- Aurore Mayer
Bienvenue à l'émission À part égale, l'émission du réseau parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai l'honneur de recevoir parmi nous Maxime Ruszniewski. Maxime, bonjour.
- Maxime Ruszniewski
Bonjour Aurore.
- Aurore Mayer
Alors Maxime, vous êtes avocat de formation, mais vous avez un grand parcours parce que vous étiez collaborateur d'Yves Calvi sur RTL, vous avez été journaliste au Grand Journal, à Canal+, vous avez été conseiller au ministère des Droits des Femmes pendant deux ans. de 2012 à 2014 auprès de Najat Vallaud-Belkacem. Vous êtes cofondateur de la Fondation des Femmes. Vous êtes membre du Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes. Vous êtes le fondateur de Remix, la première plateforme de formation sur la diversité et l'inclusion au travail. C'est bien ça. Vous avez publié le petit manuel du féminisme au quotidien aux éditions Marabout et vous avez été élu. L'homme féministe de l'année 2018 par le Club Média Club L. Bravo, félicitations.
- Maxime Ruszniewski
Il fait rire ce titre un peu, mais on pourrait y revenir. L'homme féministe ? Je vous dirai pourquoi j'ai accepté de le recevoir. Alors,
- Aurore Mayer
vous me direz pourquoi. Et d'ailleurs, je vais vous poser une question par rapport à ça. Est-ce qu'il est plus simple, selon vous, d'assumer d'être féministe quand on est un homme que quand on est une femme ?
- Maxime Ruszniewski
Ah, c'est une bonne question. Moi, je pense que déjà, ce qui était compliqué dans le cadre de ce prix pour y revenir, c'était est-ce qu'il est normal d'accepter un prix d'homme féministe ? Parce que finalement, il n'y a pas de prix à recevoir pour ça. on est féministes par conviction. Et j'ai quand même accepté ce prix, c'était le premier d'ailleurs, après il y en a eu d'autres après moi, mais parce que je me suis dit qu'à l'époque, moins le cas peut-être aujourd'hui, mais il n'y avait pas suffisamment d'hommes qui osaient prendre la parole sur cette question d'égalité entre les femmes et les hommes. Et en ça, je trouvais ça intéressant, non pas d'être un modèle, parce que ce n'est pas le sujet, mais de mettre en avant les hommes qui épousent finalement ce chemin, comme j'aime bien l'appeler, vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Et alors, sur la question, est-ce que c'est plus facile ?
- Aurore Mayer
Oui, parce que souvent, les femmes ont un peu de mal à assumer de dire qu'elles sont féministes, parce que derrière, il y a des fois des connotations qui peuvent être perçues. Alors qu'un homme qui se dit féministe, il n'y a pas le même sens qui peut être donné ou perçu. En tout cas, il semblerait. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
- Maxime Ruszniewski
Il y a plus de suspicion. C'est-à-dire qu'un homme féministe, on va dire pourquoi il l'est ? Est-ce qu'il n'est pas intéressé ? Est-ce qu'il ne veut pas se mettre en avant ? Est-ce qu'il a pas fait quelque chose de très grave dans le passé ? Et donc, comme on l'a vu... Il se dit féministe pour essayer de gommer des choses qui ont pu se passer dans le passé. C'est un mélange un peu de tout ça. Moi, j'ai plutôt tendance à dire un truc très simple. C'est que quand on s'assume féministe et qu'en tant qu'un, on le revendique, ça veut dire qu'on a fait des choses. Ça ne veut pas dire qu'on pense des choses. Ça veut dire qu'on les fait, qu'on agit. De la même manière que je ne considère pas qu'on soit automatiquement féministe parce qu'on est une femme, je considère que pour se dire féministe lorsqu'on est un homme ou une femme d'ailleurs, on doit agir au quotidien. Ce n'est pas une question de genre. Autrement dit, on ne naît pas féministe parce qu'on est femme. On naît féministe, on ne naît pas. On naît féministe, E-S-T, parce qu'on agit au quotidien, dans son travail, dans sa famille, auprès de ses ennemis. Et c'est ça, pour moi, la vraie différence. Autrement dit, je pense que ce n'est pas compliqué de se revendiquer féministe, quel que soit son genre, à partir du moment où il y a une conformité entre la pensée et l'action.
- Aurore Mayer
Et les actes. Voilà. D'ailleurs, vous avez dit, vous, vous aviez fait un coming out. C'est ça ? Je suis féminine, je fais mon coming out. Et c'est au moment où, donc, vous aviez pris conscience, vous aviez fait des choses ?
- Maxime Ruszniewski
Oui, c'est ça. En vrai, c'était une anecdote pour commencer un TEDx. Oui, bien sûr. Mais bon. J'ai commencé comme ça en me disant, bon, il me faut un peu une accroche au début. Donc, j'ai dit, voilà, papa, maman, j'ai quelque chose à vous dire de très important sur moi, sur ma vie. Je suis féministe.
- Aurore Mayer
C'était aussi à l'époque, quand même.
- Maxime Ruszniewski
Oui, mais bon, tout le monde s'attendait à ce que je dise en close. Et donc, oui, c'est plutôt un clin d'œil, mais honnêtement, je pense que ce n'est pas compliqué de le dire aujourd'hui. Il y a une part de la société française qui n'est pas féministe du tout. Et il y a une part de la société française qui l'est, mais qui n'ose pas le dire, pour faire écho à ce que vous avez dit juste avant. Et donc, tout ça parce que finalement, il y a une connotation autour du mot féministe qui, je ne sais pas pourquoi, peut être perçue comme péjorative ou trop militante, trop activiste. alors que pour moi, être féministe, c'est ni plus ni moins qu'être pour l'égalité entre les femmes et les hommes. À partir du moment où on épouse cette définition, je pense qu'on peut, en tout cas, pas toutes et tous, mais beaucoup de gens se dire féministes. Je pense que c'est le cas, par exemple, dans votre réseau. Après, il y a des degrés, c'est-à-dire qu'il y a des gens qui vont battre le pavé, il y a des gens qui vont manifester, il y a des gens qui vont faire des actions coup de poing. Parfois, ça aide. Ça n'aide pas toujours. Parfois, pour convaincre des gens un peu récalcitrants, ce n'est pas forcément les bonnes méthodes. En revanche, la radicalité... D'ailleurs, quand on pense à l'étymologie du mot radical, ça veut juste dire, pardon, retour aux sources. La radicalité, ça peut être intéressant, ça peut être utile. Aller dire, par exemple, aux femmes qui se sont battues pour le droit de vote ou pour l'avortement qu'il fallait qu'elles restent gentiment chez elles, à l'époque, elles n'avaient pas d'ordinateur, on n'aurait pas obtenu le droit de vote ni le droit pour l'avortement aujourd'hui. Les actions coup de foin comme ça et les manifestations, c'est utile, mais il faut aussi d'autres formes d'actions. Et c'est pour ça que je pense que le mot féministe recouvre toute cette forme, toute cette pluralité d'actions, à partir du moment, encore une fois, où on fait quelque chose.
- Aurore Mayer
Est-ce que vous pensez que tout ce qui est autour de la vague post-MeToo a changé le rapport entre les femmes et les hommes ?
- Maxime Ruszniewski
Alors, incontestablement, totalement même. Ce week-end encore, j'étais avec des amis pour les 40 ans. d'un de mes meilleurs amis. Et autour de la table, j'aime bien, vous savez, ce genre de week-end parce qu'il y a des gens qui ne pensent pas du tout la même chose. Et c'était compliqué. Et il y avait beaucoup d'hommes qui me disaient, parce qu'ils connaissent mon parcours, etc., on se connaît depuis longtemps, et qui me disent, mais en fait, Max, depuis MeToo, je ne peux plus draguer, c'est terminé. En fait, je ne peux plus séduire. Dès que je prends l'ascenseur, je le fais avec quelqu'un parce que j'ai peur qu'on m'accuse de harcèlement. Dès que je suis en réunion avec une collaboratrice, je laisse la porte ouverte. Donc, en fait, je ne fais pas partie de ceux... qui disent qu'il n'y a pas eu de changement pour les hommes après MeToo. Je pense que le changement, il pourrait être encore plus spectaculaire, c'est-à-dire qu'on n'est pas du tout arrivé à l'égalité réelle, on le sait. En revanche, dans les comportements, dans la manière dont on est en société, dans les petites blagues qu'on fait à la machine à café, vous savez, au dîner de Noël, les hommes font plus attention. Et ça s'accompagne d'une sorte de questionnement, pour dire ça gentiment, de pas mal d'hommes qui se disent est-ce que j'ai encore le droit à la parole ? Est-ce que j'ai le droit de séduire ? Et je pense qu'à ça, à ces questions, il faut répondre avec beaucoup de pédagogie. Il ne faut pas être castrateur, il ne faut pas dire oui, maintenant, le gros porc, c'est terminé Parce que non, la majorité des hommes ne sont pas des gros porcs, ce n'est pas vrai. En revanche, ce qu'il faut expliquer, c'est que la manière de séduire les codes de la séduction et ce qu'on s'autorisait par le passé, c'est en train de disparaître et ce n'est pas plus mal. Parce que moi, je pense qu'un renouvellement de la séduction, des codes de séduction, par exemple, comme au Canada, les femmes vont peut-être plus draguer qu'elles ne le faisaient auparavant, donc... Dans les pays latins, c'est beaucoup les hommes qui prennent cette initiative. Moi, je pense que ça va amener des choses très positives. Donc, je fais vraiment partie de ceux qui voient le post-metoo et la quête vers plus d'égalité comme quelque chose de très positif, y compris pour les hommes, qui peuvent se dire, parfois à raison, je suis en train de perdre des privilèges. Mais ce qu'il faut leur expliquer, enfin, je n'aime pas dire ce qu'il faut leur expliquer, je ne suis pas leur prof, mais je pense que le discours, en tout cas, à avoir, c'est de dire, vous n'allez rien perdre. Et peut-être que certains privilèges vont évoluer, ce qui n'est pas pareil que d'en perdre, mais ça va forcément nous amener vers un monde meilleur.
- Aurore Mayer
Je trouve ça intéressant ce que vous dites. Parfois, les hommes, on les entend, même nous, dans le groupe La Poste, en dehors, ont peur de perdre quelque chose. Est-ce qu'on parle de privilèges ? Est-ce que vous pensez que quand on est un homme, on est d'emblée plus privilégié ? Ou qu'est-ce qu'ils peuvent perdre ? Qu'est-ce qu'ils peuvent gagner ?
- Maxime Ruszniewski
Alors ? Ça, c'est la question du moment. D'ailleurs, c'est marrant parce qu'à côté de Remix, je donne pas mal de conférences dans les entreprises, dans les organisations. Et celle qu'on me demande le plus depuis deux ans, mais c'est un raz-de-marée, c'est ce qu'on appelle la gender fatigue. C'est ce phénomène-là. Tout le monde me dit Ah oui, oui, ça, je veux en parler Parce qu'effectivement, déjà, quand c'est un homme qui parle de ces sujets, ça aide un peu parce que ça permet pour les hommes dans la salle de, c'est bête à dire, mais un peu plus de s'identifier lorsque c'est un homme qui parle d'égalité femmes-hommes. Et donc, ce moment-là, ce moment de partage, parce qu'après, il y a vraiment un partage avec les gens, c'est vraiment autour de cette question du privilège. Et on l'interroge. Et c'est intéressant, en 2024, de s'interroger pour répondre à votre question sur ce que c'est vraiment qu'un privilège. Je donne un exemple. Lorsque les hommes sont invités très fortement à aller chercher les enfants lorsqu'ils sont malades, après l'école, à la place de leur conjointe, parce que c'est vrai que c'est elles qui, en général, font la plus grosse part du gâteau, et bien, finalement, c'est un privilège. Parce que ce sont des moments... qu'ils ne pourront plus jamais avoir avec leur fille ou leur fils, qui ne se rattrapent pas. Et je pense que beaucoup d'hommes, en tout cas de la nouvelle génération, se disent, mais finalement, et c'est vrai, quand on pense à ça, c'est assez vertigineux, dans 30 ans, 40 ans, mes enfants se rappelleront que j'ai été absent, mais par contre, personne ne se rappellera au travail que j'ai fait des heures sub. Et c'est vrai, je suis désolé de le dire, mais en fait, personne ne se rappellera de vous comme celui qui est resté jusqu'à 19h au bureau. Vous, ça va peut-être vous soulager. Peut-être que c'est peut-être pour éviter, d'ailleurs, des plages ménagères. Je n'en sais rien. Mais ce qui est sûr, c'est que personne ne se rappellera. En revanche, votre enfant, en bas âge, lui, elle, se rappellera que son père était moins présent. Donc, je pense que s'interroger sur les privilèges et surtout ce que c'est réellement qu'un privilège, c'est intéressant.
- Aurore Mayer
C'est intéressant, effectivement. C'est quoi un privilège ? C'est inverse.
- Maxime Ruszniewski
Est-ce que tu as forcément gagné un zéro de plus sur sa fiche de paie ? Je ne suis pas sûr de ça.
- Aurore Mayer
Quand je vous entends, c'est vraiment changé aussi nos regards. même profondément sur une transformation de la société et quelque part changer notre regard. Tout et tous.
- Maxime Ruszniewski
Mais j'ouvre une parenthèse, pardon, désolé, mais c'est quand même très important, c'est que ce que je viens de dire, c'est beaucoup plus facile lorsqu'on est cadre que lorsque, par exemple, on a un emploi plus précaire. Admettons, par exemple, un maçon qui est obligé de faire des airs sub pour gagner sa vie ou prenons l'inverse, par exemple, une auxiliaire de ménage qui ne peut pas rentrer chez elle le soir et donc c'est son conjoint qui doit assurer. Donc... C'est plus compliqué. Et c'est pour ça que je dis souvent que l'égalité femmes-hommes ne peut pas se faire réellement sans une réflexion collective sur notre rapport au travail, sur les heures, sur la répartition des temps, etc.
- Aurore Mayer
Ça bouge la société quelque part à tous les niveaux, non ?
- Maxime Ruszniewski
Oui, ça bouge, y compris même dans nos foyers.
- Aurore Mayer
Dans nos foyers, même dans l'intime.
- Maxime Ruszniewski
Mais bien sûr, c'est-à-dire que MeToo, c'est intéressant d'ailleurs parce que MeToo, c'est venu du cinéma. Donc, en fait, quand la différente MeToo est arrivée, je pense que beaucoup de gens se sont dit Ouh là là, c'est le Cinoche, c'est Hollywood, c'est loin, c'est les paillettes, etc. Et en fait, c'est venu complètement comme un effet, comment dire, boule de neige, quoi. Et ça a tout renversé. Et d'ailleurs, j'insiste vraiment sur le fait qu'il faut faire preuve de pédagogie, parce que quand c'est mal fait, ça peut être contre-productif. La puissance que Donald Trump a dans la société américaine par rapport à ce qu'il véhicule en termes de valeur d'égalité femme-homme, je ne veux pas faire de la politique, mais sur l'égalité femme-homme, on ne peut pas dire que Trump s'épouse de la cause féministe, ce serait vraiment mentir. Ça doit poser question. Le fait qu'il y ait autant de jeunes hommes qui votent Trump, ou encore beaucoup de femmes. Ça veut forcément dire quelque chose, et ça, j'insiste vraiment sur quelque chose qu'on aurait raté, collectivement, sur comment on peut expliquer de la manière la plus inclusive, de manière la plus positive, l'égalité entre les femmes et les hommes, et sans que les gens se sentent oppressés, comment dire, émasculés. J'entends des chaises complètement dingues sur on n'est plus des hommes, on va transformer les filles en garçons, on est castrés. En fait, c'est rien de tout ça, le féminisme. Mais ça oblige celles et ceux qui prennent la parole, comme là on est en train de le faire aujourd'hui, à vraiment faire preuve de pédagogie et ne pas balayer d'un revers de main celles et ceux qui vont nous dire Ah, moi je ne suis pas féministe, de toute façon je ne supporte pas ces combats, c'était mieux avant. Si on nous oppose ces arguments, il y a deux écoles. Soit on réagit de manière très virulente et on les perd, soit on essaie de comprendre d'où viennent ces craintes. Et je donne un dernier exemple pour terminer, j'en parle dans mon livre, j'aime bien cet exemple. C'est l'exemple des tâches ménagères. Si demain, vous en avez marre de ramasser les chaussettes sales de votre conjoint ou de laver le sol pour la quinzième fois du mois alors que lui n'a rien fait, je pense que si vous créez une énième embrouille avec lui, je doute qu'à un moment donné, il vous regarde en vous disant Mais oui, chérie, t'as raison, en fait, je suis vraiment complètement abruti. Je n'ai pas fait la serpillère depuis trois semaines. Alors qu'il vient de se faire hurler dessus. En fait, cette scène n'arrivera jamais. Je vous le dis parce que j'en parle beaucoup avec mes amis. Ça n'arrivera jamais. En revanche, si... on change, et je sais que c'est pas évident parce que parfois on a envie d'exploser, mais si on change la manière dont on s'adresse à l'autre, avec beaucoup plus de, parfois même d'ironie, d'humour ou de calme, si on inclut par exemple aussi les enfants dans la répartition des tâches ménagères dans la maison, si on les objective, c'est-à-dire que si on quantifie ce que fait chacune et chacun, il n'y a plus trop de place à l'embrouille. En tout cas, on peut, mais là c'est compliqué de la part de celui ou de celle qui a de mauvaise foi parce que quand on objectifie les choses, on arrive vraiment à plus de résultats.
- Aurore Mayer
Est-ce que l'éducation aussi, je crois que vous êtes très sensible à ça, l'éducation a un rôle à jouer ? Il y a l'intime, il y a dans la maison, il y a dans le foyer, mais parfois, dans le foyer, ce n'est pas toujours évident non plus. Est-ce qu'il faut aller à la source auprès des plus jeunes ? Ça se prépare tout petit ?
- Maxime Ruszniewski
Bien sûr, il n'y a pas beaucoup de leviers, finalement, pour faire l'égalité. Il y a la culture, évidemment, pour y revenir, qui est hyper importante. Il y a l'entreprise, la formation. Moi, j'en ai fait mon travail. Et il y a l'éducation. Et... Et l'éducation, oui, c'est plus qu'important. C'est la clé de voûte. Parce que si on veut préparer les nouvelles générations, ça se joue très tôt. Là, j'ai envie de dire, pour les gens, par exemple, de mon âge, j'espère que ce n'est pas trop tard, mais c'est compliqué. C'est-à-dire que pour essayer de convaincre quelqu'un qui est masculiniste, ça va être chaud pour parler vulgairement. Alors que pour un enfant, effectivement, c'est l'âge. Mais il faut le faire de manière très habile. il faut trouver des modules qui sont adaptés à chaque tranche d'âge. Là aussi, il faut faire preuve de pédagogie. On a entendu tout et n'importe quoi à ce sujet. On a entendu que faire l'égalité dès le plus jeune âge, c'était vouloir transformer les filles en garçons, faire la théorie du genre, des trucs qu'on n'a jamais trop compris. Mais en fait, tant qu'on fait du bruit, ça évite de faire les choses. Or, ce qu'il faut rappeler, et ça, pour les gens qui nous écoutent, c'est très important, c'est que, tout à l'heure, je parlais d'actes, l'égalité... dès le plus jeune âge, c'est une obligation du code de l'éducation. Et ça date d'il y a très longtemps. Et d'un gouvernement d'ailleurs qui était assez conservateur. Donc, c'est extrêmement important de savoir que si votre enfant demain n'a pas cette session de sensibilisation, vous êtes en droit de l'exiger. Parfois, il y a des parents qui disent je n'ose pas trop aller voir la maîtresse et tout Allez-y à plusieurs. parlez-en à d'autres parents d'élèves. Maintenant, il y a des boucs WhatsApp. Moi, je n'ai pas d'enfants, mais je sais que les parents d'élèves me comprennent. En général, il y a des boucs WhatsApp. Parlez-en à d'autres parents et allez voir les enseignants pour voir si c'est fait de manière juste curieuse. De dire, voilà, je sais qu'il y a cette obligation-là. Qu'est-ce qui a été fait pour mon enfant ? Et vous verrez que ça crée des discussions. Et après, dans les actes, on passe vraiment à la sensibilisation. Et pourquoi c'est absolument nécessaire ? Parce que... Les enfants, ils font très tôt l'expérience des inégalités. Dans la cour de récré, quand on dit à une petite fille t'as pas le droit de jouer au foot en fait, elle a le droit, mais dans les faits, elle n'a pas le droit. Et donc, dès l'école, finalement, il y a cet apprentissage à l'échelle de maux-mains de ce que sont les inégalités. C'est pour ça qu'il faut agir vraiment très vite.
- Aurore Mayer
En fait, t'as le droit, mais t'y as pas accès, et on t'empêche d'avoir accès. On peut faire le parallèle avec certains types de postes, certaines... position dans les entreprises, notamment. Et vous le dites très justement, il y a l'éducation, il y a la culture, il y a l'entreprise, le monde de l'entreprise aussi. Alors là, on a plutôt affaire à des adultes. Comment on s'y prend pour sensibiliser dans le monde de l'entreprise ?
- Maxime Ruszniewski
Alors, on mesure, encore une fois, sensibiliser, former, c'est deux choses différentes. On a plutôt tendance à dire qu'il faut sensibiliser le grand public, c'est-à-dire la masse des salariés, et former les managers. J'avais encore une discussion de ce matin avec une collègue. Nous, par exemple, chez Remixed, on fait les deux. On permet justement de donner l'essentiel des connaissances sur ce qu'est le sexisme, le harcèlement sexuel, le harcèlement moral, enfin, tous les sujets diversité et inclusion. Mais aussi, là, on est en train de travailler sur des programmes un peu plus positifs, qui ne parlent pas que des règles et plutôt des délits. Par exemple, là, on va faire un parcours sur la mixité des métiers, parce qu'on voit, et j'en parlais avec la responsable dans le groupe SNCF qui s'en occupe, qui est très passionnée par ces sujets, qu'on a parfois des métiers qui ne trouvent pas preneur parce qu'une femme ne s'imagine pas machiniste, ou à l'inverse, un homme ne s'imagine pas auxiliaire de vie ou de ménage dans une entreprise parce que c'est un homme ou parce que c'est une femme. Donc, former à ces sujets, c'est essentiel. Et le mesurer, c'est-à-dire essayer de voir en une année combien de personnes ont suivi ces parcours, qu'est-ce que ça a changé chez eux, etc. Après, il y a bien d'autres méthodes. Il y a le mentorat, dont on parle beaucoup en ce moment, qui permet à des femmes avec des hautes responsabilités d'être en relation avec une autre femme qu'elle va porter tout au long de sa carrière. Je pense même que le sponsorship, c'est encore plus efficace. C'est-à-dire que quand on se porte garant, pour un poste d'une autre personne, pourquoi pas la mentorer. Donc ça, ce sont des méthodes qui fonctionnent. De manière générale, en fait, tout ce qui est sensibilisation, formation, groupe de parole, théâtre forum aussi, ça marche très bien pour que par la créativité, le jeu, les salariés prennent conscience de leurs biais, des stéréotypes. Tout ça fonctionne très, très bien. Moi, je suis très pour la politique des petits pas. C'est-à-dire qu'on n'arrivera jamais à un comex avec 50% de femmes quand on part de 10, ça n'existe pas. En revanche, on peut mesurer les progrès et on a vu qu'il y avait des progrès. Souvent grâce à la loi, il faut le dire. Sans la loi, ça aurait été moins vite. Mais il y a des progrès sur la parité, pas dans tous les groupes, mais ça commence à faire son chemin. Oui,
- Aurore Mayer
nous, on a un réseau de parité, on a des hommes et des femmes, d'ailleurs, il s'appelle Parité, on emmène les... Les hommes, c'est important. Donc, c'est important pour nous aussi d'avoir justement votre témoignage, parce qu'il y a des hommes vraiment qui sont très engagés. Mais comment on fait quand même concrètement quand il y a des filières où on voit, on a des problématiques dans le numérique, dans le Etsy, dans la logistique. Et quand les femmes se sentent en minorité, on sait qu'elles ont, enfin toutes les minorités d'ailleurs, quand il y a moins de 30%, me semble-t-il, de personnes dans une communauté, elles ont du mal à se sentir à l'aise, etc. Donc, être... à la haute autorité, l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est des choses que vous percevez bien. Comment on arrive à faire ces changements profonds ? Parce qu'effectivement, moi, je l'entends souvent, on me dit oui, d'accord, mais je n'en vois pas Et quand j'en ai, elles ne se sentent pas à l'aise et donc elles partent.
- Maxime Ruszniewski
Alors, il y a deux cas de figure. Sur le cas de figure où elles ne se sentent pas à l'aise, elles partent ou elles ne prennent pas les responsabilités, je vais y revenir, mais sur le premier cas, on ne peut pas tout demander à l'entreprise. La poste ne peut pas... inventer des ingénieurs qui n'existent pas. J'ai fait une conférence il n'y a pas longtemps au Maroc, il y a beaucoup plus de femmes ingénieurs proportionnellement qu'ici en France. Donc ça, ça ne repose pas sur la poste, ça ne repose pas sur les entreprises, ça repose sur l'éducation, encore une fois on y revient, sur l'orientation des enfants des plus jeunes âges, la question de la sensibilisation à la mixée des métiers, c'est ce dont je parlais tout à l'heure, qui est vraiment un parcours chez Remix qu'on va faire dès janvier parce qu'il a été pré-demandé par nos clients, c'est-à-dire prendre conscience des biais qu'on a. sur certains métiers, puisque la formation, c'est aussi tout au long de la vie. On peut se reconvertir, on n'est pas obligé de le faire au plus jeune âge. Donc cette question-là, elle repose davantage finalement sur les pouvoirs publics, sur les écoles et sur les familles, parce que ça marche aussi en famille. Quand on dit à sa fille Oh non, je te vois beaucoup plus faire des lettres, ça te correspond beaucoup mieux ben non, en fait. Vous savez, c'est l'anecdote de la petite fille qui joue avec un avion dans un magasin de jouets. Et la vendeuse lui dit Oh, t'es trop mignonne, tu veux devenir hôteuse de l'air ? Et elle la regarde et elle lui dit Ben non, je veux être pilote. Et donc, je pense, j'adore cette blague, parce qu'elle dit vraiment la réalité de nos stéréotypes. Et après, il y a la question de ce que peut faire l'entreprise. Et effectivement, c'est compliqué parce que, vous avez Stéphanie, pour qui j'ai travaillé, elle, elle avait proposé que à des femmes d'être postes d'inspecteurs de l'éducation nationale. Et elle n'avait eu que des refus. Alors qu'elle m'a dit, si j'avais envoyé les mêmes invitations à des hommes, je n'aurais eu que des oui. Et il y a plusieurs freins. Il y a l'autocensure, il y a le fait que c'est moi qui m'occupe encore des enfants, donc si je rentre trop tard, ça ne va pas le faire. Donc on voit finalement que tout se tient et que sans les hommes, effectivement, qui prennent leur part dans ce combat pour l'égalité, ça va être très compliqué d'y arriver toute seule. Mais il y a quand même des... Enfin, même si... Les femmes, très souvent, sont armées pour y arriver. Mais ce que je veux dire, c'est que comme les hommes détiennent encore les postes à responsabilité dans les entreprises, de manière majoritaire, c'est factuel, on a besoin d'eux aussi, justement, pour... inciter vraiment les femmes à prendre ces postes. Et alors, je donne un exemple très concret à mettre en œuvre, parce que j'ai une amie qui est très féministe, qui dirige une très grande compagnie d'assurance qui s'appelle Valentine. Je vais enverrer le podcast pour qu'elle soit contente, parce qu'elle m'a raconté ça la semaine dernière. Salut Valentine ! Et elle a beaucoup de salariés, et elle me disait pareil, même problème, les femmes ne veulent pas prendre les postes. Et alors, ce qu'elle a fait, je trouve ça hyper intelligent, elle leur dit, prenez-le, je vous paye et... de toute façon, à ce poste de responsabilité. Et si vous ne le prenez pas... Non, pardon, gardez votre poste actuel, commencez à prendre le poste suivant. Et si, finalement, vous considérez que vous êtes fait pour ce poste, je vous paierai rétroactivement, comme si vous aviez été manager depuis le début. Comme ça, ça ne met pas la pression, parce qu'en fait, sans faire, on est toujours dans le fantasme de je n'y arriverai pas Et finalement, petit à petit, quand on prend ce poste de manager, on se rend compte que, ok, je suis capable de le faire, je sais gérer. Peut-être même que je gère mieux mon temps que d'autres avant moi. Je fais peut-être moins de présentéisme, mais j'assure autant dans mes tâches. Mais après, il y a aussi un devoir de la part des CEOs, des grands patrons, de laisser une chance aux femmes qui, peut-être, managent différemment des hommes. Là, je pense par exemple à une autre amie qui a dû quitter son poste de CEO précipitamment parce que, vraiment, elle ne lui a pas fait confiance au bout de très peu de temps. Et c'était juste... une autre manière de manager. Donc, il faut aussi changer nos codes pour permettre à des personnes qui n'ont pas forcément accès au poste à responsabilité jusqu'à maintenant, de l'exercer, de voir les résultats. Et d'ailleurs, souvent, on voit, c'est même montré dans les études, que les femmes sont des meilleures gestionnaires. Ça, c'est une étude de genre, par exemple, qui est intéressante, qu'elles dépensent de manière plus pragmatique, qu'il y a moins de failles d'entreprise. Donc, c'est vraiment gagnant-gagnant, finalement.
- Aurore Mayer
Alors Maxime, vous avez parlé de sponsorisme, de mentorat. Est-ce que vous, vous avez des rôles modèles, par exemple ? Des femmes ou des hommes ?
- Maxime Ruszniewski
Ah oui. Alors, c'est forcément des gens que je côtoie ou ça peut être des... Qui vous voulez ? Moi, par exemple, j'ai un rôle modèle dans la vie. Dès que je ne vais pas bien, je pense à elle. C'est Malala, une crise nouvelle de la paix. Vous savez, cette militante très jeune qui a été laissée pour morte par les talibans parce qu'elle se battait pour l'éducation des petites filles dans son pays. Vous voyez, là, j'en parle, j'ai la chair de l'autre. En fait, Malala, dès que je... pense à mon combat, dès que je pense... Enfin, j'aime pas le mot combat parce qu'il peut paraître un peu clouvant, mais à mon engagement, voilà. Et pourquoi je fais tout ça ? Je pense à elle. Et surtout, dès que je me plains, je pense à elle. Parce que je me dis, alors, elle, elle était... Elle est pakistanaise, mais je crois que c'est en Afghanistan qu'elle a été laissée pour morte. Elle a continué à se battre. Elle a été profondément aussi physiquement dans son intégrité, atteinte par évidemment cette attaque. Et elle continue, elle a eu le prix Nobel, et elle lâche rien. Oui,
- Aurore Mayer
quel courage !
- Maxime Ruszniewski
Évidemment, moi, c'est vraiment mon modèle. Après, des gens qui m'inspirent, mais il y en a plein, évidemment, dans mes lectures. J'adore lire et relire Bell Hooks, par exemple, qui est cette écrivaine, autrice militante, noire américaine, qui nous a quittés il n'y a pas très longtemps. Et donc, ces livres, je vous invite vraiment à les lire, comme La Volonté de Changer, qui nous donne vraiment cette idée que les hommes aussi font partie du chemin vers l'égalité et qu'il faut les inclure. et les aimer, tout simplement. Ça paraît banal, mais voilà, il faut aimer tout le monde, enfin tout le monde, on va dire, celles et ceux qui épousent nos thèses ou pas d'ailleurs, mais qui sont aptes à changer et à continuer ce travail. Donc voilà, Belle Hooks en fait partie aussi. Et puis sinon, vous avez rappelé que je suis juriste de formation, donc des personnes comme Gisèle Halimi, évidemment, pour moi, sont très inspirantes, ou Simone Veil. En fait, de manière générale, ce sont ces femmes ou ces hommes aussi, puisqu'il y en a, qui vraiment n'ont rien lâché. Parce que c'est ça qui est dur dans la vie, c'est que quand on a un genou à terre, on pourrait se dire, waouh, là c'est trop dur, j'arrête. Et on voit bien que l'histoire, que les grandes femmes et les grands hommes de l'histoire sont celles et ceux qui n'ont pas décidé d'arrêter justement au premier échec. Ça paraît très banal ce que je dis, mais moi c'est vraiment ces gens-là qui m'inspirent.
- Aurore Mayer
Bien sûr. Effectivement, c'est très inspirant. On le voit encore aujourd'hui. L'international, c'est compliqué. Et on a toujours des femmes aussi inconnues qui, parfois, font des preuves vraiment d'actes courageux et qui se battent au risque de leur vie. Ce qu'on n'a pas, effectivement, en France. On a cette chance, mais... Bien sûr.
- Maxime Ruszniewski
Aux États-Unis, il y a des femmes qui meurent parce qu'elles ne peuvent plus avorter. Si on nous avait dit ça il y a 30 ans, personne ne l'aurait cru, mais personne. Et c'est de nouveau là en 2024. En fait, ça montre à quel point sur l'égalité femmes-hommes, et ça, c'est très important. Vraiment, d'ailleurs, si les gens qui nous écoutent ne pouvaient retenir que cette phrase-là, vraiment, il faut se dire que chaque acte du quotidien compte. Parce qu'en fait, en face, ceux, parce que c'est souvent des hommes, mais il y a aussi des femmes, mais celles et ceux qui ne veulent pas que l'égalité réelle se fasse, qu'elle soit salariale, qu'elle soit au niveau de l'intégrité des personnes, la fin des violences faites aux femmes, il y en a beaucoup qui ne souhaitent pas ça. Ça paraît absurde pour beaucoup, mais il y en a énormément qui ne le souhaitent pas. Et donc, il faut qu'à notre niveau, on ne lâche rien. Vraiment. Après, selon des modalités différentes, encore une fois, on ne peut pas imiter justement ceux d'en face et faire preuve de beaucoup plus de pédagogie et d'inclusivité, ce dont je parlais tout à l'heure. Mais il ne faut rien lâcher. Il ne faut pas baisser les bras. Et surtout, il faut y aller à plusieurs. Moi, je crois beaucoup à cet esprit de force, en fait, de groupe, et de se dire, on en parlait pour les parents d'élèves, Et de se dire, on va se déplacer ensemble en collectif pour essayer de faire bouger les lignes. Parce que, comme le disait la ministre pour qui j'ai travaillé, et je crois qu'elle-même le tenait d'illustre autrice sur le sujet, en matière de droits des femmes, quand on ne se bat pas, on ne stagne pas, on n'avance pas, on recule. Donc, le fait de ne pas faire... nous fait faire un pas en arrière. Et c'est vraiment ce qui s'est passé avec les États-Unis.
- Aurore Mayer
Il faut toujours être en alerte, en veille, être actif. C'est ce qu'on essaye de faire, nous, à La Poste, au réseau Parité, avec les hommes et les femmes du groupe, avec cette émission, par exemple, et avec des personnalités comme vous qui nous font réfléchir, avancer. Donc, un grand merci, Maxime, pour cet échange.
- Maxime Ruszniewski
Merci de l'invitation.
- Aurore Mayer
Et puis, je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un prochain épisode d'À part Égale. Merci, Maxime.
- Maxime Ruszniewski
Merci, Aurore.