- Speaker #0
Hello les voyageurs et bienvenue sur A ton tour du monde le récit des voyageurs. Aujourd'hui je vous emmène à la rencontre de nouveaux aventuriers. Alors préparez-vous à être transporté au bout du monde. Bonne écoute. Aujourd'hui j'ai le plaisir de recevoir Marine, Marine qui est une aventurière dans l'âme mais aussi une artiste passionnée par l'océan, par les montagnes. Elle s'est lancé un voyage extraordinaire, partir seule, sans date de retour à la base, pour explorer le monde mais surtout rencontrer des femmes voyageuses qui ont choisi la route comme moyen d'émancipation. Alors bienvenue Marine et ravie de te recevoir.
- Speaker #1
Bonjour, merci beaucoup de me recevoir. Je suis super contente de pouvoir parler de mon projet.
- Speaker #0
Avant qu'on parle justement de ton projet, est-ce que tu peux nous dire qui tu es Marine ?
- Speaker #1
Oui, alors je suis Marine, française divisée entre la Bretagne et le Jura. Alors je suis... Donc voyageuse depuis quelques années, entre les études et les périodes de travail, j'ai réalisé plusieurs voyages en général avec d'autres personnes, principalement en stop. En fait, j'ai découvert le stop très jeune, vers 18 ans, et j'ai décidé d'en faire mon moyen de transport pour voyager et découvrir les pays, les cultures, etc. Parce que je trouvais que c'était ce qui se rapprochait plus de l'aventure au sens propre du terme. En fait, moi, j'ai vraiment grandi. en rêvant d'être aventurière, mais j'étais assez désillusionnée parce que je me rendais compte que tout avait été un peu déjà découvert et que l'inconnu n'était plus tellement présent au final avec toutes les technologies, les réseaux et puis Google Maps. Et en fait, c'était très difficile de se lancer dans l'inconnu aujourd'hui parce que tout est déjà fait ou en tout cas, l'information est très présente. Et en fait, le stop m'a permis de renouer et de reconnecter avec cet inconnu parce qu'on se lève le matin, on ne sait pas où on va atterrir le soir. et surtout on ne sait pas qui va en rencontrer et quelles péripéties vont nous arriver. Donc ça fait 5-6 ans que je voyage en stop à travers l'Europe, mais aussi beaucoup plus loin, puisque j'ai vécu un an en Australie et j'ai un peu parcouru l'Australie en stop et la Nouvelle-Zélande en stop aussi. Et là récemment, du coup, j'ai pris un an entier de voyage beaucoup plus loin aussi, puisque je suis partie en Amérique du Sud et cette fois j'y suis allée en bateau stop. J'ai poussé le truc vraiment très loin. J'ai décidé de ne pas prendre l'avion pour rejoindre l'autre côté de l'Atlantique. Et donc, j'ai fait du bateau stop. Je suis arrivée dans les Caraïbes. J'ai refait du bateau stop jusqu'en Colombie. Et ensuite, j'ai parcouru l'Amérique du Sud. Alors, avec plusieurs moyens, bus, stop, bateau de marchandises sur la rivière Amazon. Je pourrais raconter ces anecdotes plus tard dans le podcast. et donc j'essaye au quotidien d'avoir des projets artistiques, des projets journalistiques. Je suis passionnée depuis très longtemps par le documentaire. À chacun de mes voyages, j'essaie d'avoir un projet sociologique ou journalistique. Je fais de la photo aussi et je cherche à raconter des histoires avec mes photos et mes vidéos. Pour ce dernier gros voyage que j'ai mentionné, je suis partie avec l'idée de faire un documentaire sur l'émancipation des femmes par le voyage en solitaire et le mouvement en général. Qu'est-ce que ça implique de partir seule, en général sans date de retour, ou en tout cas avec cet état d'esprit de vouloir être en mouvement constant dans la tête et dans le corps. Ça implique aussi changer de métier, changer d'habitation, de style de voyage, de groupe, de père, etc. Donc le mouvement de manière générale. Et le voyage, je trouve, incarne énormément cet état d'esprit. Et donc c'est aujourd'hui ce que j'essaie de transmettre.
- Speaker #0
Voilà, donc ça c'est venu entre guillemets au fur et à mesure des voyages et des rencontres. Qu'est-ce que tu as fait comme études ? Parce que là tu dis que tu as des envies justement de faire du journalisme, du documentaire, mais ça c'est venu par l'expérience et par tes voyages. Qu'est-ce que tu as fait comme études à la base ?
- Speaker #1
Moi j'ai fait des études en sciences politiques et en urbanisme pour la transition écologique, donc je suis extrêmement touchée par le changement climatique, la cause environnementale et j'aimerais aussi beaucoup. beaucoup travaillé à la protection de l'environnement et pour une transition écologique. En particulier concernant, par exemple, l'agroécologie, la permaculture. Mes études m'ont menée à ces sujets-là et c'est pour ça aussi que j'arrive à combiner le voyage et la passion pour le voyage. et protection de l'environnement, en tout cas conscience écologique, conscience du voyage lent et bas carbone, j'avais pris cette décision de partir sans prendre l'avion. Et donc mes études m'ont menée à ça. Mais dans le documentaire, j'ai surtout eu des expériences professionnelles puisque j'ai travaillé dans des médias, donc ça n'avait pas à voir avec mes études. Mais ce n'est pas obligé dans la vie de faire des choses en rapport avec ses études, heureusement. Donc j'ai travaillé dans la radio, j'ai fait de la chronique pour des sujets environnementaux et j'ai travaillé dans une boîte de production qui est la boîte de production de Yann Arthus-Bertrand. Je ne sais pas si tu connais Florence.
- Speaker #0
Bien sûr.
- Speaker #1
Mais c'est du coup un documentariste français qui prône des sujets écologiques et qui est très fervent de la transition écologique et de la nature. Et je me suis un peu formée au sein de cette boîte de production.
- Speaker #0
Quelle chance comme première expérience. C'est vraiment une belle rencontre.
- Speaker #1
J'ai tout tenté, j'ai envoyé une lettre de motivation. J'ai vraiment été très motivée pour ce job parce que c'est quelqu'un, en tout cas ces films, c'est des films avec lesquels j'ai grandi. Et donc je savais que c'était des valeurs qui étaient communes aux miennes et que c'était le style de documentaire que je voulais faire.
- Speaker #0
Avant, pour parler de ton documentaire qui a l'air vraiment passionnant, est-ce que tu peux justement, tu disais, j'ai deux, trois anecdotes par rapport au bateau stop, au stop, au bus. Enfin bon, voilà, un petit peu, à la base, c'était plutôt dans le côté écologique et aventure. Qu'est-ce que tu en as retenu et qu'est-ce que tu peux nous raconter là-dessus ?
- Speaker #1
Le bateau stop, c'était vraiment un challenge à l'origine qui était vraiment simplement écologique et ça s'est transformé en une... pure soif d'aventure parce qu'en fait, à un stade, c'était même plus le côté écologique qui motivait, c'était vraiment le fait que c'était la vraie vraie aventure dont j'avais rêvé depuis que j'étais toute petite. Et ça s'est passé de plein de manières différentes. Aujourd'hui, il y a quand même beaucoup de connexions sur les réseaux qui se font, donc il y a des groupes Facebook, mais il y a aussi la façon très simple d'aller sur les pontons et dans les ports et d'aller faire du porte-à-porte. au bateau avec un panneau ou juste d'aller demander aux gens s'ils prennent des équipiers, des coéquipiers. Parce que beaucoup de gens sur des bateaux font des trajets très longs et ont besoin de coups de main, de mousse ou de co-crew. Et donc, c'est comme ça qu'ils recrutent des bateaux stoppers. Il y a une communauté énorme de bateaux stoppers et en fait, je n'avais aucune idée que ce monde existait et j'ai ouvert cette porte et vraiment, c'est une communauté assez intense. qui existent, il y a des camps de bateaux stoppers sur des endroits, par exemple au Canary, à Las Palmas, à Gibraltar, en Martinique, il y a des groupes Discord pour se donner les adresses des bateaux pour pouvoir partir, parce qu'en fait c'est une petite communauté de stoppers de l'extrême, on va dire, et chacun s'entraide, et je pense à ça aussi par rapport aux femmes, parce que c'est vrai que c'est un monde très dominé par les hommes, et qu'il peut y avoir des risques de capitaines... pas forcément bien intentionnées. Donc, il y a aussi des groupes d'entraide entre femmes qui font de la voile. Et donc, il y a aussi des groupes spécialisés avec uniquement des femmes capitaines. Enfin voilà, il y a tout un réseau comme ça de voyageurs et voyageuses. Et j'ai ouvert cette porte-là et absolument merveilleuse. Et j'ai rencontré une de mes co-aventurières. Parce que du coup, je n'ai pas été vraiment seule tout du long. En fait, j'ai voyagé seule, mais j'ai... J'ai rencontré tellement d'autres voyageurs et voyageuses que j'ai pu voyager des petits bouts avec certains et certaines. Et donc l'une d'elles était ma co-coup sur le bateau qui a traversé l'Atlantique. Et elle, elle rêve de s'acheter son propre bateau et de faire le tour du monde avec. Donc ce que j'ai appris, c'est que tout est possible et qu'en fait, on apprend énormément de choses en faisant ça. Et j'ai l'impression d'être un marin à part entière. Et une fois arrivé au Caraïbes, j'ai dû refaire du bateau-stop pour des plus petites distances. Donc il y a beaucoup de gens aussi qui vont d'île en île, etc. Donc c'est un monde un peu merveilleux. J'en avais déjà fait une première fois avant de faire la traversée de l'Atlantique quand même pour faire mes armes. Et j'étais allée de France en Irlande en bateau-stop. Là, j'avais rencontré un couple de Français hyper pédagogues, hyper sympas, qui m'ont emmenée du coup en Irlande. Et là, c'était vraiment une mer hyper agitée. C'était des conditions extrêmement dures. En fait, je crois qu'on nous a dit, le capitaine est... et la co-capitaine nous ont dit que c'était l'une des conditions les plus dures qu'ils avaient vécues sur un bateau. Moi, c'était ma première expérience et ça ne m'a pas dégoûté le moins du monde. Ça m'a même confirmé que je voulais faire ça, puisque la mer m'appelle énormément. J'ai un lien avec la mer que je ne pourrais pas trop expliquer. Mais c'est vrai que quand on m'a demandé comment j'avais vécu 30 jours en mer pour allier les Canaries, Caraïbes et qu'on m'a dit moi je serais devenue fou ou moi j'aurais pété un câble etc, des choses qui sont très entendables parce qu'en fait être confinée dans un tout petit espace avec trois autres personnes pendant 30 jours sans connexion internet parce que je n'étais pas du tout connectée à qui que ce soit donc je n'avais aucune idée de ce qui se passait dans le monde avec du coup les aléas du vent, de la mer, le roulis permanent les quarts de nuit direct. 4h à 8h du matin, etc. Beaucoup de gens m'ont dit que... Et puis le mal de mer. Alors, je n'ai pas eu le mal de mer, mais beaucoup de gens m'ont demandé « Alors est le mal de mer ? » Donc ça, c'est une vraie question aussi. Beaucoup de gens ont pensé que c'était vraiment une expérience qui aurait pu être très dure. Et en fait, pour moi, ça a été magnifique.
- Speaker #0
Révélation.
- Speaker #1
La mer m'apaise énormément. Ce n'est pas quelque chose qui me rend... qui, pour plein de gens, pourrait rendre fou. Moi, ça m'a calmée. Ça m'a permis de faire beaucoup de... travail mental, parce qu'il y a beaucoup de moments de blanc où il se passe pas grand chose sur un bateau donc on est amené à juste observer l'océan pendant des heures et des heures et des heures et des heures et en fait l'océan change toutes les heures finalement parce que ça change de couleur, de texture, les vagues grossissent, réticissent, il y a des oiseaux, il y a des poissons volants, il y a des dauphins, il y a de la pluie, il y a des arcs-en-ciel, enfin bref c'est un monde un peu magique et voir le bleu aussi longtemps m'a vraiment fait du bien.
- Speaker #0
Il n'y a aucun doute, tu es carrément picousée. Ça se ressent, c'est assez chouette. Par contre, comme tu dis, à t'écouter, tout est magique, mais il y a ce changement de couleur qui peut faire super peur aussi. Quand la mer devient sombre, tu as dû vivre, j'imagine, des creux de je ne sais pas combien de mètres. Mais quand on est justement dans les conditions dont tu parlais pour aller en Irlande, qu'est-ce qui se passe à ce moment-là quand tu n'as pas d'expérience ? que le bateau se met à bouger dans tous les sens, qu'on est dans des creux, qu'est-ce qui se passe ?
- Speaker #1
Franchement, je pense que ça dépend beaucoup du capitaine et de la personne qui gère le bateau. Pour aller en Irlande, j'avais la chance d'avoir un capitaine vraiment très calme et très expérimenté. On avait des quarts à faire tout seul. En fait, le capitaine ne fait pas de quart normalement, mais se doit d'être réveillable à tout moment. Il va être dans une petite cabine qui est hyper proche de la sortie. et dès qu'il se passe quelque chose, on va l'appeler et il va venir. Donc déjà, j'étais pas toute seule non plus à gérer tout ça. Et effectivement, ça fait un peu peur, mais quand un bateau est bien fait et bien construit, on se sent bizarrement assez en sécurité dedans, même si on est au creux des vagues. En tout cas, j'ai pas essuyé des conditions extrêmes, comme on peut en voir parfois sur Internet, sur l'Atlantique Nord, etc., où les feux sont absolument monstrueux. Il y a eu des gros creux, il y a eu des petites tempêtes, c'était plus des gros grains qui s'abattaient, le vent prenait un peu d'ampleur assez vite et c'était un peu impressionnant. On avait reçu des instructions et on savait comment réduire les voiles, comment abattre, le jargon de la voile qui permet de gérer ce genre de choses. Pour aller en Irlande, on était un gros équipage, on était sept. Donc on avait... de... poids se relayer et ça crée vraiment, ça soude ce sentiment un peu on est au milieu de la mer et c'est à nous de gérer et c'est vrai que c'est très impressionnant. Pour ce qui est de l'Atlantique en revanche c'était assez calme parce que cette traversée de l'Atlantique enfin ce trajet qui fait Europe plus ou moins Caraïbes, c'est un trajet qui est assez calme donc j'ai eu la chance de ne pas avoir énormément de problèmes j'ai eu plutôt l'inverse, moi il y a eu beaucoup de trous de vent des pétoles comme on dit. Et en fait, il y a eu un truc qui s'est passé assez impressionnant, c'est qu'à un moment, on n'a pas eu de vent pendant trois jours et on a carrément décidé, on n'a pas voulu utiliser le moteur parce qu'on n'avait que deux jours d'autonomie de moteur et sur pente, on n'avait pas envie de prendre le risque au cas où il y avait vraiment un problème. Donc on a décidé de complètement laisser le bateau ne pas avancer et on a décidé de se baigner dans l'Atlantique. en plein milieu de l'océan Atlantique, derrière le bateau avec une corde. Et ça, c'était un truc dont je me souhaiterais toute ma vie, parce que vraiment se baigner en plein milieu de l'océan, au lieu de nulle part, c'est assez impressionnant parce que l'océan en dessous de soi... à des kilomètres et des kilomètres et des kilomètres de fond. Et ouais, ça, c'était fou.
- Speaker #0
Il y a deux angoisses. Il y a l'angoisse de ce qui se passe en dessous et puis l'angoisse que le bateau se casse sans toi quand même.
- Speaker #1
C'est pour ça qu'il fallait qu'on ait une corde. On tenait une corde quand même au cas où. Le bateau avançait très lentement, mais il avançait quand même un peu et on ne s'en rend pas compte quand on est dessus. On a l'impression que ça ne bouge pas du tout. Mais si on est dans l'eau, on se sent un peu tiré comme ça. Mais on faisait ça que si c'était vraiment des conditions de vent hyper basse, sinon c'est super dangereux de faire ça parce que si le bateau part...
- Speaker #0
Et il y en avait un qui restait sur le bateau ?
- Speaker #1
Ouais, toujours quelqu'un qui restait sur le bateau. On était quatre. Pour cette traversée, on était quatre adultes et un bébé. Il y avait un petit bébé à bord. En fait,
- Speaker #0
c'était leur bateau. Et pourquoi ils prenaient des gens en bateau stop ? Pour donner un coup de main, justement ?
- Speaker #1
En fait, on était équipiers, on faisait les cars, on faisait tout ce qu'on pouvait.
- Speaker #0
Pour donner un coup de main pour se reposer.
- Speaker #1
En gros, pour naviguer. En bateau, il faut avoir de la main-d'oeuvre disponible 24 heures sur 24 parce que le bateau ne s'arrête jamais. Et donc, on faisait des quarts de 4 heures et on faisait un roulement. Et en fait, quand vous n'êtes que deux sur un bateau, c'est beaucoup plus fatigant, c'est beaucoup plus compliqué parce que toutes les 4 heures, se réveiller, se rendormir, se réveiller, c'est très compliqué. Là, on était divisé en 4 adultes. Donc, on pouvait faire les quarts et avoir un rythme beaucoup plus reposant et pouvoir être plus concentré parce que dès que quelque chose se passe... pouvoir réagir très vite, donc réduire la voilure ou alors si on veut avancer plus vite il faut pouvoir adapter la voilure aussi il y a énormément de choses à savoir et aussi pour la vie à bord c'est plus simple d'avoir des gens en plus parce que pour faire à manger, pour s'occuper du bébé aussi il y avait, c'était dans l'annonce qu'ils avaient posté, ils avaient demandé quelqu'un qui est à l'aise avec les enfants donc c'est le bon cas, donc il n'y avait pas de soucis mais oui il y a plein de choses qui peuvent être importants Si on est plus nombreux sur un bateau, ça décharge tout le monde. Et surtout qu'ils n'avaient pas beaucoup d'expérience. Ce couple, c'était des Allemands qui voulaient aller au Panama. Ils avaient besoin aussi de quelqu'un avec un peu d'expérience. Moi, j'en avais un tout petit peu, vraiment pas beaucoup. Mais ma coéquipière, elle en avait énormément. Elle a vraiment apporté beaucoup sur le bateau en termes d'expérience de voile.
- Speaker #0
Elle vient d'où cette soif d'aventure ?
- Speaker #1
Je ne sais pas trop, j'ai grandi avec des films un peu d'aventure, j'ai grandi avec Banu et Culotté, c'est une émission un peu connue en France, qui met en scène ces deux copains qui partent sans rien littéralement, alors complètement à poil, moi ce n'était pas mon cas, mais bon, qui partent en stop avec le but d'aller à la rencontre des gens avec un objectif précis. Et en fait, comment ils y arrivent ? Seulement avec la générosité des gens. Et eux, en retour, ils partagent des choses, ils aident, enfin, ils donnent un peu de leur énergie et de leur temps, mais pas d'argent. Et j'ai trouvé que le concept était absolument fabuleux. Moi, quand je regardais ça, j'étais petite et j'avais des étoiles dans les yeux. Je voyais que l'aventure, vraiment, au sens simple, en fait, c'était en France, c'était dans des endroits pas forcément hyper lointains, mais on ne sait pas ce qu'on va vivre aujourd'hui, en fait. si ça se trouve ça va être une journée horrible on va rencontrer personne, tout le monde va nous fermer la porte au nez et en fait il y avait souvent des épisodes où ça se passait comme ça et à la fin ils arrivaient quand même à force de persévérance ils toquaient à une dernière porte et la dernière porte soudrait et les gens disaient bien sûr venez chez moi, je vous héberge et c'était des rencontres fabuleuses et en fait je crois que c'est la rencontre avant tout avec les gens qui me motivent ça a fait naître en moi cette soif d'aventure et après plein d'autres films que j'ai pu regarder C'est très cliché, mais moi, pirate des Caraïbes, par exemple, c'était vraiment... J'ai grandi avec un frère, on était constamment en train de s'imaginer sur des bateaux pirates, on était constamment en train de s'imaginer en quête d'un trésor, d'aventure. Donc j'ai beaucoup été élevée avec ces choses-là et je me projetais beaucoup. Et c'est vrai qu'en grandissant, j'étais assez déçue parce que je me rendais bien compte que ce n'était pas la réalité. Et en fait, en faisant du stop et en partant en voyage, je me suis reconnectée à cet enfant en moi. Et j'arrive à la préserver aujourd'hui grâce à mes aventures. Donc, c'est merveilleux.
- Speaker #0
Il y a une autre anecdote que je voudrais que tu nous racontes avant qu'on parle du présent. C'est ce que tu as vécu en Amazonie.
- Speaker #1
Oui, alors j'ai décidé de rejoindre une ville au nord du Pérou qui s'appelle Iquitos. Et en fait, cette ville est inaccessible par la route. Elle est uniquement accessible par la voie des airs ou par la voie des rivières. dont la rivière Amazon. C'est au cœur de l'Amazonie. Et en fait, il y a assez peu de moyens d'y arriver. L'un des moyens d'y arriver, c'est de prendre des bateaux de marchandises qui font des trajets pour apporter les marchandises dans la ville. Et j'ai entendu parler de ce truc hyper vaguement et je n'ai trouvé aucune information sur Internet, mais j'ai quand même décidé d'y aller. Et en fait, il y a des trajets qui se font pour les backpackers, les voyageurs un peu comme moi, notamment depuis le Brésil et depuis la Colombie. mais aucun depuis le Pérou. Et surtout, moi, je voulais aller en Équateur après. Et là, vraiment, il n'y avait rien du tout, aucune information. Donc, je me dis parfait. Moi, je m'éloigne le plus des sentiers battus. En tout cas, j'essaye de créer mes propres sentiers. Donc là, ça me paraît le challenge à la hauteur de ça. Et donc, en fait, il suffit de... Ce n'est pas si compliqué au final. Il suffit d'aller dans une ville d'où on voit que la rivière part. Et d'aller chercher ces bateaux de marchandises. Donc c'est vraiment, il faut imaginer, c'est dans la boue, il n'y a rien. C'est des petites motos qui apportent des grosses caisses. Et puis au final, c'est déchargé dans les bateaux, etc. Il y a des cochons, il y a des poules, il y a tout. Et il n'y a pas de route. Enfin, c'est vraiment dans la terre, etc. Et il faut ensuite monter grâce à des planches de bois sur les bateaux. Et une fois sur le bateau, moi, j'ai juste demandé est-ce que c'est possible d'être là avec vous pour la traverser ? Et en fait c'est totalement possible et il y a beaucoup de locaux qui font ça. Et il y a un pont au-dessus où les locaux peuvent dormir, c'est sur le métal mais tout le monde a son hamac. Et donc en fait tu accroches ton hamac sur les barres, c'est une sorte de bateau à moteur comme on peut imaginer, de rivière quoi, gros bateau de marchandises. Donc je me suis retrouvée au milieu d'une jungle de gens, avec tous les hamacs suspendus, il y avait des animaux, il y avait des enfants, tout le monde. On criait, chantait. C'était vraiment une joyeuse bande humaine. J'étais un peu toute seule au milieu de ça. J'avais rencontré une autre voyageuse qui avait décidé de me suivre dans ce périple. Donc, on était toutes les deux. Et on a fait ces quatre jours sur cette rivière jusqu'à Iquitos. Donc, à ce moment-là, on paye juste un tout petit fil de passage. C'était 20 euros, je crois, pour les cinq jours. Et en fait, ça inclut les repas. Donc, on avait un ticket rationnement de repas. on avait les repas, il fallait apporter seulement son eau, enfin de l'eau et puis son hamac, donc très simple donc coupé de tout aussi, pas de connexion on est passé par des tout petits villages au fin fond de l'Amazonie pour récupérer des colis ou des gens c'était vraiment assez étonnant de voir qu'il y avait quand même toute une organisation autour de ça alors que c'était des endroits extrêmement reculés du monde et ce qui m'a étonnée aussi c'est qu'à un moment on s'est arrêté à mi-chemin et il y avait une toute petite tienda, c'est une sorte de petit et shop qui vend des fruits et légumes etc. Et il y avait des bouteilles de coca donc vraiment j'étais un peu choquée de me dire, en plein milieu de l'Amazonie le capitalisme arrive quand même. Et une fois à Iquitos du coup on a repris un autre bateau et là c'est pareil il faut aller faire du porte-à-porte, il faut aller demander, il n'y a aucune information disponible et les bateaux qui partaient partaient tous les 11 ou 12 jours donc faut quand même aussi choper le coche, faut pas être pressé quoi et oui ça se passe très bien et c'est le voyage lent Le voyage sueur, sale, mais le voyage doux finalement, parce qu'il n'y a pas grand-chose à faire et on se pose et on regarde la jungle défiler. Moi, c'est quelque chose que j'ai énormément apprécié. J'ai beaucoup écrit, parce que j'aime beaucoup écrire des textes et des poèmes, pour retranscrire la beauté de ce que je vois, mais aussi la réalité, c'est-à-dire la chaleur écrasante, les repas qui étaient un peu de riz et des bananes. Donc c'était une spartiette. C'était assez difficile pour le corps, mais pour le mental en tout cas, c'était pour moi une autre définition de l'aventure encore. Et j'ai réussi à rejoindre l'équateur grâce à ça, grâce à ces bateaux de marchandises. Et surtout, le passage de frontière était assez cocasse parce que c'était une petite maison en plein milieu de la jungle et ils n'avaient internet qu'une heure dans la journée. Donc, il a fallu attendre pour faire tamponner le passeport et demander à un pêcheur de nous emmener de l'autre côté de la frontière. Donc voilà, je crois que le passage de frontière le plus insolite que j'ai jamais fait.
- Speaker #0
Est-ce que tu te souviens, que ce soit sur le bateau, avec le couple, ou là, cette anecdote que tu viens de nous raconter, au milieu, comme tu dis, de cette joyeuse bande humaine, de ce que tu as ressenti ? Parce qu'à chaque fois, c'est un peu des premières, c'est des nouvelles aventures, des nouvelles sensations. Est-ce que tu peux nous remémorer, entre guillemets, tes émotions du moment ?
- Speaker #1
Je pense que les émotions, elles étaient beaucoup à se confronter les unes les autres. il y avait beaucoup d'excitation. Et en fait, moi je fonctionne par stimulation, donc c'est-à-dire que tout ce qui est nouveau... me plaît énormément, même si j'ai beaucoup conscience que c'est fatigant et ça fait peur et c'est vertigineux. Mais personnellement, j'ai besoin de cette stimulation. Et donc, en fait, moi, je vais aller chercher le nouveau. Et d'être dans des situations qui sont des situations très nouvelles ou des premières fois pour moi, ça me procure beaucoup d'endorphine. Donc, je ne sais pas trop si ça répond à la question. Mais en tout cas, en termes d'émotion, il y a tout en même temps, en fait, parce qu'évidemment que ça fait peur. évidemment que je ne sais pas trop quoi faire, comment réagir si je parle à telle ou telle personne est-ce que c'est vraiment des personnes bien intentionnées est-ce que ça va bien se passer etc sur le bateau pour traverser l'Atlantique il y a eu un conflit un peu de personnalité entre moi et le capitaine je ne l'ai pas très bien vécu en fait sa façon de gérer le bateau de me gérer moi etc donc j'ai dû faire un énorme travail mental parce que j'étais coincée sur ce bateau et je ne pouvais pas m'en échapper Merci. Donc, il y a eu beaucoup de choses que j'ai dû faire mentalement. Mais ce qu'il en ressort, en fait, là, quand j'y repense, je sais que c'était dur, mais je ne me souviens que de l'apaisement devant l'océan, de la joie quand on est arrivé en Grenade. Donc, on est arrivé sur l'île de Grenade à 6h du matin, au soleil levant. Et je me souviens l'émotion que j'ai ressentie parce que je n'avais pas vu la Terre depuis un mois. Et j'ai senti... la terre avant de la voir. C'est-à-dire que l'odeur de l'île nous est arrivée avant de voir l'île. Tellement c'était intense, tellement on n'avait pas senti de terre. Je ne sais pas trop comment décrire cette odeur, mais c'est la terre, c'est les arbres, c'est quelque chose, c'est la vie. Et on l'a sentie, on s'est dit la terre approche, c'était assez drôle. Et puis l'arrivée posait son pied sur le pont de... d'embarcation et puis se retrouver au milieu de la civilisation d'un coup alors que je n'avais pas pris de douche depuis des dizaines de jours et que tout d'un coup c'était l'écarrile c'était absolument époustouflant et j'ai du mal à exprimer cette émotion parce que c'est une expérience qui est indescriptible mais beaucoup de choses, la peur clairement fait partie des émotions qui dominent dans toutes mes aventures. Plein de raisons. Enfin, il faut se lancer. On se met en danger, on se met dans des situations qui ne sont pas confortables, qui ne sont pas en sécurité. Et j'ai l'impression qu'en tant que femme, surtout, on est élevée dans la peur de sortir de chez soi. En tout cas, moi, c'est mon cas. Et je crois que pour toutes les femmes que j'ai interviewées pour mon documentaire, c'était le cas aussi. Et le message que toutes ces femmes me disent, c'est j'ai peur, mais je le fais quand même. Donc, en fait, on fait tout avec la peur. Ça ne nous empêche pas de vivre pleinement ce qu'on a envie de vivre et en fait, ça nous rend plus fortes. Donc, cette émotion-là, moi, je l'accueille et je fais avec et je crois qu'elle me tient compagnie, mais d'une bonne manière parce qu'elle me stimule et puis, parfois, elle me sauve peut-être la vie dans certains cas. Mais en tout cas, elle ne m'empêche pas d'agir.
- Speaker #0
Là, tu donnes une belle transition, mais il y a un truc, en tout cas, que je retiens dans ce que tu viens de dire. Je pense que c'est vraiment le fait de prendre le temps en voyage. c'est beaucoup plus... proches justement de tes émotions. Comme tu l'as dit, tu les accueilles. Et ça te permet aussi presque d'être plutôt en connexion et d'éviter même les dangers parce que tu as la peur, mais tu as aussi l'intuition qui te guide et qui te fait prendre les bons choix. Il y a peut-être, quand tu dis on s'est mis en danger, est-ce qu'il y a une situation que tu aimerais peut-être partager où tu t'es senti justement en danger, mais pour lequel tu continues d'avancer parce que tu as cette motivation de toute façon. Oui, il y a des situations où je me suis sentie en danger. Notamment, il y en a une qui me vient à l'esprit. C'était quand j'ai traversé l'Argentine en stop. Ce n'était pas des situations en stop qui étaient dangereuses, mais c'était plutôt des situations... En gros, j'ai traversé jusqu'à Buenos Aires depuis le nord de l'Argentine en stop. Et j'ai été souvent prise en stop par des camionneurs qui étaient extrêmement gentils. Moi, les camionneurs, pour moi, c'est les meilleures personnes pour prendre en stop. Mais du coup, qui faisaient énormément de route et qui arrivaient souvent très tard. Et en fait, il y a eu un moment où j'étais tellement... confiante parce que je savais que tout se passait très bien etc. J'avais pas forcément pris le temps de prendre une carte SIM dans le pays parce que moi je prenais des cartes SIM dans les pays à chaque fois et c'était un peu toujours quelque chose à prévoir et puis il fallait l'activer etc. Et là je crois que la mienne c'était pas activé donc il fallait que je change. Bref, j'avais pas du tout de connexion, j'avais pas internet et donc j'avais pas du tout prévu où dormir le soir et j'avais pas forcément téléchargé les cartes etc. Enfin bref, c'était pas du tout bien préparé. ce que d'habitude je fais quand même. Et là, je me suis retrouvée à Cordoba, qui est donc une ville en Argentine, en plus d'être une ville en Espagne. Et en fait, je suis arrivée très tard et je suis arrivée en banlieue de Cordoba parce que le camion qui m'a déposée continuait sa route, donc il ne m'a pas déposée en centre. Et c'est vrai que cette peur, elle est venue très, très vite parce qu'on m'a énormément dit que la nuit en Amérique du Sud, c'est le plus dangereux possible, surtout pour une femme. Et surtout que là, j'étais en banlieue d'une très, très grosse ville. Donc vraiment, les endroits les plus populaires, les plus pauvres, où il y a le plus de crimes, etc. Je me suis retrouvée toute seule à 23 heures là-dedans. Et en fait, il ne s'est rien passé de grave. Donc j'ai eu extrêmement peur à ce moment-là. J'ai vraiment commencé à courir pour attraper quelque chose, un bus. J'ai essayé d'aller dans un commerce et j'ai demandé le premier bus ou la première... direction qu'il fallait que je prenne pour aller dans le centre-ville, c'est ça ? Et en fait, je me souviens, cette peur, elle a duré 10 minutes, mais elle était motivée par tout ce que j'avais entendu. Alors, c'est vrai que c'est des endroits qui sont assez dangereux, etc., mais finalement, il ne s'est rien passé, alors qu'on m'avait vraiment nourrie de peur vis-à-vis de ces situations-là, la nuit en Amérique du Sud, qu'il ne fallait surtout pas sortir, dès que la nuit tombait, il fallait rester chez soi, etc. Donc, je n'avais pas bien géré mon truc, mais finalement, tout s'est bien passé. et alors que j'ai vécu des situations pour le coup compliquées plus tard en Argentine quelqu'un a essayé de me détrousser dans la rue, j'ai été agressée sexuellement en stop aussi, il y a eu des choses qui se sont passées et pourtant c'était pas les situations qui m'ont fait le plus peur mais les situations qui m'ont fait le plus peur sont des situations que j'ai imaginées parce qu'on m'avait vraiment nourrie de clichés, d'a priori etc.
- Speaker #1
C'est quoi ton conseil, du coup, ta recommandation par rapport à ça ? Est-ce qu'il faut, parce que tu as raison, rien que le fait, souvent on dit, ah non, la Colombie, par exemple, surtout pas, alors que c'est un pays extraordinaire, mais voilà. Donc, est-ce qu'il faut, clairement, de ce que j'entends, on n'écoute pas trop ce qui se dit, mais en même temps, il ne faut pas faire n'importe quoi non plus. C'est quoi ton conseil ? Parce qu'il t'est arrivé aussi des choses. Donc, c'est quoi ton conseil ?
- Speaker #0
En fait, il m'est arrivé des choses, et pour moi, c'est indépendant au voyage. C'est-à-dire que moi, je suis... C'est assez sombre comme pensée, mais j'ai conscience qu'en tant que femme, on est en état de danger constamment. Que je sois chez mes parents, en région parisienne, que je sois dans un pays dit très safe, je vais toujours courir un risque. Donc en fait, mon conseil, c'est si on a une volonté de faire quelque chose, il faut la faire malgré les risques parce que de toute façon, les risques sont présents. Après, effectivement, il ne faut pas faire n'importe quoi. Et je pense qu'en tant que femme aussi, on a construit tout un ensemble de bonnes pratiques, de trucs à se dire, de trucs à faire. Moi, quand j'entends mes potes voyageurs hommes, je me rends compte que la préparation, par exemple, avant la préparation, par exemple, télécharger les cartes, avoir un plan B, prendre en photo la plaque d'immatriculation quand je vais en stop, etc. C'est plein de petites choses, de plein de petites règles de sécurité que j'ai... intégrées, qui sont pour moi essentielles et normales, que d'autres ne vont pas faire. Donc en fait, mon conseil, ça va être de tester, de évidemment être sur ses gardes, de se fier à son instinct surtout. Ça, c'est hyper important parce qu'on a un instinct, surtout comme tu as mentionné, quand on prend le temps, quand on voyage lentement, on développe un vrai sens pour ces choses. Donc on se dit, ça, je sens que c'est la bonne direction, ça, je sens que c'est peut-être pas une bonne idée. Se fier à ça, mais surtout ne pas s'empêcher d'agir. parce que le danger, il sera partout de toute façon. On subit des choses au quotidien. Si on n'en subit pas, on est très chanceuse et il faut s'accrocher à cette chance. Mais la plupart d'entre nous subissons des choses. Et en fait, ça ne devrait pas entraver notre soif d'ambition, d'aventure, de découverte. Parce que le monde est aussi extrêmement bienveillant. Et en fait, moi, en sortant de ma zone de confort et en essayant justement de tirer la langue à ces risques... que j'encours en étant femme qui voyage seule. Et en fait, je me suis rendue compte que le monde est hyper bienveillant et que ces mauvaises expériences, elles se comptent vraiment en mini, mini pourcentages et que c'est totalement contrebalancé par l'ampleur de la générosité et de l'amour que j'ai reçu sur ces routes, de gens qui m'ont ouvert leurs portes, qui sont devenus des amis proches, des gens qui ont marqué complètement mon expérience, comme tu as dû entendre de plein d'autres voyageurs. Enfin voilà, ça c'est pour le coup, je... Je ne suis pas originale là-dessus, mais le monde est un endroit merveilleux avec des gens qui ont vraiment de la bonté en eux. Donc ça, il ne faut pas l'oublier non plus.
- Speaker #1
J'espère que tu as raison. Tu n'es pas du tout originale en disant ça. Et c'est tant mieux parce qu'au plus on est nombreux à penser ça et au mieux ce sera en tout cas. C'est notre petite mission de Colibri, c'est de justement continuer à passer ce message comme quoi il faut aller loin et qu'il y ait vraiment des belles rencontres et des belles choses à voir. Alors, est-ce que tu peux maintenant évoquer ce beau projet de documentaire et savoir quel a été le déclic, pourquoi tu as eu envie de le faire sur les femmes qui voyagent en solo et puis quelles ont été les belles rencontres qui seront sur ce documentaire ?
- Speaker #0
Le documentaire est né... de mes propres expériences de voyage, comme j'en ai un petit peu mentionné. Je me suis rendue compte de la différence qu'il y avait quand on était une femme qui voyage comparée à un homme, mais surtout je me suis rendue compte du pouvoir d'émancipation que le voyage conférait aux femmes. J'ai pas mal fait de recherches par rapport à ça, et c'est vrai que dans le narratif collectif, ou en tout cas c'est très récent que les femmes s'autorisent à voyager, et surtout aux seules. Avant, c'était vraiment la figure de l'homme explorateur et la femme qui l'attend à la maison. Ça, dans la plupart des récits occidentaux, c'est le cas. Et je me suis dit, en fait, moi, au cours de mes voyages, j'ai rencontré énormément de femmes qui voyagent seules et qui sont hyper inspirantes. Et à chaque fois, j'ai pris beaucoup de ces inspirations-là et j'ai continué ma route grâce à ça. Et je me suis dit, j'ai envie de leur donner une voix. Et surtout, j'avais envie de voyager avec un projet. Je n'avais pas envie de voyager juste pour voir des choses. j'avais envie de créer quelque chose aussi mon parti pris ça a été de me dire de toute façon je vais en rencontrer sur ma route parce que ça a déjà été le cas ces dernières années donc je vais pas forcément forcer le truc je vais partir en itinérance et comme ça je vais vraiment me mettre dans l'état d'esprit de voyageuse solitaire et surtout long terme parce que pour moi c'est vraiment cette dimension du voyage long terme, du nomadisme presque, pour certaines femmes que j'ai rencontrées qui voyagent depuis 10 ans c'est pas rien, c'est vraiment une forme de vie c'est une façon d'être Merci. et à quel point ça leur a permis de se détacher d'une forme oppressante de société patriarcale, entre autres, mais surtout qui impose quand même un certain cadre aux femmes depuis très longtemps, mais qui est en train de se détacher de plus en plus aujourd'hui. Et c'est ce que j'ai pu observer grâce à mes interviews. Donc, je suis allée à la rencontre de ces femmes. J'en ai rencontré par hasard sur ma route et j'en ai rencontré aussi grâce à un groupe Facebook qui s'appelle Host a Sister, donc Héberge une sœur. qui est un équivalent de Couchsurfing, pour ceux qui connaissent, qui est une plateforme d'hébergement gratuit partout dans le monde. Et donc, ce groupe Facebook, c'est l'équivalent de Couchsurfing, mais pour les femmes. Et donc, j'avais posté au tout début de mon voyage un message décrivant mon projet et j'ai eu des centaines et des centaines et des centaines de réponses de femmes partout dans le monde qui, du coup, étaient très motivées pour participer au projet. Donc, j'ai pu en rencontrer grâce à ça et ça a en fait dessiné mon trajet. À certains moments, j'avais des endroits où je n'avais pas du tout prévu d'aller, où j'ai rejoint ces femmes, donc dans leur voyage ou dans leur vie post-voyage, ou dans un entre-deux où elles étaient. Et donc j'ai interviewé ces femmes en leur posant plein de questions sur les raisons de leur voyage, la façon qu'elles avaient de voyager, ce que ça impliquait pour elles, les contraintes, mais aussi les victoires, les différentes choses qu'elles avaient pu apprendre sur les routes et comment ça les construisait personnellement. comment c'était facteur d'émancipation de prise de liberté, d'indépendance, mais aussi les mauvais côtés, c'est-à-dire le détachement, pour certaines, de leur famille, de leur culture d'origine, un point de non-retour à un moment, parce qu'on est tellement habitués à cette vie de mouvement que c'est extrêmement difficile de re-rentrer dans une société sédentaire, etc. Donc, beaucoup de questionnements. Et puis, j'ai récolté tous ces témoignages, j'ai essayé d'aller voir des personnes de tous âges. plus possible de nationalités assez variées. J'ai essayé. Et donc là, je suis en processus de montage qui est aussi très long, très fastidieux et qui me demande beaucoup de réflexion tous les jours parce que comment raconter ces histoires, comment transmettre l'émotion et surtout comment transmettre aussi ma propre interprétation du voyage puisque c'était évidemment, c'est un documentaire qui va être vraiment sculpté par ma propre expérience d'itinérance. Donc c'est un documentaire assez poétique et artistique plutôt que journalistique. Et c'est un parti pris que j'assume et que je trouve d'autant plus épanouissant pour moi.
- Speaker #1
On a très envie de le découvrir. Est-ce que tu peux nous parler d'une de ces femmes qui t'aurait peut-être le plus marquée et de sa vie d'aventurière ?
- Speaker #0
Je pourrais vous en parler de plein, mais il y en a peut-être une qui me vient en tête en premier. C'est Christy, qui est une femme, une Argentine. que j'ai rencontrée dans les montagnes à la frontière chilienne et qui a voyagé pendant sept ans en vélo, en bicyclette, comme elle le dit, et qui est grand-mère. Donc elle a voyagé en étant grand-mère. Et j'ai trouvé ça hyper inspirant parce que c'est vrai qu'on imagine beaucoup le voyage comme étant quelque chose qu'on peut faire jeune avant de se ranger. En tout cas, c'est une image qu'on a. Et elle, elle a montré vraiment complètement le contraire. Elle a eu des enfants, elle a eu des petits-enfants. et ensuite elle s'est dit bon en fait je vais faire J'ai soif d'aventure. Elle est partie à vélo, elle a traversé pendant sept ans l'Argentine et le Chili. Elle a bossé dans des petits magasins, elle a bossé dans des parcs nationaux, elle a dormi dans des stations-service, vraiment à la route. Et je l'ai rencontrée par hasard dans un petit village où elle était enfin posée parce qu'elle avait découvert que c'était là qu'elle voulait construire sa maison avec ses mains. Donc elle était en train de construire sa maison. avec des pierres et de la terre qu'elle trouvait. Et cette femme était absolument merveilleuse. Elle était très douce. Et elle avait une sorte d'aura, comme une sorte de sage qui pourrait montrer le chemin. Je l'ai vraiment rencontrée de cette manière. Et puis, on s'est pris dans les bras de manière très intense à la fin de l'interview. En fait, je l'ai rencontrée par hasard et je lui ai proposé directement de... d'écouter son histoire et elle a tout accepté. Et ensuite, elle m'a dit merci, merci de m'avoir, d'avoir écouté, de comprendre qui je suis, etc. Et pour moi, c'était une rencontre fabuleuse.
- Speaker #1
J'adore. Est-ce qu'il y en a d'autres ?
- Speaker #0
Ah oui ! Bien sûr, il y en a une qui m'a aussi un peu, beaucoup marquée, c'est Lina, une Suédoise que j'ai rencontrée en Suède, qui m'a, elle, contactée par le groupe Host Sister. et qui, elle, passe six mois de l'année en voyage, mais d'une façon très spécifique, c'est qu'elle ne fait que marcher. Donc, en fait, elle a traversé toute l'Europe à pied. Elle a traversé de la frontière mexicaine à la frontière canadienne à pied aussi. Donc, en fait, ça fait 15 ans ou 20 ans qu'elle fait ça. Et donc, la moitié de l'année, elle fait ça et l'autre moitié, elle est dans la campagne suédoise à travailler, à récolter un petit peu d'argent pour repartir. C'est une femme qui a vécu aussi beaucoup de situations compliquées dans le voyage, à cause des hommes notamment, mais qui est extrêmement résiliente et qui croit fermement en la bonté des gens aussi. Et en fait, elle était très inspirante parce qu'elle me disait que pour elle, sa maison, c'était autant sa tente que sa maison dans laquelle je l'ai rencontrée. Et en fait, elle passe autant de temps dans sa tente que dans cette maison. et elle vit de très peu, et elle se reconnecte vraiment à elle-même et ses pensées grâce à la marche. Et elle me disait que c'était le meilleur moyen pour elle d'être heureuse, parce qu'elle avait l'impression que dans nos sociétés actuelles, on était un peu abrutis par toutes les pensées qu'on a à faire. C'est-à-dire que pour elle, marcher dans la nature comme ça, ça la ramène à un état très primaire de « il faut que j'arrive à me nourrir, il faut que j'arrive à trouver un endroit pour dormir » . il faut que j'arrive à laver mes vêtements, etc. Alors qu'une fois de retour dans sa maison à travailler, elle a énormément de questionnements beaucoup plus compliqués, même plutôt existentiels, parce qu'elle est de plus en plus âgée, et tout le monde lui dit qu'il faudrait qu'elle ait des enfants, etc. Et en fait, c'est quelque chose qu'elle... dont elle arrive à se détacher quand elle va marcher. Et c'est une façon de voyager que je trouve très spécifique parce que c'est vrai qu'elle porte toute sa vie sur son dos et elle utilise uniquement la force de ses jambes. Et elle voyage avec son chien, ce qui est aussi très attendrissant. Donc c'est vraiment un partenaire de voyage qui la compagne partout.
- Speaker #1
C'est quoi le point commun entre toutes ces femmes ?
- Speaker #0
Le point commun entre toutes ces femmes, c'est qu'elles ont surmonté la peur.
- Speaker #1
Toi, tu t'en es nourrie aussi ? Quand tu regardes justement leur parcours, ça t'a donné quoi comme envie ?
- Speaker #0
Moi, ça m'a ouvert à tellement de possibilités. En fait, j'ai toujours eu un peu peur de ce que la vie pouvait me réserver et de ne pas avoir beaucoup de choix. Et en rencontrant ces femmes, ça a ouvert un panel de choix infini. Donc, j'ai aussi rencontré des femmes qui voyagent en van, des femmes qui voyagent en bateau, des femmes qui... qui voyagent depuis des années, des années. Alors, je ne sais pas si moi, ce sera mon cas, mais en tout cas, le voyage n'est pas encore terminé pour moi. Et grâce à ces femmes, je me rends compte que c'est possible de travailler un temps, de repartir après, ou de travailler tout en voyageant. En fait, tellement de combinaisons sont possibles quand on aime le mouvement et quand on se nourrit de ce mouvement et de cette simulation permanente. C'est pour moi, avoir rencontré ces femmes, qui m'a vraiment fait l'effet d'avoir trouvé ma communauté, d'avoir trouvé une sorte de famille. Et c'est vrai que cette analogie de la sœur, je le ressens énormément. J'avais l'impression de rencontrer mes sœurs sur la route. Et ça m'a rendue plus sûre de moi et plus sereine pour la vie.
- Speaker #1
Et je pense que, comme tu dis, ça permet de te rendre compte que tu n'es pas toute seule à avoir cette envie de liberté, cette envie de découvrir. Parce que comme quand on est à Paris ou ailleurs, mais tu es dans un monde un peu plus moulé. Et donc forcément, c'est plus difficile d'exprimer ses envies. En tout cas, c'est chouette. Il va sortir quand ce documentaire ? Là, tu travailles sur la production, mais tu le programmes pour quand ?
- Speaker #0
Pour l'instant, je n'ai pas de programmation précise. J'aimerais le sortir dès l'été. C'est très long comme processus. Et pour l'instant, je suis toute seule dessus. Donc, j'essaie de m'y tenir. Mais on espère pour l'été. Pour l'instant, c'est en processus.
- Speaker #1
Alors, j'ai une question qui revient souvent, donc je me permets de te la poser, mais tu n'es pas obligée d'y répondre. Du coup, tu vis de quoi ? Comment tu finances tous tes voyages ? Et là, ce documentaire, parce que ça prend aussi beaucoup de temps.
- Speaker #0
Question très pratique, effectivement. En fait, j'ai financé mes voyages grâce au travail. J'ai cumulé trois jobs en même temps que mes études avant de partir, donc j'avais accumulé un peu de côté. Surtout, la façon que j'ai de voyager est assez... Très bas budget, on va dire. Je dépense vraiment très, très, très peu. Je fais beaucoup de volontariat. Je suis hébergée et nourrie pendant un temps en échange de quelques heures de travail dans des fermes, notamment dans des écolieux ou des lieux alternatifs que je recherche pas mal. Voilà, le stop ne coûte rien. Dormir chez l'habitant ne coûte rien. Donc, financer ces voyages n'a pas été tellement le plus difficile. Et aujourd'hui, je vis de plein de petits boulots différents. Je change régulièrement. En ce moment, je travaille en Allemagne dans la petite enfance. Je fais des remplacements dans des maternelles. J'ai travaillé dans la restauration aussi. J'ai travaillé dans des galeries d'art. Je donne des cours d'anglais, des cours de français. J'ai plein de petites options. Ce n'est pas une vie, c'est une vie un peu précaire évidemment, mais ça me permet, moi j'ai un coût de vie qui n'est pas très élevé encore. Je n'ai pas beaucoup de choses à payer dans mon quotidien. Donc c'est comme ça que je finance. Très simplement.
- Speaker #1
Et le prochain voyage, c'est quand ?
- Speaker #0
Là, j'ai un projet de van. J'aimerais beaucoup monter un petit peu en gamme de confort, mais repartir quand même très bientôt. Donc, je vais investir dans un van très bientôt et potentiellement repartir d'ici l'automne prochain.
- Speaker #1
En tout cas, un grand merci d'avoir partagé tes aventures et tes belles rencontres. On a hâte de découvrir ce documentaire. J'espère que tu nous le partageras. pour qu'on puisse en plus le diffuser. Merci beaucoup et je te souhaite le meilleur pour la suite. Et je voudrais juste terminer par une dernière question que j'aime bien poser. Si tu devais revivre une journée, probablement plutôt dans les voyages, mais est-ce qu'il y en a une qui te vient à l'esprit ?
- Speaker #0
Je dirais que ce serait mon Noël en grenade, qui m'a vraiment marquée parce que je venais d'arriver sur l'île après la traversée de l'Atlantique. J'avais personne. Et en fait, je me suis retrouvée sur cette plage avec plein de marins qui, pareil, personne n'avait de famille. On s'est tous créé une famille et ils m'ont invité à un énorme festin où tout le monde faisait à manger. Et on a joué de la musique toute la soirée. Le soir, j'ai posé la tente sur cette plage. C'était une magnifique journée qui m'a fait fêter Noël au Caraïbe avec plein d'inconnus, adorables. Ça m'a créé une petite famille sur cette île.
- Speaker #1
Ça donne très envie en tout cas. Merci Marine, je te souhaite plein de bonnes choses pour la suite de tes aventures et merci d'avoir partagé ces moments.
- Speaker #0
Merci à toi.
- Speaker #2
Et voilà, cet épisode est terminé, j'espère qu'il vous a plu. Si c'est le cas, n'hésitez pas à le partager avec votre entourage. Abonnez-vous pour ne manquer. aucun épisode et prenez quelques instants pour laisser un avis ou une note sur votre plateforme préférée. Vos retours sont précieux et m'aideront énormément. Merci d'avance et à bientôt pour de nouvelles aventures.