- Audrey
Bonjour et bienvenue sur 1, 2, 3 français, le podcast des parents expatriés. Je m'appelle Audrey, je suis franco-allemande et je vis en Allemagne depuis 15 ans. Je suis maman de deux enfants nés en Allemagne et qui grandissent avec deux langues, l'allemand et le français. Je suis professeur de français langue étrangère et langue maternelle. En 2022, j'ai lancé les Franco-Expat pour permettre aux enfants francophones de Cologne et de l'étranger de garder un lien actif avec la langue française ainsi qu'avec la culture francophone. Aujourd'hui, je lance le podcast 1, 2, 3 Français afin de donner la parole aux parents expatriés sur leur expérience de l'éducation bilingue au quotidien de leurs enfants. J'accueillerai aussi des professionnels qui apporteront des conseils et donneront des idées pour soutenir ces familles expatriées. Bonne écoute ! Aujourd'hui j'ai le plaisir d'accueillir Aurélie, maman et future maman française qui vit en Estonie. Elle est mariée à un allemand et elle va nous parler de cette transmission des langues dans sa famille ainsi que des stratégies qu'elle met en place pour soutenir l'apprentissage du français chez son enfant. Bonjour Aurélie !
- Aurélie
Bonjour !
- Audrey
Ça va ?
- Aurélie
Oui ça va bien merci !
- Audrey
Alors, est-ce que tu peux te présenter ?
- Aurélie
Alors, je m'appelle Aurélie, j'ai 43 ans, je suis donc française. J'habite en Estonie, dans la ville de Parno précisément, depuis 5 ans. Ça fait maintenant 20 ans que j'ai quitté la France. Avant l'Estonie, j'ai vécu à Londres, en Angleterre et à New York, aux Etats-Unis, où j'ai rencontré mon mari, qui est donc... Pour lui, il est né en Estonie, il est né à Parno même. et il a déménagé en Allemagne en 1989, donc il avait 9 ans. Et il est parti aussi vivre aux États-Unis il y a 20 ans. Donc c'est ensemble qu'on a mené ce projet d'emménagement en Estonie et de projet de famille aussi. En sachant qu'en ce qui le concerne, il est trilingue allemand-estonien-anglais et que moi je suis bilingue français-anglais. Et donc voilà, je suis designer d'intérieur et j'ai un petit garçon de 3 ans et demi qui lui est bilingue estonien-français et j'attends une petite fille pour 3 semaines. Un petit petit mignon ! Et donc voilà, ouais.
- Audrey
Et alors comment ça se passe justement, cette transmission du français à ton fils pour le moment ? Est-ce que c'est facile ? Est-ce que tu te rends compte qu'il y a des difficultés ? Est-ce que vous avez de... des soutiens, en fait, dans votre ville ? Est-ce qu'il y a des associations ou des choses mises en place pour ces petits francophones de l'étranger ?
- Aurélie
Alors, l'Estonie, vu que c'est un pays quand même relativement récent aussi, qui a 30 ans en termes de dépenses retrouvées, n'a pas, en fait, officiellement de lycée français. On a un institut français avec qui je suis en relation, mais chacun fait plus ou moins du bricolage, en fait. pour ce qui est de la transmission de la culture et du bilinguisme. Et ce qui est intéressant, c'est que l'Estonie étant un pays extrêmement connecté, on a des groupes Facebook pour les expatriés et pour les francophones plus particulièrement. On a une dizaine d'enfants actuellement, enfin une dizaine, ça va faire dix avec ma fille, entre zéro et dix ans qui sont francophones. Donc il y a une petite communauté qui s'entraide et qui met en place des... Disons qu'en discutant avec d'autres parents, on voit les stratégies de chacun vis-à-vis du bilinguisme et de la transmission de la langue. Et ça, c'est très intéressant. Pour ce qui nous concerne, on a choisi la méthode un parent, une langue. Donc moi, je m'adresse en français à mon fils et mon mari s'adresse en estonien. à lui et donc c'est comme ça qu'on a décidé de structurer la transmission de nos langues respectives en sachant que mon mari est un estonien dans l'âme, c'est-à-dire il ne parle pas beaucoup. Mais l'avantage du système de congés parentales en Estonie fait que j'ai pu rester à la maison jusqu'à ce que mon fils... Enfin je travaille aussi en freelance, j'ai aussi le choix de choisir des projets ou de ne les prendre pas. Et donc, j'ai pu rester avec mon fils jusqu'à ce qu'il entre à la maternelle, enfin l'équivalent de la maternelle ici, jusqu'à ce qu'il ait trois ans, parce que je voulais vraiment... En Estonie, on peut commencer la maternelle à deux ans. Mais je voulais vraiment qu'il ait des bonnes bases en français, puisque maintenant qu'il est à l'école estonienne, bien évidemment, sa langue principale, c'est l'estonien. Et donc, je voulais vraiment consolider ses bases en français. Et en fait, je pense que de ce que j'en ai lu, le bilinguisme, ça peut s'acquérir. après la naissance, ce n'est pas quelque chose de figé dans le temps. J'ai des exemples dans la famille de mon mari, notamment, où des enfants ont appris l'allemand après l'âge de 5-6 ans, parce qu'il n'y avait pas de place disponible ou la disponibilité du parent germanophone était plus compliquée. Le bilinguisme, c'est quelque chose d'assez malléable, finalement. Mais moi, je m'y suis intéressée relativement tôt, je dois dire. Pendant la grossesse de mon fils, je m'y intéressais déjà beaucoup. Et donc, les stratégies qu'on a mises en place, c'est un parent, une langue. Et aussi, tout ce qui est... Mon fils n'a pas eu le droit aux écrans jusqu'à ce qu'il ait 3 ans. Mais tout ce qui est médias, radio, à la maison, même maintenant qu'il a le droit à regarder la télévision un petit peu chaque jour, c'est exclusivement des contenus en français. Parce que c'est assez ironique, parce que l'estonien est une langue avec un million de locuteurs. le français avec plus de 100 millions, je pense. Et pour autant, on est la langue minoritaire ici, puisque on est estonien. Et puis après, c'était aussi le choix de l'estonien en soi, parce que l'ensemble de la famille de mon mari, en dehors de la génération qui est de la même génération que mon fils, où il ne parle pas forcément estonien, tout le monde parle estonien. Et c'était important pour moi que mes enfants parlent estonien, la langue d'origine des familles de mon mari. Puisque finalement on s'est dit avec mon mari aussi que l'allemand, le français, l'anglais, tout ça, enfin le français non puisque c'est ma langue, mais les langues secondaires on va dire pour nous, ce sont des langues qu'il peut parfaitement apprendre à l'école. Alors que l'estonien ne s'en essaigne nulle part en dehors de l'Estonie. Donc c'était un peu la démarche. Et puis en ce qui me concerne, maintenant que je l'entends parler estonien et que je connais un peu plus la langue moi-même, je trouve ça très très intéressant. L'estonien n'est même pas une langue indo-européenne, donc ça n'a rien à voir avec les autres langues. Et je trouve ça très intéressant, ne serait-ce que pour le développement de sa pensée, qu'il puisse parler des langues qui n'ont absolument rien à voir l'une avec l'autre.
- Audrey
Et donc, tu m'avais dit que tu étais en contact avec l'Institut français pour monter un groupe, faire des activités, justement pour cette petite dizaine d'enfants. francophone.
- Aurélie
Oui, voilà, exactement. Alors, ce qu'on a remarqué, moi je me suis intéressée à la question de, puisqu'on a plusieurs familles franco-estoniennes ou franco-évandaises aussi, qui ont deux enfants, et pour le deuxième enfant, c'est un petit peu compliqué de parler le français, et donc, puisque l'aîné voit que le deuxième galère un peu avec le français, il se met à parler estonien, puisque les aînés en général associent les associent les enfants, enfin les autres enfants, à l'Estonien, c'est la situation avec laquelle ils font face à l'école ou au jardin d'enfants, et par association, ils communiquent en Estonien avec leurs petits frères ou leurs petites sœurs. Et donc, je me suis posé la question de savoir comment ça allait se passer quand ma fille va arriver, et c'est une discussion que j'ai très souvent avec mon fils. Je me demande souvent en quelle langue elle va parler, la petite sœur et tout ça, mais je lui dis, écoute, c'est... Ce sera à toi de lui parler la langue que tu préfères. Je lui dis en sachant qu'avec maman, elle parlera français aussi, dans la mesure du possible. Je crois qu'il est en train de réfléchir à la question. Ah, d'accord. Mais c'est là que je me suis dit, c'est vrai que c'est dommage de voir qu'avec Morgane, donc avec mon fils, ça a été tellement simple et ça lui est venu tellement naturellement, que je me suis dit, bon, ce serait bien de mettre en place quelque chose que je ne sois plus le locuteur principal. français et qu'ils puissent s'exprimer en français avec d'autres enfants dans un cadre un petit peu différent que celui de la maison, qui n'associe pas seulement le français à quand moi je parle, quand je parle avec mes parents en vidéo, quand ils sont là, et créer une communauté dans laquelle le français est un outil indépendamment de moi en fait. Et c'est pour ça que j'ai contacté l'Institut français au départ, puisque j'ai une amie à Tallinn, la capitale de l'Estonie. qui est elle maman de 4 enfants, qui sont tous bilingues estoniens français, ils sont plus âgés maintenant, je crois que c'est l'année de ses fils, il doit avoir 35 ans, et c'est elle qui m'a dit, tu devrais contester l'Institut français, leur demander si on peut organiser des activités, des trucs, et donc on s'est rencontré mi-janvier avec la coordinatrice de tout ce qui est cours de l'or et apprentissage du français, et donc elle est venue à Parmours, on a fait une petite soirée, on s'est rencontré. et tous les parents ont été, je crois, sur six familles, on devait être cinq. Et donc les enfants ont pu parler. Alors c'était très drôle parce que bien évidemment, entre dix et... et tout petit, les enfants d'une dizaine d'années étaient super excités, n'arrêtaient pas de parler. C'était tellement dans la joie de pouvoir partager la connaissance du français, de pouvoir parler, et oui, clairement dans un contexte différent que le contexte familial, et ça, c'était très jouissif pour eux, très clairement. C'est chouette, hein ? Oui, et donc là, j'attends le retour de Juliette, la personne qui s'occupe de ça à l'Institut français, pour que l'on organise quelque chose peut-être d'hebdomadaire, parce qu'à Taline, il y a des activités... hebdomadaire pour les enfants mais c'est organisé le samedi matin et Parc Mou est à 2h de route de Tallinn. Ce n'est pas gigantesque, ça se fait très bien mais avec des enfants ça demande pas mal de coordination et surtout que la majorité des familles ont deux enfants donc quand ils ont 8 et 10 ans c'est probablement gérable mais bon il faut quand même l'élever un samedi matin à 7h pour aller à Tallinn. Et voilà, après une semaine d'école, et puis, pour les plus petits, c'est un peu plus compliqué à gérer. On espère, dans quelques années, normalement, on doit avoir un train limpide qui passera de Tallinn à Toulouse en 45 minutes, ce sera déjà nettement plus gérable. Mais en attendant, c'est vrai que ce serait... d'envisager avec l'Institut français, potentiellement, quelqu'un qui viendrait une fois par mois pour faire un atelier avec vraiment un suivi pédagogique pour essayer de... de voir aussi les besoins de chacun, parce que c'est quand même une tranche d'âge très vaste. Oui, oui. Et pendant les autres semaines, soit un des parents, soit on organise une projection, soit on fait des lectures, soit on loue une petite salle de jeu où les enfants peuvent simplement jouer et échanger entre eux en français pour se donner l'occasion de se voir. Et que ça devienne en fait une activité régulière, où les enfants aussi savent qu'il y a une forme de répétition, une activité pérenne en fait. C'est là qu'on en est, c'est encore à... Ça m'aggussit encore un petit peu. Pour en avoir discuté avec l'Institut français, la personne qui en est responsable m'a dit que c'est vrai que, vu qu'il n'y a pas encore de structure officielle et qu'il n'y a pas d'école française exactement en Estonie, c'est vrai que tout le monde fait un peu du bricolage finalement. Mais c'est ça qui est intéressant aussi, c'est que tout est plus ou moins inventé. Chacun a ses méthodes. Là, il y a un papa qui essaie d'apprendre à son fils à lire en français. Il a six ans. Et moi, ça faisait partie des problématiques qui m'intéressent aussi, puisque je suis ravie que Morgane parle très bien français, mais il est important que d'une part de le maintenir, et d'autre part de voir comment on peut lui enseigner l'écriture et la lecture en français, parce que l'estonien est extrêmement phonétique, c'est très très simple.
- Audrey
Tout le contraire du français.
- Aurélie
Tout le contraire du français, exactement. Et je me dis qu'à l'avenir, je ne sais pas si je l'encouragerai nécessairement à prendre des cours de français à l'école, dans la mesure où il parlera déjà. et que peut-être que ça ne m'intéressera pas, je ne sais pas. Mais que ce serait dommage de limiter sa capacité à interagir en français à seulement l'oralité, puisque je ne sais pas vraiment. Pour x ou y raison, s'il voulait faire ses études en France, mais qu'il ne sache pas écrire le français, ce serait vraiment dommage. C'est ça,
- Audrey
c'est ça. Quand on maîtrise une langue, c'est bien de la maîtriser entièrement, du coup.
- Aurélie
Oui, voilà, ouais. En sachant que le bilinguisme fait qu'on ne maîtrise pas toujours tout. parce qu'il y a forcément de toute façon oui il y a forcément quelque part une lacune de vocabulaire qui s'installe et c'est inévitable mais c'est vrai que de pouvoir l'écrire surtout que le français c'est quand même très ardupe et que quand on est enfant et une petite enfant c'est vrai que on se pose moins de questions sur ah mais pourquoi c'est comme ça donc voilà je sais qu'il y a des cours qui sont dispensés par le CNED pour aider les parents francophones à l'étranger à faire passer justement à transmettre la langue à l'écrit donc je pense que Merci. je regarde comment Karim se débrouille et puis après, je ferai peut-être la même chose. Ça dépend des enfants aussi.
- Audrey
Oui, c'est ça. Une méthode va convenir à un enfant, une méthode non. Il faut aussi trouver vraiment la bonne méthode. Comme tu dis, il y a le CNED, il y a beaucoup de cours en ligne qui se font maintenant pour apprendre à lire et à écrire en français. Mais voilà, il faut que ce soit aussi adapté. Bien que ce soit adapté aux enfants, évidemment, mais tous les enfants n'adhèrent pas. Ils ont besoin vraiment que ce soit en présentiel, justement, pour avoir cette personne avec eux ou ces personnes avec d'autres enfants. pour avoir ces interactions. C'est vraiment chacun différent. Il faut trouver la bonne méthode pour...
- Aurélie
Et puis trouver la bonne méthode pour la famille aussi. Ce qu'Arim m'a dit, il enseigne le français déjà, mais à des adultes. Il a déjà une base pédagogique très forte. Et il m'a parlé de l'investissement en termes de temps que ça lui demande à lui, en fait, de préparer les cours, de regarder ce qu'il va devoir demander à son fils, de faire, etc. Et donc, l'engagement que ça demande au terme de temps, avec son fils, passer effectivement à essayer d'apprendre le français et à l'écrire. L'investissement en termes de temps de sa part à lui aussi. Donc il faut réussir à concilier ça aussi, ce qui n'est pas inintéressant, mais ce qui réclame du temps pour l'investissement. C'est fort. La patience aussi. Oui,
- Audrey
la patience aussi.
- Aurélie
Et puis oui, de ne pas lâcher l'affaire. C'est ça le nerf de la guerre dans l'enseignement du bilinguisme. De vraiment maintenir sa culture à la maison. C'est vraiment... Il ne faut pas lâcher. Assurer vraiment une continuité dans l'apprentissage et éviter les coupures et tout ça.
- Audrey
Justement, en fait, en Estonie, c'est vu comment, un enfant bilingue ? Est-ce qu'ils acceptent ? Enfin, ils trouvent ça très bien. Est-ce qu'ils acceptent ? Ou au contraire, est-ce que c'est plus mal vu ? Peut-être même en fonction des langues ?
- Aurélie
L'Estonie est un pays qui est bilingue à la base, puisqu'il y a 30% de la population est russophone. Jusqu'à 2028, je crois, on va effectivement... Les écoles russophones vont disparaître du système scolaire estonien. Mais le bilinguisme est plutôt bien perçu de ce que j'en ai vécu. Après, c'est toujours intéressant. Enfin, c'est intéressant quand je vois à l'école, par exemple, les enfants, quand je vais chercher Morgane et qu'il passe directement en français et que dès qu'il me voit, il me raconte toute sa journée, tout ce qui s'est passé. Dans un charabiaque, les enfants ne comprennent pas. Ils nous regardent tous avec des yeux gigantesques en se demandant mais qu'est-ce que c'est que ça ? Ils se posent clairement la question. Les enfants qui sont un petit peu plus vieux, me pose directement la question de savoir quelle langue je parle. Je crois que la majorité des Estoniens sont toujours habitués à entendre plus ou moins le russe, donc ils sont familier avec cette langue. Mais le français, ça l'est déjà beaucoup moins. Donc ils me demandent assez régulièrement « Mais quelle langue tu parles ? » C'est assez le bolo. Les adultes, j'ai souvent des retours très positifs qui me disent « Oh là là, qu'est-ce que c'est joli, comme langue, etc. » C'est un peu partout. Il y a une aura autour de notre langue qui est assez...
- Audrey
C'est magique.
- Aurélie
C'est assez magique et qui peut être un peu bizarre au départ. Et finalement, dans le cadre du bilinguisme, mon fils trouve ça plutôt positif.
- Audrey
Oui, en effet.
- Aurélie
Et après, il y a des situations dans lesquelles c'est un petit peu bizarre. Par exemple, quand on est au parc et que mon fils fait un peu le mariole ou qu'il se montre un peu désagréable et que je dois le reprendre et que je ne maîtrise pas assez bien l'estonien. Et puis, je ne veux pas le... je ne veux pas le perturber non plus à lui parler estonien tout à coup alors que maman elle parle français mais quand je dois le reprendre ou le gronder ou lui dire de ne pas faire ça et que je lui dis en français, je vois bien que les gens me regardent et se demandent probablement si je ne suis pas en train de dire à mon fils, vas-y donne-lui un coup de pelle ça ne veut rien plutôt que de lui dire prends la pelle au petit garçon et je pourrais très bien lui dire, vas-y garde-la Oui, et c'est ça qui parfois est un petit peu ambigu, mais dans l'ensemble, je n'ai jamais eu de problème. Mais c'est vrai que je sens parfois, des fois j'aimerais parler l'estonien plus couramment pour pouvoir parler moi-même, passer moi-même de l'une à l'autre et dire aux parents qui je m'adresse, non, non, mais il faut qu'ils rendent l'appel. Mais c'est le seul moment où ça peut être un peu perçu. on peut percevoir, pas une hostilité, mais disons un questionnement vis-à-vis de la langue que je parle avec Morgane. Mais c'est très, très rare quand même. Il y a un avantage aussi, c'est que quand on se trouve au parc et que j'entends « maman » , en général, c'est moi.
- Audrey
C'est pratique.
- Aurélie
Ça ne peut pas être quelqu'un d'autre. De même, quand on est en France et que tout d'un coup, on entend mon mari, on entend mon fils s'appeler, il sait que c'est lui. C'est pas...
- Audrey
C'est pratique.
- Aurélie
C'est assez pratique.
- Audrey
Alors, pour finir, je vais te poser une dernière question. Est-ce que tu as eu une ou plusieurs anecdotes de ton fils par rapport à ce bilinguisme, justement ? Est-ce qu'il a dit des fois des choses rigolotes qu'un enfant monolingue n'aurait pas dit ?
- Aurélie
Oui, très souvent, oui. Parce qu'il maîtrise le français mieux que l'histonien à ce stade, je pense. Après, je ne peux pas tellement évaluer. En fait, c'est ça qui est aussi un petit peu bizarre quand je parle à un Estonien rudimentaire, on va dire. Et je ne peux pas vraiment évaluer la qualité de son Estonien. Je dois toujours m'en remettre à quelqu'un d'autre. Mais ça, c'est assez bizarre en tant que parent. Et très souvent, il ne va pas connaître le mot en Estonien, alors il va le dire en français. Et son père va le comprendre dans le contexte et dans le fait que... Je vais mettre mes chaussettes. Il va commencer la phrase en estonien, il va finir en français. Ou mets-moi mes chaussettes. Et il va dire le mot chaussettes en français parce que l'estonien, ça ne lui vient pas tout de suite. Et des fois, c'est moi qui lui dis, non mais chaussettes, c'est ça. Et là, il dit, ah oui. Et puis, il reprend la phrase. Des fois, il reprend la phrase, des phénomènes propres. Mais ça c'est assez rigolo, il parle d'un espèce de mélange d'estonien et de français. Des fois je dis à son père, je dis il faut que tu lui dises quand tu sais, il faut que tu lui dises le mot en estonien parce qu'à l'école, les gens ne savent pas de quoi ils parlent. Il y a ça et puis... Parce que déjà, dans la famille de mon mari, ils parlent tous un espèce de mélange d'allemand et d'estonien qui est assez compliqué à comprendre, je dois dire.
- Audrey
Oui,
- Aurélie
j'imagine. Donc, c'est ce qu'ils appellent... Apparemment, c'est très commun dans les familles multilingues de développer une langue de famille comme ça. Et Morgane est assez expert dans la matière. Ce que j'ai été très étonnée, c'est qu'à l'âge de deux ans, un peu plus de deux ans, mais vraiment pas beaucoup après, il était déjà très au fait du fait que maman et papa ne parlaient pas la même langue. Et ils passaient de l'un à l'autre. Et de lui apprendre les termes français et estonien, il sait très bien de quoi il s'agit. Et il comprend que c'est un mode de communication qui est séparé. Et ça, j'étais très étonnée. C'était une assez belle découverte, en fait, parce que je ne savais pas.
- Audrey
C'est vrai que c'est toujours intéressant de voir.
- Aurélie
C'est fascinant, oui. Je me rappelle quand on habitait à New York, on allait tous les ans à la maison de l'Estonie. Et je voyais donc des petits-enfants qui parlaient estonien. Je trouvais ça absolument génial. C'est vraiment une langue très différente. Et de voir maintenant mon fils le parler, et c'était une autre anecdote que j'avais trouvée vraiment mignonne quand on est rentrés en France au mois d'octobre, chez mes parents. Et à un moment, mon père a emmené Morgane faire une balade. Ils ont vu des vaches, des poules, des trucs. Et quand mon fils est rentré chez mes parents, moi, j'étais partie avec ma mère, donc mon mari était tout seul dans la maison. Et mon fils est allé voir son père et lui a expliqué tout ce qu'il avait vu en estonien dans un espèce de petit monologue qui a dû durer 5-6 minutes. Et non-stop, il lui a expliqué ce qu'il avait vu, ce qu'il avait fait avec papy et machin. Et mon père l'a écouté, médusé. Et c'est parce que je n'étais jamais vraiment rendu compte qu'il parlait estonien. Enfin, que ça, c'est une salande, quoi. Parce que maintenant qu'il a 3 ans et passé, enfin 3 ans et demi, son vocabulaire est forcément beaucoup plus élaboré. Enfin, mes parents le voient à peu près tous les 6 mois. et toutes les semaines en vidéo, mais c'est pas la même chose que de le voir en vrai et de le voir s'exprimer. Et quand mes parents viennent nous voir en Estonie, Morgane interagit avec son père, mais ça reste des phrases courtes, des trucs pas hyper élaborés, enfin, c'est « est-ce que tu veux du lait ? » ou des trucs comme ça. Alors que là, c'était vraiment Morgane qui lui faisait tout un speech sur ce qu'il avait vu. Et c'était là que mon père, quand on est rentrés avec ma mère, il m'a dit « voilà » . J'ai vu Morgane quand on est rentré de notre balade et tout. Il a expliqué à son père tout ce qu'il avait vu et tout. Il était vraiment très enthousiaste. Il a dit, mais il a dit tout ça en estonien. Je lui ai dit, bah oui. Mais pour mon père, ce n'était pas du tout évident. Et je pense que oui, en tant que grand-parent aussi, c'est assez fascinant de voir son petit-enfant parler une langue qu'on ne maîtrise pas du tout. Ça a quelque chose d'un peu de magique. C'est un peu de la sorcellerie. C'est très bizarre. C'est un mélange un petit peu. un petit peu étrange et de me dire que de voir, je suis très curieuse de voir comment ça va se passer avec avec notre fille et comment ça peut marcher avec un deuxième enfant ça faudra que tu reviennes nous en parler pour nous dire comment ça se passe avec ta fille du coup voilà, exactement comment ça a évolué comment ça a évolué, ouais de voir aussi comment ça évolue pour Morgane parce que pour le moment il a commencé l'école en septembre donc c'est relativement récent aussi oui aussi et mais de voir comment Je vois qu'il reste très attaché au français quand même. Oui, voilà, c'est déjà bien. Après, il est très bavard aussi, comme petit garçon. C'est vrai que ça aide aussi, je pense. Parce que les enfants que je vois qui parlent le mieux français, dans les cas de famille multilingue, c'est souvent les enfants qui sont les plus bavards.
- Audrey
Eh bien, du coup, merci. On a fini pour aujourd'hui. Donc, je te dis merci pour ce beau témoignage. Merci à toi. Je te ferai un petit volontier, en effet, dans... Quelques années, du coup, quand ta fille saura parler pour voir l'évolution. Je pense que ce sera très intéressant.
- Aurélie
Oui. Et puis, il y avait un autre truc aussi que je voulais dire. Dans mon cas personnel, j'ai remarqué aussi que, en fait, il y a quelque chose que je n'ai pas... Je pense qu'une des raisons pour lesquelles le français s'est installé aussi rapidement dans la vie et dans le vocabulaire de Morgane aussi, c'est parce que je lui parle français depuis le tout début. et Il n'y a pas très longtemps, quand j'étais en France, j'ai discuté avec des gens qui, à un moment, dans leur cas, ils étaient franco-allemands. Et leur fils a le même âge que Morgane, je crois. C'était une situation un peu compliquée, il y avait une séparation des parents. Et en fait, la mère, qui était donc germanophone, disait que son fils ne parlait pas allemand, etc. Et le premier truc qui m'est venu à l'idée, c'est que quand on a la possibilité de se poser la question en amont, ça rend certainement l'expérience beaucoup plus simple. Parce que... De mettre en place le bilinguisme après coup, c'est faisable, mais ça demande un niveau d'effort qui est bien au-delà. De celui qui consiste à parler français ou sa langue maternelle dès le départ, enfin, dès le début, et que l'improvisation n'est pas forcément à bannir, mais je pense que c'est déjà un parcours assez compliqué, ou disons qui demande une vraie ténacité, une vraie persévérance. Et je pense qu'elle doit être d'autant plus forte que l'on commence tard. Et c'est pour ça que plutôt on commence le choix le plus simple. le plus on simplifie l'existence.
- Audrey
C'est ce qui revient généralement quand on parle de bilinguisme, chez les enfants, justement, de commencer idéalement dès la naissance, même avant, puisqu'ils attendent finalement... Évidemment, ils n'apprennent pas à parler, mais ils entendent déjà la mélodie de la langue.
- Aurélie
Exactement.
- Audrey
Eh bien, donc, merci. Pas de quoi. Plein de choses très intéressantes.
- Aurélie
Et tu prêtes ça dans quelques années, alors ? Eh bien,
- Audrey
voilà, ce serait super. Ok. Un nouveau bilan. Et au revoir.
- Aurélie
Au revoir.
- Audrey
J'espère que cet épisode vous a plu et je vous donne rendez-vous bientôt pour un nouvel épisode. N'hésitez pas à me partager en commentaire vos impressions et vos questions. À bientôt.