- Speaker #0
Bonjour, je m'appelle Pauline Maria, bienvenue dans Virage. Le podcast est sur la vie et ses tournants qui nous font rire, parfois pleurer, mais qui toujours nous inspire. Je suis ravie de vous accueillir dans cette quatrième saison de Virage qui promet d'être riche d'invités incroyables. Si vous voulez ne rien rater et soutenir ce podcast, je vous invite à vous abonner sur votre plateforme d'écoute. Et pour venir avec moi en coulisses, vous pouvez me suivre sur Instagram, pauline-du-bas-virage et sur TikTok, virage.podcast. Je vous laisse avec l'invité du jour et je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Nathalie.
- Speaker #1
Bonjour Pauline.
- Speaker #0
Comment ça va ?
- Speaker #1
Très bien, merci de me recevoir.
- Speaker #0
Merci beaucoup d'être venue jusqu'à moi pour qu'on enregistre un épisode. Un épisode que j'avais hâte d'enregistrer. Tu es journaliste et autrice. Tout à fait. Tu as sorti un livre qui s'appelle Bercer le silence aux éditions Très Daniel, sous forme de bande dessinée. Donc il est illustré par Violette Suquet. Vous l'avez fait à quatre mains. Et l'idée, c'est de parler du deuil périnatal en ayant ce côté à la fois théorique, avec des avis d'experts, etc. Et pratique, avec des retours de personnes qui sont touchées par ce drame, qui, avec une BD, en fait, racontent un bout de leur histoire. Et donc, c'est une enquête journalistique. Tout à fait. C'est hyper important de s'emparer de ce sujet-là. Et tu t'étais emparée auparavant d'un sujet qui était également ô combien important, dont on va parler. aujourd'hui, puisqu'on va parler de ton livre qui s'appelle EndoGirls, pareil, aux éditions très Daniel, illustré aussi par Violette Suquet. Et je voulais savoir comment t'étais venue l'envie de t'emparer de cette maladie chronique qu'est l'endométriose, puisque ce que tu dis dans le livre et que tu m'as confirmé, c'est que du coup, toi, ce n'est pas une maladie qui te touche.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Et comment elle t'a quand même touchée au point de te donner l'envie de t'y intéresser, de faire une enquête ?
- Speaker #1
Ça repose aussi sur une enquête en 2018. Je suis journaliste au Télégramme en Bretagne. J'ai lancé un appel à témoignages sur le site du journal, sur la PMA. Puisque la PMA était dans l'actualité à ce moment-là. Et là, j'en reçois beaucoup des témoignages. Et là, plein de femmes me parlent d'endométriose. On est en 2018 et là, moi je découvre cette maladie. Je n'en avais jamais entendu parler. Je m'en suis voulue après. en tant que femme et en tant que journaliste, de ne rien savoir sur cette maladie, puisque c'est une maladie qui touche beaucoup, beaucoup de femmes. Donc à ce moment-là, je me suis dit, bon, je me concentre sur la PMA, mais j'avais gardé l'endométriose dans un coin de ma tête. Quelques mois plus tard, j'ai lancé un appel à témoignages dédié à l'endométriose sur le site du Télégramme. On est début 2019, et là, en 72 heures, je reçois 900 témoignages. C'est énorme. on n'avait jamais connu ça. C'est vraiment considérable. Et là, franchement, je me suis pris cette vague, en fait, de témoignages en plein visage. En fait, on sentait que ça leur faisait du bien, toutes ces femmes, en fait, qu'on s'intéresse à ce qu'elles vivaient. Donc, elles me décrivaient, en fait, leur quotidien fait de beaucoup de douleurs. Ça a été un choc en tant que femme. Et en tant que journaliste, en fait. Et comme je te disais, je m'en suis voulue. Je me suis dit, mais comment c'est possible, en fait ? Je ne savais pas, en fait, tout ça. Donc voilà, ça donnait lieu pour le Télégramme à un premier dossier. J'ai fait d'autres articles par la suite. Et en fait, quelques mois après, j'ai rencontré Violette Suquet. Et je lui ai proposé d'aller plus loin, en fait, par le biais d'un livre. Et Violette, pareil, elle ne souffre pas d'endométriose, mais elle a un réel intérêt, en fait, pour... tout ce qui est sujet autour de la santé des femmes.
- Speaker #0
Et toi aussi, c'est ce que tu me disais, que c'était quelque chose qui te tenait vraiment à cœur. Tout à fait. Le livre, il est incroyablement bien construit, et c'est ce qu'on disait tout à l'heure, juste avant de commencer à enregistrer, le fait d'avoir comme ça mêlé des avis d'experts et des côtés plus pratiques avec des bandes dessinées qui montrent des mises en situation réelles, qui sont illustrées avec beaucoup de finesse et de poésie, mais qui montrent la réalité de la maladie.
- Speaker #1
malgré le côté justement poétique qui ne cache absolument rien non il s'agissait vraiment pas de romantiser ou minimiser ou poétiser il s'agissait surtout de respecter le témoignage de ces femmes retranscrire leur quotidien c'est hyper bien illustré,
- Speaker #0
ce qu'on disait aussi c'était que du coup ça rendait l'ouvrage extrêmement accessible pour des ados qui ne savent pas du tout vers qui se tourner on pense notamment à certaines adolescentes qui peut-être n'ont pas un dialogue très facile à la maison pour parler de sujets comme celui-ci. ou qui ont encore malheureusement la réponse de c'est normal d'avoir mal pendant qu'on a nos règles,
- Speaker #1
etc.
- Speaker #0
Alors que ça l'est pas, il faut le redire encore une fois. Donc c'est super de pouvoir proposer cet ouvrage et je trouve que c'est une bonne idée de cadeau à faire à des jeunes filles justement qui sont un petit peu dans cette errance médicale, puisque l'errance médicale t'en parle. Oui. C'est 7 ans, du coup tu dis en moyenne.
- Speaker #1
En moyenne. Ouais,
- Speaker #0
avant de poser un diagnostic.
- Speaker #1
Pour certains témoignages... Le mettre en avant, certaines femmes ont attendu une vingtaine d'années avant d'être entendues et qu'un mot soit posé sur leur mot, justement. M-A-U-X, 7 ans, c'est une moyenne. Le but, c'est que cette moyenne baisse.
- Speaker #0
Et ce que j'ai appris en lisant ton livre, que je ne savais pas du tout, c'est que certaines personnes parlent de... Alors, si vous écoutez simplement, on ne le verra pas, mais c'est d'une maladie à la mode,
- Speaker #1
je mets des guillemets.
- Speaker #0
Parce que c'est vrai qu'on en parle davantage. Notamment, tu le dis dans le livre, ça a été vraiment mis en lumière par Laetitia Millot.
- Speaker #1
Complètement.
- Speaker #0
Qui a écrit un livre et qui a atteint de l'endométriose et qui a un petit peu mis les projecteurs sur cette maladie.
- Speaker #1
À ce moment-là, c'était l'une des héroïnes de plus belle la vie. Donc, il y avait vraiment une visibilité. Les médias s'intéressaient à elle. Donc le fait qu'elle sorte un livre et qu'elle révèle qu'elle souffre d'endométriose, les médias s'en sont parés et d'autres stars ont suivi. Ça intéressait les médias et le fait que ça intéresse les médias. Au bout d'un moment, les autorités ont été obligées de se saisir du problème.
- Speaker #0
Mais alors qu'on pourrait penser que c'est une maladie qu'on a découvert récemment, en fait, ce qu'on apprend dans ton livre, c'est que pas du tout. et que cette maladie, on a déjà retrouvé des traces de connaissances de cette maladie qui datent de l'Antiquité.
- Speaker #1
Oui, les symptômes étaient décrits. Mais c'est une maladie de femme.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Voilà, ce n'était pas prioritaire. Et comme on le disait, c'est normal d'avoir mal. En fait, pas du tout, du tout, du tout.
- Speaker #0
Et d'ailleurs, ton livre est préfacé par Anna Roy. Et c'est d'ailleurs ce qu'elle dit quand elle commence. Elle dit qu'en fait, dans ses études, on lui a toujours appris que la douleur doit être un point de départ et que c'est étrange de constater qu'en fait, ce n'est pas le cas quand il s'agit de la douleur des femmes. Et que quand elle posait la question en disant, mais je peux savoir pourquoi ça fait mal, en expliquant les raisons scientifiques qui font que ça ne devrait pas faire mal, il n'y a jamais vraiment de réponse.
- Speaker #1
Oui, parce que c'est les femmes, c'est normal d'avoir mal. plaignent, ce sont des chouchottes. Pendant la Renaissance, certaines femmes étaient qualifiées d'hystériques et étaient envoyées sur le bûcher. Non, elles n'étaient pas hystériques, elles souffraient énormément. Donc voilà, il y a toujours un peu cette image, les femmes sont hystériques, elles se plaignent pour rien. Non, non, non, personne ne se plaint gratuitement. Et cette douleur... Il faut qu'elles soient entendues.
- Speaker #0
Évidemment, personne n'a envie d'être pliée de là. Tu t'empares d'un sujet, notamment dans le livre, que je trouve assez intéressant parce qu'on parle beaucoup en ce moment de propositions de loi pour permettre un congé menstruel. Et en fait, la professionnelle que tu as interviewée pour traiter de ce sujet disait que ce n'est pas forcément une solution dans le cas de l'endométriose. Parce que pour certaines femmes, les douleurs ne sont pas vraiment uniquement au moment des règles.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Et elles peuvent être pendant tout le mois, les crises. Oui,
- Speaker #1
lors des séances de dédicaces qu'on a réalisées après la sortie d'Ando Girls, il y a des femmes qui venaient se faire dédicacer le livre, avec lesquelles on a pu échanger, qui nous disaient qu'en fait, elles souffraient trois semaines sur quatre. Donc oui, il y a des femmes qui souffrent pendant leurs règles. Mais d'autres, c'est quasiment tout le temps. Quasiment constant. Donc effectivement, le congé menstruel ne répondra pas à cette problématique-là.
- Speaker #0
Est-ce que tu ne penses pas, toi qui as rencontré beaucoup justement de personnes qui sont atteintes de maladies et de professionnels de la santé qui sont des experts dans le domaine, est-ce que tu ne penses pas que déjà la première étape ce serait de parler tout simplement davantage des cycles féminins pour permettre aux femmes, même sans parler d'un congé, mais par exemple de donner des facilités, je pense quand c'est possible de proposer du télétravail par exemple ou des choses comme ça ? Est-ce qu'il n'y a pas déjà des petites choses comme ça qui pourraient être proposées rien que par les entreprises ?
- Speaker #1
Après, il y a des dispositifs. Les femmes qui souffrent d'endométriose peuvent se tourner vers la médecine du travail, qui peut mettre en place certaines choses. Donc, il y a quand même des dispositifs, mais il faut oser en parler, en fait, puisque le sujet des règles, le sujet des douleurs, c'est tabou. Mais il y a des dispositifs qui existent. on peut adapter le poste de travail de... de ces femmes avec des sièges spéciaux, on peut mettre en place du télétravail, mais voilà, il faut se diriger vers la médecine du travail pour ça.
- Speaker #0
Et ce qui en plus, comme ce n'est pas vraiment bien vu, de parler de ces problèmes de filles, ce n'est pas forcément facile à faire.
- Speaker #1
Ah ben ça, j'en conviens mille fois. Après voilà, il faut le savoir que ces dispositifs existent en fait, et le livre aide à ça en fait. On a voulu rapporter la parole de ces femmes, mais aussi apporter des informations pour les aider à améliorer leur quotidien, puisque l'endométrio, c'est une maladie dont on ne guérit pas. Oui, c'est une maladie chronique. Il faut apprendre à vivre avec.
- Speaker #0
Et justement, c'est une maladie dont on ne guérit pas et qui coûte cher aussi. Ça aussi, tu le mets en avant dans le livre, le fait que finalement, la plupart des soins qui sont, par exemple... L'ostéopathie, l'acupuncture, les choses qu'on peut te proposer pour soulager les douleurs. Il y a très peu de choses qui sont remboursées.
- Speaker #1
Oui, il y a un reste à charge qui est conséquent. Et qui touche beaucoup de femmes qui souffrent d'endométriose. Puisqu'elles sont en recherche de choses qui vont leur permettre d'améliorer leur quotidien. Puisqu'encore une fois, on n'en guérit pas.
- Speaker #0
Oui, et ça ? justement, le fait de proposer des solutions, d'en avoir fait un manuel avec chaque problématique qui peut être rencontrée et d'être allée à la rencontre des experts. Est-ce que tu as eu des retours de personnes qui sont malades et qui ont vu ton livre comme vraiment une ressource utile ?
- Speaker #1
Oui, certaines des femmes qu'on a pu rencontrer, par exemple, ne s'étaient pas intéressées à l'alimentation anti-inflammatoire. donc ça peut être une des pistes pour aller mieux le fait d'adapter son alimentation. Ça ne marche pas dans 100% des cas, mais ça aide beaucoup de femmes à aller mieux. Et on a eu effectivement ce genre de retour.
- Speaker #0
Ça doit être extrêmement grisant pour toi de te sentir utile.
- Speaker #1
Grisant, je ne sais pas, mais ça fait plaisir. Travailler sur que ce soit Endo Girls ou Bercelle Silence, c'est un an de travail. Donc si ça peut aider... Déjà, informer sur, en l'occurrence, pour endométriose, c'est très bien. Si ça peut aider, ce n'est que mieux.
- Speaker #0
Et par rapport à l'errance médicale, je ne sais pas si c'est vraiment le cas dans ta vie ou si c'est le personnage qui parle, mais est-ce que tu es vraiment atteinte de l'hypédème ? Oui. Donc, finalement, toi aussi, tu as été dans une situation d'errance médicale pour ton hypédème.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Et est-ce que tu as l'impression que les femmes... notamment dans tes enquêtes, sont moins prises au sérieux quand elles arrivent chez le médecin et qu'on va beaucoup plus facilement leur dire qu'elles sont stressées, que c'est dans la tête ?
- Speaker #1
Moi, c'est complètement le cas. Mon lipoédème, en fait, un mot a été posé sur ce dont je souffre au bout de 25 ans. Mes jambes ont commencé à se déformer à l'adolescence. Voilà, la magie de l'adolescence. puberté, ma mère avait le même problème donc en gros c'était oui vous avez les jambes de votre mère. Super, c'est pas un diagnostic ça. Mais au delà des jambes qui se sont déformées, au fil des années j'ai commencé à avoir mal, puis très mal. Donc là on dit essayez des séances de kiné, on essaie mais en fait ça ne résout rien en fait, ça soulage. Mais au fil des années vraiment la douleur devenait de plus en plus insupportable. Et ça m'a gassé prodigieusement qu'on ne me dise pas clairement ce que j'ai. Donc, je fais des recherches sur Internet. Et en fait, je Ausha vraiment toutes les cases du lipo-odème. Donc, cochant toutes ces cases, je me suis tournée vers des associations qui m'ont orientée. vers des professionnels compétents. Et après, on a vu plusieurs qui me disaient, bah oui, c'est ça ou ça. Je suis allée voir un angiologue qui m'a questionné pendant 20 minutes et qui ne m'a pas demandé de... Parce que chez certains médecins, l'obsession, c'était de savoir si j'avais des varices. Non, je ne souffrais... Voilà, je n'en avais pas. Et donc, ce médecin-là m'a questionné pendant 20 minutes, vraiment de manière très attentive. Et au bout de ces 20 minutes, il m'a dit, je pense savoir ce que vous avez, madame. Ce à quoi j'ai répondu, moi aussi. Et là, il m'a examinée et il m'a dit tout de suite, c'est du lipodème. Et voilà, j'avais un mot à poser sur ce dont je souffrais. Et à partir de là, ma décision a été prise. À partir du moment où j'avais un diagnostic, je savais que j'irais jusqu'à l'opération, en fait.
- Speaker #0
Parce que oui, il y a un traitement.
- Speaker #1
Alors... Je ne sais pas si ça va être efficace pendant toute ma vie, si ça ne va pas revenir. Mais j'ai été opérée des deux jambes, des vraies jambes maintenant, avec des vrais mollets. Avant c'était ce qu'on appelle l'hypodème, c'est les jambes poteaux. Donc j'ai été opérée. C'est une opération en post-opératoire, c'est très très douloureux. Maintenant je n'ai plus mal. Mais c'est une opération qui n'est pas prise en charge par la Sécurité sociale. Donc ça m'a coûté 2000 par jambe. 2000 euros par jambe.
- Speaker #0
Donc encore une fois, pas tout le monde peut se permettre malheureusement.
- Speaker #1
Oui, clairement. Après, il faut savoir qu'en Allemagne, c'est mieux pris en charge par exemple. Le lipoédème, en fait, plein de femmes en souffrent. Et dans la rue, maintenant, je sais les repérer entre guillemets. Il y en a vraiment beaucoup, beaucoup.
- Speaker #0
Et tu penses que le fait d'avoir toi-même connu l'errance médicale, ça t'a rendu encore... plus solidaire de ces femmes qui sont victimes d'endométriose,
- Speaker #1
qui souffrent d'endométriose. L'endométriose, le lipodème, c'est vraiment deux choses. C'est différent, mais c'est quand même... Oui, parce que l'errance médicale, je l'ai connue, je n'allais pas en mourir de mon lipodème et d'avoir mal tout le temps, en fait, et surtout pendant les périodes de forte chaleur. C'est insupportable, en fait, parce que c'est tout le temps là, en fait. Vous travaillez, c'est là, vous vous levez le matin, vous avez mal. C'est insupportable. Donc forcément, oui, je suis une femme et j'ai souffert de l'hypodème. Donc on a un regard différent, en fait, sur les maladies féminines. Oui,
- Speaker #0
bien sûr. Et dans le cas de l'endométriose, quand le diagnostic est enfin posé, comme tu prends le soin de définir ce qu'est une maladie chronique et donc le fait que c'est une maladie pour laquelle aujourd'hui il n'existe pas encore de traitement, donc une maladie qu'on va devoir apprendre à dompter et vivre avec. Comment tu expliques que, malgré cette finalement mauvaise nouvelle, les femmes se sentent toutes soulagées une fois qu'on pose le diagnostic ? Est-ce que c'est important de se sentir reconnue comme malade ?
- Speaker #1
Ça légitime leur douleur, en fait. Auparavant, elles ont suffisamment entendu que c'était dans leur tête. Non, ce n'était pas dans leur tête. Elles souffraient vraiment de quelque chose. donc c'est important en fait. Et moi pareil, pour mon lipo-œdème, j'en avais assez d'entendre que j'avais les mêmes jambes que ma mère et que mon arrière-grand-mère. C'est pas un diagnostic en fait, c'est pas sérieux. On me proposait de porter des bas de contention toute ma vie en fait, pour me soulager. Donc merci, je suis allée jusqu'à l'opération.
- Speaker #0
Et puis je rebondis sur ce que tu dis qui est intéressant par rapport au fait qu'on dise que c'était ce qu'avaient aussi ta mère et ta grand-mère. Parce qu'en fait, finalement, ce qui est derrière ce genre de discours qui peut sembler anodin pour les professionnels de santé, et c'est un petit peu, dès qu'on touche par exemple à tout ce qui concerne l'accouchement, le postpartum, etc. Le fait de dire aux femmes que les autres femmes ont vécu ça depuis tout le temps. En fait, l'idée derrière ça, c'est quand même de nous réduire au silence.
- Speaker #1
Ah oui ?
- Speaker #0
Et de nous dire, en fait, toi, ma petite, t'es bien douillette. Regarde, ta mère, ta grand-mère, elles avaient ça. Puis elle faisait ci, ça, ça, ça, ça. Donc en gros, toi, tu devais t'arrêter d'investiguer et accepter la situation et ton sort finalement. Et dès que les femmes essaient de parler d'un sujet qui touche à leur corps, à la douleur, finalement, j'ai l'impression qu'on essaie tout le temps de les réduire au silence.
- Speaker #1
Oui, et puis il y a aussi, je pense au lipo-œdème. Clairement, j'ai fait face à des professionnels de santé qui ne maîtrisaient pas cette problématique-là. C'est ce que m'a dit l'angiologue qui a posé le diagnostic. Il m'a dit, oui, c'est pas très connu. Ok. Mais on a droit de s'y intéresser, en fait. Oui. Et sur l'endométriose, c'est la même chose. L'endométriose n'est enseignée en faculté de médecine que depuis 2020. Oui. 2020, c'est hier matin. C'est hier matin. Mais tu l'as dit, c'est les premiers symptômes, on en parlait sous l'Egypte antique. Oui, c'est ça. Donc voilà, le problème était là, mais faut-il s'y intéresser ? Dans EndoGirls, j'interview le docteur Eric Petit. Eric Petit s'intéresse à l'endométriose depuis plusieurs décennies. Lorsqu'il était interne... De garde aux urgences, en fait, il s'est interrogé pourquoi des femmes débarquaient aux urgences à 3h du mat' pliées en deux. Et en fait, certains médecins considéraient que c'était les folles de service qui débarquaient. Non, en fait. Et lui, il s'est interrogé, il a cherché à comprendre. Et c'est devenu l'un des grands spécialistes de l'endométriose en France, en termes de radiologie, de diagnostic.
- Speaker #0
Mais il met en lumière d'ailleurs dans le livre le fait que selon où on habite, la prise en charge n'est pas la même et qu'il y a des zones où la prise en charge est plus difficile. Oui. Et ça, il y a des solutions qui sont proposées à des femmes, par exemple, qui sont atteintes d'endométriose et qui habitent vers un désert médical ?
- Speaker #1
Pour rien de cacher, il nous est arrivé, donc là-dessus qu'est moi, on est bretonne, face à des femmes qui venaient en dédicace et qui nous disaient « je trouve personne » . qui avaient eu des expériences malheureuses, à s'entendre dire, c'est dans votre tête madame, on les orientait vers Paris en fait. Bon après il y a des professionnels qui sont très bien un peu partout en France, mais on leur disait, allez voir le docteur Petit, ça vous coûtera un billet de train, bon c'est un billet de train, ça coûte cher, mais au moins vous aurez un diagnostic, ça peut être compliqué. Et c'est pour ça qu'il y a 7 ans en moyenne d'errance médicale.
- Speaker #0
Et aussi parce que du coup, dedans, tu parles du fait que certaines femmes s'en rendent compte. Alors, je ne me rappelle plus du chiffre, mais c'est quand même important. Au moment où elles rencontrent des difficultés pour tomber enceinte et qu'en fait, le diagnostic est posé à ce moment-là. Et je trouve que ça en dit long sur le fait que finalement, la douleur des femmes n'est pas tellement prise en compte, mais qu'en revanche, dès lors que ça crée... des difficultés dans ce que la société attend de nous, à savoir procréer. Là, on va s'y intéresser et le diagnostic va être posé un peu plus rapidement.
- Speaker #1
Oui, après, pour une partie de ces femmes qui ont des problèmes de fertilité, toutes ne souffrent pas en fait. On va découvrir leur endométriose puisqu'elles ont des difficultés à concevoir. Elles ont une forme, on va dire, silencieuse. Elles ne souffrent pas. C'est vraiment leur gros symptôme à elles, leur gros problème. Ça va être l'infertilité. Elles veulent un bébé, elles n'y parviennent pas. C'est là qu'on va tirer la sonnette d'alarme.
- Speaker #0
Mais c'est vrai que tu vois, par exemple, je suis atteinte d'endométriose et du syndrome des ovaires polycystiques. Et du coup, les douleurs n'étaient pas tellement un signal d'alerte. À chaque fois que j'en parlais, on me parlait tout de suite des difficultés futures que j'allais rencontrer pour tomber enceinte. En disant que c'était normal d'avoir mal, mais sans proposer spécialement de solutions pour aider les crises ou quoi que ce soit, autres que celles qui sont...
- Speaker #1
Comme on disait, ce n'est pas normal d'avoir mal. Et donc, c'est tout à fait malheureux que tu aies entendu ça, en fait.
- Speaker #0
C'est pour ça que c'est hyper important qu'il y ait des autrices engagées comme toi et des illustratrices comme Violette Suquet pour s'emparer du sujet. Et marteler, en fait, dans l'esprit des gens pour que les jeunes filles ne s'entendent plus dire ça,
- Speaker #1
en fait. Et en fait, bon, c'est plus facile à dire qu'à faire. Mais lorsqu'on l'entend, il faut aller voir quelqu'un d'autre, en fait. Pas se limiter à un avis médical. Mais je sais que c'est pénible de cheminer de professionnel en professionnel. Mais il faut que la douleur des femmes soit entendue.
- Speaker #0
C'est sûr. Et toi, c'était le point de départ, c'était de la colère, finalement, qui t'a donné envie de t'emparer de ce sujet ?
- Speaker #1
Comme je t'expliquais, au début, c'était plus de l'étonnement de ne pas être au courant de cette maladie. Le chiffre officiel, c'est 10% des femmes en âge de procréer qui en souffrent. En interviewant le docteur Eric Petit, il me parlait plus d'entre 15 et 20%. C'est énorme, en fait. C'est pour ça que je suis tombée de ma chaise en me disant, mais c'est pas possible. Et en fait, de fait, on a tous dans notre entourage quelqu'un qui en souffre. Oui. Parce que si c'est 20% des femmes, on a forcément une collègue de travail, une cousine, une tata, une amie qui en souffre. Après, on est au courant ou pas, c'est elle qui choisit ou non d'en parler. Mais voilà, l'endométriose, de fait, on la côtoie en fait.
- Speaker #0
Oui. Et aussi, alors là, c'est seulement de mon expérience personnelle dont il s'agit. mais autour de moi, il y en a aussi beaucoup des femmes qui sont atteintes et on a tous eu un petit peu le même diagnostic. En fait, c'est difficile de mesurer l'ampleur des lésions d'endométriose avant d'avoir procédé à l'opération. Et parfois, on a l'impression à l'échographie endovaginale qu'il n'y a pas tellement de lésions. Et en fait, quand on opère, on se rend compte qu'il y en a beaucoup plus que ce qu'on pensait et qu'il faut enlever beaucoup plus que ce qu'on pensait. Donc en fait, le diagnostic est difficile à vraiment poser. Oui,
- Speaker #1
après, ce qui est expliqué dans le livre, c'est que parfois, tu vas avoir des femmes qui ont beaucoup de lésions et elles ne souffrent pas beaucoup. Et d'autres n'en ont pas beaucoup et souffrent beaucoup. Il n'y a pas forcément de rapport entre les douleurs et les lésions. Mais effectivement, assez souvent, lors de l'opération, les médecins vont découvrir l'étendue du problème. Et ce qui n'aurait pas été vu forcément à l'imagerie.
- Speaker #0
Et aussi, forcément, comme c'est une maladie dont les médecins s'emparent depuis pas très longtemps, puisque tu l'as dit, c'est que depuis 2020 qu'elle est proposée à l'étude dans le cadre des études de médecine. Et donc, comme toutes les maladies dites un peu nouvelles, je mets des guillemets, parce que comme on le dit dans le livre, elle existe, elle existe elle depuis toujours, mais en tout cas auxquelles les professionnels s'intéressent depuis peu de temps. Du coup, il y a... pratiquement autant d'avis que de professionnels de santé. Quant à la prise en charge de la maladie, tu as des médecins qui vont être pro-opération, d'autres pas, etc. Et par exemple, après, chaque diagnostic est différent. Mais on ne va pas toujours, quand on compare des choses que des gynécos nous disent à nous avec d'autres personnes atteintes, on nous dit vraiment parfois l'opposé.
- Speaker #1
Oui, c'est pour ça que j'ai envie de dire euh À toutes les femmes de s'orienter vers des professionnels qui sont répertoriés comme spécialisés. Sur l'endométriose, les associations de patientes peuvent orienter. Il y a aussi des filières spécialisées qui se mettent en place. Donc vraiment se diriger vers les ressources qui existent, tant les filières que les associations, pour avoir la vie le plus pertinent possible.
- Speaker #0
Aussi, ce que tu dis, c'est que pour certaines femmes, la douleur est telle et c'est tellement handicapant dans leur vie quotidienne qu'elles arrivent même à se faire reconnaître comme ayant un handicap invisible. Oui,
- Speaker #1
oui, oui. On en parlait tout à l'heure. La médecine du travail peut aider à ce que l'impact de l'endométrio soit minoré au travail, en fait, en adaptant le poste de travail avec du télétravail. C'est pour ça, encore une fois, ne pas hésiter à se tourner vers la médecine du travail pour une prise en charge. Oui,
- Speaker #0
et ça me fait penser un petit peu à ce que tu dis. J'ai l'impression que les femmes ont aussi toujours ce besoin d'en faire beaucoup. Et on nous a toujours appris, tu sais, à être fortes, à ne pas parler de nos douleurs, etc. Et je pense que c'est pour ça que le chemin est aussi long à parcourir pour justement réussir à faire entendre nos droits. Sur ce plan-là, dans le monde professionnel. Oui,
- Speaker #1
ce que tu dis est tout à fait vrai. Mais aussi, on n'est pas forcément au courant de ce qui existe. Tu n'es pas concernée, tu ne t'y intéresses pas. Mais encore une fois, il y a des dispositifs qui sont mis en place.
- Speaker #0
Oui. Et toi, c'est aussi pour ça, ça te tient à cœur de réussir à informer le plus grand nombre sur leurs droits, sur les possibilités qu'elles ont pour adoucir leur vie ?
- Speaker #1
Oui, oui, oui. Je suis journaliste. J'ai envie d'informer. Il y a des dispositifs qui existent, donc autant s'en saisir. Et si notre travail sous forme dessinée à Violette Sucay et à moi permet ça, c'est formidable. Oui, complètement.
- Speaker #0
Et tu n'avais pas envie de le faire sur le lipodème ?
- Speaker #1
Ça pourrait arriver. Oui, franchement, il y a de quoi faire.
- Speaker #0
Il y a vraiment de quoi faire ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
il y a vraiment de quoi faire et on est à l'aube j'ai l'impression où les gens commencent de plus en plus à en parler parce que comme toi les gens on leur a répété toute leur vie que c'était leur morphologie oui on en parle de plus en plus et notamment sur les réseaux sociaux enfin c'est
- Speaker #1
Pareil pour l'endométriose, pour le deuil périnatal. On critique beaucoup les réseaux sociaux. Il y a souvent de grosses bêtises sur les réseaux sociaux. Mais il y a aussi un côté positif parce que moi, c'est clairement grâce à Instagram que j'ai pu être orientée vers le bon médecin qui a posé le diagnostic.
- Speaker #0
Grâce à des groupes de parole, par exemple.
- Speaker #1
Et des personnes ressources, en fait. Et comme je te disais, je couche chez toutes les cases. Je ne suis pas médecin, mais je me disais, bon, je coche vraiment toutes les cases. Et c'est en discutant avec des personnes ressources sur Instagram que j'ai pu être orientée vers le médecin.
- Speaker #0
qui a mis fin à cette errance diagnostique.
- Speaker #1
Et ce que je te disais juste avant aussi, c'est que souvent dans les représentations des dessins de Violette Suquet, du coup dans la partie bande dessinée qui représente des mises en situation, souvent le personnel médical qui est en charge de dire mais c'est normal d'avoir mal, etc. C'est souvent des hommes qui en plus ne peuvent pas savoir ce qui se passe dans notre corps, etc. et vont un petit peu nous expliquer ce qu'on ressent ou ce qu'on devrait ressentir. Est-ce que ça, c'est quelque chose que les personnes atteintes de la maladie ont pu constater ? Ou bien tu dirais que non, et que les professionnels de la santé ne prennent pas en compte la douleur des femmes de manière générale, peu importe qu'il s'agisse de femmes ou d'hommes ?
- Speaker #0
Je pense que c'est peu importe. Là, voilà, si ce sont des hommes, c'est pas le hasard, mais c'est les situations qu'on m'a rapportées...
- Speaker #1
Qui ont été retranscrites.
- Speaker #0
Voilà. Là, je pense qu'il n'y a pas de sexisme.
- Speaker #1
Oui, c'est la santé des femmes qui n'est pas prise en compte.
- Speaker #0
Oui, je pense de manière globale.
- Speaker #1
De manière globale. Et qu'est-ce que tu souhaites voir évoluer, toi, à l'échelle de la société ?
- Speaker #0
Une meilleure formation des professionnels de santé. On le disait, c'est enseigner en faculté de médecine depuis 2020. Après, il ne s'agit que de quelques heures. de formation. L'endométriose, c'est une maladie très complexe, avec des symptômes différents. Les associations de patients disent souvent qu'il y a une endométriose par femme, parce que toutes n'ont pas les mêmes symptômes, la même intensité. Donc clairement, quelques heures, ce n'est pas suffisant. Ça permet de sensibiliser, de rappeler que c'est une vraie maladie. Donc voilà, je pense que la formation est encore à améliorer. Il faut que les adolescentes en entendent... Parler. Parler. Bon, ça s'améliore petit à petit. C'est-à-dire lors des visites médicales, les médecins sont censés leur poser des questions sur les douleurs. C'est une nouveauté qui date d'il y a quelques mois. Dans les nouveaux carnets de santé, il y a un questionnaire, en fait, qui permet d'interroger une adolescente sur d'éventuelles douleurs. Voilà, ça va de mieux en mieux. Mais on n'y est pas encore. Je pense qu'une des clés du problème, c'est la formation. Il faut que celle-ci soit améliorée. Il y a aussi le problème de la recherche. C'est deux clés hyper importantes.
- Speaker #1
Oui, et tu en parles aussi dans le livre avec Martin Winclair, à un moment justement du fait que finalement, on dit tout le temps quand on ne sait pas, que les médecins disent tout le temps, c'est dans la tête, etc. Son postulat à lui, c'est de dire qu'en fait, c'est un petit peu du mépris de classe. Et qu'il y a le côté où le médecin se place en sachant ultime et finalement ne veut pas écouter tes mots, part déjà avec son idée préconçue, à savoir que tu es stressé, que c'est dans ta tête, etc. Et peut-être que là-dessus, il y a quelque chose à changer aussi.
- Speaker #0
Bah oui, complètement. Pour revenir à mon lipoédème, j'ai eu face à moi des médecins qui n'arrivaient pas à poser un diagnostic. Moi, je ne suis pas médecin, mais je Ausha vraiment toutes les cases. J'avais beau leur dire, est-ce que ce n'est pas de l'hypo-édème ? Ils n'étaient pas capables de me le dire. Et à ce moment-là, je sentais qu'ils devenaient un peu agressifs. Mais j'avais clairement face à moi des gens qui ne pouvaient pas poser un diagnostic. Ça a été une situation tout autre quand j'ai rencontré le médecin qui l'a posé justement ce diagnostic. Il y a eu de l'écoute et franchement, les 20 minutes de questionnaire, ça fait du bien en fait.
- Speaker #1
On s'en comprit. Oui,
- Speaker #0
et là, ça m'a confirmé que je Ausha vraiment toutes les cases parce que les questions qu'ils me posaient, c'était mon quotidien en fait. Oui.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qu'on pourrait faire pour accompagner correctement une proche qui vit avec ce handicap invisible et pour être finalement une bonne alliée dans le quotidien ? Quelles sont les choses qu'on pourrait conseiller aux gens ?
- Speaker #0
de ne pas se limiter à un avis insupportable. C'est-à-dire, c'est dans votre tête, madame, d'inciter ses proches à poursuivre... Leur chemin, en fait, est d'écouter ce qu'elles ont à dire, d'écouter leur douleur.
- Speaker #1
Le point principal, qui sera le mot de la fin, c'est vraiment de toujours partir du principe qu'avoir mal, ce n'est pas normal.
- Speaker #0
Oui, clairement.
- Speaker #1
Quand vous avez mal, écoutez-vous et allez frapper aux portes jusqu'à trouver quelqu'un qui entende et accueille votre douleur. Merci beaucoup, Nathalie.
- Speaker #0
Merci à toi.
- Speaker #1
D'être venue pour parler de cet ouvrage ô combien utile. Je rappelle que... En ce moment, c'est ton deuxième livre aussi qui fait l'actualité avec Bercelle Silence. Tout à fait. Donc vraiment, merci beaucoup de t'emparer comme ça de sujets qui sont tellement importants pour la santé des femmes, qu'elles soient physiques, mentales. Et j'espère, je me réjouis déjà du troisième. Tellement à chaque fois, tu t'empares de sujets importants.
- Speaker #0
Merci à toi.
- Speaker #1
À bientôt. Voilà, le moment est venu de se quitter. J'espère que vous avez apprécié cet épisode. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir un nouvel invité, un nouveau parcours et se faire embarquer dans un nouveau virage. En attendant, prenez soin de vous et bonne semaine !