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Harmonies Égalitaires avec Zahia Ziouani, cheffe d’orchestre cover
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À part Égale

Harmonies Égalitaires avec Zahia Ziouani, cheffe d’orchestre

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32min |13/02/2025
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32min |13/02/2025
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Description

Rejoignez-nous pour une conversation inspirante avec Zahia Ziouani, l'une des rares femmes cheffes d'orchestre en France, où elles représentent moins de 4 % .

 

Zahia a notamment dirigé l'orchestre lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024.

Dans cet épisode, elle partage sa vision d'un accès égalitaire à la culture, ses initiatives pour rendre la musique accessible à toutes et à tous, notamment dans les milieux urbains et ruraux.


 Elle nous parle de son parcours en tant que femme, de son engagement pour la parité et la diversité, ainsi que de la richesse qu’apporte le fait de ne pas rentrer dans des cases et de développer sa singularité.

 

Ne manquez pas cet échange passionnant !


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue à l'émission À part égale, l'émission du réseau Parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai la joie d'accueillir parmi nous Zaya Diwani. Bonjour.

  • Speaker #1

    Zaya,

  • Speaker #0

    bonjour. Alors Zaya, vous êtes chef d'orchestre depuis bien longtemps maintenant. Vous avez démarré, vous êtes une des plus jeunes, je crois, chefs d'orchestre que vous aviez démarré. Vous étiez très jeune.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Et vous avez un parcours incroyable, très singulier, et une vraie singularité de votre... parcours et de votre orchestre aussi divertimento. Vous dites que c'est l'orchestre, il me semble, des territoires urbains et que pour vous la musique c'est comme la citoyenneté, ça permet l'inclusion, un peu comme nous d'ailleurs à La Poste. Pourquoi est-ce que c'est important pour vous de mettre la musique classique au cœur des territoires ?

  • Speaker #1

    Et bien c'est important pour moi, alors c'est l'orchestre des territoires urbains mais ruraux aussi parce que voilà... On a été très attachés, alors même si notre histoire avec l'Orchestre divertimento, elle s'est écrite en Seine-Saint-Denis dans un premier temps, ensuite plus largement région Île-de-France, et on a commencé à être invités en effet dans d'autres territoires en France qui avaient envie de développer une dynamique autour de la musique classique. Et c'est vrai que moi je suis très attachée à ça parce que j'ai grandi en Seine-Saint-Denis et j'ai eu la chance de découvrir la musique parce que mes parents étaient très mélomanes, très curieux, et donc on sortait beaucoup. notamment de notre quartier de Pantin, pour après aller voir des concerts, des expositions, visiter des monuments. Donc pour moi, ça a été vraiment très enrichissant, cet accès à l'art et à la culture. Et en même temps, je me posais toujours la question en disant, mais pourquoi pas dans ma ville ? Pourquoi pas dans mon département ? Et j'ai eu envie de donner du sens à ce projet de divertimento. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, évidemment, on se produit aussi... dans des grands auditoriums et grandes salles de concert, mais on passe aussi beaucoup de temps, et ça nous tient à cœur, d'être au cœur des territoires urbains et ruraux, et de faire en sorte que la musique classique soit accessible à tout le monde, parce que c'est beau, la musique est belle, elle procure beaucoup d'énergie, et on a envie de partager ça avec tout le monde. Moi, ce que je trouve intéressant, c'est que, souvent, surtout dans la pratique de la musique classique, pendant très longtemps, elle était présente dans des grandes salles de concert, très identifiées, avec... des personnes qui avaient l'habitude d'aller au concert. Et c'est vrai que pendant longtemps, on n'a pas trop réinterrogé ça. Et moi, quand j'ai découvert la musique classique, j'étais enfant, et j'étais passionnée par cette musique. Alors, on en écoutait aussi d'autres à la maison, mais je dois dire que moi, si j'avais envie de me faire plaisir, j'adorais mettre des symphonies de Mozart ou de Beethoven que j'avais découvertes avec mes parents et qu'on aimait bien écouter avec notre père notamment. Et donc, ce qui fait que... Moi ce que j'avais envie c'était de ressentir de nouveau ces émotions et surtout à la fois la beauté et la puissance de l'orchestre. Quand j'étais plus jeune, je n'arrivais pas trop à analyser pourquoi, maintenant je le sais un peu plus, mais à cette époque, moi ce que j'avais envie c'était de ressentir en effet toute cette énergie de l'orchestre. Et donc c'est vrai qu'on sait que dans nos territoires aujourd'hui en France, on a la chance de vivre dans un pays où il y a plein de belles choses, mais il y a aussi beaucoup d'inégalités, on les connaît sur l'accès à la santé, les transports. sur la mobilité, sur plein de sujets. Et la culture aussi en fait partie. Et donc je me suis dit, il faut que Divertimento soit singulier à plusieurs titres. D'un point de vue artistique, il faut qu'on puisse proposer des nouvelles idées et qu'on puisse aussi aller au contact des habitants. Et c'est ça que j'ai souhaité développer avec l'ensemble des musiciens de l'orchestre et ce qu'on fait aujourd'hui tous les jours.

  • Speaker #0

    Vous pouvez nous en dire plus sur le pourquoi vous aviez cette envie très jeune de découvrir cette musique et d'aller vers ce... cet environnement musical plutôt classique.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'en fait, moi, j'ai toujours déjà beaucoup écouté la musique à la maison. Et avec mes parents, ça faisait partie de notre environnement quotidien de lire et puis d'écouter de la musique. Et c'est vrai que même si mon père était aussi passionné de jazz, de pop, de musique du monde arabe, avec mes parents, on en écoutait aussi beaucoup. Mais c'est vrai que c'était la musique classique qui m'a passionnée. Et c'est vrai que moi, ce qui m'a plu tout de suite, c'était de ressentir en effet ces émotions et ce côté très vivant de cette musique symphonique. Et c'est que plus tard, en effet, en faisant moi-même, en pratiquant des instruments, que j'ai découvert cet univers de l'intérieur. Alors, j'ai joué d'abord de la guitare, mais sans savoir qu'il n'y avait pas de guitare classique dans les orchestres. Et quand j'ai commencé à pratiquer cet instrument, j'étais passionnée toujours de musique. J'ai adoré cet instrument, mais... Moi j'avais envie de jouer dans l'orchestre, mais je ne savais pas qu'en choisissant cet instrument, on ne pouvait pas jouer dans les orchestres symphoniques. Et donc j'ai décidé ensuite de pratiquer un deuxième instrument qui est l'alto. Et c'est en pratiquant l'alto qu'en effet j'ai pu jouer dans les orchestres et découvrir ce métier de chef d'orchestre. Donc je dois dire que c'est vrai que la musique classique et la musique symphonique, c'est ce qui m'a toujours fait vibrer et que j'ai envie de partager aujourd'hui dans mon métier de chef d'orchestre. Et c'est pour cette raison que j'ai décidé à la fois de... d'être chef d'orchestre et de diriger les grandes oeuvres, mais aussi de passer du temps pour la partager avec les jeunes et puis aussi tous les habitants qu'on rencontre tous les jours.

  • Speaker #0

    Zahia, il me semble qu'il y a moins de 4% de femmes chefs d'orchestre, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Il y a en effet moins de 4% des chefs d'orchestre, des chefs d'orchestre qui sont des femmes. Et c'est vrai que traditionnellement, dans l'histoire de l'orchestre symphonique, même en Europe, si on regarde des images d'archives des années 50, 60, 70, même 80, on voit soit pas du tout de femmes, soit une ou deux. Pendant très longtemps, elles étaient interdites dans les orchestres. Ça fait partie de ces réalités, comme dans notre société, où les femmes…

  • Speaker #0

    Elles étaient interdites.

  • Speaker #1

    Oui, oui, avaient accès plus tard au fait de pouvoir voter ou d'ouvrir un compte en banque toute seule. Bon, ben voilà, ça fait partie de notre histoire, c'est comme ça. Et donc, c'est vrai que, de fait, s'il n'y a pas beaucoup de femmes dans les orchestres, la personne qui incarne l'autorité dans l'orchestre le plus, c'est le chef d'orchestre ou la chef d'orchestre. Donc forcément… on voit moins de femmes parce qu'il y avait aussi certaines idées reçues sur le fait qu'une femme n'avait pas forcément de l'autorité pour faire face à un orchestre ou que le fait d'être maman n'était pas compatible avec le métier de chef d'orchestre. Donc même dans la formation des chefs d'orchestre, c'est arrivé vraiment plus tardivement que les femmes puissent avoir accès à la formation conservatoire, notamment de Paris. Donc c'est ça qui aussi justifie, enfin justifie en tout cas, qui permet de comprendre pourquoi. on n'a pas vu, il y a eu aussi peu de femmes. Et puis voilà, c'est comme aujourd'hui, même si on regarde dans d'autres domaines, les chefs d'entreprise dans les entreprises du CAC 40, ou même dans le milieu politique, on voit encore qu'il y a beaucoup de chemin à faire pour qu'il y ait la parité. Donc ça, c'est vrai que c'est un vrai sujet. Et ce qui fait que les quelques femmes que nous sommes aujourd'hui à évoluer dans le paysage musical, les 4% dont vous parlez, il y en a quelques-unes qui sont, où on est aussi chef d'orchestre, invité des orchestres. Et on a quasiment toutes dû créer nos propres orchestres pour pouvoir exister. Et en fait, ce qu'il faut avoir en tête, c'est qu'en France, il y a beaucoup d'orchestres, et des orchestres nationaux notamment, et régionaux, qui sont financés par les pouvoirs publics. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, on ne voit pas encore beaucoup de femmes à la tête de ces orchestres-là en tant que directrices musicales. Alors oui, en tant que chef d'orchestre invité, et de plus en plus, et c'est déjà un très bon chemin, mais il n'y a pas de raison qu'on ne confie pas la direction d'un orchestre, parce que... Quand on est directeur ou directrice musicale, ça nous permet de pouvoir choisir les oeuvres, de créer une ligne artistique, de recruter les musiciens. Donc on n'est pas du tout dans la même dynamique et le même positionnement que quand on vient juste diriger quelques jours un orchestre sur lequel on n'a pas la possibilité de choisir les oeuvres ni les musiciens. Voilà, ce n'est pas du tout la même chose. Et donc je dois dire que ça c'est une première chose, une réalité qui est encore assez forte. et qu'il faudrait changer. Et la deuxième, c'est qu'en effet, il y a des salles de concert comme la Philharmonie de Paris qui font plus d'efforts pour pouvoir inviter les femmes, en tout cas des programmations avec des femmes chefs d'orchestre. Et ça, il y a même un concours qui s'appelle la Maestra qui a été développé pour justement mettre en valeur les femmes chefs d'orchestre. Mais par contre, si on regarde aujourd'hui la saison de l'Opéra de Paris, on voit une saison entière sans une femme qui dirige. Et pourtant, c'est une des plus belles. Alors, c'est un lieu très prestigieux avec un magnifique orchestre, de très belles programmations. Mais aujourd'hui, partout dans le monde, on trouve des femmes metteurs en scène, des femmes compositrices, des femmes chefs d'orchestre de grands talents. Et moi, je trouve fort dommage que dans un, peut-être un des établissements les plus financés en France par de l'argent public, on renvoie cette image de « pas aucune femme » . Donc, il faut être exemplaire dans ces lieux-là. Et c'est peut-être les progrès, les chemins à faire. aujourd'hui dans notre milieu artistique.

  • Speaker #0

    Donc vous pensez que c'est encore difficile aujourd'hui, si vous n'aviez pas vous créé votre orchestre, est-ce que vous pensez que vous auriez pu avoir cette même carrière, cette même visibilité ?

  • Speaker #1

    Ah, clairement pas du tout. Ah, clairement pas du tout. Et je trouve que c'est encore difficile pour moi, j'ai envie de dire aussi difficile que quand j'ai commencé. Après, ce fut... Ah oui ? Ah oui, oui. Malgré que vous ayez fait la clôture des JO. C'est des difficultés qui sont différentes, c'est-à-dire que moi, quand j'évolue dans ma carrière, en fait, à chaque fois, on est face à... à de nouveaux challenges, des nouveaux défis, des nouvelles étapes. C'est un peu, peut-être pour que ceux qui nous écoutent comprennent, c'est un peu comme si on crée son équipe de foot et qu'on est en régionale, puis après on passe en nationale, puis après on passe en Ligue 2, en Ligue 1, en Ligue des champions. On sait que chaque nouvelle étape, chaque nouvelle dimension, elle va apporter à la fois son lot de satisfaction et puis son lot de difficultés. Du coup, j'ai l'impression un peu de vivre ça, c'est-à-dire qu'à chaque fois que je rentre dans cette nouvelle dimension, d'avoir d'autres difficultés qui se présentent et qui sont encore plus fortes que celles que j'ai rencontrées avant. Et je dois dire que ce n'est pas encore quelque chose de simple. Et en tout cas, ce qui est sûr, c'est que si je n'avais pas créé Divertimento, je n'aurais pas du tout fait la carrière que je fais aujourd'hui. Parce que c'est aussi dans les contraintes, quelque part, qu'on apprend aussi à être créatif, qu'on apprend à réfléchir. Et moi, je dois dire, peut-être si j'avais eu les mêmes facilités que les hommes, je me serais peut-être concentrée sur ma trajectoire personnelle à diriger les orchestres partout dans le monde. Et j'ai eu aussi à un moment donné cette vie-là. Et c'est en effet très satisfaisant aussi. C'est vrai qu'en créant Divertimento, je me suis vraiment posé la question de quel chef d'orchestre j'avais envie d'être au XXIe siècle, comment je voulais transmettre les œuvres, parce que ça fait partie de mon métier malgré tout de transmettre ce patrimoine, et comment j'avais aussi envie d'apporter aussi de l'innovation et surtout de la partager avec des publics très larges et quelque part des publics comme ce que j'ai été quand j'étais enfant, c'est-à-dire que même si la musique classique est européenne, aujourd'hui en France, on a des gens qui viennent de partout dans le monde. des gens qui ont des origines sociales différentes, des âges différents, et qu'il faut pouvoir aussi s'adresser à tout le monde et pouvoir aussi porter un message peut-être un peu plus fédérateur ou plus universel. Et c'est ce qui m'a amenée justement à être créative et à réfléchir. Donc je dois dire que même si par ailleurs j'avais plein de freins et plein de handicaps, c'est aussi ce qui m'a permis d'être la chef d'orchestre que je suis aujourd'hui et de faire ma place dans le paysage musical et de m'amener en effet à diriger la... la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques ou plein d'autres projets. Donc non, c'est clairement le fait d'avoir créé Divertimento que j'ai pu avoir cette carrière-là aujourd'hui. Et j'espère surtout que maintenant, pour les prochaines générations, elles n'auront pas à faire le chemin que j'ai dû déjà faire moi de mon côté.

  • Speaker #0

    En tout cas, c'est sûr que vous ouvrez la voie. En tout cas, ça montre que c'est possible. Qu'est-ce qui fait, selon vous, est-ce que vous êtes, je ne sais pas, en mesure d'analyser le fait que vous n'avez jamais baissé les bras ? Il y a beaucoup de gens qui auraient baissé les bras. Qu'est-ce qui fait que vous vous êtes dit, c'est possible, vous y êtes allé, et vous dites, c'est encore difficile, mais vous allez de plus en plus haut tout le temps ?

  • Speaker #1

    Déjà, moi, je me sens aussi privilégiée de faire un métier qui me plaît, qui est aussi ma passion, donc on ne va pas se mentir, c'est déjà une grande chance. Et en même temps, je me dis que même par rapport à... J'ai toujours voulu, par rapport même aux jeunes que je rencontre tous les jours, aujourd'hui, moi, j'ai aussi une fille qui a 10 ans, et j'ai envie, parce que si je ne continue pas à me battre, quel message aussi on leur fait passer, quelle image on leur donne. Donc, je trouve que c'est tellement important. Et la musique, de toute façon, c'est comme un sport de haut niveau. C'est-à-dire qu'on sait que si on veut des résultats, il faut travailler. Il faut travailler. Alors, c'est vrai qu'il faut travailler très dur, c'est beaucoup de sacrifices, mais quand on travaille, on a des résultats. Donc, je me suis toujours dit, Zaya, oui, c'est difficile, il ne faut pas baisser les bras. Mais parce que je suis très convaincue de ce que je fais et que je vois aussi le résultat au bout de toutes ces années des concerts que je donne. Et très souvent, par exemple, un même programme que je vais proposer ou un même spectacle que je vais créer, je vais le présenter dans des théâtres de proximité en Seine-Saint-Denis, parfois dans des gymnases en milieu rural, mais aussi à la Philharmonie de Paris. ou à l'international, comme ça a été le cas récemment, donc partout. Et moi, à chaque fois, je vois des salles qui sont remplies. Remplies en banlieue parisienne, remplies en milieu rural, remplies à la Philharmonie de Paris, remplies à Hong Kong ou ailleurs. Donc, ça prouve que, en fait, la musique, elle touche tout le monde et que ça a du sens de la jouer partout. Il faut arrêter de choisir à la place des gens de « Ah, la musique classique, il faut que ça soit à l'opéra, ou voilà, dans telle case, ou pour tel type de personne. » Non, il faut le faire. Alors, bien sûr que... Quand on aménage un gymnase, parfois dans certains lieux en milieu rural, parce qu'il n'y a pas de lieu culturel, c'est sûr que parfois le confort est un peu moins grand que si je joue dans une grande salle de concert, à la Philharmonie de Paris par exemple, ou ailleurs. Mais ça a autant de sens, et les gens viennent nombreux, très nombreux. Donc en fait, il faut arrêter de penser que ça ne les intéresse pas. Ce n'est pas du tout le cas. Et c'est vrai que j'ai aussi constaté qu'à partir du moment où on amène la culture dans la proximité auprès des habitants, Après, eux aussi se déplacent et vont dans les grandes salles de concert. Et ça ne vient pas du tout en concurrence. Et c'est très complémentaire. Et quand je vois ces résultats-là, je me dis que ça vaut le coup de continuer. Ou quand je vois les jeunes qui fréquentent aujourd'hui l'Académie Divertimento, parce que ça me tenait à cœur aussi de former les jeunes, et je les vois réussir, les voir s'épanouir par la musique, moi, c'est sûr que ça me motive à continuer. Et parfois, j'explique aux jeunes que c'est chouette, vous faites un métier qui vous... Je dis oui, tout à fait, et ça, je ne le renie pas, mais parfois, 90% de ce que je fais dans une semaine, c'est dur, c'est fatigant, c'est parfois pénible à faire. On n'a pas envie de le faire. Mais pour les 10% qui restent, ça vaut le coup. Donc, c'est pour ça que je n'abandonne pas, en effet.

  • Speaker #0

    C'est un très bel exemple. Mais vous avez raison de le dire aussi, c'est beaucoup de travail. On n'a rien sans rien. Je trouve beaucoup de proximité avec nos valeurs dans le groupe La Poste. On est présents partout sur le territoire. On va à la rencontre de toutes et de tous. On est même à l'international. Le lien, c'est très fort. Et c'est ce que vous véhiculez de manière vraiment très importante, je trouve. Et à travers votre exemple, vous montrez que finalement, il n'y a pas de frontière et que l'inclusion, la diversité, est-ce que c'est un sujet ? Vous voyez ce que je veux dire ?

  • Speaker #1

    En fait, créer le lien, c'est exactement ce que j'aime faire et ce que j'aime dans mon métier. Déjà, c'est créer du lien au sein d'un orchestre, entre mes musiciens, d'arriver justement à emmener tout le monde dans la même direction. Et ça, c'est un vrai défi, parce qu'un orchestre, c'est comme une micro-société. Il y a de tout, il y a des hommes, des femmes, des plus âgés, des plus jeunes, des grands, des petits, il y a de tout, avec des gens avec des personnalités très différentes et qui sont d'ailleurs tous très bons dans leur domaine. Et c'est vrai que souvent, chaque musicien peut avoir envie aussi d'exprimer son idée musicale, mais en fait, il n'y en a qu'une seule qui doit être honorée, puisque si chacun joue comme il a envie, justement, il n'y a pas de collectif, il n'y a pas d'union qui se crée. Et quand du coup, je suis sur scène, c'est créer ce lien. avec cette matière musicale qu'on va créer, qu'on va faire partager au public, et puis surtout d'amener aussi les publics très différents à venir au concert. Alors c'est vrai que parfois il y en a certains qui sont plus habitués, des mélomanes, des abonnés de certaines salles, mais avec les musiciens de l'Orchestre Divertimento, on va passer beaucoup de temps à aller rencontrer les habitants, là où ils vivent en fait, dans les centres sociaux, les maisons de quartier, les écoles. les lieux culturels, parfois on va aussi en milieu carcéral, en milieu hospitalier, pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer. Et l'idée, c'est d'aller à la rencontre des habitants pour qu'après, eux, ils aient envie de venir aux salles de concert et qu'on retrouve justement cette diversité sociale, culturelle, intergénérationnelle. Et c'est justement créer du lien avec les gens, c'est ça qui m'intéresse. Et du coup, vous parliez tout à l'heure de l'inclusion, de la diversité. Oui, forcément, en plus, moi, je... Je coche plusieurs cases aussi. Bon, ben voilà, moi je m'appelle Zahia, je suis une femme, j'ai commencé, j'étais jeune justement, de milieu populaire, notamment parce que j'ai grandi en Seine-Saint-Denis. Bon, c'est celle que je suis, donc je ne vais pas changer en fait. Et je me suis vite rendue compte qu'en fait, le fait de peut-être ne pas avoir le même parcours que les autres, ça m'a permis aussi de faire un pas de côté, d'avoir un regard différent. Et il n'y a pas... lui fait une carrière qui est mieux que la mienne ou moi j'ai des idées plus intéressantes que les autres c'est juste qu'il n'y a pas qu'une seule façon de faire de la musique et je crois que peut-être c'est un peu ce qui a un petit peu je pense parfois englué notre milieu musical c'est que un bon musicien c'est un musicien qui jouait dans les grandes salles de concert ou qui joue beaucoup à l'international qui joue comme ci, qui fait comme ça en fait non justement il y a plein de façons de pouvoir partager la musique la transmettre ... Et donc, moi, j'ai eu aussi envie, j'ai mon parcours personnel, mais il est vraiment à réfléchir à plein d'idées. Justement, la place de la diversité culturelle en France, le sujet de l'inclusion et des personnes en situation de handicap. Plein, plein de sujets qui, aujourd'hui, que j'aime bien traiter en musique. Et c'est ce qui fait que les projets que je porte avec Divertimento sont très différents de ce que proposent les autres orchestres. Et peut-être, il y en a un que j'aurais envie de partager avec vous. par exemple jouer dans le cadre des Jeux paralympiques pour l'ouverture de la saison de la Philharmonie de Paris. On m'a invité en disant « Zahia, vous avez fait beaucoup de projets autour du sport. » Évidemment, le sport, ça m'a inspirée. Et même le sport avait sa place sur scène avec nous parce qu'il y a une énergie dans le sport qui est aussi la même et plein de valeurs communes de ce que nous aussi, on peut faire partager avec nos publics par la musique. Et je me suis dit, dans les Jeux paralympiques, s'il y a bien le sujet de l'inclusion et des personnes en situation de handicap, si on n'en parle pas et qu'on ne l'en montre pas, à quel moment on va le faire en fait ? Et c'est vrai que ce sujet-là, ça fait longtemps qu'on le traite avec Divertimento et on a été amené à proposer un programme vraiment à 360 degrés, où à la fois dans l'accueil des publics, l'accueil des artistes, des artistes et des sportifs qui étaient en situation de handicap avec nous. On était tous musiciens et tous sportifs de la même façon. Il n'y avait pas de différence et on ne se posait même pas la question. Une fois qu'on est sur scène, on est tous des artistes. Peu importe qu'on soit une femme, un homme, grand, âgé, jeune, valide ou non valide, la question ne se pose pas. C'est juste qu'en fait, je pense que dans notre métier et même dans notre société, il faut qu'on apprenne à s'adapter les uns aux autres et à trouver des solutions. Et donc forcément... Par exemple, dans ce projet-là, on a invité des jeunes de notre académie à jouer pour le final du concert. Et donc, on avait des jeunes qui étaient de Paris, de Stein, de Seine-Saint-Denis, et aussi un partenariat qu'on avait monté avec l'Institut national des jeunes aveugles. Et donc, moi, dans mon métier, par exemple, je passe beaucoup de temps à créer le lien avec le regard, avec les musiciens. Et c'est vrai que, forcément, ça m'a beaucoup bousculé de me dire « Là, du coup, ce regard-là, je ne peux pas du tout l'utiliser. » Et que même dans ma gestique de chef d'orchestre, puisque c'est ma façon de communiquer avec les musiciens, eh bien... certains musiciens ne me verront pas, donc il va falloir qu'on crée ce contact autrement. Et donc on a évidemment beaucoup répété ensemble, beaucoup parlé ensemble, et puis on a créé aussi des binômes dans l'orchestre avec des musiciens, des jeunes valides et des jeunes de l'Institut des Jeunes Aveugles, on a travaillé ensemble, et au même titre qu'on voit par exemple parfois dans les compétitions des athlètes qui vont guider d'autres athlètes, et bien nous on avait des musiciens qui guidaient d'autres musiciens. Mais même ça se faisait dans les deux sens. Parce que ce qu'on a aussi beaucoup appris de ces musiciens-là, c'est qu'ils avaient appris à prendre des repères différents des nôtres. Et donc on s'en est aussi inspirés. Donc ce n'était pas juste de dire, moi je viens t'aider. C'est vraiment de dire, on va créer un lien ensemble. Et donc on a appris les uns des autres. Et on a fait un super concert. Et les musiciens qui étaient non-voyants, ils étaient au cuir et aux percussions. Donc on ne peut pas dire que c'était dans des instruments qui ne sont pas voyants, pas visibles et qu'on ne peut pas entendre. Il y en avait un qui avait la grosse caisse, donc je dois vous dire que si je ne veux pas bien, on l'entend. Et j'étais hyper fière de ça. Et donc, ça fait partie des sujets qui, moi, m'encouragent évidemment à continuer. Et surtout, qui m'ont fait comprendre, même si j'en étais convaincue, mais là, concrètement, qu'il faut continuer dans cette voie-là. Et même, ça m'a même amenée d'ailleurs à être, même d'un point de vue artistique, encore plus créative. Parce que je me dis que d'habitude, ce que nous, on propose sur scène, c'est pour des gens qui viennent, qui entendent bien, qui voient bien. Et on ne se pose pas la question de dire... Il y a peut-être des personnes qui sont dans une autre position, qui n'entendent pas bien, qui ne voient pas bien. Et donc, ça m'a amenée à proposer, dans le parcours musical de ce spectacle, des séquences avec des approches sensorielles différentes. Et je dois dire que si je ne m'étais pas posé la question, on n'aurait jamais fait ça. Et c'était parmi les moments les plus forts de ce spectacle. Donc oui, moi je reste convaincue de ça. Et c'est vrai qu'à Divertimento, il y a ce sujet de l'inclusion, il y a ce sujet de la place des femmes. On a la parité dans l'orchestre, on a la parité dans les solistes. Et je dois dire que depuis que... Et moi, je tiens beaucoup à cette parité. Je dois dire que depuis qu'on est en effet bien dans cette parité-là, c'est un orchestre qui est beau à regarder, qui est engagé, qui est fort, qui est riche. Alors comme dans tous les orchestres et comme dans tous les groupes, de temps en temps, il y a évidemment des petites chamailleries, des petites tensions comme partout. On reste un groupe qui vit. Mais c'est vrai que... Le fait de travailler sur ces différents sujets nous amène aussi à avoir une force. Et donc, moi, j'ai envie de donner du sens à ce projet. Et là, le sens principal, c'est vraiment d'être dans la proximité avec les habitants et aussi de faire avancer ces sujets d'inclusion et de diversité.

  • Speaker #0

    Zahia, moi, quand je vous écoute, on parle de manager, de coach, etc. Moi, j'ai envie de dire, aujourd'hui, le manager d'une entreprise, on doit avoir des chefs d'orchestre. qui embarquent toutes les équipes, qui font vraiment de l'inclusion et qui montrent que justement, par nos différences, quand je vous entends, c'est très fort en fait, justement ça donne cette force. Je trouve que ça vous différencie, votre parcours et votre approche fait vraiment que ça vous différencie, mais que ça vous rend beaucoup plus forte par rapport à des choses qu'on a l'habitude de voir et que l'orchestre vous emmène à cette force. Alors qu'à la base, on pourrait penser qu'il y a des handicaps, des difficultés, etc. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu'on a intérêt à avoir des managers chefs d'orchestre ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce qu'il faut avoir, le management dans une entreprise ou dans un orchestre, il faut en tout cas avoir des gens qui soient passionnés et des gens qui savent où emmener les équipes. Et ça, je trouve que c'est très important. Et moi, en tant que chef d'orchestre, parfois, sur le dernier spectacle dont je viens de vous parler, j'ai amené l'orchestre à jouer dans le noir. J'ai amené mes musiciens à faire une chorégraphie en langue des signes. C'est génial. Il fallait être audace. J'osais. Au début, j'ai dit à mes musiciens, ne vous inquiétez pas, on va y arriver. Évidemment, après, il a fallu créer les conditions pour que ça puisse se passer, se faire bien, amener les personnes justement à pouvoir aussi proposer des solutions pour aborder parfois ces nouvelles difficultés qu'on rencontrait. Et donc, je pense que quand on est juste et qu'on sait où on emmène les équipes. Déjà, c'est un bon chemin de fait. Après, ça reste un métier qui est difficile à faire, de diriger un orchestre ou d'emmener une équipe. D'autant que dans un orchestre symphonique, c'est vrai qu'un orchestre n'est pas du tout un lieu démocratique. Pas du tout. Donc, dans une société où aujourd'hui, on essaie de mettre en place soit un management un petit peu horizontal dans certaines entreprises ou la démocratie participative dans notre société. C'est un endroit, l'orchestre, où en fait, comme en plus on est nombreux, il y a une direction musicale à donner, et donc les musiciens viennent et me suivent. Mais par contre, moi je vais essayer de créer dans cette programmation musicale des moments où on va plutôt mettre en valeur certains musiciens, certains pupitres, des projets aussi. Et donc, je dois dire que ce que vous disiez tout à l'heure, c'est assez juste. Moi, dans mon profil de musicien, et même dans les musiciens que j'ai recrutés, il y a quelques temps, on aurait pu dire, « Ah bah tiens, ces musiciens-là, leur profil ne m'intéresse pas, parce que, par exemple, ils sont polyvalents, ou ils ont ceci, ou ils ont cela. » Et moi, j'ai essayé de faire en sorte que ce qu'on estimait des difficultés, que nous, on en fasse une force. Et donc, bah oui, moi, je suis celle que je suis, je ne vais pas me changer. Et parfois, c'est ce cloisonnement qu'on retrouvait dans le milieu musical. On nous demandait à une époque de choisir entre être artiste ou être musicien, être artiste et être pédagogue, de jouer par exemple du classique, et pas d'aborder forcément d'autres styles de musique. Parfois, on me disait, soit vous jouez dans la proximité avec les habitants, soit à l'international, mais on ne peut pas faire les deux. Moi, je n'ai jamais voulu rentrer dans ces cases-là. Au contraire, un musicien qui vient divertimenter, je lui demande d'être un très bon musicien d'orchestre, mais d'apporter une autre qualité. Et cette polyvalence qui était pendant longtemps perçue comme quelque chose de dévalorisant, moi j'en ai fait une force qui nous permet aujourd'hui de pouvoir avoir un projet créatif, artistique très créatif, très singulier, de faire des choses qu'aucun autre orchestre ne peut faire. Mais ces autres orchestres, ils ont aussi leur propre qualité et leur force, et des choses que nous on ne pourrait pas faire non plus. Et donc voilà, c'est ça, c'est de me dire, on n'est pas obligé de faire comme tout le monde, il n'y a pas qu'une seule façon de faire de la musique, nous on va développer notre propre ligne artistique. notre propre projet. Et c'est ce qui fait aujourd'hui justement la force de l'Orchestre Divertimento et qui nous a amenés à être aussi présents dans des grands événements internationaux ou dans d'autres projets. Et surtout aujourd'hui, de continuer à développer cette singularité. Alors peut-être que je sais que la Poste, vous avez essayé d'apporter des nouvelles idées dans vos métiers. Peut-être qu'au début, personne n'y croyait. Aujourd'hui, il y a des choses qui sont ancrées. Nous, c'est un peu pareil et c'est ce qu'on fait. Aujourd'hui, et c'est vrai qu'il y a 25 ans, quand j'avais commencé à dire « oui, divertimento, ce sera un orchestre dans la proximité avec les habitants, on sera d'abord en Seine-Saint-Denis, puis dans les milieux urbains, puis après en milieu rural » , il y a beaucoup de gens qui me disaient « non, mais ça marche, je n'arrive pas » . Et aujourd'hui, on le voit dans les discours de politique publique ou même dans la fréquentation de nos salles, les gens sont là, ça marche. Donc il faut se lancer, il faut oser. Et puis si ça marche, c'est top, si ça ne marche pas, on apprend de ça. réfléchis à d'autres choses et donc c'est pour ça que je me suis jamais mis de frein en fait.

  • Speaker #0

    Ça répond un peu à une question que je voulais vous poser mais peut-être que vous avez d'autres choses à compléter. Qu'est-ce que vous donneriez comme conseil à des jeunes femmes ou pas des jeunes femmes d'ailleurs, mais même à d'autres personnes qui se mettraient des freins ? Est-ce qu'il y a un conseil ou deux que vous leur donneriez vraiment pour arriver à, peut-être pas être Zahia, mais en tout cas à ce que chacun...

  • Speaker #1

    Oui, chacun doit trouver sa voie. Oui. exactement, chacun doit trouver sa voie. Après, moi, c'est le message que je fais passer, en tout cas, aux jeunes qui viennent se former dans notre académie, à ma fille aussi, à tous ceux que je rencontre, de leur dire, déjà, il ne faut rien s'interdire. Et tout le monde doit être capable, parce que j'en ai entendu, moi, des réflexions tout au long de ma jeunesse et même de ma carrière, de « tu ne pourras pas être chef d'orchestre, ce n'est pas un métier qui est fait pour les femmes » ou « concentre-toi sur tel sujet parce que… » laisse la place, on m'a aussi dit tiens, t'es très forte dans le lien avec les habitants, donc fais ça et laisse la place dans les grandes scènes nationales et internationales à d'autres. Non, non, en fait, chacun doit se tracer sa voie, ne rien s'interdire. Après, ce qu'il faut savoir, c'est qu'on n'a rien sans rien et qu'il faut beaucoup travailler. Et ça, c'est vrai que parfois, aujourd'hui, on est dans une société où les choses vont vite. On est même dans la… voilà, on attend parfois beaucoup d'immédiateté. Bon, un sujet comme la musique… Il faut travailler longtemps, des années, des années, des années, des années, pour arriver à atteindre ses objectifs, ses rêves. Une fois qu'on arrive à un super niveau, qu'on décide d'aller plus loin, évidemment, il y a d'autres résultats qui arrivent plus vite par la suite, mais ça reste un univers, et j'ai envie de dire, dans tous les univers, il faut travailler. Donc à partir du moment où on travaille, on a des résultats, et moi j'invite les femmes à...

  • Speaker #0

    à ambitionner ce qu'elles veulent, aller dans les univers qu'elles veulent, les garçons aussi, et qu'il n'y a pas de frein à se mettre et que c'est super important. Donc moi, j'ai envie de dire, il ne faut rien s'interdire et il faut travailler. Je sais que ce n'est peut-être pas une bonne recette,

  • Speaker #1

    mais en tout cas,

  • Speaker #0

    c'est celle qui a fonctionné en ce qui me concerne. Et surtout, ne rien s'interdire, parce que même si on arrive dans son métier, dans son milieu, C'est vrai que parfois, on est un petit peu mis à... Il y a un peu le poids des traditions, le poids des habitudes. Et donc, parfois, c'est vrai que moi, je me suis aussi souvent remise en question en me disant, Zahia, c'est très différent ce que tu fais, est-ce que tu crois que c'est bien ? Puis quand j'ai commencé à l'international, j'ai commencé à être invitée aux États-Unis dans plein d'endroits en me disant, mais c'est fantastique la façon dont vous abordez cette musique, la musique avec justement des nouvelles approches. Et là, j'ai commencé à me dire, en fait, Zahia, Enfin voilà, fais-toi confiance en fait, et c'est ça, il faut se faire confiance, c'est important.

  • Speaker #1

    Zahia, est-ce que vous avez un rôle modèle ? Quelqu'un qui vous a inspirée ? Ah,

  • Speaker #0

    il y a beaucoup de gens qui m'ont inspirée, mais je dois dire que... Déjà, j'ai été gâtée parce que même dans ma famille, ma mère et ma grand-mère, elles m'ont beaucoup inspirée. Alors c'est vrai qu'il y a d'autres figures artistiques aussi qui m'ont inspirée, mais je dois dire que ma mère et ma grand-mère, parce que j'ai vu en elles beaucoup de... Combativement, beaucoup de courage, beaucoup d'engagement auprès de leurs proches, l'une comme l'autre, qui m'ont apporté beaucoup d'amour, beaucoup d'attention. Et donc, je dois dire que ça m'a toujours dit, et c'est vrai qu'en étant chef d'orchestre, à chaque fois que je rencontrais une difficulté, je me disais, non mais Zahia, par rapport aux réalités que ma grand-mère a vécues en Algérie pendant la guerre, elle a connu la guerre, la famine. la pauvreté, plein de choses. Je me dis, bon, Ausha, tu vas voir, il y en a qui ont eu des vies plus difficiles. Et puis voilà. Donc, des fois, on n'a pas besoin d'aller plus loin, d'aller trop loin pour voir les choses. Après, c'est sûr qu'il y a des femmes compositrices, des artistes, des figures historiques qui m'ont évidemment inspirée, mais j'ai eu la chance quand même de vivre dans une famille où les femmes ont une place importante aussi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Zahia. Merci vraiment pour cet échange, pour être restée avec cette simplicité, malgré votre parcours incroyable. Moi, je suis très admirative, très sincèrement.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Un grand merci. Et puis, je vous donne rendez-vous pour une prochaine émission d'Appareil Galle, le mois prochain. Merci, Zahia.

  • Speaker #0

    Merci.

Description

Rejoignez-nous pour une conversation inspirante avec Zahia Ziouani, l'une des rares femmes cheffes d'orchestre en France, où elles représentent moins de 4 % .

 

Zahia a notamment dirigé l'orchestre lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024.

Dans cet épisode, elle partage sa vision d'un accès égalitaire à la culture, ses initiatives pour rendre la musique accessible à toutes et à tous, notamment dans les milieux urbains et ruraux.


 Elle nous parle de son parcours en tant que femme, de son engagement pour la parité et la diversité, ainsi que de la richesse qu’apporte le fait de ne pas rentrer dans des cases et de développer sa singularité.

 

Ne manquez pas cet échange passionnant !


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue à l'émission À part égale, l'émission du réseau Parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai la joie d'accueillir parmi nous Zaya Diwani. Bonjour.

  • Speaker #1

    Zaya,

  • Speaker #0

    bonjour. Alors Zaya, vous êtes chef d'orchestre depuis bien longtemps maintenant. Vous avez démarré, vous êtes une des plus jeunes, je crois, chefs d'orchestre que vous aviez démarré. Vous étiez très jeune.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Et vous avez un parcours incroyable, très singulier, et une vraie singularité de votre... parcours et de votre orchestre aussi divertimento. Vous dites que c'est l'orchestre, il me semble, des territoires urbains et que pour vous la musique c'est comme la citoyenneté, ça permet l'inclusion, un peu comme nous d'ailleurs à La Poste. Pourquoi est-ce que c'est important pour vous de mettre la musique classique au cœur des territoires ?

  • Speaker #1

    Et bien c'est important pour moi, alors c'est l'orchestre des territoires urbains mais ruraux aussi parce que voilà... On a été très attachés, alors même si notre histoire avec l'Orchestre divertimento, elle s'est écrite en Seine-Saint-Denis dans un premier temps, ensuite plus largement région Île-de-France, et on a commencé à être invités en effet dans d'autres territoires en France qui avaient envie de développer une dynamique autour de la musique classique. Et c'est vrai que moi je suis très attachée à ça parce que j'ai grandi en Seine-Saint-Denis et j'ai eu la chance de découvrir la musique parce que mes parents étaient très mélomanes, très curieux, et donc on sortait beaucoup. notamment de notre quartier de Pantin, pour après aller voir des concerts, des expositions, visiter des monuments. Donc pour moi, ça a été vraiment très enrichissant, cet accès à l'art et à la culture. Et en même temps, je me posais toujours la question en disant, mais pourquoi pas dans ma ville ? Pourquoi pas dans mon département ? Et j'ai eu envie de donner du sens à ce projet de divertimento. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, évidemment, on se produit aussi... dans des grands auditoriums et grandes salles de concert, mais on passe aussi beaucoup de temps, et ça nous tient à cœur, d'être au cœur des territoires urbains et ruraux, et de faire en sorte que la musique classique soit accessible à tout le monde, parce que c'est beau, la musique est belle, elle procure beaucoup d'énergie, et on a envie de partager ça avec tout le monde. Moi, ce que je trouve intéressant, c'est que, souvent, surtout dans la pratique de la musique classique, pendant très longtemps, elle était présente dans des grandes salles de concert, très identifiées, avec... des personnes qui avaient l'habitude d'aller au concert. Et c'est vrai que pendant longtemps, on n'a pas trop réinterrogé ça. Et moi, quand j'ai découvert la musique classique, j'étais enfant, et j'étais passionnée par cette musique. Alors, on en écoutait aussi d'autres à la maison, mais je dois dire que moi, si j'avais envie de me faire plaisir, j'adorais mettre des symphonies de Mozart ou de Beethoven que j'avais découvertes avec mes parents et qu'on aimait bien écouter avec notre père notamment. Et donc, ce qui fait que... Moi ce que j'avais envie c'était de ressentir de nouveau ces émotions et surtout à la fois la beauté et la puissance de l'orchestre. Quand j'étais plus jeune, je n'arrivais pas trop à analyser pourquoi, maintenant je le sais un peu plus, mais à cette époque, moi ce que j'avais envie c'était de ressentir en effet toute cette énergie de l'orchestre. Et donc c'est vrai qu'on sait que dans nos territoires aujourd'hui en France, on a la chance de vivre dans un pays où il y a plein de belles choses, mais il y a aussi beaucoup d'inégalités, on les connaît sur l'accès à la santé, les transports. sur la mobilité, sur plein de sujets. Et la culture aussi en fait partie. Et donc je me suis dit, il faut que Divertimento soit singulier à plusieurs titres. D'un point de vue artistique, il faut qu'on puisse proposer des nouvelles idées et qu'on puisse aussi aller au contact des habitants. Et c'est ça que j'ai souhaité développer avec l'ensemble des musiciens de l'orchestre et ce qu'on fait aujourd'hui tous les jours.

  • Speaker #0

    Vous pouvez nous en dire plus sur le pourquoi vous aviez cette envie très jeune de découvrir cette musique et d'aller vers ce... cet environnement musical plutôt classique.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'en fait, moi, j'ai toujours déjà beaucoup écouté la musique à la maison. Et avec mes parents, ça faisait partie de notre environnement quotidien de lire et puis d'écouter de la musique. Et c'est vrai que même si mon père était aussi passionné de jazz, de pop, de musique du monde arabe, avec mes parents, on en écoutait aussi beaucoup. Mais c'est vrai que c'était la musique classique qui m'a passionnée. Et c'est vrai que moi, ce qui m'a plu tout de suite, c'était de ressentir en effet ces émotions et ce côté très vivant de cette musique symphonique. Et c'est que plus tard, en effet, en faisant moi-même, en pratiquant des instruments, que j'ai découvert cet univers de l'intérieur. Alors, j'ai joué d'abord de la guitare, mais sans savoir qu'il n'y avait pas de guitare classique dans les orchestres. Et quand j'ai commencé à pratiquer cet instrument, j'étais passionnée toujours de musique. J'ai adoré cet instrument, mais... Moi j'avais envie de jouer dans l'orchestre, mais je ne savais pas qu'en choisissant cet instrument, on ne pouvait pas jouer dans les orchestres symphoniques. Et donc j'ai décidé ensuite de pratiquer un deuxième instrument qui est l'alto. Et c'est en pratiquant l'alto qu'en effet j'ai pu jouer dans les orchestres et découvrir ce métier de chef d'orchestre. Donc je dois dire que c'est vrai que la musique classique et la musique symphonique, c'est ce qui m'a toujours fait vibrer et que j'ai envie de partager aujourd'hui dans mon métier de chef d'orchestre. Et c'est pour cette raison que j'ai décidé à la fois de... d'être chef d'orchestre et de diriger les grandes oeuvres, mais aussi de passer du temps pour la partager avec les jeunes et puis aussi tous les habitants qu'on rencontre tous les jours.

  • Speaker #0

    Zahia, il me semble qu'il y a moins de 4% de femmes chefs d'orchestre, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Il y a en effet moins de 4% des chefs d'orchestre, des chefs d'orchestre qui sont des femmes. Et c'est vrai que traditionnellement, dans l'histoire de l'orchestre symphonique, même en Europe, si on regarde des images d'archives des années 50, 60, 70, même 80, on voit soit pas du tout de femmes, soit une ou deux. Pendant très longtemps, elles étaient interdites dans les orchestres. Ça fait partie de ces réalités, comme dans notre société, où les femmes…

  • Speaker #0

    Elles étaient interdites.

  • Speaker #1

    Oui, oui, avaient accès plus tard au fait de pouvoir voter ou d'ouvrir un compte en banque toute seule. Bon, ben voilà, ça fait partie de notre histoire, c'est comme ça. Et donc, c'est vrai que, de fait, s'il n'y a pas beaucoup de femmes dans les orchestres, la personne qui incarne l'autorité dans l'orchestre le plus, c'est le chef d'orchestre ou la chef d'orchestre. Donc forcément… on voit moins de femmes parce qu'il y avait aussi certaines idées reçues sur le fait qu'une femme n'avait pas forcément de l'autorité pour faire face à un orchestre ou que le fait d'être maman n'était pas compatible avec le métier de chef d'orchestre. Donc même dans la formation des chefs d'orchestre, c'est arrivé vraiment plus tardivement que les femmes puissent avoir accès à la formation conservatoire, notamment de Paris. Donc c'est ça qui aussi justifie, enfin justifie en tout cas, qui permet de comprendre pourquoi. on n'a pas vu, il y a eu aussi peu de femmes. Et puis voilà, c'est comme aujourd'hui, même si on regarde dans d'autres domaines, les chefs d'entreprise dans les entreprises du CAC 40, ou même dans le milieu politique, on voit encore qu'il y a beaucoup de chemin à faire pour qu'il y ait la parité. Donc ça, c'est vrai que c'est un vrai sujet. Et ce qui fait que les quelques femmes que nous sommes aujourd'hui à évoluer dans le paysage musical, les 4% dont vous parlez, il y en a quelques-unes qui sont, où on est aussi chef d'orchestre, invité des orchestres. Et on a quasiment toutes dû créer nos propres orchestres pour pouvoir exister. Et en fait, ce qu'il faut avoir en tête, c'est qu'en France, il y a beaucoup d'orchestres, et des orchestres nationaux notamment, et régionaux, qui sont financés par les pouvoirs publics. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, on ne voit pas encore beaucoup de femmes à la tête de ces orchestres-là en tant que directrices musicales. Alors oui, en tant que chef d'orchestre invité, et de plus en plus, et c'est déjà un très bon chemin, mais il n'y a pas de raison qu'on ne confie pas la direction d'un orchestre, parce que... Quand on est directeur ou directrice musicale, ça nous permet de pouvoir choisir les oeuvres, de créer une ligne artistique, de recruter les musiciens. Donc on n'est pas du tout dans la même dynamique et le même positionnement que quand on vient juste diriger quelques jours un orchestre sur lequel on n'a pas la possibilité de choisir les oeuvres ni les musiciens. Voilà, ce n'est pas du tout la même chose. Et donc je dois dire que ça c'est une première chose, une réalité qui est encore assez forte. et qu'il faudrait changer. Et la deuxième, c'est qu'en effet, il y a des salles de concert comme la Philharmonie de Paris qui font plus d'efforts pour pouvoir inviter les femmes, en tout cas des programmations avec des femmes chefs d'orchestre. Et ça, il y a même un concours qui s'appelle la Maestra qui a été développé pour justement mettre en valeur les femmes chefs d'orchestre. Mais par contre, si on regarde aujourd'hui la saison de l'Opéra de Paris, on voit une saison entière sans une femme qui dirige. Et pourtant, c'est une des plus belles. Alors, c'est un lieu très prestigieux avec un magnifique orchestre, de très belles programmations. Mais aujourd'hui, partout dans le monde, on trouve des femmes metteurs en scène, des femmes compositrices, des femmes chefs d'orchestre de grands talents. Et moi, je trouve fort dommage que dans un, peut-être un des établissements les plus financés en France par de l'argent public, on renvoie cette image de « pas aucune femme » . Donc, il faut être exemplaire dans ces lieux-là. Et c'est peut-être les progrès, les chemins à faire. aujourd'hui dans notre milieu artistique.

  • Speaker #0

    Donc vous pensez que c'est encore difficile aujourd'hui, si vous n'aviez pas vous créé votre orchestre, est-ce que vous pensez que vous auriez pu avoir cette même carrière, cette même visibilité ?

  • Speaker #1

    Ah, clairement pas du tout. Ah, clairement pas du tout. Et je trouve que c'est encore difficile pour moi, j'ai envie de dire aussi difficile que quand j'ai commencé. Après, ce fut... Ah oui ? Ah oui, oui. Malgré que vous ayez fait la clôture des JO. C'est des difficultés qui sont différentes, c'est-à-dire que moi, quand j'évolue dans ma carrière, en fait, à chaque fois, on est face à... à de nouveaux challenges, des nouveaux défis, des nouvelles étapes. C'est un peu, peut-être pour que ceux qui nous écoutent comprennent, c'est un peu comme si on crée son équipe de foot et qu'on est en régionale, puis après on passe en nationale, puis après on passe en Ligue 2, en Ligue 1, en Ligue des champions. On sait que chaque nouvelle étape, chaque nouvelle dimension, elle va apporter à la fois son lot de satisfaction et puis son lot de difficultés. Du coup, j'ai l'impression un peu de vivre ça, c'est-à-dire qu'à chaque fois que je rentre dans cette nouvelle dimension, d'avoir d'autres difficultés qui se présentent et qui sont encore plus fortes que celles que j'ai rencontrées avant. Et je dois dire que ce n'est pas encore quelque chose de simple. Et en tout cas, ce qui est sûr, c'est que si je n'avais pas créé Divertimento, je n'aurais pas du tout fait la carrière que je fais aujourd'hui. Parce que c'est aussi dans les contraintes, quelque part, qu'on apprend aussi à être créatif, qu'on apprend à réfléchir. Et moi, je dois dire, peut-être si j'avais eu les mêmes facilités que les hommes, je me serais peut-être concentrée sur ma trajectoire personnelle à diriger les orchestres partout dans le monde. Et j'ai eu aussi à un moment donné cette vie-là. Et c'est en effet très satisfaisant aussi. C'est vrai qu'en créant Divertimento, je me suis vraiment posé la question de quel chef d'orchestre j'avais envie d'être au XXIe siècle, comment je voulais transmettre les œuvres, parce que ça fait partie de mon métier malgré tout de transmettre ce patrimoine, et comment j'avais aussi envie d'apporter aussi de l'innovation et surtout de la partager avec des publics très larges et quelque part des publics comme ce que j'ai été quand j'étais enfant, c'est-à-dire que même si la musique classique est européenne, aujourd'hui en France, on a des gens qui viennent de partout dans le monde. des gens qui ont des origines sociales différentes, des âges différents, et qu'il faut pouvoir aussi s'adresser à tout le monde et pouvoir aussi porter un message peut-être un peu plus fédérateur ou plus universel. Et c'est ce qui m'a amenée justement à être créative et à réfléchir. Donc je dois dire que même si par ailleurs j'avais plein de freins et plein de handicaps, c'est aussi ce qui m'a permis d'être la chef d'orchestre que je suis aujourd'hui et de faire ma place dans le paysage musical et de m'amener en effet à diriger la... la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques ou plein d'autres projets. Donc non, c'est clairement le fait d'avoir créé Divertimento que j'ai pu avoir cette carrière-là aujourd'hui. Et j'espère surtout que maintenant, pour les prochaines générations, elles n'auront pas à faire le chemin que j'ai dû déjà faire moi de mon côté.

  • Speaker #0

    En tout cas, c'est sûr que vous ouvrez la voie. En tout cas, ça montre que c'est possible. Qu'est-ce qui fait, selon vous, est-ce que vous êtes, je ne sais pas, en mesure d'analyser le fait que vous n'avez jamais baissé les bras ? Il y a beaucoup de gens qui auraient baissé les bras. Qu'est-ce qui fait que vous vous êtes dit, c'est possible, vous y êtes allé, et vous dites, c'est encore difficile, mais vous allez de plus en plus haut tout le temps ?

  • Speaker #1

    Déjà, moi, je me sens aussi privilégiée de faire un métier qui me plaît, qui est aussi ma passion, donc on ne va pas se mentir, c'est déjà une grande chance. Et en même temps, je me dis que même par rapport à... J'ai toujours voulu, par rapport même aux jeunes que je rencontre tous les jours, aujourd'hui, moi, j'ai aussi une fille qui a 10 ans, et j'ai envie, parce que si je ne continue pas à me battre, quel message aussi on leur fait passer, quelle image on leur donne. Donc, je trouve que c'est tellement important. Et la musique, de toute façon, c'est comme un sport de haut niveau. C'est-à-dire qu'on sait que si on veut des résultats, il faut travailler. Il faut travailler. Alors, c'est vrai qu'il faut travailler très dur, c'est beaucoup de sacrifices, mais quand on travaille, on a des résultats. Donc, je me suis toujours dit, Zaya, oui, c'est difficile, il ne faut pas baisser les bras. Mais parce que je suis très convaincue de ce que je fais et que je vois aussi le résultat au bout de toutes ces années des concerts que je donne. Et très souvent, par exemple, un même programme que je vais proposer ou un même spectacle que je vais créer, je vais le présenter dans des théâtres de proximité en Seine-Saint-Denis, parfois dans des gymnases en milieu rural, mais aussi à la Philharmonie de Paris. ou à l'international, comme ça a été le cas récemment, donc partout. Et moi, à chaque fois, je vois des salles qui sont remplies. Remplies en banlieue parisienne, remplies en milieu rural, remplies à la Philharmonie de Paris, remplies à Hong Kong ou ailleurs. Donc, ça prouve que, en fait, la musique, elle touche tout le monde et que ça a du sens de la jouer partout. Il faut arrêter de choisir à la place des gens de « Ah, la musique classique, il faut que ça soit à l'opéra, ou voilà, dans telle case, ou pour tel type de personne. » Non, il faut le faire. Alors, bien sûr que... Quand on aménage un gymnase, parfois dans certains lieux en milieu rural, parce qu'il n'y a pas de lieu culturel, c'est sûr que parfois le confort est un peu moins grand que si je joue dans une grande salle de concert, à la Philharmonie de Paris par exemple, ou ailleurs. Mais ça a autant de sens, et les gens viennent nombreux, très nombreux. Donc en fait, il faut arrêter de penser que ça ne les intéresse pas. Ce n'est pas du tout le cas. Et c'est vrai que j'ai aussi constaté qu'à partir du moment où on amène la culture dans la proximité auprès des habitants, Après, eux aussi se déplacent et vont dans les grandes salles de concert. Et ça ne vient pas du tout en concurrence. Et c'est très complémentaire. Et quand je vois ces résultats-là, je me dis que ça vaut le coup de continuer. Ou quand je vois les jeunes qui fréquentent aujourd'hui l'Académie Divertimento, parce que ça me tenait à cœur aussi de former les jeunes, et je les vois réussir, les voir s'épanouir par la musique, moi, c'est sûr que ça me motive à continuer. Et parfois, j'explique aux jeunes que c'est chouette, vous faites un métier qui vous... Je dis oui, tout à fait, et ça, je ne le renie pas, mais parfois, 90% de ce que je fais dans une semaine, c'est dur, c'est fatigant, c'est parfois pénible à faire. On n'a pas envie de le faire. Mais pour les 10% qui restent, ça vaut le coup. Donc, c'est pour ça que je n'abandonne pas, en effet.

  • Speaker #0

    C'est un très bel exemple. Mais vous avez raison de le dire aussi, c'est beaucoup de travail. On n'a rien sans rien. Je trouve beaucoup de proximité avec nos valeurs dans le groupe La Poste. On est présents partout sur le territoire. On va à la rencontre de toutes et de tous. On est même à l'international. Le lien, c'est très fort. Et c'est ce que vous véhiculez de manière vraiment très importante, je trouve. Et à travers votre exemple, vous montrez que finalement, il n'y a pas de frontière et que l'inclusion, la diversité, est-ce que c'est un sujet ? Vous voyez ce que je veux dire ?

  • Speaker #1

    En fait, créer le lien, c'est exactement ce que j'aime faire et ce que j'aime dans mon métier. Déjà, c'est créer du lien au sein d'un orchestre, entre mes musiciens, d'arriver justement à emmener tout le monde dans la même direction. Et ça, c'est un vrai défi, parce qu'un orchestre, c'est comme une micro-société. Il y a de tout, il y a des hommes, des femmes, des plus âgés, des plus jeunes, des grands, des petits, il y a de tout, avec des gens avec des personnalités très différentes et qui sont d'ailleurs tous très bons dans leur domaine. Et c'est vrai que souvent, chaque musicien peut avoir envie aussi d'exprimer son idée musicale, mais en fait, il n'y en a qu'une seule qui doit être honorée, puisque si chacun joue comme il a envie, justement, il n'y a pas de collectif, il n'y a pas d'union qui se crée. Et quand du coup, je suis sur scène, c'est créer ce lien. avec cette matière musicale qu'on va créer, qu'on va faire partager au public, et puis surtout d'amener aussi les publics très différents à venir au concert. Alors c'est vrai que parfois il y en a certains qui sont plus habitués, des mélomanes, des abonnés de certaines salles, mais avec les musiciens de l'Orchestre Divertimento, on va passer beaucoup de temps à aller rencontrer les habitants, là où ils vivent en fait, dans les centres sociaux, les maisons de quartier, les écoles. les lieux culturels, parfois on va aussi en milieu carcéral, en milieu hospitalier, pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer. Et l'idée, c'est d'aller à la rencontre des habitants pour qu'après, eux, ils aient envie de venir aux salles de concert et qu'on retrouve justement cette diversité sociale, culturelle, intergénérationnelle. Et c'est justement créer du lien avec les gens, c'est ça qui m'intéresse. Et du coup, vous parliez tout à l'heure de l'inclusion, de la diversité. Oui, forcément, en plus, moi, je... Je coche plusieurs cases aussi. Bon, ben voilà, moi je m'appelle Zahia, je suis une femme, j'ai commencé, j'étais jeune justement, de milieu populaire, notamment parce que j'ai grandi en Seine-Saint-Denis. Bon, c'est celle que je suis, donc je ne vais pas changer en fait. Et je me suis vite rendue compte qu'en fait, le fait de peut-être ne pas avoir le même parcours que les autres, ça m'a permis aussi de faire un pas de côté, d'avoir un regard différent. Et il n'y a pas... lui fait une carrière qui est mieux que la mienne ou moi j'ai des idées plus intéressantes que les autres c'est juste qu'il n'y a pas qu'une seule façon de faire de la musique et je crois que peut-être c'est un peu ce qui a un petit peu je pense parfois englué notre milieu musical c'est que un bon musicien c'est un musicien qui jouait dans les grandes salles de concert ou qui joue beaucoup à l'international qui joue comme ci, qui fait comme ça en fait non justement il y a plein de façons de pouvoir partager la musique la transmettre ... Et donc, moi, j'ai eu aussi envie, j'ai mon parcours personnel, mais il est vraiment à réfléchir à plein d'idées. Justement, la place de la diversité culturelle en France, le sujet de l'inclusion et des personnes en situation de handicap. Plein, plein de sujets qui, aujourd'hui, que j'aime bien traiter en musique. Et c'est ce qui fait que les projets que je porte avec Divertimento sont très différents de ce que proposent les autres orchestres. Et peut-être, il y en a un que j'aurais envie de partager avec vous. par exemple jouer dans le cadre des Jeux paralympiques pour l'ouverture de la saison de la Philharmonie de Paris. On m'a invité en disant « Zahia, vous avez fait beaucoup de projets autour du sport. » Évidemment, le sport, ça m'a inspirée. Et même le sport avait sa place sur scène avec nous parce qu'il y a une énergie dans le sport qui est aussi la même et plein de valeurs communes de ce que nous aussi, on peut faire partager avec nos publics par la musique. Et je me suis dit, dans les Jeux paralympiques, s'il y a bien le sujet de l'inclusion et des personnes en situation de handicap, si on n'en parle pas et qu'on ne l'en montre pas, à quel moment on va le faire en fait ? Et c'est vrai que ce sujet-là, ça fait longtemps qu'on le traite avec Divertimento et on a été amené à proposer un programme vraiment à 360 degrés, où à la fois dans l'accueil des publics, l'accueil des artistes, des artistes et des sportifs qui étaient en situation de handicap avec nous. On était tous musiciens et tous sportifs de la même façon. Il n'y avait pas de différence et on ne se posait même pas la question. Une fois qu'on est sur scène, on est tous des artistes. Peu importe qu'on soit une femme, un homme, grand, âgé, jeune, valide ou non valide, la question ne se pose pas. C'est juste qu'en fait, je pense que dans notre métier et même dans notre société, il faut qu'on apprenne à s'adapter les uns aux autres et à trouver des solutions. Et donc forcément... Par exemple, dans ce projet-là, on a invité des jeunes de notre académie à jouer pour le final du concert. Et donc, on avait des jeunes qui étaient de Paris, de Stein, de Seine-Saint-Denis, et aussi un partenariat qu'on avait monté avec l'Institut national des jeunes aveugles. Et donc, moi, dans mon métier, par exemple, je passe beaucoup de temps à créer le lien avec le regard, avec les musiciens. Et c'est vrai que, forcément, ça m'a beaucoup bousculé de me dire « Là, du coup, ce regard-là, je ne peux pas du tout l'utiliser. » Et que même dans ma gestique de chef d'orchestre, puisque c'est ma façon de communiquer avec les musiciens, eh bien... certains musiciens ne me verront pas, donc il va falloir qu'on crée ce contact autrement. Et donc on a évidemment beaucoup répété ensemble, beaucoup parlé ensemble, et puis on a créé aussi des binômes dans l'orchestre avec des musiciens, des jeunes valides et des jeunes de l'Institut des Jeunes Aveugles, on a travaillé ensemble, et au même titre qu'on voit par exemple parfois dans les compétitions des athlètes qui vont guider d'autres athlètes, et bien nous on avait des musiciens qui guidaient d'autres musiciens. Mais même ça se faisait dans les deux sens. Parce que ce qu'on a aussi beaucoup appris de ces musiciens-là, c'est qu'ils avaient appris à prendre des repères différents des nôtres. Et donc on s'en est aussi inspirés. Donc ce n'était pas juste de dire, moi je viens t'aider. C'est vraiment de dire, on va créer un lien ensemble. Et donc on a appris les uns des autres. Et on a fait un super concert. Et les musiciens qui étaient non-voyants, ils étaient au cuir et aux percussions. Donc on ne peut pas dire que c'était dans des instruments qui ne sont pas voyants, pas visibles et qu'on ne peut pas entendre. Il y en avait un qui avait la grosse caisse, donc je dois vous dire que si je ne veux pas bien, on l'entend. Et j'étais hyper fière de ça. Et donc, ça fait partie des sujets qui, moi, m'encouragent évidemment à continuer. Et surtout, qui m'ont fait comprendre, même si j'en étais convaincue, mais là, concrètement, qu'il faut continuer dans cette voie-là. Et même, ça m'a même amenée d'ailleurs à être, même d'un point de vue artistique, encore plus créative. Parce que je me dis que d'habitude, ce que nous, on propose sur scène, c'est pour des gens qui viennent, qui entendent bien, qui voient bien. Et on ne se pose pas la question de dire... Il y a peut-être des personnes qui sont dans une autre position, qui n'entendent pas bien, qui ne voient pas bien. Et donc, ça m'a amenée à proposer, dans le parcours musical de ce spectacle, des séquences avec des approches sensorielles différentes. Et je dois dire que si je ne m'étais pas posé la question, on n'aurait jamais fait ça. Et c'était parmi les moments les plus forts de ce spectacle. Donc oui, moi je reste convaincue de ça. Et c'est vrai qu'à Divertimento, il y a ce sujet de l'inclusion, il y a ce sujet de la place des femmes. On a la parité dans l'orchestre, on a la parité dans les solistes. Et je dois dire que depuis que... Et moi, je tiens beaucoup à cette parité. Je dois dire que depuis qu'on est en effet bien dans cette parité-là, c'est un orchestre qui est beau à regarder, qui est engagé, qui est fort, qui est riche. Alors comme dans tous les orchestres et comme dans tous les groupes, de temps en temps, il y a évidemment des petites chamailleries, des petites tensions comme partout. On reste un groupe qui vit. Mais c'est vrai que... Le fait de travailler sur ces différents sujets nous amène aussi à avoir une force. Et donc, moi, j'ai envie de donner du sens à ce projet. Et là, le sens principal, c'est vraiment d'être dans la proximité avec les habitants et aussi de faire avancer ces sujets d'inclusion et de diversité.

  • Speaker #0

    Zahia, moi, quand je vous écoute, on parle de manager, de coach, etc. Moi, j'ai envie de dire, aujourd'hui, le manager d'une entreprise, on doit avoir des chefs d'orchestre. qui embarquent toutes les équipes, qui font vraiment de l'inclusion et qui montrent que justement, par nos différences, quand je vous entends, c'est très fort en fait, justement ça donne cette force. Je trouve que ça vous différencie, votre parcours et votre approche fait vraiment que ça vous différencie, mais que ça vous rend beaucoup plus forte par rapport à des choses qu'on a l'habitude de voir et que l'orchestre vous emmène à cette force. Alors qu'à la base, on pourrait penser qu'il y a des handicaps, des difficultés, etc. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu'on a intérêt à avoir des managers chefs d'orchestre ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce qu'il faut avoir, le management dans une entreprise ou dans un orchestre, il faut en tout cas avoir des gens qui soient passionnés et des gens qui savent où emmener les équipes. Et ça, je trouve que c'est très important. Et moi, en tant que chef d'orchestre, parfois, sur le dernier spectacle dont je viens de vous parler, j'ai amené l'orchestre à jouer dans le noir. J'ai amené mes musiciens à faire une chorégraphie en langue des signes. C'est génial. Il fallait être audace. J'osais. Au début, j'ai dit à mes musiciens, ne vous inquiétez pas, on va y arriver. Évidemment, après, il a fallu créer les conditions pour que ça puisse se passer, se faire bien, amener les personnes justement à pouvoir aussi proposer des solutions pour aborder parfois ces nouvelles difficultés qu'on rencontrait. Et donc, je pense que quand on est juste et qu'on sait où on emmène les équipes. Déjà, c'est un bon chemin de fait. Après, ça reste un métier qui est difficile à faire, de diriger un orchestre ou d'emmener une équipe. D'autant que dans un orchestre symphonique, c'est vrai qu'un orchestre n'est pas du tout un lieu démocratique. Pas du tout. Donc, dans une société où aujourd'hui, on essaie de mettre en place soit un management un petit peu horizontal dans certaines entreprises ou la démocratie participative dans notre société. C'est un endroit, l'orchestre, où en fait, comme en plus on est nombreux, il y a une direction musicale à donner, et donc les musiciens viennent et me suivent. Mais par contre, moi je vais essayer de créer dans cette programmation musicale des moments où on va plutôt mettre en valeur certains musiciens, certains pupitres, des projets aussi. Et donc, je dois dire que ce que vous disiez tout à l'heure, c'est assez juste. Moi, dans mon profil de musicien, et même dans les musiciens que j'ai recrutés, il y a quelques temps, on aurait pu dire, « Ah bah tiens, ces musiciens-là, leur profil ne m'intéresse pas, parce que, par exemple, ils sont polyvalents, ou ils ont ceci, ou ils ont cela. » Et moi, j'ai essayé de faire en sorte que ce qu'on estimait des difficultés, que nous, on en fasse une force. Et donc, bah oui, moi, je suis celle que je suis, je ne vais pas me changer. Et parfois, c'est ce cloisonnement qu'on retrouvait dans le milieu musical. On nous demandait à une époque de choisir entre être artiste ou être musicien, être artiste et être pédagogue, de jouer par exemple du classique, et pas d'aborder forcément d'autres styles de musique. Parfois, on me disait, soit vous jouez dans la proximité avec les habitants, soit à l'international, mais on ne peut pas faire les deux. Moi, je n'ai jamais voulu rentrer dans ces cases-là. Au contraire, un musicien qui vient divertimenter, je lui demande d'être un très bon musicien d'orchestre, mais d'apporter une autre qualité. Et cette polyvalence qui était pendant longtemps perçue comme quelque chose de dévalorisant, moi j'en ai fait une force qui nous permet aujourd'hui de pouvoir avoir un projet créatif, artistique très créatif, très singulier, de faire des choses qu'aucun autre orchestre ne peut faire. Mais ces autres orchestres, ils ont aussi leur propre qualité et leur force, et des choses que nous on ne pourrait pas faire non plus. Et donc voilà, c'est ça, c'est de me dire, on n'est pas obligé de faire comme tout le monde, il n'y a pas qu'une seule façon de faire de la musique, nous on va développer notre propre ligne artistique. notre propre projet. Et c'est ce qui fait aujourd'hui justement la force de l'Orchestre Divertimento et qui nous a amenés à être aussi présents dans des grands événements internationaux ou dans d'autres projets. Et surtout aujourd'hui, de continuer à développer cette singularité. Alors peut-être que je sais que la Poste, vous avez essayé d'apporter des nouvelles idées dans vos métiers. Peut-être qu'au début, personne n'y croyait. Aujourd'hui, il y a des choses qui sont ancrées. Nous, c'est un peu pareil et c'est ce qu'on fait. Aujourd'hui, et c'est vrai qu'il y a 25 ans, quand j'avais commencé à dire « oui, divertimento, ce sera un orchestre dans la proximité avec les habitants, on sera d'abord en Seine-Saint-Denis, puis dans les milieux urbains, puis après en milieu rural » , il y a beaucoup de gens qui me disaient « non, mais ça marche, je n'arrive pas » . Et aujourd'hui, on le voit dans les discours de politique publique ou même dans la fréquentation de nos salles, les gens sont là, ça marche. Donc il faut se lancer, il faut oser. Et puis si ça marche, c'est top, si ça ne marche pas, on apprend de ça. réfléchis à d'autres choses et donc c'est pour ça que je me suis jamais mis de frein en fait.

  • Speaker #0

    Ça répond un peu à une question que je voulais vous poser mais peut-être que vous avez d'autres choses à compléter. Qu'est-ce que vous donneriez comme conseil à des jeunes femmes ou pas des jeunes femmes d'ailleurs, mais même à d'autres personnes qui se mettraient des freins ? Est-ce qu'il y a un conseil ou deux que vous leur donneriez vraiment pour arriver à, peut-être pas être Zahia, mais en tout cas à ce que chacun...

  • Speaker #1

    Oui, chacun doit trouver sa voie. Oui. exactement, chacun doit trouver sa voie. Après, moi, c'est le message que je fais passer, en tout cas, aux jeunes qui viennent se former dans notre académie, à ma fille aussi, à tous ceux que je rencontre, de leur dire, déjà, il ne faut rien s'interdire. Et tout le monde doit être capable, parce que j'en ai entendu, moi, des réflexions tout au long de ma jeunesse et même de ma carrière, de « tu ne pourras pas être chef d'orchestre, ce n'est pas un métier qui est fait pour les femmes » ou « concentre-toi sur tel sujet parce que… » laisse la place, on m'a aussi dit tiens, t'es très forte dans le lien avec les habitants, donc fais ça et laisse la place dans les grandes scènes nationales et internationales à d'autres. Non, non, en fait, chacun doit se tracer sa voie, ne rien s'interdire. Après, ce qu'il faut savoir, c'est qu'on n'a rien sans rien et qu'il faut beaucoup travailler. Et ça, c'est vrai que parfois, aujourd'hui, on est dans une société où les choses vont vite. On est même dans la… voilà, on attend parfois beaucoup d'immédiateté. Bon, un sujet comme la musique… Il faut travailler longtemps, des années, des années, des années, des années, pour arriver à atteindre ses objectifs, ses rêves. Une fois qu'on arrive à un super niveau, qu'on décide d'aller plus loin, évidemment, il y a d'autres résultats qui arrivent plus vite par la suite, mais ça reste un univers, et j'ai envie de dire, dans tous les univers, il faut travailler. Donc à partir du moment où on travaille, on a des résultats, et moi j'invite les femmes à...

  • Speaker #0

    à ambitionner ce qu'elles veulent, aller dans les univers qu'elles veulent, les garçons aussi, et qu'il n'y a pas de frein à se mettre et que c'est super important. Donc moi, j'ai envie de dire, il ne faut rien s'interdire et il faut travailler. Je sais que ce n'est peut-être pas une bonne recette,

  • Speaker #1

    mais en tout cas,

  • Speaker #0

    c'est celle qui a fonctionné en ce qui me concerne. Et surtout, ne rien s'interdire, parce que même si on arrive dans son métier, dans son milieu, C'est vrai que parfois, on est un petit peu mis à... Il y a un peu le poids des traditions, le poids des habitudes. Et donc, parfois, c'est vrai que moi, je me suis aussi souvent remise en question en me disant, Zahia, c'est très différent ce que tu fais, est-ce que tu crois que c'est bien ? Puis quand j'ai commencé à l'international, j'ai commencé à être invitée aux États-Unis dans plein d'endroits en me disant, mais c'est fantastique la façon dont vous abordez cette musique, la musique avec justement des nouvelles approches. Et là, j'ai commencé à me dire, en fait, Zahia, Enfin voilà, fais-toi confiance en fait, et c'est ça, il faut se faire confiance, c'est important.

  • Speaker #1

    Zahia, est-ce que vous avez un rôle modèle ? Quelqu'un qui vous a inspirée ? Ah,

  • Speaker #0

    il y a beaucoup de gens qui m'ont inspirée, mais je dois dire que... Déjà, j'ai été gâtée parce que même dans ma famille, ma mère et ma grand-mère, elles m'ont beaucoup inspirée. Alors c'est vrai qu'il y a d'autres figures artistiques aussi qui m'ont inspirée, mais je dois dire que ma mère et ma grand-mère, parce que j'ai vu en elles beaucoup de... Combativement, beaucoup de courage, beaucoup d'engagement auprès de leurs proches, l'une comme l'autre, qui m'ont apporté beaucoup d'amour, beaucoup d'attention. Et donc, je dois dire que ça m'a toujours dit, et c'est vrai qu'en étant chef d'orchestre, à chaque fois que je rencontrais une difficulté, je me disais, non mais Zahia, par rapport aux réalités que ma grand-mère a vécues en Algérie pendant la guerre, elle a connu la guerre, la famine. la pauvreté, plein de choses. Je me dis, bon, Ausha, tu vas voir, il y en a qui ont eu des vies plus difficiles. Et puis voilà. Donc, des fois, on n'a pas besoin d'aller plus loin, d'aller trop loin pour voir les choses. Après, c'est sûr qu'il y a des femmes compositrices, des artistes, des figures historiques qui m'ont évidemment inspirée, mais j'ai eu la chance quand même de vivre dans une famille où les femmes ont une place importante aussi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Zahia. Merci vraiment pour cet échange, pour être restée avec cette simplicité, malgré votre parcours incroyable. Moi, je suis très admirative, très sincèrement.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Un grand merci. Et puis, je vous donne rendez-vous pour une prochaine émission d'Appareil Galle, le mois prochain. Merci, Zahia.

  • Speaker #0

    Merci.

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Description

Rejoignez-nous pour une conversation inspirante avec Zahia Ziouani, l'une des rares femmes cheffes d'orchestre en France, où elles représentent moins de 4 % .

 

Zahia a notamment dirigé l'orchestre lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024.

Dans cet épisode, elle partage sa vision d'un accès égalitaire à la culture, ses initiatives pour rendre la musique accessible à toutes et à tous, notamment dans les milieux urbains et ruraux.


 Elle nous parle de son parcours en tant que femme, de son engagement pour la parité et la diversité, ainsi que de la richesse qu’apporte le fait de ne pas rentrer dans des cases et de développer sa singularité.

 

Ne manquez pas cet échange passionnant !


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue à l'émission À part égale, l'émission du réseau Parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai la joie d'accueillir parmi nous Zaya Diwani. Bonjour.

  • Speaker #1

    Zaya,

  • Speaker #0

    bonjour. Alors Zaya, vous êtes chef d'orchestre depuis bien longtemps maintenant. Vous avez démarré, vous êtes une des plus jeunes, je crois, chefs d'orchestre que vous aviez démarré. Vous étiez très jeune.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Et vous avez un parcours incroyable, très singulier, et une vraie singularité de votre... parcours et de votre orchestre aussi divertimento. Vous dites que c'est l'orchestre, il me semble, des territoires urbains et que pour vous la musique c'est comme la citoyenneté, ça permet l'inclusion, un peu comme nous d'ailleurs à La Poste. Pourquoi est-ce que c'est important pour vous de mettre la musique classique au cœur des territoires ?

  • Speaker #1

    Et bien c'est important pour moi, alors c'est l'orchestre des territoires urbains mais ruraux aussi parce que voilà... On a été très attachés, alors même si notre histoire avec l'Orchestre divertimento, elle s'est écrite en Seine-Saint-Denis dans un premier temps, ensuite plus largement région Île-de-France, et on a commencé à être invités en effet dans d'autres territoires en France qui avaient envie de développer une dynamique autour de la musique classique. Et c'est vrai que moi je suis très attachée à ça parce que j'ai grandi en Seine-Saint-Denis et j'ai eu la chance de découvrir la musique parce que mes parents étaient très mélomanes, très curieux, et donc on sortait beaucoup. notamment de notre quartier de Pantin, pour après aller voir des concerts, des expositions, visiter des monuments. Donc pour moi, ça a été vraiment très enrichissant, cet accès à l'art et à la culture. Et en même temps, je me posais toujours la question en disant, mais pourquoi pas dans ma ville ? Pourquoi pas dans mon département ? Et j'ai eu envie de donner du sens à ce projet de divertimento. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, évidemment, on se produit aussi... dans des grands auditoriums et grandes salles de concert, mais on passe aussi beaucoup de temps, et ça nous tient à cœur, d'être au cœur des territoires urbains et ruraux, et de faire en sorte que la musique classique soit accessible à tout le monde, parce que c'est beau, la musique est belle, elle procure beaucoup d'énergie, et on a envie de partager ça avec tout le monde. Moi, ce que je trouve intéressant, c'est que, souvent, surtout dans la pratique de la musique classique, pendant très longtemps, elle était présente dans des grandes salles de concert, très identifiées, avec... des personnes qui avaient l'habitude d'aller au concert. Et c'est vrai que pendant longtemps, on n'a pas trop réinterrogé ça. Et moi, quand j'ai découvert la musique classique, j'étais enfant, et j'étais passionnée par cette musique. Alors, on en écoutait aussi d'autres à la maison, mais je dois dire que moi, si j'avais envie de me faire plaisir, j'adorais mettre des symphonies de Mozart ou de Beethoven que j'avais découvertes avec mes parents et qu'on aimait bien écouter avec notre père notamment. Et donc, ce qui fait que... Moi ce que j'avais envie c'était de ressentir de nouveau ces émotions et surtout à la fois la beauté et la puissance de l'orchestre. Quand j'étais plus jeune, je n'arrivais pas trop à analyser pourquoi, maintenant je le sais un peu plus, mais à cette époque, moi ce que j'avais envie c'était de ressentir en effet toute cette énergie de l'orchestre. Et donc c'est vrai qu'on sait que dans nos territoires aujourd'hui en France, on a la chance de vivre dans un pays où il y a plein de belles choses, mais il y a aussi beaucoup d'inégalités, on les connaît sur l'accès à la santé, les transports. sur la mobilité, sur plein de sujets. Et la culture aussi en fait partie. Et donc je me suis dit, il faut que Divertimento soit singulier à plusieurs titres. D'un point de vue artistique, il faut qu'on puisse proposer des nouvelles idées et qu'on puisse aussi aller au contact des habitants. Et c'est ça que j'ai souhaité développer avec l'ensemble des musiciens de l'orchestre et ce qu'on fait aujourd'hui tous les jours.

  • Speaker #0

    Vous pouvez nous en dire plus sur le pourquoi vous aviez cette envie très jeune de découvrir cette musique et d'aller vers ce... cet environnement musical plutôt classique.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'en fait, moi, j'ai toujours déjà beaucoup écouté la musique à la maison. Et avec mes parents, ça faisait partie de notre environnement quotidien de lire et puis d'écouter de la musique. Et c'est vrai que même si mon père était aussi passionné de jazz, de pop, de musique du monde arabe, avec mes parents, on en écoutait aussi beaucoup. Mais c'est vrai que c'était la musique classique qui m'a passionnée. Et c'est vrai que moi, ce qui m'a plu tout de suite, c'était de ressentir en effet ces émotions et ce côté très vivant de cette musique symphonique. Et c'est que plus tard, en effet, en faisant moi-même, en pratiquant des instruments, que j'ai découvert cet univers de l'intérieur. Alors, j'ai joué d'abord de la guitare, mais sans savoir qu'il n'y avait pas de guitare classique dans les orchestres. Et quand j'ai commencé à pratiquer cet instrument, j'étais passionnée toujours de musique. J'ai adoré cet instrument, mais... Moi j'avais envie de jouer dans l'orchestre, mais je ne savais pas qu'en choisissant cet instrument, on ne pouvait pas jouer dans les orchestres symphoniques. Et donc j'ai décidé ensuite de pratiquer un deuxième instrument qui est l'alto. Et c'est en pratiquant l'alto qu'en effet j'ai pu jouer dans les orchestres et découvrir ce métier de chef d'orchestre. Donc je dois dire que c'est vrai que la musique classique et la musique symphonique, c'est ce qui m'a toujours fait vibrer et que j'ai envie de partager aujourd'hui dans mon métier de chef d'orchestre. Et c'est pour cette raison que j'ai décidé à la fois de... d'être chef d'orchestre et de diriger les grandes oeuvres, mais aussi de passer du temps pour la partager avec les jeunes et puis aussi tous les habitants qu'on rencontre tous les jours.

  • Speaker #0

    Zahia, il me semble qu'il y a moins de 4% de femmes chefs d'orchestre, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Il y a en effet moins de 4% des chefs d'orchestre, des chefs d'orchestre qui sont des femmes. Et c'est vrai que traditionnellement, dans l'histoire de l'orchestre symphonique, même en Europe, si on regarde des images d'archives des années 50, 60, 70, même 80, on voit soit pas du tout de femmes, soit une ou deux. Pendant très longtemps, elles étaient interdites dans les orchestres. Ça fait partie de ces réalités, comme dans notre société, où les femmes…

  • Speaker #0

    Elles étaient interdites.

  • Speaker #1

    Oui, oui, avaient accès plus tard au fait de pouvoir voter ou d'ouvrir un compte en banque toute seule. Bon, ben voilà, ça fait partie de notre histoire, c'est comme ça. Et donc, c'est vrai que, de fait, s'il n'y a pas beaucoup de femmes dans les orchestres, la personne qui incarne l'autorité dans l'orchestre le plus, c'est le chef d'orchestre ou la chef d'orchestre. Donc forcément… on voit moins de femmes parce qu'il y avait aussi certaines idées reçues sur le fait qu'une femme n'avait pas forcément de l'autorité pour faire face à un orchestre ou que le fait d'être maman n'était pas compatible avec le métier de chef d'orchestre. Donc même dans la formation des chefs d'orchestre, c'est arrivé vraiment plus tardivement que les femmes puissent avoir accès à la formation conservatoire, notamment de Paris. Donc c'est ça qui aussi justifie, enfin justifie en tout cas, qui permet de comprendre pourquoi. on n'a pas vu, il y a eu aussi peu de femmes. Et puis voilà, c'est comme aujourd'hui, même si on regarde dans d'autres domaines, les chefs d'entreprise dans les entreprises du CAC 40, ou même dans le milieu politique, on voit encore qu'il y a beaucoup de chemin à faire pour qu'il y ait la parité. Donc ça, c'est vrai que c'est un vrai sujet. Et ce qui fait que les quelques femmes que nous sommes aujourd'hui à évoluer dans le paysage musical, les 4% dont vous parlez, il y en a quelques-unes qui sont, où on est aussi chef d'orchestre, invité des orchestres. Et on a quasiment toutes dû créer nos propres orchestres pour pouvoir exister. Et en fait, ce qu'il faut avoir en tête, c'est qu'en France, il y a beaucoup d'orchestres, et des orchestres nationaux notamment, et régionaux, qui sont financés par les pouvoirs publics. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, on ne voit pas encore beaucoup de femmes à la tête de ces orchestres-là en tant que directrices musicales. Alors oui, en tant que chef d'orchestre invité, et de plus en plus, et c'est déjà un très bon chemin, mais il n'y a pas de raison qu'on ne confie pas la direction d'un orchestre, parce que... Quand on est directeur ou directrice musicale, ça nous permet de pouvoir choisir les oeuvres, de créer une ligne artistique, de recruter les musiciens. Donc on n'est pas du tout dans la même dynamique et le même positionnement que quand on vient juste diriger quelques jours un orchestre sur lequel on n'a pas la possibilité de choisir les oeuvres ni les musiciens. Voilà, ce n'est pas du tout la même chose. Et donc je dois dire que ça c'est une première chose, une réalité qui est encore assez forte. et qu'il faudrait changer. Et la deuxième, c'est qu'en effet, il y a des salles de concert comme la Philharmonie de Paris qui font plus d'efforts pour pouvoir inviter les femmes, en tout cas des programmations avec des femmes chefs d'orchestre. Et ça, il y a même un concours qui s'appelle la Maestra qui a été développé pour justement mettre en valeur les femmes chefs d'orchestre. Mais par contre, si on regarde aujourd'hui la saison de l'Opéra de Paris, on voit une saison entière sans une femme qui dirige. Et pourtant, c'est une des plus belles. Alors, c'est un lieu très prestigieux avec un magnifique orchestre, de très belles programmations. Mais aujourd'hui, partout dans le monde, on trouve des femmes metteurs en scène, des femmes compositrices, des femmes chefs d'orchestre de grands talents. Et moi, je trouve fort dommage que dans un, peut-être un des établissements les plus financés en France par de l'argent public, on renvoie cette image de « pas aucune femme » . Donc, il faut être exemplaire dans ces lieux-là. Et c'est peut-être les progrès, les chemins à faire. aujourd'hui dans notre milieu artistique.

  • Speaker #0

    Donc vous pensez que c'est encore difficile aujourd'hui, si vous n'aviez pas vous créé votre orchestre, est-ce que vous pensez que vous auriez pu avoir cette même carrière, cette même visibilité ?

  • Speaker #1

    Ah, clairement pas du tout. Ah, clairement pas du tout. Et je trouve que c'est encore difficile pour moi, j'ai envie de dire aussi difficile que quand j'ai commencé. Après, ce fut... Ah oui ? Ah oui, oui. Malgré que vous ayez fait la clôture des JO. C'est des difficultés qui sont différentes, c'est-à-dire que moi, quand j'évolue dans ma carrière, en fait, à chaque fois, on est face à... à de nouveaux challenges, des nouveaux défis, des nouvelles étapes. C'est un peu, peut-être pour que ceux qui nous écoutent comprennent, c'est un peu comme si on crée son équipe de foot et qu'on est en régionale, puis après on passe en nationale, puis après on passe en Ligue 2, en Ligue 1, en Ligue des champions. On sait que chaque nouvelle étape, chaque nouvelle dimension, elle va apporter à la fois son lot de satisfaction et puis son lot de difficultés. Du coup, j'ai l'impression un peu de vivre ça, c'est-à-dire qu'à chaque fois que je rentre dans cette nouvelle dimension, d'avoir d'autres difficultés qui se présentent et qui sont encore plus fortes que celles que j'ai rencontrées avant. Et je dois dire que ce n'est pas encore quelque chose de simple. Et en tout cas, ce qui est sûr, c'est que si je n'avais pas créé Divertimento, je n'aurais pas du tout fait la carrière que je fais aujourd'hui. Parce que c'est aussi dans les contraintes, quelque part, qu'on apprend aussi à être créatif, qu'on apprend à réfléchir. Et moi, je dois dire, peut-être si j'avais eu les mêmes facilités que les hommes, je me serais peut-être concentrée sur ma trajectoire personnelle à diriger les orchestres partout dans le monde. Et j'ai eu aussi à un moment donné cette vie-là. Et c'est en effet très satisfaisant aussi. C'est vrai qu'en créant Divertimento, je me suis vraiment posé la question de quel chef d'orchestre j'avais envie d'être au XXIe siècle, comment je voulais transmettre les œuvres, parce que ça fait partie de mon métier malgré tout de transmettre ce patrimoine, et comment j'avais aussi envie d'apporter aussi de l'innovation et surtout de la partager avec des publics très larges et quelque part des publics comme ce que j'ai été quand j'étais enfant, c'est-à-dire que même si la musique classique est européenne, aujourd'hui en France, on a des gens qui viennent de partout dans le monde. des gens qui ont des origines sociales différentes, des âges différents, et qu'il faut pouvoir aussi s'adresser à tout le monde et pouvoir aussi porter un message peut-être un peu plus fédérateur ou plus universel. Et c'est ce qui m'a amenée justement à être créative et à réfléchir. Donc je dois dire que même si par ailleurs j'avais plein de freins et plein de handicaps, c'est aussi ce qui m'a permis d'être la chef d'orchestre que je suis aujourd'hui et de faire ma place dans le paysage musical et de m'amener en effet à diriger la... la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques ou plein d'autres projets. Donc non, c'est clairement le fait d'avoir créé Divertimento que j'ai pu avoir cette carrière-là aujourd'hui. Et j'espère surtout que maintenant, pour les prochaines générations, elles n'auront pas à faire le chemin que j'ai dû déjà faire moi de mon côté.

  • Speaker #0

    En tout cas, c'est sûr que vous ouvrez la voie. En tout cas, ça montre que c'est possible. Qu'est-ce qui fait, selon vous, est-ce que vous êtes, je ne sais pas, en mesure d'analyser le fait que vous n'avez jamais baissé les bras ? Il y a beaucoup de gens qui auraient baissé les bras. Qu'est-ce qui fait que vous vous êtes dit, c'est possible, vous y êtes allé, et vous dites, c'est encore difficile, mais vous allez de plus en plus haut tout le temps ?

  • Speaker #1

    Déjà, moi, je me sens aussi privilégiée de faire un métier qui me plaît, qui est aussi ma passion, donc on ne va pas se mentir, c'est déjà une grande chance. Et en même temps, je me dis que même par rapport à... J'ai toujours voulu, par rapport même aux jeunes que je rencontre tous les jours, aujourd'hui, moi, j'ai aussi une fille qui a 10 ans, et j'ai envie, parce que si je ne continue pas à me battre, quel message aussi on leur fait passer, quelle image on leur donne. Donc, je trouve que c'est tellement important. Et la musique, de toute façon, c'est comme un sport de haut niveau. C'est-à-dire qu'on sait que si on veut des résultats, il faut travailler. Il faut travailler. Alors, c'est vrai qu'il faut travailler très dur, c'est beaucoup de sacrifices, mais quand on travaille, on a des résultats. Donc, je me suis toujours dit, Zaya, oui, c'est difficile, il ne faut pas baisser les bras. Mais parce que je suis très convaincue de ce que je fais et que je vois aussi le résultat au bout de toutes ces années des concerts que je donne. Et très souvent, par exemple, un même programme que je vais proposer ou un même spectacle que je vais créer, je vais le présenter dans des théâtres de proximité en Seine-Saint-Denis, parfois dans des gymnases en milieu rural, mais aussi à la Philharmonie de Paris. ou à l'international, comme ça a été le cas récemment, donc partout. Et moi, à chaque fois, je vois des salles qui sont remplies. Remplies en banlieue parisienne, remplies en milieu rural, remplies à la Philharmonie de Paris, remplies à Hong Kong ou ailleurs. Donc, ça prouve que, en fait, la musique, elle touche tout le monde et que ça a du sens de la jouer partout. Il faut arrêter de choisir à la place des gens de « Ah, la musique classique, il faut que ça soit à l'opéra, ou voilà, dans telle case, ou pour tel type de personne. » Non, il faut le faire. Alors, bien sûr que... Quand on aménage un gymnase, parfois dans certains lieux en milieu rural, parce qu'il n'y a pas de lieu culturel, c'est sûr que parfois le confort est un peu moins grand que si je joue dans une grande salle de concert, à la Philharmonie de Paris par exemple, ou ailleurs. Mais ça a autant de sens, et les gens viennent nombreux, très nombreux. Donc en fait, il faut arrêter de penser que ça ne les intéresse pas. Ce n'est pas du tout le cas. Et c'est vrai que j'ai aussi constaté qu'à partir du moment où on amène la culture dans la proximité auprès des habitants, Après, eux aussi se déplacent et vont dans les grandes salles de concert. Et ça ne vient pas du tout en concurrence. Et c'est très complémentaire. Et quand je vois ces résultats-là, je me dis que ça vaut le coup de continuer. Ou quand je vois les jeunes qui fréquentent aujourd'hui l'Académie Divertimento, parce que ça me tenait à cœur aussi de former les jeunes, et je les vois réussir, les voir s'épanouir par la musique, moi, c'est sûr que ça me motive à continuer. Et parfois, j'explique aux jeunes que c'est chouette, vous faites un métier qui vous... Je dis oui, tout à fait, et ça, je ne le renie pas, mais parfois, 90% de ce que je fais dans une semaine, c'est dur, c'est fatigant, c'est parfois pénible à faire. On n'a pas envie de le faire. Mais pour les 10% qui restent, ça vaut le coup. Donc, c'est pour ça que je n'abandonne pas, en effet.

  • Speaker #0

    C'est un très bel exemple. Mais vous avez raison de le dire aussi, c'est beaucoup de travail. On n'a rien sans rien. Je trouve beaucoup de proximité avec nos valeurs dans le groupe La Poste. On est présents partout sur le territoire. On va à la rencontre de toutes et de tous. On est même à l'international. Le lien, c'est très fort. Et c'est ce que vous véhiculez de manière vraiment très importante, je trouve. Et à travers votre exemple, vous montrez que finalement, il n'y a pas de frontière et que l'inclusion, la diversité, est-ce que c'est un sujet ? Vous voyez ce que je veux dire ?

  • Speaker #1

    En fait, créer le lien, c'est exactement ce que j'aime faire et ce que j'aime dans mon métier. Déjà, c'est créer du lien au sein d'un orchestre, entre mes musiciens, d'arriver justement à emmener tout le monde dans la même direction. Et ça, c'est un vrai défi, parce qu'un orchestre, c'est comme une micro-société. Il y a de tout, il y a des hommes, des femmes, des plus âgés, des plus jeunes, des grands, des petits, il y a de tout, avec des gens avec des personnalités très différentes et qui sont d'ailleurs tous très bons dans leur domaine. Et c'est vrai que souvent, chaque musicien peut avoir envie aussi d'exprimer son idée musicale, mais en fait, il n'y en a qu'une seule qui doit être honorée, puisque si chacun joue comme il a envie, justement, il n'y a pas de collectif, il n'y a pas d'union qui se crée. Et quand du coup, je suis sur scène, c'est créer ce lien. avec cette matière musicale qu'on va créer, qu'on va faire partager au public, et puis surtout d'amener aussi les publics très différents à venir au concert. Alors c'est vrai que parfois il y en a certains qui sont plus habitués, des mélomanes, des abonnés de certaines salles, mais avec les musiciens de l'Orchestre Divertimento, on va passer beaucoup de temps à aller rencontrer les habitants, là où ils vivent en fait, dans les centres sociaux, les maisons de quartier, les écoles. les lieux culturels, parfois on va aussi en milieu carcéral, en milieu hospitalier, pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer. Et l'idée, c'est d'aller à la rencontre des habitants pour qu'après, eux, ils aient envie de venir aux salles de concert et qu'on retrouve justement cette diversité sociale, culturelle, intergénérationnelle. Et c'est justement créer du lien avec les gens, c'est ça qui m'intéresse. Et du coup, vous parliez tout à l'heure de l'inclusion, de la diversité. Oui, forcément, en plus, moi, je... Je coche plusieurs cases aussi. Bon, ben voilà, moi je m'appelle Zahia, je suis une femme, j'ai commencé, j'étais jeune justement, de milieu populaire, notamment parce que j'ai grandi en Seine-Saint-Denis. Bon, c'est celle que je suis, donc je ne vais pas changer en fait. Et je me suis vite rendue compte qu'en fait, le fait de peut-être ne pas avoir le même parcours que les autres, ça m'a permis aussi de faire un pas de côté, d'avoir un regard différent. Et il n'y a pas... lui fait une carrière qui est mieux que la mienne ou moi j'ai des idées plus intéressantes que les autres c'est juste qu'il n'y a pas qu'une seule façon de faire de la musique et je crois que peut-être c'est un peu ce qui a un petit peu je pense parfois englué notre milieu musical c'est que un bon musicien c'est un musicien qui jouait dans les grandes salles de concert ou qui joue beaucoup à l'international qui joue comme ci, qui fait comme ça en fait non justement il y a plein de façons de pouvoir partager la musique la transmettre ... Et donc, moi, j'ai eu aussi envie, j'ai mon parcours personnel, mais il est vraiment à réfléchir à plein d'idées. Justement, la place de la diversité culturelle en France, le sujet de l'inclusion et des personnes en situation de handicap. Plein, plein de sujets qui, aujourd'hui, que j'aime bien traiter en musique. Et c'est ce qui fait que les projets que je porte avec Divertimento sont très différents de ce que proposent les autres orchestres. Et peut-être, il y en a un que j'aurais envie de partager avec vous. par exemple jouer dans le cadre des Jeux paralympiques pour l'ouverture de la saison de la Philharmonie de Paris. On m'a invité en disant « Zahia, vous avez fait beaucoup de projets autour du sport. » Évidemment, le sport, ça m'a inspirée. Et même le sport avait sa place sur scène avec nous parce qu'il y a une énergie dans le sport qui est aussi la même et plein de valeurs communes de ce que nous aussi, on peut faire partager avec nos publics par la musique. Et je me suis dit, dans les Jeux paralympiques, s'il y a bien le sujet de l'inclusion et des personnes en situation de handicap, si on n'en parle pas et qu'on ne l'en montre pas, à quel moment on va le faire en fait ? Et c'est vrai que ce sujet-là, ça fait longtemps qu'on le traite avec Divertimento et on a été amené à proposer un programme vraiment à 360 degrés, où à la fois dans l'accueil des publics, l'accueil des artistes, des artistes et des sportifs qui étaient en situation de handicap avec nous. On était tous musiciens et tous sportifs de la même façon. Il n'y avait pas de différence et on ne se posait même pas la question. Une fois qu'on est sur scène, on est tous des artistes. Peu importe qu'on soit une femme, un homme, grand, âgé, jeune, valide ou non valide, la question ne se pose pas. C'est juste qu'en fait, je pense que dans notre métier et même dans notre société, il faut qu'on apprenne à s'adapter les uns aux autres et à trouver des solutions. Et donc forcément... Par exemple, dans ce projet-là, on a invité des jeunes de notre académie à jouer pour le final du concert. Et donc, on avait des jeunes qui étaient de Paris, de Stein, de Seine-Saint-Denis, et aussi un partenariat qu'on avait monté avec l'Institut national des jeunes aveugles. Et donc, moi, dans mon métier, par exemple, je passe beaucoup de temps à créer le lien avec le regard, avec les musiciens. Et c'est vrai que, forcément, ça m'a beaucoup bousculé de me dire « Là, du coup, ce regard-là, je ne peux pas du tout l'utiliser. » Et que même dans ma gestique de chef d'orchestre, puisque c'est ma façon de communiquer avec les musiciens, eh bien... certains musiciens ne me verront pas, donc il va falloir qu'on crée ce contact autrement. Et donc on a évidemment beaucoup répété ensemble, beaucoup parlé ensemble, et puis on a créé aussi des binômes dans l'orchestre avec des musiciens, des jeunes valides et des jeunes de l'Institut des Jeunes Aveugles, on a travaillé ensemble, et au même titre qu'on voit par exemple parfois dans les compétitions des athlètes qui vont guider d'autres athlètes, et bien nous on avait des musiciens qui guidaient d'autres musiciens. Mais même ça se faisait dans les deux sens. Parce que ce qu'on a aussi beaucoup appris de ces musiciens-là, c'est qu'ils avaient appris à prendre des repères différents des nôtres. Et donc on s'en est aussi inspirés. Donc ce n'était pas juste de dire, moi je viens t'aider. C'est vraiment de dire, on va créer un lien ensemble. Et donc on a appris les uns des autres. Et on a fait un super concert. Et les musiciens qui étaient non-voyants, ils étaient au cuir et aux percussions. Donc on ne peut pas dire que c'était dans des instruments qui ne sont pas voyants, pas visibles et qu'on ne peut pas entendre. Il y en avait un qui avait la grosse caisse, donc je dois vous dire que si je ne veux pas bien, on l'entend. Et j'étais hyper fière de ça. Et donc, ça fait partie des sujets qui, moi, m'encouragent évidemment à continuer. Et surtout, qui m'ont fait comprendre, même si j'en étais convaincue, mais là, concrètement, qu'il faut continuer dans cette voie-là. Et même, ça m'a même amenée d'ailleurs à être, même d'un point de vue artistique, encore plus créative. Parce que je me dis que d'habitude, ce que nous, on propose sur scène, c'est pour des gens qui viennent, qui entendent bien, qui voient bien. Et on ne se pose pas la question de dire... Il y a peut-être des personnes qui sont dans une autre position, qui n'entendent pas bien, qui ne voient pas bien. Et donc, ça m'a amenée à proposer, dans le parcours musical de ce spectacle, des séquences avec des approches sensorielles différentes. Et je dois dire que si je ne m'étais pas posé la question, on n'aurait jamais fait ça. Et c'était parmi les moments les plus forts de ce spectacle. Donc oui, moi je reste convaincue de ça. Et c'est vrai qu'à Divertimento, il y a ce sujet de l'inclusion, il y a ce sujet de la place des femmes. On a la parité dans l'orchestre, on a la parité dans les solistes. Et je dois dire que depuis que... Et moi, je tiens beaucoup à cette parité. Je dois dire que depuis qu'on est en effet bien dans cette parité-là, c'est un orchestre qui est beau à regarder, qui est engagé, qui est fort, qui est riche. Alors comme dans tous les orchestres et comme dans tous les groupes, de temps en temps, il y a évidemment des petites chamailleries, des petites tensions comme partout. On reste un groupe qui vit. Mais c'est vrai que... Le fait de travailler sur ces différents sujets nous amène aussi à avoir une force. Et donc, moi, j'ai envie de donner du sens à ce projet. Et là, le sens principal, c'est vraiment d'être dans la proximité avec les habitants et aussi de faire avancer ces sujets d'inclusion et de diversité.

  • Speaker #0

    Zahia, moi, quand je vous écoute, on parle de manager, de coach, etc. Moi, j'ai envie de dire, aujourd'hui, le manager d'une entreprise, on doit avoir des chefs d'orchestre. qui embarquent toutes les équipes, qui font vraiment de l'inclusion et qui montrent que justement, par nos différences, quand je vous entends, c'est très fort en fait, justement ça donne cette force. Je trouve que ça vous différencie, votre parcours et votre approche fait vraiment que ça vous différencie, mais que ça vous rend beaucoup plus forte par rapport à des choses qu'on a l'habitude de voir et que l'orchestre vous emmène à cette force. Alors qu'à la base, on pourrait penser qu'il y a des handicaps, des difficultés, etc. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu'on a intérêt à avoir des managers chefs d'orchestre ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce qu'il faut avoir, le management dans une entreprise ou dans un orchestre, il faut en tout cas avoir des gens qui soient passionnés et des gens qui savent où emmener les équipes. Et ça, je trouve que c'est très important. Et moi, en tant que chef d'orchestre, parfois, sur le dernier spectacle dont je viens de vous parler, j'ai amené l'orchestre à jouer dans le noir. J'ai amené mes musiciens à faire une chorégraphie en langue des signes. C'est génial. Il fallait être audace. J'osais. Au début, j'ai dit à mes musiciens, ne vous inquiétez pas, on va y arriver. Évidemment, après, il a fallu créer les conditions pour que ça puisse se passer, se faire bien, amener les personnes justement à pouvoir aussi proposer des solutions pour aborder parfois ces nouvelles difficultés qu'on rencontrait. Et donc, je pense que quand on est juste et qu'on sait où on emmène les équipes. Déjà, c'est un bon chemin de fait. Après, ça reste un métier qui est difficile à faire, de diriger un orchestre ou d'emmener une équipe. D'autant que dans un orchestre symphonique, c'est vrai qu'un orchestre n'est pas du tout un lieu démocratique. Pas du tout. Donc, dans une société où aujourd'hui, on essaie de mettre en place soit un management un petit peu horizontal dans certaines entreprises ou la démocratie participative dans notre société. C'est un endroit, l'orchestre, où en fait, comme en plus on est nombreux, il y a une direction musicale à donner, et donc les musiciens viennent et me suivent. Mais par contre, moi je vais essayer de créer dans cette programmation musicale des moments où on va plutôt mettre en valeur certains musiciens, certains pupitres, des projets aussi. Et donc, je dois dire que ce que vous disiez tout à l'heure, c'est assez juste. Moi, dans mon profil de musicien, et même dans les musiciens que j'ai recrutés, il y a quelques temps, on aurait pu dire, « Ah bah tiens, ces musiciens-là, leur profil ne m'intéresse pas, parce que, par exemple, ils sont polyvalents, ou ils ont ceci, ou ils ont cela. » Et moi, j'ai essayé de faire en sorte que ce qu'on estimait des difficultés, que nous, on en fasse une force. Et donc, bah oui, moi, je suis celle que je suis, je ne vais pas me changer. Et parfois, c'est ce cloisonnement qu'on retrouvait dans le milieu musical. On nous demandait à une époque de choisir entre être artiste ou être musicien, être artiste et être pédagogue, de jouer par exemple du classique, et pas d'aborder forcément d'autres styles de musique. Parfois, on me disait, soit vous jouez dans la proximité avec les habitants, soit à l'international, mais on ne peut pas faire les deux. Moi, je n'ai jamais voulu rentrer dans ces cases-là. Au contraire, un musicien qui vient divertimenter, je lui demande d'être un très bon musicien d'orchestre, mais d'apporter une autre qualité. Et cette polyvalence qui était pendant longtemps perçue comme quelque chose de dévalorisant, moi j'en ai fait une force qui nous permet aujourd'hui de pouvoir avoir un projet créatif, artistique très créatif, très singulier, de faire des choses qu'aucun autre orchestre ne peut faire. Mais ces autres orchestres, ils ont aussi leur propre qualité et leur force, et des choses que nous on ne pourrait pas faire non plus. Et donc voilà, c'est ça, c'est de me dire, on n'est pas obligé de faire comme tout le monde, il n'y a pas qu'une seule façon de faire de la musique, nous on va développer notre propre ligne artistique. notre propre projet. Et c'est ce qui fait aujourd'hui justement la force de l'Orchestre Divertimento et qui nous a amenés à être aussi présents dans des grands événements internationaux ou dans d'autres projets. Et surtout aujourd'hui, de continuer à développer cette singularité. Alors peut-être que je sais que la Poste, vous avez essayé d'apporter des nouvelles idées dans vos métiers. Peut-être qu'au début, personne n'y croyait. Aujourd'hui, il y a des choses qui sont ancrées. Nous, c'est un peu pareil et c'est ce qu'on fait. Aujourd'hui, et c'est vrai qu'il y a 25 ans, quand j'avais commencé à dire « oui, divertimento, ce sera un orchestre dans la proximité avec les habitants, on sera d'abord en Seine-Saint-Denis, puis dans les milieux urbains, puis après en milieu rural » , il y a beaucoup de gens qui me disaient « non, mais ça marche, je n'arrive pas » . Et aujourd'hui, on le voit dans les discours de politique publique ou même dans la fréquentation de nos salles, les gens sont là, ça marche. Donc il faut se lancer, il faut oser. Et puis si ça marche, c'est top, si ça ne marche pas, on apprend de ça. réfléchis à d'autres choses et donc c'est pour ça que je me suis jamais mis de frein en fait.

  • Speaker #0

    Ça répond un peu à une question que je voulais vous poser mais peut-être que vous avez d'autres choses à compléter. Qu'est-ce que vous donneriez comme conseil à des jeunes femmes ou pas des jeunes femmes d'ailleurs, mais même à d'autres personnes qui se mettraient des freins ? Est-ce qu'il y a un conseil ou deux que vous leur donneriez vraiment pour arriver à, peut-être pas être Zahia, mais en tout cas à ce que chacun...

  • Speaker #1

    Oui, chacun doit trouver sa voie. Oui. exactement, chacun doit trouver sa voie. Après, moi, c'est le message que je fais passer, en tout cas, aux jeunes qui viennent se former dans notre académie, à ma fille aussi, à tous ceux que je rencontre, de leur dire, déjà, il ne faut rien s'interdire. Et tout le monde doit être capable, parce que j'en ai entendu, moi, des réflexions tout au long de ma jeunesse et même de ma carrière, de « tu ne pourras pas être chef d'orchestre, ce n'est pas un métier qui est fait pour les femmes » ou « concentre-toi sur tel sujet parce que… » laisse la place, on m'a aussi dit tiens, t'es très forte dans le lien avec les habitants, donc fais ça et laisse la place dans les grandes scènes nationales et internationales à d'autres. Non, non, en fait, chacun doit se tracer sa voie, ne rien s'interdire. Après, ce qu'il faut savoir, c'est qu'on n'a rien sans rien et qu'il faut beaucoup travailler. Et ça, c'est vrai que parfois, aujourd'hui, on est dans une société où les choses vont vite. On est même dans la… voilà, on attend parfois beaucoup d'immédiateté. Bon, un sujet comme la musique… Il faut travailler longtemps, des années, des années, des années, des années, pour arriver à atteindre ses objectifs, ses rêves. Une fois qu'on arrive à un super niveau, qu'on décide d'aller plus loin, évidemment, il y a d'autres résultats qui arrivent plus vite par la suite, mais ça reste un univers, et j'ai envie de dire, dans tous les univers, il faut travailler. Donc à partir du moment où on travaille, on a des résultats, et moi j'invite les femmes à...

  • Speaker #0

    à ambitionner ce qu'elles veulent, aller dans les univers qu'elles veulent, les garçons aussi, et qu'il n'y a pas de frein à se mettre et que c'est super important. Donc moi, j'ai envie de dire, il ne faut rien s'interdire et il faut travailler. Je sais que ce n'est peut-être pas une bonne recette,

  • Speaker #1

    mais en tout cas,

  • Speaker #0

    c'est celle qui a fonctionné en ce qui me concerne. Et surtout, ne rien s'interdire, parce que même si on arrive dans son métier, dans son milieu, C'est vrai que parfois, on est un petit peu mis à... Il y a un peu le poids des traditions, le poids des habitudes. Et donc, parfois, c'est vrai que moi, je me suis aussi souvent remise en question en me disant, Zahia, c'est très différent ce que tu fais, est-ce que tu crois que c'est bien ? Puis quand j'ai commencé à l'international, j'ai commencé à être invitée aux États-Unis dans plein d'endroits en me disant, mais c'est fantastique la façon dont vous abordez cette musique, la musique avec justement des nouvelles approches. Et là, j'ai commencé à me dire, en fait, Zahia, Enfin voilà, fais-toi confiance en fait, et c'est ça, il faut se faire confiance, c'est important.

  • Speaker #1

    Zahia, est-ce que vous avez un rôle modèle ? Quelqu'un qui vous a inspirée ? Ah,

  • Speaker #0

    il y a beaucoup de gens qui m'ont inspirée, mais je dois dire que... Déjà, j'ai été gâtée parce que même dans ma famille, ma mère et ma grand-mère, elles m'ont beaucoup inspirée. Alors c'est vrai qu'il y a d'autres figures artistiques aussi qui m'ont inspirée, mais je dois dire que ma mère et ma grand-mère, parce que j'ai vu en elles beaucoup de... Combativement, beaucoup de courage, beaucoup d'engagement auprès de leurs proches, l'une comme l'autre, qui m'ont apporté beaucoup d'amour, beaucoup d'attention. Et donc, je dois dire que ça m'a toujours dit, et c'est vrai qu'en étant chef d'orchestre, à chaque fois que je rencontrais une difficulté, je me disais, non mais Zahia, par rapport aux réalités que ma grand-mère a vécues en Algérie pendant la guerre, elle a connu la guerre, la famine. la pauvreté, plein de choses. Je me dis, bon, Ausha, tu vas voir, il y en a qui ont eu des vies plus difficiles. Et puis voilà. Donc, des fois, on n'a pas besoin d'aller plus loin, d'aller trop loin pour voir les choses. Après, c'est sûr qu'il y a des femmes compositrices, des artistes, des figures historiques qui m'ont évidemment inspirée, mais j'ai eu la chance quand même de vivre dans une famille où les femmes ont une place importante aussi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Zahia. Merci vraiment pour cet échange, pour être restée avec cette simplicité, malgré votre parcours incroyable. Moi, je suis très admirative, très sincèrement.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Un grand merci. Et puis, je vous donne rendez-vous pour une prochaine émission d'Appareil Galle, le mois prochain. Merci, Zahia.

  • Speaker #0

    Merci.

Description

Rejoignez-nous pour une conversation inspirante avec Zahia Ziouani, l'une des rares femmes cheffes d'orchestre en France, où elles représentent moins de 4 % .

 

Zahia a notamment dirigé l'orchestre lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024.

Dans cet épisode, elle partage sa vision d'un accès égalitaire à la culture, ses initiatives pour rendre la musique accessible à toutes et à tous, notamment dans les milieux urbains et ruraux.


 Elle nous parle de son parcours en tant que femme, de son engagement pour la parité et la diversité, ainsi que de la richesse qu’apporte le fait de ne pas rentrer dans des cases et de développer sa singularité.

 

Ne manquez pas cet échange passionnant !


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue à l'émission À part égale, l'émission du réseau Parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai la joie d'accueillir parmi nous Zaya Diwani. Bonjour.

  • Speaker #1

    Zaya,

  • Speaker #0

    bonjour. Alors Zaya, vous êtes chef d'orchestre depuis bien longtemps maintenant. Vous avez démarré, vous êtes une des plus jeunes, je crois, chefs d'orchestre que vous aviez démarré. Vous étiez très jeune.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Et vous avez un parcours incroyable, très singulier, et une vraie singularité de votre... parcours et de votre orchestre aussi divertimento. Vous dites que c'est l'orchestre, il me semble, des territoires urbains et que pour vous la musique c'est comme la citoyenneté, ça permet l'inclusion, un peu comme nous d'ailleurs à La Poste. Pourquoi est-ce que c'est important pour vous de mettre la musique classique au cœur des territoires ?

  • Speaker #1

    Et bien c'est important pour moi, alors c'est l'orchestre des territoires urbains mais ruraux aussi parce que voilà... On a été très attachés, alors même si notre histoire avec l'Orchestre divertimento, elle s'est écrite en Seine-Saint-Denis dans un premier temps, ensuite plus largement région Île-de-France, et on a commencé à être invités en effet dans d'autres territoires en France qui avaient envie de développer une dynamique autour de la musique classique. Et c'est vrai que moi je suis très attachée à ça parce que j'ai grandi en Seine-Saint-Denis et j'ai eu la chance de découvrir la musique parce que mes parents étaient très mélomanes, très curieux, et donc on sortait beaucoup. notamment de notre quartier de Pantin, pour après aller voir des concerts, des expositions, visiter des monuments. Donc pour moi, ça a été vraiment très enrichissant, cet accès à l'art et à la culture. Et en même temps, je me posais toujours la question en disant, mais pourquoi pas dans ma ville ? Pourquoi pas dans mon département ? Et j'ai eu envie de donner du sens à ce projet de divertimento. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, évidemment, on se produit aussi... dans des grands auditoriums et grandes salles de concert, mais on passe aussi beaucoup de temps, et ça nous tient à cœur, d'être au cœur des territoires urbains et ruraux, et de faire en sorte que la musique classique soit accessible à tout le monde, parce que c'est beau, la musique est belle, elle procure beaucoup d'énergie, et on a envie de partager ça avec tout le monde. Moi, ce que je trouve intéressant, c'est que, souvent, surtout dans la pratique de la musique classique, pendant très longtemps, elle était présente dans des grandes salles de concert, très identifiées, avec... des personnes qui avaient l'habitude d'aller au concert. Et c'est vrai que pendant longtemps, on n'a pas trop réinterrogé ça. Et moi, quand j'ai découvert la musique classique, j'étais enfant, et j'étais passionnée par cette musique. Alors, on en écoutait aussi d'autres à la maison, mais je dois dire que moi, si j'avais envie de me faire plaisir, j'adorais mettre des symphonies de Mozart ou de Beethoven que j'avais découvertes avec mes parents et qu'on aimait bien écouter avec notre père notamment. Et donc, ce qui fait que... Moi ce que j'avais envie c'était de ressentir de nouveau ces émotions et surtout à la fois la beauté et la puissance de l'orchestre. Quand j'étais plus jeune, je n'arrivais pas trop à analyser pourquoi, maintenant je le sais un peu plus, mais à cette époque, moi ce que j'avais envie c'était de ressentir en effet toute cette énergie de l'orchestre. Et donc c'est vrai qu'on sait que dans nos territoires aujourd'hui en France, on a la chance de vivre dans un pays où il y a plein de belles choses, mais il y a aussi beaucoup d'inégalités, on les connaît sur l'accès à la santé, les transports. sur la mobilité, sur plein de sujets. Et la culture aussi en fait partie. Et donc je me suis dit, il faut que Divertimento soit singulier à plusieurs titres. D'un point de vue artistique, il faut qu'on puisse proposer des nouvelles idées et qu'on puisse aussi aller au contact des habitants. Et c'est ça que j'ai souhaité développer avec l'ensemble des musiciens de l'orchestre et ce qu'on fait aujourd'hui tous les jours.

  • Speaker #0

    Vous pouvez nous en dire plus sur le pourquoi vous aviez cette envie très jeune de découvrir cette musique et d'aller vers ce... cet environnement musical plutôt classique.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'en fait, moi, j'ai toujours déjà beaucoup écouté la musique à la maison. Et avec mes parents, ça faisait partie de notre environnement quotidien de lire et puis d'écouter de la musique. Et c'est vrai que même si mon père était aussi passionné de jazz, de pop, de musique du monde arabe, avec mes parents, on en écoutait aussi beaucoup. Mais c'est vrai que c'était la musique classique qui m'a passionnée. Et c'est vrai que moi, ce qui m'a plu tout de suite, c'était de ressentir en effet ces émotions et ce côté très vivant de cette musique symphonique. Et c'est que plus tard, en effet, en faisant moi-même, en pratiquant des instruments, que j'ai découvert cet univers de l'intérieur. Alors, j'ai joué d'abord de la guitare, mais sans savoir qu'il n'y avait pas de guitare classique dans les orchestres. Et quand j'ai commencé à pratiquer cet instrument, j'étais passionnée toujours de musique. J'ai adoré cet instrument, mais... Moi j'avais envie de jouer dans l'orchestre, mais je ne savais pas qu'en choisissant cet instrument, on ne pouvait pas jouer dans les orchestres symphoniques. Et donc j'ai décidé ensuite de pratiquer un deuxième instrument qui est l'alto. Et c'est en pratiquant l'alto qu'en effet j'ai pu jouer dans les orchestres et découvrir ce métier de chef d'orchestre. Donc je dois dire que c'est vrai que la musique classique et la musique symphonique, c'est ce qui m'a toujours fait vibrer et que j'ai envie de partager aujourd'hui dans mon métier de chef d'orchestre. Et c'est pour cette raison que j'ai décidé à la fois de... d'être chef d'orchestre et de diriger les grandes oeuvres, mais aussi de passer du temps pour la partager avec les jeunes et puis aussi tous les habitants qu'on rencontre tous les jours.

  • Speaker #0

    Zahia, il me semble qu'il y a moins de 4% de femmes chefs d'orchestre, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Il y a en effet moins de 4% des chefs d'orchestre, des chefs d'orchestre qui sont des femmes. Et c'est vrai que traditionnellement, dans l'histoire de l'orchestre symphonique, même en Europe, si on regarde des images d'archives des années 50, 60, 70, même 80, on voit soit pas du tout de femmes, soit une ou deux. Pendant très longtemps, elles étaient interdites dans les orchestres. Ça fait partie de ces réalités, comme dans notre société, où les femmes…

  • Speaker #0

    Elles étaient interdites.

  • Speaker #1

    Oui, oui, avaient accès plus tard au fait de pouvoir voter ou d'ouvrir un compte en banque toute seule. Bon, ben voilà, ça fait partie de notre histoire, c'est comme ça. Et donc, c'est vrai que, de fait, s'il n'y a pas beaucoup de femmes dans les orchestres, la personne qui incarne l'autorité dans l'orchestre le plus, c'est le chef d'orchestre ou la chef d'orchestre. Donc forcément… on voit moins de femmes parce qu'il y avait aussi certaines idées reçues sur le fait qu'une femme n'avait pas forcément de l'autorité pour faire face à un orchestre ou que le fait d'être maman n'était pas compatible avec le métier de chef d'orchestre. Donc même dans la formation des chefs d'orchestre, c'est arrivé vraiment plus tardivement que les femmes puissent avoir accès à la formation conservatoire, notamment de Paris. Donc c'est ça qui aussi justifie, enfin justifie en tout cas, qui permet de comprendre pourquoi. on n'a pas vu, il y a eu aussi peu de femmes. Et puis voilà, c'est comme aujourd'hui, même si on regarde dans d'autres domaines, les chefs d'entreprise dans les entreprises du CAC 40, ou même dans le milieu politique, on voit encore qu'il y a beaucoup de chemin à faire pour qu'il y ait la parité. Donc ça, c'est vrai que c'est un vrai sujet. Et ce qui fait que les quelques femmes que nous sommes aujourd'hui à évoluer dans le paysage musical, les 4% dont vous parlez, il y en a quelques-unes qui sont, où on est aussi chef d'orchestre, invité des orchestres. Et on a quasiment toutes dû créer nos propres orchestres pour pouvoir exister. Et en fait, ce qu'il faut avoir en tête, c'est qu'en France, il y a beaucoup d'orchestres, et des orchestres nationaux notamment, et régionaux, qui sont financés par les pouvoirs publics. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, on ne voit pas encore beaucoup de femmes à la tête de ces orchestres-là en tant que directrices musicales. Alors oui, en tant que chef d'orchestre invité, et de plus en plus, et c'est déjà un très bon chemin, mais il n'y a pas de raison qu'on ne confie pas la direction d'un orchestre, parce que... Quand on est directeur ou directrice musicale, ça nous permet de pouvoir choisir les oeuvres, de créer une ligne artistique, de recruter les musiciens. Donc on n'est pas du tout dans la même dynamique et le même positionnement que quand on vient juste diriger quelques jours un orchestre sur lequel on n'a pas la possibilité de choisir les oeuvres ni les musiciens. Voilà, ce n'est pas du tout la même chose. Et donc je dois dire que ça c'est une première chose, une réalité qui est encore assez forte. et qu'il faudrait changer. Et la deuxième, c'est qu'en effet, il y a des salles de concert comme la Philharmonie de Paris qui font plus d'efforts pour pouvoir inviter les femmes, en tout cas des programmations avec des femmes chefs d'orchestre. Et ça, il y a même un concours qui s'appelle la Maestra qui a été développé pour justement mettre en valeur les femmes chefs d'orchestre. Mais par contre, si on regarde aujourd'hui la saison de l'Opéra de Paris, on voit une saison entière sans une femme qui dirige. Et pourtant, c'est une des plus belles. Alors, c'est un lieu très prestigieux avec un magnifique orchestre, de très belles programmations. Mais aujourd'hui, partout dans le monde, on trouve des femmes metteurs en scène, des femmes compositrices, des femmes chefs d'orchestre de grands talents. Et moi, je trouve fort dommage que dans un, peut-être un des établissements les plus financés en France par de l'argent public, on renvoie cette image de « pas aucune femme » . Donc, il faut être exemplaire dans ces lieux-là. Et c'est peut-être les progrès, les chemins à faire. aujourd'hui dans notre milieu artistique.

  • Speaker #0

    Donc vous pensez que c'est encore difficile aujourd'hui, si vous n'aviez pas vous créé votre orchestre, est-ce que vous pensez que vous auriez pu avoir cette même carrière, cette même visibilité ?

  • Speaker #1

    Ah, clairement pas du tout. Ah, clairement pas du tout. Et je trouve que c'est encore difficile pour moi, j'ai envie de dire aussi difficile que quand j'ai commencé. Après, ce fut... Ah oui ? Ah oui, oui. Malgré que vous ayez fait la clôture des JO. C'est des difficultés qui sont différentes, c'est-à-dire que moi, quand j'évolue dans ma carrière, en fait, à chaque fois, on est face à... à de nouveaux challenges, des nouveaux défis, des nouvelles étapes. C'est un peu, peut-être pour que ceux qui nous écoutent comprennent, c'est un peu comme si on crée son équipe de foot et qu'on est en régionale, puis après on passe en nationale, puis après on passe en Ligue 2, en Ligue 1, en Ligue des champions. On sait que chaque nouvelle étape, chaque nouvelle dimension, elle va apporter à la fois son lot de satisfaction et puis son lot de difficultés. Du coup, j'ai l'impression un peu de vivre ça, c'est-à-dire qu'à chaque fois que je rentre dans cette nouvelle dimension, d'avoir d'autres difficultés qui se présentent et qui sont encore plus fortes que celles que j'ai rencontrées avant. Et je dois dire que ce n'est pas encore quelque chose de simple. Et en tout cas, ce qui est sûr, c'est que si je n'avais pas créé Divertimento, je n'aurais pas du tout fait la carrière que je fais aujourd'hui. Parce que c'est aussi dans les contraintes, quelque part, qu'on apprend aussi à être créatif, qu'on apprend à réfléchir. Et moi, je dois dire, peut-être si j'avais eu les mêmes facilités que les hommes, je me serais peut-être concentrée sur ma trajectoire personnelle à diriger les orchestres partout dans le monde. Et j'ai eu aussi à un moment donné cette vie-là. Et c'est en effet très satisfaisant aussi. C'est vrai qu'en créant Divertimento, je me suis vraiment posé la question de quel chef d'orchestre j'avais envie d'être au XXIe siècle, comment je voulais transmettre les œuvres, parce que ça fait partie de mon métier malgré tout de transmettre ce patrimoine, et comment j'avais aussi envie d'apporter aussi de l'innovation et surtout de la partager avec des publics très larges et quelque part des publics comme ce que j'ai été quand j'étais enfant, c'est-à-dire que même si la musique classique est européenne, aujourd'hui en France, on a des gens qui viennent de partout dans le monde. des gens qui ont des origines sociales différentes, des âges différents, et qu'il faut pouvoir aussi s'adresser à tout le monde et pouvoir aussi porter un message peut-être un peu plus fédérateur ou plus universel. Et c'est ce qui m'a amenée justement à être créative et à réfléchir. Donc je dois dire que même si par ailleurs j'avais plein de freins et plein de handicaps, c'est aussi ce qui m'a permis d'être la chef d'orchestre que je suis aujourd'hui et de faire ma place dans le paysage musical et de m'amener en effet à diriger la... la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques ou plein d'autres projets. Donc non, c'est clairement le fait d'avoir créé Divertimento que j'ai pu avoir cette carrière-là aujourd'hui. Et j'espère surtout que maintenant, pour les prochaines générations, elles n'auront pas à faire le chemin que j'ai dû déjà faire moi de mon côté.

  • Speaker #0

    En tout cas, c'est sûr que vous ouvrez la voie. En tout cas, ça montre que c'est possible. Qu'est-ce qui fait, selon vous, est-ce que vous êtes, je ne sais pas, en mesure d'analyser le fait que vous n'avez jamais baissé les bras ? Il y a beaucoup de gens qui auraient baissé les bras. Qu'est-ce qui fait que vous vous êtes dit, c'est possible, vous y êtes allé, et vous dites, c'est encore difficile, mais vous allez de plus en plus haut tout le temps ?

  • Speaker #1

    Déjà, moi, je me sens aussi privilégiée de faire un métier qui me plaît, qui est aussi ma passion, donc on ne va pas se mentir, c'est déjà une grande chance. Et en même temps, je me dis que même par rapport à... J'ai toujours voulu, par rapport même aux jeunes que je rencontre tous les jours, aujourd'hui, moi, j'ai aussi une fille qui a 10 ans, et j'ai envie, parce que si je ne continue pas à me battre, quel message aussi on leur fait passer, quelle image on leur donne. Donc, je trouve que c'est tellement important. Et la musique, de toute façon, c'est comme un sport de haut niveau. C'est-à-dire qu'on sait que si on veut des résultats, il faut travailler. Il faut travailler. Alors, c'est vrai qu'il faut travailler très dur, c'est beaucoup de sacrifices, mais quand on travaille, on a des résultats. Donc, je me suis toujours dit, Zaya, oui, c'est difficile, il ne faut pas baisser les bras. Mais parce que je suis très convaincue de ce que je fais et que je vois aussi le résultat au bout de toutes ces années des concerts que je donne. Et très souvent, par exemple, un même programme que je vais proposer ou un même spectacle que je vais créer, je vais le présenter dans des théâtres de proximité en Seine-Saint-Denis, parfois dans des gymnases en milieu rural, mais aussi à la Philharmonie de Paris. ou à l'international, comme ça a été le cas récemment, donc partout. Et moi, à chaque fois, je vois des salles qui sont remplies. Remplies en banlieue parisienne, remplies en milieu rural, remplies à la Philharmonie de Paris, remplies à Hong Kong ou ailleurs. Donc, ça prouve que, en fait, la musique, elle touche tout le monde et que ça a du sens de la jouer partout. Il faut arrêter de choisir à la place des gens de « Ah, la musique classique, il faut que ça soit à l'opéra, ou voilà, dans telle case, ou pour tel type de personne. » Non, il faut le faire. Alors, bien sûr que... Quand on aménage un gymnase, parfois dans certains lieux en milieu rural, parce qu'il n'y a pas de lieu culturel, c'est sûr que parfois le confort est un peu moins grand que si je joue dans une grande salle de concert, à la Philharmonie de Paris par exemple, ou ailleurs. Mais ça a autant de sens, et les gens viennent nombreux, très nombreux. Donc en fait, il faut arrêter de penser que ça ne les intéresse pas. Ce n'est pas du tout le cas. Et c'est vrai que j'ai aussi constaté qu'à partir du moment où on amène la culture dans la proximité auprès des habitants, Après, eux aussi se déplacent et vont dans les grandes salles de concert. Et ça ne vient pas du tout en concurrence. Et c'est très complémentaire. Et quand je vois ces résultats-là, je me dis que ça vaut le coup de continuer. Ou quand je vois les jeunes qui fréquentent aujourd'hui l'Académie Divertimento, parce que ça me tenait à cœur aussi de former les jeunes, et je les vois réussir, les voir s'épanouir par la musique, moi, c'est sûr que ça me motive à continuer. Et parfois, j'explique aux jeunes que c'est chouette, vous faites un métier qui vous... Je dis oui, tout à fait, et ça, je ne le renie pas, mais parfois, 90% de ce que je fais dans une semaine, c'est dur, c'est fatigant, c'est parfois pénible à faire. On n'a pas envie de le faire. Mais pour les 10% qui restent, ça vaut le coup. Donc, c'est pour ça que je n'abandonne pas, en effet.

  • Speaker #0

    C'est un très bel exemple. Mais vous avez raison de le dire aussi, c'est beaucoup de travail. On n'a rien sans rien. Je trouve beaucoup de proximité avec nos valeurs dans le groupe La Poste. On est présents partout sur le territoire. On va à la rencontre de toutes et de tous. On est même à l'international. Le lien, c'est très fort. Et c'est ce que vous véhiculez de manière vraiment très importante, je trouve. Et à travers votre exemple, vous montrez que finalement, il n'y a pas de frontière et que l'inclusion, la diversité, est-ce que c'est un sujet ? Vous voyez ce que je veux dire ?

  • Speaker #1

    En fait, créer le lien, c'est exactement ce que j'aime faire et ce que j'aime dans mon métier. Déjà, c'est créer du lien au sein d'un orchestre, entre mes musiciens, d'arriver justement à emmener tout le monde dans la même direction. Et ça, c'est un vrai défi, parce qu'un orchestre, c'est comme une micro-société. Il y a de tout, il y a des hommes, des femmes, des plus âgés, des plus jeunes, des grands, des petits, il y a de tout, avec des gens avec des personnalités très différentes et qui sont d'ailleurs tous très bons dans leur domaine. Et c'est vrai que souvent, chaque musicien peut avoir envie aussi d'exprimer son idée musicale, mais en fait, il n'y en a qu'une seule qui doit être honorée, puisque si chacun joue comme il a envie, justement, il n'y a pas de collectif, il n'y a pas d'union qui se crée. Et quand du coup, je suis sur scène, c'est créer ce lien. avec cette matière musicale qu'on va créer, qu'on va faire partager au public, et puis surtout d'amener aussi les publics très différents à venir au concert. Alors c'est vrai que parfois il y en a certains qui sont plus habitués, des mélomanes, des abonnés de certaines salles, mais avec les musiciens de l'Orchestre Divertimento, on va passer beaucoup de temps à aller rencontrer les habitants, là où ils vivent en fait, dans les centres sociaux, les maisons de quartier, les écoles. les lieux culturels, parfois on va aussi en milieu carcéral, en milieu hospitalier, pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer. Et l'idée, c'est d'aller à la rencontre des habitants pour qu'après, eux, ils aient envie de venir aux salles de concert et qu'on retrouve justement cette diversité sociale, culturelle, intergénérationnelle. Et c'est justement créer du lien avec les gens, c'est ça qui m'intéresse. Et du coup, vous parliez tout à l'heure de l'inclusion, de la diversité. Oui, forcément, en plus, moi, je... Je coche plusieurs cases aussi. Bon, ben voilà, moi je m'appelle Zahia, je suis une femme, j'ai commencé, j'étais jeune justement, de milieu populaire, notamment parce que j'ai grandi en Seine-Saint-Denis. Bon, c'est celle que je suis, donc je ne vais pas changer en fait. Et je me suis vite rendue compte qu'en fait, le fait de peut-être ne pas avoir le même parcours que les autres, ça m'a permis aussi de faire un pas de côté, d'avoir un regard différent. Et il n'y a pas... lui fait une carrière qui est mieux que la mienne ou moi j'ai des idées plus intéressantes que les autres c'est juste qu'il n'y a pas qu'une seule façon de faire de la musique et je crois que peut-être c'est un peu ce qui a un petit peu je pense parfois englué notre milieu musical c'est que un bon musicien c'est un musicien qui jouait dans les grandes salles de concert ou qui joue beaucoup à l'international qui joue comme ci, qui fait comme ça en fait non justement il y a plein de façons de pouvoir partager la musique la transmettre ... Et donc, moi, j'ai eu aussi envie, j'ai mon parcours personnel, mais il est vraiment à réfléchir à plein d'idées. Justement, la place de la diversité culturelle en France, le sujet de l'inclusion et des personnes en situation de handicap. Plein, plein de sujets qui, aujourd'hui, que j'aime bien traiter en musique. Et c'est ce qui fait que les projets que je porte avec Divertimento sont très différents de ce que proposent les autres orchestres. Et peut-être, il y en a un que j'aurais envie de partager avec vous. par exemple jouer dans le cadre des Jeux paralympiques pour l'ouverture de la saison de la Philharmonie de Paris. On m'a invité en disant « Zahia, vous avez fait beaucoup de projets autour du sport. » Évidemment, le sport, ça m'a inspirée. Et même le sport avait sa place sur scène avec nous parce qu'il y a une énergie dans le sport qui est aussi la même et plein de valeurs communes de ce que nous aussi, on peut faire partager avec nos publics par la musique. Et je me suis dit, dans les Jeux paralympiques, s'il y a bien le sujet de l'inclusion et des personnes en situation de handicap, si on n'en parle pas et qu'on ne l'en montre pas, à quel moment on va le faire en fait ? Et c'est vrai que ce sujet-là, ça fait longtemps qu'on le traite avec Divertimento et on a été amené à proposer un programme vraiment à 360 degrés, où à la fois dans l'accueil des publics, l'accueil des artistes, des artistes et des sportifs qui étaient en situation de handicap avec nous. On était tous musiciens et tous sportifs de la même façon. Il n'y avait pas de différence et on ne se posait même pas la question. Une fois qu'on est sur scène, on est tous des artistes. Peu importe qu'on soit une femme, un homme, grand, âgé, jeune, valide ou non valide, la question ne se pose pas. C'est juste qu'en fait, je pense que dans notre métier et même dans notre société, il faut qu'on apprenne à s'adapter les uns aux autres et à trouver des solutions. Et donc forcément... Par exemple, dans ce projet-là, on a invité des jeunes de notre académie à jouer pour le final du concert. Et donc, on avait des jeunes qui étaient de Paris, de Stein, de Seine-Saint-Denis, et aussi un partenariat qu'on avait monté avec l'Institut national des jeunes aveugles. Et donc, moi, dans mon métier, par exemple, je passe beaucoup de temps à créer le lien avec le regard, avec les musiciens. Et c'est vrai que, forcément, ça m'a beaucoup bousculé de me dire « Là, du coup, ce regard-là, je ne peux pas du tout l'utiliser. » Et que même dans ma gestique de chef d'orchestre, puisque c'est ma façon de communiquer avec les musiciens, eh bien... certains musiciens ne me verront pas, donc il va falloir qu'on crée ce contact autrement. Et donc on a évidemment beaucoup répété ensemble, beaucoup parlé ensemble, et puis on a créé aussi des binômes dans l'orchestre avec des musiciens, des jeunes valides et des jeunes de l'Institut des Jeunes Aveugles, on a travaillé ensemble, et au même titre qu'on voit par exemple parfois dans les compétitions des athlètes qui vont guider d'autres athlètes, et bien nous on avait des musiciens qui guidaient d'autres musiciens. Mais même ça se faisait dans les deux sens. Parce que ce qu'on a aussi beaucoup appris de ces musiciens-là, c'est qu'ils avaient appris à prendre des repères différents des nôtres. Et donc on s'en est aussi inspirés. Donc ce n'était pas juste de dire, moi je viens t'aider. C'est vraiment de dire, on va créer un lien ensemble. Et donc on a appris les uns des autres. Et on a fait un super concert. Et les musiciens qui étaient non-voyants, ils étaient au cuir et aux percussions. Donc on ne peut pas dire que c'était dans des instruments qui ne sont pas voyants, pas visibles et qu'on ne peut pas entendre. Il y en avait un qui avait la grosse caisse, donc je dois vous dire que si je ne veux pas bien, on l'entend. Et j'étais hyper fière de ça. Et donc, ça fait partie des sujets qui, moi, m'encouragent évidemment à continuer. Et surtout, qui m'ont fait comprendre, même si j'en étais convaincue, mais là, concrètement, qu'il faut continuer dans cette voie-là. Et même, ça m'a même amenée d'ailleurs à être, même d'un point de vue artistique, encore plus créative. Parce que je me dis que d'habitude, ce que nous, on propose sur scène, c'est pour des gens qui viennent, qui entendent bien, qui voient bien. Et on ne se pose pas la question de dire... Il y a peut-être des personnes qui sont dans une autre position, qui n'entendent pas bien, qui ne voient pas bien. Et donc, ça m'a amenée à proposer, dans le parcours musical de ce spectacle, des séquences avec des approches sensorielles différentes. Et je dois dire que si je ne m'étais pas posé la question, on n'aurait jamais fait ça. Et c'était parmi les moments les plus forts de ce spectacle. Donc oui, moi je reste convaincue de ça. Et c'est vrai qu'à Divertimento, il y a ce sujet de l'inclusion, il y a ce sujet de la place des femmes. On a la parité dans l'orchestre, on a la parité dans les solistes. Et je dois dire que depuis que... Et moi, je tiens beaucoup à cette parité. Je dois dire que depuis qu'on est en effet bien dans cette parité-là, c'est un orchestre qui est beau à regarder, qui est engagé, qui est fort, qui est riche. Alors comme dans tous les orchestres et comme dans tous les groupes, de temps en temps, il y a évidemment des petites chamailleries, des petites tensions comme partout. On reste un groupe qui vit. Mais c'est vrai que... Le fait de travailler sur ces différents sujets nous amène aussi à avoir une force. Et donc, moi, j'ai envie de donner du sens à ce projet. Et là, le sens principal, c'est vraiment d'être dans la proximité avec les habitants et aussi de faire avancer ces sujets d'inclusion et de diversité.

  • Speaker #0

    Zahia, moi, quand je vous écoute, on parle de manager, de coach, etc. Moi, j'ai envie de dire, aujourd'hui, le manager d'une entreprise, on doit avoir des chefs d'orchestre. qui embarquent toutes les équipes, qui font vraiment de l'inclusion et qui montrent que justement, par nos différences, quand je vous entends, c'est très fort en fait, justement ça donne cette force. Je trouve que ça vous différencie, votre parcours et votre approche fait vraiment que ça vous différencie, mais que ça vous rend beaucoup plus forte par rapport à des choses qu'on a l'habitude de voir et que l'orchestre vous emmène à cette force. Alors qu'à la base, on pourrait penser qu'il y a des handicaps, des difficultés, etc. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu'on a intérêt à avoir des managers chefs d'orchestre ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce qu'il faut avoir, le management dans une entreprise ou dans un orchestre, il faut en tout cas avoir des gens qui soient passionnés et des gens qui savent où emmener les équipes. Et ça, je trouve que c'est très important. Et moi, en tant que chef d'orchestre, parfois, sur le dernier spectacle dont je viens de vous parler, j'ai amené l'orchestre à jouer dans le noir. J'ai amené mes musiciens à faire une chorégraphie en langue des signes. C'est génial. Il fallait être audace. J'osais. Au début, j'ai dit à mes musiciens, ne vous inquiétez pas, on va y arriver. Évidemment, après, il a fallu créer les conditions pour que ça puisse se passer, se faire bien, amener les personnes justement à pouvoir aussi proposer des solutions pour aborder parfois ces nouvelles difficultés qu'on rencontrait. Et donc, je pense que quand on est juste et qu'on sait où on emmène les équipes. Déjà, c'est un bon chemin de fait. Après, ça reste un métier qui est difficile à faire, de diriger un orchestre ou d'emmener une équipe. D'autant que dans un orchestre symphonique, c'est vrai qu'un orchestre n'est pas du tout un lieu démocratique. Pas du tout. Donc, dans une société où aujourd'hui, on essaie de mettre en place soit un management un petit peu horizontal dans certaines entreprises ou la démocratie participative dans notre société. C'est un endroit, l'orchestre, où en fait, comme en plus on est nombreux, il y a une direction musicale à donner, et donc les musiciens viennent et me suivent. Mais par contre, moi je vais essayer de créer dans cette programmation musicale des moments où on va plutôt mettre en valeur certains musiciens, certains pupitres, des projets aussi. Et donc, je dois dire que ce que vous disiez tout à l'heure, c'est assez juste. Moi, dans mon profil de musicien, et même dans les musiciens que j'ai recrutés, il y a quelques temps, on aurait pu dire, « Ah bah tiens, ces musiciens-là, leur profil ne m'intéresse pas, parce que, par exemple, ils sont polyvalents, ou ils ont ceci, ou ils ont cela. » Et moi, j'ai essayé de faire en sorte que ce qu'on estimait des difficultés, que nous, on en fasse une force. Et donc, bah oui, moi, je suis celle que je suis, je ne vais pas me changer. Et parfois, c'est ce cloisonnement qu'on retrouvait dans le milieu musical. On nous demandait à une époque de choisir entre être artiste ou être musicien, être artiste et être pédagogue, de jouer par exemple du classique, et pas d'aborder forcément d'autres styles de musique. Parfois, on me disait, soit vous jouez dans la proximité avec les habitants, soit à l'international, mais on ne peut pas faire les deux. Moi, je n'ai jamais voulu rentrer dans ces cases-là. Au contraire, un musicien qui vient divertimenter, je lui demande d'être un très bon musicien d'orchestre, mais d'apporter une autre qualité. Et cette polyvalence qui était pendant longtemps perçue comme quelque chose de dévalorisant, moi j'en ai fait une force qui nous permet aujourd'hui de pouvoir avoir un projet créatif, artistique très créatif, très singulier, de faire des choses qu'aucun autre orchestre ne peut faire. Mais ces autres orchestres, ils ont aussi leur propre qualité et leur force, et des choses que nous on ne pourrait pas faire non plus. Et donc voilà, c'est ça, c'est de me dire, on n'est pas obligé de faire comme tout le monde, il n'y a pas qu'une seule façon de faire de la musique, nous on va développer notre propre ligne artistique. notre propre projet. Et c'est ce qui fait aujourd'hui justement la force de l'Orchestre Divertimento et qui nous a amenés à être aussi présents dans des grands événements internationaux ou dans d'autres projets. Et surtout aujourd'hui, de continuer à développer cette singularité. Alors peut-être que je sais que la Poste, vous avez essayé d'apporter des nouvelles idées dans vos métiers. Peut-être qu'au début, personne n'y croyait. Aujourd'hui, il y a des choses qui sont ancrées. Nous, c'est un peu pareil et c'est ce qu'on fait. Aujourd'hui, et c'est vrai qu'il y a 25 ans, quand j'avais commencé à dire « oui, divertimento, ce sera un orchestre dans la proximité avec les habitants, on sera d'abord en Seine-Saint-Denis, puis dans les milieux urbains, puis après en milieu rural » , il y a beaucoup de gens qui me disaient « non, mais ça marche, je n'arrive pas » . Et aujourd'hui, on le voit dans les discours de politique publique ou même dans la fréquentation de nos salles, les gens sont là, ça marche. Donc il faut se lancer, il faut oser. Et puis si ça marche, c'est top, si ça ne marche pas, on apprend de ça. réfléchis à d'autres choses et donc c'est pour ça que je me suis jamais mis de frein en fait.

  • Speaker #0

    Ça répond un peu à une question que je voulais vous poser mais peut-être que vous avez d'autres choses à compléter. Qu'est-ce que vous donneriez comme conseil à des jeunes femmes ou pas des jeunes femmes d'ailleurs, mais même à d'autres personnes qui se mettraient des freins ? Est-ce qu'il y a un conseil ou deux que vous leur donneriez vraiment pour arriver à, peut-être pas être Zahia, mais en tout cas à ce que chacun...

  • Speaker #1

    Oui, chacun doit trouver sa voie. Oui. exactement, chacun doit trouver sa voie. Après, moi, c'est le message que je fais passer, en tout cas, aux jeunes qui viennent se former dans notre académie, à ma fille aussi, à tous ceux que je rencontre, de leur dire, déjà, il ne faut rien s'interdire. Et tout le monde doit être capable, parce que j'en ai entendu, moi, des réflexions tout au long de ma jeunesse et même de ma carrière, de « tu ne pourras pas être chef d'orchestre, ce n'est pas un métier qui est fait pour les femmes » ou « concentre-toi sur tel sujet parce que… » laisse la place, on m'a aussi dit tiens, t'es très forte dans le lien avec les habitants, donc fais ça et laisse la place dans les grandes scènes nationales et internationales à d'autres. Non, non, en fait, chacun doit se tracer sa voie, ne rien s'interdire. Après, ce qu'il faut savoir, c'est qu'on n'a rien sans rien et qu'il faut beaucoup travailler. Et ça, c'est vrai que parfois, aujourd'hui, on est dans une société où les choses vont vite. On est même dans la… voilà, on attend parfois beaucoup d'immédiateté. Bon, un sujet comme la musique… Il faut travailler longtemps, des années, des années, des années, des années, pour arriver à atteindre ses objectifs, ses rêves. Une fois qu'on arrive à un super niveau, qu'on décide d'aller plus loin, évidemment, il y a d'autres résultats qui arrivent plus vite par la suite, mais ça reste un univers, et j'ai envie de dire, dans tous les univers, il faut travailler. Donc à partir du moment où on travaille, on a des résultats, et moi j'invite les femmes à...

  • Speaker #0

    à ambitionner ce qu'elles veulent, aller dans les univers qu'elles veulent, les garçons aussi, et qu'il n'y a pas de frein à se mettre et que c'est super important. Donc moi, j'ai envie de dire, il ne faut rien s'interdire et il faut travailler. Je sais que ce n'est peut-être pas une bonne recette,

  • Speaker #1

    mais en tout cas,

  • Speaker #0

    c'est celle qui a fonctionné en ce qui me concerne. Et surtout, ne rien s'interdire, parce que même si on arrive dans son métier, dans son milieu, C'est vrai que parfois, on est un petit peu mis à... Il y a un peu le poids des traditions, le poids des habitudes. Et donc, parfois, c'est vrai que moi, je me suis aussi souvent remise en question en me disant, Zahia, c'est très différent ce que tu fais, est-ce que tu crois que c'est bien ? Puis quand j'ai commencé à l'international, j'ai commencé à être invitée aux États-Unis dans plein d'endroits en me disant, mais c'est fantastique la façon dont vous abordez cette musique, la musique avec justement des nouvelles approches. Et là, j'ai commencé à me dire, en fait, Zahia, Enfin voilà, fais-toi confiance en fait, et c'est ça, il faut se faire confiance, c'est important.

  • Speaker #1

    Zahia, est-ce que vous avez un rôle modèle ? Quelqu'un qui vous a inspirée ? Ah,

  • Speaker #0

    il y a beaucoup de gens qui m'ont inspirée, mais je dois dire que... Déjà, j'ai été gâtée parce que même dans ma famille, ma mère et ma grand-mère, elles m'ont beaucoup inspirée. Alors c'est vrai qu'il y a d'autres figures artistiques aussi qui m'ont inspirée, mais je dois dire que ma mère et ma grand-mère, parce que j'ai vu en elles beaucoup de... Combativement, beaucoup de courage, beaucoup d'engagement auprès de leurs proches, l'une comme l'autre, qui m'ont apporté beaucoup d'amour, beaucoup d'attention. Et donc, je dois dire que ça m'a toujours dit, et c'est vrai qu'en étant chef d'orchestre, à chaque fois que je rencontrais une difficulté, je me disais, non mais Zahia, par rapport aux réalités que ma grand-mère a vécues en Algérie pendant la guerre, elle a connu la guerre, la famine. la pauvreté, plein de choses. Je me dis, bon, Ausha, tu vas voir, il y en a qui ont eu des vies plus difficiles. Et puis voilà. Donc, des fois, on n'a pas besoin d'aller plus loin, d'aller trop loin pour voir les choses. Après, c'est sûr qu'il y a des femmes compositrices, des artistes, des figures historiques qui m'ont évidemment inspirée, mais j'ai eu la chance quand même de vivre dans une famille où les femmes ont une place importante aussi.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Zahia. Merci vraiment pour cet échange, pour être restée avec cette simplicité, malgré votre parcours incroyable. Moi, je suis très admirative, très sincèrement.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Un grand merci. Et puis, je vous donne rendez-vous pour une prochaine émission d'Appareil Galle, le mois prochain. Merci, Zahia.

  • Speaker #0

    Merci.

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