Speaker #0Salut Internet et bienvenue sur Vi ma vie d'artiste ratée le podcast qui vous dévoile l'enfer du décor d'une vocation très souvent fantasmée. Et toi, qu'est-ce que tu veux faire de ta vie ? Je m'appelle Adrien, je suis musicien professionnel depuis 20 ans et je propose également des séances d'accompagnement, des séances de mentorat, pour vous aider de l'intention à la performance, à développer confiance et équilibre. Adrien, qu'est-ce que tu veux faire de ta vie ? Alors voici une petite phrase qui m'a été donnée d'entendre il y a de ça peut-être 15 ans, lors de mon prix de contrebasse, lors de, spoiler alert, l'échec, la première fois que j'ai présenté mon prix de contrebasse, et pas par n'importe qui, mais par un membre du jury. Alors aujourd'hui, je vais me poser une question à double étage. Le premier étage, c'est pourquoi certaines phrases comme ça viennent-elles nous marquer ? Pourquoi on prend personnellement les jugements de l'autre ? Et le deuxième étage, ça va être comment réparer le drame ? Comment se remettre parfois d'une phrase qui nous a profondément heurtés, profondément blessés ? Donc je commence l'histoire, prix de contrebasse, moi j'ai commencé tard la contrebasse donc forcément je passe mon prix de contrebasse, je suis plus âgé que les autres. Donc j'ai déjà en moi ce petit syndrome de l'imposteur qui existe en se disant mince, je suis pas à ma place, je suis plus vieux que tout le monde Mais bon, ça c'est ma petite popote intérieure, c'est mon petit diable intérieur qui parle. Parce que j'aurais pu aussi avoir une lecture différente du jeu en se disant waouh, c'est quand même pas mal ce que je fais, j'ai avancé à toute berzingue très vite pour avoir le même niveau que les autres en très peu de temps, c'est quand même pas mal Mais bon, bref. Moi j'ai ce petit truc qui me démange à l'intérieur de se dire c'est pas assez bien, t'es pas encore au niveau Mais bref, l'échéance arrive, mon prix de contrebasse tombe dans, je sais plus, deux mois, quelque chose comme ça, et le programme donné par mon maître, mon prof, arrive. Et c'est un programme assez exigeant, il convoque un cortège de pères, de jurys assez impressionnant. Bien sûr on n'a pas les noms, et c'est le jour même qu'on découvrira, mais vraiment je crois qu'il y a 5-6 jurys, donc 5-6 contrebassistes de gros orchestres, des gens vraiment, enfin des gros noms, des gens qui jouent vraiment bien. Et moi, pendant la préparation, je fais une belle préparation et je joue des pièces super exigeantes. Notamment, il y a une pièce qui est imposée, c'est de choisir un des morceaux de la suite dans le style ancien de Fribas, qui est un peu notre bac à nous. C'est un peu le bac du pauvre Fribas, mais quand on est contre-assiste, on fait avec ce qu'on a. Et je choisis la Sarabande, qui est la pièce la plus difficile, je trouve, de Fribas. C'est celle qui me parle le plus musicalement, artistiquement, et c'est celle aussi où j'ai l'impression que je pourrais marquer le plus de points, que je pourrais frimer, parce que je sais qu'elle est exigeante et que j'ai le niveau technique pour bien la faire. Et tout le monde me dit Ouais, attention, c'est dangereux, nananana mais j'écoute pas, je fais mon truc, même mon prof me dit Attention, tu vas te manger les dents, nananana et puis finalement je le surprends pendant la préparation sur ce morceau, il me dit Waouh, c'est vachement bien et puis on a d'autres morceaux qui sont... Enfin, vraiment, il y a un gros programme de prix, c'est pas facile. Et j'ai bien bossé. Je suis content, je me rappelle la veille du prix, répète avec le piano et je me revois jouer en me disant Waouh, c'est pas mal, incroyable ! Je me rappelle, il y a un trait assez rapide à la fin du Bottesini et je le vois défiler tout seul dans mes doigts avec l'archet qui sautille joyeusement et vigoureusement. Bref, je suis assez content, mais je sais que j'ai ce truc de trac, de stress qui existe, et que ça peut exploser à n'importe quel moment le jour de la préparation, enfin, pas de la préparation, de la prestation. Et donc le jour de la prestation arrive, le lendemain matin, voilà, je fais mes petits exercices de respiration, je chauffe, ma basse sonne bien, ça sonne bien, tout va bien. Et au moment d'arriver sur scène, je sentais cette espèce de marée noire me tomber dessus. J'arrive pas, je commence par mon fribas, donc c'est une pièce pour contrebasse seule, cette espèce de sarabande là, y'a tout qui est faux, je suis tétanisé, ça tremble, bref, des 20 minutes, je sais pas, 20-25 minutes de prestations, y'aura pas une minute de musical, y'aura pas une minute d'agréable, y'aura pas une minute de jubilatoire, bref, c'est que de la lutte, je sors, je suis épuisé, y'a mon prof qui me lance un espèce de... Petit regard assassin genre hé fils tu m'as déçu, c'est la double peine quoi, je viens de merder et en plus il y a mon prof qui me lance ce regard. Bref, je sais que je l'aurais pas ce prix là, c'était pas au niveau, c'était pas bien, je m'en veux. Et là... Arrive la fin de la journée, donc le jury va annoncer les résultats. Et donc bon, bien sûr, je ne suis pas reçu, je n'ai pas mon examen. Et on a toujours à la fin des jurys un moment pour discuter avec les personnes qui composaient ce jury. Et il y a un des contrebassistes, un mec qui joue mortel, vraiment, et un gros nom, voilà. Je balance pas les noms, mais voilà. Et le mec va me regarder dans les yeux et va me dire, j'ai 26 ans ou 27 ans, je sais plus. Et il me dit, Adrien, qu'est-ce que tu veux faire de ta vie ? Waouh. Le sous-texte, très clairement, c'était genre T'es un rigolo, t'es un guignol, t'es pas au niveau, donc voilà. La violence du truc, elle est énorme. Et c'est un peu, là, la triple peine. Il y a eu l'échec à mon prix, il y a eu ce petit regard de mon professeur, et puis il y a eu cette petite phrase assassine. Et vraiment, je sais que, loin des regards des autres... Ah oui, d'abord, je lui ai répondu. Alors quand il m'a dit ça, moi, je suis tout de suite passé en mode agressif ironique. Je lui ai dit, bah, je vais ouvrir un salon de thé. Et intérieurement, je pensais, espèce de petit salopard, j'ai envie de t'attraper par la gorge et de te mettre une bonne fessée. Bon, bien sûr, c'est des trucs qui, socialement, se font pas, mais j'avais trouvé ça, en fait, hyper violent, sa petite phrase. Et, hum... Et en fait intérieurement, c'est ce qui s'est passé, loin des regards le soir, comme un homme classique, j'ai pleuré longtemps en me disant putain je suis vraiment une grosse merde, je suis vraiment une grosse merde. Et j'avais rigolé avec mes copains contre-assistes avant, ils me disaient ah c'est bon j'arrête, je vais aller m'isoler dans une cabane à huîtres en Charente-Maritime, faire du surf et venir au Strayculteur. Mais la vérité c'est que j'étais profondément blessé et que cette... blessure j'ai pas réussi à réellement parler autour de moi et c'est là où j'arrive avec ma petite réflexion sur notre rapport à l'échec il ya des gens qui disent ouais j'ai qu'il n'y a pas d'échec il ya que des oguets des occasions de grandir et là j'en ai bien ni à nian nian nian tu veux une tarte non parfois en fait tu vis un échec ça te détruit et en fait tu as besoin de vivre cette destruction et d'aller voir des gens de trouver une oreille d'en parler de deux Te reconstruire derrière, mais d'abord d'accepter le fait que tu as vécu un trauma, que tu as vécu un truc qui a été dur, et peut-être aussi après d'œuvrer avec la voix du cœur. Alors la voix du cœur, c'est peut-être une des choses qui me met le plus cher maintenant, c'est de dire, dans ces moments où tu es vexé par quelqu'un, par un regard, ou par une phrase assassine, là en l'occurrence c'était le regard du professeur, donc quelque part le regard du père, et c'était la petite phrase assassine de ce contrebassiste, c'est aussi un moment de... De se planter en face et de dire, attends, là, ce que je reçois quand tu me dis ça, ça génère tel sentiment chez moi, ça génère telle émotion, tel état d'âme, et à cet endroit-là, je me sens blessé. Je ne pense pas que tu aies voulu me blesser, je ne pense pas que tu m'aies voulu directement du mal, mais voilà comment moi je me ressens. Et c'est une façon, en fait, de défaire un drame. Quand on prend cette voie du cœur, c'est-à-dire plutôt que d'être dans l'agressivité ou dans le... ironie, comme moi j'ai pu l'être en lui répondant hé hé, je vais ouvrir un salon de thé, c'est d'être très là dans la poitrine et d'être capable de dire ce qu'on ressent, aussi douloureux que cela puisse être. Parce que c'est pas évident de dire à quelqu'un qui vient de nous faire une critique de dire, ok, tu me fais une critique et voilà comment je la reçois la critique. J'ai du mal à vraiment me relier au cadeau que tu me fais parce que peut-être que quand tu me dis, qu'est-ce que tu veux faire Ta vie, en fait, tu te fais réellement du souci pour moi, et t'es réellement en train de me poser des vraies questions. Et moi, en fait, là, je suis tellement blessé que je le prends qu'avec mon affect. Et du coup, je suis pas disponible, je suis pas disposé à réellement t'écouter. Bon, après, parfois, il y a des gens qui vont vous dire de la merde, et c'est juste de la grosse merde, et à ce moment-là, il faut peut-être fermer ses oreilles et dire Voilà, toi, j'ai envie de te fumer. Mais... Et, à l'inverse aussi, ce rapport à l'échec, c'est aussi important d'échouer. Vous l'aurez compris, le... Le fil rouge de ce podcast, c'est l'échec, toujours échoué. Je crois que là on arrive petit à petit à la fin de cet épisode, où je veux parler de cette ambivalence de l'échec, où d'un côté, ben ouais, non, l'échec c'est pas toujours une occasion de grandir, c'est aussi un moment où on se sent profondément petit, humilié, accablé, et il faut prendre le temps de mesurer cet échec, de mesurer ce trauma, de mesurer cette blessure, de plonger en soi pour justement réparer le drame. Et puis de l'autre côté, il y a aussi ce côté joyeux de l'échec. ...ou en effet, ça va être un chemin de résilience, ça va être un chemin de reconstruction, et puis... C'est un auteur que j'aime beaucoup qui s'appelle Nassim Nicolas Taleb, je vous encourage à découvrir ses ouvrages, c'est vraiment incroyable. Et je ne sais plus comment il le dit, ah oui lui il dit Hâtez-vous d'échouer Et en fait, on a, je pense, un problème sociétal avec l'échec. C'est déjà, très souvent, de noter les enfants, de mettre des notes. C'est qu'en fait, on a besoin d'échouer pour apprendre. C'est le fait de tomber plein de fois qui fait que le bébé va marcher. Et on a réellement besoin d'échouer. Mais par contre, si on connote à chaque fois nos échecs avec un résultat du genre Eh bien, t'es tombé, alors on va te mettre 3 sur 20. Ah, t'es encore tombé, on va te mettre 2 sur 20 parce que t'es vraiment nul. On ancre en nous le fait de louper ses mâles. Mais je pense qu'on peut... Voilà, avec un petit effort cognitif, réhabiliter l'échec et le fait de louper, et même si c'est sur des aspects plus émotionnels là, et bah c'est ok aussi, on a le droit aussi de se planter et on a le droit d'aller dire à des gens, et bah là ça fait bobo, j'ai mal, j'ai envie d'en parler, ce que tu m'as dit là ça m'a fait souffrir. Et concernant le premier étage de la question que je me posais au début de cet épisode, qui est le pourquoi on est marqué par certaines phrases, c'est vrai que dans certains moments de fragilité, des moments... On se sent particulièrement vulnérable, on a tendance à prendre pour argent comptant ce que nous dit l'autre. Ah tiens, t'es pas assez, tiens t'es nul, tiens qu'est-ce que tu veux faire de ta vie ? J'ai envie de revenir à une phrase de Kafka, qu'il a notée dans un de ses carnets. Les arrières-pensées avec lesquelles tu accueilles en toi le mal ne sont pas les tiennes, mais celles du mal. Waouh ! Je trouve que ça fait écho au deuxième accord Toltèque. Waouh ! Ça fait beaucoup de recommandations de bouquins, là. Mais bon, bref, voilà, cadeau. Et ce deuxième accord toltèque dit de ne pas prendre les choses personnellement, de ne pas en faire une affaire personnelle. Et... Et je trouve que là, il y a une clé pour se dire que ce qui est dit sur toi n'engage surtout que l'autre. Alors parfois, oui, il faut savoir écouter, mais quand c'est des jugements qui viennent te heurter, peut-être qu'il est bon de se décrocher un peu de son identification à soi et de se dire Waouh, en fait, l'autre, il ne parle pas tellement de moi, mais il parle de lui. Et je trouve que c'est déjà une clé pour ne plus se faire la victime des dires des autres. Voilà, c'est la fin de cet épisode. Si ça t'a parlé, si ça a résonné pour vous, je continue à mélanger du tu et du vous. On continue, pas de souci. 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