- Speaker #0
Bonjour, je m'appelle Pauline Maria, bienvenue dans Virage. Le podcast est sur la vie et ses tournants qui nous font rire, parfois pleurer, mais qui toujours nous inspirent. Je suis ravie de vous accueillir dans cette quatrième saison de Virage, qui promet d'être riche d'invités incroyables. Si vous voulez ne rien rater et soutenir ce podcast, je vous invite à vous abonner sur votre plateforme d'écoute. Et pour venir avec moi en coulisses, vous pouvez me suivre sur Instagram, pauline-du-bas-virage, et sur TikTok, virage.podcast.
- Speaker #1
Je vous laisse avec l'invité du jour et je vous souhaite une très bonne écoute.
- Speaker #0
Bonjour Émilie.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Comment ça va ?
- Speaker #1
Ben écoute, ça va bien. Petit séjour parisien, donc c'est assez agréable. Je suis très contente de te rencontrer.
- Speaker #0
Moi aussi, je suis super contente. Super contente aussi qu'on puisse le faire en face à face. Je trouve ça toujours beaucoup plus chaleureux, beaucoup plus agréable. Puisqu'on va parler d'un sujet qui touche à ton histoire, qui touche vraiment à ton cœur et à qui tu es. Un sujet qui est... Je le trouve très inspirant et j'adore raconter ce genre d'histoire à mon micro. Puisqu'alors que ta route semblait toute tracée, que tu avais envie de t'orienter dans une voie qui faisait plaisir finalement à beaucoup de gens sauf à toi.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Que tu avais envie de n'inquiéter personne, de contenter tout le monde et de devenir professeur des écoles. Que tu passais en même temps un concours. Alors là, tu vas me rappeler le concours que tu passais à ce moment-là.
- Speaker #1
J'étais un double niveau, je faisais la science de l'éducation et je faisais aussi un peu de musique à côté. Je ne savais pas si je faisais un stit ou si je faisais plutôt intervenante musicale ou si je travaillais avec des enfants handicapés. Il y avait un éventail de choses, mais surtout une envie d'essayer de rentrer dans les cases.
- Speaker #0
Et un jour ? Ta vie a basculé puisque tu as eu un accident. Tu t'es fracturée plusieurs vertèbres.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Tu t'es retrouvée forcément entre les soins et alitée pendant un moment.
- Speaker #1
Avec un corset pendant plusieurs mois, sans la possibilité de m'asseoir. Et donc arrêt de tout ce que j'avais entrepris. Voilà. Avec interdiction d'enlever le corset pendant plusieurs mois.
- Speaker #0
Et cette douleur ? Tu l'as transformé en quelque chose d'extrêmement positif, tu as tiré de la lumière de cette période assez sombre et noire, puisque tu as décidé que c'était l'heure d'enfin t'écouter. Peut-être que tu as compris quelque part que la vie était courte, et tu es aujourd'hui artiste, peintre, également tu fais des sculptures, on va rentrer dans les détails. Mais est-ce que tu peux me parler de l'Émilie que tu étais avant cet accident, et d'où te venait cette envie de contenter tes proches ? S'il te plaît.
- Speaker #1
En fait, moi je pense que j'ai toujours eu ce côté un peu... Je ne sais pas comment expliquer, mais j'avais vraiment plein de magie en moi, plein de choses qui me faisaient toujours dire, mais j'avais l'impression de ne pas être comme les autres. Mais je voulais vraiment ne pas inquiéter, parce que j'ai eu une scolarité qui était un peu compliquée, même si j'ai réussi à avoir une licence de psychologie, mais ce n'était pas sans effort. Toujours plutôt en train de me dire comment je pourrais fuir l'école. Et puis, finalement, en fait, j'ai essayé de me dire, tiens, pourquoi pas enseigner à ce moment-là, changer du coup de vision et aider justement à ce que l'école soit beaucoup plus léger, beaucoup plus... Et puis finalement, ce n'est pas ce qui est arrivé. Je pense que...
- Speaker #0
Parce que j'allais dire, c'est marrant pour quelqu'un qui est cherché à aller à l'école. Oui, c'est ça. Il passait sa carrière à ce moment-là. Oui,
- Speaker #1
mais je me disais peut-être que je pourrais faire un truc un peu plus fun.
- Speaker #0
Ouais, insuffler quelque chose. Exactement. Les élèves. Oui,
- Speaker #1
parce que franchement, je pense qu'il y a quand même beaucoup de choses qui, selon l'enseignant, selon... Je ne voyais pas l'école de la même façon.
- Speaker #0
Complètement. On peut décrocher d'une matière parce que l'enseignant ne se met pas assez à notre niveau ou quoi que ce soit. Ou les manières d'enseigner sont très différentes en fait.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Autour de toi, est-ce que tu ressentais qu'il y avait une certaine pression sur tes épaules ? qu'on attendait de toi d'avoir justement ce chemin conventionnel et un peu tout tracé ?
- Speaker #1
Moi, j'ai eu l'impression depuis toute petite, depuis l'école, de devoir satisfaire, avoir quelque chose de sûr. Je ne sais pas pourquoi cette impression, alors peut-être que c'est moi toute seule qui ai eu ce sentiment-là, mais d'entendre à chaque fois à l'école que je pouvais me faire, que je pouvais parler une porte, parce que j'étais pleine de joie et très bavarde. Et que je n'écoutais pas, en fait, je n'écoutais pas, parce que moi, dans ma tête, il y avait des fleurs, des oiseaux, des histoires, il n'y avait pas le théorème de Pythagore, il n'y avait pas tout ça, je ne comprenais pas, en fait, je n'avais pas le but, je me disais... Je leur disais, mais expliquez-moi pourquoi.
- Speaker #0
À quoi ça va me servir ?
- Speaker #1
À quoi ça va me servir, mais vraiment. Donc c'est pour ça que j'ai vraiment eu cette sensation de...
- Speaker #0
Et est-ce que ça pouvait créer des conflits avec tes parents, par exemple, le fait de ne pas être suffisamment venable ?
- Speaker #1
J'en ai signé en douce des zéros sur 20 en maths. Et j'en ai fait, oui, oui, bien sûr que ça a créé des conflits, parce que moi j'entendais toujours... Qu'est-ce qu'on va faire de toi ? Même si c'était bienveillant maintenant, je le comprends. Et je ne leur en veux pas. Mais pour moi, c'était vraiment... J'étais vraiment pas dedans, quoi.
- Speaker #0
Et tu avais cette peur de décevoir, par exemple, tes parents ou ton courage familial ?
- Speaker #1
Je pense, mais en même temps, ce qui m'inquiétait le plus, c'était de me dire, mais qu'est-ce que je vais faire de moi ? Mais moi aussi, je me disais, mais pourquoi j'ai l'impression de ne pas être faite pour cette vie, quoi ? De me dire, mais enfin, pourquoi les autres y arrivent ? De se sentir différente, mais de ne pas savoir quoi en faire. Vraiment.
- Speaker #0
Et quand tu trouves ta voie, enfin, que tu penses avoir trouvé ta voie, et que tu te diriges vers l'éducation nationale, ou le fait d'enseigner à des enfants porteurs de handicap, est-ce que cette nouvelle est bien accueillie ? Est-ce que tu as l'impression que ta famille se dit, « Ah, enfin, elle est rentrée dans les rangs, on n'a plus à s'inquiéter. » Et est-ce que toi, du coup, en transfert, ça te fait du bien ? D'avoir l'impression que, enfin, je mets des guillemets quand je le dis pour les personnes qui nous écoutent simplement, tu sais ce que tu vas faire de toi.
- Speaker #1
En fait, je pense que c'est même pas... Là, c'était plus en rapport avec ma famille, c'était plus moi, comment j'allais gagner ma vie, comment j'allais gagner mon indépendance et comment j'allais me dire, là, ça va être chouette, mais je me mentais. Je me mentais complètement parce qu'en fait, je me souviens très bien de ce jour-là où je me suis dit que j'allais faire un site. Professeur des écoles, plutôt. Je me souviens très bien qu'en fait, au fond, en fait, quand on a une vraie intuition, je sais pas, moi j'ai pas la même sensation quand je sens que c'est vraiment ta voix. Sincère, et ma voix. Alors je me disais, ça, ça peut être quelque chose de pas mal. C'était un degré d'intuition, en gros. Là, je me disais, ah si, c'est quand même une intuition qui est pas mal. Je suivais ce chemin en me disant que ça allait être pas mal, mais je savais bien, au fond, que c'était toujours pas vraiment ça, quand même.
- Speaker #0
Et l'art ? L'art t'accompagne depuis que tu es toute petite, tu as toujours créé ?
- Speaker #1
Non, pas du tout. Alors vraiment, si, enfin je dessinais beaucoup, ça, ça me faisait vraiment du bien. Mais on n'est pas, il n'y a pas d'art dans la famille, enfin il n'y a pas de collectionneurs, il n'y a pas, il y a de l'art, mais c'était plutôt couture, voilà. Ça oui, ma famille est assez artistique de ce côté-là, mais pas du tout en peinture.
- Speaker #0
Ok, mais toi tu as toujours en tout cas dessiné, peint ?
- Speaker #1
Ah oui, oui, en fait, ouais, j'ai toujours eu cette sensation de bien-être. quand je dessinais, ça c'est sûr.
- Speaker #0
Mais tu t'étais jamais autorisée à te dire peut-être que ça pourrait être mon métier ? Ah ben non,
- Speaker #1
jamais. Si on m'avait dit tu vas devenir artiste peintre et tu vas gagner ta vie avec tes œuvres, jamais une seconde j'aurais pensé que ça puisse être ça.
- Speaker #0
Que ça puisse t'arriver ?
- Speaker #1
Ah oui, non, vraiment pas.
- Speaker #0
Et cet accident vient changer un petit peu la donne ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Comment ça t'est arrivé ?
- Speaker #1
Eh ben, ça m'est arrivé en fait, c'était vraiment... J'étais sur une fenêtre de moins d'un mètre et je suis tombée à la reverse, en V, et ça a fracturé deux vertèbres. Ce n'était pas très haut, mais suffisant pour m'envoyer un bon message de « Tiens, au fait, tu en es où ? »
- Speaker #0
Est-ce que tu as eu peur à un moment de rester handicapée ?
- Speaker #1
Eh bien non, je n'ai eu aucun doute de ça. Moi, je ne pensais vraiment pas que j'avais quelque chose. Et c'est quand je suis arrivée au niveau du scanner qu'ils m'ont dit « Là, vous n'allez plus bouger, on va vous mettre sur une planche. » venir vous faire un corset sur mesure. Vous êtes à un millimètre de la moelle épinière, vous auriez pu être handicapé. Je leur ai dit, non, mais vous rigolez, c'est impossible.
- Speaker #0
Parce que t'as réussi à te lever ?
- Speaker #1
Ah bah non, parce que j'ai, absolument, j'ai fait pire. J'ai jamais voulu qu'on m'emmène en ambulance. Donc je suis partie en voiture, le médecin est venu, il voulait que je... Ils ont jamais réussi à m'emmener en ambulance. Et du coup, je suis partie et je me suis retrouvée, oui, j'ai marché. Alors que je le sentais plus, mais c'était une bonne bêtise quand même.
- Speaker #0
Mais la souffrance était soutenable.
- Speaker #1
Alors moi, j'ai un seuil de tolérance qui est beaucoup trop haut. Donc effectivement, oui, ça fait très très mal. Mais après, ils m'ont expliqué aussi avec du recul que quand les muscles sont chauds et quand il y a une fracture, sur le coup, on sent moins la douleur quand même. C'est quand le corps se repose que là, on commence à avoir vraiment les premiers signes de la douleur beaucoup plus forte. Et effectivement, quand même, quand je suis restée un petit peu allongée. Ça a commencé à bien se réveiller.
- Speaker #0
Et donc tu te retrouves allongée avec un corset qui est créé sur mesure. Tu dois mettre tous tes projets en stand-by.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Tu ne tiens plus assise, tu dois rester allongée et alliquée pendant une durée qui est longue. Pendant combien de temps ?
- Speaker #1
Alors je ne me rappelle plus trop, mais il me semble que c'est au moins quatre mois. Ça c'était vraiment une possibilité. Je suis entrée en ambulance. Quand j'avais des visites de contrôle, c'était en ambulance. J'avais pas le droit de me laver seule. Voilà, c'était une période qui était assez troublante.
- Speaker #0
Et à quel moment cet événement commence à te faire réfléchir sur la vie que tu t'apprêtes à mener et sur celle que tu aimerais mener ?
- Speaker #1
Je dirais que c'est vraiment quand j'ai commencé à dessiner dans cette période, où là je me suis dit, mais en fait, tu sais peindre. Tu sais dessiner. Et petit à petit, je me suis dit, mais c'est vrai que les gens, enfin certaines personnes quand même, sont artistes et en vivent. Et ça a commencé un peu à cogiter. Et puis surtout, je me suis dit, mais quel est le message de fond ? Pourquoi tu vis ça ? Qu'est-ce que tu vas en faire ? Alors, la seule bonne chose qui est arrivée, enfin c'était vraiment super, c'est que du coup, je ne voulais pas d'infirmière. Parce que voilà, toujours le truc de ne pas vouloir déranger, ça s'est calmé, ça, ça va mieux maintenant. Et du coup, c'est ma grand-mère qui est venue. Donc, pour moi, c'était absolument formidable. Parce que ma grand-mère, pour moi, c'était comme une deuxième maman. Et donc, c'est elle qui m'occupait de... Qui s'occupait de toi. Qui s'occupait de moi. Et il se trouve qu'elle était très drôle. Et qu'elle m'a apporté beaucoup de douceur. Enfin, de toute façon, ce côté doux chez moi, je sais d'où il vient. Et cette période-là, en fait, elle a été comme un moment suspendu. Du coup, j'avais tous ces moments avec ma grand-mère. Parce que j'étais obligée de marcher, par contre, pendant au moins une heure. par jour avec le corset. Du coup, ma grand-mère m'emmenait et on marchait toutes les deux, on parlait beaucoup et de là, je me suis dit, tiens, tu as quand même cette période-là de vraie remise en question. Qu'est-ce que tu veux ? Qu'est-ce que tu veux plus ? Qu'est-ce que tu aimes ? Qu'est-ce que tu n'aimes pas ?
- Speaker #0
Et tu as osé en parler à ta grand-mère ? De la remise en question ?
- Speaker #1
Non, même pas.
- Speaker #0
Tu l'as gardée pour toi ? Tu n'as pas commencé à en parler ? Est-ce que tu avais peur qu'on te vole ce rêve ? Tu sais que quelqu'un... mettre un projecteur un peu négatif dessus parce que il faut le dire, ça peut faire peur à l'entourage d'aller vers une voie artistique parce que c'est toujours un terrain qui est forcément moins certain. Enfin, je veux dire, quand tu es professeure des écoles,
- Speaker #1
c'est rassurant.
- Speaker #0
On sait que t'as ton salaire qui va tomber tous les mois. Il y a un côté un petit peu de sécurité.
- Speaker #1
Alors, en fait, j'ai attendu. un long moment quand même avant de... C'est quand j'ai commencé à vendre mes premières œuvres. En même temps, c'était pas si long que ça, mais voilà.
- Speaker #0
T'avais ta bonne étoile avec toi, en fait, quand t'as décidé, t'as rapidement, t'as pas connu les années de galère ou...
- Speaker #1
Pas du tout. En fait, j'ai eu le culot, surtout, je crois. Si on peut appeler ça comme ça, c'est que j'ai fini une série de peintures avec mon corset et en fait, j'ai contacté des galeries et... Et quand j'ai réussi à me sortir de toute cette période de rééducation, j'ai démarché, j'ai pris mes rendez-vous chez des galeries. La première galerie m'a demandé de prendre, elle pensait qu'il y avait quelque chose, un potentiel, mais de prendre plutôt des cours de peinture. Du coup, j'avais le rendez-vous derrière d'une autre galerie. Et je me suis dit, en fait, bon, tant pis, je ne vais pas y aller. De toute façon, il ne se passera rien derrière. Et puis, une petite voix qui m'a dit, en même temps, tu es là, c'est dans pas longtemps, vas-y quand même. Et la deuxième galerie... Il m'a dit absolument aucun cours de peinture, c'est magnifique ce que vous faites, nous on aime beaucoup et on va vous soutenir, on va vous faire aussi une expo à l'international en jeunes talents. C'est comme si le chemin s'était ouvert, c'est pour ça que je dis que c'était un merveilleux malheur parce que de cette période-là, je ne me rappelle pas de... Bien sûr que ça fait mal de se casser le dos, bien sûr que c'était long et puis qu'il y a des séquelles qui ne sont pas fortes, mais quand même il y en a et ce n'est pas rien. et C'est que je ne peux plus vraiment me baisser complètement. Mais après, il faut que je sois quand même vigilante. Mais ça ne m'handicappe pas. Et je ne sais pas si c'est lié à cette période. Mais du coup, pour moi, même si je ne sais même plus, on m'avait donné un pourcentage d'invalidité, je ne le connais même pas parce que ça m'intéresse. Je ne sais pas comment expliquer.
- Speaker #0
Ça ne te définit pas.
- Speaker #1
Ah non, ça ne me définit pas. ça me... tellement eu ce moment où vraiment j'ai senti que je devenais moi-même. Tellement de questionnements avant de savoir ce que j'allais faire, comment j'allais m'en sortir, pourquoi on me disait que c'était jamais assez bien, que les notes c'était important, que... Là je me suis dit, ah ok, là tu peux, en fait tu vas dessiner, tu vas peindre, et tu vas gagner ta vie en étant toi-même à 100%. Et je me suis dit, là c'est tellement magique, c'était tellement un cadeau.
- Speaker #0
Donc tu commences à exposer dans cette galerie, à exposer à l'international.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Et très vite, ça prend ?
- Speaker #1
Oui, en fait, c'était marrant, c'était graduel. C'est plein de collaborations différentes. Après, c'est du travail, évidemment. On ne peut pas nier le fait qu'il faut vraiment être assidu. Et on a peut-être une image de l'artiste qui est dans son atelier en permanence et qui ne fait que peindre. Mais ce n'est pas la réalité. Il y a vraiment du travail, il y a des projets à monter. et c'est... Mais je me sens toujours très chanceuse quand même.
- Speaker #0
Surtout que ce que tu disais, c'était que les projets ne se ressemblent absolument pas. Parfois, on peut te faire une commande, par exemple, un restaurant qui veut que tu peignes les assiettes, ou certaines sculptures, ou au contraire, un endroit qui va être un petit peu personnalisé avec des tableaux. Et donc, j'imagine que tu dois aussi souvent te mettre à niveau, te former pour pouvoir... Avoir de la technique, notamment pour la céramique, j'imagine que tu as dû apprendre à le faire.
- Speaker #1
Ça par contre, j'avoue que la céramique, il y a un moment où il faut quand même se former. Mais j'ai toujours ce... Je ne sais pas comment expliquer. C'est plus facile d'apprendre seule que d'apprendre... J'ai besoin de regarder des techniques, des livres de techniques, tout ça, ça c'est sûr. Mais en fait, j'ai toujours cette sensation d'avoir déjà fait ça avant. Je ne sais pas comment expliquer. C'est des gestes un peu automatiques. Et c'est assez surprenant parce que c'est un mec que je n'ai jamais fait. Et par contre, j'ai fait quand j'avais une grosse commande pour la ville de Faisun. Je m'étais liée avec une céramiste que j'aime beaucoup et qui est devenue une amie, qui m'a quand même guidée, parce que là, c'était une sculpture de combien de mesure ? Je pense à 1m50. Donc voilà, il faut apprendre à cuire, il faut savoir biscuiter, les maillages, tout ça, c'est...
- Speaker #0
Ça s'apprend.
- Speaker #1
Ça s'apprend.
- Speaker #0
Et ça fait partie de toi et de ce que tu as envie de faire en tant qu'artiste, de justement avoir un univers. qui est vraiment singulier, mais de pouvoir lui donner vie sous plusieurs supports, qu'il y ait, par exemple, tu m'as montré un vase magnifique, ou des beaux tableaux. On reconnaît ta patte, mais tu vois, c'est très différent comme support. Est-ce que c'est important pour toi de ne pas t'enfermer dans un seul support ?
- Speaker #1
Et bien alors, je crois que ce qui est important pour moi, c'est de m'enfermer dans rien et que c'est comme ça du coup que ça sort. Comme je te disais tout à l'heure, parfois c'est la nuit, je visualise, je le vois et ça me réveille. Je me dis ok, là, ça serait super de faire ce vase-là ou cette peinture-là. Mais je n'ai pas cherché à me diversifier, ça s'est fait tout seul en fait.
- Speaker #0
Parfois, tu crées avant d'avoir une commande.
- Speaker #1
Ah oui, oui. Parfois, je crée avant d'avoir une commande et c'est un besoin. Je me dis ah ok, là... j'ai envie de faire ça, je vais faire ça, je sais pas pourquoi je le fais je sais pas vraiment et l'idée que j'ai dans ma tête se transforme aussi parfois et j'ai envie de dire c'est ok.
- Speaker #0
Et quand tu as cette urgence de créer en général c'est plutôt de la peinture, de la céramique ?
- Speaker #1
Alors quand je suis vraiment dans l'urgence c'est plutôt la peinture quand même et le dessin parce que il n'y a pas de besoin de préparation la céramique il faut quand même avoir son matériel bien prêt, il faut taper la terre, il faut... Alors qu'une peinture, on prend une toile, on prend les pinceaux et on y va. On peut libérer tout de suite des choses.
- Speaker #0
Et tu es fière de toi quand tu vois que tu arrives à vivre de ta passion et que tu as suivi ton intuition parce qu'il faut beaucoup de courage pour avoir su t'écouter et bifurquer comme ça alors que c'était ta crainte de ne pas réussir à être indépendante.
- Speaker #1
Ah bah c'est sûr.
- Speaker #0
Ça n'a pas dû être facile ? Non, non,
- Speaker #1
ce n'est pas facile. Et puis, on ne peut pas dire que c'est un long fleuve tranquille, pas du tout. Mais est-ce que je suis fière de moi ? Je crois que oui. Je me dis que ça fait quand même 20 ans et que c'est beaucoup d'efforts parfois. Et je crois qu'on peut dire ça. Allez, on va le dire.
- Speaker #0
Et tu es maman aujourd'hui. Oui. Tu as deux fils.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Est-ce que tu penses que d'avoir vécu cet accident qui t'a complètement transformée, Et d'avoir eu ce parcours de vie un petit peu atypique, où tu as essayé de rentrer dans un moule avant de finalement t'autoriser à être toi. Est-ce que tu penses que ça t'a influencé dans ta manière d'être mère ? Notamment, par exemple, parce que tes enfants sont plus grands, donc tu les as déjà accompagnés dans leurs études. Est-ce que tu penses que ça t'a marqué dans ta manière de les accompagner, dans leur aspect scolaire, justement ?
- Speaker #1
Oh oui, je pense que ça m'a vraiment marquée. et d'ailleurs On a la relève, mon grand qui est complètement atypique dans sa façon de vivre sa scolarité. Alors, je ne sais pas vers quoi il va se diriger, mais du coup, je n'ai pas pris la même façon d'aborder qui il est. Moi, ce qui m'intéresse, c'est son bien-être. Du coup, là, il est en parcours CNED, donc il fait ses études via le CNED, parce que pour lui, ça a toujours été compliqué, l'école, depuis tout petit. Donc ça, je le comprends, je l'entends et je l'accompagne comme je peux. Mais par contre, j'ai une grande confiance. Je sais qu'il fera des choses merveilleuses. J'en doute pas une seconde. Et le deuxième, il n'y a pas à se soucier puisque lui est très scolaire. Mais ça ne peut rien dire non plus. Mais oui, je pense que je ne suis pas une maman classique. Ça, pour le coup, je pense que je crois que j'en ai conscience.
- Speaker #0
Et ça leur a donné confiance, justement, ce que tu dis quand tu dis que tu as cette immense confiance en lui et que malgré le fait que l'école soit difficile, tu ne doutes pas une seule seconde. Est-ce que tu penses que ça participe à... le rendre confiant.
- Speaker #1
Après, peut-être que je me trompe, il faudra leur demander, mais on a une relation qui est magique, en fait. Il n'y a pas de non-dit, il n'y a pas de tout ça. Et c'est une... Par contre, ça, j'en suis... Vraiment fière, et c'est l'une des choses qui m'importait le plus, c'est qu'ils puissent avoir une maman qui les accueille comme ils sont, sans réfléchir, sans se dire, tiens, qu'est-ce qu'elle va penser, est-ce qu'elle va dire que c'est mal, que c'est bien ? Voilà, moi je préfère être dans l'honnêteté avec eux. Et voilà, je dis, si tu as fait quelque chose qui ne va pas, que tu sens qui est problématique, on en parle, on voit, on essaye d'avancer avec ça, on ne peut pas être parfait, on ne peut pas tout réussir, ce n'est pas parce que... Tu prends un autre chemin ou tu t'égares parfois qu'il n'y a pas toujours une porte de sortie.
- Speaker #0
Et tu dirais que tu l'as ressenti tout de suite, le fait d'être plus alignée avec qui tu es, dès que tu as pris la décision d'abandonner finalement les études que tu avais entreprises ?
- Speaker #1
Ah oui, sans hésitation. Je suis beaucoup plus... Vraiment, j'ai eu le sentiment, je ne sais pas, de transcender de justesse en fait. De me dire... OK, c'était pour ça avant que tu ne savais pas où tu étais. De me dire, mais ce n'est pas possible de prendre un pinceau et d'arriver à faire ça et de savoir que même si les traînes ne sont pas forcément, mais c'est là où je dois aller. Je ne sais pas d'où ça vient, cette façon de ne pas avoir douté de cette peinture. Je dis cette peinture parce que je n'ai pas l'impression que ce soit la mienne. Je ne sais pas comment expliquer. C'est moi qui l'ai fait, mais je ne sais pas. Il y a quelque chose de si simple, en fait.
- Speaker #0
Mais tu as cette conscience quand même que c'est ton accident qui t'a quand même transformée.
- Speaker #1
Oui, oui, j'ai bien cette conscience que c'est mon accident qui m'a transformée. Mais vraiment, je me souviendrai toujours, c'est de ce moment où vraiment j'essayais de me persuader. En me disant, tu seras une super instinct, ça va très bien se passer. Là, c'est ça, c'est vraiment parfait. Mais j'avais toujours ce... Le sentiment qu'il y avait quand même un fond qui n'était pas honnête avec moi-même. Et par contre, oui, en prenant un pinceau, là, je suis honnête avec moi-même. Là, je me sens à la bonne place. Là, OK. Après, ce n'est pas toujours tout beau, tout rose. On n'a pas forcément tout le temps envie d'aller peindre. Mais il y a ce, je ne sais pas comment on peut appeler ça, ce don. Je ne sais pas. C'est moi, en fait. Vraiment. J'ai le sentiment d'être moi-même, vraiment, quand j'ai un pinceau à la main.
- Speaker #0
Oui, et puis il y a plusieurs illustratrices aussi qui disent aujourd'hui, c'est vrai qu'on a un petit peu l'image que tu décrivais de l'artiste qui est sans cesse en train de dessiner, etc. Mais qu'il y a une réalité du métier qui est quand même difficile à savoir, tu vois, prospecter, essayer d'avoir des nouveaux projets, etc. Qui fait partie intégrante du métier, qui est un peu le travail de l'ombre, mais qui prend quand même une place importante.
- Speaker #1
Oui, vraiment. Vraiment, vraiment. Et puis de monter les projets, il y a l'achat des matériaux, je dirais que je suis allée la moitié du temps seulement dans mon atelier. Enfin en création, en peinture. Après ça dépend parce que c'est aussi le montage de projet. Donc on va monter un projet, ça va prendre plusieurs mois. Après il y a la réalisation du projet. Et donc là, là c'est le bonheur parce que c'est là la période où on n'est vraiment qu'en création. Donc après il faut cloisonner, dire là je ne serai pas disponible avant telle date pour pouvoir être en pleine création.
- Speaker #0
Et tu y arrives parfois ? Est-ce que tu es obligée de dire non à certains projets ?
- Speaker #1
Oui, des fois je suis obligée de dire non quand même. J'essaie de ne pas trop dire non parce que j'aime tellement essayer de satisfaire ou décaler. Pour l'instant, ce ne sera pas avant l'année prochaine. Il faut aussi s'écouter, aller à son rythme. Et puis, en fait, pour être sincère, vraiment, dans la démarche, je ne fais jamais une commande par dépit. Je ne sais pas comment expliquer, mais j'essaie vraiment d'y mettre tout mon cœur à chaque fois.
- Speaker #0
Oui, si on te demande quelque chose et que ça ne te parle pas, tu n'hésites pas à dire « je ne pense pas que je ne fais pas la bonne faire » . Voilà, exactement,
- Speaker #1
je ne le fais pas. Il n'y a pas de fausseté chez moi.
- Speaker #0
Et quel conseil tu donnerais à des personnes qui nous écoutent et qui se sentent un petit peu enfermées dans un chemin qui est la route finalement que d'autres ont imaginé pour elles ou pour eux ? et qui auraient envie de s'autoriser, tu vois, à vivre autre chose, est-ce que tu as des petites choses que tu pourrais partager qui, toi, t'ont aidé ?
- Speaker #1
Alors, je dirais une chose, c'est de jamais perdre confiance, en fait, de toujours y croire toutes les personnes qui sont artistes, qui n'ont pas les... Enfin, je ne sais pas comment expliquer... Peut-être ce décourage, en fait, il ne faut jamais rien lâcher. Ça, c'est vraiment la première chose que je dirais, de toujours y croire, de beaucoup travailler. Ça, par contre, ça demande beaucoup d'énergie, beaucoup de force, et d'accepter, en fait, qu'il y a des hauts et des bas, et que c'est aussi ça le métier d'artiste. Oui, de toujours y croire, et d'essayer un minimum de... Même s'il y a du douloureux, déjà même quand il y a du douloureux, d'accepter que c'est là, d'accueillir, et d'essayer de voir pourquoi. c'est là d'en faire quelque chose et si on cherche bien je pense que les choses elles n'arrivent jamais pour rien après ça peut paraître un peu fou ce que je dis mais vraiment c'est aussi une volonté de chercher le bonheur dans les dans les malheurs mais
- Speaker #0
de comprendre pourquoi c'est là et d'en faire quelque chose ça me fait un peu penser à la phrase qui dit que les fêlures laisse passer la lumière exactement exactement c'est un peu ce que son histoire m'inspire c'est un peu ça je me je me suis dit,
- Speaker #1
ben... OK, il y a eu des choses quand même bien douloureuses. Mais qu'est-ce que ça m'a apporté, quoi ? Alors, bon, on ne cherche pas les choses douloureuses, ça, c'est sûr. Mais voilà, maintenant, je me dis, ça fait partie de mon histoire. Et voilà, là, je suis dans une période maintenant de sérénité. Je suis contente de véhiculer de l'amour avec mon art. Enfin, j'essaye. Je ne mange pas tous les coups, mais...
- Speaker #0
Pour les œuvres que j'ai eu la chance de voir, je trouve que tu y arrives bien. Merci beaucoup. C'est vraiment magnifique ce que tu fais.
- Speaker #1
Merci beaucoup.
- Speaker #0
Et je trouve que ton histoire force vraiment l'admiration parce que ce n'est pas facile de se choisir.
- Speaker #1
Non, vraiment pas.
- Speaker #0
De choisir d'aller dans un chemin où personne ne nous attend et où on n'a pas tant d'exemples de personnes qui arrivent, tu vois, à faire leur bout de chemin, à avoir leur carrière, à en vivre. Quand on choisit un métier... qui nous met au centre. On est obligé d'écrire notre propre histoire. Et en ça, je trouve que c'est très beau que tu aies eu le courage de le faire.
- Speaker #1
Merci beaucoup. Je suis d'accord. J'entends que, oui, ça peut être compliqué. Il y a quand même eu des fois où j'ai eu envie d'arrêter. Il ne faut pas croire que c'est tout beau, tout rose. Mais il y a toujours eu ce petit fond qui m'a dit non, tu n'as pas le droit de lâcher, tu ne peux pas. De toute façon, à chaque fois qu'il y a eu ces petits moments où quand même je me disais... Est-ce que ce ne serait pas bien de retourner dans quelque chose de très formaté ? Impossible. À chaque fois, il y avait une vente derrière, il y avait un projet qui arrivait. Donc voilà, même quand j'aurais voulu, ça ne s'est pas fait. L'univers se charge toujours. Exactement. C'est-à-dire, reste là-dedans. Ah oui, pour le coup, là, il n'y a pas de souci.
- Speaker #0
Et donc, tu allies aussi ton art pour des causes qui te sont chères, puisque tu fais aussi des dons chaque année à des associations. Oui. En quoi c'est très important pour toi ?
- Speaker #1
Je pense que le fait de véhiculer l'art et de participer à tous ces événements, ça apporte beaucoup de bienveillance et de tendresse, et ça aide à guérir, à se sentir soutenue. Et je pense que quand on vit des expériences qui peuvent être traumatisantes, on a toujours besoin de ce petit coup d'amour, de soutien. Après, c'est aussi ma façon d'être, je suis quelqu'un qui est assez proche des gens. que j'aime et que même les gens que j'aime pas.
- Speaker #0
Et t'essaies aussi d'avoir un impact pour les enfants en situation de handicap ?
- Speaker #1
Exactement. Alors, en situation de handicap ou de situation compliquée. Donc, il y a des organismes...
- Speaker #0
Voilà.
- Speaker #1
Des organismes comme Art for Science. Alors ça, c'est la lutte contre les tumeurs du cerveau. Pas forcément pour les enfants. Je suis dans cette association et ça me tient vraiment à cœur. Et il y a un muséum qui va ouvrir... Sur Lyon, il y en a déjà un à Saint-Martin. Et l'idée, c'est vraiment un endroit où on peut venir, on crée, c'est totalement gratuit. Et on vient, et là je vais faire des interventions dans ce lieu-là. Il y aura même des navettes pour les personnes en difficulté qui pourront venir tranquillement, sans se soucier de comment on vient. Et là, on va faire des ateliers où on va pouvoir s'exprimer et profiter des bienfaits de l'art. Il y a ça, il y a aussi Art et Enfance, qui est une association avec qui je vais collaborer bientôt. qui permet d'aider les enfants en difficulté. Et puis je pense qu'il y aura aussi d'autres choses. J'ai travaillé en service de gériatrie. C'est le mélange du soin et de l'art. C'est important pour moi.
- Speaker #0
Ça t'a touchée personnellement dans ton entourage proche, la maladie, pour que tu aies cette envie ?
- Speaker #1
Même pas. Non, c'est vraiment que c'est très important. L'art est très important. On nous met souvent une étiquette. Je ne sais pas comment expliquer. On est toujours un peu au rebut, je trouve, parfois. Alors que qui ne regarde pas de l'art tous les jours ? Il y en a partout, en fait, sous toutes les formes, le cinéma, la musique. Donc si ça peut aider, autant véhiculer ça.
- Speaker #0
Je te remercie beaucoup d'avoir partagé cette histoire que je trouve incroyablement inspirante.
- Speaker #1
Merci beaucoup.
- Speaker #0
Et puis j'espère que tu vas continuer encore longtemps à diffuser comme ça de la lumière sur la route et à être parfaitement alignée avec qui tu es.
- Speaker #1
Merci beaucoup, c'est gentil. Merci pour ton accueil. À bientôt. À bientôt.
- Speaker #0
Voilà, le moment est venu de se quitter. J'espère que vous avez apprécié cet épisode. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir un nouvel invité, un nouveau parcours et se faire embarquer dans un nouveau virage. En attendant, prenez soin de vous et bonne semaine.