- Speaker #0
officer. Ils sont souvent en charge de la négociation globale et leur patron leur dit « Vas-y, je te fais confiance. » Ne perdez jamais l'occasion de prendre contact. Les bilatérales, c'est la clé de la négociation sociale. Il faut que tout le monde puisse sortir avec quelque chose et sortir la tête haute. Moi, j'aime bien parler des accords justes. Il faut qu'à la fin, ce soit juste pour tout le monde. On négocie 7 à 10 fois par jour.
- Speaker #1
On a 7 à
- Speaker #0
10 négociations. Chaque jour, tous les jours. Et qu'on ne traite pas comme des négociations, on le traite comme des conflits.
- Speaker #1
Papa, c'est vrai que tu licencie des gens ? Ça, c'est tout simplement la question que ma fille m'a posée un matin sur le chemin de l'école alors que j'étais DRH. Bon, je lui ai évidemment expliqué que mon métier allait bien au-delà des licenciements, que c'était l'art de construire des équipes exceptionnelles, de développer des talents et de cultiver le leadership en entreprise, mais ça m'a confronté une fois de plus à la mauvaise réputation de mon métier. Depuis, j'ai donc œuvré à faire briller la fonction RH, pour aider les DRH à bâtir des équipes qui reflètent leur vision et à développer leur propre leadership. Je suis Flaubert, le fondateur de la Manufacture RH, le spécialiste du recrutement et du coaching des fonctions RH. Et je suis ravi de vous accueillir dans 13e mois, le podcast qui décrypte l'excellence RH. Grâce à des interviews de DRH inspirants, des conseils concrets et des chroniques d'actualité, vous aurez toutes les clés pour comprendre les tendances et innover. Allez, laissez-vous inspirer et venez intégrer notre communauté RH pleine d'énergie.
- Speaker #0
Bonjour Laurent. Bonjour Faber.
- Speaker #1
Alors je dois avouer quelque chose, j'ai une passion un peu bizarre, enfin bizarre non, mais disons très ciblée. J'adore les émissions où on suit les unités d'élite, le RAID, les négociateurs, les types qui débarquent en pleine crise, qui restent calmes pendant que tout le monde panique. Moi je regarde ça comme certains regardent des séries, sauf que là c'est du vrai, du lourd. Du sang-froid à l'état pur. Alors quand j'ai su que j'allais recevoir Laurent Combalbert dans ce podcast, j'étais un peu comme un gamin. Faut dire que Laurent, tu as été négociateur au RAID pendant 6 ans, et tu as même co-fondé la première équipe dédiée à la négociation au RAID. Autant dire que tu connais la pression, la vraie, celle qui se joue à la seconde près, celle où chaque mot peut changer le cours des choses. Alors aujourd'hui, tu ne négocies plus des réditions, mais des... transformation avec The Trusted Agency. Tu formes des dirigeants, des DRH, des managers à la négociation, à la vraie, celle qui se prépare, qui se vit et qui s'incarne. Et puis, soyons clairs, la négo, on en fait toutes et tous, tous les jours. Par exemple, je dis souvent que j'ai FO et la CGT à table tous les soirs avec mes deux enfants. Ça me rappelle d'ailleurs mes négo avec la CGT marseillaise quand j'étais chez McDo. Bon, là, j'ai quand même pas besoin. de garde du corps, c'est un peu plus cool avec mes enfants, mais j'avoue que ça me rappelle un peu quelques échanges. Alors aujourd'hui avec toi Laurent, on va explorer la négociation en entreprise, celle qui évite les tensions, qui débloque des situations, qui permet d'avancer même quand c'est compliqué, que vous ayez à gérer un plan de transformation, un entretien délicat, une réunion qui risque de partir un peu en vrille ou un accord avec une organisation syndicale réfractaire, cet épisode est fait pour vous, accrochez-vous. Parce que vous allez voir, avec Laurent, la négo c'est un art, c'est aussi une discipline et ce serait bien que ça devienne un réflexe. Mais avant de parler de tout ça, qui es-tu Laurent Combalbert ?
- Speaker #0
Écoute, je suis négociateur professionnel. Mon travail c'est de préparer, d'accompagner, de conduire des négociations, de les débriefer. Comme tu l'as dit, j'ai eu la chance d'être recruté par Michel Marie qui était le premier négociateur du RAID et qui m'a fait cette confiance en me recrutant pour l'aider à monter cette équipe, cette première équipe de négociateurs au sein de cette unité. Et donc j'ai découvert ce métier de négociateur de manière tout à fait fortuite. Pour moi la négociation, quand j'ai commencé, fin des années 90, c'était les agents immobiliers qui faisaient la négociation.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #0
ils en font encore. Et voilà, je me suis aperçu que finalement, cette spécialité pouvait se transposer bien sûr au monde de la police, à la gestion des crises. Mais puis aujourd'hui, je la transpose dans le monde de l'entreprise avec une vision un peu particulière qui est celle qu'on peut négocier en situation complexe, à condition d'être bien préparé et de s'être bien organisé avant.
- Speaker #1
Ça veut dire que dans ta carrière, toi tu rentres à la base dans la police ? Oui,
- Speaker #0
je suis lieutenant de police. Je rentre dans la police pour entrer au RAID. Ma vocation c'est ça.
- Speaker #1
Ton objectif c'était le RAID ? C'est le RAID.
- Speaker #0
Je suis sorti bien classé de mon école, j'ai choisi mon poste et évidemment tu n'as pas le RAID en sortie d'école. Donc j'ai demandé quel est le poste le plus près du RAID. On m'a dit une compagnie de CRS qui s'appelle la CRS 8, qui est la compagnie qui assure le cantonnement du RAID. Il y a un poste de lieutenant qui se libère, donc si vous voulez, vous pouvez prendre ce poste-là et vous serez à proximité du RAID, mais ce n'est pas une garantie pour vous d'être recruté.
- Speaker #1
C'est même physique ?
- Speaker #0
Je suis dans la base du RAID, au château de Bièvre.
- Speaker #1
Tu t'imprègnes du truc. Et là, après, tu intègres le RAID, donc sélection très difficile.
- Speaker #0
Pas du tout. En fait, je n'ai pas du tout passé les tests de sélection. Je voulais passer ces tests pour entrer au RAID et rejoindre les colonnes d'assaut. Donc, je me préparais physiquement, mentalement pour ça. Et puis j'ai eu l'opportunité de rencontrer Michel Marie, qui est donc celui qui a lancé l'idée de la négociation. Dès 1985, il commence à s'intéresser aux moyens alternatifs, à l'assaut pour pouvoir gérer ce type de crise, que sont les forcenés ou le retranchement. Et puis en 1991, il va faire une rencontre qui va changer sa vie. Il rencontre Gary Nosner, qui est le premier négociateur du FBI, et qui lui dit, voilà, nous on a créé une équipe de négociateurs, on négocie, on structure nos négociations. Et Michel Marie va rentrer en France avec cette idée qu'il faut monter une équipe. Et en 98, il va me recruter pour constituer justement ce premier groupe un peu organisé, un peu dédié à la négociation au sein du RAID. Donc je ne passe pas les tests de sélection du tout. Je suis recruté en dehors de toute procédure classique pour monter cette équipe. Avec par contre une contrepartie, comme demande Michel-Marie, c'est de ne jamais passer les tests de sélection. Mais d'ici tu viens, tu viens que pour moi, tu viens que pour faire de la négociation. Donc ce n'est pas un cheval de Troie pour entrer dans les sections d'assaut par la suite, tu viens vraiment pour faire de la négociation à 100%.
- Speaker #1
C'était déjà une négo là. Ça veut dire que là il te dit, tu ne seras jamais comme les autres au RAID, mais toi tu seras sur la partie négo.
- Speaker #0
En fait, il me donne ma première leçon de négociation. Tu ne fais pas de concession sans contrepartie. S'il m'avait fait cette concession de me laisser rentrer au RAID en dehors de toute ancienneté, j'avais même pas l'ancienneté pour passer les tests, et en dehors du passage des tests de sélection, si j'étais venu comme ça sans que ça ne me coûte rien, ça n'aurait pas eu de valeur. Là, c'était un engagement fort. Alors c'est un engagement en plus que je... Je le trouve intéressant moralement parce que quand tu te dédies à une fonction, notamment celle de la négociation, tu te donnes à fond. Et puis je pense qu'il a changé ma vision de la mission. Pour moi, ce que je voulais, c'était casser des portes pour sauver des gens. Je voulais donner l'assaut pour aller sauver des gens qui étaient victimes de preneurs d'otages, de forcenés, de retranchements. En fait, il a juste réaligné le truc. Il m'a montré qu'en fait, ce que je voulais, c'était sauver des vies. Pas forcément en cassant des portes. Je pouvais le faire par la discussion. Je pouvais le faire par la négociation. Donc le sens de ma mission c'était vraiment aider les autres porter secours aux autres, mais il m'a proposé de le faire d'une façon un peu différente de ce que j'avais envisagé dès le départ.
- Speaker #1
On est déjà dans l'échange sur la négo et tout, et tu as dit un truc super important, première leçon, pas de concession, sans contrepartie. Donc ça, c'est une règle à suivre quand on négocie.
- Speaker #0
Tu as plusieurs principes qui installent la négociation. Le premier, c'est les principes de résistance. C'est-à-dire que la négociation commence par un non. Toujours. Un non ou un désaccord qui va s'exprimer. Oui,
- Speaker #1
un truc de toute façon.
- Speaker #0
Forcément. Alors, si tu veux aller... Plus loin dans la provocation, entre guillemets, c'est le conflit en fait. La négociation commence dans un conflit. S'il n'y a pas de conflit, il n'y a pas besoin de négociateur. Si la personne à qui tu proposes quelque chose te dit oui, tu n'as pas négocié. Tu l'as convaincu, mais tu n'as pas négocié. Donc oui, ce principe de résistance, c'est qu'au départ, chacune des deux parties ou des trois parties en présence disent non, refusent d'accéder à un point demandé par un autre. Et à partir de cette résistance-là, on va commencer à discuter. Ça, c'est le premier principe. Le second principe, c'est le principe de réciprocité. Si je te donne quelque chose, tu me donnes quelque chose. Si je te concède quelque chose, tu dois me donner quelque chose qui correspond à ce que j'ai concédé. On essaie d'équilibrer les concessions et les contreparties, justement pour que cette négociation soit suffisamment coûteuse à chacun, pour qu'on ait envie d'appliquer l'accord qu'on a obtenu à la fin.
- Speaker #1
Donc c'est ce que tu disais sur le pas de concession, sur les contreparties. On va revenir sur tout ça, on va essayer de donner un maximum de conseils et de tips à nos auditrices et nos auditeurs. Et tu parlais du FBI, et tu es toi diplômé du FBI, donc c'est à ce moment-là que... que t'es parti là-bas pour te former ? Là aussi, c'était dans le deal ? Faut aller te former là-bas ou ça s'est fait après ça ?
- Speaker #0
Alors, c'était un peu dans le deal, puisque quand j'ai demandé à Michel, finalement, pourquoi tu penses que je peux faire ce job de négociateur ? Un des premiers arguments qu'il m'a donné, c'est Donc tu pourras te former chez les anglo-saxons qui sont aujourd'hui, donc fin des années 90, ceux qui ont le plus d'avance sur le sujet. Et il se trouve qu'en 99, Gary Nussner, qui dirigeait la Crisis Negotiation Unit du FBI, est venu visiter Paris. Évidemment, on l'a invité au RAID. Et Gary m'a repéré. Gary m'a dit, écoute, je sens qu'il y a du potentiel. Si tu le souhaites, je vais te faire venir au FBI rapidement pour que tu commences à voir comment nous, nous, on pratique ce métier-là et que tu puisses t'en inspirer. Donc dès l'année suivante, en 2000, je suis allé me former à l'Académie de Quantico. Gary Nordstrom avait juste lancé un défi, il m'a dit « Moi je donnerai mon accord, si la demande m'est faite que tu viennes te former au FBI, mais tu dois convaincre le legal attaché du FBI à Paris. » Le représentant du FBI à l'ambassade des Etats-Unis à Paris, qui s'appelait Enrique Gimenti, et je suis allé prendre rendez-vous avec lui pour le convaincre de me laisser faire la formation, donc il a refusé, le début de la négociation. Et je suis revenu le voir toutes les semaines. Le jeudi à 14h, je prenais des rendez-vous systématiquement, pendant 2 semaines, 3 semaines, 4 semaines, je suis allé le voir pour essayer de le convaincre. Et la dernière fois où j'y suis allé, ça l'a fait marrer. Il dit, ok, vous êtes opiniâtre, vous lâchez pas l'affaire. Allez, je vous donne votre chance, je fais la demande et si Gary Nostal autorise, vous irez au FBI. Et en juillet 2000, je me suis retrouvé à l'académie de Quantico pour faire le stage Crisis Negotiator.
- Speaker #1
C'est ta persévérance qui a fait qu'il a, entre guillemets, craqué, il a lâché, il a dit ok, c'est qu'il a vu que tu étais vraiment motivé.
- Speaker #0
Oui, je pense qu'il aimait bien les échanges parce qu'il aurait pu me dire non et ne pas accepter les rendez-vous que je lui proposais. en plus je parle espagnol donc j'ai commencé à l'amener là-dessus, regardez je peux négocier en anglais en français et en espagnol et puis ouais je pense qu'il a vu que j'étais motivé, que j'avais de l'humour, le voir tous les jours à la même heure, toutes les semaines, ça l'a fait marrer donc je pense que c'est ça avec qui il a dit allez je donne sa chance.
- Speaker #1
Ok et comme ça en quelques mots là être formé au FBI c'est comment ? C'est grandiose ?
- Speaker #0
Bah c'est comme dans les films, tu arrives à l'académie de Quantico, le bâtiment est immense t'es accueilli par des agents, ils ont tous les polos avec les logos sur le tord. Donc c'est très très sympa, bien sûr. Après, c'est très anglo-saxon, très américain. Donc beaucoup de classeurs, beaucoup de process, beaucoup de guidelines qui allaient un peu à l'encontre de la vision que moi j'avais de l'anégo, que Michel avait également qui était plutôt de l'adaptation, plutôt de l'improvisation. Donc j'ai été évidemment ravi de découvrir tous ces process parce que quand tu rentres de l'académie avec tous les classeurs, avec tous les procédures qu'il faut appliquer pour résoudre les crises, t'es rassuré, c'est super, j'ai les outils. Puis quand tu les testes, Tu t'es perçu que c'est pas si facile que ça. On ne met pas l'humain en équation. On n'a pas de procédure. de négociations qui permettent de l'alpha jusqu'à l'oméga d'appliquer les bonnes recettes. Donc ça m'a montré qu'on gère du facteur humain. Et donc on ne doit pas avoir de procédure, on a des protocoles. Et un protocole pour moi ça apporte des questions, pas des réponses.
- Speaker #1
Ok, on reviendra sur les questions. Là j'ai deux trucs en tête. La première chose, à cette époque-là, donc les US ils étaient là et nous on était là. On a rattrapé notre retard aujourd'hui en France, sur ces sujets-là, ou en Europe même.
- Speaker #0
Alors, je ne sais pas si on était en retard, l'approche était différente, mais c'est vrai que quand j'ai commencé à travailler sur des kidnappings, j'ai été recruté par des grandes assurances américaines, l'assureur AIG, l'assureur Liberté Mutuelle, et d'autres qui sont venus me demander d'être leur consultant pour les situations qui impliquaient des francophones un peu partout dans le monde. Et donc, je me suis trouvé à monter des équipes avec des négociateurs anglo-saxons, et c'est vrai que ce côté latin capable d'improviser, ça les mettait un peu en risque, on sentait que c'était, ça ne les rassurait pas qu'on n'ait pas de... de plan complètement établi, de procédure complètement établie, mais ils voyaient l'efficacité. La capacité qu'on avait à s'adapter rapidement aux interlocuteurs, à la culture des interlocuteurs. Donc, je ne dirais pas qu'on était en retard quand je suis allé me former au FBI, c'était une approche qui était différente. Ils avaient par contre beaucoup d'avance sur la structuration, mais une structuration qui n'est pas celle qu'on a retenue et qui n'est pas celle qu'on applique aujourd'hui. Tu vois, aujourd'hui par exemple, moi j'interviens auprès de services d'intervention américains pour leur expliquer ce que c'est que notre protocole Hermione sur la négociation et ils adhèrent à ce protocole, justement parce qu'il revient un petit peu de cette idée qu'on peut avoir des procédures établies avec des réponses qui vaut mieux avoir des protocoles avec des questions.
- Speaker #1
Protocole Hermione qu'on retrouve dans un livre, c'est celui-là. Donc, hop ! Petit moment promo sur le livre. On ne le trouve que chez Amazon.
- Speaker #0
Pour une raison simple, Amazon n'imprime que ce qui est vendu. Donc en termes d'impact carbone, finalement c'est plus intéressant qu'avoir des impressions qui vont au pilon. Et c'est le bouquin que je me suis écrit, parce que je me le suis écrit pour moi en fait. Je tutoie le lecteur. Je me suis écrit le bouquin que j'aurais aimé avoir quand j'ai commencé mon métier de négociateur.
- Speaker #1
Donc là dedans, on en parlait un peu avant l'enregistrement, il n'y a pas d'histoire de négo. toutes les bonnes pratiques, tous les protocoles à respecter dans la négo ?
- Speaker #0
Ce sont les 100 questions de la négociation. 100 questions pour préparer, conduire et débriefer une négociation. Et effectivement, il n'y a pas de storytelling, je ne raconte pas de négociation, j'ai déjà écrit plein de bouquins où je raconte des négociations. Là, j'ai voulu me faire un bouquin technique. Et d'ailleurs, c'est le support de cours de nos formations Hermione, de nos modules de formation, parce que tu as dedans l'intégralité de ce que tu dois appréhender quand tu fais de la négociation, quel que soit ton métier d'ailleurs.
- Speaker #1
Ok. Le lien est fait avec une questions que je voulais aussi te poser. posé ? Tu peux nous parler de Trusted Agency, du campus, de ce que vous faites ?
- Speaker #0
Écoute, j'ai commencé à créer mon réseau de négociateurs quand j'ai quitté le RAID. On m'a proposé de me détacher du RAID, donc d'être toujours fonctionnaire de l'État, mais entre parenthèses, de la police nationale et du RAID, pour monter une équipe pour gérer les kidnappings de ressortissants. J'ai créé un département qui s'appelait Sécurité des voyageurs d'affaires et des expatriés au sein de CivilPol Conseil, la société de conseil du ministère de l'Intérieur. pour aider les entreprises à préparer des déplacements en zone à risque et éventuellement négocier sur des clean-upping ou des extorsions. Et donc, j'ai commencé à constituer un réseau de personnes que j'avais formées quand j'étais au RAID. Parlant espagnol et anglais, j'ai eu la chance de former pas mal de gens quand j'étais au sein du RAID. Et donc, j'ai commencé à constituer ce réseau qui a plus de 20 ans aujourd'hui. Et ce réseau, je l'ai structuré autour d'une agence qui s'appelle The Trusted Agency, comme tu l'as dit, où on a voulu mettre à disposition les entreprises. des expertises décalées en négociation. Donc les gens qui composent l'agence TTA sont pour la plupart, même si il y en a des gens qui viennent de l'entreprise, la grande majorité sont des négociateurs de crise qui viennent du RAID, du GIGN, des forces spéciales, des ERIS et qui transposent leurs compétences en négociation sous haute intensité, négociation complexe, au monde de l'entreprise.
- Speaker #1
Donc tu as un campus en Bourgogne, près d'Auxerre, et toute personne qui souhaite, ou toute équipe, RH par exemple, le Commercia, le Comex, qui souhaitent se former ? Alain Négo vient là-bas, fait une parenthèse en Bourgogne, et vous les formez à toutes les méthodes, en tout cas là-bas, en direct.
- Speaker #0
C'est l'idée de la parenthèse. L'expression est tout à fait juste. On a voulu s'isoler un petit peu du monde. On a 12 hectares de forêt, on est à 1h40 de Paris. Et quand on vient là-bas, on se coupe du monde pendant deux jours. L'idée, c'est de se consacrer à la formation et aux échanges. Quand les gens viennent en inter-entreprise, et tu vois, on a de plus en plus de DRH aujourd'hui qui viennent se former. Les DRH, pour moi, ce sont ceux qui s'occupent d'abord des autres là on s'aperçoit qu'ils viennent de plus en plus se former à la négociation parce que c'est une vraie évidemment compétence et pas que pour les relations sociales également pour la gestion des conflits au quotidien donc oui on se coupe du monde pendant 48h alors on fait aussi bien sûr des formations sur site chez nos clients on fait pas que chez nous mais l'ambiance dans une forêt c'est très particulier tu ralentis en fait, la forêt elle t'amène à ralentir le temps, tu souffles et c'est très propice à l'apprentissage et au partage de connaissances
- Speaker #1
Et c'est important quand tu mènes une négo, d'être, entre guillemets, alors c'est une négo importante, pas les petits trucs du quotidien, mais d'être un peu déconnecté du reste, ou en tout cas d'être vraiment focus sur ce que tu fais, comment t'avances, etc. Si on fait le parallèle aussi avec cette parenthèse.
- Speaker #0
Alors, c'est bien d'être focus sur ta négociation. Après, le danger, c'est que tu peux perdre ta vision stratégique. Tu peux tomber le nez dans le guidon de la relation, avancer point par point, mais être un petit peu trop le nez dedans. Moi, je le constate quand on fait des assistances en négociation. Aujourd'hui, sur 120 assistances qu'on fait tous les ans, 120 à peu près par an, un gros tiers, ce sont des négociations sociales. Avec des préparations de NAO, des conduites de NAO, des négociations de contentieux, des négociations de sortie, des PSE, malheureusement, parfois. On accompagne certains services de l'État qui gèrent les PSE. Et donc, on a, nous, cette vision un peu décalée parce qu'on n'est pas impliqué. C'est une chance en négociation quand tu peux garder la tête froide parce que tu n'es pas directement impliqué dans la relation. Il faut trouver le bon équilibre. Avoir le recul nécessaire pour garder la vision la plus large possible. Et puis évidemment, à certains moments, s'impliquer directement dans le contact, dans les échanges, pour pouvoir mener la relation qui va conduire à un accord.
- Speaker #1
Ok. Tu as prononcé les trois lettres DRH. J'aime bien poser la question à mes invités. Quelle est ta vision ? Justement, tu disais que c'est une fonction isolée. Je suis totalement d'accord avec toi. Les DRH sont là pour les autres, mais en général, il n'y a personne qui est là pour le ou la DRH. C'est quoi ta vision, toi, de leur métier aujourd'hui, de ce que tu vois, de ce qu'ils vivent, de leurs problématiques ?
- Speaker #0
Tu sais, j'ai découvert les DRH parce qu'ils sont venus me solliciter sur des kidnappings. Quand j'ai commencé mon métier dans le monde, dans l'entreprise, et puis finalement j'ai démissionné de la fonction publique pour lancer mon équipe de négociateurs, les gens qui venaient me chercher étaient soit des directeurs de sûreté, soit des DRH. Et chaque fois un cellule de crise, chaque fois quand j'avais un kidnapping, une extorsion, une détention arbitraire, il y avait le DRH qui était présent. Et qui, lui, nous apportait la vision humaine. de la personne qu'on avait. Son dossier, son anamnèse, d'où elle sortait, quel était son profil, quelle était sa famille.
- Speaker #1
Donc là, on est dans un contexte d'entreprise et il y a une personne qui est kidnappée, eu égard à son métier.
- Speaker #0
Généralement, c'est parce que c'est un expatrié ou un voyageur d'affaires. Ou alors un collaborateur local d'une entreprise française ou européenne.
- Speaker #1
D'accord, donc il est à l'étranger, il est repéré, c'est une monnaie d'échange. Donc là, tu as le patron de la sécurité, sûreté et le ou la DRH qui te sollicite en disant... on a un problème.
- Speaker #0
Et moi mon contact c'est le DRH à ce moment là, c'est à dire c'est lui qui m'amène le plus d'infos sur le profil de la personne, sur ce qu'elle a fait enfin voilà, toutes les infos dont j'ai besoin pour faire le profil de l'otage et donc c'est là que j'ai découvert ce métier de DRH c'est pour ça que je dis que pour moi ce sont des gens qui s'occupent des autres avant de s'occuper d'eux-mêmes parce que j'ai mis des années avant d'avoir un DRH qui m'a demandé un truc pour lui, chaque fois il demandait des trucs pour les autres. Une sollicité tiens tu peux me monter un plan de formation pour les équipes commercial comme Jean-Lessard, ou tiens, tu peux me monter un plan d'accompagnement pour Telnego, pour... pour telle structure chez moi, mais assez rarement pour eux-mêmes.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Et puis j'ai découvert aussi la fonction RH, un enseignant à HEC, où j'avais des DRH face à moi qui venaient faire un cursus RH, mais qui avaient eu très peu de formation en négociation. Alors que ma vision extérieure de ce métier, c'était que c'était un métier de négo. Oui,
- Speaker #1
évidemment.
- Speaker #0
Et finalement, je me suis aperçu que ce n'était pas tant le cas que ça.
- Speaker #1
D'accord. Donc des gens qui sont là beaucoup pour les autres.
- Speaker #0
C'est des facilitateurs.
- Speaker #1
Oui, des facilitateurs.
- Speaker #0
Ils sont là pour faciliter les recrutements, le fonctionnement. de l'organisation, les sorties aussi quand c'est nécessaire. Et puis faciliter les relations sociales. J'ai découvert la négociation sociale. En 2012, j'ai été sollicité par le DRH de Renault de l'époque, Jean Agulon, qui est un négociateur exceptionnel. Vraiment, je crois qu'il fait partie des 3 meilleurs négociateurs que j'ai pu rencontrer, qui est maintenant au DRH de la RATP. Qui m'a sollicité pour l'accompagner sur la préparation des accords de compétitivité. Et c'était incroyable parce que les négociations étaient très complexes. On avait Arnaud Montebourg qui était ministre de réassement productif, on avait Michel Sapin, ministre des Finances, il fallait mettre le MEDEF dans la boucle, il fallait mettre l'UMM, tous les syndicats. Et c'était un vrai travail d'orfèvre, donc j'ai accompagné avec ma vision de la négociation, mais j'ai surtout regardé comment les équipes de Jean-Ragoulon géraient ça et créaient le lien, et amenaient petit à petit tout le monde à finalement considérer qu'un accord était nécessaire. Donc ça a été pour moi une vraie belle expérience de me dire, j'ai géré des négociations complexes, des kidnappings, des extorsions bien sûr, mais il n'y a pas plus complexe que ça que cette négociation sociale. D'arriver à mettre autour de la table des gens qui vont devoir signer un accord. Et en plus, les DRH mènent des négociations beaucoup plus difficiles que celles du RAID. Ça peut paraître surprenant.
- Speaker #1
C'est fou ça.
- Speaker #0
Tu disais que tu aimais ce monde des négociateurs du RAID ou des groupes d'intervention, mais il faut relativiser. Les négociateurs de groupes d'intervention ont un rapport de force. Un groupe d'intervention prêt à casser la porte. Ils ont des négociations court terme. Généralement, le preneur d'otages, le forçonné, tu l'as qu'une fois. Tu peux te permettre d'avoir des pratiques non éthique, de lui mentir, de tricher parce que tu sais que tu ne vas pas avoir de relation durable. Un DRH, un directeur des affaires sociales, il n'a pas de groupe d'intervention. Il n'a pas de sniper.
- Speaker #1
Il ne peut pas casser la porte.
- Speaker #0
Il ne peut pas défoncer la porte. Il ne peut pas défoncer la relation. Parce que tu es délégué du personnel, tu les as pendant 30 ans.
- Speaker #1
C'est du long terme.
- Speaker #0
Et donc tu dois pratiquer la négociation éthique. Et pour moi, la négociation, ça doit être éthique. Si ce n'est pas éthique, ce n'est pas de la négociation. c'est du rapport de force, c'est de la manipulation mais c'est pas de la négociation L'effort que fait un DRH pour négocier avec ses partenaires sociaux, avec son propre patron, parce que les négociations internes pour les DRH sont parfois plus difficiles que celles avec les représentants du personnel. Mais l'effort qu'il fait, c'est un acte d'altérité. Tu es obligé de regarder vers l'autre. Tu ne négocies pas contre l'autre, tu négocies avec lui. Donc cet effort-là qui est fait pour justement trouver des accords qui, à la fin, font que la boîte, elle marche, c'est un vrai, vrai beau challenge.
- Speaker #1
Ah oui, donc ces négociations-là sont plus dures.
- Speaker #0
Elles sont plus difficiles, elles sont moins dangereuses, évidemment. Un négociateur du RAID, quand il se plante, il y a des morts. Donc tu ne peux pas te planter. Maintenant, techniquement parlant, les négociations d'entreprise amènent plus de préparation, d'organisation, plus de parties prenantes. Avec des choses qui sont cachées, des enjeux qui sont cachés, des enjeux qui sont difficiles à définir. Un patron qui va te donner trois enjeux contradictoires à aller remplir. Vas-y, mais ne lâche rien. Ce n'est pas un mandat de négociation, ça.
- Speaker #1
Injonction contradictoire. Oui,
- Speaker #0
bien sûr. Il faut que ça aille très vite, il faut que tout le monde soit d'accord, et il faut qu'il n'y ait pas de vagues. Et s'il fallait un sacrifiant des trois, ce serait lequel ?
- Speaker #1
Ça c'est une question...
- Speaker #0
Moi, la règle du sacrifice, je la pratique souvent.
- Speaker #1
Quand on te donne différentes choses, différents objectifs, des choses qui te paraissent contradictoires...
- Speaker #0
Alors, elles ne sont pas forcément contradictoires, mais elles peuvent le devenir. Donc avant de partir, j'ai besoin de savoir si on doit céder sur l'un, ce serait lequel ? Et si on doit préserver un jusqu'au bout, ce serait lequel ? Il faut absolument que sur ces 1 à 0, on signe avec tous les syndicats. Il faut absolument maintenir la hausse de salaire à 3%. Hum ? Il faut absolument signer le plus vite possible pour éviter l'impact des élections professionnelles qui arrivent.
- Speaker #1
Grosse pression.
- Speaker #0
Ok, ça a des mandats comme ça, j'en ai vu plein. Très bien. Mais maintenant, sur ces trois enjeux, signez vite, signez avec tout le monde Vous limitez la hausse à 3%, lequel vous êtes prêt à sacrifier ? Aucun. Ah bah si vous me dites aucun, vous serez frustré. On va essayer de gagner les trois, évidemment. Mais si on doit céder sur un, ce serait lequel ? Vous êtes d'accord pour ne pas signer avec tout le monde, signer un peu plus tard, mais on maintient à 3% maximum ? Vous êtes d'accord pour céder sur les 3%, mais on signe avec tout le monde ? Ou on signe vite ? Il faut juste faire le choix. Mon travail, c'est souvent ce travail de choix. Et donc j'utilise la règle du sacrifice. Vous êtes prêts à sacrifier quoi pour préserver quoi ?
- Speaker #1
D'accord, donc oui, c'est pareil, encore un bon conseil à mettre en place sur, ok, si on doit sacrifier un des trois, lequel ? Ça ouvre à des discussions et puis ça ouvre aussi le fait qu'en face, une direction générale, on peut se dire, ok, on sait qu'on pousse un peu, mais celui-là, potentiellement, si ça prend un peu plus de temps que prévu, c'est pas grave. L'essentiel quand même, c'est qu'on garde les 3% et qu'on signe avec toutes les organisations syndicales.
- Speaker #0
Clairement. Et les DRH sont souvent des Chief Negotiation Officers. Ils sont souvent en charge de la négociation globale et leurs patrons leur disent « Vas-y, je te fais confiance » . Mais déjà, peu de dirigeants sont en forme à la négociation. Donc quand tu leur parles d'enjeux, de rapports de force, de mandat, ce n'est pas toujours des termes qui sont très clairs.
- Speaker #1
Et c'est vrai qu'autant on se dit qu'un patron des achats, qu'un directeur commercial, c'est des bons négociateurs. Et à la base, on ne se dit pas qu'un DRH est forcément un bon négociateur. Alors qu'en fait, il négocie tout le temps sur un cas un peu tendu avec un manager et un collaborateur dans les NAO, avec l'inspection du travail, avec sa direction générale, avec le plan de formation. Il n'y a que de la négociation dans tout ça. La confiance, tu en as parlé parce qu'on s'est vu, c'était la semaine dernière, tu animes également des rendez-vous de négociation. où tu partages sur le Nego Business Club, où là, il y a plein de DRH qui viennent, ou des personnes d'univers différents. Et tu avais parlé, celle à laquelle j'ai assisté, c'était avec Frédéric Souillot, le secrétaire général de Force Ouvrière. C'était très intéressant, il s'est bien livré. On a vu la personne derrière la posture. Il y a des choses que vous avez évoquées, comme cette confiance mutuelle, qui est fondamentale et sur... sur laquelle tout doit reposer en termes de négociations. Tu peux nous en dire un peu plus ?
- Speaker #0
C'est vrai que si notre agence s'appelle The Trusted Agency, c'est parce qu'on pense que la confiance, c'est vraiment le facteur clé des organisations. Nous sommes société à mission. Notre mission, c'est inspirer et transmettre pour créer un monde de confiance. Je pense qu'on ne pourra pas faire face à tout ce qui va se présenter à nous dans les mois et les années qui viennent, en termes économiques, sociaux, environnementaux, si on n'a pas un minimum de confiance. Déjà en nous, pour oser s'engager. entre les équipes, entre les organisations et dans la façon de négocier. Donc c'est vrai que Fred Souillon a souvent repris le terme de confiance. Comme tu l'as dit, la rencontre était assez géniale, le gars est assez bluffant. Parce qu'il est congruent. Parce qu'il dit ce qu'il fait, il fait ce qu'il dit et quand il t'expose son point de vue, tu peux que te retrouver là-dessus. On ne peut ne pas être d'accord sur tout. Mais sur la méthode et sur le fait que la confiance est la clé et qu'il faut voir long terme, on était très très alignés. Donc oui, je pense que cette confiance, elle est fondamentale. Et ça implique une préparation. des négociations. Et ça implique un minimum de transparence.
- Speaker #1
Ça c'est aussi quelque chose sur lequel tu reviens beaucoup, la préparation. 80% du travail c'est tout ce qu'on fait en amont. C'est ça. Et c'est cette préparation qui va créer, si j'entends bien, déjà une confiance en soi. Tiens, je suis préparé, j'ai les éléments, je suis plutôt bien. On revient à la congruence, je suis assez aligné aussi. Et qui va permettre de créer une confiance aussi avec la partie adverse.
- Speaker #0
Alors j'aime bien le terme partie adverse parce qu'adversaire c'est celui qui est en face de moi c'est pas un adversaire, c'est celui qui est en face C'est vrai qu'une préparation de négociation, Hermione les 6 premières lettres d'Hermione c'est que la préparation Le N c'est la négociation en tant que telle Le N de Hermione c'est le début de la négo Tout ce qu'il y a avant c'est que de la préparation Quel est le niveau d'intensité que tu vas rencontrer Le H la haute intensité Quel est ton enjeu ? Le besoin fondamental que tu vas satisfaire et qu'est-ce que tu es prêt à sacrifier pour l'atteindre ? Quel est ton rapport de force ? équilibré, déséquilibré, favorable, défavorable. Quel est ton mandat ? Comment tu vas négocier avec ta direction générale les sujets sur lesquels tu vas pouvoir céder ? Quelles sont tes positions ? Quels sont tes points de rupture ? À partir de quand ton décideur rentre dans la boucle ? La dernière Anna O qu'on a accompagnée sur un grand groupe, avec 9 filiales, il y avait 48 sujets de négociation. Si tu ne strutes pas avant de partir tes points d'entrée, tes points de rupture, tu ne peux pas réussir. Le I, c'est l'intérêt adverse. Qu'est-ce qu'ils peuvent vouloir dans cette négociations. Là, tu fais des hypothèses, parce que sinon, tu peux tomber dans le... Les biais perceptifs. Et le haut, c'est l'objectif qu'on va partager. Qu'est-ce qu'on va créer ensemble dans cette négociation ? Donc oui, c'est un gros travail de préparation en amont. Donc ce n'est pas de la perte de temps de se préparer. et ça, ça va créer la confiance, comme tu l'as dit, en toi, mais aussi montrer à la partie adverse que tu as... amener des billes, tu vas amener des choses pour lui donner des éléments, et tu as aussi des sujets sur lesquels tu vas dire non. Et tu vas dire non avec fermeté, parce que sur les sujets qui sont pas négociables, on l'annonce dès le début.
- Speaker #1
L'image que j'ai en tête, c'est le ou la DRH qui arrive, qui prend son mandat et qui doit créer cette confiance avec les partenaires sociaux qu'elle a en face. Bon, elle commence quoi. Et avant de rentrer dans la négo... Quels seraient comme ça les un ou deux conseils que tu pourrais donner à cette personne-là pour créer cette confiance ?
- Speaker #0
Ne perdez jamais l'occasion de prendre contact. Les bilatérales, c'est la clé de la négociation sociale. Il n'y a pas de off en négociation. La rencontre autour du café, la rencontre en face-à-face, c'est de la négociation. Ne mentez pas dans ces moments-là, ne donnez pas de fausses informations aux uns et aux autres pour voir comment ça réagit. Parce que la bilatérale, c'est vraiment le lieu où va se créer la confiance qu'on va retrouver à la table des négociations. Et après la table des négociations, il y a tout le truc un peu officiel. Oui, bien sûr. On a des positions, des postures qui sont prises. Mais la bilatérale, c'est souvent le moment où on peut se dire les choses. on ne se dit pas tout bien sûr On peut avoir des secrets, mais on ne se ment pas.
- Speaker #1
C'est aussi là que le délégué syndical va dire, moi, j'ai ça, ça, ça. Potentiellement, ça, je suis un peu moins crampé dessus. Mais en tout cas, ces trois points-là, ils sont très importants pour moi. Et l'ADRH va en faire de même.
- Speaker #0
Bien sûr, et c'est pour ça, c'est aussi important que de l'autre côté, les délégués du personnel soient capables de créer la confiance, de dire, moi, là-dessus, je ne céderai pas parce que c'est notre position et on ne cédera vraiment pas. Par contre, ces autres sujets, bon, si la contrepartie est à la hauteur, je peux m'engager avec vous sur quelque chose. On a aussi, c'est assez surprenant, mais de plus en plus de délégués du personnel qui viennent se former chez nous. J'ai eu il n'y a pas très longtemps un inter-entreprise, un délégué syndical central d'une grande organisation syndicale face à un DRH avec lequel ils négocient sur des accords de retraite. Et c'était bluffant parce qu'aucun des deux ne savait que l'autre venait à la formation. Et ils se sont retrouvés tous les deux au campus.
- Speaker #1
Exceptionnel.
- Speaker #0
C'était assez fou. Cette rencontre était dingue. Donc aujourd'hui, je pousse les entreprises à former leurs délégués du personnel en même temps que le DRH. J'avais lancé le défi sur les réseaux sociaux. J'avais dit à une entreprise, je vous offre une des deux journées de formation si vous faites venir dans la même salle tous les délégués du personnel, tous les DRH. Et ils l'ont fait. Génial. C'était une super session, vraiment chouette.
- Speaker #1
Oui, et je pense que les négo après ne sont plus les mêmes.
- Speaker #0
Puis on a fait un exercice où les délégués du personnel jouaient les DRH et les DRH jouaient les délégués du personnel. C'était rock and roll.
- Speaker #1
Qui a le plus, tiens, dans cet exercice-là, de facilité à jouer le rôle de l'autre ?
- Speaker #0
Les DRH se sont bien marrés. et les délégués du personnel ont mis un petit moment à rentrer dans le jeu pour jouer le rôle des DRH mais quand ils ont pris la main ils se sont bien vengés aussi donc les deux ont vu que chacun d'un côté on peut être de mauvaise foi et que c'est pas ça qui crée la bonne relation
- Speaker #1
Je reviens sur le conseil que tu as donné, le point de contact donc cette relation elle se crée à travers ces bilatérales c'est vraiment quelque chose de fondamental, il y a autre chose comme ça que tu pourrais donner en conseil à... pour créer la confiance ?
- Speaker #0
Après, c'est pour comprendre comment fonctionne le groupe en fait, ce qu'on appelle un sociogramme. On doit comprendre qui joue avec qui, qui joue contre qui, quels sont les intérêts personnels de chacun. Parce que ce qui vient mettre parfois des freins dans la relation sociale efficace, c'est les intérêts personnels qui viennent rentrer en ligne de compte. Et donc, il faut envisager, en faisant des hypothèses, qu'elles peuvent être les intérêts personnels de chacune des parties prenantes à la négo, à la fois du côté du personnel, de leurs représentants, mais aussi de mon côté, côté direction générale. Pour voir comment j'articule ce sociogramme et faire en sorte que je puisse aligner tout le monde sur une solution qui à la fin va faire en sorte que l'entreprise elle fonctionne, qu'elle soit rentable, qu'elle soit compétitive et ça c'est au bénéfice de tout le monde. Donc oui, comprendre les interactions et les jeux de pouvoir entre chacune des parties prenantes, c'est pas de la perte de temps.
- Speaker #1
Et c'est du travail ça.
- Speaker #0
C'est du travail.
- Speaker #1
Oui, c'est un peu de boulot avant.
- Speaker #0
On va aller chercher du renseignement et on le cherche comment ? Par les bilatérales.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #0
exactement. Et on pose des questions. Apprenez à poser des questions. On sait pas poser des questions. on a une formation sur le questionnement qui cartonne parce que tu t'aperçois qu'en fait à l'école on t'apprend à répondre aux questions et pas à les poser Donc on explique les différences entre les questions alternatives, les questions fermées, les questions de confirmation, les questions d'engagement, les questions ouvertes. Il y a plein plein de questionnements. En question de parent de tension, quelle est ton intention quand tu vas poser une question ? En fonction de l'intention que tu as, tu vas choisir la question la plus appropriée.
- Speaker #1
Donc oui, tu as vraiment un module de formation sur comment on pose des questions.
- Speaker #0
Absolument. C'est surprenant, mais c'est un des modules qui est le plus demandé aujourd'hui.
- Speaker #1
Mais d'ailleurs, je vois passer pas mal de choses sur... Le bon commercial, ce n'est pas celui qui a réponse à tout, mais celui qui a question à tout. Donc oui, c'est tard de poser les questions et dans la négo, c'est fondamental, c'est très important.
- Speaker #0
On a passé à la découverte. Tu as cinq grands moments dans une négociation. Le premier moment, c'est l'installation. Tu vas installer le décor, tu vas poser les éléments factuels, la situation économique, le montant de l'inflation, les accords précédents, ce qui se passe dans le secteur.
- Speaker #1
C'est d'ailleurs ce qui se fait dans une NAO où dès ta deuxième réunion, t'arrives et tu fais toi le bilan.
- Speaker #0
Exactement, t'as le cadrage, tu poses le cadre, la réunion de cadrage en fait tu installes la négociation. Ensuite c'est la découverte, on va se découvrir, on va se poser des questions. Qu'est-ce que vous en pensez, comment vous réagissez, qu'est-ce que vous citez, est-ce que les positions ont l'air d'être fermes ou pas. Ensuite c'est les échanges, on va échanger des concessions contre des contreparties. et ensuite on va aller à l'accord L'accord, c'est quand on fige les concessions et les contreparties qu'on a obtenues pendant les échanges. Et en fait, on valide le long terme. Derrière, la dernière étape, c'est le long terme. On valorise le fait qu'on a réussi à trouver un accord, comment on y est arrivé. En fait, je viens de te faire un petit protocole qui s'appelle IDEAL. La temporiser la négociation, c'est le tempo idéal. I, l'installation, D, la découverte, E, les échanges, A, l'accord, L, le long terme. Et tu vois, sur certaines négociations sociales aujourd'hui, sur des grosses négociations, on propose de débriefer. la signature de l'accord avec toutes les parties prenantes. Non pas pour parler du fond, que la forme. On invite les représentants du personnel, on invite les personnes des syndicats centraux qui voudraient venir également participer à ça. On invite la DRH et les gens de la Direction Générale. Et on se pose la question, comment on est arrivé à signer cet accord ? Qu'est-ce qui nous a permis de le faire ? Et là, le truc qui ressort le plus souvent, c'est la confiance. À un moment donné, on s'est fait confiance, on s'est dit les choses. Donc quand on arrive à valoriser ça,
- Speaker #1
on valorise la négociation éthique. Jusqu'à la section notes et avis, et là, c'est à vous de jouer. Laissez 5 étoiles si vous aimez le contenu du podcast et laissez un témoignage dans « Rédiger un avis » . Dites-nous par exemple pourquoi vous aimez le podcast ou ce que vous en pensez. C'est tout simple et c'est vraiment ce qui permet à 13ème mois d'être entendu par un maximum de personnes. J'ai plein de questions qui me viennent en tête comme ça, mais inversement, par rapport à la situation que je t'évoquais tout à l'heure, on a un... un ou une DRH qui est en place et ça fait quelques années qu'il est là. Ça se tend avec les organisations syndicales, il y a plein de raisons qui font que ça peut se tendre. L'enveloppe, là, on entend parler des montants pour les négo, alors autant il y a encore quelques temps, c'était assez élevé, bon, autant là, ça commence à diminuer. Ça se tend avec ces organisations syndicales. Ils sentent le truc, ils voient le truc. Quel conseil tu peux... tu peux lui donner comme ça, alors que lui est déjà en place et qu'il a envie de faire quelque chose pour recréer un peu de dialogue et de confiance ?
- Speaker #0
Ce qui m'interpelle là-dedans, c'est quelle est la motivation de ceux qui tendent la relation ? Est-ce qu'ils l'attendent parce qu'ils ne comprennent pas ce qui est en train de se passer ? Est-ce qu'ils l'attendent parce qu'ils s'apercevent qu'ils feront moins que ce qui était prévu ? Mais ça, c'est le principe de la négociation. Est-ce que ça se tend parce qu'il y a des intérêts personnels ? Est-ce que ça se tend parce que le DRH est dans une négociation ? dans laquelle il est impliqué sans le savoir. Peut-être une négociation entre organisations syndicales qui se tirent la bourre pour savoir lequel sera le plus dur et lequel sera le moins facilitateur de la négociation. Donc là, la question, c'est la motivation. Qu'est-ce qui fait que la situation se tend ? Est-ce que ça va de chez nous ? Est-ce que c'est la direction générale qui donne des infos qui ne sont pas congruentes avec ce que donne le DRH ? Mais on va essayer de trouver la cause de cette tension. Est-ce qu'elle est personnelle ? Est-ce qu'elle est collective ? Est-ce qu'elle est sous mon contrôle ? Est-ce qu'elle ne l'est pas ?
- Speaker #1
Et potentiellement, on peut en revenir à ce que tu disais tout à l'heure, ça peut aussi se tendre. parce qu'il n'y a pas de point de contact, il n'y a pas vraiment de bilatéral et qu'il y a des choses qui circulent sans qu'il y ait vraiment d'échange en tête à tête.
- Speaker #0
Il faut maîtriser le tempo dans une négociation. Donc décider des moments de rencontre, la découverte ça sert à ça. On va décider des moments où on va se voir et il faut le faire le plus souvent possible. Il ne faut jamais refuser un contact. Si quelqu'un vient te voir en disant est-ce que je pourrais discuter avec vous 5 minutes ? Même si tu n'as rien préparé, tu dois dire oui. Tu vas rien lâcher, tu vas rien céder, tu vas juste écouter Tu vas faire de l'écoute active. L'écoute active en négociation, ça sert à comprendre, pas à répondre. Donc ça, c'est un moment où justement on va aller chercher de l'information, on va chercher du renseignement.
- Speaker #1
Point très important.
- Speaker #0
C'est pour ça que savoir poser des questions, ça a du sens. La façon dont tu poses la question modifie la réponse. Si je te dis pourquoi t'es pas content, pourquoi t'es tendu, ça implique une justification de ton part. Si je te dis qu'est-ce qui vous amène à être mécontent, qu'est-ce qui vous amène à être dans cette tension, ça amène une explication.
- Speaker #1
C'est déjà beaucoup plus ouvert.
- Speaker #0
C'est complètement différent.
- Speaker #1
C'est plus ouvert. Est-ce qu'on est d'accord pour dire que, c'est ce que j'avais appris quand je négociais, j'avais eu une formation, tu l'as un peu dit tout à l'heure, mais la réunion en elle-même, entre guillemets, c'est un peu une scène de spectacle. Et tout se passe en effet dans les bilatérales, dans ce qu'on va se dire, dans ce qu'on va tenir de ce qu'on a dit. Tu es d'accord avec ça ?
- Speaker #0
Clairement, j'appelle ça le théâtre aux armées. Ok. Mais c'est vrai que le choix de la place dans la salle, qui s'assoit à côté de qui, qui prend la parole, bien sûr qu'il faut considérer que ça fait partie du jeu. Ma première vraie négociation dans la police, pour tout te dire, quand j'étais encore à la CRS 8, avant de rentrer au raid, c'est un vieux capitaine qui s'appelait Danny Sardan qui m'avait montré ça. On était sur une manifestation, c'était vers Matignon, on bloquait la rue de Varennes, si mes souvenirs sont bons, et on était en barrage, et t'sais, une campagne de CRS, ça se met en barrage, ça met des bouquiers devant et on attend que ça passe. Et puis lui il sentait que le truc allait un peu déraper. Donc il m'a dit lieutenant viens avec moi. Il a enlevé son calot, il a enlevé son galon. On a mis ça dans nos tenues. Et puis on a traversé la foule et on est allé voir qui était le service d'ordre en face. Et il attrape quelqu'un du service d'ordre qui avait un petit brassard jaune sur le bras. Et qui lui dit c'est toi qui commandes le bordel. Parce que moi je commande l'autre bordel qui est en face. Et donc on lui a amené le responsable du service d'ordre. Et il lui a dit tu vas pousser jusqu'où ? Parce que si vous rentrez dans la rue de Varennes et que vous nous poussez, on va résister. Non seulement on va résister, mais on va mettre les casques et ça a mal tourné. On va grenader, on va vous repousser sur le boulevard. Et lui dit, nous on va aller jusqu'au devant le bureau du Premier ministre. Il dit, on ne vous laissera jamais passer. Par contre, si vous poussez un petit peu sur cette rue, on peut reculer un petit peu. Et on fait ça en souplesse. Donc tu maîtrises tes troupes, moi je maîtrise les miennes. On vous ramènera un petit peu plus loin, on va bloquer. Vous aurez droit à une délégation qui va au Premier Ministère. Oui, mais nous on veut 15 personnes, ça sera que 5. Et il a commencé à faire sa négociation.
- Speaker #1
Ça c'était une bilatérale.
- Speaker #0
Ah mais c'est une bilatérale. Il a fait sa bilatérale, sans savoir que ça s'appelait comme ça, très certainement. Et une fois que les deux ont fini de se parler, ils s'ont serré la main. Il m'a dit hop, on retourne là-bas. Et il a scénarisé le truc. Et en face, ça a poussé, ils se sont arrêtés, on est revenus, on a fait exactement ce qui était prévu. Et à la fin, tout le monde gagnait. Nous on gagne parce qu'il n'y a pas de casse et puis en face ils gagnent parce qu'ils sont reçus par le Premier ministre. Alors ils ne sont pas reçus à 15, ils sont reçus avec une petite délégation et puis ce n'est pas le Premier ministre qui les reçoit, c'est un conseiller. Mais en l'occurrence tout le monde est gagnant. Donc oui, une belle négo c'est ça. Ça évite que ça tourne mal.
- Speaker #1
J'aime bien l'exemple et on imagine bien les personnes. Tu parles aussi, tu en as un peu parlé tout à l'heure, mais je veux bien qu'on revienne sur ce sujet-là de l'OCP, l'objectif commun partagé, tu dis Souvent tout part de là, en tout cas ça c'est bien en amont où on doit définir cet OCP ?
- Speaker #0
L'OCP c'est ce que tu vas construire avec l'autre avec la négociation. Donc si t'as rien à construire avec lui, t'as pas de négociation. Si tu regardes aujourd'hui les grands conflits dans le monde, ne se règle pas par la négociation. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de volonté commune de trouver un accord. Regarde le conflit israélo-palestinien. Aujourd'hui il n'y a pas de volonté commune, ni d'un côté ni de l'autre, de trouver un accord négocié. donc c'est de la fausse négociation, on dit qu'on négocie mais on négocie pas et donc oui S'il n'y a pas d'objectif qu'on va partager, tu ne peux pas avoir de solution qui va satisfaire tout le monde. Mais cet OCP implique une légère frustration de tout le monde. Tu n'as pas 100% de ce que tu voulais au départ.
- Speaker #1
Ça, ça fait le lien avec personne ne doit sortir perdant au final d'une négo.
- Speaker #0
Il faut que tout le monde puisse sortir avec quelque chose et sortir la tête haute. Moi, j'aime bien parler des accords justes. Il faut qu'à la fin, ce soit juste pour tout le monde. Ça ne veut pas dire 100% de ce que tu voulais. On a accompagné un PSE il y a quelques années qui était compliqué. Ce PSE s'est terminé avec un extra-légal qui n'était pas à la hauteur de ce que voulaient les collaborateurs. C'est la CFDT qui tenait le moment, quelqu'un de la CFDT. Et j'ai demandé au DRH qu'on avait accompagné sur cette négociation. Évidemment, les PSE, ce n'est pas les négociations qu'on préfère, mais on a fait en sorte que ça se passe bien pour tout le monde. On lui a dit à la fin, demande à ton délégué, CFDT, est-ce que ce qu'il a obtenu, finalement, c'est juste ? Et il lui a dit, oui, c'est juste. « C'est pas ce qu'on voulait, c'est moins que ce qu'on espérait, mais au vu de ce que vous avez pu donner. » Vous avez fait le maximum, donc on considère que c'est juste. Donc cette notion de, à la fin, je gagne ce qui me semble être cohérent par rapport au contexte, je trouve que c'est important. C'est pour ça que le débriefing c'est intéressant, c'est pour ça qu'on n'humilie jamais la partie adverse. Tu sors jamais de la négociation en disant la partie adverse, hé les gars, et encore j'en ai fait sous le pied, j'ai pas tout lâché. Tu dis surtout pas ça, même si c'est vrai. Donc tu dois savoir maîtriser ton égo, et tu dois savoir maîtriser ton euphorie qui à certains moments peuvent être problématiques. Donc oui, à la fin... tout le monde doit sortir la tête haute, tout le monde doit sortir à n'y en gagner quelque chose.
- Speaker #1
Et cet objectif commun partagé, comme il est commun et qu'il est partagé, c'est quelque chose qu'au fil de l'année égo, tu vas arriver à bien définir avec la partie adverse ?
- Speaker #0
Moi je le définis avant. Je fais des hypothèses. Le O de Hermione, c'est l'objectif commun partagé. Le premier E de Hermione, c'est l'enjeu, c'est ton enjeu. Le I de Hermione, c'est l'intérêt de l'autre.
- Speaker #1
tu alignes ton enjeu et son intérêt dans un objectif commun partagé et tu te dis lui ça normalement il devrait...
- Speaker #0
si on arrive à atteindre cet objectif chacun va rentrer dans ses comptes en tout cas il ne sera pas perdant il aura gagné quelque chose voire même tu peux aider la partie adverse à identifier son vrai intérêt parce qu'elle est peut-être partie en négociation sans se préparer en négociation sociale on dit souvent que les DRH manquent de préparation parce qu'ils n'ont pas le temps donc c'est de moins en moins vrai, heureusement parce qu'ils se forment de plus en plus, mais on a aussi parfois des délégués du personnel qui ne sont pas préparés qui arrivent peut-être baissés, qui demandent 5% d'augmentation alors que la boîte n'a pas d'argent parce qu'ils n'ont pas perçu que ce n'était pas possible et ils n'ont pas perçu que finalement leur intérêt ça pouvait être autre chose que ça. Donc c'est aussi parfois aider l'autre à faire émerger son propre intérêt dans la discussion.
- Speaker #1
Et d'ailleurs, c'est Frédéric Souillot qui parlait parfois de... de délégués syndicaux qui veulent partir en égo avec des montants, oui, et lui le premier dit, au final, il faut que la demande, et j'avais noté ça, la première demande, notamment des organisations syndicales, soit, je ne sais plus quel terme il a dit, mais sérieuse ou...
- Speaker #0
Il faut être réaliste.
- Speaker #1
Réaliste.
- Speaker #0
Il faut que ce soit en lien avec la réalité des choses. Si tu demandes 25% d'augmentation de salaire à une boîte qui ne gagne pas d'argent, ce n'est même pas la panne à l'épaule, ce n'est pas sérieux.
- Speaker #1
Voilà, et tu renvoies, je n'ai pas envie de négocier.
- Speaker #0
Oui, c'est ça, ce n'est pas de la négo. Alors ça peut être une tactique Je te fais une demande impossible Pour justifier le fait que tu ne veux pas négocier Donc on passe à l'acte et donc on bloque le site C'est aussi un peu
- Speaker #1
D'ailleurs on avait évoqué c'est un peu les techniques de Trump Aussi qui dit voilà je vais vous mettre x%
- Speaker #0
Et puis bon après tout le monde commence à connaître le truc Alors maintenant tout le monde connait Trump Et personne ne fait confiance à Trump Trump fait des coups Trump réussit parce qu'il a le rapport de force Mais le jour où il ne l'aura plus Ou le jour où les gens en auront n'auront plus d'impact par ce rapport de force, il l'aura perdu, bien sûr. Et là,
- Speaker #1
il n'est pas, comme tu disais tout à l'heure, sur une relation de long terme. Non, il s'en fout. Voilà, lui, c'est son mandat.
- Speaker #0
Et puis, il peut te dire blanc le lundi et noir le mardi, ça ne change rien.
- Speaker #1
Il peut même l'écrire blanc et dire non.
- Speaker #0
Oui, c'est clair. Un DRH qui fait ça, il ne le fait pas longtemps.
- Speaker #1
Oui, c'est ça.
- Speaker #0
C'est pour ça que c'est plus dur d'être DRH que d'être Donald Trump.
- Speaker #1
C'est ce que tu disais tout à l'heure. Exactement. Ok, comme ça, même si j'imagine que c'est très compliqué de répondre, mais tu vas pouvoir donner quelques éléments, mais les qualités d'un... bon négociateur, comme ça, si tu devais en lister quelques-unes ?
- Speaker #0
Je pense qu'il faut aimer les autres. Il faut que tu aimes les gens avec lesquels tu négocies. Même si c'est des casse-pieds qui te font perdre du temps et qui te font des demandes quand même dingues. À un moment donné, il faut qu'il y ait ce ressenti, ce sentiment-là. D'ailleurs, quand tu es DRH, tu dois forcément aimer les gens parce que sinon tu t'occupes pas des gens. C'est mieux. Ouais, ça va se voir. Assez vite, tu vas faire un autre job. Donc oui, ça, je pense que c'est important. Moi, ça pouvait surprendre parfois des négociateurs de groupes d'intervention qu'on est amenés à former encore aujourd'hui. pas mal de négociateurs de groupes d'intervention un peu partout en Europe. Et ça les surprend de dire qu'il faut que le forcené, le prenant d'otage, il sente que vous l'aimez, vous êtes là pour lui, vous êtes à sa disposition. Et ça, ça change beaucoup de choses. Donc je pense que c'est une des premières qualités. La seconde, il faut être assertif. Être capable de défendre ses positions avec fermeté, parce qu'on a un mandat de notre direction générale et c'est pour ça qu'on est là pour défendre le prix du point, la prime. Mais il faut le faire avec assertivité, être capable d'écouter l'autre et d'écouter ses positions. Et il faut le faire avec empathie. Ni sympathie, ni empathie. L'empathie, tu ne mets pas d'émotion. La sympathie, tu partages l'émotion de l'autre. Dans ces deux cas, la connexion ne se fait pas ou ne se fait pas bien.
- Speaker #1
Alors j'adore ton point parce que j'ai le sentiment que beaucoup confondent empathie et sympathie. Comment tu définis toi l'empathie ? Ressentir ce que la personne ressent, en tout cas comprendre ce qu'elle ressent, mais ne pas le vivre toi-même.
- Speaker #0
Tu ne le partages pas. Après, on peut être naturellement plutôt l'un plutôt l'autre. Moi, je suis plutôt sympathique. Tu me mets quelqu'un de triste en face de moi, je vais être triste. Je vais ressentir sa tristesse et je vais la ressentir comme une de mes propres tristesses. Donc, je sais gérer mes émotions pour ne pas que ça vienne me faire pas de malucidité. Mais bien sûr que tu dois rester sur ce fil.
- Speaker #1
Donc, le bon négociateur doit vraiment mettre ce filtre. Je comprends ce que ressent la personne que j'ai en face.
- Speaker #0
Je vois quelle est son émotion, mais j'évite de la partager parce que si je la partage, je perds ma lucidité.
- Speaker #1
Et ça c'est important dans une négo C'est primordial
- Speaker #0
Et c'est aussi primordial de savoir qu'il faut être authentique Il ne faut pas se mettre un masque D'abord parce que se mettre un masque Ça va consommer de la bande passante Tu vas consommer un paquet de ta charge cognitive À maîtriser ton masque et tu vas rater tout le reste Donc il faut être soi-même Ça veut dire que dans certains cas Moi il y a des cas qui me mettent dans le rouge Et qui me font perdre mes moyens Parce que ça m'énerve, parce que je m'agace Il y en a très peu, heureusement À l'âge que j'ai, j'ai appris à gérer ces cas-là, mais il y a toujours un ou deux cas qui peuvent me faire monter dans les tours et ces cas-là, je les connais. Donc je sais comment me prévenir ou ne pas rentrer en négociation si je peux rencontrer ce type de situation.
- Speaker #1
D'accord, donc arriver à bien se connaître aussi. Donc le bon négociateur, c'est aussi quelqu'un qui se connaît bien.
- Speaker #0
On est souvent la personne qu'on connaît le moins. Et travailler sur nos postures de négociateur personnel, quelle est ma posture relationnelle, quelle est ma posture émotionnelle, ma posture de conviction. C'est important de savoir comment on se situe chacun. par rapport à cette logique-là.
- Speaker #1
D'accord. Un autre point comme ça, sur le bon négociateur, celui qui prépare beaucoup, beaucoup.
- Speaker #0
Il faut être patient. Moi, ce n'était pas ma qualité quand j'ai commencé à faire ce métier. Et je suis devenu patient par nécessité. Il faut être patient. Il faut savoir poser ses billes, regarder comment ça se passe, discuter, aller chercher de l'info, puis recommencer. Donc, quand tu peux maîtriser le tempo, tu maîtrises la négo.
- Speaker #1
C'est presque un slogan.
- Speaker #0
Qui maîtrise le tempo, maîtrise la négo.
- Speaker #1
Allez, on va faire un peu de storytelling, mais une négo... Tu peux nous parler d'une négo social qui a été assez marquante pour toi ? Et pourquoi elle a été marquante ?
- Speaker #0
C'est une des premières négociations sociales de crise que j'ai gérées. J'étais encore au Red à l'époque. C'était une usine qui produisait de la viscose, qui s'appelait les Célatex, et qui était occupée par des collaborateurs qui avaient appris la fermeture de l'usine. Et ces collaborateurs s'étaient enfermés dans l'usine. La viscose, c'est beaucoup de produits chimiques qui sont utilisés pour... créer le produit. Et les collaborateurs menaçaient de déverser les produits chimiques dans la Meuse avec un risque de pollution colossal. Et la préfecture était mobilisée, le RAID était mobilisé. Puisqu'on se disait qu'il y avait quand même un risque de faire exploser l'usine. Donc les chuteurs du RAID étaient prêts à sauter de nuit sur le toit de l'usine au moins pour sécuriser le lieu où se trouvaient les produits chimiques. Et je me suis fait passer à la demande de la préfecture pour un collaborateur de la préfecture pour essayer d'aller chercher des informations. Ce n'était pas une vraie négo de prise d'otage, il n'y avait pas de revendication. Mais c'était une négociation sociale dans laquelle je me suis retrouvé impliqué. Et je me suis retrouvé face à quelqu'un au bout du fil qui m'a dit « Moi, j'ai rien à perdre. Ma femme travaille dans l'usine, je travaille dans l'usine depuis 25 ans, mes enfants vont à l'école à côté, j'ai une maison juste à côté, je trouverai pas de boulot à 50 km, j'ai rien à perdre. » En fait, il vient de te faire la liste de tout ce qu'il a à perdre. Donc cette phrase paradoxale m'avait marqué parce que j'étais face à quelqu'un qui était démuni, qui n'avait plus de moyens de se faire entendre et qui n'avait trouvé que la menace de recours à la violence pour se faire entendre. Donc ça m'avait marqué parce que je me suis dit, finalement mon métier de négociateur de crise pourrait s'adapter aux négociations sociales sous haute tension. Et ça a été la première fois où je me suis dit, tiens, qu'est-ce que c'est que la négociation sociale finalement ? Comment gérer quelqu'un qui n'a pas la position du raid ou qui n'a pas le rapport de force que j'aurais pu avoir si c'était nécessaire ? Comment je l'aurais géré si j'avais été le patron de l'usine pour éviter que ça arrive là ? Et ça a été ma première réflexion sur la négociation sociale là-dedans. Est-ce que ce n'est pas aussi de la négociation comme je pourrais la pratiquer ?
- Speaker #1
D'accord. Et quand tu dis, il te dit, j'ai rien à perdre, mais il te donne la liste au final de ce qu'il a à perdre ? Oui.
- Speaker #0
C'est une demande paradoxale en fait. Il t'affirme qu'il ne va rien perdre, en fait il va tout perdre. Il va perdre son boulot, lui aussi, il ne pourra pas payer sa maison, il ne va pas trouver de boulot à 80 km. c'était compliqué et t'as rien à lui apporter comme réponse
- Speaker #1
Là tu peux pas rebondir là-dessus en lui disant...
- Speaker #0
À l'époque j'étais moins efficace en négociation très certainement parce que j'étais dans des négociations de rapport de force. Et j'avais pas de solution à lui apporter, j'avais pas de mandat. Le but c'était de faire du renseignement et la demande qui m'avait été faite c'était de jauger la crédibilité de la menace. Est-ce que cette personne est prête à aller jusqu'au bout ? Et est-ce que les personnes qui sont autour d'elle sont prêtes à aller jusqu'au bout ? C'était même pas un délégué du personnel en plus, c'était quelqu'un qui avait pris le pouvoir sur l'équipe.
- Speaker #1
Un peu charismatique.
- Speaker #0
qui avait dit j'ai fait la gare d'Algérie euh On va s'organiser en commando, c'était ça le risque. C'est pour ça qu'il y avait une vraie tension sur ce cas-là.
- Speaker #1
Ça a fini comment ?
- Speaker #0
Alors ça a fini qu'officiellement, le site a été réouvert et la négociation a amené une solution. Si mes souvenirs sont bons, il y a eu un déversement de produits chimiques. C'est ça qui a déclenché l'intervention. Je pense qu'il y a eu une intervention. Alors on n'était pas sur place, c'est pas le RAID qui a mené ça. Ça devait être une compagnie de CRS qui a géré ça. Mais oui, c'était un moment fort. Je me suis retrouvé en fait en dehors de mon contexte habituel. J'étais pas face à un forcené, j'étais pas face à un preneur d'otages, j'étais face à des gens qui allaient perdre leur boulot et tu te dis un confirement, est-ce qu'à leur place j'aurais pas fait pareil ? Et c'est là où je...
- Speaker #1
Là t'es dans l'empathie.
- Speaker #0
J'aurais pu tomber dans la sympathie. Et c'est là que je me suis dit, il faut rester à distance. Il faut ne pas tomber dans la compassion. Je suis pas là pour être en compassion avec eux, même si j'aurais pu l'être. Mais là mon job c'est pas ça. En tant que négociateur je suis là pour rester à distance émotionnelle parce que mon travail c'est de faire du renseignement. Je veux savoir s'ils sont prêts à aller jusqu'au bout. Oui.
- Speaker #1
Et au final, c'est aussi d'éviter qu'il y ait un problème écologique, etc.
- Speaker #0
Mais mon analyse, c'était qu'ils avaient le sentiment qu'ils n'avaient rien à perdre. Donc oui, le risque était fort qu'ils aillent jusqu'au bout.
- Speaker #1
D'accord. Ok. Une question comme ça sur... Alors là, on est peut-être un peu plus dans le côté négo-commercial, mais tu es en train de négocier avec une personne, il y a plein d'échanges, etc. Et puis, tout à coup, il n'y a plus de son, plus d'image. C'est-à-dire que tu perds le contact avec cette personne-là, j'imagine, en recrutement, avec le candidat. C'est quoi le conseil que tu peux donner par rapport à ça ?
- Speaker #0
Quelle est ta position de force ? Si le rapport de force joue pour toi et que la personne ne revient pas vers toi, est-ce que tu as vraiment besoin que cette personne revienne vers toi ? Tu la laisses revenir. Si c'est toi qui fais le premier pas, tu peux inverser le rapport de force. Elle peut se sentir plus importante. Si tu as un rapport de force défavorable, tu as absolument besoin de recruter cette personne. Tu la rappelles.
- Speaker #1
C'est toi qui rappelles et c'est toi qui fais...
- Speaker #0
Après, ça, c'est mon conseil technique. Mon conseil personnel, c'est que je ne perds jamais une occasion de renouer le contact. Donc, même quand j'ai la main, je préfère rappeler pour être sûr.
- Speaker #1
Et puis après,
- Speaker #0
il n'y a pas rappelé, il s'est peut-être passé quelque chose, n'hésitez pas à revenir vers moi, je suis à votre disposition. Je laisse toujours une porte ouverte.
- Speaker #1
Et puis, peut-être, quand tu dis, je ne perds pas une occasion de renouer le contact, c'est faire son pas de côté en se disant mais... quel, entre guillemets, prétexte je peux utiliser pour recréer le contact. J'ai pensé à vous avec ça, j'ai vu ça, j'ai vu le truc.
- Speaker #0
Oui, puis dire, il s'est peut-être passé quelque chose, on devait se rappeler, on ne s'est pas rappelé. Voilà, j'espère que tout va bien, n'hésitez pas à revenir voir moi. Mais laisser ça, ça chance à la communication. D'accord. Ça amène toujours plus de fruits que ça n'en fait tomber de l'arbre.
- Speaker #1
Tu as évoqué le sujet du debriefing, je trouvais ça super intéressant, parce qu'en plus là, vous le faites, il y a tout le monde, mais est-ce que j'ai raison ou j'ai tort quand je dis que trop souvent on finit la négo, on passe à celle d'après ou on attend celle d'après sans vraiment se dire qu'est-ce qu'on a bien fait, qu'est-ce qui a bien marché, qu'est-ce qui a fait qu'on a pu signer ou alors qu'est-ce qui fait que telle organisation syndicale n'a pas signé parce que souvent on dit oui, un CGT il signe jamais, quand on regarde bien il signe quand même plus que ce qu'on laisse entendre et puis je fais une petite... Petite parenthèse, mais j'aime aussi, dans ma tête, je répète souvent qu'un délégué syndical, c'est un peu comme un banquier. C'est-à-dire que ce n'est pas la banque, c'est la personne qu'on a en face. Donc, faire ce débriefing, ça apporte vraiment...
- Speaker #0
C'est systématique chez nous. Aucune négociation. n'est terminée tant qu'elle n'est pas débriefée. Avec trois étapes. La première étape, c'est ce qu'on appelle le defusing. Sur des grosses négo, je dis à l'équipe qui a négocié, voire même avec les équipes RH qui ont négocié, le repas qui suit, on le passe ensemble. On a fini une négociation de 1 à 0, le repas qui suit, on le passe ensemble. Pourquoi ? On évacue la pression. On se dit les choses. C'était bien, c'était compliqué, là j'étais en colère, mais on évacue les émotions autour d'une pizza, autour d'un verre de bière,
- Speaker #1
Donc là, je suis DRH, j'ai terminé ma négo, je prends mon responsable relations sociales, je prends les juristes qui ont travaillé sur le truc.
- Speaker #0
Je vous invite à dîner ce soir.
- Speaker #1
Ok, et là,
- Speaker #0
on lâche. Exactement. Parce qu'on a souvent envie de partir, on rentre à la maison, puis le lendemain, on s'est réveillé, c'est bon, c'est fini, on passe à autre chose. Moi, j'aime bien à chaud tout de suite, le repas qui suit, on le passe ensemble. On appelle ça d'ailleurs chez nous le repas suivant. C'est le premier débriefing. Ensuite, nous, on essaie entre deux et cinq jours après une négociation. ni trop tôt parce qu'il faut récupérer les informations, ni trop tard parce que sinon, tu vas l'oublier. On essaie de débriefer techniquement. Et on a cinq questions systématiques. Dans Hermione, il y a une fiche de débriefing plus complète, mais j'ai cinq questions systématiques à chaque négo. Qu'est-ce qu'on a bien fait ? Et pourquoi on a bien fait ? Qu'est-ce qu'on a mal fait ? Et pourquoi on a mal fait ? Qu'est-ce qu'on améliore pour la prochaine fois ? Si on ne s'est pas posé ces cinq questions, on a raté quelque chose. On a perdu de l'expérience. Et la troisième étape, C'est ce qu'on appelle le rétex, le retour d'expérience. On écoute quelqu'un nous raconter son expérience. Il nous raconte, il nous explique comment lui a déroulé Hermione, où étaient les points forts, où étaient les points d'amélioration.
- Speaker #1
Dans cette négo ?
- Speaker #0
Dans cette négo, mais le rétex, en fait, on invite tout le monde. Tous les gens de l'agence TTA sont invités à participer au rétex, et généralement c'est le dernier vendredi du mois, où entre midi et 14h, on fait un rétex, en visio ou en présentiel pour ceux qui viennent au campus, et quelqu'un nous raconte sa négo.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Et ça, on est en train de le structurer pour l'avoir en vidéo, et on va l'ouvrir à tous les gens formés au protocole Hermione, il y en a plus de 10 000 aujourd'hui, qui auront accès à une banque de données. de debriefing en vidéo de nos équipes, ou même de même s'ils veulent en faire, de debriefing, de négociation, pour chacun partager nos expériences en négociation.
- Speaker #1
Et là, c'est collé au protocole Hermione ? C'est Hermione.
- Speaker #0
Quand on décrypte la négociation en reprenant le protocole Hermione, qui nous a servi de préparation, là on le regarde pour dire, au niveau du rapport de force, on était comment ? On avait envisagé qu'on était plutôt comme ça, est-ce que c'était vrai, pas vrai ? Pourquoi est-ce que ce n'était pas le bon ? Ou pourquoi on a confirmé que c'était le bon rapport de force ? Quel était notre mandat ? On était dans les clous du mandat, on n'était pas sur les points de rupture. Voilà, on va regarder, interroger la méthode. Et on va expliquer à ceux qui n'ont pas participé à la négociation les enseignements qu'on a pu en tirer.
- Speaker #1
Et je suis en train de me dire, alors je plaisantais à moitié parce que quand je parlais de FO, CGT à table avec mes enfants, est-ce que se dire que s'entraîner sur des petits sujets, c'est une bonne pratique pour être prêt pour de plus gros sujets ?
- Speaker #0
Considère que tout conflit peut être réglé par une négociation. Donc dès lors que tu as... quelqu'un qui exprime un désaccord, que ce soit à la maison, que ce soit au travail, que ce soit dans la vie quotidienne, tu peux t'entraîner à négocier.
- Speaker #1
Oui, tu le fais, tu le fais, et après tu n'es plus à même de gérer les grosses négociations.
- Speaker #0
Et puis tu t'aperçois qu'en fait c'est de la pratique. Quel est mon enjeu ? Quel est mon rapport de force ? Quel est son intérêt ? Quel est notre objectif commun à partager ? Avec n'importe qui tu peux faire ça. On négocie 7 à 10 fois par jour.
- Speaker #1
Tout un chacun. D'accord. On a 7 à 10 négociations.
- Speaker #0
7 et 10 négociations chaque jour, tous les jours. Ok. Et qu'on ne traite pas comme des négociations, on le traite comme des conflits. Donc, utiliser la négociation pour gérer ce type de situation, même sur des situations avec un enjeu faible, vous allez voir, c'est assez sympa. D'ailleurs, avec les enfants, j'ai écrit pas mal de bouquins. Il y en a un qui s'appelle « Devenez meilleur négociateur que vos enfants » , alors qu'il va ressortir en nouvelle édition au début 2026. Parce que tu passes ta vie à négocier avec tes enfants.
- Speaker #1
Et ils sont bons, eux, là-dedans.
- Speaker #0
Ils sont très bons.
- Speaker #1
Ils ne lâchent pas.
- Speaker #0
Parce qu'ils ne lâchent pas, parce qu'ils jouent sur l'affect, parce qu'ils savent très bien ce qu'ils veulent, parce qu'ils savent jouer avec le temps. Oui, bien sûr, ils sont de très bons négociateurs. Et c'est très bien. Parce que si nos enfants savent négocier, on aura un monde qui sera plus un monde de confiance que des enfants qui ne savent pas négocier et qui soit se soumettent, soit imposent.
- Speaker #1
Et comme tu dis,
- Speaker #0
pour bien négocier... Je pense que Trump n'a pas été élevé dans la négociation éthique. Et malheureusement, aujourd'hui, on le paye.
- Speaker #1
Oui, on le paye et on va le payer encore pas mal de temps. Et ça, ce que tu dis, c'est en effet cette confiance. Ce que je retiens, c'est déjà la négo, il faut avoir confiance. Donc bon, la relation qu'on a dans notre vie au quotidien, ok. Et puis c'est...
- Speaker #0
se projeter pour avoir quelque chose sur le moyen long terme ce que font pas les politiques souvent il faut voir le monde à long terme et ce monde à long terme il se règle que par des conflits gérés par des négociations toutes nos civilisations se sont bâties sur des conflits qui ont été réglés soit par des guerres soit par des négociations c'est vrai,
- Speaker #1
quand tu refais le film j'ai un truc en tête là on imagine il y a une négo alors dis moi si ça arrive souvent ça Je suis DRH, j'ai un mandat, je négocie, j'ai des organisations syndicales en face, je fais partie d'un groupe, je rends des comptes au-dessus. Et mes organisations syndicales ou la principale qui est signataire me dit « ok, si j'ai ça, ok, on va signer » . Je suis DRH, je rends des comptes, je fais mes petits calls réguliers pour dire « bon, là, on en est là » . Bon, si j'obtiens ça, il y aura signature, c'est ce que je vends en haut. Et au final, je reviens vers mon organisation syndicale qui, visiblement, ce qu'on m'avait expliqué, c'est que parfois ça peut être un piège assez gros. Ah oui, non, mais en fait, il nous faut ça en plus. Et il se dit, de toute façon, le DRH, c'est mouillé en haut. Donc là, ça arrive ça souvent ?
- Speaker #0
Oui, ça arrive. Tu as deux effets de fin de négociation qu'on rencontre. Le premier, c'est l'effet Colombo.
- Speaker #1
Ok, alors je l'ai vu, j'ai vu qu'il était...
- Speaker #0
L'effet Colombo, c'est comme l'inspecteur Colombo qui, une fois qu'il parle à... à son suspect principal et lui laisse penser qu'en fait, il ne le soupçonne pas. Donc, il dit, écoutez, excusez-moi, j'ai oublié de vous dire. Et là, il ramène l'argument massue. L'effet Colombo, c'est à la fin d'une négociation, quelqu'un qui dit, attendez, écoutez, je suis désolé, j'ai oublié de vous parler de ça. Et là, il te sort une revendication qui peut bloquer la négociation. Ou alors, tu as l'effet Monsieur Plus. Tu sais, cette publicité de Balzen où on voyait Monsieur Plus qui mettait des coups de coude. Monsieur Plus, c'est celui qui met toujours un petit coup de coude pour dire, attends, tu perds ta crédibilité. Tu valides le fait que ça marche. Donc par principe, sauf si c'est un détail, et que ce qu'on te demande en plus, tu l'as déjà dans ton mandat, tu sais que tu peux le lâcher, le principe, c'est de revenir à zéro. Si dans ce cas-là, vous me redemandez ça, ça remet en cause toute notre négociation. Moi, je suis d'accord pour discuter sur ce point, mais par contre, ça remet en cause tout ce que je vous ai donné. Là-haut, j'ai validé, comme vous l'avez dit, ce point, ce point, ce point. Maintenant, s'ils vont demander quelque chose en plus, s'armer en jeu tous les équilibres que j'ai pu défendre auprès de la direction générale. Donc on recommence à zéro. Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'on recommence à zéro ? Et là, tu rappelles l'objectif qu'on va partager. Je vous rappelle qu'on devait signer cet accord de participation d'intéressement dans les temps. Avec votre demande supplémentaire, on remet tout en cause. Vous êtes d'accord pour ça ? C'est ce que vous souhaitez ? Tu responsabilises l'autre en lui posant la question.
- Speaker #1
Donc là, oui, tu...
- Speaker #0
S'il te dit non, tu dis, dans ce cas-là, on en reste à l'accord signé. S'il te dit oui, dans ce cas-là, vous prenez la responsabilité que tout ce que vous avez obtenu, on recommence à zéro.
- Speaker #1
Et là en général c'est un peu l'argument massue Donc tu peux contrer
- Speaker #0
On appelle ça les pratiques non éthiques Ces deux pratiques-là, l'effet Colombo et l'effet Monsieur Plus, font partie d'une quinzaine de pratiques non éthiques qu'on a l'habitude de voir et sur lesquelles on travaille. On peut contrer une pratique non éthique avec de la technique. Il faut juste garder son calme, garder confiance et savoir quoi répondre pour éviter de se retrouver piégé.
- Speaker #1
Ce que j'aime beaucoup dans ce que tu dis, Laurent, c'est que tu utilises souvent ces mots de confiance, d'éthique, de long terme. On n'est pas juste là pour faire une négo, à un moment donné, sortir la tête haute en se disant... C'est bon, je l'ai mis plus bas que terre. Non, ça se fait à deux ou à trois ou quatre selon le nombre de parties prenantes. Mais voilà, c'est du temps long, c'est de la confiance, c'est de l'éthique. Et on est en train de préparer l'année go d'après.
- Speaker #0
Mais c'est ce que je vois beaucoup chez les DRH. Alors après, les DRH non éthiques, ce ne sont pas nos clients, ils ne viennent pas chez nous. Mais tous les DRH que je vois ou qui viennent se former ou qu'on accompagne, ils ont tous cette vision long terme. Tous. pas en disant je fais un coup sur celui-là puis on verra l'année prochaine. Non, non, ils anticipent trois coups d'avance en disant si on le cède là-dessus, dans trois ans, on ne pourra pas le faire. On l'a vu sur les Jeux Olympiques. On a accompagné beaucoup de négociations de crise lors des Jeux Olympiques, la préparation, parce que certaines organisations syndicales ont utilisé ce levier de rapport de force pour obtenir un maximum de trucs. Et on a vu, oui, justement, cette préparation des NAO de N plus 1. Une fois que les JO seront passées, très bien, mais en 2025, comment on traite les hanaos. Parce que si on lâche beaucoup là... C'est sûr, on aura un accord. Mais la prochaine négociation, elle va attaquer tellement haut que ce ne sera pas crédible. Donc oui, on a cet engagement à long terme. C'est pour ça que j'aime bien cette population des DRH, parce qu'ils ne pensent pas à eux, généralement, dans les négociations. Ils pensent trois coups d'avance. Ça me fait penser à Churchill. Quand Churchill négociait Yalta, la première négociation d'Yalta, Churchill est Premier ministre, et il sait très bien qu'il ne sera pas reconduit. Il sait que c'est son concurrent qui sera reconduit à sa place, et que les prochaines négociations ne se feront pas avec lui. Et il amène son concurrence sur les premières négociations. Il dit, viens avec moi parce que ce sera toi qui mèneras les prochaines. Voilà, ça c'est une vision à long terme. Je ne serai plus là, mais je m'en fous. Moi, ce que je veux, c'est que l'accord fonctionne.
- Speaker #1
Là, ce n'est pas lui,
- Speaker #0
c'est plus le pays. Je suis là pour un accord, je suis là pour du long terme et c'est ce qui m'intéresse.
- Speaker #1
Ok. Question comme ça. Comment on fait pour sortir d'une grosse négo ? On a terminé la négo avant de passer à la suivante. Tu disais qu'il y a le repas suivant. On débriefe, on décompresse, parce que ça met quand même beaucoup de pression. Et les DRH vivent beaucoup de pression. On décompresse et après on repasse à autre chose.
- Speaker #0
On améliore le système surtout. A chaque négo, il y a un truc à améliorer, systématiquement. Donc on regarde comment on s'améliore pour la prochaine fois. parce qu'on n'a jamais fini d'apprendre on n'a jamais fini de perfectionner sa méthode
- Speaker #1
Dernière question avant de passer aux questions de conclusion je pensais quand tu parlais des négo avec au moment des JO d'ailleurs Frédéric Souillot nous avait dit qu'il y a un accord qui avait été signé entre guillemets pour que ça s'était intéressant pour éviter que ça devienne quand même un faux il y a souvent le sujet vécu d'ailleurs de vous nous payez les jours de grève là aussi on est en train de se dire Illégalement. Qu'est-ce que je suis en train de préparer mon coup d'après ?
- Speaker #0
Ça s'est fait, dans plein d'organisations, on paye les jours de grève. Alors on ne disait pas que c'était les jours de grève, mais on compensait. Et puis à un moment donné, on a dit non. Pour une grande organisation que je ne citerai pas, il y a eu un moment où on a dit aux CEOs et aux DRH, groupe, on ne paiera pas. Et ils ont dit oui, on ne paiera pas, vous avez raison. Et donc on n'a pas cédé. Et ça a fait trois jours de grève en plus, mais ce n'est pas grave. Il y a des choses qui ne sont pas négociables. Vous décidez de faire grève, c'est bien, mais appliquez la loi. Donc les compensations cachées pour dire... On vous paie les jours de grève, mais ça ne s'appelle pas comme ça. Non, là, ça casse la négociation. Parce qu'à la fin, le leitmotiv de l'organisation syndicale, en l'occurrence, c'était la CGT, dans cette organisation, c'était la grève rapporte toujours. Chaque fois qu'on fait grève, on gagne. On gagne et en plus, on nous paie les jours de grève. Donc oui, il faut aussi remettre de la vraie négociation dans le jeu. Et remettre aussi un peu de l'égalité.
- Speaker #1
Ok, super. Eh bien, on va passer aux questions que j'ai l'habitude de poser à mes invités. la première question, on a beaucoup de... personnes qui travaillent dans les RH, qui nous écoutent. Quel conseil, comme ça, tu donnes à une personne qui travaille dans les RH ou qui veut se lancer dans les RH, toi, qu'on voit au quotidien ?
- Speaker #0
Préparez vos négociations. Ayez un protocole en tête, pas forcément Hermione, mais des questions que vous avez en tête à chacune des négociations que vous commencez. Parce que c'est ce temps de préparation qui va vous permettre de vous poser, de créer la confiance minimum pour rentrer au contact. On est tous stressés, tendus quand on est au contact, en face à face, dans une négociation sociale, c'est normal. Donc pour éviter ça, que ce soit trop inhibant, on peut se préparer en avance.
- Speaker #1
Tout est dans la prépa quoi. Ouais. Ok. Alors je pose toujours la question d'un livre que tu recommandes, donc vas-y parle-nous. Parce que donc il y a Hermione, que je remontre, dont on a parlé. Mais je crois qu'il y a des choses en préparation. Alors tu nous disais tout à l'heure qu'il y en a un qui va revenir début 2026. T'as quoi là ?
- Speaker #0
J'ai écrit 34 livres.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Donc j'ai écrit pas mal de bouquins techniques, notamment sur la négo. j'ai un bouquin qui va s'appeler Apprendre à négocier en 30 jours qui va être très grand public je pense que la négociation c'est un outil de justice sociale si tu sais pas négocier tu te fais rouler si tu sais pas négocier t'as le sentiment que tu t'es fait rouler et donc ta confiance en toi elle diminue et t'es frustré et tu dis mince j'aurais pu demander plus ou ah j'ai pas osé demander ça c'est des phrases j'entends ça très souvent de gens qui me contactent sur les réseaux sociaux qui me disent ah j'ai pas osé j'aurais dû demander ça comment je peux faire pour donc on leur donne des conseils très simples 30 leçons, 30 jours. Apprendre à négocier. Des choses très très terre à terre et efficaces pour mettre en pratique au quotidien. Et puis j'ai mon bouquin sur les enfants qui va ressortir aussi. Qui sera en janvier. Qui va être sur justement négocier avec ses enfants sans devenir fou. Parce que si on leur apprend à négocier, on fera les adultes de demain qui seront efficaces. Et puis j'ai un roman policier qui va ressortir. J'en ai sorti 3. Et j'ai mon 4ème roman policier qui va ressortir aussi en 2026.
- Speaker #1
Génial, avec un peu de vécu.
- Speaker #0
C'est une équipe de négociateurs qui, à chaque roman, vit des négociations différentes.
- Speaker #1
Génial, super. Allez, dernière question, est-ce que tu as une personne comme ça à me recommander pour un prochain épisode ?
- Speaker #0
J'ai plein de personnes à te recommander, quelqu'un que j'aime beaucoup sur la relation et notamment la relation entre les générations, c'est Philippine Dolbo. Philippine qui a un parcours assez dingue, qui a été entrepreneuse à 15 ans et qui a une vraie capacité à transmettre son expérience. Elle ne donne pas de leçons, elle te raconte juste ce qu'elle a fait et elle a 25 ans aujourd'hui, donc c'est intéressant de voir comment les... Les jeunes de 25 ans qui rejoignent le monde de l'entreprise voient les choses, voient le monde, voient la mission, voient l'enjeu, voient leur motivation au sein de l'organisation. Donc ouais, Philippine est assez bluffante.
- Speaker #1
Super. Eh bien, écoute, on va la contacter. Laurent, merci mille fois. Il faut bien ton invitation. Écoute, merci d'avoir répondu rapidement, simplement et d'avoir donné tant de choses. On va suivre tes aventures, tes bouquins, tout ça avec grand plaisir. Et puis, à bientôt pour de nouvelles aventures. Merci Laurent.
- Speaker #0
Merci à toi.
- Speaker #1
Au revoir. Merci d'avoir écouté cet épisode de 13ème mois. S'il vous a été utile, partagez-le à votre entourage RH pour qu'il les aide à leur tour. Et puisqu'on y est, mettez une note 5 étoiles et un petit commentaire pour que ce podcast puisse profiter à un maximum d'acteurs de la communauté RH. Pour recevoir encore plus de ressources sur le secteur des RH, c'est simple, abonnez-vous à ma newsletter, le lien est en description. de l'épisode et pour finir si vous avez des besoins en recrutement ou en coaching la manufacture RH se fera un plaisir de vous accompagner il vous suffit de me contacter directement sur linkedin je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode