undefined cover
undefined cover
Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot cover
Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot cover
À part Égale

Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot

Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot

28min |13/01/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot cover
Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot cover
À part Égale

Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot

Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot

28min |13/01/2025
Play

Description

Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot, journaliste française, grand reporter et autrice du livre « Loin de chez moi » paru aux éditions Fayard.


Dans cet épisode de l’émission podcast, « A Part Egale », Maryse Burgot aborde la question de la parité et partage ses réflexions sur sa place en tant que femme dans le monde du journalisme, elle nous offre une perspective unique sur son travail sur le terrain, sur les droits des femmes dans le monde, ses choix de carrière, et les défis qu'elle a relevés.


Par son témoignage, elle brise les stéréotypes de genre et prouve qu’il est possible de réussir peu importe d'où l'on vienne.


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurore Mayer

    Bienvenue dans l'émission À part égale, l'émission du réseau parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai le grand honneur de recevoir parmi nous Maryse Burgot. Bonjour. Bonjour Maryse. Je suis vraiment ravie de vous avoir, très honnêtement. Vous êtes un grand reporter. Vous êtes allée sur tous les conflits les plus dangereux, dans des conditions vraiment très hostiles. Vous avez même été otage. Je ne sais pas si vous voulez en parler. Je sais que vous en parlez dans le livre, que vous avez très longtemps ne pas souhaité en parler. Donc je ne sais pas si on en reparlera, mais aux Philippines. Et vous avez été correspondante, vous êtes aujourd'hui en Ukraine. Et puis sur tous les conflits, notamment dans des conditions aussi pour les femmes très compliquées. Vous êtes vraiment quelqu'un qui représente ce courage, et en tant que femme, dans des milieux plutôt hostiles aux femmes aussi. Et vous sortez aujourd'hui un livre qui s'appelle Loin de chez moi où l'on apprend que vous êtes une fille de paysan. Donc j'ai envie de vous dire, avec un petit clin d'œil, vous passez donc des champs aux champs de bataille. Est-ce que c'est important pour vous ? Les racines de l'on vient

  • Maryse Burgot

    Oui, c'est pour ça que j'ai souhaité qu'il y ait ce titre pour mon livre. Je viens d'un milieu rural, très agricole, ultra populaire, pas très intellectuel, je n'étais pas entourée de livres. Or, j'ai quand même réussi à faire ce qui est à mes yeux le plus beau métier du monde. Donc j'avais envie de donner ce message-là qui est Si vous avez des rêves, même si vous avez le sentiment de ne pas être tout à fait née au bon endroit, ou de n'avoir pas tous les codes, etc., quand même, essayez de suivre votre rêve et parfois ça peut fonctionner. Voilà, c'est un peu un message d'espoir.

  • Aurore Mayer

    Quand vous avez démarré d'ailleurs dans le journalisme, on vous a, il semblerait, reproché d'avoir une petite voix, ou pas la voix qu'il fallait, et aujourd'hui c'est ce qui, entre autres, vous différencie, fait votre force. Vous répondez à ça, à ces gens qui vous disaient ça à l'époque ?

  • Maryse Burgot

    Oui, bon, alors à l'école de journalisme, on m'a dit, bon, toi, la télé, ce n'est pas possible, ni la radio avec ta voix, qui n'était donc pas assez grave, pas assez assurée, etc. Et je me suis dit, ah oui, c'est vraiment ça, que je vais arrêter comme ça. Donc, au contraire, je fais tout le contraire, je me suis inscrite dans le groupe télé juste parce qu'on m'avait dit que ma voix était nulle. Et en fait, et par esprit de contradiction, et aussi parce que le groupe télé était un groupe vachement sympa à l'école de journalisme, donc je préférais être avec eux. Et au final, cette voix, elle est entrée dans le paysage télévisuel d'une certaine manière. Je ne dis pas que c'est ma force, parce qu'il y a des gens qui ne la supportent pas toujours, mais finalement, c'est un peu un atout, oui, d'une certaine manière, parce qu'elle n'est pas tout à fait comme les autres.

  • Aurore Mayer

    Exactement. Du coup, j'ai envie de vous dire, c'est important pour vous, vous pensez à la singularité justement ? Parce qu'il faut dire à des gens qui se disent je ne suis pas dans le moule Au contraire,

  • Maryse Burgot

    il faut la cultiver même, il faut en être fier. Si on a des choses singulières, ça peut être un handicap au départ, mais finalement si on cultive ça et si on en fait une force, ça devient quelque chose qui vous différencie par rapport aux autres. Moi, je n'ai pas cette prétention. Pour ma voix, ce serait très prétentieux de dire ça, mais en tout cas, ce qui semblait être au départ un handicap, un défaut, etc., est devenu d'une certaine manière un atout, c'est incontestable.

  • Aurore Mayer

    Je trouve assez fou parce que votre voix n'est pas… Je ne sais pas pourquoi on vous a dit ça, mais en tout cas… Est-ce que vous pensez qu'on fait plus ce genre de remarques à des femmes ?

  • Maryse Burgot

    C'est intéressant votre question. C'est possible ça. C'est possible qu'on l'ait plus dit à l'école de journalisme et qu'on le dise plus à des femmes, je pense. Oui. Et puis bon, moi je fais 1m60, il y a une façon d'en imposer peut-être, que je n'en imposais pas quand j'étais plus jeune. J'ai appris ça aussi, à en imposer quand même et à poser ma voix et à dire non mais écoutez-moi et regardez qui je suis. Mais c'est vrai que je pense que ce procès-là, on le fait quand même plus aux femmes qu'aux hommes. Ça, c'est sûr. Et je ne me souviens pas, par exemple, à l'école de journalisme, qu'on ait dit à des garçons de l'école, Non mais toi, ta voix, ça ne va pas. C'est beaucoup un truc de fille, quand même. Vous avez raison.

  • Aurore Mayer

    Vous avez dit que vos parents étaient de grands travailleurs. et qu'ils vous ont donné cette force de batailler.

  • Maryse Burgot

    Comme sont les agriculteurs, il faut énormément travailler, avoir beaucoup d'abnégation et on sait qu'on gagne très très mal sa vie. C'est un milieu où vous avez énormément de gens qui font des dépressions, c'est un milieu où on s'est beaucoup endetté, surtout dans les années où moi j'étais jeune. C'est un milieu très dur et évidemment, moi j'ai regardé mes parents travailler vraiment. énormément, gagner assez mal leur vie, ne jamais partir en vacances, ne se reposer presque jamais. Et oui, c'est la raison pour laquelle je me suis dit, moi, ça ne va pas m'arriver ça, parce que moi, je vais partir d'ici et je vais me construire une autre vie. Donc, je me suis construite en m'opposant à ce milieu, mais j'ai un infini respect pour eux, pour ce travail qu'ils ont accompli. Et c'est sûr qu'une partie de... La force que j'ai, si tant est que j'en ai, en tout cas je crois que j'en ai un peu, elle me vient de là. Je suis terrienne, j'ai les pieds sur terre, je ne me prends pas pour la huitième merveille du monde, je suis qui je suis, je sais d'où je viens, et je n'ai aucune haute estime de moi-même. Je fais un métier formidable, j'ai un privilège extraordinaire, j'ai réussi à faire ce métier qui était mon rêve. Pour certains, c'est un métier nul. Pour moi, c'est un métier extraordinaire. J'ai cette force en moi qui me vient de l'endroit où je suis née, c'est sûr.

  • Aurore Mayer

    D'ailleurs, vous travaillez beaucoup aussi.

  • Maryse Burgot

    Je travaille beaucoup. Je suis une bosseuse. J'ai plein de défauts, mais je travaille. Et j'aime en plus mon métier. Ce n'est pas non plus une punition que de travailler du tout. Et puis, quand je suis en reportage, Je m'accroche. C'est dur, le reportage. Ce n'est pas évident. On ne trouve pas toujours les histoires qu'on veut trouver. Mais j'aime passionnément ce métier.

  • Aurore Mayer

    Vous êtes de plus en plus de femmes, reporter de garde. Mais malgré tout, vous savez à peu près quel pourcentage vous représentez ?

  • Maryse Burgot

    Non, je crois que c'est un peu un hasard de circonstance pour France Télévisions, par exemple. Il se trouve qu'il y a beaucoup de femmes dans le service pour lequel je travaille qui font ça en ce moment. Il y a aussi des hommes dans mon service qui vont sur les zones de conflit. C'est vrai que peut-être on voit un peu plus les femmes, mais il y a eu des pionnières. Moi, je ne suis pas une pionnière. Il y a eu des femmes avant nous qui ont montré le chemin du reportage. Alors moi, je ne prétends pas être reporter de guerre, par exemple. Il se trouve que je vais sur les zones de conflit. Je ne fais pas que ça. Oui,

  • Aurore Mayer

    vous ne faites pas que ça,

  • Maryse Burgot

    c'est vrai. Je déteste l'idée qu'on me mette l'étiquette reporter de guerre. D'abord, qu'est-ce que c'est un reporter de guerre ? Je suis reporter, tout court. J'aime aller dans les endroits compliqués, difficiles, c'est vrai. Je suis candidate pour aller sur les zones de guerre. J'aime aussi faire autre chose. Là, je viens de faire les élections américaines. Je viens de faire l'inauguration de Notre-Dame de Paris. C'était extraordinaire. J'aime faire tout, en fait. Et l'étiquette reporter de guerre, je la trouve même un peu prétentieuse. Vous voyez, la guerre, ce sont les soldats, les combattants qui font la guerre. Nous, on regarde ce qui se passe.

  • Aurore Mayer

    En prenant des risques malgré tout.

  • Maryse Burgot

    Oui, c'est vrai.

  • Aurore Mayer

    En prenant des risques malgré tout. Est-ce qu'on vous a fait facilement confiance en tant que femme, justement, pour vous donner des missions comme ça, dans des conditions extrêmes ? Est-ce qu'il y a eu un frein, parfois, dans les carrières professionnelles ? On se dit, à tel âge, peut-être les femmes vont avoir des enfants, ça va être compliqué. Est-ce que vous avez senti ça ou pas du tout, jamais ?

  • Maryse Burgot

    Pas vraiment, parce qu'il y a eu des pionnières avant nous qui avaient fait ce travail. En fait, comme on est beaucoup de femmes dans mon service à faire cela, on n'a pas ce problème. Mais moi, par exemple, quand j'ai été nommée correspondante permanente à Washington DC, aux Etats-Unis, c'est un poste où il y a eu très peu de femmes correspondantes permanentes à Washington. Et quand j'ai été nommée, j'ai été nommée par une patronne que j'adorais. Et quand même, dans son bureau, j'ai bien compris que le fait d'être une femme, c'était quand même un sacré challenge pour moi. Je me souviens d'être sortie de son bureau en me disant, mais pourquoi ? Pourquoi elle me dit ça ? Et j'avais le sentiment qu'elle ne l'aurait pas dit à un homme. Or, c'est quelqu'un que je respectais beaucoup et que j'aime toujours beaucoup. Mais je pense qu'elle-même, en nommant une femme, elle se disait, oh là là, elle va s'en sortir la petite. Je succédais à un journaliste qui était un peu une figure de France Télévisions et tout ça. Et donc, j'arrivais là et on m'avait nommée, mais il y avait comme un doute. Donc, il m'est arrivé de vivre ça. Moins maintenant parce que l'expérience, l'âge fait que bon, maintenant on ne me dit plus ce genre de choses. Mais j'étais plus jeune et j'avais bien senti qu'être une femme et succéder à cet homme-là, c'était compliqué.

  • Aurore Mayer

    Oui, ça donnait un challenge.

  • Maryse Burgot

    Oui, alors je l'ai relevé. Dignement relevé.

  • Aurore Mayer

    Et en même temps, ça vous a permis aussi, peut-être, de concilier plus votre vie professionnelle, personnelle ?

  • Maryse Burgot

    Je crois que j'ai fait. J'avais demandé à être... Je couvrais déjà les zones de guerre. Et j'avais deux enfants qui étaient un peu des bébés tous les deux. Et je me suis dit, c'est mon choix. D'autres femmes réussissent parfaitement bien à faire les deux. Moi, je partais énormément. Cinq semaines de suite. Je me souviens que mon fils a fait une otite de dingue, il était malade et moi j'étais au fin fond de l'Irak, je n'arrivais pas à avoir de nouvelles, etc. Je me suis dit, je vais arrêter. Je vais arrêter quelques temps, il se trouve qu'à France Télévisions, on a cette chance extraordinaire d'avoir des correspondants permanents, donc j'ai arrêté pour faire un truc formidable. Je suis arrivée, Obama était au pouvoir aux Etats-Unis, c'était juste un cadeau. C'était génial, en plus c'était une aventure familiale, c'est-à-dire que j'ai pu continuer à faire mon métier tout en embarquant ma famille avec moi. Un vrai privilège encore une fois, et juste une parenthèse qui fait que mes enfants ont un peu grandi, et quand on est revenus, on n'avait plus des bébés sous le bras.

  • Aurore Mayer

    Est-ce que vous avez eu une crainte à un moment donné de ne pas pouvoir revenir sur ce que vous faisiez ? Jamais. Jamais ? Vous n'êtes pas dit, est-ce que c'est plus compliqué avec… Non,

  • Maryse Burgot

    parce que moi je suis en plus… D'abord, je suis rentrée, on m'a demandé d'être chargée du suivi de l'Élysée. C'est-à-dire que je n'ai pas tout de suite... On m'a demandé de faire ça. Je n'étais pas très partante. Et puis, bon, comme tout m'intéresse, je me suis dit, pourquoi pas, je vais faire un peu de politique intérieure. J'ai fait ça pendant trois ans. Au bout d'un moment, j'ai dit, bon, en fait, non, j'aime bien, ça m'intéresse la politique, mais je préférerais retourner à ce que j'aime, qui est le vrai reportage. Même si... On fait du reportage en politique intérieure, mais ce n'est pas pareil. Et je n'ai jamais pensé que ce ne serait pas possible. J'ai toujours pensé, en revanche, que j'allais devoir tout recommencer d'une certaine manière et reprouver, oui, c'est vrai. J'ai eu une petite sasse là où j'ai bien senti qu'on me regardait. Elle est partie longtemps quand même, elle. Oui,

  • Aurore Mayer

    donc il y a quand même ce truc.

  • Maryse Burgot

    Mais c'est normal, c'est normal. J'étais partie, donc j'ai refait un peu mes preuves. Il suffit de se... travailler pour refaire ses preuves, je l'ai fait et finalement au bout de quelques mois j'étais repartie comme au départ.

  • Aurore Mayer

    Mais là aussi faire ses preuves, est-ce que alors c'est peut-être une question mais parce que votre mari vous a suivi mais souvent c'est les femmes plutôt qui suivent les hommes, vous voyez souvent dans le schéma un peu habituel.

  • Maryse Burgot

    Non mais lui c'est vraiment un type génial parce que justement il a dit oui pour me suivre. et ça lui a pas posé de problème, il rigolait d'ailleurs en disant moi je suis monsieur, je suis madame quoi dans le couple et c'était pas vrai parce qu'il a lui-même beaucoup travaillé quand on était à Londres et aux Etats-Unis, il s'est fait son chemin, il est très doué pour s'adapter etc. Donc il s'est adapté à cette situation et oui il a accepté de me suivre et c'était un cadeau qu'il nous a fait à moi et aux enfants de partir avec nous parce que... C'était pas évident, il avait son propre job et ça marchait très bien, donc il a fallu tout refaire. C'est très moderne d'être comme ça.

  • Aurore Mayer

    C'est difficile d'avoir l'équilibre, vous pensez, on parle beaucoup, on met pas mal de pression aux femmes aussi, en se disant qu'il faut être très forte à réussir son travail, mais il faut aussi être exemplaire avec ses enfants, il faut aussi être exemplaire en faisant du sport et du bien-être, etc. Il y a beaucoup d'injonctions comme ça, et si on se dit vraiment les choses, est-ce qu'on peut tout faire ?

  • Maryse Burgot

    Ben non, on ne peut pas tout réussir parce que moi j'en ai raté des choses. Donc non, on ne réussit pas tout, bien loin de là. Et élever des enfants c'est très compliqué, c'est très difficile de le faire bien. Donc je suis bien comme tout le monde, j'ai raté des choses et j'en ai réussi d'autres. Oui, il y a une forme d'injonction, moi je la ressens moins maintenant parce que mes enfants sont grands, 23, 20 ans. Et puis finalement, malgré toutes nos galères, parce qu'on est comme tout le monde, tout n'était pas simple. Ils ont grandi bien droit et ce sont deux garçons vraiment, à mes yeux, extraordinaires et formidables. Et puis je sens moins d'injonction. Oui, moi je fais du sport par exemple, mais ce n'est pas parce qu'il y a une injonction à en faire, c'est parce que ça me permet moins d'être bien. Je suis plus à l'aise qu'avant avec tout ça, mais c'est parce que j'ai l'âge que j'ai. Je crois vraiment qu'il y a un moment où ça s'éclaire un peu et où on se met moins, moi je me mets moins de pression pour tout un tas de choses.

  • Aurore Mayer

    On s'affranchit de pas mal de choses avec l'expérience, avec... Ouais, c'est vrai, c'est vrai. Vous montrez à travers votre parcours et à travers votre livre que d'où que l'on vienne, quand on a un objectif ou quelque chose, tout est possible en fait. Qu'est-ce que vous voulez dire par exemple à des personnes qui nous entendraient, qui peut-être se mettent des freins, à des femmes aussi, parce qu'a priori les femmes se mettent plus de freins.

  • Maryse Burgot

    Je ne dis pas que tout est possible, c'est dur, c'est plus dur. Pour certaines personnes qui, par exemple, c'est évident que si on est dans une banlieue française très défavorisée, et qu'on suit ses études dans un collège et dans un lycée tout pourri, c'est quand même plus difficile que si vous êtes née dans le 6e arrondissement de Paris. C'est incontestable. Donc c'est plus dur. Moi, je suis née dans un milieu agricole, par intellectuel, c'était plus dur pour moi, c'est sûr. Je n'avais pas les codes et je n'avais pas la culture. Et la culture est même le... Et ça me poursuivra toujours. Moi, j'ai toujours le sentiment que je ne sais rien, que je ne sais pas assez, que je ne suis pas assez cultivée. Et je vois autour de moi des gens qui ne sont pas plus cultivés que moi, mais qui ont tellement plus d'assurance. Alors, et ça vient du milieu d'où je viens. Tout ça pour dire que c'est sûr que c'est plus difficile, mais c'est possible. C'est possible. C'est plus dur. Mais si on a cette chance, et moi, j'avais cette chance. d'avoir un... et c'est ça la difficulté, c'est d'avoir un rêve, d'avoir une envie, d'avoir un truc qui vous pousse à aller un peu plus loin. Et ça, tout le monde ne l'a pas, tous les jeunes ne l'ont pas. Et c'est là où est la difficulté, c'est que dans le 6e arrondissement, vous allez peut-être l'avoir plus facilement que si vous vivez dans un tout petit bled paumé du fin fond de je ne sais quel département français. Mais si vous avez une petite lumière en vous, il faut la suivre. Et même si on vous dit Non, mais toi, tu ne pourras pas faire ça, il faut quand même essayer. Et ne pas s'arrêter au premier qui vous dit Moi, on m'a dit, ta voix, ce n'est pas possible. J'ai dit Ok, tu vas voir si ma voix, ce n'est pas possible. Bon, je ne dis pas que c'est facile. Je dis qu'il faut s'accrocher à son soupçon de rêve quand on en a un, à ses envies quand on en a une, à son talent, parce qu'on a forcément quelque chose en soi qui ressemble à du talent. qui n'est pas forcément académique, mais... Dans chaque personne, il y a quelque chose qui est du talent. Il faut chercher ça en soi. Ce n'est pas facile, c'est plus difficile quand on vient d'un milieu défavorisé, mais c'est possible. Et si mon livre peut permettre à deux, trois jeunes de se dire En fait, c'est possible, j'aurais gagné quelque chose.

  • Aurore Mayer

    Est-ce qu'il y a un moment quand même que vous avez trouvé dur ? Quelque chose ou alors où vous avez douté ? Dans un endroit où vous êtes allée, où vraiment vous avez hésité à y aller. Est-ce que c'est arrivé ou jamais ?

  • Maryse Burgot

    Non. Vous voulez dire en zone difficile ?

  • Aurore Mayer

    Oui, dans votre... Vous ne me posez pas de questions.

  • Maryse Burgot

    Bon, il y a l'épisode de Jolo où j'ai été otage, qui là est un problème, effectivement, parce que là, il m'arrive un coup dur. Là, c'est incontestable, etc. Et donc là, j'aurais préféré que ceci n'arrive pas. Mais à part cela, non. Parce qu'après, je n'ai pas eu de grosses galères. Il y a des moments, c'est difficile, vous essuyez des tirs, des obus de mortier, vous en sortez, vous êtes vivante. Mais non, je n'ai aucun regret. Et je n'ai jamais envie de ne pas y aller. C'est-à-dire là, sur la Syrie, je n'ai pas pu y aller parce que j'avais pris d'autres engagements. J'aurais aimé y aller, vous voyez. Bon, de toute façon, ce n'est pas très dangereux, la Syrie, finalement, parce que ça se passe plutôt de manière pacifiée, la transition de pouvoir. Mais non, je ne me dis jamais que je n'aurais pas dû y aller, jamais.

  • Aurore Mayer

    Et vous avez été dans des pays où, sur les conditions des femmes et les droits des femmes, c'est très compliqué. Et il y a de plus en plus de pays, d'ailleurs, où on sent que vraiment, c'est compliqué pour les femmes. Quel est votre regard ? C'est peut-être difficile comme question, mais comment est-ce que vous, quand vous y allez, que vous repartez ?

  • Maryse Burgot

    Évidemment, quand vous allez en Afghanistan, moi je suis arrivée en Afghanistan, les talibans venaient de reprendre le pouvoir, et les talibans prétendaient qu'ils allaient s'amender, que ça allait bien se passer pour les femmes, etc. On a tout de suite vu, assez rapidement vu, que ça ne se passerait pas bien. Alors moi, je ne me plains pas du traitement auquel j'ai eu droit. en Afghanistan parce que je sais bien moi que je suis quantité négligeable pour eux. Je me souviens très bien un jour, on a fait une séquence avec des talibans qui descendaient des vanupiés qui descendaient d'une montagne et je me suis dit ah oui, si c'est ça, eux qui vont diriger l'Afghanistan, on est mal partis et j'avais tellement raison. Donc on fait une séquence avec eux, puis à la fin ils veulent faire une photo et ils me poussent littéralement parce que je ne peux pas être sur la photo parce que je ne suis jamais qu'une femme. Moi, ça. Je m'en fiche complètement parce que moi je rentre chez moi dans un pays, et je ne m'en plains pas, c'est moi qui choisis d'aller en Afghanistan, je ne vais pas chouiner parce que le mec ne veut pas que je sois sur la photo, mais je me dis, waouh, les femmes qui vont vivre dans ce pays, et donc oui j'ai de la colère, j'ai de la colère contre cet obscurantisme-là qui fait des femmes des moins que rien, oui j'ai de la colère. Mais ce n'est pas pour moi, parce que moi, j'ai cette chance de vivre ici, dans un pays en paix, qui respecte les femmes, en tout cas qui progresse de ce point de vue, alors que dans ces pays, on régresse.

  • Aurore Mayer

    Oui, bien sûr. Vous pensez ou dites qu'ils progressent, donc ça veut dire qu'on peut encore progresser, même en France ? Il y a un risque de recul sur la parité, sur l'égalité professionnelle ? Vous sentez que les autres ne progressent pas ?

  • Maryse Burgot

    Non,

  • Aurore Mayer

    je crois que les autres ne progressent pas.

  • Maryse Burgot

    Vous pensez qu'on progresse ? Non, on ne pensait pas. Si,

  • Aurore Mayer

    j'espère, oui, bien sûr. Non,

  • Maryse Burgot

    on progresse.

  • Aurore Mayer

    Mais ça reste fragile. Vous qui avez été dans des zones aussi où les droits des femmes n'étaient pas aussi reculés, quand on parle même de l'Iran. Dans les années 60, les femmes étaient...

  • Maryse Burgot

    Moi, je trouve qu'on progresse. Dans nos professions, on progresse, mais par exemple, sur les salaires, on n'y est pas, quand même. La plupart du temps, les hommes qui travaillent à côté de moi, qui font exactement le même travail que moi, gagnent plus d'argent que moi. Encore aujourd'hui ? Mais bien sûr. Quand je suis arrivée en poste aux États-Unis, le... la personne que j'allais remplacer gagnait beaucoup plus d'argent que moi et la personne qui est arrivé après moi gagnait déjà aussi beaucoup plus d'argent or il était moins capé que moi donc je dis mais il ya un problème là quand même ils ont été obligés de ils ont été obligés parce que j'ai dit non mais parce que vous le savez il est sûr je les suis pas ça que j'ai aussi parce que le patron a eu l'honnêteté de me le dire parce que ça les ennuyer quand même c'est à faire mais donc donc ni je pense qu'au niveau salaire on n'y est pas on n'y est pas du tout Je pense que pour les responsabilités qu'on nous confie, on commence quand même à beaucoup progresser. Mais nous, nous nous mettons des freins, nous-mêmes. Parce que moi par exemple, j'ai voulu faire une pause. Quand mes enfants étaient bébés, j'ai choisi d'arrêter d'aller sur les terrains les plus difficiles. Ça m'a permis de faire une parenthèse qui était extraordinaire encore une fois. Mais enfin j'ai un peu arrêté, donc mon salaire a moins progressé. Et j'ai fait ce choix moi parce que je pensais que c'était nécessaire. Mais alors peut-être que les hommes, je le vois d'ailleurs dans mon service, où on a des jeunes hommes journalistes, je trouve que ça, ça change aussi. Et que eux aussi, ils veulent s'arrêter, veulent faire une part. Et que eux aussi, ils suivent leur femme. C'est plus fréquent. Cette génération est en train de bâtir quelque chose de différent, je trouve.

  • Aurore Mayer

    permettra plus légalité justement c'est effectivement si les hommes prennent des pauses tout le monde a droit de prendre une pause sans pour autant être lésé dans son parcours est ce que vous avez des rôles ou un rôle modèle ou des gens qui vous inspire vous maurice burgo ma

  • Maryse Burgot

    mère ouais ma mère c'est mon modèle parce que c'est une quelqu'un qui a beaucoup travaillé et qui n'a jamais été envieuse et elle ne sait pas ce que c'est que la jalousie elle Elle ne sait pas ce que c'est que de dire du mal des autres. Et pourtant, elle aurait pu, vraiment. Elle aurait pu parce que c'est dur la vie qu'ils ont eue. Je parle au passé parce que maintenant, ils sont à la retraite et que donc, bien que leur retraite soit très minimale, c'est passé toutes ces galères de travail. Mais oui, mon modèle, c'est ma mère. Moi, je ne vais pas vous sortir. C'est cette façon qu'elle a eue de travailler toute sa vie. Je n'ai pas envie de dire que tel modèle, c'est tel journaliste ou je ne sais pas quoi.

  • Aurore Mayer

    L'éducation, c'est important, le modèle qu'on a, ce qu'on renvoie.

  • Maryse Burgot

    Oui, et en même temps, je ne vais pas non plus… Ce n'est pas glamour l'éducation que j'ai reçue. Je n'ai pas reçu… On ne m'a pas dit, moi, toute ma vie… On m'a laissée un peu… Mes parents n'avaient pas le temps de s'occuper de nous. Ils travaillaient énormément. On était seules. avec mes quatre sœurs très souvent. Donc, vous voyez, ce n'est pas du tout… Ils n'ont pas été là, mes parents, à nous dire qu'il faut bien travailler le soir à l'école. Ils n'avaient pas le temps pour tout ça. On s'est construit nous-mêmes d'une certaine manière. Donc, je ne dis pas du tout que c'est un modèle. En tout cas, je vois le résultat. Je vois le résultat, c'est que je suis devenue quelqu'un d'assez fort. Donc, je ne sais pas s'il y a des modèles d'éducation. Moi, je fais ce que je peux avec mes enfants. parfaitement tout bien réussi bien loin de là Voyez je suis pas sûr qu'il ya des modèles si vous êtes trop sur vos enfants vous allez les si c'est pas une bonne idée non plus et moi j'ai quand même été laissé assez libre enfin c'est pas assez très libre sorti quand je voulais quand j'avais 14 ans 15 ans je suis pas devenu grande délinquante vous voyez c'est bon je vais à la campagne donc c'est un peu différent

  • Aurore Mayer

    Si vous voulez nous dire un mot sur le journalisme, parce qu'on voit notamment de plus en plus que presque la parole sur les réseaux sociaux a autant d'importance que les médias ou que des journalistes. Qu'est-ce que vous avez envie de nous dire sur ce métier, sur ce qu'est le journalisme, ce que ça représente ?

  • Maryse Burgot

    Oui, il faut qu'on se batte pour expliquer aux gens ce qu'est notre métier. Nous, qui sommes journalistes titulaires d'une carte de presse, ce n'est pas juste un bout de papier. Moi, je représente, j'espère en tout cas représenter, cette profession dont la mission est d'aller quelque part, de rapporter des faits avec le plus d'acuité possible, sans en rajouter. en essayant d'être le plus neutre possible. Mon travail à moi, ce n'est pas de donner mon avis, mon avis n'a aucune importance. En revanche, expliquer ce qui se passe, donner des faits, faire un reportage et laisser aux gens la possibilité de se forger leur opinion et de, eux, donner leur avis après, c'est ça notre métier. Moi, j'aime ce métier qui consiste à s'accrocher aux faits et à raconter ce qui se passe dans les endroits, que ce soit des endroits en guerre ou pas d'ailleurs. Et aider les gens à se forger leur propre opinion, basée sur des faits réels, que j'ai vus moi-même. Je ne raconte pas des choses que je n'ai pas vues. Et ça, c'est précieux, il faut le chérir. C'est l'âme du métier, c'est la beauté du métier, c'est ce qui fait que nos démocraties peuvent rester des démocraties. Et ce ne sont pas des vingt mots et des grands mots.

  • Aurore Mayer

    Et avec tout ce qu'on voit sur Internet des... des mauvaises informations, des fausses informations qui circulent. Comment, selon vous, faire en sorte, je ne sais pas, de faire la part des choses ? Comment vous pourriez dire aux jeunes qui, parfois, n'arrivent plus à faire la part des choses ?

  • Maryse Burgot

    Oui.

  • Aurore Mayer

    Pas que les jeunes, d'ailleurs, peut-être.

  • Maryse Burgot

    Tout le monde.

  • Aurore Mayer

    Tout le monde.

  • Maryse Burgot

    C'est regarder les sources des réseaux sociaux qu'on regarde, quoi. C'est-à-dire... Moi, par exemple, maintenant, je mets mes reportages sur les réseaux sociaux. Je ne le faisais pas avant. Je vais sur Insta, je vais sur ces réseaux sur lesquels je n'allais pas auparavant. Je poste mes sujets parce que j'ai envie que les jeunes les regardent, parce que les jeunes ne regardent pas beaucoup le journal de 20h de France 2. Notre public est vieillissant, malheureusement, et c'est normal, puisque les habitudes des Français changent. Plus personne, ou quasiment... en tout cas chez les jeunes, ne se met à 20h devant le journal télévisé. Donc si on veut aller chercher les jeunes, il faut qu'on aille les chercher autrement.

  • Aurore Mayer

    Merci beaucoup, Maryse Burgot. Et je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle émission d'Appareil Galle. Merci, Maryse. Un grand merci, vraiment.

  • Maryse Burgot

    Avec plaisir. Merci.

Description

Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot, journaliste française, grand reporter et autrice du livre « Loin de chez moi » paru aux éditions Fayard.


Dans cet épisode de l’émission podcast, « A Part Egale », Maryse Burgot aborde la question de la parité et partage ses réflexions sur sa place en tant que femme dans le monde du journalisme, elle nous offre une perspective unique sur son travail sur le terrain, sur les droits des femmes dans le monde, ses choix de carrière, et les défis qu'elle a relevés.


Par son témoignage, elle brise les stéréotypes de genre et prouve qu’il est possible de réussir peu importe d'où l'on vienne.


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurore Mayer

    Bienvenue dans l'émission À part égale, l'émission du réseau parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai le grand honneur de recevoir parmi nous Maryse Burgot. Bonjour. Bonjour Maryse. Je suis vraiment ravie de vous avoir, très honnêtement. Vous êtes un grand reporter. Vous êtes allée sur tous les conflits les plus dangereux, dans des conditions vraiment très hostiles. Vous avez même été otage. Je ne sais pas si vous voulez en parler. Je sais que vous en parlez dans le livre, que vous avez très longtemps ne pas souhaité en parler. Donc je ne sais pas si on en reparlera, mais aux Philippines. Et vous avez été correspondante, vous êtes aujourd'hui en Ukraine. Et puis sur tous les conflits, notamment dans des conditions aussi pour les femmes très compliquées. Vous êtes vraiment quelqu'un qui représente ce courage, et en tant que femme, dans des milieux plutôt hostiles aux femmes aussi. Et vous sortez aujourd'hui un livre qui s'appelle Loin de chez moi où l'on apprend que vous êtes une fille de paysan. Donc j'ai envie de vous dire, avec un petit clin d'œil, vous passez donc des champs aux champs de bataille. Est-ce que c'est important pour vous ? Les racines de l'on vient

  • Maryse Burgot

    Oui, c'est pour ça que j'ai souhaité qu'il y ait ce titre pour mon livre. Je viens d'un milieu rural, très agricole, ultra populaire, pas très intellectuel, je n'étais pas entourée de livres. Or, j'ai quand même réussi à faire ce qui est à mes yeux le plus beau métier du monde. Donc j'avais envie de donner ce message-là qui est Si vous avez des rêves, même si vous avez le sentiment de ne pas être tout à fait née au bon endroit, ou de n'avoir pas tous les codes, etc., quand même, essayez de suivre votre rêve et parfois ça peut fonctionner. Voilà, c'est un peu un message d'espoir.

  • Aurore Mayer

    Quand vous avez démarré d'ailleurs dans le journalisme, on vous a, il semblerait, reproché d'avoir une petite voix, ou pas la voix qu'il fallait, et aujourd'hui c'est ce qui, entre autres, vous différencie, fait votre force. Vous répondez à ça, à ces gens qui vous disaient ça à l'époque ?

  • Maryse Burgot

    Oui, bon, alors à l'école de journalisme, on m'a dit, bon, toi, la télé, ce n'est pas possible, ni la radio avec ta voix, qui n'était donc pas assez grave, pas assez assurée, etc. Et je me suis dit, ah oui, c'est vraiment ça, que je vais arrêter comme ça. Donc, au contraire, je fais tout le contraire, je me suis inscrite dans le groupe télé juste parce qu'on m'avait dit que ma voix était nulle. Et en fait, et par esprit de contradiction, et aussi parce que le groupe télé était un groupe vachement sympa à l'école de journalisme, donc je préférais être avec eux. Et au final, cette voix, elle est entrée dans le paysage télévisuel d'une certaine manière. Je ne dis pas que c'est ma force, parce qu'il y a des gens qui ne la supportent pas toujours, mais finalement, c'est un peu un atout, oui, d'une certaine manière, parce qu'elle n'est pas tout à fait comme les autres.

  • Aurore Mayer

    Exactement. Du coup, j'ai envie de vous dire, c'est important pour vous, vous pensez à la singularité justement ? Parce qu'il faut dire à des gens qui se disent je ne suis pas dans le moule Au contraire,

  • Maryse Burgot

    il faut la cultiver même, il faut en être fier. Si on a des choses singulières, ça peut être un handicap au départ, mais finalement si on cultive ça et si on en fait une force, ça devient quelque chose qui vous différencie par rapport aux autres. Moi, je n'ai pas cette prétention. Pour ma voix, ce serait très prétentieux de dire ça, mais en tout cas, ce qui semblait être au départ un handicap, un défaut, etc., est devenu d'une certaine manière un atout, c'est incontestable.

  • Aurore Mayer

    Je trouve assez fou parce que votre voix n'est pas… Je ne sais pas pourquoi on vous a dit ça, mais en tout cas… Est-ce que vous pensez qu'on fait plus ce genre de remarques à des femmes ?

  • Maryse Burgot

    C'est intéressant votre question. C'est possible ça. C'est possible qu'on l'ait plus dit à l'école de journalisme et qu'on le dise plus à des femmes, je pense. Oui. Et puis bon, moi je fais 1m60, il y a une façon d'en imposer peut-être, que je n'en imposais pas quand j'étais plus jeune. J'ai appris ça aussi, à en imposer quand même et à poser ma voix et à dire non mais écoutez-moi et regardez qui je suis. Mais c'est vrai que je pense que ce procès-là, on le fait quand même plus aux femmes qu'aux hommes. Ça, c'est sûr. Et je ne me souviens pas, par exemple, à l'école de journalisme, qu'on ait dit à des garçons de l'école, Non mais toi, ta voix, ça ne va pas. C'est beaucoup un truc de fille, quand même. Vous avez raison.

  • Aurore Mayer

    Vous avez dit que vos parents étaient de grands travailleurs. et qu'ils vous ont donné cette force de batailler.

  • Maryse Burgot

    Comme sont les agriculteurs, il faut énormément travailler, avoir beaucoup d'abnégation et on sait qu'on gagne très très mal sa vie. C'est un milieu où vous avez énormément de gens qui font des dépressions, c'est un milieu où on s'est beaucoup endetté, surtout dans les années où moi j'étais jeune. C'est un milieu très dur et évidemment, moi j'ai regardé mes parents travailler vraiment. énormément, gagner assez mal leur vie, ne jamais partir en vacances, ne se reposer presque jamais. Et oui, c'est la raison pour laquelle je me suis dit, moi, ça ne va pas m'arriver ça, parce que moi, je vais partir d'ici et je vais me construire une autre vie. Donc, je me suis construite en m'opposant à ce milieu, mais j'ai un infini respect pour eux, pour ce travail qu'ils ont accompli. Et c'est sûr qu'une partie de... La force que j'ai, si tant est que j'en ai, en tout cas je crois que j'en ai un peu, elle me vient de là. Je suis terrienne, j'ai les pieds sur terre, je ne me prends pas pour la huitième merveille du monde, je suis qui je suis, je sais d'où je viens, et je n'ai aucune haute estime de moi-même. Je fais un métier formidable, j'ai un privilège extraordinaire, j'ai réussi à faire ce métier qui était mon rêve. Pour certains, c'est un métier nul. Pour moi, c'est un métier extraordinaire. J'ai cette force en moi qui me vient de l'endroit où je suis née, c'est sûr.

  • Aurore Mayer

    D'ailleurs, vous travaillez beaucoup aussi.

  • Maryse Burgot

    Je travaille beaucoup. Je suis une bosseuse. J'ai plein de défauts, mais je travaille. Et j'aime en plus mon métier. Ce n'est pas non plus une punition que de travailler du tout. Et puis, quand je suis en reportage, Je m'accroche. C'est dur, le reportage. Ce n'est pas évident. On ne trouve pas toujours les histoires qu'on veut trouver. Mais j'aime passionnément ce métier.

  • Aurore Mayer

    Vous êtes de plus en plus de femmes, reporter de garde. Mais malgré tout, vous savez à peu près quel pourcentage vous représentez ?

  • Maryse Burgot

    Non, je crois que c'est un peu un hasard de circonstance pour France Télévisions, par exemple. Il se trouve qu'il y a beaucoup de femmes dans le service pour lequel je travaille qui font ça en ce moment. Il y a aussi des hommes dans mon service qui vont sur les zones de conflit. C'est vrai que peut-être on voit un peu plus les femmes, mais il y a eu des pionnières. Moi, je ne suis pas une pionnière. Il y a eu des femmes avant nous qui ont montré le chemin du reportage. Alors moi, je ne prétends pas être reporter de guerre, par exemple. Il se trouve que je vais sur les zones de conflit. Je ne fais pas que ça. Oui,

  • Aurore Mayer

    vous ne faites pas que ça,

  • Maryse Burgot

    c'est vrai. Je déteste l'idée qu'on me mette l'étiquette reporter de guerre. D'abord, qu'est-ce que c'est un reporter de guerre ? Je suis reporter, tout court. J'aime aller dans les endroits compliqués, difficiles, c'est vrai. Je suis candidate pour aller sur les zones de guerre. J'aime aussi faire autre chose. Là, je viens de faire les élections américaines. Je viens de faire l'inauguration de Notre-Dame de Paris. C'était extraordinaire. J'aime faire tout, en fait. Et l'étiquette reporter de guerre, je la trouve même un peu prétentieuse. Vous voyez, la guerre, ce sont les soldats, les combattants qui font la guerre. Nous, on regarde ce qui se passe.

  • Aurore Mayer

    En prenant des risques malgré tout.

  • Maryse Burgot

    Oui, c'est vrai.

  • Aurore Mayer

    En prenant des risques malgré tout. Est-ce qu'on vous a fait facilement confiance en tant que femme, justement, pour vous donner des missions comme ça, dans des conditions extrêmes ? Est-ce qu'il y a eu un frein, parfois, dans les carrières professionnelles ? On se dit, à tel âge, peut-être les femmes vont avoir des enfants, ça va être compliqué. Est-ce que vous avez senti ça ou pas du tout, jamais ?

  • Maryse Burgot

    Pas vraiment, parce qu'il y a eu des pionnières avant nous qui avaient fait ce travail. En fait, comme on est beaucoup de femmes dans mon service à faire cela, on n'a pas ce problème. Mais moi, par exemple, quand j'ai été nommée correspondante permanente à Washington DC, aux Etats-Unis, c'est un poste où il y a eu très peu de femmes correspondantes permanentes à Washington. Et quand j'ai été nommée, j'ai été nommée par une patronne que j'adorais. Et quand même, dans son bureau, j'ai bien compris que le fait d'être une femme, c'était quand même un sacré challenge pour moi. Je me souviens d'être sortie de son bureau en me disant, mais pourquoi ? Pourquoi elle me dit ça ? Et j'avais le sentiment qu'elle ne l'aurait pas dit à un homme. Or, c'est quelqu'un que je respectais beaucoup et que j'aime toujours beaucoup. Mais je pense qu'elle-même, en nommant une femme, elle se disait, oh là là, elle va s'en sortir la petite. Je succédais à un journaliste qui était un peu une figure de France Télévisions et tout ça. Et donc, j'arrivais là et on m'avait nommée, mais il y avait comme un doute. Donc, il m'est arrivé de vivre ça. Moins maintenant parce que l'expérience, l'âge fait que bon, maintenant on ne me dit plus ce genre de choses. Mais j'étais plus jeune et j'avais bien senti qu'être une femme et succéder à cet homme-là, c'était compliqué.

  • Aurore Mayer

    Oui, ça donnait un challenge.

  • Maryse Burgot

    Oui, alors je l'ai relevé. Dignement relevé.

  • Aurore Mayer

    Et en même temps, ça vous a permis aussi, peut-être, de concilier plus votre vie professionnelle, personnelle ?

  • Maryse Burgot

    Je crois que j'ai fait. J'avais demandé à être... Je couvrais déjà les zones de guerre. Et j'avais deux enfants qui étaient un peu des bébés tous les deux. Et je me suis dit, c'est mon choix. D'autres femmes réussissent parfaitement bien à faire les deux. Moi, je partais énormément. Cinq semaines de suite. Je me souviens que mon fils a fait une otite de dingue, il était malade et moi j'étais au fin fond de l'Irak, je n'arrivais pas à avoir de nouvelles, etc. Je me suis dit, je vais arrêter. Je vais arrêter quelques temps, il se trouve qu'à France Télévisions, on a cette chance extraordinaire d'avoir des correspondants permanents, donc j'ai arrêté pour faire un truc formidable. Je suis arrivée, Obama était au pouvoir aux Etats-Unis, c'était juste un cadeau. C'était génial, en plus c'était une aventure familiale, c'est-à-dire que j'ai pu continuer à faire mon métier tout en embarquant ma famille avec moi. Un vrai privilège encore une fois, et juste une parenthèse qui fait que mes enfants ont un peu grandi, et quand on est revenus, on n'avait plus des bébés sous le bras.

  • Aurore Mayer

    Est-ce que vous avez eu une crainte à un moment donné de ne pas pouvoir revenir sur ce que vous faisiez ? Jamais. Jamais ? Vous n'êtes pas dit, est-ce que c'est plus compliqué avec… Non,

  • Maryse Burgot

    parce que moi je suis en plus… D'abord, je suis rentrée, on m'a demandé d'être chargée du suivi de l'Élysée. C'est-à-dire que je n'ai pas tout de suite... On m'a demandé de faire ça. Je n'étais pas très partante. Et puis, bon, comme tout m'intéresse, je me suis dit, pourquoi pas, je vais faire un peu de politique intérieure. J'ai fait ça pendant trois ans. Au bout d'un moment, j'ai dit, bon, en fait, non, j'aime bien, ça m'intéresse la politique, mais je préférerais retourner à ce que j'aime, qui est le vrai reportage. Même si... On fait du reportage en politique intérieure, mais ce n'est pas pareil. Et je n'ai jamais pensé que ce ne serait pas possible. J'ai toujours pensé, en revanche, que j'allais devoir tout recommencer d'une certaine manière et reprouver, oui, c'est vrai. J'ai eu une petite sasse là où j'ai bien senti qu'on me regardait. Elle est partie longtemps quand même, elle. Oui,

  • Aurore Mayer

    donc il y a quand même ce truc.

  • Maryse Burgot

    Mais c'est normal, c'est normal. J'étais partie, donc j'ai refait un peu mes preuves. Il suffit de se... travailler pour refaire ses preuves, je l'ai fait et finalement au bout de quelques mois j'étais repartie comme au départ.

  • Aurore Mayer

    Mais là aussi faire ses preuves, est-ce que alors c'est peut-être une question mais parce que votre mari vous a suivi mais souvent c'est les femmes plutôt qui suivent les hommes, vous voyez souvent dans le schéma un peu habituel.

  • Maryse Burgot

    Non mais lui c'est vraiment un type génial parce que justement il a dit oui pour me suivre. et ça lui a pas posé de problème, il rigolait d'ailleurs en disant moi je suis monsieur, je suis madame quoi dans le couple et c'était pas vrai parce qu'il a lui-même beaucoup travaillé quand on était à Londres et aux Etats-Unis, il s'est fait son chemin, il est très doué pour s'adapter etc. Donc il s'est adapté à cette situation et oui il a accepté de me suivre et c'était un cadeau qu'il nous a fait à moi et aux enfants de partir avec nous parce que... C'était pas évident, il avait son propre job et ça marchait très bien, donc il a fallu tout refaire. C'est très moderne d'être comme ça.

  • Aurore Mayer

    C'est difficile d'avoir l'équilibre, vous pensez, on parle beaucoup, on met pas mal de pression aux femmes aussi, en se disant qu'il faut être très forte à réussir son travail, mais il faut aussi être exemplaire avec ses enfants, il faut aussi être exemplaire en faisant du sport et du bien-être, etc. Il y a beaucoup d'injonctions comme ça, et si on se dit vraiment les choses, est-ce qu'on peut tout faire ?

  • Maryse Burgot

    Ben non, on ne peut pas tout réussir parce que moi j'en ai raté des choses. Donc non, on ne réussit pas tout, bien loin de là. Et élever des enfants c'est très compliqué, c'est très difficile de le faire bien. Donc je suis bien comme tout le monde, j'ai raté des choses et j'en ai réussi d'autres. Oui, il y a une forme d'injonction, moi je la ressens moins maintenant parce que mes enfants sont grands, 23, 20 ans. Et puis finalement, malgré toutes nos galères, parce qu'on est comme tout le monde, tout n'était pas simple. Ils ont grandi bien droit et ce sont deux garçons vraiment, à mes yeux, extraordinaires et formidables. Et puis je sens moins d'injonction. Oui, moi je fais du sport par exemple, mais ce n'est pas parce qu'il y a une injonction à en faire, c'est parce que ça me permet moins d'être bien. Je suis plus à l'aise qu'avant avec tout ça, mais c'est parce que j'ai l'âge que j'ai. Je crois vraiment qu'il y a un moment où ça s'éclaire un peu et où on se met moins, moi je me mets moins de pression pour tout un tas de choses.

  • Aurore Mayer

    On s'affranchit de pas mal de choses avec l'expérience, avec... Ouais, c'est vrai, c'est vrai. Vous montrez à travers votre parcours et à travers votre livre que d'où que l'on vienne, quand on a un objectif ou quelque chose, tout est possible en fait. Qu'est-ce que vous voulez dire par exemple à des personnes qui nous entendraient, qui peut-être se mettent des freins, à des femmes aussi, parce qu'a priori les femmes se mettent plus de freins.

  • Maryse Burgot

    Je ne dis pas que tout est possible, c'est dur, c'est plus dur. Pour certaines personnes qui, par exemple, c'est évident que si on est dans une banlieue française très défavorisée, et qu'on suit ses études dans un collège et dans un lycée tout pourri, c'est quand même plus difficile que si vous êtes née dans le 6e arrondissement de Paris. C'est incontestable. Donc c'est plus dur. Moi, je suis née dans un milieu agricole, par intellectuel, c'était plus dur pour moi, c'est sûr. Je n'avais pas les codes et je n'avais pas la culture. Et la culture est même le... Et ça me poursuivra toujours. Moi, j'ai toujours le sentiment que je ne sais rien, que je ne sais pas assez, que je ne suis pas assez cultivée. Et je vois autour de moi des gens qui ne sont pas plus cultivés que moi, mais qui ont tellement plus d'assurance. Alors, et ça vient du milieu d'où je viens. Tout ça pour dire que c'est sûr que c'est plus difficile, mais c'est possible. C'est possible. C'est plus dur. Mais si on a cette chance, et moi, j'avais cette chance. d'avoir un... et c'est ça la difficulté, c'est d'avoir un rêve, d'avoir une envie, d'avoir un truc qui vous pousse à aller un peu plus loin. Et ça, tout le monde ne l'a pas, tous les jeunes ne l'ont pas. Et c'est là où est la difficulté, c'est que dans le 6e arrondissement, vous allez peut-être l'avoir plus facilement que si vous vivez dans un tout petit bled paumé du fin fond de je ne sais quel département français. Mais si vous avez une petite lumière en vous, il faut la suivre. Et même si on vous dit Non, mais toi, tu ne pourras pas faire ça, il faut quand même essayer. Et ne pas s'arrêter au premier qui vous dit Moi, on m'a dit, ta voix, ce n'est pas possible. J'ai dit Ok, tu vas voir si ma voix, ce n'est pas possible. Bon, je ne dis pas que c'est facile. Je dis qu'il faut s'accrocher à son soupçon de rêve quand on en a un, à ses envies quand on en a une, à son talent, parce qu'on a forcément quelque chose en soi qui ressemble à du talent. qui n'est pas forcément académique, mais... Dans chaque personne, il y a quelque chose qui est du talent. Il faut chercher ça en soi. Ce n'est pas facile, c'est plus difficile quand on vient d'un milieu défavorisé, mais c'est possible. Et si mon livre peut permettre à deux, trois jeunes de se dire En fait, c'est possible, j'aurais gagné quelque chose.

  • Aurore Mayer

    Est-ce qu'il y a un moment quand même que vous avez trouvé dur ? Quelque chose ou alors où vous avez douté ? Dans un endroit où vous êtes allée, où vraiment vous avez hésité à y aller. Est-ce que c'est arrivé ou jamais ?

  • Maryse Burgot

    Non. Vous voulez dire en zone difficile ?

  • Aurore Mayer

    Oui, dans votre... Vous ne me posez pas de questions.

  • Maryse Burgot

    Bon, il y a l'épisode de Jolo où j'ai été otage, qui là est un problème, effectivement, parce que là, il m'arrive un coup dur. Là, c'est incontestable, etc. Et donc là, j'aurais préféré que ceci n'arrive pas. Mais à part cela, non. Parce qu'après, je n'ai pas eu de grosses galères. Il y a des moments, c'est difficile, vous essuyez des tirs, des obus de mortier, vous en sortez, vous êtes vivante. Mais non, je n'ai aucun regret. Et je n'ai jamais envie de ne pas y aller. C'est-à-dire là, sur la Syrie, je n'ai pas pu y aller parce que j'avais pris d'autres engagements. J'aurais aimé y aller, vous voyez. Bon, de toute façon, ce n'est pas très dangereux, la Syrie, finalement, parce que ça se passe plutôt de manière pacifiée, la transition de pouvoir. Mais non, je ne me dis jamais que je n'aurais pas dû y aller, jamais.

  • Aurore Mayer

    Et vous avez été dans des pays où, sur les conditions des femmes et les droits des femmes, c'est très compliqué. Et il y a de plus en plus de pays, d'ailleurs, où on sent que vraiment, c'est compliqué pour les femmes. Quel est votre regard ? C'est peut-être difficile comme question, mais comment est-ce que vous, quand vous y allez, que vous repartez ?

  • Maryse Burgot

    Évidemment, quand vous allez en Afghanistan, moi je suis arrivée en Afghanistan, les talibans venaient de reprendre le pouvoir, et les talibans prétendaient qu'ils allaient s'amender, que ça allait bien se passer pour les femmes, etc. On a tout de suite vu, assez rapidement vu, que ça ne se passerait pas bien. Alors moi, je ne me plains pas du traitement auquel j'ai eu droit. en Afghanistan parce que je sais bien moi que je suis quantité négligeable pour eux. Je me souviens très bien un jour, on a fait une séquence avec des talibans qui descendaient des vanupiés qui descendaient d'une montagne et je me suis dit ah oui, si c'est ça, eux qui vont diriger l'Afghanistan, on est mal partis et j'avais tellement raison. Donc on fait une séquence avec eux, puis à la fin ils veulent faire une photo et ils me poussent littéralement parce que je ne peux pas être sur la photo parce que je ne suis jamais qu'une femme. Moi, ça. Je m'en fiche complètement parce que moi je rentre chez moi dans un pays, et je ne m'en plains pas, c'est moi qui choisis d'aller en Afghanistan, je ne vais pas chouiner parce que le mec ne veut pas que je sois sur la photo, mais je me dis, waouh, les femmes qui vont vivre dans ce pays, et donc oui j'ai de la colère, j'ai de la colère contre cet obscurantisme-là qui fait des femmes des moins que rien, oui j'ai de la colère. Mais ce n'est pas pour moi, parce que moi, j'ai cette chance de vivre ici, dans un pays en paix, qui respecte les femmes, en tout cas qui progresse de ce point de vue, alors que dans ces pays, on régresse.

  • Aurore Mayer

    Oui, bien sûr. Vous pensez ou dites qu'ils progressent, donc ça veut dire qu'on peut encore progresser, même en France ? Il y a un risque de recul sur la parité, sur l'égalité professionnelle ? Vous sentez que les autres ne progressent pas ?

  • Maryse Burgot

    Non,

  • Aurore Mayer

    je crois que les autres ne progressent pas.

  • Maryse Burgot

    Vous pensez qu'on progresse ? Non, on ne pensait pas. Si,

  • Aurore Mayer

    j'espère, oui, bien sûr. Non,

  • Maryse Burgot

    on progresse.

  • Aurore Mayer

    Mais ça reste fragile. Vous qui avez été dans des zones aussi où les droits des femmes n'étaient pas aussi reculés, quand on parle même de l'Iran. Dans les années 60, les femmes étaient...

  • Maryse Burgot

    Moi, je trouve qu'on progresse. Dans nos professions, on progresse, mais par exemple, sur les salaires, on n'y est pas, quand même. La plupart du temps, les hommes qui travaillent à côté de moi, qui font exactement le même travail que moi, gagnent plus d'argent que moi. Encore aujourd'hui ? Mais bien sûr. Quand je suis arrivée en poste aux États-Unis, le... la personne que j'allais remplacer gagnait beaucoup plus d'argent que moi et la personne qui est arrivé après moi gagnait déjà aussi beaucoup plus d'argent or il était moins capé que moi donc je dis mais il ya un problème là quand même ils ont été obligés de ils ont été obligés parce que j'ai dit non mais parce que vous le savez il est sûr je les suis pas ça que j'ai aussi parce que le patron a eu l'honnêteté de me le dire parce que ça les ennuyer quand même c'est à faire mais donc donc ni je pense qu'au niveau salaire on n'y est pas on n'y est pas du tout Je pense que pour les responsabilités qu'on nous confie, on commence quand même à beaucoup progresser. Mais nous, nous nous mettons des freins, nous-mêmes. Parce que moi par exemple, j'ai voulu faire une pause. Quand mes enfants étaient bébés, j'ai choisi d'arrêter d'aller sur les terrains les plus difficiles. Ça m'a permis de faire une parenthèse qui était extraordinaire encore une fois. Mais enfin j'ai un peu arrêté, donc mon salaire a moins progressé. Et j'ai fait ce choix moi parce que je pensais que c'était nécessaire. Mais alors peut-être que les hommes, je le vois d'ailleurs dans mon service, où on a des jeunes hommes journalistes, je trouve que ça, ça change aussi. Et que eux aussi, ils veulent s'arrêter, veulent faire une part. Et que eux aussi, ils suivent leur femme. C'est plus fréquent. Cette génération est en train de bâtir quelque chose de différent, je trouve.

  • Aurore Mayer

    permettra plus légalité justement c'est effectivement si les hommes prennent des pauses tout le monde a droit de prendre une pause sans pour autant être lésé dans son parcours est ce que vous avez des rôles ou un rôle modèle ou des gens qui vous inspire vous maurice burgo ma

  • Maryse Burgot

    mère ouais ma mère c'est mon modèle parce que c'est une quelqu'un qui a beaucoup travaillé et qui n'a jamais été envieuse et elle ne sait pas ce que c'est que la jalousie elle Elle ne sait pas ce que c'est que de dire du mal des autres. Et pourtant, elle aurait pu, vraiment. Elle aurait pu parce que c'est dur la vie qu'ils ont eue. Je parle au passé parce que maintenant, ils sont à la retraite et que donc, bien que leur retraite soit très minimale, c'est passé toutes ces galères de travail. Mais oui, mon modèle, c'est ma mère. Moi, je ne vais pas vous sortir. C'est cette façon qu'elle a eue de travailler toute sa vie. Je n'ai pas envie de dire que tel modèle, c'est tel journaliste ou je ne sais pas quoi.

  • Aurore Mayer

    L'éducation, c'est important, le modèle qu'on a, ce qu'on renvoie.

  • Maryse Burgot

    Oui, et en même temps, je ne vais pas non plus… Ce n'est pas glamour l'éducation que j'ai reçue. Je n'ai pas reçu… On ne m'a pas dit, moi, toute ma vie… On m'a laissée un peu… Mes parents n'avaient pas le temps de s'occuper de nous. Ils travaillaient énormément. On était seules. avec mes quatre sœurs très souvent. Donc, vous voyez, ce n'est pas du tout… Ils n'ont pas été là, mes parents, à nous dire qu'il faut bien travailler le soir à l'école. Ils n'avaient pas le temps pour tout ça. On s'est construit nous-mêmes d'une certaine manière. Donc, je ne dis pas du tout que c'est un modèle. En tout cas, je vois le résultat. Je vois le résultat, c'est que je suis devenue quelqu'un d'assez fort. Donc, je ne sais pas s'il y a des modèles d'éducation. Moi, je fais ce que je peux avec mes enfants. parfaitement tout bien réussi bien loin de là Voyez je suis pas sûr qu'il ya des modèles si vous êtes trop sur vos enfants vous allez les si c'est pas une bonne idée non plus et moi j'ai quand même été laissé assez libre enfin c'est pas assez très libre sorti quand je voulais quand j'avais 14 ans 15 ans je suis pas devenu grande délinquante vous voyez c'est bon je vais à la campagne donc c'est un peu différent

  • Aurore Mayer

    Si vous voulez nous dire un mot sur le journalisme, parce qu'on voit notamment de plus en plus que presque la parole sur les réseaux sociaux a autant d'importance que les médias ou que des journalistes. Qu'est-ce que vous avez envie de nous dire sur ce métier, sur ce qu'est le journalisme, ce que ça représente ?

  • Maryse Burgot

    Oui, il faut qu'on se batte pour expliquer aux gens ce qu'est notre métier. Nous, qui sommes journalistes titulaires d'une carte de presse, ce n'est pas juste un bout de papier. Moi, je représente, j'espère en tout cas représenter, cette profession dont la mission est d'aller quelque part, de rapporter des faits avec le plus d'acuité possible, sans en rajouter. en essayant d'être le plus neutre possible. Mon travail à moi, ce n'est pas de donner mon avis, mon avis n'a aucune importance. En revanche, expliquer ce qui se passe, donner des faits, faire un reportage et laisser aux gens la possibilité de se forger leur opinion et de, eux, donner leur avis après, c'est ça notre métier. Moi, j'aime ce métier qui consiste à s'accrocher aux faits et à raconter ce qui se passe dans les endroits, que ce soit des endroits en guerre ou pas d'ailleurs. Et aider les gens à se forger leur propre opinion, basée sur des faits réels, que j'ai vus moi-même. Je ne raconte pas des choses que je n'ai pas vues. Et ça, c'est précieux, il faut le chérir. C'est l'âme du métier, c'est la beauté du métier, c'est ce qui fait que nos démocraties peuvent rester des démocraties. Et ce ne sont pas des vingt mots et des grands mots.

  • Aurore Mayer

    Et avec tout ce qu'on voit sur Internet des... des mauvaises informations, des fausses informations qui circulent. Comment, selon vous, faire en sorte, je ne sais pas, de faire la part des choses ? Comment vous pourriez dire aux jeunes qui, parfois, n'arrivent plus à faire la part des choses ?

  • Maryse Burgot

    Oui.

  • Aurore Mayer

    Pas que les jeunes, d'ailleurs, peut-être.

  • Maryse Burgot

    Tout le monde.

  • Aurore Mayer

    Tout le monde.

  • Maryse Burgot

    C'est regarder les sources des réseaux sociaux qu'on regarde, quoi. C'est-à-dire... Moi, par exemple, maintenant, je mets mes reportages sur les réseaux sociaux. Je ne le faisais pas avant. Je vais sur Insta, je vais sur ces réseaux sur lesquels je n'allais pas auparavant. Je poste mes sujets parce que j'ai envie que les jeunes les regardent, parce que les jeunes ne regardent pas beaucoup le journal de 20h de France 2. Notre public est vieillissant, malheureusement, et c'est normal, puisque les habitudes des Français changent. Plus personne, ou quasiment... en tout cas chez les jeunes, ne se met à 20h devant le journal télévisé. Donc si on veut aller chercher les jeunes, il faut qu'on aille les chercher autrement.

  • Aurore Mayer

    Merci beaucoup, Maryse Burgot. Et je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle émission d'Appareil Galle. Merci, Maryse. Un grand merci, vraiment.

  • Maryse Burgot

    Avec plaisir. Merci.

Share

Embed

You may also like

Description

Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot, journaliste française, grand reporter et autrice du livre « Loin de chez moi » paru aux éditions Fayard.


Dans cet épisode de l’émission podcast, « A Part Egale », Maryse Burgot aborde la question de la parité et partage ses réflexions sur sa place en tant que femme dans le monde du journalisme, elle nous offre une perspective unique sur son travail sur le terrain, sur les droits des femmes dans le monde, ses choix de carrière, et les défis qu'elle a relevés.


Par son témoignage, elle brise les stéréotypes de genre et prouve qu’il est possible de réussir peu importe d'où l'on vienne.


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurore Mayer

    Bienvenue dans l'émission À part égale, l'émission du réseau parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai le grand honneur de recevoir parmi nous Maryse Burgot. Bonjour. Bonjour Maryse. Je suis vraiment ravie de vous avoir, très honnêtement. Vous êtes un grand reporter. Vous êtes allée sur tous les conflits les plus dangereux, dans des conditions vraiment très hostiles. Vous avez même été otage. Je ne sais pas si vous voulez en parler. Je sais que vous en parlez dans le livre, que vous avez très longtemps ne pas souhaité en parler. Donc je ne sais pas si on en reparlera, mais aux Philippines. Et vous avez été correspondante, vous êtes aujourd'hui en Ukraine. Et puis sur tous les conflits, notamment dans des conditions aussi pour les femmes très compliquées. Vous êtes vraiment quelqu'un qui représente ce courage, et en tant que femme, dans des milieux plutôt hostiles aux femmes aussi. Et vous sortez aujourd'hui un livre qui s'appelle Loin de chez moi où l'on apprend que vous êtes une fille de paysan. Donc j'ai envie de vous dire, avec un petit clin d'œil, vous passez donc des champs aux champs de bataille. Est-ce que c'est important pour vous ? Les racines de l'on vient

  • Maryse Burgot

    Oui, c'est pour ça que j'ai souhaité qu'il y ait ce titre pour mon livre. Je viens d'un milieu rural, très agricole, ultra populaire, pas très intellectuel, je n'étais pas entourée de livres. Or, j'ai quand même réussi à faire ce qui est à mes yeux le plus beau métier du monde. Donc j'avais envie de donner ce message-là qui est Si vous avez des rêves, même si vous avez le sentiment de ne pas être tout à fait née au bon endroit, ou de n'avoir pas tous les codes, etc., quand même, essayez de suivre votre rêve et parfois ça peut fonctionner. Voilà, c'est un peu un message d'espoir.

  • Aurore Mayer

    Quand vous avez démarré d'ailleurs dans le journalisme, on vous a, il semblerait, reproché d'avoir une petite voix, ou pas la voix qu'il fallait, et aujourd'hui c'est ce qui, entre autres, vous différencie, fait votre force. Vous répondez à ça, à ces gens qui vous disaient ça à l'époque ?

  • Maryse Burgot

    Oui, bon, alors à l'école de journalisme, on m'a dit, bon, toi, la télé, ce n'est pas possible, ni la radio avec ta voix, qui n'était donc pas assez grave, pas assez assurée, etc. Et je me suis dit, ah oui, c'est vraiment ça, que je vais arrêter comme ça. Donc, au contraire, je fais tout le contraire, je me suis inscrite dans le groupe télé juste parce qu'on m'avait dit que ma voix était nulle. Et en fait, et par esprit de contradiction, et aussi parce que le groupe télé était un groupe vachement sympa à l'école de journalisme, donc je préférais être avec eux. Et au final, cette voix, elle est entrée dans le paysage télévisuel d'une certaine manière. Je ne dis pas que c'est ma force, parce qu'il y a des gens qui ne la supportent pas toujours, mais finalement, c'est un peu un atout, oui, d'une certaine manière, parce qu'elle n'est pas tout à fait comme les autres.

  • Aurore Mayer

    Exactement. Du coup, j'ai envie de vous dire, c'est important pour vous, vous pensez à la singularité justement ? Parce qu'il faut dire à des gens qui se disent je ne suis pas dans le moule Au contraire,

  • Maryse Burgot

    il faut la cultiver même, il faut en être fier. Si on a des choses singulières, ça peut être un handicap au départ, mais finalement si on cultive ça et si on en fait une force, ça devient quelque chose qui vous différencie par rapport aux autres. Moi, je n'ai pas cette prétention. Pour ma voix, ce serait très prétentieux de dire ça, mais en tout cas, ce qui semblait être au départ un handicap, un défaut, etc., est devenu d'une certaine manière un atout, c'est incontestable.

  • Aurore Mayer

    Je trouve assez fou parce que votre voix n'est pas… Je ne sais pas pourquoi on vous a dit ça, mais en tout cas… Est-ce que vous pensez qu'on fait plus ce genre de remarques à des femmes ?

  • Maryse Burgot

    C'est intéressant votre question. C'est possible ça. C'est possible qu'on l'ait plus dit à l'école de journalisme et qu'on le dise plus à des femmes, je pense. Oui. Et puis bon, moi je fais 1m60, il y a une façon d'en imposer peut-être, que je n'en imposais pas quand j'étais plus jeune. J'ai appris ça aussi, à en imposer quand même et à poser ma voix et à dire non mais écoutez-moi et regardez qui je suis. Mais c'est vrai que je pense que ce procès-là, on le fait quand même plus aux femmes qu'aux hommes. Ça, c'est sûr. Et je ne me souviens pas, par exemple, à l'école de journalisme, qu'on ait dit à des garçons de l'école, Non mais toi, ta voix, ça ne va pas. C'est beaucoup un truc de fille, quand même. Vous avez raison.

  • Aurore Mayer

    Vous avez dit que vos parents étaient de grands travailleurs. et qu'ils vous ont donné cette force de batailler.

  • Maryse Burgot

    Comme sont les agriculteurs, il faut énormément travailler, avoir beaucoup d'abnégation et on sait qu'on gagne très très mal sa vie. C'est un milieu où vous avez énormément de gens qui font des dépressions, c'est un milieu où on s'est beaucoup endetté, surtout dans les années où moi j'étais jeune. C'est un milieu très dur et évidemment, moi j'ai regardé mes parents travailler vraiment. énormément, gagner assez mal leur vie, ne jamais partir en vacances, ne se reposer presque jamais. Et oui, c'est la raison pour laquelle je me suis dit, moi, ça ne va pas m'arriver ça, parce que moi, je vais partir d'ici et je vais me construire une autre vie. Donc, je me suis construite en m'opposant à ce milieu, mais j'ai un infini respect pour eux, pour ce travail qu'ils ont accompli. Et c'est sûr qu'une partie de... La force que j'ai, si tant est que j'en ai, en tout cas je crois que j'en ai un peu, elle me vient de là. Je suis terrienne, j'ai les pieds sur terre, je ne me prends pas pour la huitième merveille du monde, je suis qui je suis, je sais d'où je viens, et je n'ai aucune haute estime de moi-même. Je fais un métier formidable, j'ai un privilège extraordinaire, j'ai réussi à faire ce métier qui était mon rêve. Pour certains, c'est un métier nul. Pour moi, c'est un métier extraordinaire. J'ai cette force en moi qui me vient de l'endroit où je suis née, c'est sûr.

  • Aurore Mayer

    D'ailleurs, vous travaillez beaucoup aussi.

  • Maryse Burgot

    Je travaille beaucoup. Je suis une bosseuse. J'ai plein de défauts, mais je travaille. Et j'aime en plus mon métier. Ce n'est pas non plus une punition que de travailler du tout. Et puis, quand je suis en reportage, Je m'accroche. C'est dur, le reportage. Ce n'est pas évident. On ne trouve pas toujours les histoires qu'on veut trouver. Mais j'aime passionnément ce métier.

  • Aurore Mayer

    Vous êtes de plus en plus de femmes, reporter de garde. Mais malgré tout, vous savez à peu près quel pourcentage vous représentez ?

  • Maryse Burgot

    Non, je crois que c'est un peu un hasard de circonstance pour France Télévisions, par exemple. Il se trouve qu'il y a beaucoup de femmes dans le service pour lequel je travaille qui font ça en ce moment. Il y a aussi des hommes dans mon service qui vont sur les zones de conflit. C'est vrai que peut-être on voit un peu plus les femmes, mais il y a eu des pionnières. Moi, je ne suis pas une pionnière. Il y a eu des femmes avant nous qui ont montré le chemin du reportage. Alors moi, je ne prétends pas être reporter de guerre, par exemple. Il se trouve que je vais sur les zones de conflit. Je ne fais pas que ça. Oui,

  • Aurore Mayer

    vous ne faites pas que ça,

  • Maryse Burgot

    c'est vrai. Je déteste l'idée qu'on me mette l'étiquette reporter de guerre. D'abord, qu'est-ce que c'est un reporter de guerre ? Je suis reporter, tout court. J'aime aller dans les endroits compliqués, difficiles, c'est vrai. Je suis candidate pour aller sur les zones de guerre. J'aime aussi faire autre chose. Là, je viens de faire les élections américaines. Je viens de faire l'inauguration de Notre-Dame de Paris. C'était extraordinaire. J'aime faire tout, en fait. Et l'étiquette reporter de guerre, je la trouve même un peu prétentieuse. Vous voyez, la guerre, ce sont les soldats, les combattants qui font la guerre. Nous, on regarde ce qui se passe.

  • Aurore Mayer

    En prenant des risques malgré tout.

  • Maryse Burgot

    Oui, c'est vrai.

  • Aurore Mayer

    En prenant des risques malgré tout. Est-ce qu'on vous a fait facilement confiance en tant que femme, justement, pour vous donner des missions comme ça, dans des conditions extrêmes ? Est-ce qu'il y a eu un frein, parfois, dans les carrières professionnelles ? On se dit, à tel âge, peut-être les femmes vont avoir des enfants, ça va être compliqué. Est-ce que vous avez senti ça ou pas du tout, jamais ?

  • Maryse Burgot

    Pas vraiment, parce qu'il y a eu des pionnières avant nous qui avaient fait ce travail. En fait, comme on est beaucoup de femmes dans mon service à faire cela, on n'a pas ce problème. Mais moi, par exemple, quand j'ai été nommée correspondante permanente à Washington DC, aux Etats-Unis, c'est un poste où il y a eu très peu de femmes correspondantes permanentes à Washington. Et quand j'ai été nommée, j'ai été nommée par une patronne que j'adorais. Et quand même, dans son bureau, j'ai bien compris que le fait d'être une femme, c'était quand même un sacré challenge pour moi. Je me souviens d'être sortie de son bureau en me disant, mais pourquoi ? Pourquoi elle me dit ça ? Et j'avais le sentiment qu'elle ne l'aurait pas dit à un homme. Or, c'est quelqu'un que je respectais beaucoup et que j'aime toujours beaucoup. Mais je pense qu'elle-même, en nommant une femme, elle se disait, oh là là, elle va s'en sortir la petite. Je succédais à un journaliste qui était un peu une figure de France Télévisions et tout ça. Et donc, j'arrivais là et on m'avait nommée, mais il y avait comme un doute. Donc, il m'est arrivé de vivre ça. Moins maintenant parce que l'expérience, l'âge fait que bon, maintenant on ne me dit plus ce genre de choses. Mais j'étais plus jeune et j'avais bien senti qu'être une femme et succéder à cet homme-là, c'était compliqué.

  • Aurore Mayer

    Oui, ça donnait un challenge.

  • Maryse Burgot

    Oui, alors je l'ai relevé. Dignement relevé.

  • Aurore Mayer

    Et en même temps, ça vous a permis aussi, peut-être, de concilier plus votre vie professionnelle, personnelle ?

  • Maryse Burgot

    Je crois que j'ai fait. J'avais demandé à être... Je couvrais déjà les zones de guerre. Et j'avais deux enfants qui étaient un peu des bébés tous les deux. Et je me suis dit, c'est mon choix. D'autres femmes réussissent parfaitement bien à faire les deux. Moi, je partais énormément. Cinq semaines de suite. Je me souviens que mon fils a fait une otite de dingue, il était malade et moi j'étais au fin fond de l'Irak, je n'arrivais pas à avoir de nouvelles, etc. Je me suis dit, je vais arrêter. Je vais arrêter quelques temps, il se trouve qu'à France Télévisions, on a cette chance extraordinaire d'avoir des correspondants permanents, donc j'ai arrêté pour faire un truc formidable. Je suis arrivée, Obama était au pouvoir aux Etats-Unis, c'était juste un cadeau. C'était génial, en plus c'était une aventure familiale, c'est-à-dire que j'ai pu continuer à faire mon métier tout en embarquant ma famille avec moi. Un vrai privilège encore une fois, et juste une parenthèse qui fait que mes enfants ont un peu grandi, et quand on est revenus, on n'avait plus des bébés sous le bras.

  • Aurore Mayer

    Est-ce que vous avez eu une crainte à un moment donné de ne pas pouvoir revenir sur ce que vous faisiez ? Jamais. Jamais ? Vous n'êtes pas dit, est-ce que c'est plus compliqué avec… Non,

  • Maryse Burgot

    parce que moi je suis en plus… D'abord, je suis rentrée, on m'a demandé d'être chargée du suivi de l'Élysée. C'est-à-dire que je n'ai pas tout de suite... On m'a demandé de faire ça. Je n'étais pas très partante. Et puis, bon, comme tout m'intéresse, je me suis dit, pourquoi pas, je vais faire un peu de politique intérieure. J'ai fait ça pendant trois ans. Au bout d'un moment, j'ai dit, bon, en fait, non, j'aime bien, ça m'intéresse la politique, mais je préférerais retourner à ce que j'aime, qui est le vrai reportage. Même si... On fait du reportage en politique intérieure, mais ce n'est pas pareil. Et je n'ai jamais pensé que ce ne serait pas possible. J'ai toujours pensé, en revanche, que j'allais devoir tout recommencer d'une certaine manière et reprouver, oui, c'est vrai. J'ai eu une petite sasse là où j'ai bien senti qu'on me regardait. Elle est partie longtemps quand même, elle. Oui,

  • Aurore Mayer

    donc il y a quand même ce truc.

  • Maryse Burgot

    Mais c'est normal, c'est normal. J'étais partie, donc j'ai refait un peu mes preuves. Il suffit de se... travailler pour refaire ses preuves, je l'ai fait et finalement au bout de quelques mois j'étais repartie comme au départ.

  • Aurore Mayer

    Mais là aussi faire ses preuves, est-ce que alors c'est peut-être une question mais parce que votre mari vous a suivi mais souvent c'est les femmes plutôt qui suivent les hommes, vous voyez souvent dans le schéma un peu habituel.

  • Maryse Burgot

    Non mais lui c'est vraiment un type génial parce que justement il a dit oui pour me suivre. et ça lui a pas posé de problème, il rigolait d'ailleurs en disant moi je suis monsieur, je suis madame quoi dans le couple et c'était pas vrai parce qu'il a lui-même beaucoup travaillé quand on était à Londres et aux Etats-Unis, il s'est fait son chemin, il est très doué pour s'adapter etc. Donc il s'est adapté à cette situation et oui il a accepté de me suivre et c'était un cadeau qu'il nous a fait à moi et aux enfants de partir avec nous parce que... C'était pas évident, il avait son propre job et ça marchait très bien, donc il a fallu tout refaire. C'est très moderne d'être comme ça.

  • Aurore Mayer

    C'est difficile d'avoir l'équilibre, vous pensez, on parle beaucoup, on met pas mal de pression aux femmes aussi, en se disant qu'il faut être très forte à réussir son travail, mais il faut aussi être exemplaire avec ses enfants, il faut aussi être exemplaire en faisant du sport et du bien-être, etc. Il y a beaucoup d'injonctions comme ça, et si on se dit vraiment les choses, est-ce qu'on peut tout faire ?

  • Maryse Burgot

    Ben non, on ne peut pas tout réussir parce que moi j'en ai raté des choses. Donc non, on ne réussit pas tout, bien loin de là. Et élever des enfants c'est très compliqué, c'est très difficile de le faire bien. Donc je suis bien comme tout le monde, j'ai raté des choses et j'en ai réussi d'autres. Oui, il y a une forme d'injonction, moi je la ressens moins maintenant parce que mes enfants sont grands, 23, 20 ans. Et puis finalement, malgré toutes nos galères, parce qu'on est comme tout le monde, tout n'était pas simple. Ils ont grandi bien droit et ce sont deux garçons vraiment, à mes yeux, extraordinaires et formidables. Et puis je sens moins d'injonction. Oui, moi je fais du sport par exemple, mais ce n'est pas parce qu'il y a une injonction à en faire, c'est parce que ça me permet moins d'être bien. Je suis plus à l'aise qu'avant avec tout ça, mais c'est parce que j'ai l'âge que j'ai. Je crois vraiment qu'il y a un moment où ça s'éclaire un peu et où on se met moins, moi je me mets moins de pression pour tout un tas de choses.

  • Aurore Mayer

    On s'affranchit de pas mal de choses avec l'expérience, avec... Ouais, c'est vrai, c'est vrai. Vous montrez à travers votre parcours et à travers votre livre que d'où que l'on vienne, quand on a un objectif ou quelque chose, tout est possible en fait. Qu'est-ce que vous voulez dire par exemple à des personnes qui nous entendraient, qui peut-être se mettent des freins, à des femmes aussi, parce qu'a priori les femmes se mettent plus de freins.

  • Maryse Burgot

    Je ne dis pas que tout est possible, c'est dur, c'est plus dur. Pour certaines personnes qui, par exemple, c'est évident que si on est dans une banlieue française très défavorisée, et qu'on suit ses études dans un collège et dans un lycée tout pourri, c'est quand même plus difficile que si vous êtes née dans le 6e arrondissement de Paris. C'est incontestable. Donc c'est plus dur. Moi, je suis née dans un milieu agricole, par intellectuel, c'était plus dur pour moi, c'est sûr. Je n'avais pas les codes et je n'avais pas la culture. Et la culture est même le... Et ça me poursuivra toujours. Moi, j'ai toujours le sentiment que je ne sais rien, que je ne sais pas assez, que je ne suis pas assez cultivée. Et je vois autour de moi des gens qui ne sont pas plus cultivés que moi, mais qui ont tellement plus d'assurance. Alors, et ça vient du milieu d'où je viens. Tout ça pour dire que c'est sûr que c'est plus difficile, mais c'est possible. C'est possible. C'est plus dur. Mais si on a cette chance, et moi, j'avais cette chance. d'avoir un... et c'est ça la difficulté, c'est d'avoir un rêve, d'avoir une envie, d'avoir un truc qui vous pousse à aller un peu plus loin. Et ça, tout le monde ne l'a pas, tous les jeunes ne l'ont pas. Et c'est là où est la difficulté, c'est que dans le 6e arrondissement, vous allez peut-être l'avoir plus facilement que si vous vivez dans un tout petit bled paumé du fin fond de je ne sais quel département français. Mais si vous avez une petite lumière en vous, il faut la suivre. Et même si on vous dit Non, mais toi, tu ne pourras pas faire ça, il faut quand même essayer. Et ne pas s'arrêter au premier qui vous dit Moi, on m'a dit, ta voix, ce n'est pas possible. J'ai dit Ok, tu vas voir si ma voix, ce n'est pas possible. Bon, je ne dis pas que c'est facile. Je dis qu'il faut s'accrocher à son soupçon de rêve quand on en a un, à ses envies quand on en a une, à son talent, parce qu'on a forcément quelque chose en soi qui ressemble à du talent. qui n'est pas forcément académique, mais... Dans chaque personne, il y a quelque chose qui est du talent. Il faut chercher ça en soi. Ce n'est pas facile, c'est plus difficile quand on vient d'un milieu défavorisé, mais c'est possible. Et si mon livre peut permettre à deux, trois jeunes de se dire En fait, c'est possible, j'aurais gagné quelque chose.

  • Aurore Mayer

    Est-ce qu'il y a un moment quand même que vous avez trouvé dur ? Quelque chose ou alors où vous avez douté ? Dans un endroit où vous êtes allée, où vraiment vous avez hésité à y aller. Est-ce que c'est arrivé ou jamais ?

  • Maryse Burgot

    Non. Vous voulez dire en zone difficile ?

  • Aurore Mayer

    Oui, dans votre... Vous ne me posez pas de questions.

  • Maryse Burgot

    Bon, il y a l'épisode de Jolo où j'ai été otage, qui là est un problème, effectivement, parce que là, il m'arrive un coup dur. Là, c'est incontestable, etc. Et donc là, j'aurais préféré que ceci n'arrive pas. Mais à part cela, non. Parce qu'après, je n'ai pas eu de grosses galères. Il y a des moments, c'est difficile, vous essuyez des tirs, des obus de mortier, vous en sortez, vous êtes vivante. Mais non, je n'ai aucun regret. Et je n'ai jamais envie de ne pas y aller. C'est-à-dire là, sur la Syrie, je n'ai pas pu y aller parce que j'avais pris d'autres engagements. J'aurais aimé y aller, vous voyez. Bon, de toute façon, ce n'est pas très dangereux, la Syrie, finalement, parce que ça se passe plutôt de manière pacifiée, la transition de pouvoir. Mais non, je ne me dis jamais que je n'aurais pas dû y aller, jamais.

  • Aurore Mayer

    Et vous avez été dans des pays où, sur les conditions des femmes et les droits des femmes, c'est très compliqué. Et il y a de plus en plus de pays, d'ailleurs, où on sent que vraiment, c'est compliqué pour les femmes. Quel est votre regard ? C'est peut-être difficile comme question, mais comment est-ce que vous, quand vous y allez, que vous repartez ?

  • Maryse Burgot

    Évidemment, quand vous allez en Afghanistan, moi je suis arrivée en Afghanistan, les talibans venaient de reprendre le pouvoir, et les talibans prétendaient qu'ils allaient s'amender, que ça allait bien se passer pour les femmes, etc. On a tout de suite vu, assez rapidement vu, que ça ne se passerait pas bien. Alors moi, je ne me plains pas du traitement auquel j'ai eu droit. en Afghanistan parce que je sais bien moi que je suis quantité négligeable pour eux. Je me souviens très bien un jour, on a fait une séquence avec des talibans qui descendaient des vanupiés qui descendaient d'une montagne et je me suis dit ah oui, si c'est ça, eux qui vont diriger l'Afghanistan, on est mal partis et j'avais tellement raison. Donc on fait une séquence avec eux, puis à la fin ils veulent faire une photo et ils me poussent littéralement parce que je ne peux pas être sur la photo parce que je ne suis jamais qu'une femme. Moi, ça. Je m'en fiche complètement parce que moi je rentre chez moi dans un pays, et je ne m'en plains pas, c'est moi qui choisis d'aller en Afghanistan, je ne vais pas chouiner parce que le mec ne veut pas que je sois sur la photo, mais je me dis, waouh, les femmes qui vont vivre dans ce pays, et donc oui j'ai de la colère, j'ai de la colère contre cet obscurantisme-là qui fait des femmes des moins que rien, oui j'ai de la colère. Mais ce n'est pas pour moi, parce que moi, j'ai cette chance de vivre ici, dans un pays en paix, qui respecte les femmes, en tout cas qui progresse de ce point de vue, alors que dans ces pays, on régresse.

  • Aurore Mayer

    Oui, bien sûr. Vous pensez ou dites qu'ils progressent, donc ça veut dire qu'on peut encore progresser, même en France ? Il y a un risque de recul sur la parité, sur l'égalité professionnelle ? Vous sentez que les autres ne progressent pas ?

  • Maryse Burgot

    Non,

  • Aurore Mayer

    je crois que les autres ne progressent pas.

  • Maryse Burgot

    Vous pensez qu'on progresse ? Non, on ne pensait pas. Si,

  • Aurore Mayer

    j'espère, oui, bien sûr. Non,

  • Maryse Burgot

    on progresse.

  • Aurore Mayer

    Mais ça reste fragile. Vous qui avez été dans des zones aussi où les droits des femmes n'étaient pas aussi reculés, quand on parle même de l'Iran. Dans les années 60, les femmes étaient...

  • Maryse Burgot

    Moi, je trouve qu'on progresse. Dans nos professions, on progresse, mais par exemple, sur les salaires, on n'y est pas, quand même. La plupart du temps, les hommes qui travaillent à côté de moi, qui font exactement le même travail que moi, gagnent plus d'argent que moi. Encore aujourd'hui ? Mais bien sûr. Quand je suis arrivée en poste aux États-Unis, le... la personne que j'allais remplacer gagnait beaucoup plus d'argent que moi et la personne qui est arrivé après moi gagnait déjà aussi beaucoup plus d'argent or il était moins capé que moi donc je dis mais il ya un problème là quand même ils ont été obligés de ils ont été obligés parce que j'ai dit non mais parce que vous le savez il est sûr je les suis pas ça que j'ai aussi parce que le patron a eu l'honnêteté de me le dire parce que ça les ennuyer quand même c'est à faire mais donc donc ni je pense qu'au niveau salaire on n'y est pas on n'y est pas du tout Je pense que pour les responsabilités qu'on nous confie, on commence quand même à beaucoup progresser. Mais nous, nous nous mettons des freins, nous-mêmes. Parce que moi par exemple, j'ai voulu faire une pause. Quand mes enfants étaient bébés, j'ai choisi d'arrêter d'aller sur les terrains les plus difficiles. Ça m'a permis de faire une parenthèse qui était extraordinaire encore une fois. Mais enfin j'ai un peu arrêté, donc mon salaire a moins progressé. Et j'ai fait ce choix moi parce que je pensais que c'était nécessaire. Mais alors peut-être que les hommes, je le vois d'ailleurs dans mon service, où on a des jeunes hommes journalistes, je trouve que ça, ça change aussi. Et que eux aussi, ils veulent s'arrêter, veulent faire une part. Et que eux aussi, ils suivent leur femme. C'est plus fréquent. Cette génération est en train de bâtir quelque chose de différent, je trouve.

  • Aurore Mayer

    permettra plus légalité justement c'est effectivement si les hommes prennent des pauses tout le monde a droit de prendre une pause sans pour autant être lésé dans son parcours est ce que vous avez des rôles ou un rôle modèle ou des gens qui vous inspire vous maurice burgo ma

  • Maryse Burgot

    mère ouais ma mère c'est mon modèle parce que c'est une quelqu'un qui a beaucoup travaillé et qui n'a jamais été envieuse et elle ne sait pas ce que c'est que la jalousie elle Elle ne sait pas ce que c'est que de dire du mal des autres. Et pourtant, elle aurait pu, vraiment. Elle aurait pu parce que c'est dur la vie qu'ils ont eue. Je parle au passé parce que maintenant, ils sont à la retraite et que donc, bien que leur retraite soit très minimale, c'est passé toutes ces galères de travail. Mais oui, mon modèle, c'est ma mère. Moi, je ne vais pas vous sortir. C'est cette façon qu'elle a eue de travailler toute sa vie. Je n'ai pas envie de dire que tel modèle, c'est tel journaliste ou je ne sais pas quoi.

  • Aurore Mayer

    L'éducation, c'est important, le modèle qu'on a, ce qu'on renvoie.

  • Maryse Burgot

    Oui, et en même temps, je ne vais pas non plus… Ce n'est pas glamour l'éducation que j'ai reçue. Je n'ai pas reçu… On ne m'a pas dit, moi, toute ma vie… On m'a laissée un peu… Mes parents n'avaient pas le temps de s'occuper de nous. Ils travaillaient énormément. On était seules. avec mes quatre sœurs très souvent. Donc, vous voyez, ce n'est pas du tout… Ils n'ont pas été là, mes parents, à nous dire qu'il faut bien travailler le soir à l'école. Ils n'avaient pas le temps pour tout ça. On s'est construit nous-mêmes d'une certaine manière. Donc, je ne dis pas du tout que c'est un modèle. En tout cas, je vois le résultat. Je vois le résultat, c'est que je suis devenue quelqu'un d'assez fort. Donc, je ne sais pas s'il y a des modèles d'éducation. Moi, je fais ce que je peux avec mes enfants. parfaitement tout bien réussi bien loin de là Voyez je suis pas sûr qu'il ya des modèles si vous êtes trop sur vos enfants vous allez les si c'est pas une bonne idée non plus et moi j'ai quand même été laissé assez libre enfin c'est pas assez très libre sorti quand je voulais quand j'avais 14 ans 15 ans je suis pas devenu grande délinquante vous voyez c'est bon je vais à la campagne donc c'est un peu différent

  • Aurore Mayer

    Si vous voulez nous dire un mot sur le journalisme, parce qu'on voit notamment de plus en plus que presque la parole sur les réseaux sociaux a autant d'importance que les médias ou que des journalistes. Qu'est-ce que vous avez envie de nous dire sur ce métier, sur ce qu'est le journalisme, ce que ça représente ?

  • Maryse Burgot

    Oui, il faut qu'on se batte pour expliquer aux gens ce qu'est notre métier. Nous, qui sommes journalistes titulaires d'une carte de presse, ce n'est pas juste un bout de papier. Moi, je représente, j'espère en tout cas représenter, cette profession dont la mission est d'aller quelque part, de rapporter des faits avec le plus d'acuité possible, sans en rajouter. en essayant d'être le plus neutre possible. Mon travail à moi, ce n'est pas de donner mon avis, mon avis n'a aucune importance. En revanche, expliquer ce qui se passe, donner des faits, faire un reportage et laisser aux gens la possibilité de se forger leur opinion et de, eux, donner leur avis après, c'est ça notre métier. Moi, j'aime ce métier qui consiste à s'accrocher aux faits et à raconter ce qui se passe dans les endroits, que ce soit des endroits en guerre ou pas d'ailleurs. Et aider les gens à se forger leur propre opinion, basée sur des faits réels, que j'ai vus moi-même. Je ne raconte pas des choses que je n'ai pas vues. Et ça, c'est précieux, il faut le chérir. C'est l'âme du métier, c'est la beauté du métier, c'est ce qui fait que nos démocraties peuvent rester des démocraties. Et ce ne sont pas des vingt mots et des grands mots.

  • Aurore Mayer

    Et avec tout ce qu'on voit sur Internet des... des mauvaises informations, des fausses informations qui circulent. Comment, selon vous, faire en sorte, je ne sais pas, de faire la part des choses ? Comment vous pourriez dire aux jeunes qui, parfois, n'arrivent plus à faire la part des choses ?

  • Maryse Burgot

    Oui.

  • Aurore Mayer

    Pas que les jeunes, d'ailleurs, peut-être.

  • Maryse Burgot

    Tout le monde.

  • Aurore Mayer

    Tout le monde.

  • Maryse Burgot

    C'est regarder les sources des réseaux sociaux qu'on regarde, quoi. C'est-à-dire... Moi, par exemple, maintenant, je mets mes reportages sur les réseaux sociaux. Je ne le faisais pas avant. Je vais sur Insta, je vais sur ces réseaux sur lesquels je n'allais pas auparavant. Je poste mes sujets parce que j'ai envie que les jeunes les regardent, parce que les jeunes ne regardent pas beaucoup le journal de 20h de France 2. Notre public est vieillissant, malheureusement, et c'est normal, puisque les habitudes des Français changent. Plus personne, ou quasiment... en tout cas chez les jeunes, ne se met à 20h devant le journal télévisé. Donc si on veut aller chercher les jeunes, il faut qu'on aille les chercher autrement.

  • Aurore Mayer

    Merci beaucoup, Maryse Burgot. Et je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle émission d'Appareil Galle. Merci, Maryse. Un grand merci, vraiment.

  • Maryse Burgot

    Avec plaisir. Merci.

Description

Briser les stéréotypes avec Maryse Burgot, journaliste française, grand reporter et autrice du livre « Loin de chez moi » paru aux éditions Fayard.


Dans cet épisode de l’émission podcast, « A Part Egale », Maryse Burgot aborde la question de la parité et partage ses réflexions sur sa place en tant que femme dans le monde du journalisme, elle nous offre une perspective unique sur son travail sur le terrain, sur les droits des femmes dans le monde, ses choix de carrière, et les défis qu'elle a relevés.


Par son témoignage, elle brise les stéréotypes de genre et prouve qu’il est possible de réussir peu importe d'où l'on vienne.


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurore Mayer

    Bienvenue dans l'émission À part égale, l'émission du réseau parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai le grand honneur de recevoir parmi nous Maryse Burgot. Bonjour. Bonjour Maryse. Je suis vraiment ravie de vous avoir, très honnêtement. Vous êtes un grand reporter. Vous êtes allée sur tous les conflits les plus dangereux, dans des conditions vraiment très hostiles. Vous avez même été otage. Je ne sais pas si vous voulez en parler. Je sais que vous en parlez dans le livre, que vous avez très longtemps ne pas souhaité en parler. Donc je ne sais pas si on en reparlera, mais aux Philippines. Et vous avez été correspondante, vous êtes aujourd'hui en Ukraine. Et puis sur tous les conflits, notamment dans des conditions aussi pour les femmes très compliquées. Vous êtes vraiment quelqu'un qui représente ce courage, et en tant que femme, dans des milieux plutôt hostiles aux femmes aussi. Et vous sortez aujourd'hui un livre qui s'appelle Loin de chez moi où l'on apprend que vous êtes une fille de paysan. Donc j'ai envie de vous dire, avec un petit clin d'œil, vous passez donc des champs aux champs de bataille. Est-ce que c'est important pour vous ? Les racines de l'on vient

  • Maryse Burgot

    Oui, c'est pour ça que j'ai souhaité qu'il y ait ce titre pour mon livre. Je viens d'un milieu rural, très agricole, ultra populaire, pas très intellectuel, je n'étais pas entourée de livres. Or, j'ai quand même réussi à faire ce qui est à mes yeux le plus beau métier du monde. Donc j'avais envie de donner ce message-là qui est Si vous avez des rêves, même si vous avez le sentiment de ne pas être tout à fait née au bon endroit, ou de n'avoir pas tous les codes, etc., quand même, essayez de suivre votre rêve et parfois ça peut fonctionner. Voilà, c'est un peu un message d'espoir.

  • Aurore Mayer

    Quand vous avez démarré d'ailleurs dans le journalisme, on vous a, il semblerait, reproché d'avoir une petite voix, ou pas la voix qu'il fallait, et aujourd'hui c'est ce qui, entre autres, vous différencie, fait votre force. Vous répondez à ça, à ces gens qui vous disaient ça à l'époque ?

  • Maryse Burgot

    Oui, bon, alors à l'école de journalisme, on m'a dit, bon, toi, la télé, ce n'est pas possible, ni la radio avec ta voix, qui n'était donc pas assez grave, pas assez assurée, etc. Et je me suis dit, ah oui, c'est vraiment ça, que je vais arrêter comme ça. Donc, au contraire, je fais tout le contraire, je me suis inscrite dans le groupe télé juste parce qu'on m'avait dit que ma voix était nulle. Et en fait, et par esprit de contradiction, et aussi parce que le groupe télé était un groupe vachement sympa à l'école de journalisme, donc je préférais être avec eux. Et au final, cette voix, elle est entrée dans le paysage télévisuel d'une certaine manière. Je ne dis pas que c'est ma force, parce qu'il y a des gens qui ne la supportent pas toujours, mais finalement, c'est un peu un atout, oui, d'une certaine manière, parce qu'elle n'est pas tout à fait comme les autres.

  • Aurore Mayer

    Exactement. Du coup, j'ai envie de vous dire, c'est important pour vous, vous pensez à la singularité justement ? Parce qu'il faut dire à des gens qui se disent je ne suis pas dans le moule Au contraire,

  • Maryse Burgot

    il faut la cultiver même, il faut en être fier. Si on a des choses singulières, ça peut être un handicap au départ, mais finalement si on cultive ça et si on en fait une force, ça devient quelque chose qui vous différencie par rapport aux autres. Moi, je n'ai pas cette prétention. Pour ma voix, ce serait très prétentieux de dire ça, mais en tout cas, ce qui semblait être au départ un handicap, un défaut, etc., est devenu d'une certaine manière un atout, c'est incontestable.

  • Aurore Mayer

    Je trouve assez fou parce que votre voix n'est pas… Je ne sais pas pourquoi on vous a dit ça, mais en tout cas… Est-ce que vous pensez qu'on fait plus ce genre de remarques à des femmes ?

  • Maryse Burgot

    C'est intéressant votre question. C'est possible ça. C'est possible qu'on l'ait plus dit à l'école de journalisme et qu'on le dise plus à des femmes, je pense. Oui. Et puis bon, moi je fais 1m60, il y a une façon d'en imposer peut-être, que je n'en imposais pas quand j'étais plus jeune. J'ai appris ça aussi, à en imposer quand même et à poser ma voix et à dire non mais écoutez-moi et regardez qui je suis. Mais c'est vrai que je pense que ce procès-là, on le fait quand même plus aux femmes qu'aux hommes. Ça, c'est sûr. Et je ne me souviens pas, par exemple, à l'école de journalisme, qu'on ait dit à des garçons de l'école, Non mais toi, ta voix, ça ne va pas. C'est beaucoup un truc de fille, quand même. Vous avez raison.

  • Aurore Mayer

    Vous avez dit que vos parents étaient de grands travailleurs. et qu'ils vous ont donné cette force de batailler.

  • Maryse Burgot

    Comme sont les agriculteurs, il faut énormément travailler, avoir beaucoup d'abnégation et on sait qu'on gagne très très mal sa vie. C'est un milieu où vous avez énormément de gens qui font des dépressions, c'est un milieu où on s'est beaucoup endetté, surtout dans les années où moi j'étais jeune. C'est un milieu très dur et évidemment, moi j'ai regardé mes parents travailler vraiment. énormément, gagner assez mal leur vie, ne jamais partir en vacances, ne se reposer presque jamais. Et oui, c'est la raison pour laquelle je me suis dit, moi, ça ne va pas m'arriver ça, parce que moi, je vais partir d'ici et je vais me construire une autre vie. Donc, je me suis construite en m'opposant à ce milieu, mais j'ai un infini respect pour eux, pour ce travail qu'ils ont accompli. Et c'est sûr qu'une partie de... La force que j'ai, si tant est que j'en ai, en tout cas je crois que j'en ai un peu, elle me vient de là. Je suis terrienne, j'ai les pieds sur terre, je ne me prends pas pour la huitième merveille du monde, je suis qui je suis, je sais d'où je viens, et je n'ai aucune haute estime de moi-même. Je fais un métier formidable, j'ai un privilège extraordinaire, j'ai réussi à faire ce métier qui était mon rêve. Pour certains, c'est un métier nul. Pour moi, c'est un métier extraordinaire. J'ai cette force en moi qui me vient de l'endroit où je suis née, c'est sûr.

  • Aurore Mayer

    D'ailleurs, vous travaillez beaucoup aussi.

  • Maryse Burgot

    Je travaille beaucoup. Je suis une bosseuse. J'ai plein de défauts, mais je travaille. Et j'aime en plus mon métier. Ce n'est pas non plus une punition que de travailler du tout. Et puis, quand je suis en reportage, Je m'accroche. C'est dur, le reportage. Ce n'est pas évident. On ne trouve pas toujours les histoires qu'on veut trouver. Mais j'aime passionnément ce métier.

  • Aurore Mayer

    Vous êtes de plus en plus de femmes, reporter de garde. Mais malgré tout, vous savez à peu près quel pourcentage vous représentez ?

  • Maryse Burgot

    Non, je crois que c'est un peu un hasard de circonstance pour France Télévisions, par exemple. Il se trouve qu'il y a beaucoup de femmes dans le service pour lequel je travaille qui font ça en ce moment. Il y a aussi des hommes dans mon service qui vont sur les zones de conflit. C'est vrai que peut-être on voit un peu plus les femmes, mais il y a eu des pionnières. Moi, je ne suis pas une pionnière. Il y a eu des femmes avant nous qui ont montré le chemin du reportage. Alors moi, je ne prétends pas être reporter de guerre, par exemple. Il se trouve que je vais sur les zones de conflit. Je ne fais pas que ça. Oui,

  • Aurore Mayer

    vous ne faites pas que ça,

  • Maryse Burgot

    c'est vrai. Je déteste l'idée qu'on me mette l'étiquette reporter de guerre. D'abord, qu'est-ce que c'est un reporter de guerre ? Je suis reporter, tout court. J'aime aller dans les endroits compliqués, difficiles, c'est vrai. Je suis candidate pour aller sur les zones de guerre. J'aime aussi faire autre chose. Là, je viens de faire les élections américaines. Je viens de faire l'inauguration de Notre-Dame de Paris. C'était extraordinaire. J'aime faire tout, en fait. Et l'étiquette reporter de guerre, je la trouve même un peu prétentieuse. Vous voyez, la guerre, ce sont les soldats, les combattants qui font la guerre. Nous, on regarde ce qui se passe.

  • Aurore Mayer

    En prenant des risques malgré tout.

  • Maryse Burgot

    Oui, c'est vrai.

  • Aurore Mayer

    En prenant des risques malgré tout. Est-ce qu'on vous a fait facilement confiance en tant que femme, justement, pour vous donner des missions comme ça, dans des conditions extrêmes ? Est-ce qu'il y a eu un frein, parfois, dans les carrières professionnelles ? On se dit, à tel âge, peut-être les femmes vont avoir des enfants, ça va être compliqué. Est-ce que vous avez senti ça ou pas du tout, jamais ?

  • Maryse Burgot

    Pas vraiment, parce qu'il y a eu des pionnières avant nous qui avaient fait ce travail. En fait, comme on est beaucoup de femmes dans mon service à faire cela, on n'a pas ce problème. Mais moi, par exemple, quand j'ai été nommée correspondante permanente à Washington DC, aux Etats-Unis, c'est un poste où il y a eu très peu de femmes correspondantes permanentes à Washington. Et quand j'ai été nommée, j'ai été nommée par une patronne que j'adorais. Et quand même, dans son bureau, j'ai bien compris que le fait d'être une femme, c'était quand même un sacré challenge pour moi. Je me souviens d'être sortie de son bureau en me disant, mais pourquoi ? Pourquoi elle me dit ça ? Et j'avais le sentiment qu'elle ne l'aurait pas dit à un homme. Or, c'est quelqu'un que je respectais beaucoup et que j'aime toujours beaucoup. Mais je pense qu'elle-même, en nommant une femme, elle se disait, oh là là, elle va s'en sortir la petite. Je succédais à un journaliste qui était un peu une figure de France Télévisions et tout ça. Et donc, j'arrivais là et on m'avait nommée, mais il y avait comme un doute. Donc, il m'est arrivé de vivre ça. Moins maintenant parce que l'expérience, l'âge fait que bon, maintenant on ne me dit plus ce genre de choses. Mais j'étais plus jeune et j'avais bien senti qu'être une femme et succéder à cet homme-là, c'était compliqué.

  • Aurore Mayer

    Oui, ça donnait un challenge.

  • Maryse Burgot

    Oui, alors je l'ai relevé. Dignement relevé.

  • Aurore Mayer

    Et en même temps, ça vous a permis aussi, peut-être, de concilier plus votre vie professionnelle, personnelle ?

  • Maryse Burgot

    Je crois que j'ai fait. J'avais demandé à être... Je couvrais déjà les zones de guerre. Et j'avais deux enfants qui étaient un peu des bébés tous les deux. Et je me suis dit, c'est mon choix. D'autres femmes réussissent parfaitement bien à faire les deux. Moi, je partais énormément. Cinq semaines de suite. Je me souviens que mon fils a fait une otite de dingue, il était malade et moi j'étais au fin fond de l'Irak, je n'arrivais pas à avoir de nouvelles, etc. Je me suis dit, je vais arrêter. Je vais arrêter quelques temps, il se trouve qu'à France Télévisions, on a cette chance extraordinaire d'avoir des correspondants permanents, donc j'ai arrêté pour faire un truc formidable. Je suis arrivée, Obama était au pouvoir aux Etats-Unis, c'était juste un cadeau. C'était génial, en plus c'était une aventure familiale, c'est-à-dire que j'ai pu continuer à faire mon métier tout en embarquant ma famille avec moi. Un vrai privilège encore une fois, et juste une parenthèse qui fait que mes enfants ont un peu grandi, et quand on est revenus, on n'avait plus des bébés sous le bras.

  • Aurore Mayer

    Est-ce que vous avez eu une crainte à un moment donné de ne pas pouvoir revenir sur ce que vous faisiez ? Jamais. Jamais ? Vous n'êtes pas dit, est-ce que c'est plus compliqué avec… Non,

  • Maryse Burgot

    parce que moi je suis en plus… D'abord, je suis rentrée, on m'a demandé d'être chargée du suivi de l'Élysée. C'est-à-dire que je n'ai pas tout de suite... On m'a demandé de faire ça. Je n'étais pas très partante. Et puis, bon, comme tout m'intéresse, je me suis dit, pourquoi pas, je vais faire un peu de politique intérieure. J'ai fait ça pendant trois ans. Au bout d'un moment, j'ai dit, bon, en fait, non, j'aime bien, ça m'intéresse la politique, mais je préférerais retourner à ce que j'aime, qui est le vrai reportage. Même si... On fait du reportage en politique intérieure, mais ce n'est pas pareil. Et je n'ai jamais pensé que ce ne serait pas possible. J'ai toujours pensé, en revanche, que j'allais devoir tout recommencer d'une certaine manière et reprouver, oui, c'est vrai. J'ai eu une petite sasse là où j'ai bien senti qu'on me regardait. Elle est partie longtemps quand même, elle. Oui,

  • Aurore Mayer

    donc il y a quand même ce truc.

  • Maryse Burgot

    Mais c'est normal, c'est normal. J'étais partie, donc j'ai refait un peu mes preuves. Il suffit de se... travailler pour refaire ses preuves, je l'ai fait et finalement au bout de quelques mois j'étais repartie comme au départ.

  • Aurore Mayer

    Mais là aussi faire ses preuves, est-ce que alors c'est peut-être une question mais parce que votre mari vous a suivi mais souvent c'est les femmes plutôt qui suivent les hommes, vous voyez souvent dans le schéma un peu habituel.

  • Maryse Burgot

    Non mais lui c'est vraiment un type génial parce que justement il a dit oui pour me suivre. et ça lui a pas posé de problème, il rigolait d'ailleurs en disant moi je suis monsieur, je suis madame quoi dans le couple et c'était pas vrai parce qu'il a lui-même beaucoup travaillé quand on était à Londres et aux Etats-Unis, il s'est fait son chemin, il est très doué pour s'adapter etc. Donc il s'est adapté à cette situation et oui il a accepté de me suivre et c'était un cadeau qu'il nous a fait à moi et aux enfants de partir avec nous parce que... C'était pas évident, il avait son propre job et ça marchait très bien, donc il a fallu tout refaire. C'est très moderne d'être comme ça.

  • Aurore Mayer

    C'est difficile d'avoir l'équilibre, vous pensez, on parle beaucoup, on met pas mal de pression aux femmes aussi, en se disant qu'il faut être très forte à réussir son travail, mais il faut aussi être exemplaire avec ses enfants, il faut aussi être exemplaire en faisant du sport et du bien-être, etc. Il y a beaucoup d'injonctions comme ça, et si on se dit vraiment les choses, est-ce qu'on peut tout faire ?

  • Maryse Burgot

    Ben non, on ne peut pas tout réussir parce que moi j'en ai raté des choses. Donc non, on ne réussit pas tout, bien loin de là. Et élever des enfants c'est très compliqué, c'est très difficile de le faire bien. Donc je suis bien comme tout le monde, j'ai raté des choses et j'en ai réussi d'autres. Oui, il y a une forme d'injonction, moi je la ressens moins maintenant parce que mes enfants sont grands, 23, 20 ans. Et puis finalement, malgré toutes nos galères, parce qu'on est comme tout le monde, tout n'était pas simple. Ils ont grandi bien droit et ce sont deux garçons vraiment, à mes yeux, extraordinaires et formidables. Et puis je sens moins d'injonction. Oui, moi je fais du sport par exemple, mais ce n'est pas parce qu'il y a une injonction à en faire, c'est parce que ça me permet moins d'être bien. Je suis plus à l'aise qu'avant avec tout ça, mais c'est parce que j'ai l'âge que j'ai. Je crois vraiment qu'il y a un moment où ça s'éclaire un peu et où on se met moins, moi je me mets moins de pression pour tout un tas de choses.

  • Aurore Mayer

    On s'affranchit de pas mal de choses avec l'expérience, avec... Ouais, c'est vrai, c'est vrai. Vous montrez à travers votre parcours et à travers votre livre que d'où que l'on vienne, quand on a un objectif ou quelque chose, tout est possible en fait. Qu'est-ce que vous voulez dire par exemple à des personnes qui nous entendraient, qui peut-être se mettent des freins, à des femmes aussi, parce qu'a priori les femmes se mettent plus de freins.

  • Maryse Burgot

    Je ne dis pas que tout est possible, c'est dur, c'est plus dur. Pour certaines personnes qui, par exemple, c'est évident que si on est dans une banlieue française très défavorisée, et qu'on suit ses études dans un collège et dans un lycée tout pourri, c'est quand même plus difficile que si vous êtes née dans le 6e arrondissement de Paris. C'est incontestable. Donc c'est plus dur. Moi, je suis née dans un milieu agricole, par intellectuel, c'était plus dur pour moi, c'est sûr. Je n'avais pas les codes et je n'avais pas la culture. Et la culture est même le... Et ça me poursuivra toujours. Moi, j'ai toujours le sentiment que je ne sais rien, que je ne sais pas assez, que je ne suis pas assez cultivée. Et je vois autour de moi des gens qui ne sont pas plus cultivés que moi, mais qui ont tellement plus d'assurance. Alors, et ça vient du milieu d'où je viens. Tout ça pour dire que c'est sûr que c'est plus difficile, mais c'est possible. C'est possible. C'est plus dur. Mais si on a cette chance, et moi, j'avais cette chance. d'avoir un... et c'est ça la difficulté, c'est d'avoir un rêve, d'avoir une envie, d'avoir un truc qui vous pousse à aller un peu plus loin. Et ça, tout le monde ne l'a pas, tous les jeunes ne l'ont pas. Et c'est là où est la difficulté, c'est que dans le 6e arrondissement, vous allez peut-être l'avoir plus facilement que si vous vivez dans un tout petit bled paumé du fin fond de je ne sais quel département français. Mais si vous avez une petite lumière en vous, il faut la suivre. Et même si on vous dit Non, mais toi, tu ne pourras pas faire ça, il faut quand même essayer. Et ne pas s'arrêter au premier qui vous dit Moi, on m'a dit, ta voix, ce n'est pas possible. J'ai dit Ok, tu vas voir si ma voix, ce n'est pas possible. Bon, je ne dis pas que c'est facile. Je dis qu'il faut s'accrocher à son soupçon de rêve quand on en a un, à ses envies quand on en a une, à son talent, parce qu'on a forcément quelque chose en soi qui ressemble à du talent. qui n'est pas forcément académique, mais... Dans chaque personne, il y a quelque chose qui est du talent. Il faut chercher ça en soi. Ce n'est pas facile, c'est plus difficile quand on vient d'un milieu défavorisé, mais c'est possible. Et si mon livre peut permettre à deux, trois jeunes de se dire En fait, c'est possible, j'aurais gagné quelque chose.

  • Aurore Mayer

    Est-ce qu'il y a un moment quand même que vous avez trouvé dur ? Quelque chose ou alors où vous avez douté ? Dans un endroit où vous êtes allée, où vraiment vous avez hésité à y aller. Est-ce que c'est arrivé ou jamais ?

  • Maryse Burgot

    Non. Vous voulez dire en zone difficile ?

  • Aurore Mayer

    Oui, dans votre... Vous ne me posez pas de questions.

  • Maryse Burgot

    Bon, il y a l'épisode de Jolo où j'ai été otage, qui là est un problème, effectivement, parce que là, il m'arrive un coup dur. Là, c'est incontestable, etc. Et donc là, j'aurais préféré que ceci n'arrive pas. Mais à part cela, non. Parce qu'après, je n'ai pas eu de grosses galères. Il y a des moments, c'est difficile, vous essuyez des tirs, des obus de mortier, vous en sortez, vous êtes vivante. Mais non, je n'ai aucun regret. Et je n'ai jamais envie de ne pas y aller. C'est-à-dire là, sur la Syrie, je n'ai pas pu y aller parce que j'avais pris d'autres engagements. J'aurais aimé y aller, vous voyez. Bon, de toute façon, ce n'est pas très dangereux, la Syrie, finalement, parce que ça se passe plutôt de manière pacifiée, la transition de pouvoir. Mais non, je ne me dis jamais que je n'aurais pas dû y aller, jamais.

  • Aurore Mayer

    Et vous avez été dans des pays où, sur les conditions des femmes et les droits des femmes, c'est très compliqué. Et il y a de plus en plus de pays, d'ailleurs, où on sent que vraiment, c'est compliqué pour les femmes. Quel est votre regard ? C'est peut-être difficile comme question, mais comment est-ce que vous, quand vous y allez, que vous repartez ?

  • Maryse Burgot

    Évidemment, quand vous allez en Afghanistan, moi je suis arrivée en Afghanistan, les talibans venaient de reprendre le pouvoir, et les talibans prétendaient qu'ils allaient s'amender, que ça allait bien se passer pour les femmes, etc. On a tout de suite vu, assez rapidement vu, que ça ne se passerait pas bien. Alors moi, je ne me plains pas du traitement auquel j'ai eu droit. en Afghanistan parce que je sais bien moi que je suis quantité négligeable pour eux. Je me souviens très bien un jour, on a fait une séquence avec des talibans qui descendaient des vanupiés qui descendaient d'une montagne et je me suis dit ah oui, si c'est ça, eux qui vont diriger l'Afghanistan, on est mal partis et j'avais tellement raison. Donc on fait une séquence avec eux, puis à la fin ils veulent faire une photo et ils me poussent littéralement parce que je ne peux pas être sur la photo parce que je ne suis jamais qu'une femme. Moi, ça. Je m'en fiche complètement parce que moi je rentre chez moi dans un pays, et je ne m'en plains pas, c'est moi qui choisis d'aller en Afghanistan, je ne vais pas chouiner parce que le mec ne veut pas que je sois sur la photo, mais je me dis, waouh, les femmes qui vont vivre dans ce pays, et donc oui j'ai de la colère, j'ai de la colère contre cet obscurantisme-là qui fait des femmes des moins que rien, oui j'ai de la colère. Mais ce n'est pas pour moi, parce que moi, j'ai cette chance de vivre ici, dans un pays en paix, qui respecte les femmes, en tout cas qui progresse de ce point de vue, alors que dans ces pays, on régresse.

  • Aurore Mayer

    Oui, bien sûr. Vous pensez ou dites qu'ils progressent, donc ça veut dire qu'on peut encore progresser, même en France ? Il y a un risque de recul sur la parité, sur l'égalité professionnelle ? Vous sentez que les autres ne progressent pas ?

  • Maryse Burgot

    Non,

  • Aurore Mayer

    je crois que les autres ne progressent pas.

  • Maryse Burgot

    Vous pensez qu'on progresse ? Non, on ne pensait pas. Si,

  • Aurore Mayer

    j'espère, oui, bien sûr. Non,

  • Maryse Burgot

    on progresse.

  • Aurore Mayer

    Mais ça reste fragile. Vous qui avez été dans des zones aussi où les droits des femmes n'étaient pas aussi reculés, quand on parle même de l'Iran. Dans les années 60, les femmes étaient...

  • Maryse Burgot

    Moi, je trouve qu'on progresse. Dans nos professions, on progresse, mais par exemple, sur les salaires, on n'y est pas, quand même. La plupart du temps, les hommes qui travaillent à côté de moi, qui font exactement le même travail que moi, gagnent plus d'argent que moi. Encore aujourd'hui ? Mais bien sûr. Quand je suis arrivée en poste aux États-Unis, le... la personne que j'allais remplacer gagnait beaucoup plus d'argent que moi et la personne qui est arrivé après moi gagnait déjà aussi beaucoup plus d'argent or il était moins capé que moi donc je dis mais il ya un problème là quand même ils ont été obligés de ils ont été obligés parce que j'ai dit non mais parce que vous le savez il est sûr je les suis pas ça que j'ai aussi parce que le patron a eu l'honnêteté de me le dire parce que ça les ennuyer quand même c'est à faire mais donc donc ni je pense qu'au niveau salaire on n'y est pas on n'y est pas du tout Je pense que pour les responsabilités qu'on nous confie, on commence quand même à beaucoup progresser. Mais nous, nous nous mettons des freins, nous-mêmes. Parce que moi par exemple, j'ai voulu faire une pause. Quand mes enfants étaient bébés, j'ai choisi d'arrêter d'aller sur les terrains les plus difficiles. Ça m'a permis de faire une parenthèse qui était extraordinaire encore une fois. Mais enfin j'ai un peu arrêté, donc mon salaire a moins progressé. Et j'ai fait ce choix moi parce que je pensais que c'était nécessaire. Mais alors peut-être que les hommes, je le vois d'ailleurs dans mon service, où on a des jeunes hommes journalistes, je trouve que ça, ça change aussi. Et que eux aussi, ils veulent s'arrêter, veulent faire une part. Et que eux aussi, ils suivent leur femme. C'est plus fréquent. Cette génération est en train de bâtir quelque chose de différent, je trouve.

  • Aurore Mayer

    permettra plus légalité justement c'est effectivement si les hommes prennent des pauses tout le monde a droit de prendre une pause sans pour autant être lésé dans son parcours est ce que vous avez des rôles ou un rôle modèle ou des gens qui vous inspire vous maurice burgo ma

  • Maryse Burgot

    mère ouais ma mère c'est mon modèle parce que c'est une quelqu'un qui a beaucoup travaillé et qui n'a jamais été envieuse et elle ne sait pas ce que c'est que la jalousie elle Elle ne sait pas ce que c'est que de dire du mal des autres. Et pourtant, elle aurait pu, vraiment. Elle aurait pu parce que c'est dur la vie qu'ils ont eue. Je parle au passé parce que maintenant, ils sont à la retraite et que donc, bien que leur retraite soit très minimale, c'est passé toutes ces galères de travail. Mais oui, mon modèle, c'est ma mère. Moi, je ne vais pas vous sortir. C'est cette façon qu'elle a eue de travailler toute sa vie. Je n'ai pas envie de dire que tel modèle, c'est tel journaliste ou je ne sais pas quoi.

  • Aurore Mayer

    L'éducation, c'est important, le modèle qu'on a, ce qu'on renvoie.

  • Maryse Burgot

    Oui, et en même temps, je ne vais pas non plus… Ce n'est pas glamour l'éducation que j'ai reçue. Je n'ai pas reçu… On ne m'a pas dit, moi, toute ma vie… On m'a laissée un peu… Mes parents n'avaient pas le temps de s'occuper de nous. Ils travaillaient énormément. On était seules. avec mes quatre sœurs très souvent. Donc, vous voyez, ce n'est pas du tout… Ils n'ont pas été là, mes parents, à nous dire qu'il faut bien travailler le soir à l'école. Ils n'avaient pas le temps pour tout ça. On s'est construit nous-mêmes d'une certaine manière. Donc, je ne dis pas du tout que c'est un modèle. En tout cas, je vois le résultat. Je vois le résultat, c'est que je suis devenue quelqu'un d'assez fort. Donc, je ne sais pas s'il y a des modèles d'éducation. Moi, je fais ce que je peux avec mes enfants. parfaitement tout bien réussi bien loin de là Voyez je suis pas sûr qu'il ya des modèles si vous êtes trop sur vos enfants vous allez les si c'est pas une bonne idée non plus et moi j'ai quand même été laissé assez libre enfin c'est pas assez très libre sorti quand je voulais quand j'avais 14 ans 15 ans je suis pas devenu grande délinquante vous voyez c'est bon je vais à la campagne donc c'est un peu différent

  • Aurore Mayer

    Si vous voulez nous dire un mot sur le journalisme, parce qu'on voit notamment de plus en plus que presque la parole sur les réseaux sociaux a autant d'importance que les médias ou que des journalistes. Qu'est-ce que vous avez envie de nous dire sur ce métier, sur ce qu'est le journalisme, ce que ça représente ?

  • Maryse Burgot

    Oui, il faut qu'on se batte pour expliquer aux gens ce qu'est notre métier. Nous, qui sommes journalistes titulaires d'une carte de presse, ce n'est pas juste un bout de papier. Moi, je représente, j'espère en tout cas représenter, cette profession dont la mission est d'aller quelque part, de rapporter des faits avec le plus d'acuité possible, sans en rajouter. en essayant d'être le plus neutre possible. Mon travail à moi, ce n'est pas de donner mon avis, mon avis n'a aucune importance. En revanche, expliquer ce qui se passe, donner des faits, faire un reportage et laisser aux gens la possibilité de se forger leur opinion et de, eux, donner leur avis après, c'est ça notre métier. Moi, j'aime ce métier qui consiste à s'accrocher aux faits et à raconter ce qui se passe dans les endroits, que ce soit des endroits en guerre ou pas d'ailleurs. Et aider les gens à se forger leur propre opinion, basée sur des faits réels, que j'ai vus moi-même. Je ne raconte pas des choses que je n'ai pas vues. Et ça, c'est précieux, il faut le chérir. C'est l'âme du métier, c'est la beauté du métier, c'est ce qui fait que nos démocraties peuvent rester des démocraties. Et ce ne sont pas des vingt mots et des grands mots.

  • Aurore Mayer

    Et avec tout ce qu'on voit sur Internet des... des mauvaises informations, des fausses informations qui circulent. Comment, selon vous, faire en sorte, je ne sais pas, de faire la part des choses ? Comment vous pourriez dire aux jeunes qui, parfois, n'arrivent plus à faire la part des choses ?

  • Maryse Burgot

    Oui.

  • Aurore Mayer

    Pas que les jeunes, d'ailleurs, peut-être.

  • Maryse Burgot

    Tout le monde.

  • Aurore Mayer

    Tout le monde.

  • Maryse Burgot

    C'est regarder les sources des réseaux sociaux qu'on regarde, quoi. C'est-à-dire... Moi, par exemple, maintenant, je mets mes reportages sur les réseaux sociaux. Je ne le faisais pas avant. Je vais sur Insta, je vais sur ces réseaux sur lesquels je n'allais pas auparavant. Je poste mes sujets parce que j'ai envie que les jeunes les regardent, parce que les jeunes ne regardent pas beaucoup le journal de 20h de France 2. Notre public est vieillissant, malheureusement, et c'est normal, puisque les habitudes des Français changent. Plus personne, ou quasiment... en tout cas chez les jeunes, ne se met à 20h devant le journal télévisé. Donc si on veut aller chercher les jeunes, il faut qu'on aille les chercher autrement.

  • Aurore Mayer

    Merci beaucoup, Maryse Burgot. Et je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle émission d'Appareil Galle. Merci, Maryse. Un grand merci, vraiment.

  • Maryse Burgot

    Avec plaisir. Merci.

Share

Embed

You may also like

undefined cover
undefined cover