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Ville Solidaire, Ville Durable - Le podcast de la Fondation des solidarités urbaines

E12 – L’École des communs, une expérimentation au service des collectifs du 18e arrondissement de Paris

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12min |04/11/2024
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12min |04/11/2024
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Description

Pour ce nouvel épisode, le journaliste Frédéric Vuillod a tendu son micro à Frédéric Sultan, coordinateur de l’association Remix the Commons. Il nous raconte L’École des communs, une expérimentation d’éducation populaire menée dans le quartier de La Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris. Cette expérimentation s’intéressait  aux modes de gouvernance participative, explorés avec et pour les habitants ou structures associatives qui portent des projets collectifs.

Soutenue par la Fondation des solidarités urbaines dans le cadre de l’appel à projets thématique “Les espaces communs : espaces et temps partagés”, L’École des communs avait pour but de permettre aux habitants et structures qui portent des initiatives collectives autogérées de questionner  leurs modes de gouvernance (notamment lors de temps de rassemblement et d’échanges thématiques, appelés « chantiers ») et de produire et tester des outils (micro-chartes, mécanismes de décision collective, processus et solutions de gestion de l’accès aux utilités du lieu, moyens et supports de communication…). Les connaissances acquises ont été  recueillies au fur et à mesure et documentées : elles sont ainsi devenues  une ressource partagée qui favorise la coopération et la solidarité dans le quartier, contribuant à l’émergence d’une « culture des communs ». 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Vuillod

    Le monde associatif expérimente et étudie des solutions au cœur de la ville pour améliorer la vie des habitants. Souvent très riches d'enseignements, ces solutions méritent d'être partagées. Je m'appelle Frédéric Vuillon, je suis journaliste et je pars à leur découverte. Vous écoutez Ville solidaire, ville durable, le podcast de la Fondation des solidarités urbaines, le laboratoire des bailleurs sociaux de la ville de Paris, qui offre ici un espace de partage d'expériences aux projets qu'elle soutient. Aujourd'hui, nous sommes avec Frédéric Sultan pour parler de Remix The Commons. Ça sonne un peu comme un groupe de rap et c'est pas tout à fait un hasard. C'est le nom d'une association au cœur d'un quartier populaire dans le 18e arrondissement de Paris qui travaille avec les habitants sur l'auto-apprentissage, les décisions collectives, la fabrique des communs. Son projet d'ailleurs s'appelle l'École des communs. Et tout ça avec un outil au cœur du dispositif, une radio locale associative. Bonjour Frédéric Sultan.

  • Frédéric Sultan

    Bonjour.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, vous avez la casquette de coordinateur de l'association. Est-ce que vous pouvez d'abord commencer par nous dire ce qu'on appelle les communs ?

  • Frédéric Sultan

    Ah, ça c'est une question qui nous est vraiment très souvent posée. En général, les communs, les gens considèrent que c'est les choses qu'on partage, auxquelles on attache une certaine importance et qui sont partagées ou en tout cas qui doivent être accessibles par les uns et par les autres. Nous, ce qu'on essaye d'ajouter à cette définition-là, c'est... L'idée que ce qui fait commun, c'est ce qu'on fait ensemble pour créer de la solidarité entre nous. C'est-à-dire s'entraider, se doter des moyens dont on a besoin pour faire différentes choses. Donc c'est vraiment la dimension qu'on ajoute à la définition du commun des mortels.

  • Frédéric Vuillod

    Mais ça peut être aussi des lieux partagés, un jardin collectif ?

  • Frédéric Sultan

    Oui, c'est-à-dire que c'est tout ça parce qu'on y ajoute le mot partagé, parce qu'on y ajoute le mot collectif. C'est pas le jardin lui-même qui fait un commun, c'est parce qu'on le partage et c'est parce que... À travers ce jardin, on va apprendre ensemble des manières de cultiver, on va se socialiser ensemble, on va produire des choses qui nous sont utiles aux uns et aux autres, voire au-delà de ceux qui y participent. C'est-à-dire que par exemple, un jardin partagé, ça participe de l'écologie et du mieux-être du quartier. Donc ce n'est pas seulement les gens qui y cultivent qui en profitent, c'est toute la population.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Remix the Commons porte un projet qui s'appelle l'École des communs. En quoi consiste ce projet et pourquoi est-ce que vous l'avez lancé à Paris dans le quartier de la Chapelle ?

  • Frédéric Sultan

    L'école des communs, c'est un vieux projet en fait. Alors, comme Remix existe déjà depuis presque une quinzaine d'années maintenant, ça fait longtemps qu'on s'est posé la question de savoir comment on se donne une définition des communs partagée, comment est-ce qu'on apprend ensemble, comment est-ce qu'on partage ces expériences-là ensemble, comment on diffuse tout ça. Et donc, l'idée d'école des communs est née dans ce contexte-là comme une démarche d'éducation populaire. Et à Paris, on a saisi en fait une occasion pour travailler sur le quartier de la Chapelle.... Et on a saisi l'occasion de ce projet pour lancer cette idée d'école des communs autour de la gouvernance, autour de comment est-ce qu'on met en place des règles de vie communes autour des communs.

  • Frédéric Vuillod

    Et en menant ce projet-là, vous vous adressiez et vous vous adressez encore aujourd'hui à quelle population ?

  • Frédéric Sultan

    Alors le projet, il s'adressait au départ principalement à des structures ou à des projets ou à des collectifs qui vivent dans le quartier de la Chapelle pour justement... comparer des pratiques autour de ce qu'on appelle donc la gouvernance. En réalité, la raison pour laquelle on a développé ce projet dans ce quartier, c'est précisément parce que c'est un quartier où il y a une histoire et une richesse militante qui est assez extraordinaire. Historiquement, c'est un quartier qui a vécu la commune, qui a vécu des grands moments de l'histoire, mais qui aussi aujourd'hui a accueilli des migrants, a accueilli... des initiatives très différentes. Et ça, ça a constitué l'identité de ce lieu-là. Je pense par exemple à la grande Alpajol. Ça a été toute une mobilisation des habitants pour que la Alpajol soit ce qu'elle est aujourd'hui. Le projet de départ de la Alpajol était extrêmement différent. C'était un projet urbain assez classique de 600 logements. Donc on est sur quelque chose qui est extrêmement différent aujourd'hui, qui est un espace ouvert, qui prend en compte l'environnement avec un parc, etc. Et cette histoire militante, Pour nous, c'est vraiment important de la transmettre. Aujourd'hui, les jeunes générations de militants et de militantes, qui ne s'appellent pas forcément tout le temps comme ça, mais qui sont en fait des gens qui sont militants de leur quartier, on a besoin, on considère que c'est extrêmement important de transmettre cette histoire-là. Et en mettant en évidence les manières de faire ensemble, on s'est dit que ça, c'était un véhicule intéressant pour discuter ensemble de tout ça. Alors,

  • Frédéric Vuillod

    comment s'est déroulée concrètement cette expérimentation de fabrique des communs et quelles ont été les différentes étapes ? que vous avez mené sur le terrain ?

  • Frédéric Sultan

    Alors le projet il s'est déroulé sous forme de 5... Chacun sur un thème spécifique, l'hospitalité par exemple, l'occupation de l'espace, les enjeux de communication, le rapport à l'argent et aux ressources aussi, qui est forcément important dans la gouvernance justement. Ça c'était les cinq chantiers qui ont rythmé le projet. Et chaque chantier a été construit sur un modèle identique. Un premier temps qui consistait à enquêter sur les pratiques du quartier et sur des pratiques qui sont extérieures à ce quartier en rapport avec le thème. Par exemple, sur le rapport à l'argent, comment aujourd'hui se joue la question du rapport à l'argent au sein du collectif des petits déjeuners solidaires, qui fournit tous les matins des petits déjeuners aux migrants. Il y a eu une enquête qui a été faite auprès de ce groupe-là, qui a été partagée dans la première partie du chantier. Et en parallèle, on est allé voir des choses qui se passent ailleurs, en dehors du quartier, en dehors de France même, des expériences qui pouvaient venir renseigner un petit peu cette question-là. Ensuite, un deuxième temps, une journée qui est consacrée à... découvrir une méthodologie ou des outils qui nous permettent de creuser cette question-là. Et puis une troisième journée qui est, elle, consacrée à comment ça pourrait être rendu au quartier. Par exemple, la réalisation d'une promenade dans le quartier, la constitution de jeux, ça a été la fabrication d'une fanzine par exemple. Voilà, c'est des choses qui étaient extrêmement concrètes et pratiques.

  • Frédéric Vuillod

    Qui sont les acteurs de ces initiatives ? Ce sont des bénévoles ? Ce sont des habitants ? Ce sont des travailleurs sociaux ?

  • Frédéric Sultan

    C'est les trois à la fois, en fait. Parce que... Avec la radio RAPTZ qui est implantée dans le quartier depuis quelques années maintenant. Une radio associative. Une radio associative qui diffuse en ligne et surtout qui a tout un ensemble d'activités avec les habitants en dehors même du studio. Le studio, c'est un peu comme une base technique dans laquelle on réalise des choses, mais il se passe tout un tas d'ateliers auprès des enfants, des personnes âgées, des gens qui sont dans telle ou telle association à l'occasion de tel festival ou de telle activité dans le quartier. Et donc avec cette radio, on avait aussi d'une certaine manière les moyens de toucher. des gens extrêmement différents, notamment des enfants, des habitants, des personnes plus âgées, des militants ou militantes de certaines associations collectives du quartier, et y compris aussi des travailleurs sociaux.

  • Frédéric Vuillod

    Alors c'est quoi le principe de cette radio ?

  • Frédéric Sultan

    Disons que c'est une radio qui va vers le public. Il y a vraiment des activités extrêmement différentes, de l'atelier studio à l'animation à des fêtes d'école par exemple, la participation à des manifestations, je pense au carnaval dernièrement par exemple, voire... la réalisation d'activités qui lui sont propres. Par exemple, une activité qui était super intéressante et qui nous a aussi beaucoup servi et inspiré, c'est un travail de réalisation avec des habitants jeunes, c'est-à-dire entre 15 et 25 ans du quartier, de promenades sonores où les personnes racontent les endroits qu'elles connaissent et les endroits par lesquels elles circulent dans le quartier. Donc c'est une manière de montrer une géographie du quartier. qui est totalement différente de celle qu'on va voir sur les cartes officielles ou sur un plan du quartier, parce qu'on peut traverser de manière complètement diagonale le quartier par des petits chemins que personne ne connaît autre que ces habitants-là.

  • Frédéric Vuillod

    Donc, Remix the Commons a choisi de s'allier avec une radio associative locale, RAPTZ. Les différents chantiers que vous avez menés, vous les avez menés en collaboration avec des structures associatives du quartier, avec des habitants du quartier. Comment est-ce que vous vous y êtes pris pour travailler ensemble ?

  • Frédéric Sultan

    D'abord, c'est par affinité. Il faut dire les choses dans la réalité. C'est que parce qu'on se connaît, parce qu'on connaît le cœur des projets qui sont menés par telle ou telle association, ça nous a permis en tout cas d'interpeller les gens sur ce qui leur tient à cœur. On s'est rendu compte dans le projet que ce n'était pas toujours facile pour une association d'ouvrir les portes et d'ouvrir un petit peu son arrière-cuisine à tout vent. Enfin, je veux dire que dans un collectif, il y a des choses qu'on se dit entre nous et qu'on ne va pas forcément aller raconter à n'importe qui à l'extérieur. Donc… Ce n'est pas si simple que ça de parler de sa gouvernance. Il fallait qu'on puisse créer une certaine confiance. Et cette confiance, elle a beaucoup résulté du fait qu'on se connaît bien depuis nombreuses années. Et donc, on pouvait construire cette confiance. Ensuite, ça a été vraiment lié aussi aux thématiques. C'est-à-dire que, par exemple, sur la question de l'occupation de l'espace, travailler avec un collectif comme le Chakirai, ils sont précisément sur cette question de l'espace et de l'occupation de l'espace.

  • Frédéric Vuillod

    C'est un joli nom, sans doute parce que la Alpajol est juste le long des rails de chemin de fer.

  • Frédéric Sultan

    Exactement. Voilà, de travailler avec l'association Verger Urbain, ça permettait d'aller aussi toucher à des sujets qui sont autour des enjeux d'écologie dans le quartier, par exemple.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, ce travail collaboratif, qu'est-ce que vous en retenez, Frédéric Sultan, et qu'est-ce qu'il donne comme résultat ?

  • Frédéric Sultan

    Le premier résultat qu'il donne, c'est un résultat sur le quartier, qui est d'avoir permis à certaines organisations de mieux se connaître mutuellement. Ça a permis d'aplanir des choses, ça a permis de régler des choses aussi entre les organisations. Donc il y a quand même un effet comme ça de connaissance commune. Il y a un effet vraiment, et ce que je disais tout à l'heure, il y a un effet de transmission à des jeunes militants et militantes. Moi je me souviens du moment de bilan restitution qu'on a fait à la... La fin du projet, où il y avait des très jeunes, c'est des jeunes de 15, 16, 17 ans, qui ont vécu cette expérience-là et qui nous ont raconté des trucs vraiment très chouettes.

  • Frédéric Vuillod

    Dites-nous, qu'est-ce qu'ils vous racontent ? C'est quoi les anecdotes ?

  • Frédéric Sultan

    Par exemple, l'un des premiers chantiers qu'on a fait se trouvait dans le participant au chantier, à la fois un jeune de 17 ans et une personne de 88 ans qui sont tous les deux nés dans le quartier. Et cette rencontre-là, c'est un très beau souvenir parce que la personne de 88 ans nous racontait qu'est-ce qu'était le quartier il y a 80 ans. Et... Le jeune nous a emmené voir des endroits qu'on ne voyait pas. Cette confrontation-là et cette balade commune qu'on a fait ensemble, c'est vraiment un très beau moment, c'est un bon souvenir.

  • Frédéric Vuillod

    Des histoires humaines très riches, forcément.

  • Frédéric Sultan

    Oui, tout à fait.

  • Frédéric Vuillod

    Quel conseil vous donneriez à d'autres associations, d'autres acteurs qui souhaiteraient répliquer ce type de projet sur leur territoire ?

  • Frédéric Sultan

    Se donner le temps de prendre du recul par rapport à ce qu'on vit, c'est-à-dire de vraiment s'adapter au rythme des gens avec lesquels on le fait. Ça, ça a été pour nous un peu difficile parce qu'au départ, on avait un projet qui était prévu, avec des dates, avec un agenda, des choses à réaliser. Et on s'est rendu compte qu'en fait, on avait besoin peut-être à certains moments de plus de temps, de décaler un petit peu les choses, de s'adapter pour que ça soit quelque chose qui puisse être adopté et pris en compte par les personnes concernées. Pour moi, le conseil le plus important, c'est un conseil un peu flou, mais c'est vraiment l'idée de s'immerger et de se laisser un petit peu porter par les gens qu'on rencontre.

  • Frédéric Vuillod

    Il y a des suites qui vont être données à ce projet ?

  • Frédéric Sultan

    Alors il y a des suites dans le quartier, puisqu'il y a des projets pour lesquels il y a des collaborations entre les différents collectifs du quartier. Il y a aussi des suites beaucoup plus informelles, c'est-à-dire que quand on croise les gens, ça laisse quelques traces, donc ça c'est vraiment très intéressant. Et puis il y a des suites aussi pour nous, puisque le projet d'École des communs, nous on lui a donné des suites aussi sur d'autres thématiques, on a travaillé par exemple sur l'alimentation. On est en train de finaliser la publication de ce qu'on a appelé l'atlas pratique des communs de l'alimentation, non plus à la Chapelle à Paris, mais à Montreuil, Toulouse, Marseille et dans le Vercors par exemple. Et là, on voit qu'à travers ce type d'expérience-là, on est en mesure de créer des conditions, de partager les expériences et de partager un apprentissage autour de cette notion de commun.

  • Frédéric Vuillod

    Merci beaucoup Frédéric Sultan pour ce très beau retour d'expérience.

  • Frédéric Sultan

    Merci.

  • Frédéric Vuillod

    C'était Ville solidaire, Ville durable. Vous pouvez retrouver cet épisode et tous les autres sur toutes les grandes plateformes de podcast, sur le média de l'économie sociale et solidaire Mediatico.fr et sur le site internet de la Fondation des solidarités urbaines, fondée par les bailleurs sociaux Paris Habitat, la RIVP et Logisiemp, Aximo, l'Habitation confortable et l'Habitat social français. A bientôt !

Description

Pour ce nouvel épisode, le journaliste Frédéric Vuillod a tendu son micro à Frédéric Sultan, coordinateur de l’association Remix the Commons. Il nous raconte L’École des communs, une expérimentation d’éducation populaire menée dans le quartier de La Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris. Cette expérimentation s’intéressait  aux modes de gouvernance participative, explorés avec et pour les habitants ou structures associatives qui portent des projets collectifs.

Soutenue par la Fondation des solidarités urbaines dans le cadre de l’appel à projets thématique “Les espaces communs : espaces et temps partagés”, L’École des communs avait pour but de permettre aux habitants et structures qui portent des initiatives collectives autogérées de questionner  leurs modes de gouvernance (notamment lors de temps de rassemblement et d’échanges thématiques, appelés « chantiers ») et de produire et tester des outils (micro-chartes, mécanismes de décision collective, processus et solutions de gestion de l’accès aux utilités du lieu, moyens et supports de communication…). Les connaissances acquises ont été  recueillies au fur et à mesure et documentées : elles sont ainsi devenues  une ressource partagée qui favorise la coopération et la solidarité dans le quartier, contribuant à l’émergence d’une « culture des communs ». 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Vuillod

    Le monde associatif expérimente et étudie des solutions au cœur de la ville pour améliorer la vie des habitants. Souvent très riches d'enseignements, ces solutions méritent d'être partagées. Je m'appelle Frédéric Vuillon, je suis journaliste et je pars à leur découverte. Vous écoutez Ville solidaire, ville durable, le podcast de la Fondation des solidarités urbaines, le laboratoire des bailleurs sociaux de la ville de Paris, qui offre ici un espace de partage d'expériences aux projets qu'elle soutient. Aujourd'hui, nous sommes avec Frédéric Sultan pour parler de Remix The Commons. Ça sonne un peu comme un groupe de rap et c'est pas tout à fait un hasard. C'est le nom d'une association au cœur d'un quartier populaire dans le 18e arrondissement de Paris qui travaille avec les habitants sur l'auto-apprentissage, les décisions collectives, la fabrique des communs. Son projet d'ailleurs s'appelle l'École des communs. Et tout ça avec un outil au cœur du dispositif, une radio locale associative. Bonjour Frédéric Sultan.

  • Frédéric Sultan

    Bonjour.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, vous avez la casquette de coordinateur de l'association. Est-ce que vous pouvez d'abord commencer par nous dire ce qu'on appelle les communs ?

  • Frédéric Sultan

    Ah, ça c'est une question qui nous est vraiment très souvent posée. En général, les communs, les gens considèrent que c'est les choses qu'on partage, auxquelles on attache une certaine importance et qui sont partagées ou en tout cas qui doivent être accessibles par les uns et par les autres. Nous, ce qu'on essaye d'ajouter à cette définition-là, c'est... L'idée que ce qui fait commun, c'est ce qu'on fait ensemble pour créer de la solidarité entre nous. C'est-à-dire s'entraider, se doter des moyens dont on a besoin pour faire différentes choses. Donc c'est vraiment la dimension qu'on ajoute à la définition du commun des mortels.

  • Frédéric Vuillod

    Mais ça peut être aussi des lieux partagés, un jardin collectif ?

  • Frédéric Sultan

    Oui, c'est-à-dire que c'est tout ça parce qu'on y ajoute le mot partagé, parce qu'on y ajoute le mot collectif. C'est pas le jardin lui-même qui fait un commun, c'est parce qu'on le partage et c'est parce que... À travers ce jardin, on va apprendre ensemble des manières de cultiver, on va se socialiser ensemble, on va produire des choses qui nous sont utiles aux uns et aux autres, voire au-delà de ceux qui y participent. C'est-à-dire que par exemple, un jardin partagé, ça participe de l'écologie et du mieux-être du quartier. Donc ce n'est pas seulement les gens qui y cultivent qui en profitent, c'est toute la population.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Remix the Commons porte un projet qui s'appelle l'École des communs. En quoi consiste ce projet et pourquoi est-ce que vous l'avez lancé à Paris dans le quartier de la Chapelle ?

  • Frédéric Sultan

    L'école des communs, c'est un vieux projet en fait. Alors, comme Remix existe déjà depuis presque une quinzaine d'années maintenant, ça fait longtemps qu'on s'est posé la question de savoir comment on se donne une définition des communs partagée, comment est-ce qu'on apprend ensemble, comment est-ce qu'on partage ces expériences-là ensemble, comment on diffuse tout ça. Et donc, l'idée d'école des communs est née dans ce contexte-là comme une démarche d'éducation populaire. Et à Paris, on a saisi en fait une occasion pour travailler sur le quartier de la Chapelle.... Et on a saisi l'occasion de ce projet pour lancer cette idée d'école des communs autour de la gouvernance, autour de comment est-ce qu'on met en place des règles de vie communes autour des communs.

  • Frédéric Vuillod

    Et en menant ce projet-là, vous vous adressiez et vous vous adressez encore aujourd'hui à quelle population ?

  • Frédéric Sultan

    Alors le projet, il s'adressait au départ principalement à des structures ou à des projets ou à des collectifs qui vivent dans le quartier de la Chapelle pour justement... comparer des pratiques autour de ce qu'on appelle donc la gouvernance. En réalité, la raison pour laquelle on a développé ce projet dans ce quartier, c'est précisément parce que c'est un quartier où il y a une histoire et une richesse militante qui est assez extraordinaire. Historiquement, c'est un quartier qui a vécu la commune, qui a vécu des grands moments de l'histoire, mais qui aussi aujourd'hui a accueilli des migrants, a accueilli... des initiatives très différentes. Et ça, ça a constitué l'identité de ce lieu-là. Je pense par exemple à la grande Alpajol. Ça a été toute une mobilisation des habitants pour que la Alpajol soit ce qu'elle est aujourd'hui. Le projet de départ de la Alpajol était extrêmement différent. C'était un projet urbain assez classique de 600 logements. Donc on est sur quelque chose qui est extrêmement différent aujourd'hui, qui est un espace ouvert, qui prend en compte l'environnement avec un parc, etc. Et cette histoire militante, Pour nous, c'est vraiment important de la transmettre. Aujourd'hui, les jeunes générations de militants et de militantes, qui ne s'appellent pas forcément tout le temps comme ça, mais qui sont en fait des gens qui sont militants de leur quartier, on a besoin, on considère que c'est extrêmement important de transmettre cette histoire-là. Et en mettant en évidence les manières de faire ensemble, on s'est dit que ça, c'était un véhicule intéressant pour discuter ensemble de tout ça. Alors,

  • Frédéric Vuillod

    comment s'est déroulée concrètement cette expérimentation de fabrique des communs et quelles ont été les différentes étapes ? que vous avez mené sur le terrain ?

  • Frédéric Sultan

    Alors le projet il s'est déroulé sous forme de 5... Chacun sur un thème spécifique, l'hospitalité par exemple, l'occupation de l'espace, les enjeux de communication, le rapport à l'argent et aux ressources aussi, qui est forcément important dans la gouvernance justement. Ça c'était les cinq chantiers qui ont rythmé le projet. Et chaque chantier a été construit sur un modèle identique. Un premier temps qui consistait à enquêter sur les pratiques du quartier et sur des pratiques qui sont extérieures à ce quartier en rapport avec le thème. Par exemple, sur le rapport à l'argent, comment aujourd'hui se joue la question du rapport à l'argent au sein du collectif des petits déjeuners solidaires, qui fournit tous les matins des petits déjeuners aux migrants. Il y a eu une enquête qui a été faite auprès de ce groupe-là, qui a été partagée dans la première partie du chantier. Et en parallèle, on est allé voir des choses qui se passent ailleurs, en dehors du quartier, en dehors de France même, des expériences qui pouvaient venir renseigner un petit peu cette question-là. Ensuite, un deuxième temps, une journée qui est consacrée à... découvrir une méthodologie ou des outils qui nous permettent de creuser cette question-là. Et puis une troisième journée qui est, elle, consacrée à comment ça pourrait être rendu au quartier. Par exemple, la réalisation d'une promenade dans le quartier, la constitution de jeux, ça a été la fabrication d'une fanzine par exemple. Voilà, c'est des choses qui étaient extrêmement concrètes et pratiques.

  • Frédéric Vuillod

    Qui sont les acteurs de ces initiatives ? Ce sont des bénévoles ? Ce sont des habitants ? Ce sont des travailleurs sociaux ?

  • Frédéric Sultan

    C'est les trois à la fois, en fait. Parce que... Avec la radio RAPTZ qui est implantée dans le quartier depuis quelques années maintenant. Une radio associative. Une radio associative qui diffuse en ligne et surtout qui a tout un ensemble d'activités avec les habitants en dehors même du studio. Le studio, c'est un peu comme une base technique dans laquelle on réalise des choses, mais il se passe tout un tas d'ateliers auprès des enfants, des personnes âgées, des gens qui sont dans telle ou telle association à l'occasion de tel festival ou de telle activité dans le quartier. Et donc avec cette radio, on avait aussi d'une certaine manière les moyens de toucher. des gens extrêmement différents, notamment des enfants, des habitants, des personnes plus âgées, des militants ou militantes de certaines associations collectives du quartier, et y compris aussi des travailleurs sociaux.

  • Frédéric Vuillod

    Alors c'est quoi le principe de cette radio ?

  • Frédéric Sultan

    Disons que c'est une radio qui va vers le public. Il y a vraiment des activités extrêmement différentes, de l'atelier studio à l'animation à des fêtes d'école par exemple, la participation à des manifestations, je pense au carnaval dernièrement par exemple, voire... la réalisation d'activités qui lui sont propres. Par exemple, une activité qui était super intéressante et qui nous a aussi beaucoup servi et inspiré, c'est un travail de réalisation avec des habitants jeunes, c'est-à-dire entre 15 et 25 ans du quartier, de promenades sonores où les personnes racontent les endroits qu'elles connaissent et les endroits par lesquels elles circulent dans le quartier. Donc c'est une manière de montrer une géographie du quartier. qui est totalement différente de celle qu'on va voir sur les cartes officielles ou sur un plan du quartier, parce qu'on peut traverser de manière complètement diagonale le quartier par des petits chemins que personne ne connaît autre que ces habitants-là.

  • Frédéric Vuillod

    Donc, Remix the Commons a choisi de s'allier avec une radio associative locale, RAPTZ. Les différents chantiers que vous avez menés, vous les avez menés en collaboration avec des structures associatives du quartier, avec des habitants du quartier. Comment est-ce que vous vous y êtes pris pour travailler ensemble ?

  • Frédéric Sultan

    D'abord, c'est par affinité. Il faut dire les choses dans la réalité. C'est que parce qu'on se connaît, parce qu'on connaît le cœur des projets qui sont menés par telle ou telle association, ça nous a permis en tout cas d'interpeller les gens sur ce qui leur tient à cœur. On s'est rendu compte dans le projet que ce n'était pas toujours facile pour une association d'ouvrir les portes et d'ouvrir un petit peu son arrière-cuisine à tout vent. Enfin, je veux dire que dans un collectif, il y a des choses qu'on se dit entre nous et qu'on ne va pas forcément aller raconter à n'importe qui à l'extérieur. Donc… Ce n'est pas si simple que ça de parler de sa gouvernance. Il fallait qu'on puisse créer une certaine confiance. Et cette confiance, elle a beaucoup résulté du fait qu'on se connaît bien depuis nombreuses années. Et donc, on pouvait construire cette confiance. Ensuite, ça a été vraiment lié aussi aux thématiques. C'est-à-dire que, par exemple, sur la question de l'occupation de l'espace, travailler avec un collectif comme le Chakirai, ils sont précisément sur cette question de l'espace et de l'occupation de l'espace.

  • Frédéric Vuillod

    C'est un joli nom, sans doute parce que la Alpajol est juste le long des rails de chemin de fer.

  • Frédéric Sultan

    Exactement. Voilà, de travailler avec l'association Verger Urbain, ça permettait d'aller aussi toucher à des sujets qui sont autour des enjeux d'écologie dans le quartier, par exemple.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, ce travail collaboratif, qu'est-ce que vous en retenez, Frédéric Sultan, et qu'est-ce qu'il donne comme résultat ?

  • Frédéric Sultan

    Le premier résultat qu'il donne, c'est un résultat sur le quartier, qui est d'avoir permis à certaines organisations de mieux se connaître mutuellement. Ça a permis d'aplanir des choses, ça a permis de régler des choses aussi entre les organisations. Donc il y a quand même un effet comme ça de connaissance commune. Il y a un effet vraiment, et ce que je disais tout à l'heure, il y a un effet de transmission à des jeunes militants et militantes. Moi je me souviens du moment de bilan restitution qu'on a fait à la... La fin du projet, où il y avait des très jeunes, c'est des jeunes de 15, 16, 17 ans, qui ont vécu cette expérience-là et qui nous ont raconté des trucs vraiment très chouettes.

  • Frédéric Vuillod

    Dites-nous, qu'est-ce qu'ils vous racontent ? C'est quoi les anecdotes ?

  • Frédéric Sultan

    Par exemple, l'un des premiers chantiers qu'on a fait se trouvait dans le participant au chantier, à la fois un jeune de 17 ans et une personne de 88 ans qui sont tous les deux nés dans le quartier. Et cette rencontre-là, c'est un très beau souvenir parce que la personne de 88 ans nous racontait qu'est-ce qu'était le quartier il y a 80 ans. Et... Le jeune nous a emmené voir des endroits qu'on ne voyait pas. Cette confrontation-là et cette balade commune qu'on a fait ensemble, c'est vraiment un très beau moment, c'est un bon souvenir.

  • Frédéric Vuillod

    Des histoires humaines très riches, forcément.

  • Frédéric Sultan

    Oui, tout à fait.

  • Frédéric Vuillod

    Quel conseil vous donneriez à d'autres associations, d'autres acteurs qui souhaiteraient répliquer ce type de projet sur leur territoire ?

  • Frédéric Sultan

    Se donner le temps de prendre du recul par rapport à ce qu'on vit, c'est-à-dire de vraiment s'adapter au rythme des gens avec lesquels on le fait. Ça, ça a été pour nous un peu difficile parce qu'au départ, on avait un projet qui était prévu, avec des dates, avec un agenda, des choses à réaliser. Et on s'est rendu compte qu'en fait, on avait besoin peut-être à certains moments de plus de temps, de décaler un petit peu les choses, de s'adapter pour que ça soit quelque chose qui puisse être adopté et pris en compte par les personnes concernées. Pour moi, le conseil le plus important, c'est un conseil un peu flou, mais c'est vraiment l'idée de s'immerger et de se laisser un petit peu porter par les gens qu'on rencontre.

  • Frédéric Vuillod

    Il y a des suites qui vont être données à ce projet ?

  • Frédéric Sultan

    Alors il y a des suites dans le quartier, puisqu'il y a des projets pour lesquels il y a des collaborations entre les différents collectifs du quartier. Il y a aussi des suites beaucoup plus informelles, c'est-à-dire que quand on croise les gens, ça laisse quelques traces, donc ça c'est vraiment très intéressant. Et puis il y a des suites aussi pour nous, puisque le projet d'École des communs, nous on lui a donné des suites aussi sur d'autres thématiques, on a travaillé par exemple sur l'alimentation. On est en train de finaliser la publication de ce qu'on a appelé l'atlas pratique des communs de l'alimentation, non plus à la Chapelle à Paris, mais à Montreuil, Toulouse, Marseille et dans le Vercors par exemple. Et là, on voit qu'à travers ce type d'expérience-là, on est en mesure de créer des conditions, de partager les expériences et de partager un apprentissage autour de cette notion de commun.

  • Frédéric Vuillod

    Merci beaucoup Frédéric Sultan pour ce très beau retour d'expérience.

  • Frédéric Sultan

    Merci.

  • Frédéric Vuillod

    C'était Ville solidaire, Ville durable. Vous pouvez retrouver cet épisode et tous les autres sur toutes les grandes plateformes de podcast, sur le média de l'économie sociale et solidaire Mediatico.fr et sur le site internet de la Fondation des solidarités urbaines, fondée par les bailleurs sociaux Paris Habitat, la RIVP et Logisiemp, Aximo, l'Habitation confortable et l'Habitat social français. A bientôt !

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Description

Pour ce nouvel épisode, le journaliste Frédéric Vuillod a tendu son micro à Frédéric Sultan, coordinateur de l’association Remix the Commons. Il nous raconte L’École des communs, une expérimentation d’éducation populaire menée dans le quartier de La Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris. Cette expérimentation s’intéressait  aux modes de gouvernance participative, explorés avec et pour les habitants ou structures associatives qui portent des projets collectifs.

Soutenue par la Fondation des solidarités urbaines dans le cadre de l’appel à projets thématique “Les espaces communs : espaces et temps partagés”, L’École des communs avait pour but de permettre aux habitants et structures qui portent des initiatives collectives autogérées de questionner  leurs modes de gouvernance (notamment lors de temps de rassemblement et d’échanges thématiques, appelés « chantiers ») et de produire et tester des outils (micro-chartes, mécanismes de décision collective, processus et solutions de gestion de l’accès aux utilités du lieu, moyens et supports de communication…). Les connaissances acquises ont été  recueillies au fur et à mesure et documentées : elles sont ainsi devenues  une ressource partagée qui favorise la coopération et la solidarité dans le quartier, contribuant à l’émergence d’une « culture des communs ». 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Vuillod

    Le monde associatif expérimente et étudie des solutions au cœur de la ville pour améliorer la vie des habitants. Souvent très riches d'enseignements, ces solutions méritent d'être partagées. Je m'appelle Frédéric Vuillon, je suis journaliste et je pars à leur découverte. Vous écoutez Ville solidaire, ville durable, le podcast de la Fondation des solidarités urbaines, le laboratoire des bailleurs sociaux de la ville de Paris, qui offre ici un espace de partage d'expériences aux projets qu'elle soutient. Aujourd'hui, nous sommes avec Frédéric Sultan pour parler de Remix The Commons. Ça sonne un peu comme un groupe de rap et c'est pas tout à fait un hasard. C'est le nom d'une association au cœur d'un quartier populaire dans le 18e arrondissement de Paris qui travaille avec les habitants sur l'auto-apprentissage, les décisions collectives, la fabrique des communs. Son projet d'ailleurs s'appelle l'École des communs. Et tout ça avec un outil au cœur du dispositif, une radio locale associative. Bonjour Frédéric Sultan.

  • Frédéric Sultan

    Bonjour.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, vous avez la casquette de coordinateur de l'association. Est-ce que vous pouvez d'abord commencer par nous dire ce qu'on appelle les communs ?

  • Frédéric Sultan

    Ah, ça c'est une question qui nous est vraiment très souvent posée. En général, les communs, les gens considèrent que c'est les choses qu'on partage, auxquelles on attache une certaine importance et qui sont partagées ou en tout cas qui doivent être accessibles par les uns et par les autres. Nous, ce qu'on essaye d'ajouter à cette définition-là, c'est... L'idée que ce qui fait commun, c'est ce qu'on fait ensemble pour créer de la solidarité entre nous. C'est-à-dire s'entraider, se doter des moyens dont on a besoin pour faire différentes choses. Donc c'est vraiment la dimension qu'on ajoute à la définition du commun des mortels.

  • Frédéric Vuillod

    Mais ça peut être aussi des lieux partagés, un jardin collectif ?

  • Frédéric Sultan

    Oui, c'est-à-dire que c'est tout ça parce qu'on y ajoute le mot partagé, parce qu'on y ajoute le mot collectif. C'est pas le jardin lui-même qui fait un commun, c'est parce qu'on le partage et c'est parce que... À travers ce jardin, on va apprendre ensemble des manières de cultiver, on va se socialiser ensemble, on va produire des choses qui nous sont utiles aux uns et aux autres, voire au-delà de ceux qui y participent. C'est-à-dire que par exemple, un jardin partagé, ça participe de l'écologie et du mieux-être du quartier. Donc ce n'est pas seulement les gens qui y cultivent qui en profitent, c'est toute la population.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Remix the Commons porte un projet qui s'appelle l'École des communs. En quoi consiste ce projet et pourquoi est-ce que vous l'avez lancé à Paris dans le quartier de la Chapelle ?

  • Frédéric Sultan

    L'école des communs, c'est un vieux projet en fait. Alors, comme Remix existe déjà depuis presque une quinzaine d'années maintenant, ça fait longtemps qu'on s'est posé la question de savoir comment on se donne une définition des communs partagée, comment est-ce qu'on apprend ensemble, comment est-ce qu'on partage ces expériences-là ensemble, comment on diffuse tout ça. Et donc, l'idée d'école des communs est née dans ce contexte-là comme une démarche d'éducation populaire. Et à Paris, on a saisi en fait une occasion pour travailler sur le quartier de la Chapelle.... Et on a saisi l'occasion de ce projet pour lancer cette idée d'école des communs autour de la gouvernance, autour de comment est-ce qu'on met en place des règles de vie communes autour des communs.

  • Frédéric Vuillod

    Et en menant ce projet-là, vous vous adressiez et vous vous adressez encore aujourd'hui à quelle population ?

  • Frédéric Sultan

    Alors le projet, il s'adressait au départ principalement à des structures ou à des projets ou à des collectifs qui vivent dans le quartier de la Chapelle pour justement... comparer des pratiques autour de ce qu'on appelle donc la gouvernance. En réalité, la raison pour laquelle on a développé ce projet dans ce quartier, c'est précisément parce que c'est un quartier où il y a une histoire et une richesse militante qui est assez extraordinaire. Historiquement, c'est un quartier qui a vécu la commune, qui a vécu des grands moments de l'histoire, mais qui aussi aujourd'hui a accueilli des migrants, a accueilli... des initiatives très différentes. Et ça, ça a constitué l'identité de ce lieu-là. Je pense par exemple à la grande Alpajol. Ça a été toute une mobilisation des habitants pour que la Alpajol soit ce qu'elle est aujourd'hui. Le projet de départ de la Alpajol était extrêmement différent. C'était un projet urbain assez classique de 600 logements. Donc on est sur quelque chose qui est extrêmement différent aujourd'hui, qui est un espace ouvert, qui prend en compte l'environnement avec un parc, etc. Et cette histoire militante, Pour nous, c'est vraiment important de la transmettre. Aujourd'hui, les jeunes générations de militants et de militantes, qui ne s'appellent pas forcément tout le temps comme ça, mais qui sont en fait des gens qui sont militants de leur quartier, on a besoin, on considère que c'est extrêmement important de transmettre cette histoire-là. Et en mettant en évidence les manières de faire ensemble, on s'est dit que ça, c'était un véhicule intéressant pour discuter ensemble de tout ça. Alors,

  • Frédéric Vuillod

    comment s'est déroulée concrètement cette expérimentation de fabrique des communs et quelles ont été les différentes étapes ? que vous avez mené sur le terrain ?

  • Frédéric Sultan

    Alors le projet il s'est déroulé sous forme de 5... Chacun sur un thème spécifique, l'hospitalité par exemple, l'occupation de l'espace, les enjeux de communication, le rapport à l'argent et aux ressources aussi, qui est forcément important dans la gouvernance justement. Ça c'était les cinq chantiers qui ont rythmé le projet. Et chaque chantier a été construit sur un modèle identique. Un premier temps qui consistait à enquêter sur les pratiques du quartier et sur des pratiques qui sont extérieures à ce quartier en rapport avec le thème. Par exemple, sur le rapport à l'argent, comment aujourd'hui se joue la question du rapport à l'argent au sein du collectif des petits déjeuners solidaires, qui fournit tous les matins des petits déjeuners aux migrants. Il y a eu une enquête qui a été faite auprès de ce groupe-là, qui a été partagée dans la première partie du chantier. Et en parallèle, on est allé voir des choses qui se passent ailleurs, en dehors du quartier, en dehors de France même, des expériences qui pouvaient venir renseigner un petit peu cette question-là. Ensuite, un deuxième temps, une journée qui est consacrée à... découvrir une méthodologie ou des outils qui nous permettent de creuser cette question-là. Et puis une troisième journée qui est, elle, consacrée à comment ça pourrait être rendu au quartier. Par exemple, la réalisation d'une promenade dans le quartier, la constitution de jeux, ça a été la fabrication d'une fanzine par exemple. Voilà, c'est des choses qui étaient extrêmement concrètes et pratiques.

  • Frédéric Vuillod

    Qui sont les acteurs de ces initiatives ? Ce sont des bénévoles ? Ce sont des habitants ? Ce sont des travailleurs sociaux ?

  • Frédéric Sultan

    C'est les trois à la fois, en fait. Parce que... Avec la radio RAPTZ qui est implantée dans le quartier depuis quelques années maintenant. Une radio associative. Une radio associative qui diffuse en ligne et surtout qui a tout un ensemble d'activités avec les habitants en dehors même du studio. Le studio, c'est un peu comme une base technique dans laquelle on réalise des choses, mais il se passe tout un tas d'ateliers auprès des enfants, des personnes âgées, des gens qui sont dans telle ou telle association à l'occasion de tel festival ou de telle activité dans le quartier. Et donc avec cette radio, on avait aussi d'une certaine manière les moyens de toucher. des gens extrêmement différents, notamment des enfants, des habitants, des personnes plus âgées, des militants ou militantes de certaines associations collectives du quartier, et y compris aussi des travailleurs sociaux.

  • Frédéric Vuillod

    Alors c'est quoi le principe de cette radio ?

  • Frédéric Sultan

    Disons que c'est une radio qui va vers le public. Il y a vraiment des activités extrêmement différentes, de l'atelier studio à l'animation à des fêtes d'école par exemple, la participation à des manifestations, je pense au carnaval dernièrement par exemple, voire... la réalisation d'activités qui lui sont propres. Par exemple, une activité qui était super intéressante et qui nous a aussi beaucoup servi et inspiré, c'est un travail de réalisation avec des habitants jeunes, c'est-à-dire entre 15 et 25 ans du quartier, de promenades sonores où les personnes racontent les endroits qu'elles connaissent et les endroits par lesquels elles circulent dans le quartier. Donc c'est une manière de montrer une géographie du quartier. qui est totalement différente de celle qu'on va voir sur les cartes officielles ou sur un plan du quartier, parce qu'on peut traverser de manière complètement diagonale le quartier par des petits chemins que personne ne connaît autre que ces habitants-là.

  • Frédéric Vuillod

    Donc, Remix the Commons a choisi de s'allier avec une radio associative locale, RAPTZ. Les différents chantiers que vous avez menés, vous les avez menés en collaboration avec des structures associatives du quartier, avec des habitants du quartier. Comment est-ce que vous vous y êtes pris pour travailler ensemble ?

  • Frédéric Sultan

    D'abord, c'est par affinité. Il faut dire les choses dans la réalité. C'est que parce qu'on se connaît, parce qu'on connaît le cœur des projets qui sont menés par telle ou telle association, ça nous a permis en tout cas d'interpeller les gens sur ce qui leur tient à cœur. On s'est rendu compte dans le projet que ce n'était pas toujours facile pour une association d'ouvrir les portes et d'ouvrir un petit peu son arrière-cuisine à tout vent. Enfin, je veux dire que dans un collectif, il y a des choses qu'on se dit entre nous et qu'on ne va pas forcément aller raconter à n'importe qui à l'extérieur. Donc… Ce n'est pas si simple que ça de parler de sa gouvernance. Il fallait qu'on puisse créer une certaine confiance. Et cette confiance, elle a beaucoup résulté du fait qu'on se connaît bien depuis nombreuses années. Et donc, on pouvait construire cette confiance. Ensuite, ça a été vraiment lié aussi aux thématiques. C'est-à-dire que, par exemple, sur la question de l'occupation de l'espace, travailler avec un collectif comme le Chakirai, ils sont précisément sur cette question de l'espace et de l'occupation de l'espace.

  • Frédéric Vuillod

    C'est un joli nom, sans doute parce que la Alpajol est juste le long des rails de chemin de fer.

  • Frédéric Sultan

    Exactement. Voilà, de travailler avec l'association Verger Urbain, ça permettait d'aller aussi toucher à des sujets qui sont autour des enjeux d'écologie dans le quartier, par exemple.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, ce travail collaboratif, qu'est-ce que vous en retenez, Frédéric Sultan, et qu'est-ce qu'il donne comme résultat ?

  • Frédéric Sultan

    Le premier résultat qu'il donne, c'est un résultat sur le quartier, qui est d'avoir permis à certaines organisations de mieux se connaître mutuellement. Ça a permis d'aplanir des choses, ça a permis de régler des choses aussi entre les organisations. Donc il y a quand même un effet comme ça de connaissance commune. Il y a un effet vraiment, et ce que je disais tout à l'heure, il y a un effet de transmission à des jeunes militants et militantes. Moi je me souviens du moment de bilan restitution qu'on a fait à la... La fin du projet, où il y avait des très jeunes, c'est des jeunes de 15, 16, 17 ans, qui ont vécu cette expérience-là et qui nous ont raconté des trucs vraiment très chouettes.

  • Frédéric Vuillod

    Dites-nous, qu'est-ce qu'ils vous racontent ? C'est quoi les anecdotes ?

  • Frédéric Sultan

    Par exemple, l'un des premiers chantiers qu'on a fait se trouvait dans le participant au chantier, à la fois un jeune de 17 ans et une personne de 88 ans qui sont tous les deux nés dans le quartier. Et cette rencontre-là, c'est un très beau souvenir parce que la personne de 88 ans nous racontait qu'est-ce qu'était le quartier il y a 80 ans. Et... Le jeune nous a emmené voir des endroits qu'on ne voyait pas. Cette confrontation-là et cette balade commune qu'on a fait ensemble, c'est vraiment un très beau moment, c'est un bon souvenir.

  • Frédéric Vuillod

    Des histoires humaines très riches, forcément.

  • Frédéric Sultan

    Oui, tout à fait.

  • Frédéric Vuillod

    Quel conseil vous donneriez à d'autres associations, d'autres acteurs qui souhaiteraient répliquer ce type de projet sur leur territoire ?

  • Frédéric Sultan

    Se donner le temps de prendre du recul par rapport à ce qu'on vit, c'est-à-dire de vraiment s'adapter au rythme des gens avec lesquels on le fait. Ça, ça a été pour nous un peu difficile parce qu'au départ, on avait un projet qui était prévu, avec des dates, avec un agenda, des choses à réaliser. Et on s'est rendu compte qu'en fait, on avait besoin peut-être à certains moments de plus de temps, de décaler un petit peu les choses, de s'adapter pour que ça soit quelque chose qui puisse être adopté et pris en compte par les personnes concernées. Pour moi, le conseil le plus important, c'est un conseil un peu flou, mais c'est vraiment l'idée de s'immerger et de se laisser un petit peu porter par les gens qu'on rencontre.

  • Frédéric Vuillod

    Il y a des suites qui vont être données à ce projet ?

  • Frédéric Sultan

    Alors il y a des suites dans le quartier, puisqu'il y a des projets pour lesquels il y a des collaborations entre les différents collectifs du quartier. Il y a aussi des suites beaucoup plus informelles, c'est-à-dire que quand on croise les gens, ça laisse quelques traces, donc ça c'est vraiment très intéressant. Et puis il y a des suites aussi pour nous, puisque le projet d'École des communs, nous on lui a donné des suites aussi sur d'autres thématiques, on a travaillé par exemple sur l'alimentation. On est en train de finaliser la publication de ce qu'on a appelé l'atlas pratique des communs de l'alimentation, non plus à la Chapelle à Paris, mais à Montreuil, Toulouse, Marseille et dans le Vercors par exemple. Et là, on voit qu'à travers ce type d'expérience-là, on est en mesure de créer des conditions, de partager les expériences et de partager un apprentissage autour de cette notion de commun.

  • Frédéric Vuillod

    Merci beaucoup Frédéric Sultan pour ce très beau retour d'expérience.

  • Frédéric Sultan

    Merci.

  • Frédéric Vuillod

    C'était Ville solidaire, Ville durable. Vous pouvez retrouver cet épisode et tous les autres sur toutes les grandes plateformes de podcast, sur le média de l'économie sociale et solidaire Mediatico.fr et sur le site internet de la Fondation des solidarités urbaines, fondée par les bailleurs sociaux Paris Habitat, la RIVP et Logisiemp, Aximo, l'Habitation confortable et l'Habitat social français. A bientôt !

Description

Pour ce nouvel épisode, le journaliste Frédéric Vuillod a tendu son micro à Frédéric Sultan, coordinateur de l’association Remix the Commons. Il nous raconte L’École des communs, une expérimentation d’éducation populaire menée dans le quartier de La Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris. Cette expérimentation s’intéressait  aux modes de gouvernance participative, explorés avec et pour les habitants ou structures associatives qui portent des projets collectifs.

Soutenue par la Fondation des solidarités urbaines dans le cadre de l’appel à projets thématique “Les espaces communs : espaces et temps partagés”, L’École des communs avait pour but de permettre aux habitants et structures qui portent des initiatives collectives autogérées de questionner  leurs modes de gouvernance (notamment lors de temps de rassemblement et d’échanges thématiques, appelés « chantiers ») et de produire et tester des outils (micro-chartes, mécanismes de décision collective, processus et solutions de gestion de l’accès aux utilités du lieu, moyens et supports de communication…). Les connaissances acquises ont été  recueillies au fur et à mesure et documentées : elles sont ainsi devenues  une ressource partagée qui favorise la coopération et la solidarité dans le quartier, contribuant à l’émergence d’une « culture des communs ». 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Vuillod

    Le monde associatif expérimente et étudie des solutions au cœur de la ville pour améliorer la vie des habitants. Souvent très riches d'enseignements, ces solutions méritent d'être partagées. Je m'appelle Frédéric Vuillon, je suis journaliste et je pars à leur découverte. Vous écoutez Ville solidaire, ville durable, le podcast de la Fondation des solidarités urbaines, le laboratoire des bailleurs sociaux de la ville de Paris, qui offre ici un espace de partage d'expériences aux projets qu'elle soutient. Aujourd'hui, nous sommes avec Frédéric Sultan pour parler de Remix The Commons. Ça sonne un peu comme un groupe de rap et c'est pas tout à fait un hasard. C'est le nom d'une association au cœur d'un quartier populaire dans le 18e arrondissement de Paris qui travaille avec les habitants sur l'auto-apprentissage, les décisions collectives, la fabrique des communs. Son projet d'ailleurs s'appelle l'École des communs. Et tout ça avec un outil au cœur du dispositif, une radio locale associative. Bonjour Frédéric Sultan.

  • Frédéric Sultan

    Bonjour.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, vous avez la casquette de coordinateur de l'association. Est-ce que vous pouvez d'abord commencer par nous dire ce qu'on appelle les communs ?

  • Frédéric Sultan

    Ah, ça c'est une question qui nous est vraiment très souvent posée. En général, les communs, les gens considèrent que c'est les choses qu'on partage, auxquelles on attache une certaine importance et qui sont partagées ou en tout cas qui doivent être accessibles par les uns et par les autres. Nous, ce qu'on essaye d'ajouter à cette définition-là, c'est... L'idée que ce qui fait commun, c'est ce qu'on fait ensemble pour créer de la solidarité entre nous. C'est-à-dire s'entraider, se doter des moyens dont on a besoin pour faire différentes choses. Donc c'est vraiment la dimension qu'on ajoute à la définition du commun des mortels.

  • Frédéric Vuillod

    Mais ça peut être aussi des lieux partagés, un jardin collectif ?

  • Frédéric Sultan

    Oui, c'est-à-dire que c'est tout ça parce qu'on y ajoute le mot partagé, parce qu'on y ajoute le mot collectif. C'est pas le jardin lui-même qui fait un commun, c'est parce qu'on le partage et c'est parce que... À travers ce jardin, on va apprendre ensemble des manières de cultiver, on va se socialiser ensemble, on va produire des choses qui nous sont utiles aux uns et aux autres, voire au-delà de ceux qui y participent. C'est-à-dire que par exemple, un jardin partagé, ça participe de l'écologie et du mieux-être du quartier. Donc ce n'est pas seulement les gens qui y cultivent qui en profitent, c'est toute la population.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, Remix the Commons porte un projet qui s'appelle l'École des communs. En quoi consiste ce projet et pourquoi est-ce que vous l'avez lancé à Paris dans le quartier de la Chapelle ?

  • Frédéric Sultan

    L'école des communs, c'est un vieux projet en fait. Alors, comme Remix existe déjà depuis presque une quinzaine d'années maintenant, ça fait longtemps qu'on s'est posé la question de savoir comment on se donne une définition des communs partagée, comment est-ce qu'on apprend ensemble, comment est-ce qu'on partage ces expériences-là ensemble, comment on diffuse tout ça. Et donc, l'idée d'école des communs est née dans ce contexte-là comme une démarche d'éducation populaire. Et à Paris, on a saisi en fait une occasion pour travailler sur le quartier de la Chapelle.... Et on a saisi l'occasion de ce projet pour lancer cette idée d'école des communs autour de la gouvernance, autour de comment est-ce qu'on met en place des règles de vie communes autour des communs.

  • Frédéric Vuillod

    Et en menant ce projet-là, vous vous adressiez et vous vous adressez encore aujourd'hui à quelle population ?

  • Frédéric Sultan

    Alors le projet, il s'adressait au départ principalement à des structures ou à des projets ou à des collectifs qui vivent dans le quartier de la Chapelle pour justement... comparer des pratiques autour de ce qu'on appelle donc la gouvernance. En réalité, la raison pour laquelle on a développé ce projet dans ce quartier, c'est précisément parce que c'est un quartier où il y a une histoire et une richesse militante qui est assez extraordinaire. Historiquement, c'est un quartier qui a vécu la commune, qui a vécu des grands moments de l'histoire, mais qui aussi aujourd'hui a accueilli des migrants, a accueilli... des initiatives très différentes. Et ça, ça a constitué l'identité de ce lieu-là. Je pense par exemple à la grande Alpajol. Ça a été toute une mobilisation des habitants pour que la Alpajol soit ce qu'elle est aujourd'hui. Le projet de départ de la Alpajol était extrêmement différent. C'était un projet urbain assez classique de 600 logements. Donc on est sur quelque chose qui est extrêmement différent aujourd'hui, qui est un espace ouvert, qui prend en compte l'environnement avec un parc, etc. Et cette histoire militante, Pour nous, c'est vraiment important de la transmettre. Aujourd'hui, les jeunes générations de militants et de militantes, qui ne s'appellent pas forcément tout le temps comme ça, mais qui sont en fait des gens qui sont militants de leur quartier, on a besoin, on considère que c'est extrêmement important de transmettre cette histoire-là. Et en mettant en évidence les manières de faire ensemble, on s'est dit que ça, c'était un véhicule intéressant pour discuter ensemble de tout ça. Alors,

  • Frédéric Vuillod

    comment s'est déroulée concrètement cette expérimentation de fabrique des communs et quelles ont été les différentes étapes ? que vous avez mené sur le terrain ?

  • Frédéric Sultan

    Alors le projet il s'est déroulé sous forme de 5... Chacun sur un thème spécifique, l'hospitalité par exemple, l'occupation de l'espace, les enjeux de communication, le rapport à l'argent et aux ressources aussi, qui est forcément important dans la gouvernance justement. Ça c'était les cinq chantiers qui ont rythmé le projet. Et chaque chantier a été construit sur un modèle identique. Un premier temps qui consistait à enquêter sur les pratiques du quartier et sur des pratiques qui sont extérieures à ce quartier en rapport avec le thème. Par exemple, sur le rapport à l'argent, comment aujourd'hui se joue la question du rapport à l'argent au sein du collectif des petits déjeuners solidaires, qui fournit tous les matins des petits déjeuners aux migrants. Il y a eu une enquête qui a été faite auprès de ce groupe-là, qui a été partagée dans la première partie du chantier. Et en parallèle, on est allé voir des choses qui se passent ailleurs, en dehors du quartier, en dehors de France même, des expériences qui pouvaient venir renseigner un petit peu cette question-là. Ensuite, un deuxième temps, une journée qui est consacrée à... découvrir une méthodologie ou des outils qui nous permettent de creuser cette question-là. Et puis une troisième journée qui est, elle, consacrée à comment ça pourrait être rendu au quartier. Par exemple, la réalisation d'une promenade dans le quartier, la constitution de jeux, ça a été la fabrication d'une fanzine par exemple. Voilà, c'est des choses qui étaient extrêmement concrètes et pratiques.

  • Frédéric Vuillod

    Qui sont les acteurs de ces initiatives ? Ce sont des bénévoles ? Ce sont des habitants ? Ce sont des travailleurs sociaux ?

  • Frédéric Sultan

    C'est les trois à la fois, en fait. Parce que... Avec la radio RAPTZ qui est implantée dans le quartier depuis quelques années maintenant. Une radio associative. Une radio associative qui diffuse en ligne et surtout qui a tout un ensemble d'activités avec les habitants en dehors même du studio. Le studio, c'est un peu comme une base technique dans laquelle on réalise des choses, mais il se passe tout un tas d'ateliers auprès des enfants, des personnes âgées, des gens qui sont dans telle ou telle association à l'occasion de tel festival ou de telle activité dans le quartier. Et donc avec cette radio, on avait aussi d'une certaine manière les moyens de toucher. des gens extrêmement différents, notamment des enfants, des habitants, des personnes plus âgées, des militants ou militantes de certaines associations collectives du quartier, et y compris aussi des travailleurs sociaux.

  • Frédéric Vuillod

    Alors c'est quoi le principe de cette radio ?

  • Frédéric Sultan

    Disons que c'est une radio qui va vers le public. Il y a vraiment des activités extrêmement différentes, de l'atelier studio à l'animation à des fêtes d'école par exemple, la participation à des manifestations, je pense au carnaval dernièrement par exemple, voire... la réalisation d'activités qui lui sont propres. Par exemple, une activité qui était super intéressante et qui nous a aussi beaucoup servi et inspiré, c'est un travail de réalisation avec des habitants jeunes, c'est-à-dire entre 15 et 25 ans du quartier, de promenades sonores où les personnes racontent les endroits qu'elles connaissent et les endroits par lesquels elles circulent dans le quartier. Donc c'est une manière de montrer une géographie du quartier. qui est totalement différente de celle qu'on va voir sur les cartes officielles ou sur un plan du quartier, parce qu'on peut traverser de manière complètement diagonale le quartier par des petits chemins que personne ne connaît autre que ces habitants-là.

  • Frédéric Vuillod

    Donc, Remix the Commons a choisi de s'allier avec une radio associative locale, RAPTZ. Les différents chantiers que vous avez menés, vous les avez menés en collaboration avec des structures associatives du quartier, avec des habitants du quartier. Comment est-ce que vous vous y êtes pris pour travailler ensemble ?

  • Frédéric Sultan

    D'abord, c'est par affinité. Il faut dire les choses dans la réalité. C'est que parce qu'on se connaît, parce qu'on connaît le cœur des projets qui sont menés par telle ou telle association, ça nous a permis en tout cas d'interpeller les gens sur ce qui leur tient à cœur. On s'est rendu compte dans le projet que ce n'était pas toujours facile pour une association d'ouvrir les portes et d'ouvrir un petit peu son arrière-cuisine à tout vent. Enfin, je veux dire que dans un collectif, il y a des choses qu'on se dit entre nous et qu'on ne va pas forcément aller raconter à n'importe qui à l'extérieur. Donc… Ce n'est pas si simple que ça de parler de sa gouvernance. Il fallait qu'on puisse créer une certaine confiance. Et cette confiance, elle a beaucoup résulté du fait qu'on se connaît bien depuis nombreuses années. Et donc, on pouvait construire cette confiance. Ensuite, ça a été vraiment lié aussi aux thématiques. C'est-à-dire que, par exemple, sur la question de l'occupation de l'espace, travailler avec un collectif comme le Chakirai, ils sont précisément sur cette question de l'espace et de l'occupation de l'espace.

  • Frédéric Vuillod

    C'est un joli nom, sans doute parce que la Alpajol est juste le long des rails de chemin de fer.

  • Frédéric Sultan

    Exactement. Voilà, de travailler avec l'association Verger Urbain, ça permettait d'aller aussi toucher à des sujets qui sont autour des enjeux d'écologie dans le quartier, par exemple.

  • Frédéric Vuillod

    Alors, ce travail collaboratif, qu'est-ce que vous en retenez, Frédéric Sultan, et qu'est-ce qu'il donne comme résultat ?

  • Frédéric Sultan

    Le premier résultat qu'il donne, c'est un résultat sur le quartier, qui est d'avoir permis à certaines organisations de mieux se connaître mutuellement. Ça a permis d'aplanir des choses, ça a permis de régler des choses aussi entre les organisations. Donc il y a quand même un effet comme ça de connaissance commune. Il y a un effet vraiment, et ce que je disais tout à l'heure, il y a un effet de transmission à des jeunes militants et militantes. Moi je me souviens du moment de bilan restitution qu'on a fait à la... La fin du projet, où il y avait des très jeunes, c'est des jeunes de 15, 16, 17 ans, qui ont vécu cette expérience-là et qui nous ont raconté des trucs vraiment très chouettes.

  • Frédéric Vuillod

    Dites-nous, qu'est-ce qu'ils vous racontent ? C'est quoi les anecdotes ?

  • Frédéric Sultan

    Par exemple, l'un des premiers chantiers qu'on a fait se trouvait dans le participant au chantier, à la fois un jeune de 17 ans et une personne de 88 ans qui sont tous les deux nés dans le quartier. Et cette rencontre-là, c'est un très beau souvenir parce que la personne de 88 ans nous racontait qu'est-ce qu'était le quartier il y a 80 ans. Et... Le jeune nous a emmené voir des endroits qu'on ne voyait pas. Cette confrontation-là et cette balade commune qu'on a fait ensemble, c'est vraiment un très beau moment, c'est un bon souvenir.

  • Frédéric Vuillod

    Des histoires humaines très riches, forcément.

  • Frédéric Sultan

    Oui, tout à fait.

  • Frédéric Vuillod

    Quel conseil vous donneriez à d'autres associations, d'autres acteurs qui souhaiteraient répliquer ce type de projet sur leur territoire ?

  • Frédéric Sultan

    Se donner le temps de prendre du recul par rapport à ce qu'on vit, c'est-à-dire de vraiment s'adapter au rythme des gens avec lesquels on le fait. Ça, ça a été pour nous un peu difficile parce qu'au départ, on avait un projet qui était prévu, avec des dates, avec un agenda, des choses à réaliser. Et on s'est rendu compte qu'en fait, on avait besoin peut-être à certains moments de plus de temps, de décaler un petit peu les choses, de s'adapter pour que ça soit quelque chose qui puisse être adopté et pris en compte par les personnes concernées. Pour moi, le conseil le plus important, c'est un conseil un peu flou, mais c'est vraiment l'idée de s'immerger et de se laisser un petit peu porter par les gens qu'on rencontre.

  • Frédéric Vuillod

    Il y a des suites qui vont être données à ce projet ?

  • Frédéric Sultan

    Alors il y a des suites dans le quartier, puisqu'il y a des projets pour lesquels il y a des collaborations entre les différents collectifs du quartier. Il y a aussi des suites beaucoup plus informelles, c'est-à-dire que quand on croise les gens, ça laisse quelques traces, donc ça c'est vraiment très intéressant. Et puis il y a des suites aussi pour nous, puisque le projet d'École des communs, nous on lui a donné des suites aussi sur d'autres thématiques, on a travaillé par exemple sur l'alimentation. On est en train de finaliser la publication de ce qu'on a appelé l'atlas pratique des communs de l'alimentation, non plus à la Chapelle à Paris, mais à Montreuil, Toulouse, Marseille et dans le Vercors par exemple. Et là, on voit qu'à travers ce type d'expérience-là, on est en mesure de créer des conditions, de partager les expériences et de partager un apprentissage autour de cette notion de commun.

  • Frédéric Vuillod

    Merci beaucoup Frédéric Sultan pour ce très beau retour d'expérience.

  • Frédéric Sultan

    Merci.

  • Frédéric Vuillod

    C'était Ville solidaire, Ville durable. Vous pouvez retrouver cet épisode et tous les autres sur toutes les grandes plateformes de podcast, sur le média de l'économie sociale et solidaire Mediatico.fr et sur le site internet de la Fondation des solidarités urbaines, fondée par les bailleurs sociaux Paris Habitat, la RIVP et Logisiemp, Aximo, l'Habitation confortable et l'Habitat social français. A bientôt !

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