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Altérité

Les quotas : clés de l’inclusion dans les organisations ?

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17min |18/06/2024
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Les quotas : clés de l’inclusion dans les organisations ?

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17min |18/06/2024
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Description

Pour ce 3ème épisode de notre podcast, Marie Donzel, experte diversité et inclusion, nous explique ce que produisent les quotas et interroge nos cultures d'entreprise au delà des chiffres.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez le podcast d'Alter Egales, le réseau mixité du groupe Caisse des dépôts qui traite d'égalité, d'altérité et de diversité. Parlons-en. Marie Donzel a récemment témoigné pour le réseau Alter Egales sur le sujet des quotas, un enjeu en prise avec les questions d'égalité professionnelle et d'inclusion. Alors, plongeons dans le sujet. Qu'est-ce qu'un quota, finalement ?

  • Speaker #1

    Un quota, c'est tout simplement un système de régulation quantitatif qui crée des autorisations ou des obligations. En matière d'autorisation, par exemple, c'est les quotas de pêche. Il y a une autorisation de pêcher un maximum de certaines espèces de poissons. Ça nous intéresse moins pour la Terre égale. Ce qui nous intéresse pour la Terre égale, c'est plutôt les quotas qui créent des obligations. Comme par exemple les obligations de la loi Copé-Zimmermann qui impose au moins 40% de femmes dans les conseils d'administration, ou la loi qui est en train d'être mise en œuvre qui s'appelle la loi Rexin, qui à l'horizon 2030 impose au moins 40% de femmes dans les comités de direction, CODIR, COMEX, comme on veut les appeler.

  • Speaker #0

    Alors pourquoi ce sujet fait autant de débats ?

  • Speaker #1

    Les quotas, c'est amusant parce qu'en fait, ils font autant de débats que la parité. ne fait pas débat. Si vous demandez dans une assemblée qui est pour la parité, tout le monde a priori est pour. C'est difficile aujourd'hui en 2024 de lever le doigt et de dire Oh non, je suis contre etc. Maintenant, quand vous dites que pour atteindre la parité, vous allez faire appel à des quotas, là, ça commence à gratter un petit peu. Il y a différentes dimensions de l'urticaire. Il y en a que ça gratouille un petit peu. Il y en a chez qui ça démange littéralement de partout. Parce qu'en fait, ça vient clairement toucher à des valeurs et des visions que l'on a, notamment de la compétence, de la légitimité, etc. En fait, le premier truc qu'on se dit au sujet des quotas, c'est que c'est de la discrimination positive. Alors, ce n'est pas une très bonne traduction de la notion d'affirmative action qui vient des États-Unis, puisque là, l'affirmative action, ça serait plutôt... de la dédiscrimination ou de l'action affirmative, mais il se trouve que cette traduction en langue française fait que le mot discrimination étant négativement connoté, vous pouvez toujours rajouter positif derrière, ça perturbe, ça donne un sentiment comme ça de perte de chance pour ceux qui justement ne seraient pas bénéficiaires des quotas. Et juste derrière va arriver l'idée que C'est sacrificiel, c'est-à-dire que quelque part, ceux qui ne sont pas visés par les quotas, mais qui seraient quand même compétents, seraient écartés. On va leur prendre une place. Et donc, c'est le sujet de la compétence qui passerait après l'identité, qui vient être soulevée, et ça, ça heurte typiquement quelque chose qui est une forme de mythe, mais qui est quand même très prégnant. dans nos organisations et plus globalement dans notre culture, c'est cette fameuse méritocratie, que l'on a sa place parce qu'on la mérite. Alors évidemment, si c'était une réalité, la méritocratie, il faudrait se poser de très très grosses questions, puisque si on regarde par exemple les dirigeants du CAC 40 ou du SBF 120, on voit qu'il n'y a que deux femmes qui comptent parmi ces dirigeants, on a très peu de personnes racisées. Donc ça voudrait dire que la méritocratie crée naturellement des personnes qui sont les plus méritantes et qu'elles sont plutôt blanches et plutôt masculines. Donc de toute évidence, la méritocratie est un mythe. Et en même temps, chacun d'entre nous est très mobilisé par ce mythe-là parce qu'aucun d'entre nous n'aime à se dire à soi-même, et encore moins sans doute se l'entendre dire, que d'être née dans un genre, dans une classe sociale, avec une couleur de peau, avec une culture, a favorisé le fait que l'on soit réputé plus compétent, qu'on puisse mieux faire valoir ses compétences et qu'on obtienne la place à laquelle on est. Chacun d'entre nous, intimement, narcissiquement, a envie de croire qu'il est là parce qu'il le vaut bien. Donc voilà pourquoi, en fait, les quotas, ça fait grand débat.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que ça marche, au moins ?

  • Speaker #1

    Alors les quotas, ça marche. Force est de constater qu'on a féminisé l'Assemblée nationale avec des lois sur la parité, qu'on a féminisé les responsabilités dans les collectivités locales avec des lois sur la parité. Force est de constater également qu'aujourd'hui, les conseils d'administration des entreprises visées par la loi Coppésie-Mormann comptent au moins 40 et pour certains, 50 de femmes administratrices. Donc, ça marche, les quotas. Ça marche aussi parce que, tels qu'ils sont pensés, notamment pour les quotas de femmes, si vous ne tenez pas vos obligations, il y a des sanctions. Évidemment, la sanction qui est l'amende. Si vous ne donnez pas satisfaction aux obligations, mais aujourd'hui, il y a surtout la sanction de l'image, de la réputation, qui fait que, oui, ça devient difficile quand même. En 2024, vous imaginez qu'on a un codire 100% post-arbre-cravate. Donc, ça marche, mais ça a ses limites. Ça a ses limites parce qu'en fait, le quota vise la représentativité. Et la représentativité, ça peut être... adossée et associée à de l'inclusion, mais ça peut aussi ne pas l'être. Et ça, on va s'en rendre compte notamment si on observe que ça ne ruisselle pas. Et c'est exactement ce qu'on a observé avec la loi Copé-Zimmermann. La loi Copé-Zimmermann, on attendait qu'en ayant des femmes administratrices, naturellement, ça créerait des rôles modèles pour les femmes, que ça habituerait. toutes et tous à voir des femmes dans les costumes du pouvoir, que ça banaliserait les femmes aux responsabilités. Si la loi Vexin est là aujourd'hui, c'est précisément parce que ça n'a pas marché, précisément parce que ça n'a pas relissonné. De plus, rien ne garantit qu'un quota amène des figures exemplaires, précisément des figures qui vont faire effet de rôle modèle. Et ça, c'est notamment lié au fait que tout dépend de ce que va venir toucher votre quota. Un quota qui touche des instances de pouvoir doit aussi quand même poser la question de ce qu'est le pouvoir et ce qu'est la culture du pouvoir. Sans quoi, vous pourrez remplir votre quota, moi j'en sais rien, de femmes, de jeunes, de personnes assisées, de personnes en situation de handicap. mais qui finalement seront des personnes qui auraient été en capacité de s'adapter au modèle de pouvoir déjà en place. Et donc, comme ça ne touche pas à des gros volumes, il n'y a pas de raison que ça change réellement la société, parce que ça ne peut pas se faire sans une interrogation sur le pouvoir. Donc, en fait, un quota, ça ne marche que si ça s'inscrit dans une politique globale d'inclusion, de diversité. et de transformation des organisations, des cultures, etc.

  • Speaker #0

    Dans ce cas-là, comment est-ce qu'on peut repousser les limites des quotas ?

  • Speaker #1

    En fait, si on veut repousser les limites des quotas, et notamment entrer dans une véritable démarche d'inclusion, il faut se poser la question des modèles de gouvernance et de performance qui permettent d'attirer et surtout de garder les femmes. et toutes les personnes évidemment qui n'ont pas naturellement ou spontanément accès à ces instances de gouvernance.

  • Speaker #0

    Mais quels sont les modèles de performance dont vous parlez ?

  • Speaker #1

    En fait, quand on parle de performance, on a tendance à ne voir qu'un seul modèle de performance qui est le modèle compétitif qui met en concurrence une entité similaire, semblable à une autre. Ça marche en économie ou en gros. On se met en compétition avec un acteur de son secteur qui a à peu près la même taille, etc. Et ça marche aussi entre individus. C'est-à-dire que l'idée de la performance qu'on a en entreprise, c'est qu'un individu performance, c'est finalement celui qui réussit le mieux au même niveau qu'un autre. Ça, en fait, c'est un modèle de performance qu'en sport, on pourrait assimiler à la course de 100 mètres. On ne prend que les meilleurs dans la même catégorie, on les fait tous partir sur la même ligne et on regarde celui qui arrive le premier au micro dixième de seconde près, etc. Mais si je rêve dans la métaphore sportive, il y a plein d'autres modèles de performance. Par exemple, on a la course de relais. La course de relais, c'est un peu la même idée, c'est-à-dire qu'on prend ceux qui courent le plus vite, mais qui sont aussi capables de bien se coordonner. Alors ça, c'est un petit peu comme ça que depuis longtemps, on fait fonctionner les codires. C'est-à-dire qu'on cherche des personnes qui se ressemblent quand même un petit peu et qui savent communiquer les unes avec les autres, qui savent se transmettre l'information. Après, vous avez un autre modèle de performance, par exemple, qui va être le pentathlon. Le pentathlon, c'est un sportif, un athlète qui est capable d'être bon, voire très bon, dans plusieurs disciplines. Ça, c'est ce qu'on va retrouver avec certains profils généralistes dans les entreprises. Ce n'est pas forcément le meilleur en tout, mais c'est celui qui a le plus d'endurance, celui qui est capable de passer d'une tâche à l'autre, capable de changer d'environnement, etc. Et puis, vous avez un modèle de performance qui est celui du sport collectif. J'ai tendance à penser qu'en entreprise, c'est celui qui nous intéresse le plus parce qu'en fait, il raconte vraiment ce qu'est une dynamique collective. Moi, j'aime bien me rappeler de ce qu'est l'aventure d'Aimé Jacquet et des Bleus de 1998 parce qu'à l'époque, quand Aimé Jacquet constitue son équipe, d'abord, la presse sportive le descend en flèche parce qu'il n'a pas pris justement... tous les premiers, les meilleurs qui sont déjà identifiés. Il a précisément cherché à composer une équipe qui allait bien fonctionner ensemble, avec des gens qui sauraient se soutenir, qui fonctionneraient bien sur le terrain, hors du terrain. Il avait pensé aussi à ses remplaçants. Donc à se dire, il faut que quelles que soient les configurations de mon équipe, ça fonctionne à 11. Mais sachant qu'en réalité, j'ai une trentaine de bons hommes. qui sont disponibles pour composer les différentes manières d'en faire onze sur le terrain. Tant et si bien que qu'est-ce que ça produit ce système de performance collective ? Ça produit une chose, c'est que d'abord ça écarte un certain nombre de nuisibles. Je ne sais pas si l'histoire est vraie, mais il se dit que... Un footballeur qui n'aurait pas été sélectionné en disant je suis le meilleur de l'équipe et les jacquins auraient répondu oui, mais l'équipe est meilleure sans toi Donc ce n'est pas si mal déjà, parce qu'on écarte des personnes qui effectivement peuvent être individuellement très performantes, mais qui nuisent à la performance. Parce que justement, elles sont trop compétitives, parce qu'elles sont cannibales tellement elles sont compétitives. Et par ailleurs, on révèle des individus. Et le coup du monde de 1998, c'est quand même Zidane, qui n'est pas le meilleur buteur avant 1998, mais qui, conforté par cette équipe, mis en situation par cette équipe de tirer au bon moment, devient un buteur de légende. Et en fait, ça, c'est un modèle de performance qui favorise l'inclusion. Et ça tombe bien parce qu'en fait, les sports collectifs sont aussi ceux qui permettent précisément de mixer une grande variété de profils. Parce que dans un sport collectif, on a besoin de gens qui sont à la fois interchangeables, qui peuvent se remplacer les uns les autres, qui sont très bons dans une spécificité, une spécialité, mais qui ne sont quand même pas mauvais à d'autres, qui sont solidaires, etc. Donc autrement dit, il va falloir faire du monde de l'entreprise un jeu, un sport collectif. Et c'est dans ces conditions-là. qu'on peut avoir un effet extrêmement intéressant et extrêmement puissant en matière de parité.

  • Speaker #0

    Et par quelles actions commencer pour engager le mouvement d'inclusion performante ?

  • Speaker #1

    La première action, c'est la lucidité. Regarder en face comment on fonctionne mal, comment on a des tas de situations où l'inclusion n'est pas une réalité. Par exemple... Les hommes n'ont rien contre les femmes, mais il se trouve qu'ils appartiennent à des entre-sois d'hommes, et que ces entre-sois d'hommes, ce n'est pas que le codire, c'est aussi l'état de fonctionnement dans la vie informelle de l'entreprise, c'est tout un confort qui a été trouvé. Et ça, en fait, il faut le regarder avec lucidité, parce que c'est ça qu'il va falloir aller travailler comme dynamique. Pourquoi c'est plus confortable d'être dans cet entre-soi que de s'ouvrir à des façons de fonctionner ? un peu plus perturbantes, qui éventuellement aussi viennent contester peut-être des privilèges ou des positions acquises. Donc ça, il va falloir commencer par regarder avec lucidité. Ensuite, il va falloir conscientiser les individus et le collectif. Conscientiser, par exemple, c'est se rendre compte que même si on a de la représentativité, on n'a pas d'intrusion. Il y a un petit jeu qui est rigolo à faire. c'est par exemple comptabiliser les temps de parole et comptabiliser les interruptions de parole pendant les réunions. La plupart d'entre nous sommes à la fois persuadés que les femmes ont à peu près autant la parole que les hommes et que par ailleurs, comme on connaît tous des femmes qui coupent aussi la parole aux femmes et aux hommes, les femmes ne se font pas davantage couper la parole. Sauf que ça, quand on le chiffre, et quand on le chiffre y compris dans ses propres réunions où on n'est qu'entre personnes bienveillantes, qu'entre personnes qui ont un vrai souci de discipline professionnelle et de qualité des réunions, on se rend compte qu'il y a un sujet. Et que le sujet, en plus, il n'est pas à l'endroit de la malveillance, il est à l'endroit de systémique dont il faut qu'on se défasse. Et puis après, la troisième action qu'on peut mener, c'est expérimenter. si on expérimentait d'autres façons de faire les choses. Dans notre quotidien de travail, on sait que, par exemple, quand on a expérimenté les réunions debout, elles se sont montrées plus rapides et plus efficaces. Qu'est-ce qui nous empêche d'expérimenter d'autres manières de nous organiser, d'autres manières de mener des réunions, d'autres manières de prendre des décisions, pour voir ce que ça fait. Est-ce que ça fait que ceux qui n'avaient pas la parole avant l'ont davantage ? Est-ce que ça change la nature des décisions ? Donc c'est véritablement une démarche d'innovation, on dit d'innovation sociale, mais qui consiste à expérimenter d'autres façons de faire, dans l'intention de casser un entre-soi masculin qui existait, puisque là on parle de parité, et puis si ça révèle que c'est tout aussi performant tout en étant différent, et que ça amène une meilleure prise en compte de la parole des femmes, on passe à l'échelle. On considère que c'est quelque chose qui marche.

  • Speaker #0

    Alors, c'est le moment de notre séquence post-it sur le frigo. Ici, en résumé, on croit au message clé.

  • Speaker #1

    D'abord, croire en la performance collective. Ensuite, ne pas avoir peur de faire différemment. Ce n'est pas grave. Faire différemment, peut-être, c'est prendre le risque de se tromper. Mais quand on se trompe, on réessaie autre chose. Il n'y a pas de drame là-dessus. Et puis ? Se donner la discipline qui consiste à en parler au niveau professionnel. Il ne faut plus avoir cette conversation sur les quotas, sur la parité, sur les relations femmes-hommes au travail, comme on l'aurait avec ses amis dans un dîner, au café du coin. C'est un sujet professionnel dans les entreprises, un sujet de professionnalisation, de performance et de transformation qui exige un niveau... de sérieux, d'expertisation, de vigueur intellectuelle à l'équivalent de n'importe quel autre sujet qui est adressé en entreprise, les finances, la logistique, les opérations, etc.

  • Speaker #0

    Merci Marie, c'était très intéressant et à bientôt.

  • Speaker #1

    Merci Romain, merci Altergal.

Description

Pour ce 3ème épisode de notre podcast, Marie Donzel, experte diversité et inclusion, nous explique ce que produisent les quotas et interroge nos cultures d'entreprise au delà des chiffres.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez le podcast d'Alter Egales, le réseau mixité du groupe Caisse des dépôts qui traite d'égalité, d'altérité et de diversité. Parlons-en. Marie Donzel a récemment témoigné pour le réseau Alter Egales sur le sujet des quotas, un enjeu en prise avec les questions d'égalité professionnelle et d'inclusion. Alors, plongeons dans le sujet. Qu'est-ce qu'un quota, finalement ?

  • Speaker #1

    Un quota, c'est tout simplement un système de régulation quantitatif qui crée des autorisations ou des obligations. En matière d'autorisation, par exemple, c'est les quotas de pêche. Il y a une autorisation de pêcher un maximum de certaines espèces de poissons. Ça nous intéresse moins pour la Terre égale. Ce qui nous intéresse pour la Terre égale, c'est plutôt les quotas qui créent des obligations. Comme par exemple les obligations de la loi Copé-Zimmermann qui impose au moins 40% de femmes dans les conseils d'administration, ou la loi qui est en train d'être mise en œuvre qui s'appelle la loi Rexin, qui à l'horizon 2030 impose au moins 40% de femmes dans les comités de direction, CODIR, COMEX, comme on veut les appeler.

  • Speaker #0

    Alors pourquoi ce sujet fait autant de débats ?

  • Speaker #1

    Les quotas, c'est amusant parce qu'en fait, ils font autant de débats que la parité. ne fait pas débat. Si vous demandez dans une assemblée qui est pour la parité, tout le monde a priori est pour. C'est difficile aujourd'hui en 2024 de lever le doigt et de dire Oh non, je suis contre etc. Maintenant, quand vous dites que pour atteindre la parité, vous allez faire appel à des quotas, là, ça commence à gratter un petit peu. Il y a différentes dimensions de l'urticaire. Il y en a que ça gratouille un petit peu. Il y en a chez qui ça démange littéralement de partout. Parce qu'en fait, ça vient clairement toucher à des valeurs et des visions que l'on a, notamment de la compétence, de la légitimité, etc. En fait, le premier truc qu'on se dit au sujet des quotas, c'est que c'est de la discrimination positive. Alors, ce n'est pas une très bonne traduction de la notion d'affirmative action qui vient des États-Unis, puisque là, l'affirmative action, ça serait plutôt... de la dédiscrimination ou de l'action affirmative, mais il se trouve que cette traduction en langue française fait que le mot discrimination étant négativement connoté, vous pouvez toujours rajouter positif derrière, ça perturbe, ça donne un sentiment comme ça de perte de chance pour ceux qui justement ne seraient pas bénéficiaires des quotas. Et juste derrière va arriver l'idée que C'est sacrificiel, c'est-à-dire que quelque part, ceux qui ne sont pas visés par les quotas, mais qui seraient quand même compétents, seraient écartés. On va leur prendre une place. Et donc, c'est le sujet de la compétence qui passerait après l'identité, qui vient être soulevée, et ça, ça heurte typiquement quelque chose qui est une forme de mythe, mais qui est quand même très prégnant. dans nos organisations et plus globalement dans notre culture, c'est cette fameuse méritocratie, que l'on a sa place parce qu'on la mérite. Alors évidemment, si c'était une réalité, la méritocratie, il faudrait se poser de très très grosses questions, puisque si on regarde par exemple les dirigeants du CAC 40 ou du SBF 120, on voit qu'il n'y a que deux femmes qui comptent parmi ces dirigeants, on a très peu de personnes racisées. Donc ça voudrait dire que la méritocratie crée naturellement des personnes qui sont les plus méritantes et qu'elles sont plutôt blanches et plutôt masculines. Donc de toute évidence, la méritocratie est un mythe. Et en même temps, chacun d'entre nous est très mobilisé par ce mythe-là parce qu'aucun d'entre nous n'aime à se dire à soi-même, et encore moins sans doute se l'entendre dire, que d'être née dans un genre, dans une classe sociale, avec une couleur de peau, avec une culture, a favorisé le fait que l'on soit réputé plus compétent, qu'on puisse mieux faire valoir ses compétences et qu'on obtienne la place à laquelle on est. Chacun d'entre nous, intimement, narcissiquement, a envie de croire qu'il est là parce qu'il le vaut bien. Donc voilà pourquoi, en fait, les quotas, ça fait grand débat.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que ça marche, au moins ?

  • Speaker #1

    Alors les quotas, ça marche. Force est de constater qu'on a féminisé l'Assemblée nationale avec des lois sur la parité, qu'on a féminisé les responsabilités dans les collectivités locales avec des lois sur la parité. Force est de constater également qu'aujourd'hui, les conseils d'administration des entreprises visées par la loi Coppésie-Mormann comptent au moins 40 et pour certains, 50 de femmes administratrices. Donc, ça marche, les quotas. Ça marche aussi parce que, tels qu'ils sont pensés, notamment pour les quotas de femmes, si vous ne tenez pas vos obligations, il y a des sanctions. Évidemment, la sanction qui est l'amende. Si vous ne donnez pas satisfaction aux obligations, mais aujourd'hui, il y a surtout la sanction de l'image, de la réputation, qui fait que, oui, ça devient difficile quand même. En 2024, vous imaginez qu'on a un codire 100% post-arbre-cravate. Donc, ça marche, mais ça a ses limites. Ça a ses limites parce qu'en fait, le quota vise la représentativité. Et la représentativité, ça peut être... adossée et associée à de l'inclusion, mais ça peut aussi ne pas l'être. Et ça, on va s'en rendre compte notamment si on observe que ça ne ruisselle pas. Et c'est exactement ce qu'on a observé avec la loi Copé-Zimmermann. La loi Copé-Zimmermann, on attendait qu'en ayant des femmes administratrices, naturellement, ça créerait des rôles modèles pour les femmes, que ça habituerait. toutes et tous à voir des femmes dans les costumes du pouvoir, que ça banaliserait les femmes aux responsabilités. Si la loi Vexin est là aujourd'hui, c'est précisément parce que ça n'a pas marché, précisément parce que ça n'a pas relissonné. De plus, rien ne garantit qu'un quota amène des figures exemplaires, précisément des figures qui vont faire effet de rôle modèle. Et ça, c'est notamment lié au fait que tout dépend de ce que va venir toucher votre quota. Un quota qui touche des instances de pouvoir doit aussi quand même poser la question de ce qu'est le pouvoir et ce qu'est la culture du pouvoir. Sans quoi, vous pourrez remplir votre quota, moi j'en sais rien, de femmes, de jeunes, de personnes assisées, de personnes en situation de handicap. mais qui finalement seront des personnes qui auraient été en capacité de s'adapter au modèle de pouvoir déjà en place. Et donc, comme ça ne touche pas à des gros volumes, il n'y a pas de raison que ça change réellement la société, parce que ça ne peut pas se faire sans une interrogation sur le pouvoir. Donc, en fait, un quota, ça ne marche que si ça s'inscrit dans une politique globale d'inclusion, de diversité. et de transformation des organisations, des cultures, etc.

  • Speaker #0

    Dans ce cas-là, comment est-ce qu'on peut repousser les limites des quotas ?

  • Speaker #1

    En fait, si on veut repousser les limites des quotas, et notamment entrer dans une véritable démarche d'inclusion, il faut se poser la question des modèles de gouvernance et de performance qui permettent d'attirer et surtout de garder les femmes. et toutes les personnes évidemment qui n'ont pas naturellement ou spontanément accès à ces instances de gouvernance.

  • Speaker #0

    Mais quels sont les modèles de performance dont vous parlez ?

  • Speaker #1

    En fait, quand on parle de performance, on a tendance à ne voir qu'un seul modèle de performance qui est le modèle compétitif qui met en concurrence une entité similaire, semblable à une autre. Ça marche en économie ou en gros. On se met en compétition avec un acteur de son secteur qui a à peu près la même taille, etc. Et ça marche aussi entre individus. C'est-à-dire que l'idée de la performance qu'on a en entreprise, c'est qu'un individu performance, c'est finalement celui qui réussit le mieux au même niveau qu'un autre. Ça, en fait, c'est un modèle de performance qu'en sport, on pourrait assimiler à la course de 100 mètres. On ne prend que les meilleurs dans la même catégorie, on les fait tous partir sur la même ligne et on regarde celui qui arrive le premier au micro dixième de seconde près, etc. Mais si je rêve dans la métaphore sportive, il y a plein d'autres modèles de performance. Par exemple, on a la course de relais. La course de relais, c'est un peu la même idée, c'est-à-dire qu'on prend ceux qui courent le plus vite, mais qui sont aussi capables de bien se coordonner. Alors ça, c'est un petit peu comme ça que depuis longtemps, on fait fonctionner les codires. C'est-à-dire qu'on cherche des personnes qui se ressemblent quand même un petit peu et qui savent communiquer les unes avec les autres, qui savent se transmettre l'information. Après, vous avez un autre modèle de performance, par exemple, qui va être le pentathlon. Le pentathlon, c'est un sportif, un athlète qui est capable d'être bon, voire très bon, dans plusieurs disciplines. Ça, c'est ce qu'on va retrouver avec certains profils généralistes dans les entreprises. Ce n'est pas forcément le meilleur en tout, mais c'est celui qui a le plus d'endurance, celui qui est capable de passer d'une tâche à l'autre, capable de changer d'environnement, etc. Et puis, vous avez un modèle de performance qui est celui du sport collectif. J'ai tendance à penser qu'en entreprise, c'est celui qui nous intéresse le plus parce qu'en fait, il raconte vraiment ce qu'est une dynamique collective. Moi, j'aime bien me rappeler de ce qu'est l'aventure d'Aimé Jacquet et des Bleus de 1998 parce qu'à l'époque, quand Aimé Jacquet constitue son équipe, d'abord, la presse sportive le descend en flèche parce qu'il n'a pas pris justement... tous les premiers, les meilleurs qui sont déjà identifiés. Il a précisément cherché à composer une équipe qui allait bien fonctionner ensemble, avec des gens qui sauraient se soutenir, qui fonctionneraient bien sur le terrain, hors du terrain. Il avait pensé aussi à ses remplaçants. Donc à se dire, il faut que quelles que soient les configurations de mon équipe, ça fonctionne à 11. Mais sachant qu'en réalité, j'ai une trentaine de bons hommes. qui sont disponibles pour composer les différentes manières d'en faire onze sur le terrain. Tant et si bien que qu'est-ce que ça produit ce système de performance collective ? Ça produit une chose, c'est que d'abord ça écarte un certain nombre de nuisibles. Je ne sais pas si l'histoire est vraie, mais il se dit que... Un footballeur qui n'aurait pas été sélectionné en disant je suis le meilleur de l'équipe et les jacquins auraient répondu oui, mais l'équipe est meilleure sans toi Donc ce n'est pas si mal déjà, parce qu'on écarte des personnes qui effectivement peuvent être individuellement très performantes, mais qui nuisent à la performance. Parce que justement, elles sont trop compétitives, parce qu'elles sont cannibales tellement elles sont compétitives. Et par ailleurs, on révèle des individus. Et le coup du monde de 1998, c'est quand même Zidane, qui n'est pas le meilleur buteur avant 1998, mais qui, conforté par cette équipe, mis en situation par cette équipe de tirer au bon moment, devient un buteur de légende. Et en fait, ça, c'est un modèle de performance qui favorise l'inclusion. Et ça tombe bien parce qu'en fait, les sports collectifs sont aussi ceux qui permettent précisément de mixer une grande variété de profils. Parce que dans un sport collectif, on a besoin de gens qui sont à la fois interchangeables, qui peuvent se remplacer les uns les autres, qui sont très bons dans une spécificité, une spécialité, mais qui ne sont quand même pas mauvais à d'autres, qui sont solidaires, etc. Donc autrement dit, il va falloir faire du monde de l'entreprise un jeu, un sport collectif. Et c'est dans ces conditions-là. qu'on peut avoir un effet extrêmement intéressant et extrêmement puissant en matière de parité.

  • Speaker #0

    Et par quelles actions commencer pour engager le mouvement d'inclusion performante ?

  • Speaker #1

    La première action, c'est la lucidité. Regarder en face comment on fonctionne mal, comment on a des tas de situations où l'inclusion n'est pas une réalité. Par exemple... Les hommes n'ont rien contre les femmes, mais il se trouve qu'ils appartiennent à des entre-sois d'hommes, et que ces entre-sois d'hommes, ce n'est pas que le codire, c'est aussi l'état de fonctionnement dans la vie informelle de l'entreprise, c'est tout un confort qui a été trouvé. Et ça, en fait, il faut le regarder avec lucidité, parce que c'est ça qu'il va falloir aller travailler comme dynamique. Pourquoi c'est plus confortable d'être dans cet entre-soi que de s'ouvrir à des façons de fonctionner ? un peu plus perturbantes, qui éventuellement aussi viennent contester peut-être des privilèges ou des positions acquises. Donc ça, il va falloir commencer par regarder avec lucidité. Ensuite, il va falloir conscientiser les individus et le collectif. Conscientiser, par exemple, c'est se rendre compte que même si on a de la représentativité, on n'a pas d'intrusion. Il y a un petit jeu qui est rigolo à faire. c'est par exemple comptabiliser les temps de parole et comptabiliser les interruptions de parole pendant les réunions. La plupart d'entre nous sommes à la fois persuadés que les femmes ont à peu près autant la parole que les hommes et que par ailleurs, comme on connaît tous des femmes qui coupent aussi la parole aux femmes et aux hommes, les femmes ne se font pas davantage couper la parole. Sauf que ça, quand on le chiffre, et quand on le chiffre y compris dans ses propres réunions où on n'est qu'entre personnes bienveillantes, qu'entre personnes qui ont un vrai souci de discipline professionnelle et de qualité des réunions, on se rend compte qu'il y a un sujet. Et que le sujet, en plus, il n'est pas à l'endroit de la malveillance, il est à l'endroit de systémique dont il faut qu'on se défasse. Et puis après, la troisième action qu'on peut mener, c'est expérimenter. si on expérimentait d'autres façons de faire les choses. Dans notre quotidien de travail, on sait que, par exemple, quand on a expérimenté les réunions debout, elles se sont montrées plus rapides et plus efficaces. Qu'est-ce qui nous empêche d'expérimenter d'autres manières de nous organiser, d'autres manières de mener des réunions, d'autres manières de prendre des décisions, pour voir ce que ça fait. Est-ce que ça fait que ceux qui n'avaient pas la parole avant l'ont davantage ? Est-ce que ça change la nature des décisions ? Donc c'est véritablement une démarche d'innovation, on dit d'innovation sociale, mais qui consiste à expérimenter d'autres façons de faire, dans l'intention de casser un entre-soi masculin qui existait, puisque là on parle de parité, et puis si ça révèle que c'est tout aussi performant tout en étant différent, et que ça amène une meilleure prise en compte de la parole des femmes, on passe à l'échelle. On considère que c'est quelque chose qui marche.

  • Speaker #0

    Alors, c'est le moment de notre séquence post-it sur le frigo. Ici, en résumé, on croit au message clé.

  • Speaker #1

    D'abord, croire en la performance collective. Ensuite, ne pas avoir peur de faire différemment. Ce n'est pas grave. Faire différemment, peut-être, c'est prendre le risque de se tromper. Mais quand on se trompe, on réessaie autre chose. Il n'y a pas de drame là-dessus. Et puis ? Se donner la discipline qui consiste à en parler au niveau professionnel. Il ne faut plus avoir cette conversation sur les quotas, sur la parité, sur les relations femmes-hommes au travail, comme on l'aurait avec ses amis dans un dîner, au café du coin. C'est un sujet professionnel dans les entreprises, un sujet de professionnalisation, de performance et de transformation qui exige un niveau... de sérieux, d'expertisation, de vigueur intellectuelle à l'équivalent de n'importe quel autre sujet qui est adressé en entreprise, les finances, la logistique, les opérations, etc.

  • Speaker #0

    Merci Marie, c'était très intéressant et à bientôt.

  • Speaker #1

    Merci Romain, merci Altergal.

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Description

Pour ce 3ème épisode de notre podcast, Marie Donzel, experte diversité et inclusion, nous explique ce que produisent les quotas et interroge nos cultures d'entreprise au delà des chiffres.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez le podcast d'Alter Egales, le réseau mixité du groupe Caisse des dépôts qui traite d'égalité, d'altérité et de diversité. Parlons-en. Marie Donzel a récemment témoigné pour le réseau Alter Egales sur le sujet des quotas, un enjeu en prise avec les questions d'égalité professionnelle et d'inclusion. Alors, plongeons dans le sujet. Qu'est-ce qu'un quota, finalement ?

  • Speaker #1

    Un quota, c'est tout simplement un système de régulation quantitatif qui crée des autorisations ou des obligations. En matière d'autorisation, par exemple, c'est les quotas de pêche. Il y a une autorisation de pêcher un maximum de certaines espèces de poissons. Ça nous intéresse moins pour la Terre égale. Ce qui nous intéresse pour la Terre égale, c'est plutôt les quotas qui créent des obligations. Comme par exemple les obligations de la loi Copé-Zimmermann qui impose au moins 40% de femmes dans les conseils d'administration, ou la loi qui est en train d'être mise en œuvre qui s'appelle la loi Rexin, qui à l'horizon 2030 impose au moins 40% de femmes dans les comités de direction, CODIR, COMEX, comme on veut les appeler.

  • Speaker #0

    Alors pourquoi ce sujet fait autant de débats ?

  • Speaker #1

    Les quotas, c'est amusant parce qu'en fait, ils font autant de débats que la parité. ne fait pas débat. Si vous demandez dans une assemblée qui est pour la parité, tout le monde a priori est pour. C'est difficile aujourd'hui en 2024 de lever le doigt et de dire Oh non, je suis contre etc. Maintenant, quand vous dites que pour atteindre la parité, vous allez faire appel à des quotas, là, ça commence à gratter un petit peu. Il y a différentes dimensions de l'urticaire. Il y en a que ça gratouille un petit peu. Il y en a chez qui ça démange littéralement de partout. Parce qu'en fait, ça vient clairement toucher à des valeurs et des visions que l'on a, notamment de la compétence, de la légitimité, etc. En fait, le premier truc qu'on se dit au sujet des quotas, c'est que c'est de la discrimination positive. Alors, ce n'est pas une très bonne traduction de la notion d'affirmative action qui vient des États-Unis, puisque là, l'affirmative action, ça serait plutôt... de la dédiscrimination ou de l'action affirmative, mais il se trouve que cette traduction en langue française fait que le mot discrimination étant négativement connoté, vous pouvez toujours rajouter positif derrière, ça perturbe, ça donne un sentiment comme ça de perte de chance pour ceux qui justement ne seraient pas bénéficiaires des quotas. Et juste derrière va arriver l'idée que C'est sacrificiel, c'est-à-dire que quelque part, ceux qui ne sont pas visés par les quotas, mais qui seraient quand même compétents, seraient écartés. On va leur prendre une place. Et donc, c'est le sujet de la compétence qui passerait après l'identité, qui vient être soulevée, et ça, ça heurte typiquement quelque chose qui est une forme de mythe, mais qui est quand même très prégnant. dans nos organisations et plus globalement dans notre culture, c'est cette fameuse méritocratie, que l'on a sa place parce qu'on la mérite. Alors évidemment, si c'était une réalité, la méritocratie, il faudrait se poser de très très grosses questions, puisque si on regarde par exemple les dirigeants du CAC 40 ou du SBF 120, on voit qu'il n'y a que deux femmes qui comptent parmi ces dirigeants, on a très peu de personnes racisées. Donc ça voudrait dire que la méritocratie crée naturellement des personnes qui sont les plus méritantes et qu'elles sont plutôt blanches et plutôt masculines. Donc de toute évidence, la méritocratie est un mythe. Et en même temps, chacun d'entre nous est très mobilisé par ce mythe-là parce qu'aucun d'entre nous n'aime à se dire à soi-même, et encore moins sans doute se l'entendre dire, que d'être née dans un genre, dans une classe sociale, avec une couleur de peau, avec une culture, a favorisé le fait que l'on soit réputé plus compétent, qu'on puisse mieux faire valoir ses compétences et qu'on obtienne la place à laquelle on est. Chacun d'entre nous, intimement, narcissiquement, a envie de croire qu'il est là parce qu'il le vaut bien. Donc voilà pourquoi, en fait, les quotas, ça fait grand débat.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que ça marche, au moins ?

  • Speaker #1

    Alors les quotas, ça marche. Force est de constater qu'on a féminisé l'Assemblée nationale avec des lois sur la parité, qu'on a féminisé les responsabilités dans les collectivités locales avec des lois sur la parité. Force est de constater également qu'aujourd'hui, les conseils d'administration des entreprises visées par la loi Coppésie-Mormann comptent au moins 40 et pour certains, 50 de femmes administratrices. Donc, ça marche, les quotas. Ça marche aussi parce que, tels qu'ils sont pensés, notamment pour les quotas de femmes, si vous ne tenez pas vos obligations, il y a des sanctions. Évidemment, la sanction qui est l'amende. Si vous ne donnez pas satisfaction aux obligations, mais aujourd'hui, il y a surtout la sanction de l'image, de la réputation, qui fait que, oui, ça devient difficile quand même. En 2024, vous imaginez qu'on a un codire 100% post-arbre-cravate. Donc, ça marche, mais ça a ses limites. Ça a ses limites parce qu'en fait, le quota vise la représentativité. Et la représentativité, ça peut être... adossée et associée à de l'inclusion, mais ça peut aussi ne pas l'être. Et ça, on va s'en rendre compte notamment si on observe que ça ne ruisselle pas. Et c'est exactement ce qu'on a observé avec la loi Copé-Zimmermann. La loi Copé-Zimmermann, on attendait qu'en ayant des femmes administratrices, naturellement, ça créerait des rôles modèles pour les femmes, que ça habituerait. toutes et tous à voir des femmes dans les costumes du pouvoir, que ça banaliserait les femmes aux responsabilités. Si la loi Vexin est là aujourd'hui, c'est précisément parce que ça n'a pas marché, précisément parce que ça n'a pas relissonné. De plus, rien ne garantit qu'un quota amène des figures exemplaires, précisément des figures qui vont faire effet de rôle modèle. Et ça, c'est notamment lié au fait que tout dépend de ce que va venir toucher votre quota. Un quota qui touche des instances de pouvoir doit aussi quand même poser la question de ce qu'est le pouvoir et ce qu'est la culture du pouvoir. Sans quoi, vous pourrez remplir votre quota, moi j'en sais rien, de femmes, de jeunes, de personnes assisées, de personnes en situation de handicap. mais qui finalement seront des personnes qui auraient été en capacité de s'adapter au modèle de pouvoir déjà en place. Et donc, comme ça ne touche pas à des gros volumes, il n'y a pas de raison que ça change réellement la société, parce que ça ne peut pas se faire sans une interrogation sur le pouvoir. Donc, en fait, un quota, ça ne marche que si ça s'inscrit dans une politique globale d'inclusion, de diversité. et de transformation des organisations, des cultures, etc.

  • Speaker #0

    Dans ce cas-là, comment est-ce qu'on peut repousser les limites des quotas ?

  • Speaker #1

    En fait, si on veut repousser les limites des quotas, et notamment entrer dans une véritable démarche d'inclusion, il faut se poser la question des modèles de gouvernance et de performance qui permettent d'attirer et surtout de garder les femmes. et toutes les personnes évidemment qui n'ont pas naturellement ou spontanément accès à ces instances de gouvernance.

  • Speaker #0

    Mais quels sont les modèles de performance dont vous parlez ?

  • Speaker #1

    En fait, quand on parle de performance, on a tendance à ne voir qu'un seul modèle de performance qui est le modèle compétitif qui met en concurrence une entité similaire, semblable à une autre. Ça marche en économie ou en gros. On se met en compétition avec un acteur de son secteur qui a à peu près la même taille, etc. Et ça marche aussi entre individus. C'est-à-dire que l'idée de la performance qu'on a en entreprise, c'est qu'un individu performance, c'est finalement celui qui réussit le mieux au même niveau qu'un autre. Ça, en fait, c'est un modèle de performance qu'en sport, on pourrait assimiler à la course de 100 mètres. On ne prend que les meilleurs dans la même catégorie, on les fait tous partir sur la même ligne et on regarde celui qui arrive le premier au micro dixième de seconde près, etc. Mais si je rêve dans la métaphore sportive, il y a plein d'autres modèles de performance. Par exemple, on a la course de relais. La course de relais, c'est un peu la même idée, c'est-à-dire qu'on prend ceux qui courent le plus vite, mais qui sont aussi capables de bien se coordonner. Alors ça, c'est un petit peu comme ça que depuis longtemps, on fait fonctionner les codires. C'est-à-dire qu'on cherche des personnes qui se ressemblent quand même un petit peu et qui savent communiquer les unes avec les autres, qui savent se transmettre l'information. Après, vous avez un autre modèle de performance, par exemple, qui va être le pentathlon. Le pentathlon, c'est un sportif, un athlète qui est capable d'être bon, voire très bon, dans plusieurs disciplines. Ça, c'est ce qu'on va retrouver avec certains profils généralistes dans les entreprises. Ce n'est pas forcément le meilleur en tout, mais c'est celui qui a le plus d'endurance, celui qui est capable de passer d'une tâche à l'autre, capable de changer d'environnement, etc. Et puis, vous avez un modèle de performance qui est celui du sport collectif. J'ai tendance à penser qu'en entreprise, c'est celui qui nous intéresse le plus parce qu'en fait, il raconte vraiment ce qu'est une dynamique collective. Moi, j'aime bien me rappeler de ce qu'est l'aventure d'Aimé Jacquet et des Bleus de 1998 parce qu'à l'époque, quand Aimé Jacquet constitue son équipe, d'abord, la presse sportive le descend en flèche parce qu'il n'a pas pris justement... tous les premiers, les meilleurs qui sont déjà identifiés. Il a précisément cherché à composer une équipe qui allait bien fonctionner ensemble, avec des gens qui sauraient se soutenir, qui fonctionneraient bien sur le terrain, hors du terrain. Il avait pensé aussi à ses remplaçants. Donc à se dire, il faut que quelles que soient les configurations de mon équipe, ça fonctionne à 11. Mais sachant qu'en réalité, j'ai une trentaine de bons hommes. qui sont disponibles pour composer les différentes manières d'en faire onze sur le terrain. Tant et si bien que qu'est-ce que ça produit ce système de performance collective ? Ça produit une chose, c'est que d'abord ça écarte un certain nombre de nuisibles. Je ne sais pas si l'histoire est vraie, mais il se dit que... Un footballeur qui n'aurait pas été sélectionné en disant je suis le meilleur de l'équipe et les jacquins auraient répondu oui, mais l'équipe est meilleure sans toi Donc ce n'est pas si mal déjà, parce qu'on écarte des personnes qui effectivement peuvent être individuellement très performantes, mais qui nuisent à la performance. Parce que justement, elles sont trop compétitives, parce qu'elles sont cannibales tellement elles sont compétitives. Et par ailleurs, on révèle des individus. Et le coup du monde de 1998, c'est quand même Zidane, qui n'est pas le meilleur buteur avant 1998, mais qui, conforté par cette équipe, mis en situation par cette équipe de tirer au bon moment, devient un buteur de légende. Et en fait, ça, c'est un modèle de performance qui favorise l'inclusion. Et ça tombe bien parce qu'en fait, les sports collectifs sont aussi ceux qui permettent précisément de mixer une grande variété de profils. Parce que dans un sport collectif, on a besoin de gens qui sont à la fois interchangeables, qui peuvent se remplacer les uns les autres, qui sont très bons dans une spécificité, une spécialité, mais qui ne sont quand même pas mauvais à d'autres, qui sont solidaires, etc. Donc autrement dit, il va falloir faire du monde de l'entreprise un jeu, un sport collectif. Et c'est dans ces conditions-là. qu'on peut avoir un effet extrêmement intéressant et extrêmement puissant en matière de parité.

  • Speaker #0

    Et par quelles actions commencer pour engager le mouvement d'inclusion performante ?

  • Speaker #1

    La première action, c'est la lucidité. Regarder en face comment on fonctionne mal, comment on a des tas de situations où l'inclusion n'est pas une réalité. Par exemple... Les hommes n'ont rien contre les femmes, mais il se trouve qu'ils appartiennent à des entre-sois d'hommes, et que ces entre-sois d'hommes, ce n'est pas que le codire, c'est aussi l'état de fonctionnement dans la vie informelle de l'entreprise, c'est tout un confort qui a été trouvé. Et ça, en fait, il faut le regarder avec lucidité, parce que c'est ça qu'il va falloir aller travailler comme dynamique. Pourquoi c'est plus confortable d'être dans cet entre-soi que de s'ouvrir à des façons de fonctionner ? un peu plus perturbantes, qui éventuellement aussi viennent contester peut-être des privilèges ou des positions acquises. Donc ça, il va falloir commencer par regarder avec lucidité. Ensuite, il va falloir conscientiser les individus et le collectif. Conscientiser, par exemple, c'est se rendre compte que même si on a de la représentativité, on n'a pas d'intrusion. Il y a un petit jeu qui est rigolo à faire. c'est par exemple comptabiliser les temps de parole et comptabiliser les interruptions de parole pendant les réunions. La plupart d'entre nous sommes à la fois persuadés que les femmes ont à peu près autant la parole que les hommes et que par ailleurs, comme on connaît tous des femmes qui coupent aussi la parole aux femmes et aux hommes, les femmes ne se font pas davantage couper la parole. Sauf que ça, quand on le chiffre, et quand on le chiffre y compris dans ses propres réunions où on n'est qu'entre personnes bienveillantes, qu'entre personnes qui ont un vrai souci de discipline professionnelle et de qualité des réunions, on se rend compte qu'il y a un sujet. Et que le sujet, en plus, il n'est pas à l'endroit de la malveillance, il est à l'endroit de systémique dont il faut qu'on se défasse. Et puis après, la troisième action qu'on peut mener, c'est expérimenter. si on expérimentait d'autres façons de faire les choses. Dans notre quotidien de travail, on sait que, par exemple, quand on a expérimenté les réunions debout, elles se sont montrées plus rapides et plus efficaces. Qu'est-ce qui nous empêche d'expérimenter d'autres manières de nous organiser, d'autres manières de mener des réunions, d'autres manières de prendre des décisions, pour voir ce que ça fait. Est-ce que ça fait que ceux qui n'avaient pas la parole avant l'ont davantage ? Est-ce que ça change la nature des décisions ? Donc c'est véritablement une démarche d'innovation, on dit d'innovation sociale, mais qui consiste à expérimenter d'autres façons de faire, dans l'intention de casser un entre-soi masculin qui existait, puisque là on parle de parité, et puis si ça révèle que c'est tout aussi performant tout en étant différent, et que ça amène une meilleure prise en compte de la parole des femmes, on passe à l'échelle. On considère que c'est quelque chose qui marche.

  • Speaker #0

    Alors, c'est le moment de notre séquence post-it sur le frigo. Ici, en résumé, on croit au message clé.

  • Speaker #1

    D'abord, croire en la performance collective. Ensuite, ne pas avoir peur de faire différemment. Ce n'est pas grave. Faire différemment, peut-être, c'est prendre le risque de se tromper. Mais quand on se trompe, on réessaie autre chose. Il n'y a pas de drame là-dessus. Et puis ? Se donner la discipline qui consiste à en parler au niveau professionnel. Il ne faut plus avoir cette conversation sur les quotas, sur la parité, sur les relations femmes-hommes au travail, comme on l'aurait avec ses amis dans un dîner, au café du coin. C'est un sujet professionnel dans les entreprises, un sujet de professionnalisation, de performance et de transformation qui exige un niveau... de sérieux, d'expertisation, de vigueur intellectuelle à l'équivalent de n'importe quel autre sujet qui est adressé en entreprise, les finances, la logistique, les opérations, etc.

  • Speaker #0

    Merci Marie, c'était très intéressant et à bientôt.

  • Speaker #1

    Merci Romain, merci Altergal.

Description

Pour ce 3ème épisode de notre podcast, Marie Donzel, experte diversité et inclusion, nous explique ce que produisent les quotas et interroge nos cultures d'entreprise au delà des chiffres.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez le podcast d'Alter Egales, le réseau mixité du groupe Caisse des dépôts qui traite d'égalité, d'altérité et de diversité. Parlons-en. Marie Donzel a récemment témoigné pour le réseau Alter Egales sur le sujet des quotas, un enjeu en prise avec les questions d'égalité professionnelle et d'inclusion. Alors, plongeons dans le sujet. Qu'est-ce qu'un quota, finalement ?

  • Speaker #1

    Un quota, c'est tout simplement un système de régulation quantitatif qui crée des autorisations ou des obligations. En matière d'autorisation, par exemple, c'est les quotas de pêche. Il y a une autorisation de pêcher un maximum de certaines espèces de poissons. Ça nous intéresse moins pour la Terre égale. Ce qui nous intéresse pour la Terre égale, c'est plutôt les quotas qui créent des obligations. Comme par exemple les obligations de la loi Copé-Zimmermann qui impose au moins 40% de femmes dans les conseils d'administration, ou la loi qui est en train d'être mise en œuvre qui s'appelle la loi Rexin, qui à l'horizon 2030 impose au moins 40% de femmes dans les comités de direction, CODIR, COMEX, comme on veut les appeler.

  • Speaker #0

    Alors pourquoi ce sujet fait autant de débats ?

  • Speaker #1

    Les quotas, c'est amusant parce qu'en fait, ils font autant de débats que la parité. ne fait pas débat. Si vous demandez dans une assemblée qui est pour la parité, tout le monde a priori est pour. C'est difficile aujourd'hui en 2024 de lever le doigt et de dire Oh non, je suis contre etc. Maintenant, quand vous dites que pour atteindre la parité, vous allez faire appel à des quotas, là, ça commence à gratter un petit peu. Il y a différentes dimensions de l'urticaire. Il y en a que ça gratouille un petit peu. Il y en a chez qui ça démange littéralement de partout. Parce qu'en fait, ça vient clairement toucher à des valeurs et des visions que l'on a, notamment de la compétence, de la légitimité, etc. En fait, le premier truc qu'on se dit au sujet des quotas, c'est que c'est de la discrimination positive. Alors, ce n'est pas une très bonne traduction de la notion d'affirmative action qui vient des États-Unis, puisque là, l'affirmative action, ça serait plutôt... de la dédiscrimination ou de l'action affirmative, mais il se trouve que cette traduction en langue française fait que le mot discrimination étant négativement connoté, vous pouvez toujours rajouter positif derrière, ça perturbe, ça donne un sentiment comme ça de perte de chance pour ceux qui justement ne seraient pas bénéficiaires des quotas. Et juste derrière va arriver l'idée que C'est sacrificiel, c'est-à-dire que quelque part, ceux qui ne sont pas visés par les quotas, mais qui seraient quand même compétents, seraient écartés. On va leur prendre une place. Et donc, c'est le sujet de la compétence qui passerait après l'identité, qui vient être soulevée, et ça, ça heurte typiquement quelque chose qui est une forme de mythe, mais qui est quand même très prégnant. dans nos organisations et plus globalement dans notre culture, c'est cette fameuse méritocratie, que l'on a sa place parce qu'on la mérite. Alors évidemment, si c'était une réalité, la méritocratie, il faudrait se poser de très très grosses questions, puisque si on regarde par exemple les dirigeants du CAC 40 ou du SBF 120, on voit qu'il n'y a que deux femmes qui comptent parmi ces dirigeants, on a très peu de personnes racisées. Donc ça voudrait dire que la méritocratie crée naturellement des personnes qui sont les plus méritantes et qu'elles sont plutôt blanches et plutôt masculines. Donc de toute évidence, la méritocratie est un mythe. Et en même temps, chacun d'entre nous est très mobilisé par ce mythe-là parce qu'aucun d'entre nous n'aime à se dire à soi-même, et encore moins sans doute se l'entendre dire, que d'être née dans un genre, dans une classe sociale, avec une couleur de peau, avec une culture, a favorisé le fait que l'on soit réputé plus compétent, qu'on puisse mieux faire valoir ses compétences et qu'on obtienne la place à laquelle on est. Chacun d'entre nous, intimement, narcissiquement, a envie de croire qu'il est là parce qu'il le vaut bien. Donc voilà pourquoi, en fait, les quotas, ça fait grand débat.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que ça marche, au moins ?

  • Speaker #1

    Alors les quotas, ça marche. Force est de constater qu'on a féminisé l'Assemblée nationale avec des lois sur la parité, qu'on a féminisé les responsabilités dans les collectivités locales avec des lois sur la parité. Force est de constater également qu'aujourd'hui, les conseils d'administration des entreprises visées par la loi Coppésie-Mormann comptent au moins 40 et pour certains, 50 de femmes administratrices. Donc, ça marche, les quotas. Ça marche aussi parce que, tels qu'ils sont pensés, notamment pour les quotas de femmes, si vous ne tenez pas vos obligations, il y a des sanctions. Évidemment, la sanction qui est l'amende. Si vous ne donnez pas satisfaction aux obligations, mais aujourd'hui, il y a surtout la sanction de l'image, de la réputation, qui fait que, oui, ça devient difficile quand même. En 2024, vous imaginez qu'on a un codire 100% post-arbre-cravate. Donc, ça marche, mais ça a ses limites. Ça a ses limites parce qu'en fait, le quota vise la représentativité. Et la représentativité, ça peut être... adossée et associée à de l'inclusion, mais ça peut aussi ne pas l'être. Et ça, on va s'en rendre compte notamment si on observe que ça ne ruisselle pas. Et c'est exactement ce qu'on a observé avec la loi Copé-Zimmermann. La loi Copé-Zimmermann, on attendait qu'en ayant des femmes administratrices, naturellement, ça créerait des rôles modèles pour les femmes, que ça habituerait. toutes et tous à voir des femmes dans les costumes du pouvoir, que ça banaliserait les femmes aux responsabilités. Si la loi Vexin est là aujourd'hui, c'est précisément parce que ça n'a pas marché, précisément parce que ça n'a pas relissonné. De plus, rien ne garantit qu'un quota amène des figures exemplaires, précisément des figures qui vont faire effet de rôle modèle. Et ça, c'est notamment lié au fait que tout dépend de ce que va venir toucher votre quota. Un quota qui touche des instances de pouvoir doit aussi quand même poser la question de ce qu'est le pouvoir et ce qu'est la culture du pouvoir. Sans quoi, vous pourrez remplir votre quota, moi j'en sais rien, de femmes, de jeunes, de personnes assisées, de personnes en situation de handicap. mais qui finalement seront des personnes qui auraient été en capacité de s'adapter au modèle de pouvoir déjà en place. Et donc, comme ça ne touche pas à des gros volumes, il n'y a pas de raison que ça change réellement la société, parce que ça ne peut pas se faire sans une interrogation sur le pouvoir. Donc, en fait, un quota, ça ne marche que si ça s'inscrit dans une politique globale d'inclusion, de diversité. et de transformation des organisations, des cultures, etc.

  • Speaker #0

    Dans ce cas-là, comment est-ce qu'on peut repousser les limites des quotas ?

  • Speaker #1

    En fait, si on veut repousser les limites des quotas, et notamment entrer dans une véritable démarche d'inclusion, il faut se poser la question des modèles de gouvernance et de performance qui permettent d'attirer et surtout de garder les femmes. et toutes les personnes évidemment qui n'ont pas naturellement ou spontanément accès à ces instances de gouvernance.

  • Speaker #0

    Mais quels sont les modèles de performance dont vous parlez ?

  • Speaker #1

    En fait, quand on parle de performance, on a tendance à ne voir qu'un seul modèle de performance qui est le modèle compétitif qui met en concurrence une entité similaire, semblable à une autre. Ça marche en économie ou en gros. On se met en compétition avec un acteur de son secteur qui a à peu près la même taille, etc. Et ça marche aussi entre individus. C'est-à-dire que l'idée de la performance qu'on a en entreprise, c'est qu'un individu performance, c'est finalement celui qui réussit le mieux au même niveau qu'un autre. Ça, en fait, c'est un modèle de performance qu'en sport, on pourrait assimiler à la course de 100 mètres. On ne prend que les meilleurs dans la même catégorie, on les fait tous partir sur la même ligne et on regarde celui qui arrive le premier au micro dixième de seconde près, etc. Mais si je rêve dans la métaphore sportive, il y a plein d'autres modèles de performance. Par exemple, on a la course de relais. La course de relais, c'est un peu la même idée, c'est-à-dire qu'on prend ceux qui courent le plus vite, mais qui sont aussi capables de bien se coordonner. Alors ça, c'est un petit peu comme ça que depuis longtemps, on fait fonctionner les codires. C'est-à-dire qu'on cherche des personnes qui se ressemblent quand même un petit peu et qui savent communiquer les unes avec les autres, qui savent se transmettre l'information. Après, vous avez un autre modèle de performance, par exemple, qui va être le pentathlon. Le pentathlon, c'est un sportif, un athlète qui est capable d'être bon, voire très bon, dans plusieurs disciplines. Ça, c'est ce qu'on va retrouver avec certains profils généralistes dans les entreprises. Ce n'est pas forcément le meilleur en tout, mais c'est celui qui a le plus d'endurance, celui qui est capable de passer d'une tâche à l'autre, capable de changer d'environnement, etc. Et puis, vous avez un modèle de performance qui est celui du sport collectif. J'ai tendance à penser qu'en entreprise, c'est celui qui nous intéresse le plus parce qu'en fait, il raconte vraiment ce qu'est une dynamique collective. Moi, j'aime bien me rappeler de ce qu'est l'aventure d'Aimé Jacquet et des Bleus de 1998 parce qu'à l'époque, quand Aimé Jacquet constitue son équipe, d'abord, la presse sportive le descend en flèche parce qu'il n'a pas pris justement... tous les premiers, les meilleurs qui sont déjà identifiés. Il a précisément cherché à composer une équipe qui allait bien fonctionner ensemble, avec des gens qui sauraient se soutenir, qui fonctionneraient bien sur le terrain, hors du terrain. Il avait pensé aussi à ses remplaçants. Donc à se dire, il faut que quelles que soient les configurations de mon équipe, ça fonctionne à 11. Mais sachant qu'en réalité, j'ai une trentaine de bons hommes. qui sont disponibles pour composer les différentes manières d'en faire onze sur le terrain. Tant et si bien que qu'est-ce que ça produit ce système de performance collective ? Ça produit une chose, c'est que d'abord ça écarte un certain nombre de nuisibles. Je ne sais pas si l'histoire est vraie, mais il se dit que... Un footballeur qui n'aurait pas été sélectionné en disant je suis le meilleur de l'équipe et les jacquins auraient répondu oui, mais l'équipe est meilleure sans toi Donc ce n'est pas si mal déjà, parce qu'on écarte des personnes qui effectivement peuvent être individuellement très performantes, mais qui nuisent à la performance. Parce que justement, elles sont trop compétitives, parce qu'elles sont cannibales tellement elles sont compétitives. Et par ailleurs, on révèle des individus. Et le coup du monde de 1998, c'est quand même Zidane, qui n'est pas le meilleur buteur avant 1998, mais qui, conforté par cette équipe, mis en situation par cette équipe de tirer au bon moment, devient un buteur de légende. Et en fait, ça, c'est un modèle de performance qui favorise l'inclusion. Et ça tombe bien parce qu'en fait, les sports collectifs sont aussi ceux qui permettent précisément de mixer une grande variété de profils. Parce que dans un sport collectif, on a besoin de gens qui sont à la fois interchangeables, qui peuvent se remplacer les uns les autres, qui sont très bons dans une spécificité, une spécialité, mais qui ne sont quand même pas mauvais à d'autres, qui sont solidaires, etc. Donc autrement dit, il va falloir faire du monde de l'entreprise un jeu, un sport collectif. Et c'est dans ces conditions-là. qu'on peut avoir un effet extrêmement intéressant et extrêmement puissant en matière de parité.

  • Speaker #0

    Et par quelles actions commencer pour engager le mouvement d'inclusion performante ?

  • Speaker #1

    La première action, c'est la lucidité. Regarder en face comment on fonctionne mal, comment on a des tas de situations où l'inclusion n'est pas une réalité. Par exemple... Les hommes n'ont rien contre les femmes, mais il se trouve qu'ils appartiennent à des entre-sois d'hommes, et que ces entre-sois d'hommes, ce n'est pas que le codire, c'est aussi l'état de fonctionnement dans la vie informelle de l'entreprise, c'est tout un confort qui a été trouvé. Et ça, en fait, il faut le regarder avec lucidité, parce que c'est ça qu'il va falloir aller travailler comme dynamique. Pourquoi c'est plus confortable d'être dans cet entre-soi que de s'ouvrir à des façons de fonctionner ? un peu plus perturbantes, qui éventuellement aussi viennent contester peut-être des privilèges ou des positions acquises. Donc ça, il va falloir commencer par regarder avec lucidité. Ensuite, il va falloir conscientiser les individus et le collectif. Conscientiser, par exemple, c'est se rendre compte que même si on a de la représentativité, on n'a pas d'intrusion. Il y a un petit jeu qui est rigolo à faire. c'est par exemple comptabiliser les temps de parole et comptabiliser les interruptions de parole pendant les réunions. La plupart d'entre nous sommes à la fois persuadés que les femmes ont à peu près autant la parole que les hommes et que par ailleurs, comme on connaît tous des femmes qui coupent aussi la parole aux femmes et aux hommes, les femmes ne se font pas davantage couper la parole. Sauf que ça, quand on le chiffre, et quand on le chiffre y compris dans ses propres réunions où on n'est qu'entre personnes bienveillantes, qu'entre personnes qui ont un vrai souci de discipline professionnelle et de qualité des réunions, on se rend compte qu'il y a un sujet. Et que le sujet, en plus, il n'est pas à l'endroit de la malveillance, il est à l'endroit de systémique dont il faut qu'on se défasse. Et puis après, la troisième action qu'on peut mener, c'est expérimenter. si on expérimentait d'autres façons de faire les choses. Dans notre quotidien de travail, on sait que, par exemple, quand on a expérimenté les réunions debout, elles se sont montrées plus rapides et plus efficaces. Qu'est-ce qui nous empêche d'expérimenter d'autres manières de nous organiser, d'autres manières de mener des réunions, d'autres manières de prendre des décisions, pour voir ce que ça fait. Est-ce que ça fait que ceux qui n'avaient pas la parole avant l'ont davantage ? Est-ce que ça change la nature des décisions ? Donc c'est véritablement une démarche d'innovation, on dit d'innovation sociale, mais qui consiste à expérimenter d'autres façons de faire, dans l'intention de casser un entre-soi masculin qui existait, puisque là on parle de parité, et puis si ça révèle que c'est tout aussi performant tout en étant différent, et que ça amène une meilleure prise en compte de la parole des femmes, on passe à l'échelle. On considère que c'est quelque chose qui marche.

  • Speaker #0

    Alors, c'est le moment de notre séquence post-it sur le frigo. Ici, en résumé, on croit au message clé.

  • Speaker #1

    D'abord, croire en la performance collective. Ensuite, ne pas avoir peur de faire différemment. Ce n'est pas grave. Faire différemment, peut-être, c'est prendre le risque de se tromper. Mais quand on se trompe, on réessaie autre chose. Il n'y a pas de drame là-dessus. Et puis ? Se donner la discipline qui consiste à en parler au niveau professionnel. Il ne faut plus avoir cette conversation sur les quotas, sur la parité, sur les relations femmes-hommes au travail, comme on l'aurait avec ses amis dans un dîner, au café du coin. C'est un sujet professionnel dans les entreprises, un sujet de professionnalisation, de performance et de transformation qui exige un niveau... de sérieux, d'expertisation, de vigueur intellectuelle à l'équivalent de n'importe quel autre sujet qui est adressé en entreprise, les finances, la logistique, les opérations, etc.

  • Speaker #0

    Merci Marie, c'était très intéressant et à bientôt.

  • Speaker #1

    Merci Romain, merci Altergal.

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