- Nathalie
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Laura, coach en développement professionnel et personnel, dont l'expérience et le parcours sont à la fois inspirants et instructifs. En plus de son expertise en coaching, Laura vit au quotidien avec le diabète de type 1. Bienvenue sur le podcast Vivre le diabète à la recherche de l'équilibre. Je suis Nathalie, diabétique de type 1 depuis février 2010. Je m'adresse à toi qui viens de déclarer un diabète, à toi qui es diabétique de type 1 ou de type 2, ou à toi qui es en pré-diabète, mais aussi à toi qui soutiens et aides, que tu sois parent ou conjoint, etc. Je m'adresse également à toute personne désireuse de savoir ce qu'est le diabète vu par une patiente diabétique. Désormais, tu peux soutenir financièrement mon travail grâce à la plateforme Tipeee, dont tu trouveras le lien dans les notes de l'épisode. Ou bien. Tu peux toujours être un relais en partageant mes contenus. Je te remercie sincèrement. Je te laisse maintenant avec l'épisode du jour. Bonjour Laura, je suis heureuse de te recevoir.
- Laura
Bonjour Nathalie et moi je suis ravie de répondre à ton invitation et d'être ici avec toi.
- Nathalie
Alors Laura, peux-tu te présenter et nous partager ton expérience personnelle avec ton diabète ?
- Laura
Je m'appelle Laura Geniez, j'ai 36 ans. Dans la vie, je suis coach thérapeute. J'accompagne en collectif et en individuel des personnes qui ont un diabète de type 1 et aussi d'autres personnes qui ont d'autres maladies chroniques. Il y a quand même une majeure partie de mes activités qui sont au service de la communauté du diabète de type 1. Mon expérience personnelle avec le diabète, ça fait 21 ans maintenant que je vis avec lui. Tout pile aujourd'hui, d'ailleurs, pour la sortie de ce podcast. C'est le jour anniversaire de la découverte de mon diabète et même plus précisément du coma diabétique dans lequel je suis tombée lors de la découverte. Mon expérience personnelle avec le diabète, comment je le décrivais ces 21 années ? Je dirais que c'est une longue route quand même d'avoir ce compagnon de route, de s'habituer à lui, de savoir faire alliance aussi avec lui. Et puis de gérer aussi les cycles, et pas que les cycles de glycémie, mais aussi les cycles émotionnels qui sont liés à la maladie. Moi, ma conviction, c'est que l'acceptation, c'est pas un jour on se réveille, on accepte la maladie. Pour moi, l'acceptation, c'est l'acceptation qu'il y a des cycles, et qu'il y a des cycles de bien, et il y a des cycles de moins bien. Et que c'est pas parce que ces cycles de moins bien sont toujours là que je n'ai pas progressé dans mon acceptation par rapport à la maladie.
- Nathalie
Et en fait, comment as-tu vécu l'annonce de ta maladie ? Comment ça s'est passé plus précisément ?
- Laura
Eh bien, si les calculs sont justes, j'avais 15 ans quand ce diagnostic a été posé, après à peu près deux semaines de symptômes. Et du coup, j'ai juste eu le temps d'arriver aux urgences. Je suis tombée dans le coma en étant aux urgences, comme si j'étais déjà une bonne élève de la maladie où j'attends d'être sécurisée à l'hôpital pour que mon corps lâche. Le diagnostic, il y a eu évidemment plusieurs phases, mais au tout, tout début, forcément, quand on découvre son diabète en étant adolescente, je pense que ça crée vraiment une forme à la fois de très, très belle insouciance, où il me paraît que la première phrase que j'ai dite quand je me suis réveillée du coma au médecin, c'est je suis diabétique insulinodépendante et ça ne changera rien à ma vie. Bon, du coup, j'avais cette combativité, avec cette fraîcheur adolescente de me dire je vivrais normalement et en même temps le pendant de ça c'est qu'il y avait évidemment aussi une forme de déni à vouloir trop vivre normalement et à faire comme si le diabète n'existait pas je me souviens vraiment des toutes premières semaines où de toute façon j'imagine comme pour d'autres personnes mais il y a tellement cette urgence à être autonome par rapport à son traitement surtout à cet âge un peu hybride, là s'il y a des personnes qui nous écoutent et qui ont aussi découvert ça à l'adolescence. C'est un âge qui est hybride parce que je suis trop grande pour que ce soit mes parents qui gèrent totalement le traitement. Et puis en même temps, je n'ai quand même que 15 ans pour gérer une maladie chronique. Et donc, je me souviens de cet entre-deux qui disait que moi, j'avais beaucoup pris sur moi les premières semaines, peut-être un peu trop, pour masquer toutes mes émotions, etc. Et pour montrer aux médecins et à mes parents que ne vous inquiétez pas, je vais être capable. Et du coup, faites-moi la paix pour vivre et gérer mon diabète toute seule. Donc je me souviens qu'il y avait cette urgence-là, vraiment cette course à l'autonomie presque que je me mettais. Et puis aussi cette course où j'étais restée près de deux mois à l'hôpital pour me remettre du coma et puis apprendre le traitement. Et du coup, il y avait aussi la course au retour à la normalité. Comment je réintègre, j'étais en première à l'époque, comment je réintègre le plus normalement possible un cursus de lycéenne qui avait pour ambition de préparer des classes préparatoires. Et donc, en fait, très vite, je m'étais remise dans le stress très, très quotidien des cours de lycée, de il faut avoir des bonnes notes pour que mon dossier passe pour les classes préparatoires dans un an et demi. Et donc, il n'y a pas de bien ou mal. Mais en tout cas, ça a été ma stratégie à l'époque. Ça a été de foncer vraiment dans le retour au lycée.
- Nathalie
Comment la maladie a évolué au fil des années, dans ta tête, dans ta vie, jusqu'à aujourd'hui, on va dire ?
- Laura
Oui, en gros, je dirais quand même que la phase de déni a été extrêmement longue. C'est-à-dire que de 15 ans à peut-être 21 ans à peu près. Il y a eu vraiment des phases de déni qui ont pris parfois des... Comment dire ? Qui ont eu des manifestations différentes. Mais sur la fin de ma scolarité, quand j'ai intégré mon école de commerce à l'époque, je me suis perdue, mais vraiment dans la fête. Et ça, c'est important pour moi d'en parler aujourd'hui parce qu'il y a un énorme tabou, je trouve, encore sur le lien entre maladie chronique et comportement à risque, notamment avec les addictions, notamment avec l'alcool. Et moi, à l'époque, finalement... La fête, qui était facile dans le contexte étudiant dans lequel j'étais, était presque le seul moyen que j'avais trouvé d'insouciance, de croire que c'était des moments où je reconnectais avec mon insouciance. Et c'était vraiment une façon de me prouver que je pouvais faire comme tout le monde, mais qui parfois me mettait aussi en danger, vraiment, avec des consommations d'alcool vraiment pas raisonnables. Et quelque part, à l'époque, je n'avais que ça, comme moyen un peu de, oui, c'est ça, de reconnexion à une insouciance que j'avais perdue beaucoup trop tôt, à 15 ans. Je me souviens que j'étais partie en mission humanitaire à 20 ans, à l'autre bout du monde, au Salvador. J'avais à peine vérifié si j'avais assez d'insuline. Ma mère avait dû me renvoyer un médicament. Pas un médicament, mais une pochette frio, vu qu'il faisait des températures très chaudes. Il y avait eu tout un sketch comme ça, des trucs arrêtés à la douane. Ils ne savaient pas ce que c'était. Par sécurité, ils ne voulaient pas faire venir la pochette frio. Il y avait vraiment une forme comme ça de je veux tellement vivre ma vie que parfois, il y avait quand même des choses où je ne créais pas assez ma sécurité. Et puis après, il y a eu le début du travail, vers 22-23 ans, où j'ai commencé dans ma carrière en ressources humaines, dans une grosse entreprise. Et alors là aussi, le déni prenait d'autres formes. Là, ce n'était plus la fête, ce n'était plus l'alcool, etc. Mais il y avait cette honte qui faisait que je cachais mon diabète au travail et qu'en fait, dès... Les premiers instants où j'ai commencé ma vie professionnelle, j'ai mis en place plein de schémas de compensation. C'était limite assez absurde. C'est-à-dire que plus j'étais fatiguée, par exemple, plus je faisais des hypoglycémies dans une journée, plus j'allais rester tard pour travailler. Au lieu d'écouter mon corps, de finir ma journée, etc. Je cachais les maladies hypoglysémiques que je pouvais faire, mais parfois en animation de réunion, en direct. Au lieu de dire, excusez-moi, j'ai besoin d'une pause et je sors de la salle. J'étais à ce moment-là dans un niveau de... Il ne faut pas que ça se sache. Et puis, la chance que j'ai eue, c'est que j'étais dans une entreprise bienveillante qui a vite compris les mécanismes de compensation du handicap que j'étais en train de mettre en place. Et sur le fait que finalement, j'étais constamment sur un fil de burn-out. Mais pas le burn-out entre guillemets classique qui est entre guillemets juste lié au travail. Un burn-out ou une des principales composantes est bien le fait que... Il y a une gestion de la fatigue et un rapport au repos qui n'est pas suffisamment mis en place pour gérer son énergie physique et émotionnelle au travail. Et donc, ça a été un long chemin pendant ma carrière à un peu de 10 ans de ressources humaines pour, peu à peu, au travail, faire presque une sorte de coming out de diabétique. Je me souviendrai toujours qu'il y a des gens, parfois de 8 ans en entreprise, qui découvraient que j'étais diabétique et qui, vraiment, assez sincèrement, posaient cette question de qu'est ce qui fait qu'on n'a pas su avant. Simplement mon chemin personnel, dans mon rapport à la maladie, le fait d'apprendre à en avoir moins honte et puis le fait de véritablement l'intégrer dans ma manière de travailler, et dans la gestion de mon rythme, dans la gestion de mon énergie, etc.
- Nathalie
Et du coup, qu'est-ce que tu as mis en place comme routine, comme stratégie, pour gérer ça ? Accepté, je n'aime pas trop le mot. Comme tu dis tout à l'heure, il y a des cycles, il y a des phases d'acceptation, de non-acceptation. Moi, je préfère dire qu'on s'accommode de sa maladie plutôt qu'on l'accepte. Et du coup, quelle stratégie tu as mis en place pour bien vivre avec cette maladie ?
- Laura
Alors déjà, je dirais qu'il y a un vrai... J'ai des stratégies, ce que j'appelle le contrat d'imperfection avec moi-même. C'est-à-dire que dans la gestion vraiment pragmatique de mes glycémies, Il y a vraiment ce travail sur le fait qu'il y a des périodes, des journées où je décide consciemment que le fait d'avoir une bonne glycémie n'est pas l'objectif prioritaire de ma journée. Parce que j'estime vraiment que je préfère avoir des résultats de glycémie un peu moins bons, mais que ma qualité de vie au global soit la meilleure possible et que ma santé mentale aussi. Donc pour moi, ce contrat d'imperfection, c'est vraiment se dire, Ok, là j'ai une échéance qui est très importante. Par exemple, je suis en... animation, en facilitation d'un groupe, eh bien oui, pendant les 6 heures où j'anime, eh bien oui, je préfère animer à 2,50 g qu'en hypoglycémie parce que ce jour-là, j'ai besoin de toutes mes capacités cognitives et si je suis en hypoglycémie, je ne vais plus être au service du groupe et de mon travail. Par contre, le jour d'après, je vais vraiment reposer et là, je vais refaire de ma glycémie une priorité pour venir compenser la journée. Donc je dirais qu'il y a vraiment tout ce travail au contrat d'imperfection pour en fait un peu lâcher prise de temps en temps, du mieux possible. Ensuite, pour moi, il y a vraiment le fait de beaucoup plus faire de place dans mes journées sur le fait d'écouter mon corps. Ce que je disais tout à l'heure, quand je travaillais en ressources humaines, cet exemple que je prenais, où je pouvais faire deux hypoglycémies dans la journée et travailler tard le soir, ben non, en fait, maintenant, je suis sortie de ces mécanismes de compensation et du coup, il y a vraiment cette écoute. minute après minute, heure après heure de mon corps, ou à un moment, si dans mon après-midi, entre deux rendez-vous, il faut aller faire une sieste parce que j'ai une fatigue qui est trop grande, c'est la priorité de ma journée. Et ce n'est plus le travail la priorité de ma journée, c'est l'écoute de mon corps, parce que ce sera au service de toutes les autres activités de ma vie. Je pourrai aussi te citer aussi des stratégies et des routines plus concrètes. Il y a une grande importance que j'accorde dans mon quotidien à toutes les activités qui me reconnectent au corps. Je fais beaucoup de sport, de randonnée, de natation, de pratiques artistiques aussi, qui sont aussi des connexions au corps par le théâtre, par la danse. Donc ça, c'est vraiment aussi une façon que j'ai de prioriser ça dans ma vie par rapport à tout le reste. Et puis après, en terme d'hygiène, on pratique moins mais qui m'aide beaucoup au quotidien, c'est la méditation de pleine conscience. Je n'ai pas trouvé pour l'instant d'autres routines que la méditation pour gérer aussi efficacement. toutes mes pensées, toutes mes émotions, parfois douloureuses, et apprendre ce qu'on appelle à distancier ces pensées et ces émotions, et à ne pas rentrer dans les boucles de souffrance, parfois, que nos mécanismes cognitifs créent. Et après, j'ai tout plein d'outils de libération émotionnelle qui passent par le corps et de régulation émotionnelle.
- Nathalie
Oui, ça, tu vas nous en parler dans pas longtemps, plus précisément. Et du coup, tu étais en entreprise et tu as changé de métier. Et peux-tu nous expliquer tout ça et nous dire en quoi consiste ton nouveau métier de coach thérapeute ?
- Laura
Je vais commencer du coup par comment je suis arrivée à ce métier-là. J'ai passé dix ans sur différents métiers des ressources humaines, ce qui fait que j'ai toujours été attirée finalement. intuitivement dès mes 22 ans par l'accompagnement, sauf que c'était un accompagnement dans un environnement précis, en entreprise. Et puis, au bout de 10 ans, il y a eu un peu deux facteurs qui ont créé ma reconversion vers mon métier de coach thérapeute. Le premier, c'est que j'ai eu un cumul de diagnostics. J'ai eu d'autres maladies que le diabète qui se sont vraiment accumulées assez rapidement, en deux ou trois ans, j'ai eu tous les diagnostics. Et du coup, un niveau... d'invalidité par rapport à mon niveau de responsabilité en entreprise, ce qui faisait que vraiment, c'était plus conciliable. Et en parallèle de ça, j'avais un engagement bénévole pour une association qui accompagnait des entrepreneurs en situation de handicap. Et c'est là qu'en fait, je me suis dit, ah oui, en fait, j'aimerais vraiment ça, accompagner en individuel et pas à changer de carrière comme ce que faisait un RH, mais accompagner sur des peurs profondes, sur des croyances limitantes. sur déjà la question de l'acceptation du handicap et de comment je concilie mes activités professionnelles avec mes limites corporelles. Et là, du coup, ça a été un peu la révélation de Ok, c'est vraiment ça que je veux faire, c'est accompagner les gens sur leur mécanisme psycho-émotionnel profond, les aider à les identifier et les aider à les dépasser pour vraiment donner du sens à leur vie en dehors du handicap et de la maladie. Et du coup, c'est comme ça que je me suis formée d'abord au coaching. et puis aussi à différentes thérapies, notamment une thérapie qui s'appelle une thérapie de l'acceptation et de l'engagement, la thérapie ACT, qui sont des thérapies cognitives et comportementales, mais basées sur la pleine conscience.
- Nathalie
Quel type d'accompagnement proposes-tu et quels sont leurs objectifs principaux ?
- Laura
Il y a deux grands types d'accompagnement et c'est vraiment deux facettes dans mes activités que j'adore. Je n'en préfère pas une par rapport à l'autre. Il y a d'abord l'accompagnement collectif, où là, je fais de l'ingénierie pédagogique. C'est-à-dire qu'en fonction des besoins d'une organisation, d'une structure qui est liée au handicap ou à la maladie, j'essaye de comprendre un petit peu l'ADN de la structure et puis surtout l'intention. et je crée du coup des ateliers sur mesure qui vont être une cuisine fusion bien à moi à la fois d'activités, ce qu'on appelle ludo pédagogique, il y a beaucoup de choses qui passent par le jeu, de mouvements dans le corps, d'activités dans le corps, de cercles de parole, de moments de méditation. L'idée c'est vraiment en fait d'alterner à la fois les canaux par lesquels l'accompagnement passe, que ce soit les canaux mentaux ou corporels, et puis d'alterner aussi les moments où... Le groupe est vraiment soutien dans la prise de conscience individuelle et puis parfois aussi des moments un peu plus d'introspection individuelle. Et c'est vraiment cette alternance de rythme que moi j'aime créer et qui fait partie aussi de ce qu'on appelle cette compétence d'ingénierie pédagogique. Les rythmes d'un atelier ne sont jamais laissés au hasard, ça s'apprend de créer les bonnes dynamiques collectives avec vraiment un peu cette façon de créer sur mesure de la diversité d'activités. Donc ça, c'est sur la partie collective. Et ça peut prendre plein de formes différentes. L'un de mes projets actuels du moment, que je n'ai pas encore totalement lancé, mais c'est un atelier que j'ai appelé Féminité Connectée, qui est un atelier en partenariat avec une de mes partenaires photographes pour des femmes, qu'ont de type 1, pour vraiment venir travailler sur l'image de soi et le rapport à nos dispositifs médicaux. Et donc, il y a à la fois un côté très ludique et qui va passer par... le médium thérapeutique que peut-être la photo, mais avant ça, on installe progressivement la confiance du groupe par des cercles de parole, par des jeux en binôme, des jeux où on se fait, par exemple, des feedbacks sur ce qu'on voit de l'autre, ce qu'on trouve beau chez la femme en face de nous, un peu de danse, plein de choses qui vont venir créer l'émulsion du groupe pour arriver au moment qui peut être un peu impressionnant de passer devant l'objectif. Voilà, en fait, j'ai mis le projet Je n'aurais pas assez d'une vie pour tout faire mais en ce moment, je suis aussi en train de réfléchir à des offres plutôt d'accompagnement par la randonnée. Comment, en fait, je vis un accompagnement de coaching et autre thérapie en marchant dans la nature. C'est quelque chose qui me tient beaucoup à cœur. Et aussi des temps d'accompagnement plus longs et là aussi très connectés à la nature par plutôt des retraites de femmes ayant une maladie chronique. Donc ça, c'est ce qui est dans le... pipe pour plus tard sur le collectif, et puis après, il y a l'accompagnement individuel. Là, ce sont vraiment des accompagnements sur mesure en fonction du besoin de la personne. En général, quand on commence le travail ensemble, on définit l'intention de l'accompagnement sur une à deux séances, où là, la personne se questionne vraiment sur ce qu'elle veut transformer, qui dépend d'elle. Parce qu'évidemment, si je veux transformer des choses qui ne dépendent pas de moi... Si je veux ne plus ressentir de peur liée à la maladie, mon travail, c'est aussi d'aider la personne à définir une intention qui soit réaliste. Parce que souvent, moi la première, j'ai envie en tant qu'humain ou humaine de supprimer les pensées et les émotions douloureuses. Et nous, tout le travail qu'on peut faire, ce n'est pas de supprimer ces pensées ou ces émotions, mais c'est déjà de mieux les conscientiser et mieux les distancier pour qu'elles nous pourrissent un peu moins la vie. Mais souvent, il y a cette illusion. Toutes les personnes qui commencent des thérapies, et en plus, avec parfois une explosion du développement personnel, avec des choses plus ou moins bonnes sur le marché, sur ces sujets-là, il y a aussi un peu des dérives de toute la psychologie positive qui consisterait à dire que le bonheur, c'est de penser positivement. Ben, oui et non, en fait. Parce que j'ai des pensées douloureuses automatiques. que je ne pourrais jamais supprimer. Par contre, ce que je peux changer, c'est la manière dont je réagis à ces pensées, ces émotions douloureuses. Et qu'est-ce que j'en fais dans ma vie concrètement, dans l'impact qu'elles ont sur mes comportements. Donc voilà, dans les séances individuelles, ça va toujours mixer un peu deux choses avec la personne. On va toujours avoir des temps de discussion, de questionnement, pour l'aider à mener son introspection. et aussi des moments où la personne est guidée, plus sur une introspection qui est sur un mode méditatif, et ça mixe en fait des introspections de méditation de pleine conscience, de visualisation et aussi de dialogue avec les parts de soi. Pour les personnes qui connaissent, j'utilise aussi beaucoup l'Internal Family System, qui est une thérapie basée sur comprendre les différentes parts de soi et comment je peux venir dialoguer avec elles.
- Nathalie
Est-ce que tu pourrais nous expliquer ce qu'est la méditation de pleine conscience ? Parce qu'on en entend beaucoup parler.
- Laura
Merci pour la question parce qu'en effet, la méditation fait partie des outils, des pratiques très à la mode. Et du coup, comme toutes les pratiques à la mode, à la fois c'est génial parce que ça les fait connaître et à la fois, parfois, ça déforme aussi un peu l'essence de la pratique. Et en plus, il y a plein de formes différentes de méditation. Le principe de la méditation de pleine conscience, c'est vraiment d'apprendre à observer tout ce qui se passe en soi et à l'extérieur de soi. C'est-à-dire que dans tous les phénomènes qui arrivent à notre conscience, il va y avoir des choses extérieures, ce qu'on perçoit par nos cinq sens, les sons, les odeurs, plein de choses, la perception de son corps aussi, mais aussi les pensées et les émotions. Et l'idée de la pleine conscience, c'est vraiment d'apprendre à être dans l'acceptation, moment après moment. de ce qui s'élève à notre conscience. Donc si je prends un exemple assez concret, ça va permettre que, par exemple dans le cas de sensations physiques désagréables, si j'ai des sensations physiques désagréables à cause de l'hypoglycémie ou à cause de l'hyperglycémie, et on sait qu'on a tout un panel où ce qu'on expérimente quand même assez souvent dans notre corps de personnes atteintes de diabète, c'est quand même... vraiment souvent dans notre expérience corporelle, plein de sensations physiques qui sont désagréables. Moi, la méditation de pleine conscience, ce qu'elle m'a aidée à faire, c'est à ne pas rejeter ces sensations physiques désagréables parce que souvent, le rejet de ces sensations physiques ou la lutte contre ces sensations physiques viennent rajouter une couche de souffrance. Et notamment, viennent rajouter une couche de souffrance en pensée et en émotion. C'est-à-dire que quand je suis en train de sentir le sentiment de faiblesse de l'hypoglycémie, Moi, la méditation m'aide pas à me dire c'est génial, je suis en hypoglycémie, mais juste à accepter que là, ce qui est en train de se passer dans mon corps est tel que c'est. Si je suis en rejet ou en lutte, ça va venir actionner des pensées du style Oh, fais suer, je suis encore en hypoglycémie, mais c'est l'enfer ! Et ça va venir créer du coup une charge émotionnelle supplémentaire à l'expérience qui est déjà de base désagréable. Donc en fait, tout le principe de la planète... conscience, c'est de venir aussi vraiment... C'est comme si notre cerveau et notre conscience étaient un peu des muscles pour lesquels on pouvait apprendre à focaliser l'attention différemment. Et le truc, c'est que notre attention, de manière, comment dire, automatique, en tant qu'être humain, notre attention est happée par la douleur, que ce soit des douleurs physiques ou que ce soit les douleurs psychiques. Donc l'idée, c'est d'apprendre son attention à venir aussi regarder d'autres choses et à la fois à accepter ces sources de douleur. Le bénéfice pour moi de la méditation de pleine conscience, c'est vraiment aussi... On parle souvent d'autocompassion et pour moi, c'est un levier extrêmement important de sérénité. Pour moi, l'autocompassion, c'est vraiment cette façon de se traiter avec douceur, cette gentillesse. Et c'est un sujet qui revient énormément avec les personnes avec lesquelles je travaille qui ont du diabète. Parce que comme on a cette responsabilité de nos traitements, ça vient possiblement exacerber toutes les petites voies intérieures qui rajoutent une couche de flagellation, de c'est pas assez bien c'est pas assez parfait etc. Et la médiation de pleine conscience, elle aide aussi vraiment à venir distancier ces voies intérieures qui rajoutent de la souffrance à la souffrance inutilement et à venir vraiment, de la même façon qu'on aurait un mouvement de compassion vers un ami qui vit des choses difficiles comme la maladie, un ami qui va mal ne va pas lui dire Bon, bouge-toi les fesses, fais mieux, de toute façon, t'es qu'un nase, tu fais rien de bien. Non, un ami qui va mal, on va juste lui dire Je comprends que ce soit dur. Qu'est-ce que je peux faire pour te soutenir ? Et l'idée, c'est de venir réussir à internaliser un peu pour soi ces mouvements de soutien pour soi, alors que ce n'est pas du tout automatique dans la manière dont notre psyché humaine est faite. On sait le faire pour les autres, mais on ne sait pas le faire pour soi. Donc, c'est aussi un des bénéfices de la méditation de la conscience.
- Nathalie
À quel type de public s'adressent tous ces accompagnements ? Est-ce qu'il y a un public particulier ou pas ?
- Laura
Tout à fait. J'ai quand même vraiment à cœur d'accompagner les personnes qui ont une maladie chronique. Actuellement, je fais beaucoup de choses pour des personnes qui ont le diabète de type 1, que ce soit sur le plan collectif ou sur le plan individuel. Je m'adresse aussi aux proches aidants qui, parfois, ont aussi leur forme de souffrance dans la fatigue que c'est d'accompagner quelqu'un ou quelqu'une, dans aussi tous les non-dits. Il y a aussi un vrai travail sur la communication entre les malades et leurs proches. Et puis, troisième type de public que j'ai un tout petit peu fait, mais qui est vraiment plutôt pour le moyen terme, j'ai aussi envie d'accompagner les professionnels de santé et notamment les médecins. Parce que quand je parlais d'autocompassion tout à l'heure, pour la personne qui a la maladie chronique, moi j'ai une conviction, c'est que demain, si on a des médecins qui savent mieux observer, leurs mécanismes psychiques à elles eux, leurs pensées, leurs émotions, qu'ils savent mieux se connecter à leur vulnérabilité, parfois à leurs sentiments d'inquiétude pour le patient, d'impuissance, etc. Si on leur apprend à s'apporter cette autocompassion, alors ça va rejaillir sur l'empathie du patient et de la patiente. Moi, je suis persuadée que les médecins qui nous parlent mal, les médecins qui commettent, pour le mieux, des maladresses, pas intentionnelles et pour le pire parfois des violences médicales verbales, c'est des personnes avant tout qui sont humaines et qui souffrent aussi. Et que plus elles vont venir un peu remplir leur jauge à elles, et plus elles auront cette capacité naturelle à être dans une présence naturellement bienveillante et à l'écoute du patient. Et ça malheureusement avec notre système de santé et tous les problèmes organisationnels qu'ils connaissent, toutes les pressions de budget, de temps, C'est de plus en plus difficile aussi, pour nos amis les médecins, de rendre ça possible. Comment être à l'écoute du patient quand j'en ai 10 autres qui attendent dans la salle d'attente ? Et pour autant, pour moi, c'est comme toute chose dans la vie, c'est soit on choisit de dire que le système, il n'est pas bon et qu'on ne pourra pas le changer parce que c'est un trop bon paquebot, soit déjà on s'occupe de soi, sur ce qui dépend de nous, indépendamment du système et malgré le système. Et c'est cette vision-là de la relation médecin-patient que j'ai envie de défendre et à laquelle j'ai envie de contribuer à terme.
- Nathalie
Et du coup, quand tu travailles avec des personnes diabétiques, est-ce qu'il y a des défis particuliers ? Est-ce plus facile parce que tu es diabétique ?
- Laura
En fait, il y a quand même des sujets qui reviennent souvent. C'est des personnes que j'accompagne qui sont globalement submergées par leurs émotions, qui ne les comprennent pas. Et parce que la charge mentale parfois obsédante qu'on a, avec notre maladie vient créer un panel d'émotions que personne ne nous apprend à identifier, à comprendre aussi. Déjà, reprendre des basiques psycho émotionnels de quand je suis en colère, ça veut dire que j'ai une limite qui est en train d'être transgressée. Quand j'ai peur, ça veut dire que j'ai un enjeu de trouver de la sécurité. Déjà, rien que de comprendre ça, C'est une manière de comprendre les messages qu'il y a derrière les émotions et c'est une super manière de reprendre le pouvoir, même quand il y a des choses qui ne dépendent pas de nous dans la maladie. Après, il y a un deuxième sujet qui revient beaucoup, c'est la plainte presque que j'ai au début quand j'accompagne les personnes. Je ne suis pas comprise par mes proches. Et du coup, je manque de soutien par l'entourage. Moi, ce qui m'est cher, c'est de redonner la responsabilité à la personne. Oui, tu ne peux pas changer les personnes autour de toi, tu ne peux pas changer la société, même au global, qui est malheureusement encore trop validiste. Et donc, il y aura toujours des réactions qui ne seront pas OK vis-à-vis de la maladie de plein de personnes. Donc, est-ce que tu passes ton énergie à essayer de changer cette personne-là et le monde, ou est-ce que tu passes ton temps à reprendre ta responsabilité sur... Quand je suis en plainte sur le fait que mes proches ne m'apportent pas le soutien que j'attends, est-ce que... sans me flageller, j'ai fait du mieux que j'ai pu sur la manière de formuler ma demande d'aide. Est-ce que j'ai assez de clarté sur la manière dont je pose mes besoins, dont je formule mes demandes, dont je pose mes limites sur ce qui est OK et pas OK pour moi ? Je ne dis pas que c'est facile. Je dis que de la même façon que je me suis faite accompagner pour apprendre à le faire, il est possible de mieux apprendre à le faire. Ça ne veut pas dire que ça va changer les personnes en face, mais ça peut peut-être changer quand même parfois des jeux relationnels, systémiques, qui sont en place depuis très très longtemps avec la famille, les amis, et qui rajoutent là encore une forme de souffrance dans le vécu de la maladie qui peut être évitée. Je dirais qu'il y a deux autres problématiques que j'accompagne assez régulièrement, quels que soient les profils et les parcours de vie, quelle que soit la diversité et l'unicité, ça revient quand même en mécanisme de fond. Il y a vraiment ce sujet de... la responsabilité dans la maladie. Faire cette distinction entre ce qui dépend de moi, ce qui ne dépend pas de moi, et aussi parfois venir nettoyer des croyances, du style. Je suis quand même un peu responsable dans le fait d'être malade. Si j'avais, j'ai aussi longtemps eu cette croyance, pas sur le diabète mais sur mes autres maladies, si j'avais mieux géré mon stress, si j'avais choisi un métier qui était moins stressant, une vie qui était plus proche de la nature, peut-être que j'aurais évité mes maladies. Évidemment que non. Mais il ne suffit pas de bien nettoyer ses croyances de manière intellectuelle. Le travail que je fais avec les personnes, c'est aussi de venir soulager le système nerveux de ces croyances qui entretient une forme de culpabilité qui, pour le coup, n'est pas naturelle. Et dernier sujet sur lequel j'accompagne beaucoup, il y a vraiment l'émotion de colère. Et notamment chez les femmes, là j'ai aussi un prisme féministe assez militant aussi dans l'accompagnante que je suis. J'aide beaucoup de femmes à s'autoriser à être en colère. à être en colère contre la vie, dans sa blessure d'injustice, contre la maladie, et accepter sa maladie, ce n'est pas mettre sous le tapis ces émotions-là. C'est au contraire leur faire toute la place, venir trouver des moyens de libérer ces émotions-là et d'arrêter de les minimiser. J'ai le droit d'être en colère. J'ai le droit de trouver que c'est injuste d'avoir telle maladie à tel âge. Et tu avais quand même une autre question dans ta question. Tu avais une question sur est-ce que c'est plus facile, c'est ça, d'accompagner des gens qui ont un diabète quand je suis moi-même avec un diabète. Alors, je vais essayer de ne pas faire un ni oui ni non, mais un peu quand même, parce que... En fait, là où c'est plus facile. C'est que parfois, je pense que je vais directement à l'essentiel. J'aide la personne à aller directement à l'essentiel. Quand la personne tourne autour du pot, par exemple, je vais nommer la peur de la mort. Peut-être plus que d'autres accompagnants qui n'ont pas été confrontés aussi concrètement à la mort et à cette peur-là. Et moi, je nomme les choses. Je nomme, ah oui, là, tu as un traumatisme parce que cette situation te fait repenser à ton commun. C'est ça que tu me dis. Parce qu'il y a des sons qui sont communs entre la situation que tu me décris et les sons que tu as vécu. Oui, non. Et parfois, je ne tombe pas juste l'idée et pas d'être un oracle de vérité pour la personne. Je ne sais pas mieux qu'elle. Mais ce que je me permets peut-être plus que par rapport à des gens qui, moi, m'ont accompagnée, qui n'avaient pas de maladie, ça tournait plus autour du pot, quoi. Parce que ce n'est pas leur réalité. Et que du coup, il y avait des sujets qui étaient moins nommés explicitement. Et je sais qu'il y a des personnes qui m'ont beaucoup fait ce retour de ça va tellement plus vite qu'avec des psychologues que j'ai pu voir parce qu'on sent que tu n'as pas peur de nommer les choses. Mais oui, je n'ai pas peur de les nommer parce que je les vis aussi et je travaille dessus aussi. Et je ne suis pas beaucoup plus loin que toi sur le chemin. Je ne suis même pas plus loin que toi. Moi aussi, je suis en galère avec tous ces sujets-là. Donc il y a aussi cette posture de vulnérabilité. que ça permet aussi par rapport à la personne. Je trouve que ce qui est génial, c'est que ça permet vraiment une posture thérapeutique. Moi, mes chers, une posture d'égal à égal avec la personne. Je vis les mêmes difficultés que toi. Je galère avec les mêmes croyances limitantes. Je galère de la même façon avec ma blessure d'injustice. C'est juste que mon métier et mon parcours font que j'ai peut-être des petits outils qui vont peut-être t'aider toi aussi. En revanche, le travail que ça me demande, là où ce n'est pas plus facile, d'être DT1 quand j'accompagne les DT1, c'est que moi, ça me demande vraiment une pleine présence et là, pour le coup, une pleine conscience. Et c'est en ça aussi que la pleine conscience m'aide dans ma posture thérapeutique de Ah, là, la personne te dit ça. Par exemple, sur une expérience qu'elle a par rapport au diabète, comment je ne fais pas de projection sur le Ah bah oui, tu dis ça parce que non, non, non. Comment je garde en tête que malgré la maladie qu'on a en commun, nous sommes deux personnes uniques, différentes. avec des mécanismes psychiques tout aussi différents et uniques et comment du coup, malgré ma connaissance de la maladie, je garde un peu cet œil curieux comme si je ne savais rien pour ne pas présumer pour la personne, pour ne pas imposer ma vérité et vraiment être dans ce rôle qui est le mien de trouver la sienne. Donc ça, ça me demande quand même d'être vraiment en pleine conscience de mes pensées pendant que la personne me parle de : Ah oui le donc, la fonction, que je veux faire avant elle. Je la laisse passer. Ça, c'est qu'une pensée. Et ce n'est pas ça qui doit guider mon questionnement ou la manière dont j'accompagne la personne.
- Nathalie
Et sinon, quelles sont les transformations et les réussites que tu as obersvées sur ces personnes que tu accompagnes ?
Déjà, je vais nommer une première réussite assez générale, que ce soit même dans des accompagnements collectifs qui ne durent que quelques heures ou des suivis individuels sur plusieurs mois. Pour moi, le pari, il est gagné quand déjà la personne, Je suis quelqu'un sur son chemin de manière temporaire, quelqu'une, pardon, qui ouvre la porte de la reconnexion à son corps et à ses émotions. Et au fait de prendre soin de soi et de se mettre en priorité. Si déjà, la personne, elle sort d'une déconnexion de son corps, elle sort d'une dépriorisation d'elle-même. Moi, j'ai gagné, enfin, voilà, c'est ce pourquoi je fais mon métier. Et ça, en général, c'est valable dans tous les accompagnements que je fais. Pour te donner des exemples peut-être plus concrets de transformation que ça permet, tu peux avoir des personnes qui s'empêchaient de faire des activités avec le diabète, par exemple avaient peur de randonner pour la gestion de la glycémie, ou plein d'activités en tout genre, s'interdiser des voyages, etc. Et ça, c'est vraiment un signe concret pour moi de la transformation dans l'accompagnement, c'est quand tout simplement ces personnes se réautorisent à faire ces activités-là. Ça, en général, c'est une... une grosse victoire dans les accompagnements. Ou par exemple, j'ai eu des exemples un peu plus extrêmes de personnes qui ont commencé leur accompagnement avec moi en n'ayant plus du tout de parcours de soins. Il y avait une personne, ça faisait cinq ans qu'elle n'avait pas vu un ou une diabétologue à l'hôpital. Moi, j'avais conditionné notre accompagnement au fait que, en quelques séances, pour moi, l'objectif, c'était qu'elle ait repris son parcours de soins et que si ce n'était pas le cas, moi, je ne pourrais plus l'accompagner. parce que moi, mon accompagnement s'inscrit vraiment aussi dans un parcours de soins vraiment médical et juste en complémentaire. Et l'idée n'était pas de menacer la personne, mais juste de... Et donc, en fait, les premières séances, on a travaillé sur les traumatismes médicaux qu'elle avait eus avec certains médecins et on a nettoyé un peu ses peurs et ses traumatismes-là pour qu'elle puisse recréer une relation avec un ou une nouvelle diabétologue. Après, j'ai aussi des exemples concrets dans la gestion du diabète. J'ai des personnes que j'ai accompagnées sur le fait d'avoir peur de passer à la pompe à insuline. Et donc nous, on est venus... Moi, je n'ai pas de conviction sur ce qui est bien pour la personne médicalement. Moi, je m'en fiche, qu'elle reste sous le stylo, etc. Mais si son souhait, c'est elle qui m'amène son souhait de peur du changement, moi, du coup, je vais travailler sur ces peurs du changement. Ou alors, je vais aussi travailler, par exemple, sur la peur de l'hypoglycémie. Et donc, j'ai eu des belles victoires de personnes qui ont arrêté ou ont diminué leur mécanisme de sous-dosage d'insuline lié à la peur de l'hypoglycémie.
Alors, je sais que tu accompagnes l'association Les Déesses Sucrées dans leur événement. Et donc, tu fais de l'accompagnement collectif. Est-ce que tu peux nous expliquer comment ça fonctionne ?
- Laura
Il y a deux ans, on s'est rencontrés avec Elsa et Cloé, les vice présidente et présidente de l'association les Déesses sucrées. Ça a été un coup de cœur, à la fois amical et professionnel. Dans ce qu'on voulait, on a une vision vraiment commune dans ce qu'on veut défendre et dans le fait qu'on veut apporter des solutions au manque aujourd'hui d'accompagnement psycho-émotionnel qu'il y a dans les parcours de soins. Et c'est comme ça que du coup... Nous avons créé un concept unique en France. On a fait une tournée dans 12 villes de France de ce qu'on a appelé les Cafés Coaching, qui sont des ateliers de 5 heures qui visent déjà à créer les communautés dans les villes en local. Donc en fait, les filles se rencontrent et grâce à cet après-midi-là, le lien créé est assez fort et puissant pour que ça leur donne envie après de créer des rencontres sans que nous, on soit là, c'est-à-dire de manière plus autonome en local via l'association. L'idée dans ces ateliers, c'est vraiment de créer un espace de sécurité dans lequel les filles peuvent déposer les émotions, les difficultés, se sentir soutenues par le groupe, et surtout se rendre compte qu'on n'est pas seules dans ces difficultés. L'intention de des Déesses Sucrées est globale. Au-delà des cafés coaching, c'est pour plus qu'aucune femme ne souffre seule de sa maladie. C'est vraiment ça que permettent ces ateliers, que j'ai vraiment voulu créer quand j'ai créé l'ingénierie pédagogique. en fonction du brief d'Elsa et Chloé, c'est de créer des espaces d'écoute qui soient différents de ce qu'on a pu connaître en tant que patiente dans les groupes de parole à l'hôpital, qui ont le mérite d'exister et qui sont des solutions super, mais qui, moi, dans mon expérience personnelle, étaient parfois des espaces un peu lourds où, moi, j'ai toujours le souvenir que c'était un peu le ou la plus déprimé qui parlait dans ces espaces-là et qu'il n'y avait pas vraiment de facilitation de groupe, ce qu'on appelle. et que du coup, il n'y avait souvent pas d'équité de parole. J'avais l'impression que toutes les personnes étaient en victimisation. Moi, ça me traînait vers le bas, vraiment. Et c'est pour ça aussi que nous, ce qu'on a voulu créer, c'est des espaces qui mènent de la profondeur, venir lâcher les émotions qu'on a besoin d'être déposées s'il faut, et aussi de la légèreté. Et aussi, par rapport à un groupe de parole, ce qui est très différent, c'est que tout l'enchevètrement d'activités que j'ai créées vise aussi à transmettre des apprentissages concrets et des ressources, des petits trucs et astuces, des petits outils, pour gérer son rapport et ses émotions par rapport à la maladie. Et sinon, je suis aussi, pour les déesses sucrées, je vais aussi nommer un autre rôle que j'ai bénévole celui-ci, là, je suis ambassadrice à Lyon. Ça veut dire que, comme toi, Nathalie, sur la Corse, là, ce n'est plus ma casquette de coach thérapeute. Là, l'idée, c'est vraiment de faire grandir la communauté lyonnaise et d'organiser des événements qui soient plus plaisir pour que, comme je le disais, la communauté vive en local et que le réseau de soutien vive dans le temps. indépendamment de notions d'ateliers ou d'événements qui sont encadrés par les professionnels. Donc, avis en lyonnaise et personnes de la région qui nous écoutent, contactez-moi. Nous sommes déjà plus d'une vingtaine. On serait très heureuses de vous accueillir.
Tout à fait ! Et pareil pour la Corse. Alors, selon toi, je pense que dans la conversation, dans notre conversation, ça s'est un peu... Cette question est un peu venue. C'est ce manque... Y a-t-il, d'après toi, un manque dans la façon dont les médecins et les professionnels de santé accompagnent les patients ? Et ces patients, du coup, cherchent du soutien auprès des gens, des coachs, des accompagnateurs, des thérapeutes, des psychothérapeutes, enfin toutes sortes d'accompagnement. Et voilà, est-ce que justement c'est à cause de ce manque ? Qu'en penses-tu ?
Oui, pour te répondre, pour moi c'est évident qu'il y a un manque, c'est la raison fondamentale pour laquelle j'ai choisi de créer ce métier-là. Mon rêve, c'est qu'un jour, tous les accompagnements collectifs ou individuels que je propose soient intégrés dans l'éducation thérapeutique du patient et que tous les aspects psycho-émotionnels soient vus aussi essentiels dans l'éducation thérapeutique que les aspects plus techniques des traitements. Aujourd'hui, on est encore sur une vision assez occidentale et française de la santé qui vient quand même séparer le corps et l'esprit. Et moi, mon rêve, c'est qu'on réintègre un peu des visions plus holistiques de la santé et que j'entends encore trop d'exemples autour de moi ou même un exemple personnel de gens à qui on propose d'aller voir un psychologue à l'hôpital quand la personne a déjà atteint un niveau de dépression ou de burn out lié à la maladie qui est déjà avancé. Quand pour moi, cette proposition, c'est le cas dans certains établissements mais elle devrait être systématisée quand une brique aussi importante que compter son insuline que aller voir la diététicienne pour moi c'est des briques obligées dès le début ensuite moi je crois qu'il y a quand même des choses et c'est ce que je disais tout à l'heure dans mon rêve d'accompagner les médecins, je pense aussi qu'il y a des choses qui relèvent aussi de la vision que le médecin a de son rôle et que moi ce que j'aimerais dans l'avenir c'est qu'on ait des médecins qui osent aborder les peurs fondamentales liées à la maladie. Ça ne veut pas dire qu'ils remplacent les accompagnaterices psycho-émotionnels, qu'ils remplacent d'autres métiers vraiment liés à ça, mais vraiment savoir aborder les peurs fondamentales qui sont à la racine des mécanismes parfois de démotivation pour faire l'insuline. Si je comprends que ma patiente sous-dose son insuline le soir avant de dormir, depuis qu'elle a fait un coma hypoglycémique la nuit, il serait peut-être temps de nommer sa peur de la mort pour comprendre que c'est ça qui est à l'origine de son mauvais usage du traitement. Et pour moi, quand même, savoir accompagner un patient, même quand je suis médecin, c'est aussi comprendre qui est la personne en face de moi avec ses croyances limitantes, avec ses peurs. C'est savoir l'aider parfois dans sa charge mentale de la maladie à faire des tout petits pas et pas lui faire la liste à Prévert de toute la façon idéale dont il faudrait qu'elle gère son insuline. C'est lui poser des questions aussi. Cinq minutes en début de rendez-vous sur la manière dont la personne est entourée par son entourage ou pas. Et une manière aussi de prendre en compte sa vie au global et la période de vie dans laquelle elle est. Moi, je n'ai jamais autant apprécié des médecins que quand ils me disent : Voilà, je comprends que par rapport à ce que vous me racontez de votre vie en ce moment, le diabète n'est pas votre priorité. Qu'est-ce que ça fait du bien de se sentir vue et considérée dans des besoins humains beaucoup plus globaux et fondamentaux de sa vie que juste ? la gestion de sa courbe de glycémie. Et je ne dis pas qu'il n'y a pas tous les médecins qui le font. Il y a des très bons médecins qui le font déjà. Pour moi, l'enjeu, c'est comment on systématise dans leurs compétences de médecin ce genre de posture et de comportement.
- Nathalie
Quels sont, selon toi, les aspects positifs de cette relation patient-médecin-professionnel de santé ?
- Laura
Je ressens une évolution quand même positive dans la posture des médecins. J'ai accompagné des personnes qui avaient entre 55 et 62 ans qui me racontaient les phrases qu'elles avaient eues à l'époque, quand elles avaient 5 ou 10 ans, les phrases des médecins, qui étaient d'un niveau d'infantilisation ou de surcontrôle ou de violence médicale que je crois, j'espère, qu'on entendrait beaucoup moins ou pas aussi... grave dans la bouche d'un médecin. Donc moi j'ai quand même une confiance sur le fait que les médecins ont de plus en plus conscience qu'ils ne peuvent pas juste être dans une posture de sachant qui redonne aussi du pouvoir aux patients, surtout dans une maladie comme le diabète où on a cette responsabilité de notre traitement, et qu'il y a quand même une ouverture dans la manière d'approcher la santé. On le voit à tous les métiers d'accompagnement ou toutes les médecines complémentaires qui sont en train d'arriver à l'hôpital pas encore de manière systématique dans les parcours de soins, ce que je disais précédemment, mais ça arrive quand même. Moi, je vois que, par exemple, la méditation de pleine confiance, il y a vraiment une reconnaissance, même maintenant de plus en plus scientifique, grâce à tout ce que font les neurosciences, pour montrer vraiment l'impact de la méditation sur le cerveau, sur la gestion de la douleur, etc. Et du coup, il y a vraiment comme ça quelques pratiques, quelques disciplines qui commencent à rentrer dans les mœurs. Des médecins qui parlent de sophrologie, des médecins qui parlent de méditation, de... Moi, ça me donne de l'espoir sur le fait que c'est une bonne période pour contribuer au changement du système.
- Nathalie
Quel conseil donnerais-tu aux personnes intéressées par un accompagnement comme ceux que tu donnes, mais qui hésitent à faire le premier pas ?
- Laura
Déjà, la première chose qui me vient, je ne sais pas si c'est véritablement un conseil, mais en tout cas, c'est quand même quelque chose que j'ai envie de dire, c'est que c'est normal d'avoir peur c'est normal d'hésiter moi je me souviens à l'époque où j'ai commencé pour la première fois à aller voir une psy je sais plus quand j'avais c'était il y a 12 ans sûrement bah en fait travailler sur soi et sur ses émotions c'est tellement habituel dans notre société dans notre éducation scolaire etc où on est encore très dans la tête que oui ça demande une forme de courage de faire ce premier pas et du coup comme tout changement bah ça comporte aussi des hésitations des doutes moi j'ai un peu envie de dire que c'est un peu La chose qui peut aider, c'est de se dire que de toute façon, ça ne peut aller que mieux en se faisant accompagner. Enfin, non, mais c'est vrai. En fait, au pire, il n'y a rien qui change. Bon, d'accord. Mais en fait, ça ne peut aller que mieux. Et rien, rien que le fait de faire un premier pas, d'aller voir un professionnel de l'accompagnement psycho-émotionnel, quelle que soit sa pratique, c'est déjà une manière de se faire du bien. C'est déjà une manière de se dire, OK, je suis en train de reprendre le pouvoir sur quelque chose et je suis en train d'apprendre à me faire du bien. Ensuite le conseil peut-être plus pragmatique que j'aurais, c'est de demander en entretenant exploratoire. Vous voyez quelqu'un qui vous attire par la façon dont elle parle de son métier, ce qu'elle propose dans ses accompagnements, eh bien, demandez à échanger sans engagement avec la personne. Je serais très surprise. Enfin, j'ai presque envie de dire le premier professionnel de l'accompagnement psycho-émotionnel qui vous refuse ça, partez en courant. En tout cas, pour moi, c'est aussi comment vous vous positionnez d'égal à égal dès le début. Il n'y a aucune question bête. En fait, choisir le professionnel qui vous accompagnera, c'est aussi choisir quelqu'un avec qui vous partagez les valeurs, quelqu'un dont vous partagez aussi l'éthique, et quelqu'un qui vous attire aussi par le relationnel qu'il ou qu'elle crée. Moi, je crois, honnêtement, je suis faite accompagnée par des... moi-même, dans mon parcours, par des professionnels de tous genres. des coachs, des psy, des machins. Je n'ai jamais regardé leur formation. Par contre, ce que je regardais, c'était la qualité relationnelle, c'était la sécurité dans laquelle ils/elles me mettaient tout de suite. C'était cette sorte d'humilité aussi qu'ils avaient dans la prise de contact, où je ne sentais pas de biais de pouvoir ou de forme comme ça, un peu d'ascendant. Si vous sentez tout ça, fuyez. Et si par contre, vous sentez que ça match relationnellement, allez-y parce que je crois que quels que soient les outils, les métiers, ce qui fait vraiment la qualité d'un accompagnement, c'est le match relationnel entre les deux personnes.
- Nathalie
Laura, je te remercie pour ce moment d'échange et pour tes conseils inspirants. Au revoir à toutes et à tous et prenez bien soin de vous.
- Laura
Merci infiniment Nathalie pour la curiosité bienveillante, la qualité de notre échange et puis surtout tout ce que tu fais pour faire connaître des métiers encore trop peu connus comme le mien. Merci infiniment.
- Nathalie
Je te remercie pour ton écoute. Si cet épisode t'a plu, que tu souhaites soutenir le podcast, je t'invite à le partager autour de toi, à t'abonner pour être averti du prochain épisode, à laisser 5 étoiles et un avis sur ta plateforme d'écoute. Tu as la possibilité aussi de me contacter, soit sur mon compte Instagram, soit par e-mail que tu trouveras dans les notes du podcast. Je te dis à très vite pour un nouvel épisode de Vivre le diabète à la recherche de l'équilibre. Prends bien soin de toi.