à venir ? Est-ce qu'il y a une veille pour ça ?

  • Speaker #0

    Tous les ans, c'est à peu près 180 modèles différents qu'on va sortir. Sur ces 180 modèles, il va y avoir à peu près une quarantaine de modèles qui vont être des permanents. Donc des produits qu'on va retrouver d'année après année. Et le reste, ça sera des nouveautés. Alors, quand on parle de nouveautés, une charantèse, c'est une charantèse. C'est la même coupe. Par contre, c'est tout ce qu'on va faire sur les dessus. Arriver à trouver des nouveaux colorations, suivre la mode. Parce que finalement, même au niveau d'un produit qui n'est pas celui-là, il faut être à la mode. Il faut être un peu pointu.

  • Speaker #1

    Mais c'est quoi être à la mode avec des charentaises en ce moment ? Pardon, mais... La question qui tue ?

  • Speaker #0

    On va suivre le vestimentaire. C'est-à-dire que d'une année sur l'autre, vous avez des fois des teintes qui vont être... Allez, cette année, ça a été le vert pomme. L'année prochaine, ça sera les oranges.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de modèles différents autour de moi. Regarde, là, c'est parme, rose parme. Là, c'est des petites fleurs rouges. Là, c'est bleu avec un liseré orange. Là, c'est des petites fleurs violettes. Un peu mexicain, léopard, jaune, moutarde.

  • Speaker #0

    Parce qu'il en faut pour tous les goûts. Voilà. Mais quand on regarde bien ce qui se vend, aujourd'hui, nos intemporels, en réalité, se vendent très bien. Pourquoi ? Parce que les jeunes générations sont en train de s'associer au fait qu'ils veulent essayer de retrouver les produits qu'ils ont connus chez leurs parents, voire leurs grands-parents. Donc, ils vont revenir vers des essentiels. Et en réalité, les modèles les plus chamarrés, les plus pétants, C'est une clientèle d'il y a une cinquantaine d'années, 50, 60, qui les achète. Et les modèles qui sont les plus ordinaires, quand je dis ordinaires, c'est-à-dire j'en ai là-bas, au fond de la boutique, les verts, les beiges, les rouges, les bleus marines. Ça fait 30 ans qu'on les fabrique et ce sont ceux qui marchent le mieux. Parce que dans l'esprit des jeunes, ça c'est une charantheise. Après, on en a plein. En Unis, on fait plein de choses. Quand on a fait la charentaise pour l'exposition du savoir fabriqué en France à l'Elysée, et qu'est-ce qu'on a fait ? Un truc très discret. On a juste mis une ganse bleu-blanc-rouge autour du produit pour le rendre patriotique.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais ça, c'est une charentaise de président.

  • Speaker #0

    Ou présidentiable. Oui. Mais toujours est-il que voilà. Donc ça, ça a eu beaucoup de succès. Ça représente un savoir-faire. Par contre, là, on n'est pas sur un Écossais, on est bien sur un uni. Donc, c'est à la fois discret, si je peux dire chic, pourquoi pas, puisqu'aujourd'hui, on n'hésite plus à recevoir en charentaise. Et on va aller chercher, justement, des matières qui vont être sympas. On va chercher des matières qui vont avoir un toucher, un soyeux, quelque chose de sympa.

  • Speaker #1

    Et les gens, quand ils viennent, ils essayent, évidemment ? Et je trouve ça rigolo, j'ai l'image tout d'un coup des gens qui essayent leurs petits chaussons dans la boutique. Ils sont à l'aise les gens quand ils essayent ?

  • Speaker #0

    Oui, il n'y a pas de complexe par rapport à ça. On ne vient pas cacher pour venir chercher une paire de charentaises. Non, au contraire. Et puis après, on va en essayer un, deux, trois. Ah tiens, tu trouves que ça c'est mieux, ça c'est moins bien. Ah oui, moi je préfère celle-là parce que tu vois, ça peut être assorti avec ça. Parce qu'une paire de charentaises, ce n'est pas forcément pour porter qu'avec un pyjama. Quand on est chez soi, on est chez soi. c'est la chaussure C'est la chaussure d'intérieur. Et après, on peut être à l'aise chez soi sans forcément avoir quelque chose qui va être tristouné ou qui va être un gars. Donc, il y a énormément de possibilités. Et puis après, on voit effectivement, en fonction des âges, l'évolution du produit.

  • Speaker #1

    Comment tu vois les années qui viennent ? Ça fait combien de temps que tu es là ? On est derrière le palais de justice Angoulême, au cœur du centre-ville ?

  • Speaker #0

    Du vieil Angoulême, oui.

  • Speaker #1

    Du vieil Angoulême, exactement.

  • Speaker #0

    On est installé ici depuis le mois de novembre. Donc ça ne fait pas encore un an.

  • Speaker #1

    Est-ce que ça t'a fait du bien d'être là ? Est-ce qu'il y a des choses qui...

  • Speaker #0

    Je suis arrivé à Angoulême, au centre-ville, par étapes. Je veux dire par étapes, tout simplement, parce que j'avais monté il y a deux ans un magasin éphémère. qui se trouvaient dans la rue Piétonne. Et là, il y avait eu un engouement. Les gens étaient super contents de revoir leur marque de charentaise favorite implantée dans la ville. Donc Angoulême, on est aussi sur le chef-lieu du département, donc ça a quand même du sens. De l'autre côté, comme on représente aussi indirectement un savoir-faire charentais, C'est pas mal. Donc les gens étaient ravis. Et puis, ils ont été déçus de voir que la boutique, elle n'était qu'éphémère. Donc j'ai été plébiscité par rapport à ça pour mettre une boutique en place pour du long terme. Alors j'ai commencé à chercher un grand moment vers la rue Piétonne. Malheureusement, je n'ai pas trouvé de local. Donc je suis venu m'installer là. Donc cette boutique est là depuis maintenant 8 mois. ça commence à démarrer correctement. Mais elle ne va pas rester là longtemps, parce qu'effectivement, là maintenant, elle va se trouver dans la rue des Postes, tout à fait à l'entrée de la rue des Postes, quasiment en face de la mairie.

  • Speaker #1

    Ce sera encore mieux là. Ou là,

  • Speaker #0

    on sera encore mieux placé, tout simplement parce qu'on ne passe pas...

  • Speaker #1

    On ne tourne pas forcément.

  • Speaker #0

    Les touristes ne viennent pas forcément par là. Voilà. Les habitants d'Angoulême... Il n'y a pas de débat. À fur et à mesure, on en voit arriver de plus en plus. Donc, ils finissent par savoir où ça se trouve. Mais on passe à côté de toute la partie tourisme. Donc là, pour un produit du patrimoine touristique, il faut quand même se trouver au bon endroit.

  • Speaker #1

    Olivier, on va fermer la boutique. Normalement, c'est fermé aujourd'hui, mais on n'a pas fermé la porte. C'est lundi.

  • Speaker #0

    On va éteindre les lumières. Par contre, demain, on sera ouvert.

  • Speaker #1

    Merci encore.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir.

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Description

Pour cet épisode je suis avec Olivier RONDINAUD dans la boutique des charentaises "Rondinaud" au coeur d'Angoulême et au coeur d'une famille qui a transmis un savoir-faire unique de génération en génération depuis 1907. Tout a commencé avec les arrières grands-parents d'Olivier.


Merci à Olivier RONDINAUD pour cet échange.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On est entouré de charentaises, ce chausson mythique, connu et reconnu jusqu'à New York. Vraiment, ça me touche d'être ici. D'abord parce que je suis arrivée en Goulême il y a pile 20 ans et que la bretonne que je suis se sent de plus en plus charentaise. Et puis aussi parce que j'entre dans une famille qui a transmis depuis 1907 son savoir-faire de génération en génération jusqu'à toi, Olivier. Pour commencer cet échange, est-ce que tu peux me dire ce que ça fait d'appartenir à la famille Rondineau ? Est-ce que ça fait quelque chose ? Qu'est-ce que ça veut dire pour toi ?

  • Speaker #1

    La famille Rondineau, c'est une famille comme toutes celles qu'on pourrait croiser. qui a un nom qui aujourd'hui résonne sur une marque et sur un produit spécifique.

  • Speaker #0

    Alors c'est une marque, ça j'entends bien, mais c'est aussi ton nom. Tu t'appelles Olivier Rondineau. Comment ça résonne ? Comment ça résonne avec l'histoire de la famille ? On va en parler, l'histoire de la famille, on va revenir dessus. Mais je voulais savoir, toi, c'est quoi le sentiment ?

  • Speaker #1

    C'est une question vraiment qui est particulière parce que le sentiment... J'allais dire, Rondino, Rondino, Rondino, comme à tout un chacun, c'est mon nom de famille. Donc, moi, je porte mon nom de famille comme tout le monde le porte. Donc, il n'y a pas de prise de position ou de prise de tête sur le fait que j'ai un nom qui résonne un peu plus que d'autres sur la Charente. Mais heureusement pour moi, il y a aussi beaucoup de personnes en Charente qui ont du patrimoine historique et... qui vivent la même chose, c'est-à-dire que le nom de famille, pour moi, ça reste mon nom de famille. Je ne me lève pas tous les matins en me disant « Ah, mes grands-parents ont fait ça, c'est pas vrai ! » Ou je peux être content, c'est quand il va y avoir un marché particulier qui va arriver, ou quand il va y avoir une expression qui arrive, et là, « Ah tiens, mes grands-parents ont fait ça ! » Il y a quelques années, je t'avais dit... que finalement, ce que j'étais en train de faire, c'était une boucle. C'est-à-dire que mes arrière-grands-parents ont été marchands de chaussures. Avant ça, ils étaient marchands fourains. Ils faisaient de la draperie et des pantoufles aussi. Et puis, ils se sont sédentarisés en 1907 à La Rochefoucauld en rachetant une boutique dans laquelle il y avait une cordonnerie à l'arrière. Ils ont fabriqué leurs brodequins et leurs charantaises dans cette cordonnerie, et puis, de fil en aiguille, ils sont passés de l'état d'artisan à l'état d'industriel. Parce que forcément, on sortit de la guerre, et bien après, il fallait produire, produire, produire. Ils ont monté une entreprise d'une taille très conséquente pour le département et même en France, puisqu'ils ont eu jusqu'à 1200 personnes. Et là, le nom résonnait, mais différemment.

  • Speaker #0

    C'est comme si tu me répondais en me disant « bon, je m'appelle Rondino, mais c'est un nom comme les autres, c'est normal » . Et en fait, il ne faut quand même pas longtemps pour que toute l'histoire, elle est là, elle est en toi cette histoire.

  • Speaker #1

    L'histoire est là.

  • Speaker #0

    Peut-être que toi c'est banal.

  • Speaker #1

    Pour moi c'est banal, parce que moi je le vis tous les jours.

  • Speaker #0

    Alors ce que je veux préciser aussi, parce que tu as dit, tu m'avais déjà parlé de quelque chose, parce qu'on s'était rencontré il y a quelques années, et j'avais déjà fait une émission avec toi, et c'était un moment compliqué, parce que c'était au moment où tu... Il fallait faire repartir l'entreprise parce que ça ne marchait plus. Il y avait une liquidation, je ne sais plus exactement. C'est pour expliquer qu'on s'est déjà rencontrés, mais qu'on ne se connaît pas. Et là, on s'est recroisés. Et moi, j'étais super heureuse de voir qu'il y avait cette boutique à Angoulême, au centre-ville, en me disant « Chouette, Rondineau, ça repart et ça repart bien » .

  • Speaker #1

    Je repars où maintenant ?

  • Speaker #0

    Alors tu repars... Donc en fait, cette histoire, elle est très très forte. Elle est quand même en toi. Et avec ses grands-parents. Donc il commence tout en 1907.

  • Speaker #1

    Donc en 1907, mes grands-parents se sédentarisent à La Rochefoucauld en rachetant un magasin de chaussures dans lequel il y avait une cordonnerie. Et ils ont commencé à fabriquer leur première charanthèse sous l'égide de Rondineau, puisque avant c'était un magasin qui s'appelait Adam.

  • Speaker #0

    Donc ils ont créé la charanthèse ?

  • Speaker #1

    Ils n'ont pas créé la charanthèse, parce que la charanthèse c'est un produit qui a été créé il y a déjà plus de trois siècles. Par contre, ils ont su le mettre en avant. Et ils en ont fait une institution. Mon grand-père, lui, a réussi à faire passer la charentaise dans le monde entier, en la modernisant, en mettant des écossais, en mettant des tissus flash, en mettant des coloris qui détonnaient à l'époque. Là, je parle des années 50, 60, jusqu'à 70. Donc effectivement, il a redoré le blason de ce produit.

  • Speaker #0

    Mais la charentaise qui existait depuis hyper longtemps, Effectivement, je crois que c'était avec les différentes entreprises d'ailleurs de la région, le feutre...

  • Speaker #1

    Alors la véritable charentaise, vraiment.

  • Speaker #0

    Mais est-ce qu'elle s'appelait déjà charentaise ?

  • Speaker #1

    Elle s'appelait déjà charentaise parce que le terme charentaise, c'est un terme qui n'est pas déposable. Donc le produit, effectivement, s'appelait charentaise. Et ça, par contre, retomber sur le mot exact et pourquoi, si c'était que les charentaises sont nées sur les deux départements, Charente et Charente-Maritime... Avec Charente-Maritime, parce qu'à Rochefort, le roi Louis XIV avait sa flotte, donc la marine royale était ancrée à Rochefort, on a encore d'ailleurs quelques beaux vestiges avec la corderie, et les tailleurs aux alentours de Rochefort avaient été mandatés par le roi pour confectionner les uniformes de marine. Et avec les petits coupons de feutre qui restaient justement de ces toiles d'uniformes, il a été créé le dessus de la Charentaise. Après pour le... La semelle, on est en Charente, on est autour d'Angoulême, et la semelle est née, elle, des feutres qui servaient à assécher les pattes de papier. Et donc c'est le mix des deux, l'assemblage de ces deux éléments-là, les feutres de marine et les feutres de papeterie, qui ont donné naissance à la Charentaise, proprement dite. Mais ça, il y a plus de trois siècles. Nous, on ne sévit dans ma famille que depuis un peu plus d'un siècle, tout simplement parce que... Je dirais, mon arrière-grand-père a mis en place l'outil. Mon grand-père l'a fait fructifier et l'a monté au niveau d'industrie sur un produit qui était un produit à la base de récupération. Et surtout, c'est que c'est lui qui a su la vendre et la promouvoir dans le monde entier. Donc,

  • Speaker #0

    ils ont créé la charentaise moderne.

  • Speaker #1

    Ils ont développé la charentaise moderne. On ne peut pas dire clé proprement dit, si on veut rester très clair sur cet esprit-là. Ensuite, mes parents et oncles, qui ont eux aussi travaillé dans la société, ont vécu sur ce savoir. Et puis, j'ai commencé ma vie professionnelle dans cette structure familiale, qui malheureusement, en 2017, a connu des difficultés financières. et a été vendu. Donc je suis revenu, aujourd'hui, artisan, comme l'étaient mes arrière-grands-parents, il y a déjà un peu plus d'un siècle.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que tu parlais de boucle.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que je parle de boucle.

  • Speaker #0

    Et quand tu étais enfant, c'est quoi tes souvenirs ? Est-ce que tu traînais, je ne sais pas comment on dit,

  • Speaker #1

    dans les ateliers ? Mes souvenirs d'enfant, c'était deux types de souvenirs. On va dire oui, effectivement, période de vacances, ou... continuer à travailler, enfin quand je dis on, mes parents continuaient à travailler et ma mère nous emmenait dans les ateliers qui eux étaient fermés pour les vacances d'été et avec ma soeur on jouait dans l'usine. Donc oui forcément on courait au milieu des machines, on courait au milieu des stocks de produits, ça c'est un souvenir. Après le deuxième souvenir c'est les réunions de famille. les déjeuners du samedi chez mes grands-parents, les repas de famille tels que les fêtes, Noël et ce que l'on veut. Systématiquement, comme toute la famille travaillait dans la société familiale, à un moment ou à un autre, c'était le travail qui redéboulait sur la table et donc ça se transformait davantage en déjeuner de réunion d'entreprise plus qu'en déjeuner de famille. Voilà, donc effectivement, le fait... de travailler dans une société familiale où toute la famille travaille, c'est qu'il y a un lien qui est tel que finalement on revient toujours au travail.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est vu comme du travail ? Est-ce que finalement, ça ne devient pas une sorte de passion ?

  • Speaker #1

    Ça dépend, parce que pour ceux qui travaillent réellement, c'est certainement par passion. Pour des enfants qui sont complètement en dehors de ça, puisqu'on parle vraiment de l'enfance, ça peut être un petit peu fatigant à la fin, parce qu'on doit rester à table, on ne peut pas sortir. Et puis, on n'entend parler que d'entreprises, que de clients, que de choses comme ça. Donc, c'est rébarbatif. C'est un peu lourd. C'est un peu lourd.

  • Speaker #0

    Pour un enfant. Et c'était quoi les conversations ? Tu t'en souviens ? C'était les difficultés ? C'était qu'est-ce qu'on va faire ? Est-ce qu'on va faire des nouvelles charentaises ?

  • Speaker #1

    C'était les programmes de production. C'était les clients visités. C'était les commandes qui rentraient, qui ne rentraient pas. C'était tout ce que l'on peut, je dirais, suivre d'une vie d'entreprise. Sauf que plutôt que de se dérouler dans une salle autour d'une table comme ça se ferait aujourd'hui, ça se déroulait autour d'une table toujours, mais avec un repas de famille. Même si on ne voulait pas que l'entreprise vienne sur le côté privé, à un moment ça déboulait.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y avait une évidence aussi que les enfants devaient reprendre le flambeau ? Est-ce que tes parents eux-mêmes, ils ont pu choisir ?

  • Speaker #1

    Ils sont tous rentrés dans la société. Je ne suis pas sûr qu'ils aient eu le choix. Mais ça se portait comme ça. Comme mon grand-père souhaitait qu'au moins un de ses enfants, enfin de ses petits-enfants, arrive dans la société. Etant l'aîné des garçons, j'ai fait mes armes dans la société familiale.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu avais des envies d'ailleurs ? Est-ce que quand tu étais petit garçon, toi... À l'école, tu t'imaginais quoi plus tard ? Est-ce que tu avais un rêve autre ?

  • Speaker #1

    Alors ça. Comme tous les petits garçons, on a envie d'être pompier. Et puis après, chemin faisant, ce que je me destinais plutôt à faire, c'était plutôt dans le contact, dans le commerce. J'ai eu à faire différentes choses dans ma carrière, déjà en rentrant dans l'entreprise, parce que la première des missions qu'on m'est donné à faire, c'était d'essayer de développer un secteur parallèle à la pantoufle, c'était la chaussette. Après, j'ai aussi vendu des bateaux. Des annexes conflables de bateaux de plaisance. Ça fait partie un petit peu de ma formation. Oui,

  • Speaker #0

    tu as fait tes armes.

  • Speaker #1

    J'ai touché à différentes petites choses. Mais tout ça dans la structure sociétaire de la famille.

  • Speaker #0

    Et à quel moment tu es vraiment installé ? Est-ce qu'il y a un moment charnière ? Ou tu t'es dit, c'est ma vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    À la fin de mes études, je suis rentré en France, parce que j'ai fait un petit séjour en Angleterre. Et puis là, on m'a dit, tiens, ton bureau, il est là. Voilà, tu vas commencer à faire le tour un petit peu de toute la chaîne pour savoir quels sont tous les éléments qui permettent de fabriquer une charanthèse. Alors tout ce qui était... bureaux, commercial, choses comme ça. À l'époque, je ne mettais que très peu mon nez dans la production, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Donc là, tu as fait un petit peu le tour. Il y avait quelqu'un qui t'aidait ? Comment c'était ? Quelqu'un de la famille ?

  • Speaker #1

    Non, pas vraiment, non. Après, il y avait, comme toute grosse entreprise, il y avait déjà des personnes en poste et en place à différents hiérarchies, à différents niveaux. Donc, ma première année dans l'entreprise, ça a été de faire le tour un petit peu de tout ça, que ce soit Ausha, que ce soit au lancement. Donc, le lancement, c'est la mise en place des commandes à réaliser dans l'atelier, la création de collections, les réceptions aux fournisseurs, enfin, tout ce qui va autour.

  • Speaker #0

    Je précise parce que dans la boutique, quand je disais qu'on était entouré de charentaises, c'est vraiment ça. Il y en a partout, on est au milieu, elles sont toutes différentes. J'imagine qu'au départ, ce n'était pas comme ça. Là, il y a vraiment des motifs, des couleurs incroyables.

  • Speaker #1

    La charanthèse d'origine, proprement dit. Alors, comme je te le disais tout à l'heure, la charanthèse, c'est un mot qu'on ne peut pas déposer, qui n'est plus déposable. Donc, tout produit qui a une petite languette sur le dessus porte le nom de charanthèse. Là,

  • Speaker #0

    je précise que tu viens de prendre une charanthèse qui était à portée de main.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est ça. Donc, tout produit qui a une languette sur le coup de pied... porte le nom de Charentaise, quel que soit Ça se mêle, quelle que soit sa provenance.

  • Speaker #0

    La languette, c'est la forme comme ça, un peu carrée ?

  • Speaker #1

    La languette, c'est la forme un petit peu carrée qui se trouve sur le dessus du pied et qui, à l'origine, avait été créée, c'est le bon sens paysan, mais qui permettait d'éviter la meurtrissure du bois du sabot sur le coup de pied.

  • Speaker #0

    C'est ça, les choses qui se mettaient dans les sabots et ça,

  • Speaker #1

    ça protégeait. Exactement, et ça protégeait le haut du pied. Donc, cette forme-là, c'est une forme charentaise. Et donc, que ce soit... sur ce type de chaussons là où on pourrait imaginer un petit produit beaucoup plus fin toujours avec une languette, ça pourrait. Que ce soit avec une semelle en feutre, que ce soit avec une semelle en caoutchouc, en plastique, ça porte toujours le nom de charanthez. Moi aujourd'hui ce que je défends c'est une charanthez bien sûr, mais surtout une technique de fabrication qui elle est l'original. et l'originale c'est le cousu retourné c'est à dire qu'on fait toute la couture sur le côté intérieur. Et la dernière étape de fabrication, c'est le fait de retourner tout le produit pour le mettre dans son sens d'utilisation.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est un savoir-faire, mais vraiment très, très, très ancien.

  • Speaker #1

    C'est un savoir-faire très, très, très, très ancien. Et surtout, c'est qu'aujourd'hui, on est les derniers fabricants en Charente. Et après, je n'ai que deux collègues en France qui ont encore la capacité de fabriquer cette technique-là.

  • Speaker #0

    Ça veut dire qu'on peut trouver d'autres Charentais. C'est la forme, en fait, avec la languette, mais... Il n'y a pas forcément ce savoir-faire.

  • Speaker #1

    Ce sont d'autres savoirs, mais après, ce sont des produits qu'on peut réaliser partout dans le monde. Alors que cette fameuse charentaise en cousure tournée, il n'y a qu'ici qu'on la trouve.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu y tiens tellement à ce savoir-faire ?

  • Speaker #1

    J'y tiens tellement parce que, déjà la charentaise proprement dit, elle porte son nom, le nom du lieu dans lequel elle est née. Elle est née sur les deux Charentes. Donc Charente, Charentaise, effectivement. J'ai des clients des fois qui me disent, bah oui, elle aurait été créée en Dordogne, elle s'appellerait la Dordognaise, mais pas la Charentaise, voilà. Même si mon collègue, enfin un de mes collègues, se trouve en Dordogne. C'est pas grave ça, on est dans une zone géographique, donc c'est pas le débat. Mais toujours est-il qu'on est ancré sur un savoir-faire qui était local. Mon grand-père... avait une phrase qui disait que nos ancêtres avaient retourné la terre de nos racines. Voilà, donc mes racines elles sont là. Donc défendre ce patrimoine local, ça me paraît juste, je dirais, normal. Voilà, pourquoi celui-là ? Parce qu'aujourd'hui, cette technique de fabrication apporte un tel confort qu'on ne retrouve pas sur les autres fabrications. Et que, comme il n'y a plus personne qui l'a fait, c'est quelque chose qui est voué ou qui serait voué à disparaître.

  • Speaker #0

    Le confort,

  • Speaker #1

    il se situe. Parce qu'il est cousu. Donc, il a toute la souplesse et l'élasticité du textile. C'est un produit, il est quasiment écologique. Il n'y a pas de colle. Donc, comme il n'y a pas de colle, on n'a rien en contrainte. C'est textile sur textile.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça veut dire que c'est aussi plus solide ?

  • Speaker #1

    Je reprends encore deux expressions de mes grands-parents. Bon marché, c'est déjà trop cher. Et il faut être riche pour acheter bon marché. Deux petits adages. Bon, c'est pas eux qui les ont créés non plus. Mais c'est quelque chose qui est très vrai.

  • Speaker #0

    Il y a quand même une sacrée empreinte rondineau. Parce que tu vois, tu cites quand même énormément tes...

  • Speaker #1

    Mais je ne peux pas faire autrement. J'ai vécu avec eux. C'est eux qui m'ont formé dans ma façon de réagir, d'avancer. Et puis, à un moment, il faut aussi se rappeler du passé pour pouvoir prévoir le futur. Pour en revenir à ça... Sur la charentaise, cette technologie, elle était courante jusque dans les années 50. Industrialisation à partir de 1890, donc on était sur une technique de production avec des machines très particulières. D'ailleurs les machines que l'on utilise aujourd'hui encore dans l'atelier... Pour les étapes de montage, donc la couture de la semelle sur le dessus, les dernières machines ont été fabriquées justement dans les années 50. Depuis ces années-là, on a arrêté de fabriquer ces machines, parce que ces machines étaient trop lentes par rapport à ce que l'on a pu créer comme machine après, et surtout on était sur une société de consommation. Donc il fallait produire plus vite, à moindre coût. Alors que nos machines de couture... et bien elles étaient longues pour coudre la semelle d'une part et elles étaient extrêmement gourmande en temps de formation des artisans qui vont pouvoir les faire fonctionner parce qu'un artisan pour faire fonctionner ce type de machine là et bien avec un tuteur, avant d'être vraiment opérationnel, c'est entre 2 et 5 ans. Donc c'est très long. Qu'est-ce qui s'est passé dans les années 50 ? Les nouvelles technologies sont arrivées. Le fait de venir coller les semelles ou venir injecter du PVC sous pression dans des moules, ça c'est la modernisation. Et cette modernisation, quand elle est arrivée dans les entreprises, qu'est-ce qui s'est passé ? Ces fameuses fascines à coudre, dans un premier temps, elles ont été mises dans le fond de l'atelier pour laisser la place à la nouvelle génération de machines avec de nouvelles typologies de produits. Et puis, au bout d'un moment, dans le fond de l'atelier, ça prenait trop de place. Et puis, les gens ont commencé à se dire, « Non, mais pourquoi on les garde ces machines-là ? Tu sais encore t'en servir, toi ? » « Bah non. » Et hop, on les vire, poubelle. Et puis, elles ont été efféraillées. Donc aujourd'hui, ces machines-là sont extrêmement rares.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, ce sont des machines que tu es allé chercher en 2020, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Ce que j'allais chercher en 2020 ? Je vais les chercher toujours en 2025. Mais il y en a encore. Non, il n'y a quasiment plus rien. Je les cherche, je rentre en contact. Là, je suis rentré en contact avec un monsieur qui a des aiguilles, qui est dans la région parisienne. Il en a 47. Donc là, il va falloir que j'aille à Paris chercher ses 47 aiguilles.

  • Speaker #0

    Et comment ça se fait qu'il a conservé les aiguilles ?

  • Speaker #1

    Parce qu'à une époque, il était marchand. Et puis, il a des petits stocks. Et ce monsieur, je suis rentré en contact avec lui. par l'intermédiaire d'un club de voitures anciennes qui est venu visiter l'atelier. Il y avait un monsieur dans ces visiteurs qui connaissait ce monsieur-là. Et il nous a mis en contact. Voilà, tout simplement.

  • Speaker #0

    Est-ce que ces machines-là, il y en a à l'étranger ?

  • Speaker #1

    Alors, à ma connaissance, il y en a une ou deux en Espagne. Mais c'est tout. Après, je n'en connais pas d'autres ailleurs. De toute façon, économiquement parlant... Dans les années 50-60, c'était plus intéressant. Il fallait produire plus vite, moins cher. Et effectivement, au bout, on va dire, je vais donner un ordre d'idée, mais où il faudrait 10 minutes pour fabriquer une paire de charentaises en cousue retournée, avec de l'injecté, on n'a besoin que de 5 minutes. Et avec du soudé, donc du collé, on va être aussi sur le même type de temps. Le débat, c'est qu'effectivement, avec ces technologies plus rapides, eh bien on s'est heurté aussi à un prix plus bas. Donc les produits en cousue retournée se sont retrouvés déconnectés du prix du marché. Et tout le monde est parti sur des productions à bas prix. Enfin, à bas prix, entre parenthèses, parce qu'il y a le bas prix en France, et puis après il y a le bas prix en Europe, et puis après il y a le bas prix asiatique. Donc ça, ça change aussi un petit peu la donne. Maintenant, Pour revenir sur ce que tu me disais tout à l'heure, une charantheise, sa durée de vie, alors c'est ce que je dis avec malice à mes visiteurs, la durée de vie ça va surtout dépendre de la voracité du chien. On est tous différents. Vous avez des personnes qui vont user une paire de chaussures en 6 mois, et il y en a d'autres, en 10 ans, elles seront encore neuves. Une paire de charantheises qui sort de l'atelier avec les semelles en feutre, comme ça, on va dire... Un temps d'utilisation normal, c'est deux ans, trois ans. Après, il y a des gens qui viennent me voir en me disant « Ah, moi j'ai vos charentaises, moi j'achète que des rondineaux, et j'ai des charentaises de chez vous, elles ont sept ans, huit ans. » Et j'en suis très content.

  • Speaker #0

    Là, tu me justifies le prix un peu élevé, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Je ne justifie pas un prix élevé, parce qu'en réalité, on utilise des matières qui, elles, valent déjà cher. Donc à partir du moment où on emploie des matières chères, avec un besoin de personnel qui ont un savoir-faire, on ne peut pas les payer avec un lance-pierre, et puis de l'autre côté après, on a ce temps de fabrication étant plus long, qui explique aussi que le produit soit un peu plus cher qu'un produit qu'on va... Oui, c'est la qualité. Voilà, c'est une qualité de matière.

  • Speaker #0

    La qualité du savoir-faire, du travail bien fait et des matières à la base... Entre autres. Parce que tu peux travailler des gens aussi de la région, je crois,

  • Speaker #1

    sur le texte. On fait travailler, on essaie d'avoir un produit le plus possible français. Mais on voit nos feutres, donc les feutres qui servent à la semelle. Ça, elles viennent du Tarn. Ce fabricant, c'est le dernier à être encore capable de fabriquer le feutre tel qu'il était réalisé pour les papeteries il y a 300 ans. C'est le dernier, il n'y en a pas d'autres. Et il n'y en a pas d'autres dans le monde. Donc, on est intimement liés. Eux, ça fait partie de leur ADN aussi, comme nous, chez nous c'est la charanthèse, c'est le feutre de papeterie.

  • Speaker #0

    Et ça veut dire que les charanthèses, les autres charanthèses qui n'ont pas tout ce savoir-faire, par exemple, à la place du feutre, c'est quoi comme matière ?

  • Speaker #1

    Alors, il peut y avoir des feutres aussi, mais des feutres qui ne vont pas être tissés, parce que là je parle du feutre d'origine, qui est tissé, ce qu'on appelle chaîné-trame, donc avec des fils de chaîne et des fils de trame. Après, il existe des feutres, aujourd'hui, qui sont aiguillités. Donc là, ce n'est pas un feutre tissé, c'est un feutre avec des milliers de petites aiguilles qui viennent et qui passent à l'intérieur des fibres et qui vont les nouer. On rajoute différentes composantes à l'intérieur, on met tout ça au four, on chauffe, on presse tout ça, et puis on obtient un feutre tissé tram. Par contre, un feutre aiguilleté n'a pas la résistance d'un feutre tissé. Un feutre tel que celui qu'on utilise ici avec des fils de chaîne et des fils de tram, vous pouvez le mettre dans une machine à laver, il va ressortir, il sera nickel. Si vous le faites avec un feutre en aiguilleté, il n'y a pas de garantie. Alors quand on parle de la charentaise et celle que l'on produit, je dirais presque écologique, elle a quoi ? Elle a plein de choses qui sont essentielles. Et c'est pour ça que moi me battre pour ce patrimoine, ça m'intéresse. C'est un produit qui a une histoire. On a dit à peu près trois siècles. C'est un produit qui représente un territoire. C'est vrai que la charentaise en charente, il y a le nom qu'il porte. Et puis, comme je le disais tout à l'heure, On a cette représentation du français avec ses charantaises au pied. On est sur un produit qui est considéré comme écologique. On n'a pas de colle, on travaille qu'avec du fil et du tissu. On a un produit qui est durable, puisqu'en moyenne, on est quand même sur deux ans, voire trois. Et puis, on a un côté aussi un peu bobo, parce qu'aujourd'hui, les charantaises, on les montre.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu en as une, vieille charentaise ? Non,

  • Speaker #1

    dans la boutique, je n'en ai pas. Mais une vraie vieille charentaise, c'était une toile de feutre, tout ce qu'il y a de plus classique. Il n'y avait pas de doublure. D'abord, il n'y avait pas de pied droit, il n'y avait pas de pied gauche non plus. C'est ce qu'on appelle une forme droite. C'était un chausson qui avait pour utilité d'être mis dans le sabot. Quelle couleur ?

  • Speaker #0

    Il y avait des couleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, il y avait plein de couleurs. Il y avait du noir, il y avait du marine. Il y avait peut-être un peu de rouge. Il ne faut pas oublier qu'on est sur un produit qui, en réalité, est un produit de récupération à 100%. Donc, on ne cherchait pas. Et de toute façon, il y a trois siècles de ça, on ne cherchait pas à avoir un article qui était mode. On était toujours dans l'usuel du produit. Donc, il fallait que ça soit usuel. Il fallait que ça soit confortable.

  • Speaker #0

    Il y avait un peu de couleurs quand même.

  • Speaker #1

    Il y avait très peu de couleurs. En réalité, les couleurs, c'était ni plus ni moins que les couleurs des uniformes de la marine. Et puis, ça s'arrêtait là.

  • Speaker #0

    Et l'écossais, c'est arrivé quand ?

  • Speaker #1

    Les écossais, c'est une farce de mon grand-père, ça. c'est que mon grand-père, dans les années 50, a commencé à dire il faut moderniser le truc, il faut aller un peu plus loin. Et Jean Brondino a commencé à vendre ses charentaises avec des écossais dessus. Et aujourd'hui, tout le monde pense que la charentaise, c'était écossais. Mais la charentaise d'origine, comme c'était des produits de récupération d'étoiles de marine, on était sur des coloris basiques.

  • Speaker #0

    Donc, il y avait les anciennes noires, rouges, marines. Et hop,

  • Speaker #1

    ton grand-père... Et après, il est passé à tout ça. Sur d'autres éléments, il fallait réveiller tout ça. Il fallait pousser les murs. Et ça, c'est ce qu'il savait faire. Donc, il l'a fait. Ce qui fait que mon grand-père était beaucoup plus, lui, sur le côté commercial, allait chercher les clients, les comptes. Et ma grand-mère, elle, était beaucoup plus dans les ateliers, justement, à faire en sorte que les productions qui étaient commandées puissent être livrées.

  • Speaker #0

    Alors justement, à l'entrée de la boutique, il y a un cadre avec ton... grand-père. La première génération, c'était Yvonne et Théophile. Et puis, alors après, la deuxième génération, c'est ton grand-père qui est là. Il n'y a pas de photo de tes arrière-grands-parents, mais il y a une photo...

  • Speaker #1

    Sur toutes les boîtes. Là, je te montre la boîte. Sur le perron.

  • Speaker #0

    C'est une photo en noir et blanc.

  • Speaker #1

    C'est une photo en noir et blanc qui était la photo de la boutique originelle. Là où on voit Yvonne sur le perron de la boutique. Son mari théophile, juste à côté, avec son béret, lui aussi. Puis un petit garçon. Et ça, c'est Jam. C'est justement le monsieur qu'on voit en photo après sur le cadre.

  • Speaker #0

    D'accord, c'est ton grand-père. Et là, à gauche, c'est qui ? C'est l'employé ou c'est quelqu'un d'affaibli ?

  • Speaker #1

    Ça, c'est M. Roudy. M. Roudy était le cordonnier en chef de l'atelier. Et c'est lui qui a formé, donc Jam Rondineau, ce petit garçon, au métier de la cordonnerie. et qui lui a donné le goût du travail et de la réalisation des produits.

  • Speaker #0

    Toi, quand tu vois cette photo, tu vas me dire, c'est comme toutes les familles. C'est un peu ça. C'est un peu ça, oui. Qu'est-ce que ça te fait quand même ? Est-ce qu'il y a, je ne sais pas, une émotion ? Est-ce qu'il y a de la fierté ?

  • Speaker #1

    Ce qui est sympa sur cette photo, c'est qu'en réalité, il y a une partie de mon patrimoine qui est là, de mon historique. Après, j'ai d'autres photos où on voit mes grands-parents. alors là on est plus sur les arrière-grands-parents mais mes grands-parents dans l'atelier qui se trouve juste derrière ce magasin qui était la cordonnerie à l'époque où l'atelier commençait à monter avec une quarantaine de personnes ou une cinquantaine de personnes et là vous avez Jamais Lucienne et devant eux deux de leurs fils

  • Speaker #0

    Donc il y a du transgénérationnel qui passe. Non, moi je trouve sympa le fait de se dire, eh bien ça fait quatre générations déjà sur le même métier. Maintenant, est-ce que dans le futur, on retrouvera encore autant de générations passantes ? Ce n'est pas sûr. Tout à l'heure, je parlais...

  • Speaker #1

    C'est fascinant. Pour moi en tout cas.

  • Speaker #0

    Mais tout ça parce qu'à un moment, il y a des choses qui se sont faites. Parce qu'en 2017, quand la société a périclité, finalement, ça aurait pu ne pas faire plus de génération. Donc la société a été vendue et elle est rentrée dans un consortium qui a regroupé les quatre dernières sociétés qui fabriquaient cette typologie de produits en Charente. parce qu'elles se sont toutes retrouvées en difficulté au même moment. Donc elles ont été regroupées. Et puis finalement, ça n'a pas été, je dirais, glorieux parce que des erreurs ont été commises. Et puis un an et demi plus tard, il y a eu par contre plus redressement et passation, mais liquidation de la société. À ce moment-là, moi, je me suis posé la question, qu'est-ce qu'on peut faire ? parce que j'avais du mal à... me dire, on va laisser partir un patrimoine français parce que il n'y avait quasiment plus personne derrière. Et puis, personnellement, c'était un patrimoine familial. Justement, cette histoire de génération.

  • Speaker #1

    Oui, là, quand même, ça t'aurait fait mal. Tu t'en étais attaché quand même.

  • Speaker #0

    On est toujours attaché quand on n'a connu que ça. Quand on n'a pas connu que ça, on passe à autre chose. Maintenant, j'ai eu... je ne vais pas dire l'opportunité de faire et de remonter une structure pour préserver ce savoir-faire, mais j'aurais à un moment pu aussi me dire, allez, on laisse tout tomber et puis, aujourd'hui, je ferai autre chose. Mais bon, ça a été sur le moment. Donc battu pour remettre tout ça en place. Il y a eu d'autres difficultés par la suite, mais... On est tombé avec le Covid, il y a eu plein d'éléments là aussi.

  • Speaker #1

    Finalement, le Covid, ça n'a pas été... Parce que j'ai cru voir ça en faisant un petit peu de recherche, qu'il y avait des ventes qui étaient reparties. Enfin, le côté refuge, comme ça, les gens chez eux, apparemment, les ventes sont reparties.

  • Speaker #0

    Entre parenthèses, ça nous a aidés au départ. Ça nous a aidés et en même temps, ça nous a plombés. Parce que la problématique du Covid, c'est qu'effectivement, les gens ont fait du télétravail, beaucoup. Donc, on est à l'aise chez soi. On peut être en charanthèse, entre autres, mais plein de choses sont aussi, il n'y a pas que les charanthèses. Et après, il y a, ça c'est pour le côté... positif donc effectivement les volumes arrivent sauf que pour arriver à produire et bien faut-il encore avoir les matières et quand vous n'avez pas les matières pour produire et que les commandes arrivent et bien les clients vous insultent enfin quand je dis vous insulte façon de parler mais vous vous faites pourrir parce que eux ils veulent de la cam ils veulent de la marchandise ils veulent pouvoir vendre et vous vous avez une capacité réduite parce que vous n'arrivez pas à être approvisionnés de la part de des usines de fabrication de tissus ou de feutres pour arriver à subvenir aux besoins de tout le monde. C'est-à-dire que la capacité de production, elle est là, les artisans formés, ils sont là, mais on travaille au ralenti parce qu'on n'a pas les matières. Et ça, pour un commerçant, c'est incompréhensible. Lui, ce qu'il voit, c'est qu'aujourd'hui, il a raté la vente de 5 paires et donc c'est du chiffre d'affaires qu'il n'a pas. Donc c'est pour ça que je dis, il y a les deux côtés. Il y a le côté effectivement positif qui a fait qu'il y a eu un engouement sur les produits d'intérieur. Et à côté de ça, le côté négatif où ça a été extrêmement difficile à gérer parce que tout le monde voulait tout et tout de suite. Et là, malheureusement, il y avait des délais et on n'est pas capable de subvenir aux besoins de tout le monde. Donc, un client qui commandait, on va dire un exemple, 100 paires pour une livraison en octobre, il n'avait que 50 paires. En livraison, novembre ou décembre.

  • Speaker #1

    Qui sont les clients aujourd'hui ? C'est des grands magasins, c'est ça ? Ou c'est des petites boutiques ?

  • Speaker #0

    D'abord, notre cœur de marché, c'est les magasins de centre-ville. Le détail de centre-ville. C'est-à-dire les boutiques de chausseurs, de cordonneries, ce genre de clients-là. Donc ça, ça représente à peu près 500 clients en France. Ensuite, on va avoir notre propre réseau de vente. avec notre site internet où là, effectivement, on a aussi, je dirais, de belles commandes qui passent. Et après, nos boutiques personnelles aussi, ça depuis l'année dernière. Donc, on a une boutique à Angoulême, dans laquelle on se trouve aujourd'hui, et une deuxième boutique qui est à Limoges. Voilà. Donc ça, après, on verra ce qu'on fait, si on va plus loin. Mais déjà, on a mis ça en place. Après, on va travailler aussi avec l'étranger. Donc là, on a des clients. un petit peu partout dans le monde alors ça ne pèse pas des grosses quantités mais en termes d'images c'est quand même assez intéressant et dans les belles images que l'on peut avoir à l'étranger c'est notamment ce que l'on a fait il y a deux ans et l'année dernière avec le MoMA ça raconte parce que c'est quand même une aventure folle parce que c'est le musée à New York c'est eux qui nous ont contactés c'est eux qui sont rentrés en contact avec nous mais ça pour différentes raisons je soupçonne la prise de contact du MoMA avec Rondino, suite à l'exposition du savoir fabriqué en France, qui s'est tenue dans les salons de l'Elysée en 2023, pour laquelle on avait été retenus. Et donc, il y a 8000 visiteurs qui sont passés. Et donc c'est quand même une très belle image en termes de rayonnement. Et donc là effectivement, le Museum of Modern Art à New York est rentré en contact avec nous. Je présume que c'est par ce biais-là. Alors c'est moi qui les ai eus, oui, c'est moi qui les ai eus. Et là, bonjour, c'est le MoMA. On voudrait mettre en place une petite collaboration. Quand on commence à lire ça, on se dit, c'est bon, allez, on nous fait une petite blague. On commence à faire des recherches, je regarde un petit peu tout ça. Et puis, je m'aperçois qu'il y a des choses qui collent. Donc là, je réponds aux mails. Et effectivement, on a commencé à communiquer. On a mis en place une gamme en place. Et puis, les commandes sont arrivées. Donc là, oui, c'est intéressant. Maintenant, on a fait ça aussi avec le Grand-Duché du Luxembourg, où on a quelques modèles qui sont aujourd'hui... dans leurs musées nationaux.

  • Speaker #1

    Donc à chaque fois, ce qui est valorisé, c'est vraiment ce savoir-faire.

  • Speaker #0

    C'est ce savoir-faire. Aux États-Unis, ils ont beaucoup de choses, mais ils n'ont pas cette culture historique. Il y a un mois et demi, j'étais dans la boutique où on se trouve ici, et je remplaçais ma petite vendeuse. Et là, j'ai un couple d'Américains qui étaient en touriste ici, et qui sont rentrés. On a commencé à discuter, on a regardé un petit peu les produits. Ah oui, ça c'est bien, ça c'est bien. Ah oui, vous faites ça comme ça, vous faites ça comme ça. Et c'est tout fait à la main. Ouais, c'est extraordinaire. Voilà, donc ils se rachètent une petite partie de patrimoine. Voilà, et c'est ce qui est assez rigolo. Pour en revenir à notre réseau de distribution, oui, effectivement, on travaille avec l'export. Donc on a des clients en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, en Belgique, en Italie, en Espagne. On en a encore un au Japon. Donc oui, on a des produits qui partent, un peu plus loin que nos frontières, mais notre gros marché reste quand même un marché français. Après, on a des collaborations aussi. Il y a un petit fabricant de chaussettes qui n'est pas loin d'ici, à Limoges. D'ailleurs, on a ici des présentoirs avec les chaussettes qui sont de la maison Brousseau. Et eux me font fabriquer des charentaises à leur effigie. Et moi, ici dans la boutique, je leur vends des chaussettes. Voilà, donc on a des ADN qui sont extrêmement proches. On a souvent la même vision des choses. Et l'union fait la force. Donc, on va trouver des petites collabs comme ça.

  • Speaker #1

    Mais vu qu'il n'y avait pas que d'ailleurs dans les chaussures, il n'y a pas que des charentaises. Il y a aussi des petites chaussures d'été.

  • Speaker #0

    Là, il y a... Parce que la charentaise d'été, ça se vend un petit peu moins. Je ne dis pas que ça ne se vend pas, parce qu'on en vend, mais ça se vend un peu moins. Pour un commerçant détaillant, il faut trouver des produits qui aillent sur la saison de transition. Donc oui, il y a des espadrilles. C'est des espadrilles made in France.

  • Speaker #1

    En plus, là, aujourd'hui, ça va, même il pleuvait tout à l'heure. Regardez par la vitrine, on a eu quelques jours de canicule. Oui. Donc là, la charentaise en tant que...

  • Speaker #0

    On en a vendu quand même.

  • Speaker #1

    Peut-être que ça isole.

  • Speaker #0

    D'une part, ça isole, mais d'autre part, comme c'est un produit emblématique du département, vous avez une partie de touristes qui vient ici pour ça. Enfin, pour ça. C'est-à-dire qu'ils vont repartir avec un souvenir. Et pourquoi pas ça ? Ils vont en Bretagne, ils repartent avec une marinière. ils viennent en Charente, ils repartent avec une bouteille de cognac ou une paire de charentaises.

  • Speaker #1

    Et donc il y a des petites chaussures, est-ce qu'on disait les espadrilles ? Je ne sais pas si on peut dire espadrilles. Oui,

  • Speaker #0

    on peut, parce que c'est pareil, c'est un terme qu'on peut utiliser à toute sauce. Donc tout ce qui est smell cord, tout simplement, parce que ça fait partie des produits corollaires à ce que nous, nous savons faire.

  • Speaker #1

    Alors Olivier, tu sais qu'on est dans un monde en joie. Donc je voudrais savoir ce que c'est que la joie pour toi.

  • Speaker #0

    Super question. La joie, il ne faut pas grand-chose pour être joyeux. La joie, ça passe par un moment partagé, un bon moment partagé. L'amour de ses proches. Pour être heureux, pour être joyeux, il ne faut pas forcément de gros moyens. C'est surtout des moments de partage.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a une musique, une chanson qui te met en joie ? Ou toi, tu te dis que si ça ne va pas bien, tu te dis tiens, je vais écouter ça.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas très mélomane.

  • Speaker #1

    Ça peut être même une chanson rigolote, pas forcément...

  • Speaker #0

    Oui, mais là, vu comme ça, je n'ai pas de...

  • Speaker #1

    Ce n'est pas grave. Est-ce qu'il y a une photo ou quelque chose qui est... te met en joie, une image ?

  • Speaker #0

    Une image qui me met en joie. Quand ma fille, je la vois avec le sourire jusqu'aux deux oreilles, ça suffit à me mettre en joie. C'est le plaisir partagé avec mon épouse de voir notre petite prendre du plaisir dans la vie, tout simplement.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu penses à la suite ? de rondineau. Est-ce que ta fille...

  • Speaker #0

    On y pense toujours. La seule chose, c'est que elle est un peu jeune aujourd'hui pour choisir. Avec sa mère, souvent, on lui pose la question, juste histoire de la taquiner. Elle a 10 ans et demi. On lui pose la question pour la taquiner en lui disant, qu'est-ce que tu voudrais faire plus tard ? Qu'est-ce qu'on fait ? Ça, alors, l'usine de papa, on la garde ou on la vend ? Maman, qu'est-ce qu'on en fait de ces affaires ? Tu vas travailler avec elle ou tu vas pas travailler avec elle ? Merci. ton épouse elle travaille dans autre chose oui complètement autre chose et donc au final c'est ah bah non on garde, d'accord donc finalement si tu vas travailler avec maman l'usine de papa t'en fait quoi ? je mettrais quelqu'un dedans et puis je surveillerais voilà donc elle a pas forcément envie de ne pas s'investir à l'intérieur mais est-ce que ça sera sa voix plus tard ? c'est pas sûr donc aujourd'hui je préfère voir un petit peu aussi comment elle va évoluer Merci. savoir quels vont être ses centres réellement d'intérêt, et puis qu'est-ce qui va la motiver plus tard. J'allais dire, j'en ferais pas une maladie si elle ne va pas derrière. Le tout, c'est que ce qui a été mis en place sur ces dernières années aussi puisse continuer à perdurer, après moi. Maintenant, Rondino, c'est devenu une marque. Donc le nom, il est rattaché à ça. Et c'est vrai que... Aujourd'hui, quand on parle de Charentaise, on va facilement en disant « Ah oui, Charentaise, c'est Rondineau » . Quand on va dans les magasins de détails, c'est une référence. Même si demain je ne suis plus là, on va dire qu'il y a des choses qui vont rester.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui est écrit d'ailleurs sous les Charentaises, pour ceux qui ne connaissent pas, pour ceux qui n'ont pas encore acheté leur première paire ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'il y a de marqué ? Il y a marqué « Made in Charente, fabriquée par Rondineau, maison fondée, il y a belle lurette » . C'est un petit texte un petit peu humoristique. C'est même un signe de reconnaissance aujourd'hui. D'ailleurs, c'est un signe de reconnaissance que j'ai même déposé au niveau de l'INPI.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut, pour terminer, se faire un petit tour de boutique comme ça, regarder toutes ces belles paires de charentaises ? Est-ce qu'il y a un motif préféré ? Est-ce que vous continuez à chercher ? Est-ce qu'il y a des modèles qui vont encore sortir dans les années à venir ? Est-ce qu'il y a une veille pour ça ?

  • Speaker #0

    Tous les ans, c'est à peu près 180 modèles différents qu'on va sortir. Sur ces 180 modèles, il va y avoir à peu près une quarantaine de modèles qui vont être des permanents. Donc des produits qu'on va retrouver d'année après année. Et le reste, ça sera des nouveautés. Alors, quand on parle de nouveautés, une charantèse, c'est une charantèse. C'est la même coupe. Par contre, c'est tout ce qu'on va faire sur les dessus. Arriver à trouver des nouveaux colorations, suivre la mode. Parce que finalement, même au niveau d'un produit qui n'est pas celui-là, il faut être à la mode. Il faut être un peu pointu.

  • Speaker #1

    Mais c'est quoi être à la mode avec des charentaises en ce moment ? Pardon, mais... La question qui tue ?

  • Speaker #0

    On va suivre le vestimentaire. C'est-à-dire que d'une année sur l'autre, vous avez des fois des teintes qui vont être... Allez, cette année, ça a été le vert pomme. L'année prochaine, ça sera les oranges.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de modèles différents autour de moi. Regarde, là, c'est parme, rose parme. Là, c'est des petites fleurs rouges. Là, c'est bleu avec un liseré orange. Là, c'est des petites fleurs violettes. Un peu mexicain, léopard, jaune, moutarde.

  • Speaker #0

    Parce qu'il en faut pour tous les goûts. Voilà. Mais quand on regarde bien ce qui se vend, aujourd'hui, nos intemporels, en réalité, se vendent très bien. Pourquoi ? Parce que les jeunes générations sont en train de s'associer au fait qu'ils veulent essayer de retrouver les produits qu'ils ont connus chez leurs parents, voire leurs grands-parents. Donc, ils vont revenir vers des essentiels. Et en réalité, les modèles les plus chamarrés, les plus pétants, C'est une clientèle d'il y a une cinquantaine d'années, 50, 60, qui les achète. Et les modèles qui sont les plus ordinaires, quand je dis ordinaires, c'est-à-dire j'en ai là-bas, au fond de la boutique, les verts, les beiges, les rouges, les bleus marines. Ça fait 30 ans qu'on les fabrique et ce sont ceux qui marchent le mieux. Parce que dans l'esprit des jeunes, ça c'est une charantheise. Après, on en a plein. En Unis, on fait plein de choses. Quand on a fait la charentaise pour l'exposition du savoir fabriqué en France à l'Elysée, et qu'est-ce qu'on a fait ? Un truc très discret. On a juste mis une ganse bleu-blanc-rouge autour du produit pour le rendre patriotique.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais ça, c'est une charentaise de président.

  • Speaker #0

    Ou présidentiable. Oui. Mais toujours est-il que voilà. Donc ça, ça a eu beaucoup de succès. Ça représente un savoir-faire. Par contre, là, on n'est pas sur un Écossais, on est bien sur un uni. Donc, c'est à la fois discret, si je peux dire chic, pourquoi pas, puisqu'aujourd'hui, on n'hésite plus à recevoir en charentaise. Et on va aller chercher, justement, des matières qui vont être sympas. On va chercher des matières qui vont avoir un toucher, un soyeux, quelque chose de sympa.

  • Speaker #1

    Et les gens, quand ils viennent, ils essayent, évidemment ? Et je trouve ça rigolo, j'ai l'image tout d'un coup des gens qui essayent leurs petits chaussons dans la boutique. Ils sont à l'aise les gens quand ils essayent ?

  • Speaker #0

    Oui, il n'y a pas de complexe par rapport à ça. On ne vient pas cacher pour venir chercher une paire de charentaises. Non, au contraire. Et puis après, on va en essayer un, deux, trois. Ah tiens, tu trouves que ça c'est mieux, ça c'est moins bien. Ah oui, moi je préfère celle-là parce que tu vois, ça peut être assorti avec ça. Parce qu'une paire de charentaises, ce n'est pas forcément pour porter qu'avec un pyjama. Quand on est chez soi, on est chez soi. c'est la chaussure C'est la chaussure d'intérieur. Et après, on peut être à l'aise chez soi sans forcément avoir quelque chose qui va être tristouné ou qui va être un gars. Donc, il y a énormément de possibilités. Et puis après, on voit effectivement, en fonction des âges, l'évolution du produit.

  • Speaker #1

    Comment tu vois les années qui viennent ? Ça fait combien de temps que tu es là ? On est derrière le palais de justice Angoulême, au cœur du centre-ville ?

  • Speaker #0

    Du vieil Angoulême, oui.

  • Speaker #1

    Du vieil Angoulême, exactement.

  • Speaker #0

    On est installé ici depuis le mois de novembre. Donc ça ne fait pas encore un an.

  • Speaker #1

    Est-ce que ça t'a fait du bien d'être là ? Est-ce qu'il y a des choses qui...

  • Speaker #0

    Je suis arrivé à Angoulême, au centre-ville, par étapes. Je veux dire par étapes, tout simplement, parce que j'avais monté il y a deux ans un magasin éphémère. qui se trouvaient dans la rue Piétonne. Et là, il y avait eu un engouement. Les gens étaient super contents de revoir leur marque de charentaise favorite implantée dans la ville. Donc Angoulême, on est aussi sur le chef-lieu du département, donc ça a quand même du sens. De l'autre côté, comme on représente aussi indirectement un savoir-faire charentais, C'est pas mal. Donc les gens étaient ravis. Et puis, ils ont été déçus de voir que la boutique, elle n'était qu'éphémère. Donc j'ai été plébiscité par rapport à ça pour mettre une boutique en place pour du long terme. Alors j'ai commencé à chercher un grand moment vers la rue Piétonne. Malheureusement, je n'ai pas trouvé de local. Donc je suis venu m'installer là. Donc cette boutique est là depuis maintenant 8 mois. ça commence à démarrer correctement. Mais elle ne va pas rester là longtemps, parce qu'effectivement, là maintenant, elle va se trouver dans la rue des Postes, tout à fait à l'entrée de la rue des Postes, quasiment en face de la mairie.

  • Speaker #1

    Ce sera encore mieux là. Ou là,

  • Speaker #0

    on sera encore mieux placé, tout simplement parce qu'on ne passe pas...

  • Speaker #1

    On ne tourne pas forcément.

  • Speaker #0

    Les touristes ne viennent pas forcément par là. Voilà. Les habitants d'Angoulême... Il n'y a pas de débat. À fur et à mesure, on en voit arriver de plus en plus. Donc, ils finissent par savoir où ça se trouve. Mais on passe à côté de toute la partie tourisme. Donc là, pour un produit du patrimoine touristique, il faut quand même se trouver au bon endroit.

  • Speaker #1

    Olivier, on va fermer la boutique. Normalement, c'est fermé aujourd'hui, mais on n'a pas fermé la porte. C'est lundi.

  • Speaker #0

    On va éteindre les lumières. Par contre, demain, on sera ouvert.

  • Speaker #1

    Merci encore.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir.

Description

Pour cet épisode je suis avec Olivier RONDINAUD dans la boutique des charentaises "Rondinaud" au coeur d'Angoulême et au coeur d'une famille qui a transmis un savoir-faire unique de génération en génération depuis 1907. Tout a commencé avec les arrières grands-parents d'Olivier.


Merci à Olivier RONDINAUD pour cet échange.


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Transcription

  • Speaker #0

    On est entouré de charentaises, ce chausson mythique, connu et reconnu jusqu'à New York. Vraiment, ça me touche d'être ici. D'abord parce que je suis arrivée en Goulême il y a pile 20 ans et que la bretonne que je suis se sent de plus en plus charentaise. Et puis aussi parce que j'entre dans une famille qui a transmis depuis 1907 son savoir-faire de génération en génération jusqu'à toi, Olivier. Pour commencer cet échange, est-ce que tu peux me dire ce que ça fait d'appartenir à la famille Rondineau ? Est-ce que ça fait quelque chose ? Qu'est-ce que ça veut dire pour toi ?

  • Speaker #1

    La famille Rondineau, c'est une famille comme toutes celles qu'on pourrait croiser. qui a un nom qui aujourd'hui résonne sur une marque et sur un produit spécifique.

  • Speaker #0

    Alors c'est une marque, ça j'entends bien, mais c'est aussi ton nom. Tu t'appelles Olivier Rondineau. Comment ça résonne ? Comment ça résonne avec l'histoire de la famille ? On va en parler, l'histoire de la famille, on va revenir dessus. Mais je voulais savoir, toi, c'est quoi le sentiment ?

  • Speaker #1

    C'est une question vraiment qui est particulière parce que le sentiment... J'allais dire, Rondino, Rondino, Rondino, comme à tout un chacun, c'est mon nom de famille. Donc, moi, je porte mon nom de famille comme tout le monde le porte. Donc, il n'y a pas de prise de position ou de prise de tête sur le fait que j'ai un nom qui résonne un peu plus que d'autres sur la Charente. Mais heureusement pour moi, il y a aussi beaucoup de personnes en Charente qui ont du patrimoine historique et... qui vivent la même chose, c'est-à-dire que le nom de famille, pour moi, ça reste mon nom de famille. Je ne me lève pas tous les matins en me disant « Ah, mes grands-parents ont fait ça, c'est pas vrai ! » Ou je peux être content, c'est quand il va y avoir un marché particulier qui va arriver, ou quand il va y avoir une expression qui arrive, et là, « Ah tiens, mes grands-parents ont fait ça ! » Il y a quelques années, je t'avais dit... que finalement, ce que j'étais en train de faire, c'était une boucle. C'est-à-dire que mes arrière-grands-parents ont été marchands de chaussures. Avant ça, ils étaient marchands fourains. Ils faisaient de la draperie et des pantoufles aussi. Et puis, ils se sont sédentarisés en 1907 à La Rochefoucauld en rachetant une boutique dans laquelle il y avait une cordonnerie à l'arrière. Ils ont fabriqué leurs brodequins et leurs charantaises dans cette cordonnerie, et puis, de fil en aiguille, ils sont passés de l'état d'artisan à l'état d'industriel. Parce que forcément, on sortit de la guerre, et bien après, il fallait produire, produire, produire. Ils ont monté une entreprise d'une taille très conséquente pour le département et même en France, puisqu'ils ont eu jusqu'à 1200 personnes. Et là, le nom résonnait, mais différemment.

  • Speaker #0

    C'est comme si tu me répondais en me disant « bon, je m'appelle Rondino, mais c'est un nom comme les autres, c'est normal » . Et en fait, il ne faut quand même pas longtemps pour que toute l'histoire, elle est là, elle est en toi cette histoire.

  • Speaker #1

    L'histoire est là.

  • Speaker #0

    Peut-être que toi c'est banal.

  • Speaker #1

    Pour moi c'est banal, parce que moi je le vis tous les jours.

  • Speaker #0

    Alors ce que je veux préciser aussi, parce que tu as dit, tu m'avais déjà parlé de quelque chose, parce qu'on s'était rencontré il y a quelques années, et j'avais déjà fait une émission avec toi, et c'était un moment compliqué, parce que c'était au moment où tu... Il fallait faire repartir l'entreprise parce que ça ne marchait plus. Il y avait une liquidation, je ne sais plus exactement. C'est pour expliquer qu'on s'est déjà rencontrés, mais qu'on ne se connaît pas. Et là, on s'est recroisés. Et moi, j'étais super heureuse de voir qu'il y avait cette boutique à Angoulême, au centre-ville, en me disant « Chouette, Rondineau, ça repart et ça repart bien » .

  • Speaker #1

    Je repars où maintenant ?

  • Speaker #0

    Alors tu repars... Donc en fait, cette histoire, elle est très très forte. Elle est quand même en toi. Et avec ses grands-parents. Donc il commence tout en 1907.

  • Speaker #1

    Donc en 1907, mes grands-parents se sédentarisent à La Rochefoucauld en rachetant un magasin de chaussures dans lequel il y avait une cordonnerie. Et ils ont commencé à fabriquer leur première charanthèse sous l'égide de Rondineau, puisque avant c'était un magasin qui s'appelait Adam.

  • Speaker #0

    Donc ils ont créé la charanthèse ?

  • Speaker #1

    Ils n'ont pas créé la charanthèse, parce que la charanthèse c'est un produit qui a été créé il y a déjà plus de trois siècles. Par contre, ils ont su le mettre en avant. Et ils en ont fait une institution. Mon grand-père, lui, a réussi à faire passer la charentaise dans le monde entier, en la modernisant, en mettant des écossais, en mettant des tissus flash, en mettant des coloris qui détonnaient à l'époque. Là, je parle des années 50, 60, jusqu'à 70. Donc effectivement, il a redoré le blason de ce produit.

  • Speaker #0

    Mais la charentaise qui existait depuis hyper longtemps, Effectivement, je crois que c'était avec les différentes entreprises d'ailleurs de la région, le feutre...

  • Speaker #1

    Alors la véritable charentaise, vraiment.

  • Speaker #0

    Mais est-ce qu'elle s'appelait déjà charentaise ?

  • Speaker #1

    Elle s'appelait déjà charentaise parce que le terme charentaise, c'est un terme qui n'est pas déposable. Donc le produit, effectivement, s'appelait charentaise. Et ça, par contre, retomber sur le mot exact et pourquoi, si c'était que les charentaises sont nées sur les deux départements, Charente et Charente-Maritime... Avec Charente-Maritime, parce qu'à Rochefort, le roi Louis XIV avait sa flotte, donc la marine royale était ancrée à Rochefort, on a encore d'ailleurs quelques beaux vestiges avec la corderie, et les tailleurs aux alentours de Rochefort avaient été mandatés par le roi pour confectionner les uniformes de marine. Et avec les petits coupons de feutre qui restaient justement de ces toiles d'uniformes, il a été créé le dessus de la Charentaise. Après pour le... La semelle, on est en Charente, on est autour d'Angoulême, et la semelle est née, elle, des feutres qui servaient à assécher les pattes de papier. Et donc c'est le mix des deux, l'assemblage de ces deux éléments-là, les feutres de marine et les feutres de papeterie, qui ont donné naissance à la Charentaise, proprement dite. Mais ça, il y a plus de trois siècles. Nous, on ne sévit dans ma famille que depuis un peu plus d'un siècle, tout simplement parce que... Je dirais, mon arrière-grand-père a mis en place l'outil. Mon grand-père l'a fait fructifier et l'a monté au niveau d'industrie sur un produit qui était un produit à la base de récupération. Et surtout, c'est que c'est lui qui a su la vendre et la promouvoir dans le monde entier. Donc,

  • Speaker #0

    ils ont créé la charentaise moderne.

  • Speaker #1

    Ils ont développé la charentaise moderne. On ne peut pas dire clé proprement dit, si on veut rester très clair sur cet esprit-là. Ensuite, mes parents et oncles, qui ont eux aussi travaillé dans la société, ont vécu sur ce savoir. Et puis, j'ai commencé ma vie professionnelle dans cette structure familiale, qui malheureusement, en 2017, a connu des difficultés financières. et a été vendu. Donc je suis revenu, aujourd'hui, artisan, comme l'étaient mes arrière-grands-parents, il y a déjà un peu plus d'un siècle.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que tu parlais de boucle.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que je parle de boucle.

  • Speaker #0

    Et quand tu étais enfant, c'est quoi tes souvenirs ? Est-ce que tu traînais, je ne sais pas comment on dit,

  • Speaker #1

    dans les ateliers ? Mes souvenirs d'enfant, c'était deux types de souvenirs. On va dire oui, effectivement, période de vacances, ou... continuer à travailler, enfin quand je dis on, mes parents continuaient à travailler et ma mère nous emmenait dans les ateliers qui eux étaient fermés pour les vacances d'été et avec ma soeur on jouait dans l'usine. Donc oui forcément on courait au milieu des machines, on courait au milieu des stocks de produits, ça c'est un souvenir. Après le deuxième souvenir c'est les réunions de famille. les déjeuners du samedi chez mes grands-parents, les repas de famille tels que les fêtes, Noël et ce que l'on veut. Systématiquement, comme toute la famille travaillait dans la société familiale, à un moment ou à un autre, c'était le travail qui redéboulait sur la table et donc ça se transformait davantage en déjeuner de réunion d'entreprise plus qu'en déjeuner de famille. Voilà, donc effectivement, le fait... de travailler dans une société familiale où toute la famille travaille, c'est qu'il y a un lien qui est tel que finalement on revient toujours au travail.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est vu comme du travail ? Est-ce que finalement, ça ne devient pas une sorte de passion ?

  • Speaker #1

    Ça dépend, parce que pour ceux qui travaillent réellement, c'est certainement par passion. Pour des enfants qui sont complètement en dehors de ça, puisqu'on parle vraiment de l'enfance, ça peut être un petit peu fatigant à la fin, parce qu'on doit rester à table, on ne peut pas sortir. Et puis, on n'entend parler que d'entreprises, que de clients, que de choses comme ça. Donc, c'est rébarbatif. C'est un peu lourd. C'est un peu lourd.

  • Speaker #0

    Pour un enfant. Et c'était quoi les conversations ? Tu t'en souviens ? C'était les difficultés ? C'était qu'est-ce qu'on va faire ? Est-ce qu'on va faire des nouvelles charentaises ?

  • Speaker #1

    C'était les programmes de production. C'était les clients visités. C'était les commandes qui rentraient, qui ne rentraient pas. C'était tout ce que l'on peut, je dirais, suivre d'une vie d'entreprise. Sauf que plutôt que de se dérouler dans une salle autour d'une table comme ça se ferait aujourd'hui, ça se déroulait autour d'une table toujours, mais avec un repas de famille. Même si on ne voulait pas que l'entreprise vienne sur le côté privé, à un moment ça déboulait.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y avait une évidence aussi que les enfants devaient reprendre le flambeau ? Est-ce que tes parents eux-mêmes, ils ont pu choisir ?

  • Speaker #1

    Ils sont tous rentrés dans la société. Je ne suis pas sûr qu'ils aient eu le choix. Mais ça se portait comme ça. Comme mon grand-père souhaitait qu'au moins un de ses enfants, enfin de ses petits-enfants, arrive dans la société. Etant l'aîné des garçons, j'ai fait mes armes dans la société familiale.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu avais des envies d'ailleurs ? Est-ce que quand tu étais petit garçon, toi... À l'école, tu t'imaginais quoi plus tard ? Est-ce que tu avais un rêve autre ?

  • Speaker #1

    Alors ça. Comme tous les petits garçons, on a envie d'être pompier. Et puis après, chemin faisant, ce que je me destinais plutôt à faire, c'était plutôt dans le contact, dans le commerce. J'ai eu à faire différentes choses dans ma carrière, déjà en rentrant dans l'entreprise, parce que la première des missions qu'on m'est donné à faire, c'était d'essayer de développer un secteur parallèle à la pantoufle, c'était la chaussette. Après, j'ai aussi vendu des bateaux. Des annexes conflables de bateaux de plaisance. Ça fait partie un petit peu de ma formation. Oui,

  • Speaker #0

    tu as fait tes armes.

  • Speaker #1

    J'ai touché à différentes petites choses. Mais tout ça dans la structure sociétaire de la famille.

  • Speaker #0

    Et à quel moment tu es vraiment installé ? Est-ce qu'il y a un moment charnière ? Ou tu t'es dit, c'est ma vie professionnelle ?

  • Speaker #1

    À la fin de mes études, je suis rentré en France, parce que j'ai fait un petit séjour en Angleterre. Et puis là, on m'a dit, tiens, ton bureau, il est là. Voilà, tu vas commencer à faire le tour un petit peu de toute la chaîne pour savoir quels sont tous les éléments qui permettent de fabriquer une charanthèse. Alors tout ce qui était... bureaux, commercial, choses comme ça. À l'époque, je ne mettais que très peu mon nez dans la production, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Donc là, tu as fait un petit peu le tour. Il y avait quelqu'un qui t'aidait ? Comment c'était ? Quelqu'un de la famille ?

  • Speaker #1

    Non, pas vraiment, non. Après, il y avait, comme toute grosse entreprise, il y avait déjà des personnes en poste et en place à différents hiérarchies, à différents niveaux. Donc, ma première année dans l'entreprise, ça a été de faire le tour un petit peu de tout ça, que ce soit Ausha, que ce soit au lancement. Donc, le lancement, c'est la mise en place des commandes à réaliser dans l'atelier, la création de collections, les réceptions aux fournisseurs, enfin, tout ce qui va autour.

  • Speaker #0

    Je précise parce que dans la boutique, quand je disais qu'on était entouré de charentaises, c'est vraiment ça. Il y en a partout, on est au milieu, elles sont toutes différentes. J'imagine qu'au départ, ce n'était pas comme ça. Là, il y a vraiment des motifs, des couleurs incroyables.

  • Speaker #1

    La charanthèse d'origine, proprement dit. Alors, comme je te le disais tout à l'heure, la charanthèse, c'est un mot qu'on ne peut pas déposer, qui n'est plus déposable. Donc, tout produit qui a une petite languette sur le dessus porte le nom de charanthèse. Là,

  • Speaker #0

    je précise que tu viens de prendre une charanthèse qui était à portée de main.

  • Speaker #1

    Tout à fait, c'est ça. Donc, tout produit qui a une languette sur le coup de pied... porte le nom de Charentaise, quel que soit Ça se mêle, quelle que soit sa provenance.

  • Speaker #0

    La languette, c'est la forme comme ça, un peu carrée ?

  • Speaker #1

    La languette, c'est la forme un petit peu carrée qui se trouve sur le dessus du pied et qui, à l'origine, avait été créée, c'est le bon sens paysan, mais qui permettait d'éviter la meurtrissure du bois du sabot sur le coup de pied.

  • Speaker #0

    C'est ça, les choses qui se mettaient dans les sabots et ça,

  • Speaker #1

    ça protégeait. Exactement, et ça protégeait le haut du pied. Donc, cette forme-là, c'est une forme charentaise. Et donc, que ce soit... sur ce type de chaussons là où on pourrait imaginer un petit produit beaucoup plus fin toujours avec une languette, ça pourrait. Que ce soit avec une semelle en feutre, que ce soit avec une semelle en caoutchouc, en plastique, ça porte toujours le nom de charanthez. Moi aujourd'hui ce que je défends c'est une charanthez bien sûr, mais surtout une technique de fabrication qui elle est l'original. et l'originale c'est le cousu retourné c'est à dire qu'on fait toute la couture sur le côté intérieur. Et la dernière étape de fabrication, c'est le fait de retourner tout le produit pour le mettre dans son sens d'utilisation.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est un savoir-faire, mais vraiment très, très, très ancien.

  • Speaker #1

    C'est un savoir-faire très, très, très, très ancien. Et surtout, c'est qu'aujourd'hui, on est les derniers fabricants en Charente. Et après, je n'ai que deux collègues en France qui ont encore la capacité de fabriquer cette technique-là.

  • Speaker #0

    Ça veut dire qu'on peut trouver d'autres Charentais. C'est la forme, en fait, avec la languette, mais... Il n'y a pas forcément ce savoir-faire.

  • Speaker #1

    Ce sont d'autres savoirs, mais après, ce sont des produits qu'on peut réaliser partout dans le monde. Alors que cette fameuse charentaise en cousure tournée, il n'y a qu'ici qu'on la trouve.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu y tiens tellement à ce savoir-faire ?

  • Speaker #1

    J'y tiens tellement parce que, déjà la charentaise proprement dit, elle porte son nom, le nom du lieu dans lequel elle est née. Elle est née sur les deux Charentes. Donc Charente, Charentaise, effectivement. J'ai des clients des fois qui me disent, bah oui, elle aurait été créée en Dordogne, elle s'appellerait la Dordognaise, mais pas la Charentaise, voilà. Même si mon collègue, enfin un de mes collègues, se trouve en Dordogne. C'est pas grave ça, on est dans une zone géographique, donc c'est pas le débat. Mais toujours est-il qu'on est ancré sur un savoir-faire qui était local. Mon grand-père... avait une phrase qui disait que nos ancêtres avaient retourné la terre de nos racines. Voilà, donc mes racines elles sont là. Donc défendre ce patrimoine local, ça me paraît juste, je dirais, normal. Voilà, pourquoi celui-là ? Parce qu'aujourd'hui, cette technique de fabrication apporte un tel confort qu'on ne retrouve pas sur les autres fabrications. Et que, comme il n'y a plus personne qui l'a fait, c'est quelque chose qui est voué ou qui serait voué à disparaître.

  • Speaker #0

    Le confort,

  • Speaker #1

    il se situe. Parce qu'il est cousu. Donc, il a toute la souplesse et l'élasticité du textile. C'est un produit, il est quasiment écologique. Il n'y a pas de colle. Donc, comme il n'y a pas de colle, on n'a rien en contrainte. C'est textile sur textile.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça veut dire que c'est aussi plus solide ?

  • Speaker #1

    Je reprends encore deux expressions de mes grands-parents. Bon marché, c'est déjà trop cher. Et il faut être riche pour acheter bon marché. Deux petits adages. Bon, c'est pas eux qui les ont créés non plus. Mais c'est quelque chose qui est très vrai.

  • Speaker #0

    Il y a quand même une sacrée empreinte rondineau. Parce que tu vois, tu cites quand même énormément tes...

  • Speaker #1

    Mais je ne peux pas faire autrement. J'ai vécu avec eux. C'est eux qui m'ont formé dans ma façon de réagir, d'avancer. Et puis, à un moment, il faut aussi se rappeler du passé pour pouvoir prévoir le futur. Pour en revenir à ça... Sur la charentaise, cette technologie, elle était courante jusque dans les années 50. Industrialisation à partir de 1890, donc on était sur une technique de production avec des machines très particulières. D'ailleurs les machines que l'on utilise aujourd'hui encore dans l'atelier... Pour les étapes de montage, donc la couture de la semelle sur le dessus, les dernières machines ont été fabriquées justement dans les années 50. Depuis ces années-là, on a arrêté de fabriquer ces machines, parce que ces machines étaient trop lentes par rapport à ce que l'on a pu créer comme machine après, et surtout on était sur une société de consommation. Donc il fallait produire plus vite, à moindre coût. Alors que nos machines de couture... et bien elles étaient longues pour coudre la semelle d'une part et elles étaient extrêmement gourmande en temps de formation des artisans qui vont pouvoir les faire fonctionner parce qu'un artisan pour faire fonctionner ce type de machine là et bien avec un tuteur, avant d'être vraiment opérationnel, c'est entre 2 et 5 ans. Donc c'est très long. Qu'est-ce qui s'est passé dans les années 50 ? Les nouvelles technologies sont arrivées. Le fait de venir coller les semelles ou venir injecter du PVC sous pression dans des moules, ça c'est la modernisation. Et cette modernisation, quand elle est arrivée dans les entreprises, qu'est-ce qui s'est passé ? Ces fameuses fascines à coudre, dans un premier temps, elles ont été mises dans le fond de l'atelier pour laisser la place à la nouvelle génération de machines avec de nouvelles typologies de produits. Et puis, au bout d'un moment, dans le fond de l'atelier, ça prenait trop de place. Et puis, les gens ont commencé à se dire, « Non, mais pourquoi on les garde ces machines-là ? Tu sais encore t'en servir, toi ? » « Bah non. » Et hop, on les vire, poubelle. Et puis, elles ont été efféraillées. Donc aujourd'hui, ces machines-là sont extrêmement rares.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, ce sont des machines que tu es allé chercher en 2020, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Ce que j'allais chercher en 2020 ? Je vais les chercher toujours en 2025. Mais il y en a encore. Non, il n'y a quasiment plus rien. Je les cherche, je rentre en contact. Là, je suis rentré en contact avec un monsieur qui a des aiguilles, qui est dans la région parisienne. Il en a 47. Donc là, il va falloir que j'aille à Paris chercher ses 47 aiguilles.

  • Speaker #0

    Et comment ça se fait qu'il a conservé les aiguilles ?

  • Speaker #1

    Parce qu'à une époque, il était marchand. Et puis, il a des petits stocks. Et ce monsieur, je suis rentré en contact avec lui. par l'intermédiaire d'un club de voitures anciennes qui est venu visiter l'atelier. Il y avait un monsieur dans ces visiteurs qui connaissait ce monsieur-là. Et il nous a mis en contact. Voilà, tout simplement.

  • Speaker #0

    Est-ce que ces machines-là, il y en a à l'étranger ?

  • Speaker #1

    Alors, à ma connaissance, il y en a une ou deux en Espagne. Mais c'est tout. Après, je n'en connais pas d'autres ailleurs. De toute façon, économiquement parlant... Dans les années 50-60, c'était plus intéressant. Il fallait produire plus vite, moins cher. Et effectivement, au bout, on va dire, je vais donner un ordre d'idée, mais où il faudrait 10 minutes pour fabriquer une paire de charentaises en cousue retournée, avec de l'injecté, on n'a besoin que de 5 minutes. Et avec du soudé, donc du collé, on va être aussi sur le même type de temps. Le débat, c'est qu'effectivement, avec ces technologies plus rapides, eh bien on s'est heurté aussi à un prix plus bas. Donc les produits en cousue retournée se sont retrouvés déconnectés du prix du marché. Et tout le monde est parti sur des productions à bas prix. Enfin, à bas prix, entre parenthèses, parce qu'il y a le bas prix en France, et puis après il y a le bas prix en Europe, et puis après il y a le bas prix asiatique. Donc ça, ça change aussi un petit peu la donne. Maintenant, Pour revenir sur ce que tu me disais tout à l'heure, une charantheise, sa durée de vie, alors c'est ce que je dis avec malice à mes visiteurs, la durée de vie ça va surtout dépendre de la voracité du chien. On est tous différents. Vous avez des personnes qui vont user une paire de chaussures en 6 mois, et il y en a d'autres, en 10 ans, elles seront encore neuves. Une paire de charantheises qui sort de l'atelier avec les semelles en feutre, comme ça, on va dire... Un temps d'utilisation normal, c'est deux ans, trois ans. Après, il y a des gens qui viennent me voir en me disant « Ah, moi j'ai vos charentaises, moi j'achète que des rondineaux, et j'ai des charentaises de chez vous, elles ont sept ans, huit ans. » Et j'en suis très content.

  • Speaker #0

    Là, tu me justifies le prix un peu élevé, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Je ne justifie pas un prix élevé, parce qu'en réalité, on utilise des matières qui, elles, valent déjà cher. Donc à partir du moment où on emploie des matières chères, avec un besoin de personnel qui ont un savoir-faire, on ne peut pas les payer avec un lance-pierre, et puis de l'autre côté après, on a ce temps de fabrication étant plus long, qui explique aussi que le produit soit un peu plus cher qu'un produit qu'on va... Oui, c'est la qualité. Voilà, c'est une qualité de matière.

  • Speaker #0

    La qualité du savoir-faire, du travail bien fait et des matières à la base... Entre autres. Parce que tu peux travailler des gens aussi de la région, je crois,

  • Speaker #1

    sur le texte. On fait travailler, on essaie d'avoir un produit le plus possible français. Mais on voit nos feutres, donc les feutres qui servent à la semelle. Ça, elles viennent du Tarn. Ce fabricant, c'est le dernier à être encore capable de fabriquer le feutre tel qu'il était réalisé pour les papeteries il y a 300 ans. C'est le dernier, il n'y en a pas d'autres. Et il n'y en a pas d'autres dans le monde. Donc, on est intimement liés. Eux, ça fait partie de leur ADN aussi, comme nous, chez nous c'est la charanthèse, c'est le feutre de papeterie.

  • Speaker #0

    Et ça veut dire que les charanthèses, les autres charanthèses qui n'ont pas tout ce savoir-faire, par exemple, à la place du feutre, c'est quoi comme matière ?

  • Speaker #1

    Alors, il peut y avoir des feutres aussi, mais des feutres qui ne vont pas être tissés, parce que là je parle du feutre d'origine, qui est tissé, ce qu'on appelle chaîné-trame, donc avec des fils de chaîne et des fils de trame. Après, il existe des feutres, aujourd'hui, qui sont aiguillités. Donc là, ce n'est pas un feutre tissé, c'est un feutre avec des milliers de petites aiguilles qui viennent et qui passent à l'intérieur des fibres et qui vont les nouer. On rajoute différentes composantes à l'intérieur, on met tout ça au four, on chauffe, on presse tout ça, et puis on obtient un feutre tissé tram. Par contre, un feutre aiguilleté n'a pas la résistance d'un feutre tissé. Un feutre tel que celui qu'on utilise ici avec des fils de chaîne et des fils de tram, vous pouvez le mettre dans une machine à laver, il va ressortir, il sera nickel. Si vous le faites avec un feutre en aiguilleté, il n'y a pas de garantie. Alors quand on parle de la charentaise et celle que l'on produit, je dirais presque écologique, elle a quoi ? Elle a plein de choses qui sont essentielles. Et c'est pour ça que moi me battre pour ce patrimoine, ça m'intéresse. C'est un produit qui a une histoire. On a dit à peu près trois siècles. C'est un produit qui représente un territoire. C'est vrai que la charentaise en charente, il y a le nom qu'il porte. Et puis, comme je le disais tout à l'heure, On a cette représentation du français avec ses charantaises au pied. On est sur un produit qui est considéré comme écologique. On n'a pas de colle, on travaille qu'avec du fil et du tissu. On a un produit qui est durable, puisqu'en moyenne, on est quand même sur deux ans, voire trois. Et puis, on a un côté aussi un peu bobo, parce qu'aujourd'hui, les charantaises, on les montre.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu en as une, vieille charentaise ? Non,

  • Speaker #1

    dans la boutique, je n'en ai pas. Mais une vraie vieille charentaise, c'était une toile de feutre, tout ce qu'il y a de plus classique. Il n'y avait pas de doublure. D'abord, il n'y avait pas de pied droit, il n'y avait pas de pied gauche non plus. C'est ce qu'on appelle une forme droite. C'était un chausson qui avait pour utilité d'être mis dans le sabot. Quelle couleur ?

  • Speaker #0

    Il y avait des couleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, il y avait plein de couleurs. Il y avait du noir, il y avait du marine. Il y avait peut-être un peu de rouge. Il ne faut pas oublier qu'on est sur un produit qui, en réalité, est un produit de récupération à 100%. Donc, on ne cherchait pas. Et de toute façon, il y a trois siècles de ça, on ne cherchait pas à avoir un article qui était mode. On était toujours dans l'usuel du produit. Donc, il fallait que ça soit usuel. Il fallait que ça soit confortable.

  • Speaker #0

    Il y avait un peu de couleurs quand même.

  • Speaker #1

    Il y avait très peu de couleurs. En réalité, les couleurs, c'était ni plus ni moins que les couleurs des uniformes de la marine. Et puis, ça s'arrêtait là.

  • Speaker #0

    Et l'écossais, c'est arrivé quand ?

  • Speaker #1

    Les écossais, c'est une farce de mon grand-père, ça. c'est que mon grand-père, dans les années 50, a commencé à dire il faut moderniser le truc, il faut aller un peu plus loin. Et Jean Brondino a commencé à vendre ses charentaises avec des écossais dessus. Et aujourd'hui, tout le monde pense que la charentaise, c'était écossais. Mais la charentaise d'origine, comme c'était des produits de récupération d'étoiles de marine, on était sur des coloris basiques.

  • Speaker #0

    Donc, il y avait les anciennes noires, rouges, marines. Et hop,

  • Speaker #1

    ton grand-père... Et après, il est passé à tout ça. Sur d'autres éléments, il fallait réveiller tout ça. Il fallait pousser les murs. Et ça, c'est ce qu'il savait faire. Donc, il l'a fait. Ce qui fait que mon grand-père était beaucoup plus, lui, sur le côté commercial, allait chercher les clients, les comptes. Et ma grand-mère, elle, était beaucoup plus dans les ateliers, justement, à faire en sorte que les productions qui étaient commandées puissent être livrées.

  • Speaker #0

    Alors justement, à l'entrée de la boutique, il y a un cadre avec ton... grand-père. La première génération, c'était Yvonne et Théophile. Et puis, alors après, la deuxième génération, c'est ton grand-père qui est là. Il n'y a pas de photo de tes arrière-grands-parents, mais il y a une photo...

  • Speaker #1

    Sur toutes les boîtes. Là, je te montre la boîte. Sur le perron.

  • Speaker #0

    C'est une photo en noir et blanc.

  • Speaker #1

    C'est une photo en noir et blanc qui était la photo de la boutique originelle. Là où on voit Yvonne sur le perron de la boutique. Son mari théophile, juste à côté, avec son béret, lui aussi. Puis un petit garçon. Et ça, c'est Jam. C'est justement le monsieur qu'on voit en photo après sur le cadre.

  • Speaker #0

    D'accord, c'est ton grand-père. Et là, à gauche, c'est qui ? C'est l'employé ou c'est quelqu'un d'affaibli ?

  • Speaker #1

    Ça, c'est M. Roudy. M. Roudy était le cordonnier en chef de l'atelier. Et c'est lui qui a formé, donc Jam Rondineau, ce petit garçon, au métier de la cordonnerie. et qui lui a donné le goût du travail et de la réalisation des produits.

  • Speaker #0

    Toi, quand tu vois cette photo, tu vas me dire, c'est comme toutes les familles. C'est un peu ça. C'est un peu ça, oui. Qu'est-ce que ça te fait quand même ? Est-ce qu'il y a, je ne sais pas, une émotion ? Est-ce qu'il y a de la fierté ?

  • Speaker #1

    Ce qui est sympa sur cette photo, c'est qu'en réalité, il y a une partie de mon patrimoine qui est là, de mon historique. Après, j'ai d'autres photos où on voit mes grands-parents. alors là on est plus sur les arrière-grands-parents mais mes grands-parents dans l'atelier qui se trouve juste derrière ce magasin qui était la cordonnerie à l'époque où l'atelier commençait à monter avec une quarantaine de personnes ou une cinquantaine de personnes et là vous avez Jamais Lucienne et devant eux deux de leurs fils

  • Speaker #0

    Donc il y a du transgénérationnel qui passe. Non, moi je trouve sympa le fait de se dire, eh bien ça fait quatre générations déjà sur le même métier. Maintenant, est-ce que dans le futur, on retrouvera encore autant de générations passantes ? Ce n'est pas sûr. Tout à l'heure, je parlais...

  • Speaker #1

    C'est fascinant. Pour moi en tout cas.

  • Speaker #0

    Mais tout ça parce qu'à un moment, il y a des choses qui se sont faites. Parce qu'en 2017, quand la société a périclité, finalement, ça aurait pu ne pas faire plus de génération. Donc la société a été vendue et elle est rentrée dans un consortium qui a regroupé les quatre dernières sociétés qui fabriquaient cette typologie de produits en Charente. parce qu'elles se sont toutes retrouvées en difficulté au même moment. Donc elles ont été regroupées. Et puis finalement, ça n'a pas été, je dirais, glorieux parce que des erreurs ont été commises. Et puis un an et demi plus tard, il y a eu par contre plus redressement et passation, mais liquidation de la société. À ce moment-là, moi, je me suis posé la question, qu'est-ce qu'on peut faire ? parce que j'avais du mal à... me dire, on va laisser partir un patrimoine français parce que il n'y avait quasiment plus personne derrière. Et puis, personnellement, c'était un patrimoine familial. Justement, cette histoire de génération.

  • Speaker #1

    Oui, là, quand même, ça t'aurait fait mal. Tu t'en étais attaché quand même.

  • Speaker #0

    On est toujours attaché quand on n'a connu que ça. Quand on n'a pas connu que ça, on passe à autre chose. Maintenant, j'ai eu... je ne vais pas dire l'opportunité de faire et de remonter une structure pour préserver ce savoir-faire, mais j'aurais à un moment pu aussi me dire, allez, on laisse tout tomber et puis, aujourd'hui, je ferai autre chose. Mais bon, ça a été sur le moment. Donc battu pour remettre tout ça en place. Il y a eu d'autres difficultés par la suite, mais... On est tombé avec le Covid, il y a eu plein d'éléments là aussi.

  • Speaker #1

    Finalement, le Covid, ça n'a pas été... Parce que j'ai cru voir ça en faisant un petit peu de recherche, qu'il y avait des ventes qui étaient reparties. Enfin, le côté refuge, comme ça, les gens chez eux, apparemment, les ventes sont reparties.

  • Speaker #0

    Entre parenthèses, ça nous a aidés au départ. Ça nous a aidés et en même temps, ça nous a plombés. Parce que la problématique du Covid, c'est qu'effectivement, les gens ont fait du télétravail, beaucoup. Donc, on est à l'aise chez soi. On peut être en charanthèse, entre autres, mais plein de choses sont aussi, il n'y a pas que les charanthèses. Et après, il y a, ça c'est pour le côté... positif donc effectivement les volumes arrivent sauf que pour arriver à produire et bien faut-il encore avoir les matières et quand vous n'avez pas les matières pour produire et que les commandes arrivent et bien les clients vous insultent enfin quand je dis vous insulte façon de parler mais vous vous faites pourrir parce que eux ils veulent de la cam ils veulent de la marchandise ils veulent pouvoir vendre et vous vous avez une capacité réduite parce que vous n'arrivez pas à être approvisionnés de la part de des usines de fabrication de tissus ou de feutres pour arriver à subvenir aux besoins de tout le monde. C'est-à-dire que la capacité de production, elle est là, les artisans formés, ils sont là, mais on travaille au ralenti parce qu'on n'a pas les matières. Et ça, pour un commerçant, c'est incompréhensible. Lui, ce qu'il voit, c'est qu'aujourd'hui, il a raté la vente de 5 paires et donc c'est du chiffre d'affaires qu'il n'a pas. Donc c'est pour ça que je dis, il y a les deux côtés. Il y a le côté effectivement positif qui a fait qu'il y a eu un engouement sur les produits d'intérieur. Et à côté de ça, le côté négatif où ça a été extrêmement difficile à gérer parce que tout le monde voulait tout et tout de suite. Et là, malheureusement, il y avait des délais et on n'est pas capable de subvenir aux besoins de tout le monde. Donc, un client qui commandait, on va dire un exemple, 100 paires pour une livraison en octobre, il n'avait que 50 paires. En livraison, novembre ou décembre.

  • Speaker #1

    Qui sont les clients aujourd'hui ? C'est des grands magasins, c'est ça ? Ou c'est des petites boutiques ?

  • Speaker #0

    D'abord, notre cœur de marché, c'est les magasins de centre-ville. Le détail de centre-ville. C'est-à-dire les boutiques de chausseurs, de cordonneries, ce genre de clients-là. Donc ça, ça représente à peu près 500 clients en France. Ensuite, on va avoir notre propre réseau de vente. avec notre site internet où là, effectivement, on a aussi, je dirais, de belles commandes qui passent. Et après, nos boutiques personnelles aussi, ça depuis l'année dernière. Donc, on a une boutique à Angoulême, dans laquelle on se trouve aujourd'hui, et une deuxième boutique qui est à Limoges. Voilà. Donc ça, après, on verra ce qu'on fait, si on va plus loin. Mais déjà, on a mis ça en place. Après, on va travailler aussi avec l'étranger. Donc là, on a des clients. un petit peu partout dans le monde alors ça ne pèse pas des grosses quantités mais en termes d'images c'est quand même assez intéressant et dans les belles images que l'on peut avoir à l'étranger c'est notamment ce que l'on a fait il y a deux ans et l'année dernière avec le MoMA ça raconte parce que c'est quand même une aventure folle parce que c'est le musée à New York c'est eux qui nous ont contactés c'est eux qui sont rentrés en contact avec nous mais ça pour différentes raisons je soupçonne la prise de contact du MoMA avec Rondino, suite à l'exposition du savoir fabriqué en France, qui s'est tenue dans les salons de l'Elysée en 2023, pour laquelle on avait été retenus. Et donc, il y a 8000 visiteurs qui sont passés. Et donc c'est quand même une très belle image en termes de rayonnement. Et donc là effectivement, le Museum of Modern Art à New York est rentré en contact avec nous. Je présume que c'est par ce biais-là. Alors c'est moi qui les ai eus, oui, c'est moi qui les ai eus. Et là, bonjour, c'est le MoMA. On voudrait mettre en place une petite collaboration. Quand on commence à lire ça, on se dit, c'est bon, allez, on nous fait une petite blague. On commence à faire des recherches, je regarde un petit peu tout ça. Et puis, je m'aperçois qu'il y a des choses qui collent. Donc là, je réponds aux mails. Et effectivement, on a commencé à communiquer. On a mis en place une gamme en place. Et puis, les commandes sont arrivées. Donc là, oui, c'est intéressant. Maintenant, on a fait ça aussi avec le Grand-Duché du Luxembourg, où on a quelques modèles qui sont aujourd'hui... dans leurs musées nationaux.

  • Speaker #1

    Donc à chaque fois, ce qui est valorisé, c'est vraiment ce savoir-faire.

  • Speaker #0

    C'est ce savoir-faire. Aux États-Unis, ils ont beaucoup de choses, mais ils n'ont pas cette culture historique. Il y a un mois et demi, j'étais dans la boutique où on se trouve ici, et je remplaçais ma petite vendeuse. Et là, j'ai un couple d'Américains qui étaient en touriste ici, et qui sont rentrés. On a commencé à discuter, on a regardé un petit peu les produits. Ah oui, ça c'est bien, ça c'est bien. Ah oui, vous faites ça comme ça, vous faites ça comme ça. Et c'est tout fait à la main. Ouais, c'est extraordinaire. Voilà, donc ils se rachètent une petite partie de patrimoine. Voilà, et c'est ce qui est assez rigolo. Pour en revenir à notre réseau de distribution, oui, effectivement, on travaille avec l'export. Donc on a des clients en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, en Belgique, en Italie, en Espagne. On en a encore un au Japon. Donc oui, on a des produits qui partent, un peu plus loin que nos frontières, mais notre gros marché reste quand même un marché français. Après, on a des collaborations aussi. Il y a un petit fabricant de chaussettes qui n'est pas loin d'ici, à Limoges. D'ailleurs, on a ici des présentoirs avec les chaussettes qui sont de la maison Brousseau. Et eux me font fabriquer des charentaises à leur effigie. Et moi, ici dans la boutique, je leur vends des chaussettes. Voilà, donc on a des ADN qui sont extrêmement proches. On a souvent la même vision des choses. Et l'union fait la force. Donc, on va trouver des petites collabs comme ça.

  • Speaker #1

    Mais vu qu'il n'y avait pas que d'ailleurs dans les chaussures, il n'y a pas que des charentaises. Il y a aussi des petites chaussures d'été.

  • Speaker #0

    Là, il y a... Parce que la charentaise d'été, ça se vend un petit peu moins. Je ne dis pas que ça ne se vend pas, parce qu'on en vend, mais ça se vend un peu moins. Pour un commerçant détaillant, il faut trouver des produits qui aillent sur la saison de transition. Donc oui, il y a des espadrilles. C'est des espadrilles made in France.

  • Speaker #1

    En plus, là, aujourd'hui, ça va, même il pleuvait tout à l'heure. Regardez par la vitrine, on a eu quelques jours de canicule. Oui. Donc là, la charentaise en tant que...

  • Speaker #0

    On en a vendu quand même.

  • Speaker #1

    Peut-être que ça isole.

  • Speaker #0

    D'une part, ça isole, mais d'autre part, comme c'est un produit emblématique du département, vous avez une partie de touristes qui vient ici pour ça. Enfin, pour ça. C'est-à-dire qu'ils vont repartir avec un souvenir. Et pourquoi pas ça ? Ils vont en Bretagne, ils repartent avec une marinière. ils viennent en Charente, ils repartent avec une bouteille de cognac ou une paire de charentaises.

  • Speaker #1

    Et donc il y a des petites chaussures, est-ce qu'on disait les espadrilles ? Je ne sais pas si on peut dire espadrilles. Oui,

  • Speaker #0

    on peut, parce que c'est pareil, c'est un terme qu'on peut utiliser à toute sauce. Donc tout ce qui est smell cord, tout simplement, parce que ça fait partie des produits corollaires à ce que nous, nous savons faire.

  • Speaker #1

    Alors Olivier, tu sais qu'on est dans un monde en joie. Donc je voudrais savoir ce que c'est que la joie pour toi.

  • Speaker #0

    Super question. La joie, il ne faut pas grand-chose pour être joyeux. La joie, ça passe par un moment partagé, un bon moment partagé. L'amour de ses proches. Pour être heureux, pour être joyeux, il ne faut pas forcément de gros moyens. C'est surtout des moments de partage.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a une musique, une chanson qui te met en joie ? Ou toi, tu te dis que si ça ne va pas bien, tu te dis tiens, je vais écouter ça.

  • Speaker #0

    Je ne suis pas très mélomane.

  • Speaker #1

    Ça peut être même une chanson rigolote, pas forcément...

  • Speaker #0

    Oui, mais là, vu comme ça, je n'ai pas de...

  • Speaker #1

    Ce n'est pas grave. Est-ce qu'il y a une photo ou quelque chose qui est... te met en joie, une image ?

  • Speaker #0

    Une image qui me met en joie. Quand ma fille, je la vois avec le sourire jusqu'aux deux oreilles, ça suffit à me mettre en joie. C'est le plaisir partagé avec mon épouse de voir notre petite prendre du plaisir dans la vie, tout simplement.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu penses à la suite ? de rondineau. Est-ce que ta fille...

  • Speaker #0

    On y pense toujours. La seule chose, c'est que elle est un peu jeune aujourd'hui pour choisir. Avec sa mère, souvent, on lui pose la question, juste histoire de la taquiner. Elle a 10 ans et demi. On lui pose la question pour la taquiner en lui disant, qu'est-ce que tu voudrais faire plus tard ? Qu'est-ce qu'on fait ? Ça, alors, l'usine de papa, on la garde ou on la vend ? Maman, qu'est-ce qu'on en fait de ces affaires ? Tu vas travailler avec elle ou tu vas pas travailler avec elle ? Merci. ton épouse elle travaille dans autre chose oui complètement autre chose et donc au final c'est ah bah non on garde, d'accord donc finalement si tu vas travailler avec maman l'usine de papa t'en fait quoi ? je mettrais quelqu'un dedans et puis je surveillerais voilà donc elle a pas forcément envie de ne pas s'investir à l'intérieur mais est-ce que ça sera sa voix plus tard ? c'est pas sûr donc aujourd'hui je préfère voir un petit peu aussi comment elle va évoluer Merci. savoir quels vont être ses centres réellement d'intérêt, et puis qu'est-ce qui va la motiver plus tard. J'allais dire, j'en ferais pas une maladie si elle ne va pas derrière. Le tout, c'est que ce qui a été mis en place sur ces dernières années aussi puisse continuer à perdurer, après moi. Maintenant, Rondino, c'est devenu une marque. Donc le nom, il est rattaché à ça. Et c'est vrai que... Aujourd'hui, quand on parle de Charentaise, on va facilement en disant « Ah oui, Charentaise, c'est Rondineau » . Quand on va dans les magasins de détails, c'est une référence. Même si demain je ne suis plus là, on va dire qu'il y a des choses qui vont rester.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui est écrit d'ailleurs sous les Charentaises, pour ceux qui ne connaissent pas, pour ceux qui n'ont pas encore acheté leur première paire ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'il y a de marqué ? Il y a marqué « Made in Charente, fabriquée par Rondineau, maison fondée, il y a belle lurette » . C'est un petit texte un petit peu humoristique. C'est même un signe de reconnaissance aujourd'hui. D'ailleurs, c'est un signe de reconnaissance que j'ai même déposé au niveau de l'INPI.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut, pour terminer, se faire un petit tour de boutique comme ça, regarder toutes ces belles paires de charentaises ? Est-ce qu'il y a un motif préféré ? Est-ce que vous continuez à chercher ? Est-ce qu'il y a des modèles qui vont encore sortir dans les années à venir ? Est-ce qu'il y a une veille pour ça ?

  • Speaker #0

    Tous les ans, c'est à peu près 180 modèles différents qu'on va sortir. Sur ces 180 modèles, il va y avoir à peu près une quarantaine de modèles qui vont être des permanents. Donc des produits qu'on va retrouver d'année après année. Et le reste, ça sera des nouveautés. Alors, quand on parle de nouveautés, une charantèse, c'est une charantèse. C'est la même coupe. Par contre, c'est tout ce qu'on va faire sur les dessus. Arriver à trouver des nouveaux colorations, suivre la mode. Parce que finalement, même au niveau d'un produit qui n'est pas celui-là, il faut être à la mode. Il faut être un peu pointu.

  • Speaker #1

    Mais c'est quoi être à la mode avec des charentaises en ce moment ? Pardon, mais... La question qui tue ?

  • Speaker #0

    On va suivre le vestimentaire. C'est-à-dire que d'une année sur l'autre, vous avez des fois des teintes qui vont être... Allez, cette année, ça a été le vert pomme. L'année prochaine, ça sera les oranges.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de modèles différents autour de moi. Regarde, là, c'est parme, rose parme. Là, c'est des petites fleurs rouges. Là, c'est bleu avec un liseré orange. Là, c'est des petites fleurs violettes. Un peu mexicain, léopard, jaune, moutarde.

  • Speaker #0

    Parce qu'il en faut pour tous les goûts. Voilà. Mais quand on regarde bien ce qui se vend, aujourd'hui, nos intemporels, en réalité, se vendent très bien. Pourquoi ? Parce que les jeunes générations sont en train de s'associer au fait qu'ils veulent essayer de retrouver les produits qu'ils ont connus chez leurs parents, voire leurs grands-parents. Donc, ils vont revenir vers des essentiels. Et en réalité, les modèles les plus chamarrés, les plus pétants, C'est une clientèle d'il y a une cinquantaine d'années, 50, 60, qui les achète. Et les modèles qui sont les plus ordinaires, quand je dis ordinaires, c'est-à-dire j'en ai là-bas, au fond de la boutique, les verts, les beiges, les rouges, les bleus marines. Ça fait 30 ans qu'on les fabrique et ce sont ceux qui marchent le mieux. Parce que dans l'esprit des jeunes, ça c'est une charantheise. Après, on en a plein. En Unis, on fait plein de choses. Quand on a fait la charentaise pour l'exposition du savoir fabriqué en France à l'Elysée, et qu'est-ce qu'on a fait ? Un truc très discret. On a juste mis une ganse bleu-blanc-rouge autour du produit pour le rendre patriotique.

  • Speaker #1

    Ah oui, mais ça, c'est une charentaise de président.

  • Speaker #0

    Ou présidentiable. Oui. Mais toujours est-il que voilà. Donc ça, ça a eu beaucoup de succès. Ça représente un savoir-faire. Par contre, là, on n'est pas sur un Écossais, on est bien sur un uni. Donc, c'est à la fois discret, si je peux dire chic, pourquoi pas, puisqu'aujourd'hui, on n'hésite plus à recevoir en charentaise. Et on va aller chercher, justement, des matières qui vont être sympas. On va chercher des matières qui vont avoir un toucher, un soyeux, quelque chose de sympa.

  • Speaker #1

    Et les gens, quand ils viennent, ils essayent, évidemment ? Et je trouve ça rigolo, j'ai l'image tout d'un coup des gens qui essayent leurs petits chaussons dans la boutique. Ils sont à l'aise les gens quand ils essayent ?

  • Speaker #0

    Oui, il n'y a pas de complexe par rapport à ça. On ne vient pas cacher pour venir chercher une paire de charentaises. Non, au contraire. Et puis après, on va en essayer un, deux, trois. Ah tiens, tu trouves que ça c'est mieux, ça c'est moins bien. Ah oui, moi je préfère celle-là parce que tu vois, ça peut être assorti avec ça. Parce qu'une paire de charentaises, ce n'est pas forcément pour porter qu'avec un pyjama. Quand on est chez soi, on est chez soi. c'est la chaussure C'est la chaussure d'intérieur. Et après, on peut être à l'aise chez soi sans forcément avoir quelque chose qui va être tristouné ou qui va être un gars. Donc, il y a énormément de possibilités. Et puis après, on voit effectivement, en fonction des âges, l'évolution du produit.

  • Speaker #1

    Comment tu vois les années qui viennent ? Ça fait combien de temps que tu es là ? On est derrière le palais de justice Angoulême, au cœur du centre-ville ?

  • Speaker #0

    Du vieil Angoulême, oui.

  • Speaker #1

    Du vieil Angoulême, exactement.

  • Speaker #0

    On est installé ici depuis le mois de novembre. Donc ça ne fait pas encore un an.

  • Speaker #1

    Est-ce que ça t'a fait du bien d'être là ? Est-ce qu'il y a des choses qui...

  • Speaker #0

    Je suis arrivé à Angoulême, au centre-ville, par étapes. Je veux dire par étapes, tout simplement, parce que j'avais monté il y a deux ans un magasin éphémère. qui se trouvaient dans la rue Piétonne. Et là, il y avait eu un engouement. Les gens étaient super contents de revoir leur marque de charentaise favorite implantée dans la ville. Donc Angoulême, on est aussi sur le chef-lieu du département, donc ça a quand même du sens. De l'autre côté, comme on représente aussi indirectement un savoir-faire charentais, C'est pas mal. Donc les gens étaient ravis. Et puis, ils ont été déçus de voir que la boutique, elle n'était qu'éphémère. Donc j'ai été plébiscité par rapport à ça pour mettre une boutique en place pour du long terme. Alors j'ai commencé à chercher un grand moment vers la rue Piétonne. Malheureusement, je n'ai pas trouvé de local. Donc je suis venu m'installer là. Donc cette boutique est là depuis maintenant 8 mois. ça commence à démarrer correctement. Mais elle ne va pas rester là longtemps, parce qu'effectivement, là maintenant, elle va se trouver dans la rue des Postes, tout à fait à l'entrée de la rue des Postes, quasiment en face de la mairie.

  • Speaker #1

    Ce sera encore mieux là. Ou là,

  • Speaker #0

    on sera encore mieux placé, tout simplement parce qu'on ne passe pas...

  • Speaker #1

    On ne tourne pas forcément.

  • Speaker #0

    Les touristes ne viennent pas forcément par là. Voilà. Les habitants d'Angoulême... Il n'y a pas de débat. À fur et à mesure, on en voit arriver de plus en plus. Donc, ils finissent par savoir où ça se trouve. Mais on passe à côté de toute la partie tourisme. Donc là, pour un produit du patrimoine touristique, il faut quand même se trouver au bon endroit.

  • Speaker #1

    Olivier, on va fermer la boutique. Normalement, c'est fermé aujourd'hui, mais on n'a pas fermé la porte. C'est lundi.

  • Speaker #0

    On va éteindre les lumières. Par contre, demain, on sera ouvert.

  • Speaker #1

    Merci encore.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir.

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