- Speaker #0
Je suis le docteur Cyril Fischhoff qui est repracteur spécialiste en échographie musculo-squelettique exerçant à l'île Maurice. Je vous invite à écouter un nouvel épisode du podcast Vertébranco chaque premier et troisième lundi du mois. Ce podcast est consacré à l'univers de la médecine musculo-squelettique et s'adresse à tout public. Il se veut être un outil de vulgarisation au service de chacun. Nous y abordons les mécanismes en jeu, le diagnostic, les traitements, les méthodes de prévention des différentes pathologies musculo-squelettiques au travers de petites histoires cliniques, des dernières recherches scientifiques et d'interviews de spécialistes. Bonjour à tous, alors aujourd'hui on reçoit à nouveau le docteur Gauthier Tibéry, chiropracteur. Et nous allons parler d'un sujet original par rapport à d'habitude, à savoir que nous ne parlerons pas d'une pathologie, d'une maladie particulière, mais plutôt d'un sujet anatomique et un muscle qui s'appelle le multifidus. Docteur Thibéry, bonjour.
- Speaker #1
Bonjour docteur Fischhoff.
- Speaker #0
Alors ce multifidus, vous avez tenu à ce que nous en parlions, on va comprendre pourquoi. Mais tout d'abord, qu'est-ce que le multifidus ?
- Speaker #1
Alors le multifidus, c'est un muscle qui fait partie des muscles profonds au niveau du dos. Donc il descend de l'arrière de la tête jusqu'au sacrum, donc grosso modo jusqu'aux fesses. Et ce sont du coup les muscles profonds qui sont présents tout le long de la colonne vertébrale. On peut avoir différentes parties, il y a le multifidus lombaire, donc au bas du dos, le multifidus thoracique, au milieu du dos, plus le multifidus cervical. Le plus développé naturellement c'est le multifidus lombaire.
- Speaker #0
Et je pense que c'est au niveau du multifidus lombaire qu'on a le plus de recherches. à la fois anatomique et pathophysiologique.
- Speaker #1
Effectivement, on va parler de ça aujourd'hui.
- Speaker #0
Et alors, quel est le rôle du multifidus ? Pourquoi ce muscle est si important ?
- Speaker #1
Le multifidus, c'est un muscle qui va venir stabiliser le dos, la colonne vertébrale. Il faut savoir que si les deux muscles de chaque côté se contractent en même temps, ça nous permet d'avoir une extension au niveau rachidien, au niveau de la colonne vertébrale. Si on a seulement... un seul côté qui se contracte, du coup on va avoir une inclinaison latérale du même côté et ça va permettre de faire une rotation contralatérale au niveau vertébral. Donc ça ce sont en fait des muscles qui vont permettre de stabiliser en contrôlant les micro-mouvements, les vertèbres, et ça permet aussi du coup de réduire les pressions qui puissent se situer sur les structures.
- Speaker #0
Et alors ce multifidus, est-ce que c'est un grand muscle, est-ce que c'est un muscle puissant, est-ce que c'est un muscle qui est en profondeur, en superficie ?
- Speaker #1
profond, assez petit, il est vraiment collé à même les vertèbres, donc c'est le muscle le plus profond qu'on puisse retrouver au niveau du dos.
- Speaker #0
Et alors, il semblerait que la recherche, depuis un certain temps, ait démontré qu'il y avait un lien entre la dégénérescence de ces multifidus et du moins la douleur lombaire. Est-ce que vous pourriez nous en dire un petit peu plus ?
- Speaker #1
Effectivement, les multifidus peuvent s'atrophier ou perdre en efficacité suivant certaines conditions. On les retrouve dans le cadre de douleurs lombaires chroniques, où les personnes qui souffrent du coup de lombalgie présentent une activité assez réduite de ces muscles-là. On a aussi l'inactivité ou la sédentarité, le fait de ne pas forcément bouger, donc ça va moins stimuler ce muscle-là, moins il va être stimulé, plus il sera même un peu plus de gras à l'intérieur. Et troisième chose, on peut aussi avoir la kinésiophobie. qui est la peur du mouvement ou l'évitement du mouvement, donc ça rejoint le deuxième point, un peu comme je viens de dire. Et donc c'est ce manque de mouvement-là qui stimule moins le muscle et donc pareil, il est plus à même de s'atrophier et d'avoir une involution graisseuse.
- Speaker #0
Quand vous parlez d'involution graisseuse des multifidus, est-ce que vous pourriez développer un petit peu plus ?
- Speaker #1
L'involution graisseuse des multifidus, c'est le changement de fibre musculaire de ce muscle. qui se transforme en gras. Donc les articles, la science ont montré, ont corrélé en fait, qu'il y avait un lien entre des multifidus gras et puis une douleur chronique lombaire par exemple.
- Speaker #0
Et alors comment sait-on ? Dans ces recherches qui ont corrélé la présence de gras dans les multifidus, comment on est arrivé à découvrir la présence de ce gras ?
- Speaker #1
Donc la présence de ce gras, on peut le voir en faisant des examens complémentaires, comme des IRM. Donc là, on parle de bas du dos, des IRM lombaires. On peut voir vraiment des taches blanches intramusculaires. Ou sinon, on peut le voir aussi à l'échographie qui permet de voir les tissus mous.
- Speaker #0
Et alors, quand vous parlez, effectivement, l'IRM permet de visualiser la présence de gras au niveau de ces multifidus. On a corrélé également la présence de ce gras à... la douleur chronique, mais alors quel est le mécanisme ? Qu'est-ce qui se passe pour que ce muscle devienne gras ?
- Speaker #1
Alors le mécanisme est le suivant en fait, ce sont les cellules souches mésenchymateuses qui sont à l'intérieur des muscles. Ces cellules-là peuvent se transformer en trois choses. Soit elles se transforment en adipocytes, donc en cellules graisseuses, soit elles se transforment en fibroblastes, donc ce sont des cellules qui produisent le collagène, qui permettent la création de matière, ou sinon, troisième choix, elles peuvent se transformer en myocytes. Ce sont des cellules musculaires. Donc voilà, il y a soit trois choix, adipocytes, fibroblastes ou myocytes, pour ces cellules souches mésenchymateuses.
- Speaker #0
Donc très bien, une cellule souche mésenchymateuse, trois lignées cellulaires possibles, donc adipocytes, fibroblastes et myocytes. Mais qu'est-ce qui fait que ces cellules souches mésenchymateuses vont se différencier dans un type plutôt que dans un autre ?
- Speaker #1
Alors le fait d'avoir ce manque d'activité, ce manque de stimulation par rapport à ces muscles-là, ça va créer en fait une inflammation chronique locale au niveau du lieu. Donc on va avoir des molécules de signalisation appelées cytokines, facteurs de croissance, qui vont arriver en fait dans ce lieu-là. Et il faut savoir que ces cytokines ou facteurs de croissance, en fait, elles permettent la différenciation en adipocytes, donc en cellules grasses, de ces fameuses cellules souches mésenchymateuses.
- Speaker #0
Je comprends très bien, mais dans le cas d'une douleur chronique, par exemple, on voit ça tous les jours en cabinet, des gens qui ont des douleurs discales chroniques, on peut comprendre qu'ils puissent avoir une inflammation au niveau du disque, mais comment on peut corréler cette inflammation au niveau du disque avec un mécanisme inflammatoire au niveau des muscles alors qu'ils ne sont pas dans le même compartiment ?
- Speaker #1
Effectivement, on le voit tous les jours au cabinet. Donc en fait, cette inflammation se fait par, on appelle ça une inflammation neurogène, c'est-à-dire que c'est un petit nerf qui va sortir au niveau de la colonne vertébrale et qui donc... est plus ou moins connecté par rapport à ces muscles-là, il va donner des ramifications, des rameaux, et par sensibilisation ou facilitation de ce nerf-là, donc il est douloureux, il va donc véhiculer les molécules de l'inflammation, tels que les facteurs de croissance ou les cytokines.
- Speaker #0
Très bien, merci beaucoup pour cette explication d'inflammation neurogène qui va se produire au niveau des terminaisons nerveuses dans le muscle lui-même. La question qu'on peut se poser, pourquoi si une lignée Par exemple, les myocytes ne s'accomplissent pas. Pourquoi à partir de ce moment-là, c'est l'alignée des adipocytes qui est activée ?
- Speaker #1
Dans ces cas-là, les cellules fonctionnelles disparaissent et donc le corps doit combler l'espace pour maintenir l'intégrité structurelle du muscle. Pour maintenir cet espace-là, il rajoute une couche en criant des cellules graisseuses. Il est plus facile pour le corps de se différencier en adipocytes ou en tissus fibreux. plutôt que de se régénérer en cellules fonctionnelles musculaires. Et ensuite, il y a un autre mécanisme. Le muscle est un tissu dynamique et très demandeur en énergie. Donc s'il n'est plus sollicité, sa nutrition et son inération sont compromises. Donc il y a une balance entre la synthèse et la dégradation des protéines musculaires. Et donc dans cette balance, la dégradation l'emporte, ce qui entraîne la perte des fibres musculaires fonctionnelles.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a d'autres cas en dehors ? de la douleur chronique ou en dehors de la kinésiophobie qu'on retrouve également dans la douleur chronique, est-ce qu'il y a d'autres cas où ces muscles peuvent devenir graisseux ?
- Speaker #1
Effectivement, il y a le cas de la sarcopénie. Avec l'âge, la masse musculaire diminue naturellement et cette perte est souvent associée à une augmentation d'infiltration graisseuse ou intramusculaire.
- Speaker #0
Donc il y a une tendance naturelle à l'involution graisseuse avec l'âge.
- Speaker #1
Oui, effectivement. L'involution graisseuse, quel que soit le... aura des conséquences par rapport à la fonction au niveau du bas du dos parce que ça augmente les risques de blessures, ça peut aussi augmenter les facteurs de risque d'arthrose dû à une mauvaise répartition des charges au niveau des structures, au niveau du bas du dos.
- Speaker #0
Parce qu'effectivement le muscle reste malgré tout le principal organe protecteur de la colonne.
- Speaker #1
Oui, effectivement.
- Speaker #0
Très bien, merci beaucoup pour toutes ces explications physiologiques. Et alors, maintenant qu'on connaît le problème, quelles sont les solutions ?
- Speaker #1
Alors les solutions, la première, on peut utiliser la neurostimulation percutanée au niveau du multifidus. Donc ça se passe avec des petites aiguilles que l'on met à l'intérieur du muscle avec un courant basse fréquence. Et ça lui permet en fait de réactiver le muscle et de faire en sorte qu'il puisse mieux fonctionner et mieux stabiliser le bas du dos si c'est un multifidus lombaire. Par rapport à cette neurostimulation, il y a une étude qui a été réalisée par Pain Specialist Australia en 2025 et qui a démontré qu'une neurostimulation des multifidus permettait de diminuer les douleurs et de réduire la prise d'opioïdes. Dans cette étude, ils ont fait un suivi à 5 ans chez les patients et ce qui a montré 78% d'entre eux qui ont obtenu une amélioration. d'au moins 50% de la douleur et du handicap. Et la plupart d'entre eux ont arrêté les opioïdes et repris une vie normale à 5 ans. Deuxième solution, ça va être la glucoponcture, qui sont des injections de dextrose, donc d'eau sucrée, intramusculaire, qui permettraient de favoriser le développement de la fille musculaire, reprenant donc le dessus sur l'involution graisseuse. Et également le PRP, qui est pas mal étudié actuellement.
- Speaker #0
PRP qui ? Qui correspond à quoi ?
- Speaker #1
Donc le PRP, le plasma riche en plaquettes, ce sont des injections de plasma auxquelles on a augmenté le nombre de plaquettes. Ces plaquettes vont libérer des facteurs de croissance qui, elles, vont permettre la différenciation au niveau des cellules souches mésenchymateuses. Donc ces cellules vont pouvoir se transformer en myocytes et nous on a d'hypocytes. Et la troisième technique, ce sont des ondes électromagnétiques, on va appeler PMST, qui permettent du coup de revasculariser la zone. On sait qu'il y a une étude qui a été réalisée le 31 mars 2025 par Wei Ting Wu et puis plusieurs autres personnes qui s'intitule « Intégration des injections guidées par échographie et de la stimulation magnétique périphérique dans la douleur myofasciale lombaire chronique » . Qu'est-ce que ça a montré ? Ça a montré que l'association d'injections sous échographie dans les muscles multifidus ainsi que la stimulation magnétique périphérique répétitive de cette même région entraînent un soulagement significatif de la douleur. et des améliorations fonctionnelles chez les patients souffrant de lombalgie chronique.
- Speaker #0
Très bien, merci beaucoup pour toutes ces techniques qui permettent de relancer un petit peu cette activité musculaire au niveau du multifidus. Est-ce que l'activité physique aussi a un rôle à jouer là-dedans ?
- Speaker #1
Effectivement, l'activité physique est très importante par rapport à l'activation du multifidus. Notamment, on peut le retrouver dans les exercices de gainage, dans la réhabilitation lombaire qui cible souvent le... multifidus, ainsi que des pratiques sportives régulières, notamment les sports qui augmentent le rythme cardiaque parce que cela permettrait d'avoir une meilleure perfusion en général dans le corps.
- Speaker #0
Et on entend souvent dans les problèmes de dos, on entend souvent ce conseil de faire de l'anatation, est-ce que ça impacte un petit peu également ces multifidus ?
- Speaker #1
Effectivement, ça impacte ces multifidus, on peut les stimuler mais la natation va moins bien stimuler ces multifidus car ce sont des muscles antigravitaires, donc ils s'actionnent davantage lorsqu'on est à l'extérieur de l'eau, lorsqu'on est sur nos pieds, lorsqu'on est dehors. Mais lorsqu'on va être dans l'eau, forcément il y a moins de pression, moins de charge sur ces muscles-là et donc ils travaillent moins.
- Speaker #0
Très bien, merci beaucoup pour toutes ces explications, Dr Tibéry. Enfin, on l'a compris. D'abord, où étaient les multifidus ? Quelle était leur fonction ? À quoi ressemblait leur dégénérescence graisseuse ? comment y remédier. Je vous remercie beaucoup pour tous ces conseils et puis évidemment, comme d'habitude, si on a des questions, je vous les ferai suivre.
- Speaker #1
Merci, merci à vous, merci pour l'invitation.
- Speaker #0
A bientôt.
- Speaker #1
Allez, à bientôt.
- Speaker #0
Je vous donne rendez-vous très bientôt dans un nouvel épisode du podcast Vertèbre & Co. En attendant, portez-vous bien, restez actifs et si vous avez des questions ou des idées de thèmes que vous souhaitez que nous abordions, n'hésitez pas à me contacter sur la page du podcast