Speaker #0Le 27 janvier 1945, l'armée soviétique libère le camp de Auschwitz-Birkenau, en Pologne occupée. Auschwitz-Birkenau, le plus important camp de concentration et d'extermination nazie. Ce jour-là, à l'arrivée des soviétiques, les SS qui géraient le camp avaient mis les voiles. Pas fou les mecs, ils tenaient à leur vie. Il ne restait dans le camp que 7000 détenus. Vous avez bien entendu, j'ai dit qu'il ne restait que 7000 détenus parce que... Quand Auschwitz était à son maximum d'activité, c'était 100 000 détenus qui y étaient présents. 100 000 ! Quand je dis que ça a été le plus important camp de concentration et d'extermination nazie, c'est pas un abus de langage. Et je précise que Auschwitz a été un camp de concentration et d'extermination, ce qui n'est pas la même chose. Pourtant, ces termes, camp de concentration, camp de déportation, camp... déterminations sont souvent utilisés comme si ils étaient synonymes, il faut dire qu'ils sont très chargés émotionnellement. Seulement, mélanger ces notions, c'est faux, historiquement, factuellement, et ça peut contribuer à banaliser et à minimaliser l'horreur qu'a été Auschwitz. Parce qu'un camp de concentration, au sens strict du terme, c'est un camp qui est construit, qui est pensé pour qu'il soit concentré, déporté. des populations jugées dangereuses ou hostiles. Ça arrive quasiment tout le temps dans des contextes de régimes totalitaires ou de guerre, ou des deux. Seulement, les personnes déportées en camps de concentration ne le sont pas forcément tout le temps dans un but d'extermination. Même si elles vivent, ou pour mieux dire survivent dans des conditions parfois terribles, très dures, malgré tout ce genre déporté reste susceptible d'être libéré. Par exemple, les Britanniques avaient mis en place des camps de concentration pendant la guerre des bourgs en Afrique du Sud à la fin du 19e siècle. Pour y interner et y déporter les bourgs, des paysans d'origine hollandaise susceptibles de soutenir la rébellion en cours. Une fois la paix revenue, les camps ont été fermés, les bourgs libérés et ils ont pu rentrer chez eux. Les américains avaient aussi mis en place des camps un peu du même genre pendant la seconde guerre mondiale où étaient internés, déportés, les américains d'origine japonaise, suite à la paranoïa, pour ne pas dire le racisme anti-japonais, après Pearl Harbor. Malgré l'arbitraire de la décision, ces américains d'origine japonaise n'ont pas été victimes de traitements inhumains ou dégradants. A la fin de la guerre, ces camps ont été fermés et les gens internés ont pu rentrer chez eux. Rien de ça à Auschwitz où les personnes qui y entraient, y entraient pour ne jamais en sortir. Le but premier du camp d'Auschwitz, c'était l'extermination, l'application de la politique de génocide des nazis vis-à-vis des juifs et, on le sait moins souvent, des tiganes d'Europe. Et là aussi j'en profite pour préciser ce que c'est qu'un génocide, parce que là aussi ce terme est très chargé émotionnellement et on le confond souvent avec la notion de massacre de masse, mais c'est pas ça. Il y a une définition du génocide qui a été votée par l'ONU après la Seconde Guerre mondiale. Un génocide, c'est l'extermination voulue, organisée, d'un groupe ethnique, religieux, national ou culturel, en tant que tel, quelle que soit la taille de ce groupe. Avant le génocide des Juifs et des Tziganes, il y en a eu d'autres au XXe siècle. Par exemple, en 1904, le génocide des Herero du Sud-Ouest africain allemand. En 1915, le génocide des Arméniens de l'Empire Ottoman. En 1932 et en 1933, le génocide des paysans d'Ukraine. Même si dans ce dernier cas, la notion de génocide fait débat chez les historiens. Mais à Auschwitz, ce qui est particulier, c'était le rythme industriel d'extermination. Un rythme effréné. J'ai dit que ce camp accueillait à son maximum d'activités 100 000 détenus. Mais sur ces détenus, 90% mourraient au bout de quelques mois, soit dans les chambres à gaz, soit d'épuisement, de malnutrition, de maladies, assassinés par les SS, ou alors morts suite aux expériences médicales du Dr Manguelé qui utilisait des cobayes humains. L'expérience dont je vous passe le détail. Plus d'un million de personnes sont mortes rien qu'à Auschwitz. Plus d'un million de personnes. Quand aux Juifs c'était à son maximum d'activité, c'était 600 personnes qui étaient tuées tous les jours. 600 personnes ! Tous les jours ! On peut parler d'un rythme industriel, mais c'est pas un abus de langage. L'administration du camp d'aux Juifs cherchait à tuer le maximum de personnes en le minimum de temps. Les SS qui géraient aux Juifs pensaient à tuer des gens comme s'ils pensaient à produire des voitures. Le génocide des Juifs et des Tiganes d'Europe, c'était le premier génocide industriel de l'histoire. Si vous voulez avoir une idée de ce qu'était la vie ou en tout cas la survie à Auschwitz, je vous conseille une bande dessinée. Maus, de Hart Spiegelman, un auteur de BD américain qui a écrit dans les années 80 l'histoire de son père, Vladek Spiegelman, juif polonais qui a survécu à Auschwitz. Alors l'originalité dans Maus, c'est que les personnages ont des têtes d'animaux selon leur nationalité ou leur groupe ethnique. Par exemple, les Polonais ont des têtes de cochons, les Français des têtes de grenouilles, on se demande pourquoi, les Juifs ont des têtes de souris, d'où le nom de la BD. Maos, souris en allemand, les allemands ont des têtes de chat et les américains des têtes de chien. Alors dit comme ça, on pourrait penser à une ambiance sympa, rigolote à la Walt Disney. Mais pas du tout. Dans Maos, l'ambiance est dure, sombre, renforcée par un graphisme en noir et blanc avec nuances de gris qui fait que c'est poignant, ça prend aux tripes. Maos, c'est plus qu'une bande dessinée, c'est un roman graphique, de la vraie littérature dessinée. A lire. pour savoir, pour se remémorer de ce qu'a été Auschwitz. Chose importante au moment où la France et d'autres pays du monde connaissent le retour de la puanteur de la haine antisémite. Je vous remercie d'avoir écouté cet épisode.