- Frédéric Vuillod
Le monde associatif expérimente et étudie des solutions au cœur de la ville pour améliorer la vie des habitants. Souvent très riches d'enseignements, ces solutions méritent d'être partagées. Je m'appelle Frédéric Vuillon, je suis journaliste et je pars à leur découverte. Vous écoutez Ville solidaire, ville durable, le podcast de la Fondation des solidarités urbaines, le laboratoire des bailleurs sociaux de la ville de Paris, qui offre ici un espace de partage d'expérience aux projets qu'elle soutient. Je ne sais pas quelle est votre couleur préférée, mais aujourd'hui nous sommes avec Carole Gargot, coordinatrice de l'association J'aime le vert, qui travaille depuis plus de dix ans déjà pour préserver et pour développer la biodiversité à Alfortville, une ancienne ville industrielle de région parisienne. Alfortville est très densément peuplée, c'est l'une des communes d'Ile-de-France les plus artificialisées, avec moins d'un mètre carré d'espace vert par habitant, et on n'y trouve aucun espace agricole. Eh bien c'est là. que l'association J'aime le Vert travaille pour enclencher une dynamique de transition écologique. Bonjour Carole Gargot.
- Carole Gargot
Bonjour.
- Frédéric Vuillod
Alors Carole, vous êtes la coordinatrice de cette association et vous avez lancé une recherche-action qui s'appelle Écosystème citoyen pour la biodiversité. Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il s'agit ?
- Carole Gargot
Alors il s'agit d'embarquer le plus grand nombre d'Alfort-Villers pour transformer des comportements quotidiens vers des comportements pro-environnementaux. c'est-à-dire en faveur de la transition écologique. On n'est pas sur des petits gestes quotidiens, on est plutôt sur une démarche globale. Ça veut dire qu'on va amener les gens à ancrer des gestes de tri des déchets, etc., dans le quotidien, mais on veut que ça soit ancré dans une réflexion et une maîtrise des enjeux. Donc une personne qui va se mettre à trier ses déchets. Elle saura par exemple que le recyclage c'est un peu de l'enfumage comme dit Zero Waste France. Elle aura en fait toutes les billes pour mettre en place ces gestes. Et après ce sont aussi des ateliers, un parcours qui va amener les gens à se poser la question de leur responsabilité, mais aussi de la responsabilité des autres acteurs. Donc il y a ce côté plus quotidien et il y a le côté aussi... Comment je comprends les rôles de chacun au niveau de la société, que ce soit les industriels, le gouvernement, les collectivités, les agriculteurs, etc. Se faire sa propre opinion et ensuite peut-être s'engager plus politiquement ou alors créer aussi des initiatives citoyennes comme les AMAP, comme des associations dans des quartiers.
- Frédéric Vuillod
Une démarche globale aussi, j'imagine, au niveau du territoire d'Alfortville. Donc vous essayez d'élargir le cercle des personnes que vous touchez. Vous avez touché combien de personnes jusqu'ici ?
- Carole Gargot
Il y a plusieurs phases dans le projet. Le projet qu'on appelle Défi Famille, qui va accompagner une cinquantaine de familles pendant six mois. Par exemple, une journée autour des déchets, une balade à la découverte de la faune et de la flore dans Alfortville. Sur ce parcours, c'est une cinquantaine de familles par an. Et... Au global, on a aussi touché 2700 personnes sur toute la durée de la recherche-action, parce qu'on a fait, en plus de ce parcours, des actions de sensibilisation auprès de tous les afforbilets, et plus particulièrement auprès des personnes qui habitent dans les quartiers prioritaires de la ville. Donc ça va être aussi des formats d'activités variés pour attirer un public très familial ou isolé, et ça permet aussi de... Lutter aussi contre le stéréotype comme quoi dans les quartiers prioritaires, ce sont les personnes qui sont le plus éloignées du sujet. Ce ne sont pas les personnes les plus éloignées, ce sont celles qui vont être le plus touchées par la crise climatique. Il y a des personnes qui connaissent très bien ce que c'est que l'alimentation durable. C'est juste qu'elles n'ont pas forcément les moyens de l'appliquer dans leur quotidien.
- Frédéric Vuillod
Vous nous avez parlé des défis famille, vous avez aussi des défis à l'école.
- Carole Gargot
Oui, avec... des collégiens d'un collège qui est dans un quartier en veille active de la politique de la ville, où en fait on a co-construit avec eux un parcours, c'est-à-dire qu'on leur a demandé sur quelle thématique ils voulaient travailler avec nous. La fast fashion par exemple, ou le gaspillage alimentaire, la pollution numérique. Donc on a travaillé dessus avec eux. Et à la fin, ils ont voulu mettre en place une journée de développement durable pour sensibiliser les autres élèves.
- Frédéric Vuillod
la mise en place de ces défis, la mise en place de votre projet global. Vous ne l'avez pas faite seule, puisque c'est une recherche action. Vous l'avez faite avec un chercheur ou une chercheuse. Comment ça s'est passé ?
- Carole Gargot
Donc nous, on était déjà en lien avec des chercheurs à l'UPEC. Et donc on a à la fois travaillé avec des chercheuses sur le volet plutôt sciences naturelles, sciences du sol, sciences de la faune et de la flore, et à la fois avec une chercheuse en psychologie sociale. Donc la chercheuse en psychologie sociale, elle a utilisé plusieurs outils pour suivre les familles du défi. Elle a utilisé un questionnaire avant et après le défi. pour voir comment leur comportement évoluait. Elle a aussi utilisé des méthodes plus qualitatives, donc des entretiens semi-directifs avec des personnes participantes du défi. Et elle est aussi venue observer les ateliers et les chercheuses en sciences dures. Elles ont encadré un étudiant qui a fait le diagnostic environnemental de trois jardins partagés dans la ville et qui a notamment... accompagner l'association pour former les familles à mieux préserver et développer la biodiversité en ville. Et donc un résultat par exemple, c'est des personnes du Défi Famille qui se sont ensuite impliquées dans notre association et qui ont pris l'initiative de mettre un nichoir à mésange. Et six mois après, on a pu montrer à des scolaires qui visitaient le jardin les petits oiseaux qui sortaient du nid et c'était assez exceptionnel.
- Frédéric Vuillod
C'est une belle histoire. Alors qu'est-ce que ça produit chez les participants ce défi ?
- Carole Gargot
Déjà ils vont se sentir plus en capacité d'agir pour l'environnement parce qu'on va les mettre en équipe et on va leur proposer des mini-défis à la fin de chaque atelier donc à la fin de chaque atelier ils doivent choisir des actions qu'ils doivent mettre en place et en équipe en fait... ils vont pouvoir discuter justement de manière bienveillante de qu'est-ce qui les empêche de mettre ça en place, pourquoi ils ont préféré faire telle action plutôt qu'une autre. Donc effectivement, ils se sentent davantage en capacité d'agir pour l'environnement. On a notamment proposé un questionnaire aux participants, six mois après leur participation au défi. Donc ça permet de valoriser le fait qu'on a permis un changement de comportement durable grâce au défi.
- Frédéric Vuillod
Alors il y a ces défis et puis il y a... L'ensemble du projet que vous coordonnez, quels sont les effets de l'ensemble du projet sur les participants, sur le quartier, sur la ville ?
- Carole Gargot
Déjà, il y a le fait qu'on a mieux appris à travailler avec les associations locales.
- Frédéric Vuillod
Oui, parce que vous avez des associations partenaires. Oui,
- Carole Gargot
on se rend compte qu'on a une culture et des objectifs différents, mais qu'on veut toucher la même population vu qu'on est vraiment sur des projets très locaux. Il y a des associations qui vont y être avantage sur la parentalité, d'autres sur l'accompagnement à la scolarité, d'autres sur accompagner des familles qui sont en précarité. Et l'idée c'est de trouver en fait qu'est-ce qui nous relie, qu'est-ce qui fait qu'on peut travailler ensemble pour répondre à nos objectifs qui sont liés. Donc c'est travailler l'intersectionnalité entre les associations. Donc on travaille par exemple avec la Compagnie des parents, qui est une association qui propose des ateliers sociolinguistiques à Alfortville et qui touche plutôt un public en précarité. On travaille aussi avec les associations SLEEK et AK, qui sont une association du quartier prioritaire Grand Ensemble et du quartier prioritaire Chantraine. Et on travaille aussi avec l'épicerie sociale d'Alfortville. Je peux citer aussi la Relève Barriolet, qui est une association qui vient... proposer plutôt du divertissement ou soit vraiment des moments forts d'éducation populaire avec du théâtre forum et donc nous on vient s'inscrire dans leurs actions pour apporter voilà la touche écologique on va dire alors
- Frédéric Vuillod
les participants qui viennent vous voir qui participent à vos défis à vos ateliers ils apprennent beaucoup de choses et vous Carole Gargot qu'est ce que vous avez appris vous pendant cette expérimentation déjà
- Carole Gargot
Effectivement que ça prend du temps en fait de monter un projet si on veut, qu'il ait vraiment les effets escomptés, c'est-à-dire apprendre à bien travailler avec les partenaires locaux. C'est pas uniquement une histoire d'objectifs, c'est une histoire de fonctionnement. On n'a pas la même culture organisationnelle, voilà les mêmes manières de fonctionner, les mêmes outils pour mobiliser, pour communiquer, et on parle pas forcément tout le temps le même langage. Et il y a quelque chose que j'ai appris, c'est qu'effectivement, dans les quartiers prioritaires, beaucoup de personnes connaissent pas mal d'enjeux autour de la transition écologique. C'est surtout qu'il faudrait donner les moyens à tous de pouvoir lutter contre la crise climatique.
- Frédéric Vuillod
Si d'autres associations viennent vous voir pour vous demander des conseils, parce qu'elles veulent répliquer le même type d'initiative sur leur territoire, parce qu'elles aussi, elles aiment le vert. Quel conseil vous leur donneriez ?
- Carole Gargot
Déjà, je donnerais le conseil d'essayer de travailler étroitement avec la collectivité, avec la ville qui est un acteur majeur. C'est ce qu'on a essayé de faire, mais on n'a pas pris le temps de se présenter, de mettre à jour en quelque sorte les projets qu'on était en train de faire. Si on veut pouvoir travailler avec la mairie, il faut vraiment parler le même langage et savoir comment nos projets, nos idées s'incluent. dans leurs priorités et du coup ça implique de désacraliser aussi le lien avec toutes les institutions et même les financeurs. Parce que souvent on va avoir tendance à se dire « j'ai fixé des objectifs assez élevés et en fait on va essayer de tout faire pour pouvoir les atteindre » . Alors ce qui compte c'est de prendre le temps, d'installer une méthode, de rencontrer les gens, surtout les associations, les institutions, pour pouvoir bien... comprendre comment installer le projet sans s'épuiser, parce qu'on est quand même des... Nous, en tout cas, on est une petite association avec des ressources limitées. On a beaucoup de bénévoles, mais si on veut pouvoir, entre guillemets, multiplier leur force de frappe, il faut qu'on puisse s'appuyer aussi sur les acteurs locaux.
- Frédéric Vuillod
Merci beaucoup Carole Gargot pour ce retour d'expérience. Je rappelle que vous êtes coordinatrice de l'association J'aime le Vert. J'espère que vous aussi vous aimez le vert. C'était Ville solidaire, ville durable. Vous pouvez retrouver cet épisode et tous les autres sur toutes les grandes plateformes de podcast, sur le média de l'économie sociale et solidaire Mediatico.fr et sur le site internet de la Fondation des solidarités urbaines fondée par les bailleurs sociaux Paris Habitat, la RIVP et Logisiemp, Aximo, l'habitation confortable. et l'habitat social français. A bientôt !