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"Burn Hollywood burn... Bruce Lee face à l’Amérique blanche" (Partie 1) cover
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80 BPM

"Burn Hollywood burn... Bruce Lee face à l’Amérique blanche" (Partie 1)

"Burn Hollywood burn... Bruce Lee face à l’Amérique blanche" (Partie 1)

15min |21/10/2024
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15min |21/10/2024
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Description

Le combat le plus féroce mené par Bruce Lee : celui contre le racisme. Le petit dragon a bataillé durant toute sa carrière contre Hollywood et l'industrie cinématographique américaine pour mettre fin aux stéréotypes et revendiquer une égalité de traitement avec les acteurs blancs. De son refus de se soumettre à l'exaltation de ses origines asiatiques, ce podcast en deux parties retrace son parcours et évoque son héritage qui continue d'inspirer les classes populaires du monde entier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, bienvenue dans 80 BPM, le podcast qui vous transporte au loin du stress des réseaux sociaux et des chaînes d'infos. Pour cet épisode 4, je vais vous parler d'un des héros de la génération des années 80, c'est Bruce Lee. Bruce Lee, personnage unique, connu pour ses talents multiples, mais moins connu pour le combat qu'il a mené contre le racisme, en particulier contre le racisme du cinéma américain. Un racisme qui perdure lorsqu'on voit comment... Tarantino a dépeint ce véritable mythe dans son film Il était une fois Hollywood Bruce Lee est mort jeune, mais il a malgré tout eu le temps de mettre au pas Hollywood et de prendre sa revanche sur l'Amérique blanche qu'il avait rejetée,

  • Speaker #1

    comme on le verra dans ce podcast.

  • Speaker #0

    L'extrait que vous venez d'entendre est issu d'une interview durant laquelle Bruce Lee évoque ce concept de Bewater qui est l'un des éléments de sa philosophie. Quand je dis philosophie, c'est au sens propre puisque Bruce Lee est diplômé de philosophie et de psychologie à l'Université de Washington. Ses réflexions intellectuelles ont été compilées dans un livre qui s'appelle Pensée percutante, la sagesse du combattant philosophe J'évoque cette dimension intellectuelle pour faire comprendre à quel point Bruce Lee est beaucoup plus qu'un artiste martial, un acteur, un scénariste et un réalisateur. A l'instar de Mohamed Ali, sur lequel on s'attardera également dans ce podcast, Bruce Lee est devenu une figure universelle de la lutte contre l'injustice et le racisme, notamment pour les pays qu'on pourrait réunir sous la bannière du monde non-occidental. Pour comprendre ce symbole extraordinaire que représente Bruce Lee, il faut bien entendu revenir aux origines du petit dragon. Bruce Lee est né à San Francisco, mais il s'agit d'un hasard puisque ses parents, originaires de Hong Kong, sont alors seulement de passage aux Etats-Unis. Son père, comédien, star de l'opéra chinois, est à ce moment-là entourné en Californie avec sa femme, qui est donc enceinte de Bruce Lee. Quelques mois après sa naissance, toute la famille repart pour Hong Kong, qui est à l'époque encore une colonie britannique. Dès son plus jeune âge, Bruce Lee devient un enfant star du cinéma asiatique. Il doit cette carrière précoce grâce au milieu culturel dans lequel il baigne, en raison du statut de son père, mais aussi parce qu'il possède un charisme hors du commun. À 19 ans, ses parents décident de l'envoyer aux États-Unis pour plusieurs raisons. Premièrement, Bruce est né à San Francisco, mais pour valider sa nationalité américaine, il doit résider sur le sol des Etats-Unis. Ensuite, il y a l'environnement social à Hong Kong. Bruce Lee fréquente certains gangs très dangereux et s'inquiète ses parents. Et puis ensuite, il y a un climat de tension, une forte contestation à l'encontre du colonisateur britannique qui donne lieu à plusieurs émeutes. Il y a notamment celle de 10 octobre 1956, où il y a des dizaines de morts, des centaines de blessés et des milliers d'arrestations. Donc Bruce Lee, jeune homme, débarque sur la côte ouest et s'installe à Seattle. Il parle parfaitement anglais, mais on distingue clairement son accent asiatique. A cet âge, il n'a pas d'autre ambition que de vivre le rêve américain, mais il comprend très vite qu'il est perçu comme membre d'une minorité raciale. Il s'habille comme les jeunes américains, il se coiffe comme eux, il écoute la même musique, il fait tout pour s'intégrer, il y croit, mais on le fait bien sentir qu'il n'est pas des leurs. Bruce Lee se lie d'amitié malgré tout avec des américains, mais il s'agit de membres d'autres minorités raciales. des afro-américains surtout, et des enfants de la classe ouvrière. Il est important de rappeler que ces premières années de Bruce Lee sur le sol américain se confondent avec la période de trouble du mouvement des droits civiques. Un mouvement auquel Bruce Lee est particulièrement sensible d'après les témoignages de son ami Karim Abdul-Jabbar. Bruce Lee, qui a déjà appris les arts martiaux à Hong Kong avec le célèbre Ip Man, poursuit et perfectionne cet apprentissage aux Etats-Unis avant d'y voir une opportunité. La passion du petit dragon pour le Kung Fu ne fait évidemment aucun doute, mais il y voit aussi une possibilité de gagner sa vie et de trouver sa place dans la société américaine. Mais il le fait à sa manière. Et c'est là qu'on commence à percevoir son côté iconoclaste et cette dimension universelle chez lui. Le premier élève de Bruce Lee s'appelle Jesse Glover, un afro-américain, et avec les autres élèves qui vont suivre, ils vont former un groupe multiculturel assez inédit à l'époque aux Etats-Unis. À ce moment-là, les Chinois n'enseignent pas les arts martiaux aux autres communautés et Bruce Lee va c... casser cette règle, ce qui va lui créer des problèmes avec plusieurs figures chinoises de la côte ouest. Bruce Lee va se dresser contre le racisme anti-asiatique, mais on voit qu'il est aussi capable de se confronter à sa propre communauté s'il estime qu'elle fait fausse route. Le tournant pour Bruce Lee a lieu en 1964 à l'occasion du tournant international de karaté de Long Beach. Lors de cet événement, il réalise une démonstration qui va impressionner le public et attirer l'attention de l'industrie cinématographique américaine. Très vite, il est contacté par un producteur qui développe un projet de série intitulé The Green Hornet, le frelon vert, pour lequel il cherche un acteur asiatique. Bruce Lee est engagé pour incarner Keito, le serviteur du super-héros qui mène une double vie en combattant le crime la nuit. La série est diffusée entre 1966 et 1967.

  • Speaker #1

    Voici encore un nouveau défi pour le frelon vert. Il est assisté par Kato et sa voiture gadget, la belle-mère.

  • Speaker #0

    Kato, le personnage joué par Bruce Lee, est le majordome du frelon vert. C'est donc son chauffeur et il a très peu de dialogues. Jusque-là, on baigne un peu dans les stéréotypes pour un acteur racisé. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est presque présenté comme un progrès par Hollywood. Il faut bien avoir en tête qu'en matière de clichés et de racisme, A l'époque, c'est très violent. Les personnages asiatiques sont souvent des larbins, des soumis. Tout ça est très humiliant. Mais le pire, c'est qu'on les fait jouer par des acteurs blancs, maquillés, à qui on va faire des yeux bridés. Phénomène connu sous le nom de Yellow Face, l'équivalent asiatique de la Black Face. Bruce Lee est payé cinq fois moins que le personnage principal, alors qu'il devient rapidement la véritable star de la série, grâce à son charisme et ses combats spectaculaires. La série est arrêtée au bout d'une saison, mais la carrière de Bruce Lee à Hollywood est lancée. Ou du moins, c'est ce qu'il croit à ce moment-là. Malgré son talent, Bruce Lee se voit proposer seulement des rôles secondaires complètement stéréotypés. Bien qu'il ait déjà une famille à nourrir à l'époque, il va refuser ses rôles qu'il juge humiliants pour lui et pour les Asiatiques en général. Bruce Lee, niveau intégrité, niveau dignité, c'est un modèle et c'est pour ça qu'il deviendra une telle icône auprès des classes populaires du monde entier. Hollywood ou pas, ce n'était pas le genre de type à qui les patrons de studios mettaient des petites claques sur la joue. En face, il y avait quelqu'un qui ne baisse pas les yeux avec du répondant et le personnage était assez vif. Lors de cette période difficile, Bruce Lee comprend toute l'étendue du racisme à l'encontre des minorités. Comme le raconte sa fille Shannon dans le documentaire Bewater sur Disney+, il sait désormais qu'il est face à des studios incapables de se défaire des clichés. Il se dit alors qu'il doit créer lui-même ses rôles. C'est à ce moment-là, au début des années 70, qu'il imagine un projet de série qu'il intitule The Warrior. The Warrior met en scène un moine Shaolin qui arrive aux Etats-Unis pour la période du Far West et qui utilise ses compétences martiales pour défendre des personnes opprimées, notamment les Chinois recrutés à l'époque pour construire le chemin de fer transcontinental. Ce moine est également confronté aux préjugés et au racisme des colons d'origine européenne. Bruce Lee a deux objectifs. Il veut à la fois diffuser le véritable esprit des arts martiaux, avec sa dimension spirituelle et philosophique, mais il veut évoquer sa propre... expérience aux Etats-Unis en tant que membre d'une minorité. Il présente donc son projet à Warner Bros, qui est dans un premier temps séduit par l'idée originale de la série, mais le problème c'est que Bruce Lee exprime clairement sa volonté de jouer le personnage principal. Et ça c'est inenvisageable pour Warner Bros qui pense que le public américain n'est pas prêt pour voir un Asiatique tenir le premier rôle d'un tel show. Bruce Lee est dévasté par cette situation, mais surtout par le fait qu'on rejette son projet pour de telles raisons, c'est-à-dire du racisme structurel. Disons les choses clairement. Mais ce n'est peut-être pas le pire. Le pire, c'est que Warner Bros. va tout simplement reprendre l'idée de Bruce Lee en remaniant légèrement le tout, mais sans le créditer. Ils vont prendre un acteur qui s'appelle David Carradine, qui n'a jamais pratiqué les arts martiaux et qui n'est pas asiatique alors qu'il joue quand même un moine Shaolin. D'ailleurs, c'est tellement invraisemblable qu'ils sont obligés de lui inventer un père américain dans le scénario. Lorsque la série est diffusée en 1972, Bruce Lee a déjà pris une autre dimension, comme on le verra plus tard, donc il n'a pas trop la tête à porter plainte. En 1971, Bruce Lee prend une décision radicale. Il s'envole pour Hong Kong pour relancer sa carrière. Une fois sur place, il se rend compte qu'il est une star pour les habitants de cette mégalopole puisque la série The Green Hornet a été diffusée là-bas. Mais elle a été rebaptisée The Kato Show, c'est-à-dire que le personnage joué par Bruce Lee est LE héros du show. Bruce Lee signe rapidement avec un studio qui s'appelle Golden Harvest et à partir de là, tout a s'enchaîné très vite. Il va tourner trois films et que ce soit en termes de succès, de messages politiques et d'implication de la part de Bruce Lee, tout va aller crescendo. Dans ces trois longs métrages, on a à chaque fois les mêmes ingrédients qui vont construire le personnage et la légende de Bruce Lee. Fierté culturelle, refus de la soumission, lutte contre les oppresseurs, contre l'injustice, contre la corruption, contre le racisme et même la lutte des classes tout court. Surtout pour son premier film, The Big Boss, où il incarne un ouvrier chinois qui émigre en Thaïlande pour chercher du travail. Pour ses deux premiers films, Bruce Lee n'est pas crédité en tant qu'auteur, mais il influence largement la direction des scénarios et cela se ressent fortement. Après The Big Boss, il enchaîne avec Feast of Fury, la fureur de vaincre, qui se déroule à Shanghai pendant l'occupation japonaise. Un film qui dénonce sans ambiguïté le fléau de la colonisation. Il y a aussi une scène clé où Bruce Lee est refusé à l'entrée d'un parc où l'on voit une pancarte indiquant Interdit aux chiens et aux chinois La dénonciation de la xénophobie quel qu'elle soit, est un marqueur majeur dans le cinéma de Bruce Lee. Pour le troisième film, Made in Hong Kong, La Fureur du Dragon, Bruce Lee sera à la fois acteur, scénariste, réalisateur et producteur. Cette fois-ci, le film se passe en Occident, en Italie, où le personnage de Bruce Lee se rend pour venir en aide au propriétaire d'un restaurant chinois. Des amis qui sont menacés par la mafia locale, qui va elle-même ensuite faire appel à un mercenaire pour se débarrasser de cet expert en Kung Fu. Et là, Bruce Lee va imaginer une fin de film qui sera une idée de génie, non seulement sur le plan cinématographique, mais surtout au niveau du symbole qu'elle va représenter. Le petit dragon va faire appel à Chuck Norris, qu'il a connu à Los Angeles et qui était alors champion du monde de karaté. La majorité des analyses qui émanent de journalistes occidentaux affirment qu'il ne faut voir aucun message dans cette opposition, alors que selon moi, c'est exactement tout le contraire. Il faut vraiment être de mauvaise foi ou absolument ne rien comprendre à Bruce Lee pour expliquer que ce combat, c'est juste du cinéma. Donc, Bruce Lee appelle Chuck Norris pour lui proposer le rôle et lui explique dans le détail cet affrontement final qui va devenir mythique. Il lui dit qu'ils vont se battre comme deux gladiateurs dans le Colisée de Rome, que ça va être une scène extraordinaire, etc. Chuck Norris a souvent évoqué cet entretien, et notamment cette question qu'il pose alors à Bruce Lee. Qui gagne le combat ? Et là, Bruce Lee lui dit, c'est moi bien sûr, je suis la star du film. C'était déjà une manière de dire, ici, c'est pas Hollywood où le gentil héros Yankee tabasse des Noirs et des Chinois dans tous les sens. C'est plus les mêmes règles. Donc Bruce Lee, avec cette scène, va... inverser les standards de l'époque en Occident et en particulier aux Etats-Unis. Et ça va même plus loin puisque Chuck Norris lui dit ensuite, sur le ton de la plaisanterie bien sûr, Tu veux battre le champion du monde, c'est ça ? Et là, Bruce Lee répond Non, tu te trompes. Je veux tuer le champion du monde. Et en effet, dans le film, le personnage de Bruce Lee brise le cou du type joué par Chuck Norris qui est un mercenaire arrogant qui se bat pour l'argent, contrairement au personnage de Bruce Lee qui se bat pour aider des amis et pour l'honneur. Cette scène de combat est considérée comme l'une des plus grandes scènes de combat de l'histoire du cinéma. Peut-être même la plus grande de tous les temps. La tension dramatique, la chorégraphie, la musique, les symboles, tout est mythique. En particulier ce plan séquence au ralenti durant lequel Bruce Lee se déplace comme un danseur en esquivant les coups de Chuck Norris. C'est vraiment du grand art. Le lieu du combat, le Colisée de Rome, qui était partiellement reconstitué en studio à Hong Kong, est imposé par Bruce Lee. Se mettre en scène dans ce symbole de la puissance de l'Empire romain n'est pas seulement un choix artistique, un choix esthétique. On peut y voir un message sous-jacent envoyé à Hollywood et à l'Amérique blanche. Ce message, c'est qu'il mérite un ring à la hauteur de son talent et de sa fierté. Bruce Lee exalte ses origines chinoises et même orientales, un mot qu'il utilisait souvent pour se définir. On peut y voir l'équivalent asiatique du slogan I'm black and I'm proud qui était en vogue à l'époque. En ce qui concerne Chuck Norris, certes, il a le... mauvais rôle dans cette scène, mais sa prestation est exceptionnelle tant sur le plan martial que sur le plan du jeu. Il a deux lignes de dialogue, mais il arrive à faire passer des émotions très fortes alors que c'est son premier rôle au cinéma. C'est le film qui va lancer sa carrière d'acteur et aujourd'hui encore, à chaque fois qu'on l'interview, on lui parle de Bruce Lee. Pour la petite histoire, c'est le seul film où Chuck Norris meurt. Et c'est une précision importante quand on sait ce qu'il va incarner par la suite dans la mythologie du héros de cinéma américain. Chuck Norris va souvent jouer un personnage de militaire ou de policier, viril, sexiste, parfois raciste, qui va régulièrement cogner des Arabes ou des Asiatiques dans ses films. Est-ce que c'est une revanche sur La Feuilleur du Dragon ? Ou est-ce que c'est justement son film avec Bruce Lee qui a donné des idées au studio américain ? Impossible de deviner, mais je crois pouvoir dire qu'on a tous une forme de tendresse pour Chuck Norris et certains de ses personnages qui frôlent souvent la caricature. Je pense par exemple au colonel Braddock dans le film Porté disparu, qui retourne au Vietnam. plus de dix ans après la guerre pour tout défourailler et libérer des prisonniers américains.

  • Speaker #1

    Bradock, je vous préviens, attention où vous mettez les pieds. Je mets les pieds où je veux, Little John. Et c'est souvent dans la gueule.

  • Speaker #0

    Pour en revenir au film La Féor du Dragon, il va générer au total près de 130 millions de dollars lors de sa sortie mondiale après la mort de Bruce Lee. Le tout pour un coût initial de 130 000 dollars. Il a donc rapporté 1000 fois sa mise de départ. Mais en 1972, le film sort essentiellement en Asie et il va rapporter déjà plusieurs millions de dollars et dépasser les deux précédents films du petit dragon. Bruce Lee était déjà une star sur le marché asiatique, mais avec un tel succès, il prend une toute autre dimension. Et là, Hollywood va commencer à réfléchir. et à se dire que c'était peut-être pas une bonne idée de l'avoir jeté comme ça.

Description

Le combat le plus féroce mené par Bruce Lee : celui contre le racisme. Le petit dragon a bataillé durant toute sa carrière contre Hollywood et l'industrie cinématographique américaine pour mettre fin aux stéréotypes et revendiquer une égalité de traitement avec les acteurs blancs. De son refus de se soumettre à l'exaltation de ses origines asiatiques, ce podcast en deux parties retrace son parcours et évoque son héritage qui continue d'inspirer les classes populaires du monde entier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, bienvenue dans 80 BPM, le podcast qui vous transporte au loin du stress des réseaux sociaux et des chaînes d'infos. Pour cet épisode 4, je vais vous parler d'un des héros de la génération des années 80, c'est Bruce Lee. Bruce Lee, personnage unique, connu pour ses talents multiples, mais moins connu pour le combat qu'il a mené contre le racisme, en particulier contre le racisme du cinéma américain. Un racisme qui perdure lorsqu'on voit comment... Tarantino a dépeint ce véritable mythe dans son film Il était une fois Hollywood Bruce Lee est mort jeune, mais il a malgré tout eu le temps de mettre au pas Hollywood et de prendre sa revanche sur l'Amérique blanche qu'il avait rejetée,

  • Speaker #1

    comme on le verra dans ce podcast.

  • Speaker #0

    L'extrait que vous venez d'entendre est issu d'une interview durant laquelle Bruce Lee évoque ce concept de Bewater qui est l'un des éléments de sa philosophie. Quand je dis philosophie, c'est au sens propre puisque Bruce Lee est diplômé de philosophie et de psychologie à l'Université de Washington. Ses réflexions intellectuelles ont été compilées dans un livre qui s'appelle Pensée percutante, la sagesse du combattant philosophe J'évoque cette dimension intellectuelle pour faire comprendre à quel point Bruce Lee est beaucoup plus qu'un artiste martial, un acteur, un scénariste et un réalisateur. A l'instar de Mohamed Ali, sur lequel on s'attardera également dans ce podcast, Bruce Lee est devenu une figure universelle de la lutte contre l'injustice et le racisme, notamment pour les pays qu'on pourrait réunir sous la bannière du monde non-occidental. Pour comprendre ce symbole extraordinaire que représente Bruce Lee, il faut bien entendu revenir aux origines du petit dragon. Bruce Lee est né à San Francisco, mais il s'agit d'un hasard puisque ses parents, originaires de Hong Kong, sont alors seulement de passage aux Etats-Unis. Son père, comédien, star de l'opéra chinois, est à ce moment-là entourné en Californie avec sa femme, qui est donc enceinte de Bruce Lee. Quelques mois après sa naissance, toute la famille repart pour Hong Kong, qui est à l'époque encore une colonie britannique. Dès son plus jeune âge, Bruce Lee devient un enfant star du cinéma asiatique. Il doit cette carrière précoce grâce au milieu culturel dans lequel il baigne, en raison du statut de son père, mais aussi parce qu'il possède un charisme hors du commun. À 19 ans, ses parents décident de l'envoyer aux États-Unis pour plusieurs raisons. Premièrement, Bruce est né à San Francisco, mais pour valider sa nationalité américaine, il doit résider sur le sol des Etats-Unis. Ensuite, il y a l'environnement social à Hong Kong. Bruce Lee fréquente certains gangs très dangereux et s'inquiète ses parents. Et puis ensuite, il y a un climat de tension, une forte contestation à l'encontre du colonisateur britannique qui donne lieu à plusieurs émeutes. Il y a notamment celle de 10 octobre 1956, où il y a des dizaines de morts, des centaines de blessés et des milliers d'arrestations. Donc Bruce Lee, jeune homme, débarque sur la côte ouest et s'installe à Seattle. Il parle parfaitement anglais, mais on distingue clairement son accent asiatique. A cet âge, il n'a pas d'autre ambition que de vivre le rêve américain, mais il comprend très vite qu'il est perçu comme membre d'une minorité raciale. Il s'habille comme les jeunes américains, il se coiffe comme eux, il écoute la même musique, il fait tout pour s'intégrer, il y croit, mais on le fait bien sentir qu'il n'est pas des leurs. Bruce Lee se lie d'amitié malgré tout avec des américains, mais il s'agit de membres d'autres minorités raciales. des afro-américains surtout, et des enfants de la classe ouvrière. Il est important de rappeler que ces premières années de Bruce Lee sur le sol américain se confondent avec la période de trouble du mouvement des droits civiques. Un mouvement auquel Bruce Lee est particulièrement sensible d'après les témoignages de son ami Karim Abdul-Jabbar. Bruce Lee, qui a déjà appris les arts martiaux à Hong Kong avec le célèbre Ip Man, poursuit et perfectionne cet apprentissage aux Etats-Unis avant d'y voir une opportunité. La passion du petit dragon pour le Kung Fu ne fait évidemment aucun doute, mais il y voit aussi une possibilité de gagner sa vie et de trouver sa place dans la société américaine. Mais il le fait à sa manière. Et c'est là qu'on commence à percevoir son côté iconoclaste et cette dimension universelle chez lui. Le premier élève de Bruce Lee s'appelle Jesse Glover, un afro-américain, et avec les autres élèves qui vont suivre, ils vont former un groupe multiculturel assez inédit à l'époque aux Etats-Unis. À ce moment-là, les Chinois n'enseignent pas les arts martiaux aux autres communautés et Bruce Lee va c... casser cette règle, ce qui va lui créer des problèmes avec plusieurs figures chinoises de la côte ouest. Bruce Lee va se dresser contre le racisme anti-asiatique, mais on voit qu'il est aussi capable de se confronter à sa propre communauté s'il estime qu'elle fait fausse route. Le tournant pour Bruce Lee a lieu en 1964 à l'occasion du tournant international de karaté de Long Beach. Lors de cet événement, il réalise une démonstration qui va impressionner le public et attirer l'attention de l'industrie cinématographique américaine. Très vite, il est contacté par un producteur qui développe un projet de série intitulé The Green Hornet, le frelon vert, pour lequel il cherche un acteur asiatique. Bruce Lee est engagé pour incarner Keito, le serviteur du super-héros qui mène une double vie en combattant le crime la nuit. La série est diffusée entre 1966 et 1967.

  • Speaker #1

    Voici encore un nouveau défi pour le frelon vert. Il est assisté par Kato et sa voiture gadget, la belle-mère.

  • Speaker #0

    Kato, le personnage joué par Bruce Lee, est le majordome du frelon vert. C'est donc son chauffeur et il a très peu de dialogues. Jusque-là, on baigne un peu dans les stéréotypes pour un acteur racisé. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est presque présenté comme un progrès par Hollywood. Il faut bien avoir en tête qu'en matière de clichés et de racisme, A l'époque, c'est très violent. Les personnages asiatiques sont souvent des larbins, des soumis. Tout ça est très humiliant. Mais le pire, c'est qu'on les fait jouer par des acteurs blancs, maquillés, à qui on va faire des yeux bridés. Phénomène connu sous le nom de Yellow Face, l'équivalent asiatique de la Black Face. Bruce Lee est payé cinq fois moins que le personnage principal, alors qu'il devient rapidement la véritable star de la série, grâce à son charisme et ses combats spectaculaires. La série est arrêtée au bout d'une saison, mais la carrière de Bruce Lee à Hollywood est lancée. Ou du moins, c'est ce qu'il croit à ce moment-là. Malgré son talent, Bruce Lee se voit proposer seulement des rôles secondaires complètement stéréotypés. Bien qu'il ait déjà une famille à nourrir à l'époque, il va refuser ses rôles qu'il juge humiliants pour lui et pour les Asiatiques en général. Bruce Lee, niveau intégrité, niveau dignité, c'est un modèle et c'est pour ça qu'il deviendra une telle icône auprès des classes populaires du monde entier. Hollywood ou pas, ce n'était pas le genre de type à qui les patrons de studios mettaient des petites claques sur la joue. En face, il y avait quelqu'un qui ne baisse pas les yeux avec du répondant et le personnage était assez vif. Lors de cette période difficile, Bruce Lee comprend toute l'étendue du racisme à l'encontre des minorités. Comme le raconte sa fille Shannon dans le documentaire Bewater sur Disney+, il sait désormais qu'il est face à des studios incapables de se défaire des clichés. Il se dit alors qu'il doit créer lui-même ses rôles. C'est à ce moment-là, au début des années 70, qu'il imagine un projet de série qu'il intitule The Warrior. The Warrior met en scène un moine Shaolin qui arrive aux Etats-Unis pour la période du Far West et qui utilise ses compétences martiales pour défendre des personnes opprimées, notamment les Chinois recrutés à l'époque pour construire le chemin de fer transcontinental. Ce moine est également confronté aux préjugés et au racisme des colons d'origine européenne. Bruce Lee a deux objectifs. Il veut à la fois diffuser le véritable esprit des arts martiaux, avec sa dimension spirituelle et philosophique, mais il veut évoquer sa propre... expérience aux Etats-Unis en tant que membre d'une minorité. Il présente donc son projet à Warner Bros, qui est dans un premier temps séduit par l'idée originale de la série, mais le problème c'est que Bruce Lee exprime clairement sa volonté de jouer le personnage principal. Et ça c'est inenvisageable pour Warner Bros qui pense que le public américain n'est pas prêt pour voir un Asiatique tenir le premier rôle d'un tel show. Bruce Lee est dévasté par cette situation, mais surtout par le fait qu'on rejette son projet pour de telles raisons, c'est-à-dire du racisme structurel. Disons les choses clairement. Mais ce n'est peut-être pas le pire. Le pire, c'est que Warner Bros. va tout simplement reprendre l'idée de Bruce Lee en remaniant légèrement le tout, mais sans le créditer. Ils vont prendre un acteur qui s'appelle David Carradine, qui n'a jamais pratiqué les arts martiaux et qui n'est pas asiatique alors qu'il joue quand même un moine Shaolin. D'ailleurs, c'est tellement invraisemblable qu'ils sont obligés de lui inventer un père américain dans le scénario. Lorsque la série est diffusée en 1972, Bruce Lee a déjà pris une autre dimension, comme on le verra plus tard, donc il n'a pas trop la tête à porter plainte. En 1971, Bruce Lee prend une décision radicale. Il s'envole pour Hong Kong pour relancer sa carrière. Une fois sur place, il se rend compte qu'il est une star pour les habitants de cette mégalopole puisque la série The Green Hornet a été diffusée là-bas. Mais elle a été rebaptisée The Kato Show, c'est-à-dire que le personnage joué par Bruce Lee est LE héros du show. Bruce Lee signe rapidement avec un studio qui s'appelle Golden Harvest et à partir de là, tout a s'enchaîné très vite. Il va tourner trois films et que ce soit en termes de succès, de messages politiques et d'implication de la part de Bruce Lee, tout va aller crescendo. Dans ces trois longs métrages, on a à chaque fois les mêmes ingrédients qui vont construire le personnage et la légende de Bruce Lee. Fierté culturelle, refus de la soumission, lutte contre les oppresseurs, contre l'injustice, contre la corruption, contre le racisme et même la lutte des classes tout court. Surtout pour son premier film, The Big Boss, où il incarne un ouvrier chinois qui émigre en Thaïlande pour chercher du travail. Pour ses deux premiers films, Bruce Lee n'est pas crédité en tant qu'auteur, mais il influence largement la direction des scénarios et cela se ressent fortement. Après The Big Boss, il enchaîne avec Feast of Fury, la fureur de vaincre, qui se déroule à Shanghai pendant l'occupation japonaise. Un film qui dénonce sans ambiguïté le fléau de la colonisation. Il y a aussi une scène clé où Bruce Lee est refusé à l'entrée d'un parc où l'on voit une pancarte indiquant Interdit aux chiens et aux chinois La dénonciation de la xénophobie quel qu'elle soit, est un marqueur majeur dans le cinéma de Bruce Lee. Pour le troisième film, Made in Hong Kong, La Fureur du Dragon, Bruce Lee sera à la fois acteur, scénariste, réalisateur et producteur. Cette fois-ci, le film se passe en Occident, en Italie, où le personnage de Bruce Lee se rend pour venir en aide au propriétaire d'un restaurant chinois. Des amis qui sont menacés par la mafia locale, qui va elle-même ensuite faire appel à un mercenaire pour se débarrasser de cet expert en Kung Fu. Et là, Bruce Lee va imaginer une fin de film qui sera une idée de génie, non seulement sur le plan cinématographique, mais surtout au niveau du symbole qu'elle va représenter. Le petit dragon va faire appel à Chuck Norris, qu'il a connu à Los Angeles et qui était alors champion du monde de karaté. La majorité des analyses qui émanent de journalistes occidentaux affirment qu'il ne faut voir aucun message dans cette opposition, alors que selon moi, c'est exactement tout le contraire. Il faut vraiment être de mauvaise foi ou absolument ne rien comprendre à Bruce Lee pour expliquer que ce combat, c'est juste du cinéma. Donc, Bruce Lee appelle Chuck Norris pour lui proposer le rôle et lui explique dans le détail cet affrontement final qui va devenir mythique. Il lui dit qu'ils vont se battre comme deux gladiateurs dans le Colisée de Rome, que ça va être une scène extraordinaire, etc. Chuck Norris a souvent évoqué cet entretien, et notamment cette question qu'il pose alors à Bruce Lee. Qui gagne le combat ? Et là, Bruce Lee lui dit, c'est moi bien sûr, je suis la star du film. C'était déjà une manière de dire, ici, c'est pas Hollywood où le gentil héros Yankee tabasse des Noirs et des Chinois dans tous les sens. C'est plus les mêmes règles. Donc Bruce Lee, avec cette scène, va... inverser les standards de l'époque en Occident et en particulier aux Etats-Unis. Et ça va même plus loin puisque Chuck Norris lui dit ensuite, sur le ton de la plaisanterie bien sûr, Tu veux battre le champion du monde, c'est ça ? Et là, Bruce Lee répond Non, tu te trompes. Je veux tuer le champion du monde. Et en effet, dans le film, le personnage de Bruce Lee brise le cou du type joué par Chuck Norris qui est un mercenaire arrogant qui se bat pour l'argent, contrairement au personnage de Bruce Lee qui se bat pour aider des amis et pour l'honneur. Cette scène de combat est considérée comme l'une des plus grandes scènes de combat de l'histoire du cinéma. Peut-être même la plus grande de tous les temps. La tension dramatique, la chorégraphie, la musique, les symboles, tout est mythique. En particulier ce plan séquence au ralenti durant lequel Bruce Lee se déplace comme un danseur en esquivant les coups de Chuck Norris. C'est vraiment du grand art. Le lieu du combat, le Colisée de Rome, qui était partiellement reconstitué en studio à Hong Kong, est imposé par Bruce Lee. Se mettre en scène dans ce symbole de la puissance de l'Empire romain n'est pas seulement un choix artistique, un choix esthétique. On peut y voir un message sous-jacent envoyé à Hollywood et à l'Amérique blanche. Ce message, c'est qu'il mérite un ring à la hauteur de son talent et de sa fierté. Bruce Lee exalte ses origines chinoises et même orientales, un mot qu'il utilisait souvent pour se définir. On peut y voir l'équivalent asiatique du slogan I'm black and I'm proud qui était en vogue à l'époque. En ce qui concerne Chuck Norris, certes, il a le... mauvais rôle dans cette scène, mais sa prestation est exceptionnelle tant sur le plan martial que sur le plan du jeu. Il a deux lignes de dialogue, mais il arrive à faire passer des émotions très fortes alors que c'est son premier rôle au cinéma. C'est le film qui va lancer sa carrière d'acteur et aujourd'hui encore, à chaque fois qu'on l'interview, on lui parle de Bruce Lee. Pour la petite histoire, c'est le seul film où Chuck Norris meurt. Et c'est une précision importante quand on sait ce qu'il va incarner par la suite dans la mythologie du héros de cinéma américain. Chuck Norris va souvent jouer un personnage de militaire ou de policier, viril, sexiste, parfois raciste, qui va régulièrement cogner des Arabes ou des Asiatiques dans ses films. Est-ce que c'est une revanche sur La Feuilleur du Dragon ? Ou est-ce que c'est justement son film avec Bruce Lee qui a donné des idées au studio américain ? Impossible de deviner, mais je crois pouvoir dire qu'on a tous une forme de tendresse pour Chuck Norris et certains de ses personnages qui frôlent souvent la caricature. Je pense par exemple au colonel Braddock dans le film Porté disparu, qui retourne au Vietnam. plus de dix ans après la guerre pour tout défourailler et libérer des prisonniers américains.

  • Speaker #1

    Bradock, je vous préviens, attention où vous mettez les pieds. Je mets les pieds où je veux, Little John. Et c'est souvent dans la gueule.

  • Speaker #0

    Pour en revenir au film La Féor du Dragon, il va générer au total près de 130 millions de dollars lors de sa sortie mondiale après la mort de Bruce Lee. Le tout pour un coût initial de 130 000 dollars. Il a donc rapporté 1000 fois sa mise de départ. Mais en 1972, le film sort essentiellement en Asie et il va rapporter déjà plusieurs millions de dollars et dépasser les deux précédents films du petit dragon. Bruce Lee était déjà une star sur le marché asiatique, mais avec un tel succès, il prend une toute autre dimension. Et là, Hollywood va commencer à réfléchir. et à se dire que c'était peut-être pas une bonne idée de l'avoir jeté comme ça.

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Description

Le combat le plus féroce mené par Bruce Lee : celui contre le racisme. Le petit dragon a bataillé durant toute sa carrière contre Hollywood et l'industrie cinématographique américaine pour mettre fin aux stéréotypes et revendiquer une égalité de traitement avec les acteurs blancs. De son refus de se soumettre à l'exaltation de ses origines asiatiques, ce podcast en deux parties retrace son parcours et évoque son héritage qui continue d'inspirer les classes populaires du monde entier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, bienvenue dans 80 BPM, le podcast qui vous transporte au loin du stress des réseaux sociaux et des chaînes d'infos. Pour cet épisode 4, je vais vous parler d'un des héros de la génération des années 80, c'est Bruce Lee. Bruce Lee, personnage unique, connu pour ses talents multiples, mais moins connu pour le combat qu'il a mené contre le racisme, en particulier contre le racisme du cinéma américain. Un racisme qui perdure lorsqu'on voit comment... Tarantino a dépeint ce véritable mythe dans son film Il était une fois Hollywood Bruce Lee est mort jeune, mais il a malgré tout eu le temps de mettre au pas Hollywood et de prendre sa revanche sur l'Amérique blanche qu'il avait rejetée,

  • Speaker #1

    comme on le verra dans ce podcast.

  • Speaker #0

    L'extrait que vous venez d'entendre est issu d'une interview durant laquelle Bruce Lee évoque ce concept de Bewater qui est l'un des éléments de sa philosophie. Quand je dis philosophie, c'est au sens propre puisque Bruce Lee est diplômé de philosophie et de psychologie à l'Université de Washington. Ses réflexions intellectuelles ont été compilées dans un livre qui s'appelle Pensée percutante, la sagesse du combattant philosophe J'évoque cette dimension intellectuelle pour faire comprendre à quel point Bruce Lee est beaucoup plus qu'un artiste martial, un acteur, un scénariste et un réalisateur. A l'instar de Mohamed Ali, sur lequel on s'attardera également dans ce podcast, Bruce Lee est devenu une figure universelle de la lutte contre l'injustice et le racisme, notamment pour les pays qu'on pourrait réunir sous la bannière du monde non-occidental. Pour comprendre ce symbole extraordinaire que représente Bruce Lee, il faut bien entendu revenir aux origines du petit dragon. Bruce Lee est né à San Francisco, mais il s'agit d'un hasard puisque ses parents, originaires de Hong Kong, sont alors seulement de passage aux Etats-Unis. Son père, comédien, star de l'opéra chinois, est à ce moment-là entourné en Californie avec sa femme, qui est donc enceinte de Bruce Lee. Quelques mois après sa naissance, toute la famille repart pour Hong Kong, qui est à l'époque encore une colonie britannique. Dès son plus jeune âge, Bruce Lee devient un enfant star du cinéma asiatique. Il doit cette carrière précoce grâce au milieu culturel dans lequel il baigne, en raison du statut de son père, mais aussi parce qu'il possède un charisme hors du commun. À 19 ans, ses parents décident de l'envoyer aux États-Unis pour plusieurs raisons. Premièrement, Bruce est né à San Francisco, mais pour valider sa nationalité américaine, il doit résider sur le sol des Etats-Unis. Ensuite, il y a l'environnement social à Hong Kong. Bruce Lee fréquente certains gangs très dangereux et s'inquiète ses parents. Et puis ensuite, il y a un climat de tension, une forte contestation à l'encontre du colonisateur britannique qui donne lieu à plusieurs émeutes. Il y a notamment celle de 10 octobre 1956, où il y a des dizaines de morts, des centaines de blessés et des milliers d'arrestations. Donc Bruce Lee, jeune homme, débarque sur la côte ouest et s'installe à Seattle. Il parle parfaitement anglais, mais on distingue clairement son accent asiatique. A cet âge, il n'a pas d'autre ambition que de vivre le rêve américain, mais il comprend très vite qu'il est perçu comme membre d'une minorité raciale. Il s'habille comme les jeunes américains, il se coiffe comme eux, il écoute la même musique, il fait tout pour s'intégrer, il y croit, mais on le fait bien sentir qu'il n'est pas des leurs. Bruce Lee se lie d'amitié malgré tout avec des américains, mais il s'agit de membres d'autres minorités raciales. des afro-américains surtout, et des enfants de la classe ouvrière. Il est important de rappeler que ces premières années de Bruce Lee sur le sol américain se confondent avec la période de trouble du mouvement des droits civiques. Un mouvement auquel Bruce Lee est particulièrement sensible d'après les témoignages de son ami Karim Abdul-Jabbar. Bruce Lee, qui a déjà appris les arts martiaux à Hong Kong avec le célèbre Ip Man, poursuit et perfectionne cet apprentissage aux Etats-Unis avant d'y voir une opportunité. La passion du petit dragon pour le Kung Fu ne fait évidemment aucun doute, mais il y voit aussi une possibilité de gagner sa vie et de trouver sa place dans la société américaine. Mais il le fait à sa manière. Et c'est là qu'on commence à percevoir son côté iconoclaste et cette dimension universelle chez lui. Le premier élève de Bruce Lee s'appelle Jesse Glover, un afro-américain, et avec les autres élèves qui vont suivre, ils vont former un groupe multiculturel assez inédit à l'époque aux Etats-Unis. À ce moment-là, les Chinois n'enseignent pas les arts martiaux aux autres communautés et Bruce Lee va c... casser cette règle, ce qui va lui créer des problèmes avec plusieurs figures chinoises de la côte ouest. Bruce Lee va se dresser contre le racisme anti-asiatique, mais on voit qu'il est aussi capable de se confronter à sa propre communauté s'il estime qu'elle fait fausse route. Le tournant pour Bruce Lee a lieu en 1964 à l'occasion du tournant international de karaté de Long Beach. Lors de cet événement, il réalise une démonstration qui va impressionner le public et attirer l'attention de l'industrie cinématographique américaine. Très vite, il est contacté par un producteur qui développe un projet de série intitulé The Green Hornet, le frelon vert, pour lequel il cherche un acteur asiatique. Bruce Lee est engagé pour incarner Keito, le serviteur du super-héros qui mène une double vie en combattant le crime la nuit. La série est diffusée entre 1966 et 1967.

  • Speaker #1

    Voici encore un nouveau défi pour le frelon vert. Il est assisté par Kato et sa voiture gadget, la belle-mère.

  • Speaker #0

    Kato, le personnage joué par Bruce Lee, est le majordome du frelon vert. C'est donc son chauffeur et il a très peu de dialogues. Jusque-là, on baigne un peu dans les stéréotypes pour un acteur racisé. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est presque présenté comme un progrès par Hollywood. Il faut bien avoir en tête qu'en matière de clichés et de racisme, A l'époque, c'est très violent. Les personnages asiatiques sont souvent des larbins, des soumis. Tout ça est très humiliant. Mais le pire, c'est qu'on les fait jouer par des acteurs blancs, maquillés, à qui on va faire des yeux bridés. Phénomène connu sous le nom de Yellow Face, l'équivalent asiatique de la Black Face. Bruce Lee est payé cinq fois moins que le personnage principal, alors qu'il devient rapidement la véritable star de la série, grâce à son charisme et ses combats spectaculaires. La série est arrêtée au bout d'une saison, mais la carrière de Bruce Lee à Hollywood est lancée. Ou du moins, c'est ce qu'il croit à ce moment-là. Malgré son talent, Bruce Lee se voit proposer seulement des rôles secondaires complètement stéréotypés. Bien qu'il ait déjà une famille à nourrir à l'époque, il va refuser ses rôles qu'il juge humiliants pour lui et pour les Asiatiques en général. Bruce Lee, niveau intégrité, niveau dignité, c'est un modèle et c'est pour ça qu'il deviendra une telle icône auprès des classes populaires du monde entier. Hollywood ou pas, ce n'était pas le genre de type à qui les patrons de studios mettaient des petites claques sur la joue. En face, il y avait quelqu'un qui ne baisse pas les yeux avec du répondant et le personnage était assez vif. Lors de cette période difficile, Bruce Lee comprend toute l'étendue du racisme à l'encontre des minorités. Comme le raconte sa fille Shannon dans le documentaire Bewater sur Disney+, il sait désormais qu'il est face à des studios incapables de se défaire des clichés. Il se dit alors qu'il doit créer lui-même ses rôles. C'est à ce moment-là, au début des années 70, qu'il imagine un projet de série qu'il intitule The Warrior. The Warrior met en scène un moine Shaolin qui arrive aux Etats-Unis pour la période du Far West et qui utilise ses compétences martiales pour défendre des personnes opprimées, notamment les Chinois recrutés à l'époque pour construire le chemin de fer transcontinental. Ce moine est également confronté aux préjugés et au racisme des colons d'origine européenne. Bruce Lee a deux objectifs. Il veut à la fois diffuser le véritable esprit des arts martiaux, avec sa dimension spirituelle et philosophique, mais il veut évoquer sa propre... expérience aux Etats-Unis en tant que membre d'une minorité. Il présente donc son projet à Warner Bros, qui est dans un premier temps séduit par l'idée originale de la série, mais le problème c'est que Bruce Lee exprime clairement sa volonté de jouer le personnage principal. Et ça c'est inenvisageable pour Warner Bros qui pense que le public américain n'est pas prêt pour voir un Asiatique tenir le premier rôle d'un tel show. Bruce Lee est dévasté par cette situation, mais surtout par le fait qu'on rejette son projet pour de telles raisons, c'est-à-dire du racisme structurel. Disons les choses clairement. Mais ce n'est peut-être pas le pire. Le pire, c'est que Warner Bros. va tout simplement reprendre l'idée de Bruce Lee en remaniant légèrement le tout, mais sans le créditer. Ils vont prendre un acteur qui s'appelle David Carradine, qui n'a jamais pratiqué les arts martiaux et qui n'est pas asiatique alors qu'il joue quand même un moine Shaolin. D'ailleurs, c'est tellement invraisemblable qu'ils sont obligés de lui inventer un père américain dans le scénario. Lorsque la série est diffusée en 1972, Bruce Lee a déjà pris une autre dimension, comme on le verra plus tard, donc il n'a pas trop la tête à porter plainte. En 1971, Bruce Lee prend une décision radicale. Il s'envole pour Hong Kong pour relancer sa carrière. Une fois sur place, il se rend compte qu'il est une star pour les habitants de cette mégalopole puisque la série The Green Hornet a été diffusée là-bas. Mais elle a été rebaptisée The Kato Show, c'est-à-dire que le personnage joué par Bruce Lee est LE héros du show. Bruce Lee signe rapidement avec un studio qui s'appelle Golden Harvest et à partir de là, tout a s'enchaîné très vite. Il va tourner trois films et que ce soit en termes de succès, de messages politiques et d'implication de la part de Bruce Lee, tout va aller crescendo. Dans ces trois longs métrages, on a à chaque fois les mêmes ingrédients qui vont construire le personnage et la légende de Bruce Lee. Fierté culturelle, refus de la soumission, lutte contre les oppresseurs, contre l'injustice, contre la corruption, contre le racisme et même la lutte des classes tout court. Surtout pour son premier film, The Big Boss, où il incarne un ouvrier chinois qui émigre en Thaïlande pour chercher du travail. Pour ses deux premiers films, Bruce Lee n'est pas crédité en tant qu'auteur, mais il influence largement la direction des scénarios et cela se ressent fortement. Après The Big Boss, il enchaîne avec Feast of Fury, la fureur de vaincre, qui se déroule à Shanghai pendant l'occupation japonaise. Un film qui dénonce sans ambiguïté le fléau de la colonisation. Il y a aussi une scène clé où Bruce Lee est refusé à l'entrée d'un parc où l'on voit une pancarte indiquant Interdit aux chiens et aux chinois La dénonciation de la xénophobie quel qu'elle soit, est un marqueur majeur dans le cinéma de Bruce Lee. Pour le troisième film, Made in Hong Kong, La Fureur du Dragon, Bruce Lee sera à la fois acteur, scénariste, réalisateur et producteur. Cette fois-ci, le film se passe en Occident, en Italie, où le personnage de Bruce Lee se rend pour venir en aide au propriétaire d'un restaurant chinois. Des amis qui sont menacés par la mafia locale, qui va elle-même ensuite faire appel à un mercenaire pour se débarrasser de cet expert en Kung Fu. Et là, Bruce Lee va imaginer une fin de film qui sera une idée de génie, non seulement sur le plan cinématographique, mais surtout au niveau du symbole qu'elle va représenter. Le petit dragon va faire appel à Chuck Norris, qu'il a connu à Los Angeles et qui était alors champion du monde de karaté. La majorité des analyses qui émanent de journalistes occidentaux affirment qu'il ne faut voir aucun message dans cette opposition, alors que selon moi, c'est exactement tout le contraire. Il faut vraiment être de mauvaise foi ou absolument ne rien comprendre à Bruce Lee pour expliquer que ce combat, c'est juste du cinéma. Donc, Bruce Lee appelle Chuck Norris pour lui proposer le rôle et lui explique dans le détail cet affrontement final qui va devenir mythique. Il lui dit qu'ils vont se battre comme deux gladiateurs dans le Colisée de Rome, que ça va être une scène extraordinaire, etc. Chuck Norris a souvent évoqué cet entretien, et notamment cette question qu'il pose alors à Bruce Lee. Qui gagne le combat ? Et là, Bruce Lee lui dit, c'est moi bien sûr, je suis la star du film. C'était déjà une manière de dire, ici, c'est pas Hollywood où le gentil héros Yankee tabasse des Noirs et des Chinois dans tous les sens. C'est plus les mêmes règles. Donc Bruce Lee, avec cette scène, va... inverser les standards de l'époque en Occident et en particulier aux Etats-Unis. Et ça va même plus loin puisque Chuck Norris lui dit ensuite, sur le ton de la plaisanterie bien sûr, Tu veux battre le champion du monde, c'est ça ? Et là, Bruce Lee répond Non, tu te trompes. Je veux tuer le champion du monde. Et en effet, dans le film, le personnage de Bruce Lee brise le cou du type joué par Chuck Norris qui est un mercenaire arrogant qui se bat pour l'argent, contrairement au personnage de Bruce Lee qui se bat pour aider des amis et pour l'honneur. Cette scène de combat est considérée comme l'une des plus grandes scènes de combat de l'histoire du cinéma. Peut-être même la plus grande de tous les temps. La tension dramatique, la chorégraphie, la musique, les symboles, tout est mythique. En particulier ce plan séquence au ralenti durant lequel Bruce Lee se déplace comme un danseur en esquivant les coups de Chuck Norris. C'est vraiment du grand art. Le lieu du combat, le Colisée de Rome, qui était partiellement reconstitué en studio à Hong Kong, est imposé par Bruce Lee. Se mettre en scène dans ce symbole de la puissance de l'Empire romain n'est pas seulement un choix artistique, un choix esthétique. On peut y voir un message sous-jacent envoyé à Hollywood et à l'Amérique blanche. Ce message, c'est qu'il mérite un ring à la hauteur de son talent et de sa fierté. Bruce Lee exalte ses origines chinoises et même orientales, un mot qu'il utilisait souvent pour se définir. On peut y voir l'équivalent asiatique du slogan I'm black and I'm proud qui était en vogue à l'époque. En ce qui concerne Chuck Norris, certes, il a le... mauvais rôle dans cette scène, mais sa prestation est exceptionnelle tant sur le plan martial que sur le plan du jeu. Il a deux lignes de dialogue, mais il arrive à faire passer des émotions très fortes alors que c'est son premier rôle au cinéma. C'est le film qui va lancer sa carrière d'acteur et aujourd'hui encore, à chaque fois qu'on l'interview, on lui parle de Bruce Lee. Pour la petite histoire, c'est le seul film où Chuck Norris meurt. Et c'est une précision importante quand on sait ce qu'il va incarner par la suite dans la mythologie du héros de cinéma américain. Chuck Norris va souvent jouer un personnage de militaire ou de policier, viril, sexiste, parfois raciste, qui va régulièrement cogner des Arabes ou des Asiatiques dans ses films. Est-ce que c'est une revanche sur La Feuilleur du Dragon ? Ou est-ce que c'est justement son film avec Bruce Lee qui a donné des idées au studio américain ? Impossible de deviner, mais je crois pouvoir dire qu'on a tous une forme de tendresse pour Chuck Norris et certains de ses personnages qui frôlent souvent la caricature. Je pense par exemple au colonel Braddock dans le film Porté disparu, qui retourne au Vietnam. plus de dix ans après la guerre pour tout défourailler et libérer des prisonniers américains.

  • Speaker #1

    Bradock, je vous préviens, attention où vous mettez les pieds. Je mets les pieds où je veux, Little John. Et c'est souvent dans la gueule.

  • Speaker #0

    Pour en revenir au film La Féor du Dragon, il va générer au total près de 130 millions de dollars lors de sa sortie mondiale après la mort de Bruce Lee. Le tout pour un coût initial de 130 000 dollars. Il a donc rapporté 1000 fois sa mise de départ. Mais en 1972, le film sort essentiellement en Asie et il va rapporter déjà plusieurs millions de dollars et dépasser les deux précédents films du petit dragon. Bruce Lee était déjà une star sur le marché asiatique, mais avec un tel succès, il prend une toute autre dimension. Et là, Hollywood va commencer à réfléchir. et à se dire que c'était peut-être pas une bonne idée de l'avoir jeté comme ça.

Description

Le combat le plus féroce mené par Bruce Lee : celui contre le racisme. Le petit dragon a bataillé durant toute sa carrière contre Hollywood et l'industrie cinématographique américaine pour mettre fin aux stéréotypes et revendiquer une égalité de traitement avec les acteurs blancs. De son refus de se soumettre à l'exaltation de ses origines asiatiques, ce podcast en deux parties retrace son parcours et évoque son héritage qui continue d'inspirer les classes populaires du monde entier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, bienvenue dans 80 BPM, le podcast qui vous transporte au loin du stress des réseaux sociaux et des chaînes d'infos. Pour cet épisode 4, je vais vous parler d'un des héros de la génération des années 80, c'est Bruce Lee. Bruce Lee, personnage unique, connu pour ses talents multiples, mais moins connu pour le combat qu'il a mené contre le racisme, en particulier contre le racisme du cinéma américain. Un racisme qui perdure lorsqu'on voit comment... Tarantino a dépeint ce véritable mythe dans son film Il était une fois Hollywood Bruce Lee est mort jeune, mais il a malgré tout eu le temps de mettre au pas Hollywood et de prendre sa revanche sur l'Amérique blanche qu'il avait rejetée,

  • Speaker #1

    comme on le verra dans ce podcast.

  • Speaker #0

    L'extrait que vous venez d'entendre est issu d'une interview durant laquelle Bruce Lee évoque ce concept de Bewater qui est l'un des éléments de sa philosophie. Quand je dis philosophie, c'est au sens propre puisque Bruce Lee est diplômé de philosophie et de psychologie à l'Université de Washington. Ses réflexions intellectuelles ont été compilées dans un livre qui s'appelle Pensée percutante, la sagesse du combattant philosophe J'évoque cette dimension intellectuelle pour faire comprendre à quel point Bruce Lee est beaucoup plus qu'un artiste martial, un acteur, un scénariste et un réalisateur. A l'instar de Mohamed Ali, sur lequel on s'attardera également dans ce podcast, Bruce Lee est devenu une figure universelle de la lutte contre l'injustice et le racisme, notamment pour les pays qu'on pourrait réunir sous la bannière du monde non-occidental. Pour comprendre ce symbole extraordinaire que représente Bruce Lee, il faut bien entendu revenir aux origines du petit dragon. Bruce Lee est né à San Francisco, mais il s'agit d'un hasard puisque ses parents, originaires de Hong Kong, sont alors seulement de passage aux Etats-Unis. Son père, comédien, star de l'opéra chinois, est à ce moment-là entourné en Californie avec sa femme, qui est donc enceinte de Bruce Lee. Quelques mois après sa naissance, toute la famille repart pour Hong Kong, qui est à l'époque encore une colonie britannique. Dès son plus jeune âge, Bruce Lee devient un enfant star du cinéma asiatique. Il doit cette carrière précoce grâce au milieu culturel dans lequel il baigne, en raison du statut de son père, mais aussi parce qu'il possède un charisme hors du commun. À 19 ans, ses parents décident de l'envoyer aux États-Unis pour plusieurs raisons. Premièrement, Bruce est né à San Francisco, mais pour valider sa nationalité américaine, il doit résider sur le sol des Etats-Unis. Ensuite, il y a l'environnement social à Hong Kong. Bruce Lee fréquente certains gangs très dangereux et s'inquiète ses parents. Et puis ensuite, il y a un climat de tension, une forte contestation à l'encontre du colonisateur britannique qui donne lieu à plusieurs émeutes. Il y a notamment celle de 10 octobre 1956, où il y a des dizaines de morts, des centaines de blessés et des milliers d'arrestations. Donc Bruce Lee, jeune homme, débarque sur la côte ouest et s'installe à Seattle. Il parle parfaitement anglais, mais on distingue clairement son accent asiatique. A cet âge, il n'a pas d'autre ambition que de vivre le rêve américain, mais il comprend très vite qu'il est perçu comme membre d'une minorité raciale. Il s'habille comme les jeunes américains, il se coiffe comme eux, il écoute la même musique, il fait tout pour s'intégrer, il y croit, mais on le fait bien sentir qu'il n'est pas des leurs. Bruce Lee se lie d'amitié malgré tout avec des américains, mais il s'agit de membres d'autres minorités raciales. des afro-américains surtout, et des enfants de la classe ouvrière. Il est important de rappeler que ces premières années de Bruce Lee sur le sol américain se confondent avec la période de trouble du mouvement des droits civiques. Un mouvement auquel Bruce Lee est particulièrement sensible d'après les témoignages de son ami Karim Abdul-Jabbar. Bruce Lee, qui a déjà appris les arts martiaux à Hong Kong avec le célèbre Ip Man, poursuit et perfectionne cet apprentissage aux Etats-Unis avant d'y voir une opportunité. La passion du petit dragon pour le Kung Fu ne fait évidemment aucun doute, mais il y voit aussi une possibilité de gagner sa vie et de trouver sa place dans la société américaine. Mais il le fait à sa manière. Et c'est là qu'on commence à percevoir son côté iconoclaste et cette dimension universelle chez lui. Le premier élève de Bruce Lee s'appelle Jesse Glover, un afro-américain, et avec les autres élèves qui vont suivre, ils vont former un groupe multiculturel assez inédit à l'époque aux Etats-Unis. À ce moment-là, les Chinois n'enseignent pas les arts martiaux aux autres communautés et Bruce Lee va c... casser cette règle, ce qui va lui créer des problèmes avec plusieurs figures chinoises de la côte ouest. Bruce Lee va se dresser contre le racisme anti-asiatique, mais on voit qu'il est aussi capable de se confronter à sa propre communauté s'il estime qu'elle fait fausse route. Le tournant pour Bruce Lee a lieu en 1964 à l'occasion du tournant international de karaté de Long Beach. Lors de cet événement, il réalise une démonstration qui va impressionner le public et attirer l'attention de l'industrie cinématographique américaine. Très vite, il est contacté par un producteur qui développe un projet de série intitulé The Green Hornet, le frelon vert, pour lequel il cherche un acteur asiatique. Bruce Lee est engagé pour incarner Keito, le serviteur du super-héros qui mène une double vie en combattant le crime la nuit. La série est diffusée entre 1966 et 1967.

  • Speaker #1

    Voici encore un nouveau défi pour le frelon vert. Il est assisté par Kato et sa voiture gadget, la belle-mère.

  • Speaker #0

    Kato, le personnage joué par Bruce Lee, est le majordome du frelon vert. C'est donc son chauffeur et il a très peu de dialogues. Jusque-là, on baigne un peu dans les stéréotypes pour un acteur racisé. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est presque présenté comme un progrès par Hollywood. Il faut bien avoir en tête qu'en matière de clichés et de racisme, A l'époque, c'est très violent. Les personnages asiatiques sont souvent des larbins, des soumis. Tout ça est très humiliant. Mais le pire, c'est qu'on les fait jouer par des acteurs blancs, maquillés, à qui on va faire des yeux bridés. Phénomène connu sous le nom de Yellow Face, l'équivalent asiatique de la Black Face. Bruce Lee est payé cinq fois moins que le personnage principal, alors qu'il devient rapidement la véritable star de la série, grâce à son charisme et ses combats spectaculaires. La série est arrêtée au bout d'une saison, mais la carrière de Bruce Lee à Hollywood est lancée. Ou du moins, c'est ce qu'il croit à ce moment-là. Malgré son talent, Bruce Lee se voit proposer seulement des rôles secondaires complètement stéréotypés. Bien qu'il ait déjà une famille à nourrir à l'époque, il va refuser ses rôles qu'il juge humiliants pour lui et pour les Asiatiques en général. Bruce Lee, niveau intégrité, niveau dignité, c'est un modèle et c'est pour ça qu'il deviendra une telle icône auprès des classes populaires du monde entier. Hollywood ou pas, ce n'était pas le genre de type à qui les patrons de studios mettaient des petites claques sur la joue. En face, il y avait quelqu'un qui ne baisse pas les yeux avec du répondant et le personnage était assez vif. Lors de cette période difficile, Bruce Lee comprend toute l'étendue du racisme à l'encontre des minorités. Comme le raconte sa fille Shannon dans le documentaire Bewater sur Disney+, il sait désormais qu'il est face à des studios incapables de se défaire des clichés. Il se dit alors qu'il doit créer lui-même ses rôles. C'est à ce moment-là, au début des années 70, qu'il imagine un projet de série qu'il intitule The Warrior. The Warrior met en scène un moine Shaolin qui arrive aux Etats-Unis pour la période du Far West et qui utilise ses compétences martiales pour défendre des personnes opprimées, notamment les Chinois recrutés à l'époque pour construire le chemin de fer transcontinental. Ce moine est également confronté aux préjugés et au racisme des colons d'origine européenne. Bruce Lee a deux objectifs. Il veut à la fois diffuser le véritable esprit des arts martiaux, avec sa dimension spirituelle et philosophique, mais il veut évoquer sa propre... expérience aux Etats-Unis en tant que membre d'une minorité. Il présente donc son projet à Warner Bros, qui est dans un premier temps séduit par l'idée originale de la série, mais le problème c'est que Bruce Lee exprime clairement sa volonté de jouer le personnage principal. Et ça c'est inenvisageable pour Warner Bros qui pense que le public américain n'est pas prêt pour voir un Asiatique tenir le premier rôle d'un tel show. Bruce Lee est dévasté par cette situation, mais surtout par le fait qu'on rejette son projet pour de telles raisons, c'est-à-dire du racisme structurel. Disons les choses clairement. Mais ce n'est peut-être pas le pire. Le pire, c'est que Warner Bros. va tout simplement reprendre l'idée de Bruce Lee en remaniant légèrement le tout, mais sans le créditer. Ils vont prendre un acteur qui s'appelle David Carradine, qui n'a jamais pratiqué les arts martiaux et qui n'est pas asiatique alors qu'il joue quand même un moine Shaolin. D'ailleurs, c'est tellement invraisemblable qu'ils sont obligés de lui inventer un père américain dans le scénario. Lorsque la série est diffusée en 1972, Bruce Lee a déjà pris une autre dimension, comme on le verra plus tard, donc il n'a pas trop la tête à porter plainte. En 1971, Bruce Lee prend une décision radicale. Il s'envole pour Hong Kong pour relancer sa carrière. Une fois sur place, il se rend compte qu'il est une star pour les habitants de cette mégalopole puisque la série The Green Hornet a été diffusée là-bas. Mais elle a été rebaptisée The Kato Show, c'est-à-dire que le personnage joué par Bruce Lee est LE héros du show. Bruce Lee signe rapidement avec un studio qui s'appelle Golden Harvest et à partir de là, tout a s'enchaîné très vite. Il va tourner trois films et que ce soit en termes de succès, de messages politiques et d'implication de la part de Bruce Lee, tout va aller crescendo. Dans ces trois longs métrages, on a à chaque fois les mêmes ingrédients qui vont construire le personnage et la légende de Bruce Lee. Fierté culturelle, refus de la soumission, lutte contre les oppresseurs, contre l'injustice, contre la corruption, contre le racisme et même la lutte des classes tout court. Surtout pour son premier film, The Big Boss, où il incarne un ouvrier chinois qui émigre en Thaïlande pour chercher du travail. Pour ses deux premiers films, Bruce Lee n'est pas crédité en tant qu'auteur, mais il influence largement la direction des scénarios et cela se ressent fortement. Après The Big Boss, il enchaîne avec Feast of Fury, la fureur de vaincre, qui se déroule à Shanghai pendant l'occupation japonaise. Un film qui dénonce sans ambiguïté le fléau de la colonisation. Il y a aussi une scène clé où Bruce Lee est refusé à l'entrée d'un parc où l'on voit une pancarte indiquant Interdit aux chiens et aux chinois La dénonciation de la xénophobie quel qu'elle soit, est un marqueur majeur dans le cinéma de Bruce Lee. Pour le troisième film, Made in Hong Kong, La Fureur du Dragon, Bruce Lee sera à la fois acteur, scénariste, réalisateur et producteur. Cette fois-ci, le film se passe en Occident, en Italie, où le personnage de Bruce Lee se rend pour venir en aide au propriétaire d'un restaurant chinois. Des amis qui sont menacés par la mafia locale, qui va elle-même ensuite faire appel à un mercenaire pour se débarrasser de cet expert en Kung Fu. Et là, Bruce Lee va imaginer une fin de film qui sera une idée de génie, non seulement sur le plan cinématographique, mais surtout au niveau du symbole qu'elle va représenter. Le petit dragon va faire appel à Chuck Norris, qu'il a connu à Los Angeles et qui était alors champion du monde de karaté. La majorité des analyses qui émanent de journalistes occidentaux affirment qu'il ne faut voir aucun message dans cette opposition, alors que selon moi, c'est exactement tout le contraire. Il faut vraiment être de mauvaise foi ou absolument ne rien comprendre à Bruce Lee pour expliquer que ce combat, c'est juste du cinéma. Donc, Bruce Lee appelle Chuck Norris pour lui proposer le rôle et lui explique dans le détail cet affrontement final qui va devenir mythique. Il lui dit qu'ils vont se battre comme deux gladiateurs dans le Colisée de Rome, que ça va être une scène extraordinaire, etc. Chuck Norris a souvent évoqué cet entretien, et notamment cette question qu'il pose alors à Bruce Lee. Qui gagne le combat ? Et là, Bruce Lee lui dit, c'est moi bien sûr, je suis la star du film. C'était déjà une manière de dire, ici, c'est pas Hollywood où le gentil héros Yankee tabasse des Noirs et des Chinois dans tous les sens. C'est plus les mêmes règles. Donc Bruce Lee, avec cette scène, va... inverser les standards de l'époque en Occident et en particulier aux Etats-Unis. Et ça va même plus loin puisque Chuck Norris lui dit ensuite, sur le ton de la plaisanterie bien sûr, Tu veux battre le champion du monde, c'est ça ? Et là, Bruce Lee répond Non, tu te trompes. Je veux tuer le champion du monde. Et en effet, dans le film, le personnage de Bruce Lee brise le cou du type joué par Chuck Norris qui est un mercenaire arrogant qui se bat pour l'argent, contrairement au personnage de Bruce Lee qui se bat pour aider des amis et pour l'honneur. Cette scène de combat est considérée comme l'une des plus grandes scènes de combat de l'histoire du cinéma. Peut-être même la plus grande de tous les temps. La tension dramatique, la chorégraphie, la musique, les symboles, tout est mythique. En particulier ce plan séquence au ralenti durant lequel Bruce Lee se déplace comme un danseur en esquivant les coups de Chuck Norris. C'est vraiment du grand art. Le lieu du combat, le Colisée de Rome, qui était partiellement reconstitué en studio à Hong Kong, est imposé par Bruce Lee. Se mettre en scène dans ce symbole de la puissance de l'Empire romain n'est pas seulement un choix artistique, un choix esthétique. On peut y voir un message sous-jacent envoyé à Hollywood et à l'Amérique blanche. Ce message, c'est qu'il mérite un ring à la hauteur de son talent et de sa fierté. Bruce Lee exalte ses origines chinoises et même orientales, un mot qu'il utilisait souvent pour se définir. On peut y voir l'équivalent asiatique du slogan I'm black and I'm proud qui était en vogue à l'époque. En ce qui concerne Chuck Norris, certes, il a le... mauvais rôle dans cette scène, mais sa prestation est exceptionnelle tant sur le plan martial que sur le plan du jeu. Il a deux lignes de dialogue, mais il arrive à faire passer des émotions très fortes alors que c'est son premier rôle au cinéma. C'est le film qui va lancer sa carrière d'acteur et aujourd'hui encore, à chaque fois qu'on l'interview, on lui parle de Bruce Lee. Pour la petite histoire, c'est le seul film où Chuck Norris meurt. Et c'est une précision importante quand on sait ce qu'il va incarner par la suite dans la mythologie du héros de cinéma américain. Chuck Norris va souvent jouer un personnage de militaire ou de policier, viril, sexiste, parfois raciste, qui va régulièrement cogner des Arabes ou des Asiatiques dans ses films. Est-ce que c'est une revanche sur La Feuilleur du Dragon ? Ou est-ce que c'est justement son film avec Bruce Lee qui a donné des idées au studio américain ? Impossible de deviner, mais je crois pouvoir dire qu'on a tous une forme de tendresse pour Chuck Norris et certains de ses personnages qui frôlent souvent la caricature. Je pense par exemple au colonel Braddock dans le film Porté disparu, qui retourne au Vietnam. plus de dix ans après la guerre pour tout défourailler et libérer des prisonniers américains.

  • Speaker #1

    Bradock, je vous préviens, attention où vous mettez les pieds. Je mets les pieds où je veux, Little John. Et c'est souvent dans la gueule.

  • Speaker #0

    Pour en revenir au film La Féor du Dragon, il va générer au total près de 130 millions de dollars lors de sa sortie mondiale après la mort de Bruce Lee. Le tout pour un coût initial de 130 000 dollars. Il a donc rapporté 1000 fois sa mise de départ. Mais en 1972, le film sort essentiellement en Asie et il va rapporter déjà plusieurs millions de dollars et dépasser les deux précédents films du petit dragon. Bruce Lee était déjà une star sur le marché asiatique, mais avec un tel succès, il prend une toute autre dimension. Et là, Hollywood va commencer à réfléchir. et à se dire que c'était peut-être pas une bonne idée de l'avoir jeté comme ça.

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