undefined cover
undefined cover
Le temple de Nabu à Nimrud cover
Le temple de Nabu à Nimrud cover
ARCHÉO, l'archéologie par tous les temps

Le temple de Nabu à Nimrud

Le temple de Nabu à Nimrud

10min |19/05/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Le temple de Nabu à Nimrud cover
Le temple de Nabu à Nimrud cover
ARCHÉO, l'archéologie par tous les temps

Le temple de Nabu à Nimrud

Le temple de Nabu à Nimrud

10min |19/05/2025
Play

Description

L'archéologue Aline Tenu (CNRS) nous emmène à la découverte de Nimrud, l'ancienne Kalhu, capitale de l’empire néo-assyrien (IX-VIIIe siècles avant J.-C.). Grand centre savant, elle abritait l'Ezida, un temple consacré au dieu des scribes Nabû et à sa parèdre Tashmetu, où une riche bibliothèque a été retrouvée.


En savoir plus : https://archeologie.culture.gouv.fr/nimrud/fr


Invitée : Aline Tenu, CNRS, ArScAn-HASAÉ (UMR 7041)

Réalisation : Martin Quenehen. Écrit par Aram Kebabdjian


2025 - Production : Ministère de la Culture. Direction générale des Patrimoines. Mission du Patrimoine Mondial et musée d’Archéologie nationale.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Martin Quenehen

    L'archéologie, c'est fouiller, sur le terrain, à la recherche d'objets et de monuments. Mais c'est aussi désormais ressusciter les humains et les sociétés du passé avec les outils du futur. Vous écoutez... ARCHEO, l'Archéologie par tous les temps. Le podcast de la collection Grands Sites Archéologiques. Le destin des empires, on le sait, est de tomber en ruine. Ce tas de ruines est le terrain de l'archéologue. C'est là qu'il pense, là qu'il travaille, là qu'il recompose, pièce par pièce, une image du passé. qu'il fait revivre avec les bonnes vieilles méthodes de fouille. Mais pas seulement. L'Empire néo-assyrien fut l'un des plus grands empires que le monde a jamais vu. Un empire cruel, mais aussi pieux et lettré. Et il s'est effondré presque du jour au lendemain, autour de l'an 600 avant notre ère. Et c'est seulement il y a deux siècles qu'on a recommencé à en découvrir les traces. Aline Tenu est chargée de recherche au CNRS, spécialiste de l'Assyrie. Elle œuvre à faire renaître l'Empire assyrien de ses cendres, sur le terrain et en laboratoire, notamment avec les outils de la 3D, qui font revivre le soleil de l'Empire assyrien comme si on y était. Et ça commence à Nimrud, capitale de l'Empire assyrien, dans un temple géant, au sommet d'un promontoire qui domine la ville. Un temple qui, à lui seul, suffirait à résumer le destin de l'empire néo-assyrien.

  • Aline Tenu

    Ce temple, c'est un temple qui est dédié à Nabu. Nabu, c'est le dieu des scribes. C'est un dieu très important dans le monde mésopotamien puisque l'écriture a une place privilégiée au cœur des cultures mésopotamiennes. On pense que beaucoup de gens savent écrire, donc c'est un temple extrêmement important. Nabu, en plus, est un dieu important parce que, comme c'est lui qui écrit, c'est lui qui écrit la destinée.

  • Martin Quenehen

    Il se trouve qu'entre le VIIe et le VIe siècle avant notre ère, l'Empire néo-assyrien est à une période charnière de son histoire. À son apogée, il tient en vassalité la plupart des nations et cités-états, depuis les montagnes du Caucase au nord jusqu'à l'Égypte, l'Arabie et la Nubie au sud. Pourtant, le pouvoir assyrien est loin de faire l'unanimité.

  • Aline Tenu

    Les Assyriens sont réputés pour leur cruauté et leur violence. Ça n'est pas du tout une réputation usurpée. Ils ne se sont plus à raconter tous les massacres épouvantables qu'ils commettaient lors des prises des villes.

  • Martin Quenehen

    Je bâti un pilier devant la porte de la ville. J'écorchais tous les chefs qui s'étaient révoltés contre moi. Et j'étalais leur peau sur le pilier. Je brûlais beaucoup de prisonniers parmi eux. Je capturais beaucoup de soldats vivants. De certains, je coupais les bras ou les mains. D'autres, je coupais le nez, les oreilles ou les extrémités. Je fis une pile de vivants et une autre de têtes. Le reste, le feu les consuma, à cause de la soif dont ils souffrirent dans le désert.

  • Aline Tenu

    La violence entre les Assyriens et leurs ennemis de l'époque, nous on en a retrouvé les traces archéologiques.

  • Martin Quenehen

    En 612 avant notre ère, une rébellion contre les Assyriens fait chanceler l'Empire. L'armée alliée, qui combinait les forces des Mèdes et des Babyloniens, assiège Ninive, une des principales villes assyriennes. La bataille est féroce, pour ne pas dire atroce.

  • Aline Tenu

    Ninive, c'est très impressionnant. Ninive, c'est une très grande ville. C'est une des plus grandes villes de la Mésopotamie ancienne. Et là, on a même trouvé les traces de l'assaut avec les squelettes laissés en place à une des portes de la ville. Les morts sur le champ de bataille sont restés en place jusqu'à ce qu'ils soient découverts par les archéologues au XXe siècle.

  • Martin Quenehen

    Après trois mois de siège, Ninive tombe, le 10 juillet 612, et le roi assyrien Sin-shar-ishkun meurt dans les combats. Le sort de l'Empire est scellé.

  • Aline Tenu

    On sait que la ville de Nimrud, dans laquelle le temple a été bâti, a été détruite. Au VIIe siècle, donc il y a 2700 ans, et là on a les traces de destruction.

  • Martin Quenehen

    Une couche de 80 cm de cendres est découverte dans la salle du trône du roi de Nimrud. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Des habitants revarent s'installer dans les ruines des bâtiments dont ils endommagent souvent les maçonneries, les sols et dont ils pillent le matériel. C'est à cette époque qu'est partiellement détruite la bibliothèque du temple, recouverte de terre, effondrée. Le temple est redécouvert au milieu du XIXe siècle. S'en suivent plusieurs décennies de fouilles, jusqu'à ce que se mette en place le projet de reconstitution 3D du temple de Nabu, à Nimrud, en 2017. C'est une seconde vie qui s'ouvre alors pour le temple, et une nouvelle façon d'envisager l'archéologie.

  • Aline Tenu

    Moi, j'ai eu la chance de visiter Nimrud, l'ancienne Kalhu, la ville où se trouve le bâtiment. J'ai eu la chance de le visiter en 2002, donc vous voyez, ça fait longtemps. Et c'est une expérience qui est complètement différente entre les bâtiments tels qui sont conservés maintenant et les reconstitutions. Ce sont deux expériences qui sont très complémentaires, parce que sur le terrain, et pourtant le bâtiment est bien conservé, enfin bien conservé pour un archéologue, c'est-à-dire qu'on voit quelque chose, on n'a pas du tout la sensation. Du bâtiment proprement dit, c'est un autre sentiment. Mais on manque, par exemple, l'élévation, l'ombre et la lumière. Ce sont des sensations qui manquent quand on est sur le terrain.

  • Martin Quenehen

    Le projet de modélisation virtuelle du temple de Nabu s'inscrit dans une longue tradition de restitution visuelle des vestiges mis au jour en Assyrie. Elle fait partie du programme Nimrod d'études des bibliothèques antiques du Labex, les passés dans le présent. réalisé en partenariat avec le Centre interdisciplinaire de recherche virtuelle, le CIREV, de l'Université de Caen. L'expérience 3D est saisissante.

  • Aline Tenu

    L'utilité de cette reconstitution 3D qu'on a proposée en accord avec le CIREV de Caen, c'est de se replonger, de pouvoir visiter le temple comme les Mésopotamiens l'ont vu. C'est un temple qui a 3000 ans à peu près, donc c'est absolument unique de pouvoir rentrer à nouveau dans un bâtiment comme celui-là. Quand je fais cette visite pour la première fois, c'est un mélange de sensations. A la fois, bien sûr, il y a l'excitation. Je sais que je rentre dans un bâtiment dans lequel, virtuellement bien sûr, mais dans lequel personne n'est rentré depuis très longtemps, depuis sa destruction au VIIe siècle avant Jésus-Christ, donc il y a 2700 ans.

  • Martin Quenehen

    Aussi émouvante soit-elle, la modélisation en trois dimensions du temple obéit surtout à un objectif de recherche. Et elle vise à une connaissance sensible de l'usage qui était fait de ces lieux.

  • Aline Tenu

    La première chose qui m'a frappée quand je suis rentrée dans le temple, la première fois, c'est de passer sans cesse de l'ombre à la lumière. En effet, le bâtiment est construit autour de plusieurs grandes cours qui sont séparées par des halls qui, eux, sont dans l'obscurité. Donc, quand je suis rentrée la première fois, je commence par un endroit qui est très éclairé, qui est une très grande cour, et ensuite, dès que je veux me rapprocher des points les plus importants du sanctuaire, c'est-à-dire... l'endroit précis où il y a la chapelle du dieu, je passe d'abord par une zone de soleil et ensuite par une zone d'ombre. Et forcément, je ne peux pas m'empêcher de me dire que les anciens Mésopotamiens avaient cette même sensation quand ils rentraient dans le bâtiment. Comme moi, ils passaient de l'ombre à la lumière. Et surtout, il faut imaginer, on est en Irak, donc la lumière est très vive. Ils devaient être complètement éblouis. Et je suis à peu près persuadée que ça faisait partie intégrante de la pratique religieuse à cette époque.

  • Martin Quenehen

    Une manière d'être au plus près de la vie des gens de l'époque, les habitants de Nimrud, à l'âge de son apogée. Une nouvelle façon de concevoir son métier, surtout.

  • Aline Tenu

    Être archéologue, c'est effectivement souvent chercher à remonter le temps. Alors, il y a des aspects qui sont très techniques et très matériels dans le métier d'archéologue. On fait des plans, on fait des relevés, donc il y a un aspect qui est très matériel. Mais la finalité de tout ça, c'est comprendre comment les gens vivaient. Donc dans les aspects... Vraiment du jour le jour, mais aussi la relation au sacré, sur laquelle on a travaillé pour ce temple, la relation au pouvoir, la relation à la vie, donc des questions qui sont plus philosophiques. Alors bien sûr, il y a beaucoup de questions qui sont sans réponse, mais ce qui est intéressant, c'est essayer de se projeter dans ce que eux vivaient. Et ça, c'est le plaisir de la recherche.

  • Martin Quenehen

    En 2015, les terroristes de l'État islamique arrivaient au pouvoir en Irak. ont entrepris la démolition à la dynamite et au bulldozer du site de Nimrud. Le temple de Nabu et ses statues monumentales vieilles de 3000 ans ont définitivement été détruites. Espérons que la modélisation 3D de ce temple nous permette d'en garder mémoire pour les 3000 ans à venir. ARCHEO, l'Archéologie par tous les temps. Un podcast écrit et réalisé par Aram Kebabjian et Martin Quenehen. Cet épisode est produit par la Mission du Patrimoine Mondial. de la Direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la Culture.

Description

L'archéologue Aline Tenu (CNRS) nous emmène à la découverte de Nimrud, l'ancienne Kalhu, capitale de l’empire néo-assyrien (IX-VIIIe siècles avant J.-C.). Grand centre savant, elle abritait l'Ezida, un temple consacré au dieu des scribes Nabû et à sa parèdre Tashmetu, où une riche bibliothèque a été retrouvée.


En savoir plus : https://archeologie.culture.gouv.fr/nimrud/fr


Invitée : Aline Tenu, CNRS, ArScAn-HASAÉ (UMR 7041)

Réalisation : Martin Quenehen. Écrit par Aram Kebabdjian


2025 - Production : Ministère de la Culture. Direction générale des Patrimoines. Mission du Patrimoine Mondial et musée d’Archéologie nationale.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Martin Quenehen

    L'archéologie, c'est fouiller, sur le terrain, à la recherche d'objets et de monuments. Mais c'est aussi désormais ressusciter les humains et les sociétés du passé avec les outils du futur. Vous écoutez... ARCHEO, l'Archéologie par tous les temps. Le podcast de la collection Grands Sites Archéologiques. Le destin des empires, on le sait, est de tomber en ruine. Ce tas de ruines est le terrain de l'archéologue. C'est là qu'il pense, là qu'il travaille, là qu'il recompose, pièce par pièce, une image du passé. qu'il fait revivre avec les bonnes vieilles méthodes de fouille. Mais pas seulement. L'Empire néo-assyrien fut l'un des plus grands empires que le monde a jamais vu. Un empire cruel, mais aussi pieux et lettré. Et il s'est effondré presque du jour au lendemain, autour de l'an 600 avant notre ère. Et c'est seulement il y a deux siècles qu'on a recommencé à en découvrir les traces. Aline Tenu est chargée de recherche au CNRS, spécialiste de l'Assyrie. Elle œuvre à faire renaître l'Empire assyrien de ses cendres, sur le terrain et en laboratoire, notamment avec les outils de la 3D, qui font revivre le soleil de l'Empire assyrien comme si on y était. Et ça commence à Nimrud, capitale de l'Empire assyrien, dans un temple géant, au sommet d'un promontoire qui domine la ville. Un temple qui, à lui seul, suffirait à résumer le destin de l'empire néo-assyrien.

  • Aline Tenu

    Ce temple, c'est un temple qui est dédié à Nabu. Nabu, c'est le dieu des scribes. C'est un dieu très important dans le monde mésopotamien puisque l'écriture a une place privilégiée au cœur des cultures mésopotamiennes. On pense que beaucoup de gens savent écrire, donc c'est un temple extrêmement important. Nabu, en plus, est un dieu important parce que, comme c'est lui qui écrit, c'est lui qui écrit la destinée.

  • Martin Quenehen

    Il se trouve qu'entre le VIIe et le VIe siècle avant notre ère, l'Empire néo-assyrien est à une période charnière de son histoire. À son apogée, il tient en vassalité la plupart des nations et cités-états, depuis les montagnes du Caucase au nord jusqu'à l'Égypte, l'Arabie et la Nubie au sud. Pourtant, le pouvoir assyrien est loin de faire l'unanimité.

  • Aline Tenu

    Les Assyriens sont réputés pour leur cruauté et leur violence. Ça n'est pas du tout une réputation usurpée. Ils ne se sont plus à raconter tous les massacres épouvantables qu'ils commettaient lors des prises des villes.

  • Martin Quenehen

    Je bâti un pilier devant la porte de la ville. J'écorchais tous les chefs qui s'étaient révoltés contre moi. Et j'étalais leur peau sur le pilier. Je brûlais beaucoup de prisonniers parmi eux. Je capturais beaucoup de soldats vivants. De certains, je coupais les bras ou les mains. D'autres, je coupais le nez, les oreilles ou les extrémités. Je fis une pile de vivants et une autre de têtes. Le reste, le feu les consuma, à cause de la soif dont ils souffrirent dans le désert.

  • Aline Tenu

    La violence entre les Assyriens et leurs ennemis de l'époque, nous on en a retrouvé les traces archéologiques.

  • Martin Quenehen

    En 612 avant notre ère, une rébellion contre les Assyriens fait chanceler l'Empire. L'armée alliée, qui combinait les forces des Mèdes et des Babyloniens, assiège Ninive, une des principales villes assyriennes. La bataille est féroce, pour ne pas dire atroce.

  • Aline Tenu

    Ninive, c'est très impressionnant. Ninive, c'est une très grande ville. C'est une des plus grandes villes de la Mésopotamie ancienne. Et là, on a même trouvé les traces de l'assaut avec les squelettes laissés en place à une des portes de la ville. Les morts sur le champ de bataille sont restés en place jusqu'à ce qu'ils soient découverts par les archéologues au XXe siècle.

  • Martin Quenehen

    Après trois mois de siège, Ninive tombe, le 10 juillet 612, et le roi assyrien Sin-shar-ishkun meurt dans les combats. Le sort de l'Empire est scellé.

  • Aline Tenu

    On sait que la ville de Nimrud, dans laquelle le temple a été bâti, a été détruite. Au VIIe siècle, donc il y a 2700 ans, et là on a les traces de destruction.

  • Martin Quenehen

    Une couche de 80 cm de cendres est découverte dans la salle du trône du roi de Nimrud. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Des habitants revarent s'installer dans les ruines des bâtiments dont ils endommagent souvent les maçonneries, les sols et dont ils pillent le matériel. C'est à cette époque qu'est partiellement détruite la bibliothèque du temple, recouverte de terre, effondrée. Le temple est redécouvert au milieu du XIXe siècle. S'en suivent plusieurs décennies de fouilles, jusqu'à ce que se mette en place le projet de reconstitution 3D du temple de Nabu, à Nimrud, en 2017. C'est une seconde vie qui s'ouvre alors pour le temple, et une nouvelle façon d'envisager l'archéologie.

  • Aline Tenu

    Moi, j'ai eu la chance de visiter Nimrud, l'ancienne Kalhu, la ville où se trouve le bâtiment. J'ai eu la chance de le visiter en 2002, donc vous voyez, ça fait longtemps. Et c'est une expérience qui est complètement différente entre les bâtiments tels qui sont conservés maintenant et les reconstitutions. Ce sont deux expériences qui sont très complémentaires, parce que sur le terrain, et pourtant le bâtiment est bien conservé, enfin bien conservé pour un archéologue, c'est-à-dire qu'on voit quelque chose, on n'a pas du tout la sensation. Du bâtiment proprement dit, c'est un autre sentiment. Mais on manque, par exemple, l'élévation, l'ombre et la lumière. Ce sont des sensations qui manquent quand on est sur le terrain.

  • Martin Quenehen

    Le projet de modélisation virtuelle du temple de Nabu s'inscrit dans une longue tradition de restitution visuelle des vestiges mis au jour en Assyrie. Elle fait partie du programme Nimrod d'études des bibliothèques antiques du Labex, les passés dans le présent. réalisé en partenariat avec le Centre interdisciplinaire de recherche virtuelle, le CIREV, de l'Université de Caen. L'expérience 3D est saisissante.

  • Aline Tenu

    L'utilité de cette reconstitution 3D qu'on a proposée en accord avec le CIREV de Caen, c'est de se replonger, de pouvoir visiter le temple comme les Mésopotamiens l'ont vu. C'est un temple qui a 3000 ans à peu près, donc c'est absolument unique de pouvoir rentrer à nouveau dans un bâtiment comme celui-là. Quand je fais cette visite pour la première fois, c'est un mélange de sensations. A la fois, bien sûr, il y a l'excitation. Je sais que je rentre dans un bâtiment dans lequel, virtuellement bien sûr, mais dans lequel personne n'est rentré depuis très longtemps, depuis sa destruction au VIIe siècle avant Jésus-Christ, donc il y a 2700 ans.

  • Martin Quenehen

    Aussi émouvante soit-elle, la modélisation en trois dimensions du temple obéit surtout à un objectif de recherche. Et elle vise à une connaissance sensible de l'usage qui était fait de ces lieux.

  • Aline Tenu

    La première chose qui m'a frappée quand je suis rentrée dans le temple, la première fois, c'est de passer sans cesse de l'ombre à la lumière. En effet, le bâtiment est construit autour de plusieurs grandes cours qui sont séparées par des halls qui, eux, sont dans l'obscurité. Donc, quand je suis rentrée la première fois, je commence par un endroit qui est très éclairé, qui est une très grande cour, et ensuite, dès que je veux me rapprocher des points les plus importants du sanctuaire, c'est-à-dire... l'endroit précis où il y a la chapelle du dieu, je passe d'abord par une zone de soleil et ensuite par une zone d'ombre. Et forcément, je ne peux pas m'empêcher de me dire que les anciens Mésopotamiens avaient cette même sensation quand ils rentraient dans le bâtiment. Comme moi, ils passaient de l'ombre à la lumière. Et surtout, il faut imaginer, on est en Irak, donc la lumière est très vive. Ils devaient être complètement éblouis. Et je suis à peu près persuadée que ça faisait partie intégrante de la pratique religieuse à cette époque.

  • Martin Quenehen

    Une manière d'être au plus près de la vie des gens de l'époque, les habitants de Nimrud, à l'âge de son apogée. Une nouvelle façon de concevoir son métier, surtout.

  • Aline Tenu

    Être archéologue, c'est effectivement souvent chercher à remonter le temps. Alors, il y a des aspects qui sont très techniques et très matériels dans le métier d'archéologue. On fait des plans, on fait des relevés, donc il y a un aspect qui est très matériel. Mais la finalité de tout ça, c'est comprendre comment les gens vivaient. Donc dans les aspects... Vraiment du jour le jour, mais aussi la relation au sacré, sur laquelle on a travaillé pour ce temple, la relation au pouvoir, la relation à la vie, donc des questions qui sont plus philosophiques. Alors bien sûr, il y a beaucoup de questions qui sont sans réponse, mais ce qui est intéressant, c'est essayer de se projeter dans ce que eux vivaient. Et ça, c'est le plaisir de la recherche.

  • Martin Quenehen

    En 2015, les terroristes de l'État islamique arrivaient au pouvoir en Irak. ont entrepris la démolition à la dynamite et au bulldozer du site de Nimrud. Le temple de Nabu et ses statues monumentales vieilles de 3000 ans ont définitivement été détruites. Espérons que la modélisation 3D de ce temple nous permette d'en garder mémoire pour les 3000 ans à venir. ARCHEO, l'Archéologie par tous les temps. Un podcast écrit et réalisé par Aram Kebabjian et Martin Quenehen. Cet épisode est produit par la Mission du Patrimoine Mondial. de la Direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la Culture.

Share

Embed

You may also like

Description

L'archéologue Aline Tenu (CNRS) nous emmène à la découverte de Nimrud, l'ancienne Kalhu, capitale de l’empire néo-assyrien (IX-VIIIe siècles avant J.-C.). Grand centre savant, elle abritait l'Ezida, un temple consacré au dieu des scribes Nabû et à sa parèdre Tashmetu, où une riche bibliothèque a été retrouvée.


En savoir plus : https://archeologie.culture.gouv.fr/nimrud/fr


Invitée : Aline Tenu, CNRS, ArScAn-HASAÉ (UMR 7041)

Réalisation : Martin Quenehen. Écrit par Aram Kebabdjian


2025 - Production : Ministère de la Culture. Direction générale des Patrimoines. Mission du Patrimoine Mondial et musée d’Archéologie nationale.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Martin Quenehen

    L'archéologie, c'est fouiller, sur le terrain, à la recherche d'objets et de monuments. Mais c'est aussi désormais ressusciter les humains et les sociétés du passé avec les outils du futur. Vous écoutez... ARCHEO, l'Archéologie par tous les temps. Le podcast de la collection Grands Sites Archéologiques. Le destin des empires, on le sait, est de tomber en ruine. Ce tas de ruines est le terrain de l'archéologue. C'est là qu'il pense, là qu'il travaille, là qu'il recompose, pièce par pièce, une image du passé. qu'il fait revivre avec les bonnes vieilles méthodes de fouille. Mais pas seulement. L'Empire néo-assyrien fut l'un des plus grands empires que le monde a jamais vu. Un empire cruel, mais aussi pieux et lettré. Et il s'est effondré presque du jour au lendemain, autour de l'an 600 avant notre ère. Et c'est seulement il y a deux siècles qu'on a recommencé à en découvrir les traces. Aline Tenu est chargée de recherche au CNRS, spécialiste de l'Assyrie. Elle œuvre à faire renaître l'Empire assyrien de ses cendres, sur le terrain et en laboratoire, notamment avec les outils de la 3D, qui font revivre le soleil de l'Empire assyrien comme si on y était. Et ça commence à Nimrud, capitale de l'Empire assyrien, dans un temple géant, au sommet d'un promontoire qui domine la ville. Un temple qui, à lui seul, suffirait à résumer le destin de l'empire néo-assyrien.

  • Aline Tenu

    Ce temple, c'est un temple qui est dédié à Nabu. Nabu, c'est le dieu des scribes. C'est un dieu très important dans le monde mésopotamien puisque l'écriture a une place privilégiée au cœur des cultures mésopotamiennes. On pense que beaucoup de gens savent écrire, donc c'est un temple extrêmement important. Nabu, en plus, est un dieu important parce que, comme c'est lui qui écrit, c'est lui qui écrit la destinée.

  • Martin Quenehen

    Il se trouve qu'entre le VIIe et le VIe siècle avant notre ère, l'Empire néo-assyrien est à une période charnière de son histoire. À son apogée, il tient en vassalité la plupart des nations et cités-états, depuis les montagnes du Caucase au nord jusqu'à l'Égypte, l'Arabie et la Nubie au sud. Pourtant, le pouvoir assyrien est loin de faire l'unanimité.

  • Aline Tenu

    Les Assyriens sont réputés pour leur cruauté et leur violence. Ça n'est pas du tout une réputation usurpée. Ils ne se sont plus à raconter tous les massacres épouvantables qu'ils commettaient lors des prises des villes.

  • Martin Quenehen

    Je bâti un pilier devant la porte de la ville. J'écorchais tous les chefs qui s'étaient révoltés contre moi. Et j'étalais leur peau sur le pilier. Je brûlais beaucoup de prisonniers parmi eux. Je capturais beaucoup de soldats vivants. De certains, je coupais les bras ou les mains. D'autres, je coupais le nez, les oreilles ou les extrémités. Je fis une pile de vivants et une autre de têtes. Le reste, le feu les consuma, à cause de la soif dont ils souffrirent dans le désert.

  • Aline Tenu

    La violence entre les Assyriens et leurs ennemis de l'époque, nous on en a retrouvé les traces archéologiques.

  • Martin Quenehen

    En 612 avant notre ère, une rébellion contre les Assyriens fait chanceler l'Empire. L'armée alliée, qui combinait les forces des Mèdes et des Babyloniens, assiège Ninive, une des principales villes assyriennes. La bataille est féroce, pour ne pas dire atroce.

  • Aline Tenu

    Ninive, c'est très impressionnant. Ninive, c'est une très grande ville. C'est une des plus grandes villes de la Mésopotamie ancienne. Et là, on a même trouvé les traces de l'assaut avec les squelettes laissés en place à une des portes de la ville. Les morts sur le champ de bataille sont restés en place jusqu'à ce qu'ils soient découverts par les archéologues au XXe siècle.

  • Martin Quenehen

    Après trois mois de siège, Ninive tombe, le 10 juillet 612, et le roi assyrien Sin-shar-ishkun meurt dans les combats. Le sort de l'Empire est scellé.

  • Aline Tenu

    On sait que la ville de Nimrud, dans laquelle le temple a été bâti, a été détruite. Au VIIe siècle, donc il y a 2700 ans, et là on a les traces de destruction.

  • Martin Quenehen

    Une couche de 80 cm de cendres est découverte dans la salle du trône du roi de Nimrud. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Des habitants revarent s'installer dans les ruines des bâtiments dont ils endommagent souvent les maçonneries, les sols et dont ils pillent le matériel. C'est à cette époque qu'est partiellement détruite la bibliothèque du temple, recouverte de terre, effondrée. Le temple est redécouvert au milieu du XIXe siècle. S'en suivent plusieurs décennies de fouilles, jusqu'à ce que se mette en place le projet de reconstitution 3D du temple de Nabu, à Nimrud, en 2017. C'est une seconde vie qui s'ouvre alors pour le temple, et une nouvelle façon d'envisager l'archéologie.

  • Aline Tenu

    Moi, j'ai eu la chance de visiter Nimrud, l'ancienne Kalhu, la ville où se trouve le bâtiment. J'ai eu la chance de le visiter en 2002, donc vous voyez, ça fait longtemps. Et c'est une expérience qui est complètement différente entre les bâtiments tels qui sont conservés maintenant et les reconstitutions. Ce sont deux expériences qui sont très complémentaires, parce que sur le terrain, et pourtant le bâtiment est bien conservé, enfin bien conservé pour un archéologue, c'est-à-dire qu'on voit quelque chose, on n'a pas du tout la sensation. Du bâtiment proprement dit, c'est un autre sentiment. Mais on manque, par exemple, l'élévation, l'ombre et la lumière. Ce sont des sensations qui manquent quand on est sur le terrain.

  • Martin Quenehen

    Le projet de modélisation virtuelle du temple de Nabu s'inscrit dans une longue tradition de restitution visuelle des vestiges mis au jour en Assyrie. Elle fait partie du programme Nimrod d'études des bibliothèques antiques du Labex, les passés dans le présent. réalisé en partenariat avec le Centre interdisciplinaire de recherche virtuelle, le CIREV, de l'Université de Caen. L'expérience 3D est saisissante.

  • Aline Tenu

    L'utilité de cette reconstitution 3D qu'on a proposée en accord avec le CIREV de Caen, c'est de se replonger, de pouvoir visiter le temple comme les Mésopotamiens l'ont vu. C'est un temple qui a 3000 ans à peu près, donc c'est absolument unique de pouvoir rentrer à nouveau dans un bâtiment comme celui-là. Quand je fais cette visite pour la première fois, c'est un mélange de sensations. A la fois, bien sûr, il y a l'excitation. Je sais que je rentre dans un bâtiment dans lequel, virtuellement bien sûr, mais dans lequel personne n'est rentré depuis très longtemps, depuis sa destruction au VIIe siècle avant Jésus-Christ, donc il y a 2700 ans.

  • Martin Quenehen

    Aussi émouvante soit-elle, la modélisation en trois dimensions du temple obéit surtout à un objectif de recherche. Et elle vise à une connaissance sensible de l'usage qui était fait de ces lieux.

  • Aline Tenu

    La première chose qui m'a frappée quand je suis rentrée dans le temple, la première fois, c'est de passer sans cesse de l'ombre à la lumière. En effet, le bâtiment est construit autour de plusieurs grandes cours qui sont séparées par des halls qui, eux, sont dans l'obscurité. Donc, quand je suis rentrée la première fois, je commence par un endroit qui est très éclairé, qui est une très grande cour, et ensuite, dès que je veux me rapprocher des points les plus importants du sanctuaire, c'est-à-dire... l'endroit précis où il y a la chapelle du dieu, je passe d'abord par une zone de soleil et ensuite par une zone d'ombre. Et forcément, je ne peux pas m'empêcher de me dire que les anciens Mésopotamiens avaient cette même sensation quand ils rentraient dans le bâtiment. Comme moi, ils passaient de l'ombre à la lumière. Et surtout, il faut imaginer, on est en Irak, donc la lumière est très vive. Ils devaient être complètement éblouis. Et je suis à peu près persuadée que ça faisait partie intégrante de la pratique religieuse à cette époque.

  • Martin Quenehen

    Une manière d'être au plus près de la vie des gens de l'époque, les habitants de Nimrud, à l'âge de son apogée. Une nouvelle façon de concevoir son métier, surtout.

  • Aline Tenu

    Être archéologue, c'est effectivement souvent chercher à remonter le temps. Alors, il y a des aspects qui sont très techniques et très matériels dans le métier d'archéologue. On fait des plans, on fait des relevés, donc il y a un aspect qui est très matériel. Mais la finalité de tout ça, c'est comprendre comment les gens vivaient. Donc dans les aspects... Vraiment du jour le jour, mais aussi la relation au sacré, sur laquelle on a travaillé pour ce temple, la relation au pouvoir, la relation à la vie, donc des questions qui sont plus philosophiques. Alors bien sûr, il y a beaucoup de questions qui sont sans réponse, mais ce qui est intéressant, c'est essayer de se projeter dans ce que eux vivaient. Et ça, c'est le plaisir de la recherche.

  • Martin Quenehen

    En 2015, les terroristes de l'État islamique arrivaient au pouvoir en Irak. ont entrepris la démolition à la dynamite et au bulldozer du site de Nimrud. Le temple de Nabu et ses statues monumentales vieilles de 3000 ans ont définitivement été détruites. Espérons que la modélisation 3D de ce temple nous permette d'en garder mémoire pour les 3000 ans à venir. ARCHEO, l'Archéologie par tous les temps. Un podcast écrit et réalisé par Aram Kebabjian et Martin Quenehen. Cet épisode est produit par la Mission du Patrimoine Mondial. de la Direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la Culture.

Description

L'archéologue Aline Tenu (CNRS) nous emmène à la découverte de Nimrud, l'ancienne Kalhu, capitale de l’empire néo-assyrien (IX-VIIIe siècles avant J.-C.). Grand centre savant, elle abritait l'Ezida, un temple consacré au dieu des scribes Nabû et à sa parèdre Tashmetu, où une riche bibliothèque a été retrouvée.


En savoir plus : https://archeologie.culture.gouv.fr/nimrud/fr


Invitée : Aline Tenu, CNRS, ArScAn-HASAÉ (UMR 7041)

Réalisation : Martin Quenehen. Écrit par Aram Kebabdjian


2025 - Production : Ministère de la Culture. Direction générale des Patrimoines. Mission du Patrimoine Mondial et musée d’Archéologie nationale.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Martin Quenehen

    L'archéologie, c'est fouiller, sur le terrain, à la recherche d'objets et de monuments. Mais c'est aussi désormais ressusciter les humains et les sociétés du passé avec les outils du futur. Vous écoutez... ARCHEO, l'Archéologie par tous les temps. Le podcast de la collection Grands Sites Archéologiques. Le destin des empires, on le sait, est de tomber en ruine. Ce tas de ruines est le terrain de l'archéologue. C'est là qu'il pense, là qu'il travaille, là qu'il recompose, pièce par pièce, une image du passé. qu'il fait revivre avec les bonnes vieilles méthodes de fouille. Mais pas seulement. L'Empire néo-assyrien fut l'un des plus grands empires que le monde a jamais vu. Un empire cruel, mais aussi pieux et lettré. Et il s'est effondré presque du jour au lendemain, autour de l'an 600 avant notre ère. Et c'est seulement il y a deux siècles qu'on a recommencé à en découvrir les traces. Aline Tenu est chargée de recherche au CNRS, spécialiste de l'Assyrie. Elle œuvre à faire renaître l'Empire assyrien de ses cendres, sur le terrain et en laboratoire, notamment avec les outils de la 3D, qui font revivre le soleil de l'Empire assyrien comme si on y était. Et ça commence à Nimrud, capitale de l'Empire assyrien, dans un temple géant, au sommet d'un promontoire qui domine la ville. Un temple qui, à lui seul, suffirait à résumer le destin de l'empire néo-assyrien.

  • Aline Tenu

    Ce temple, c'est un temple qui est dédié à Nabu. Nabu, c'est le dieu des scribes. C'est un dieu très important dans le monde mésopotamien puisque l'écriture a une place privilégiée au cœur des cultures mésopotamiennes. On pense que beaucoup de gens savent écrire, donc c'est un temple extrêmement important. Nabu, en plus, est un dieu important parce que, comme c'est lui qui écrit, c'est lui qui écrit la destinée.

  • Martin Quenehen

    Il se trouve qu'entre le VIIe et le VIe siècle avant notre ère, l'Empire néo-assyrien est à une période charnière de son histoire. À son apogée, il tient en vassalité la plupart des nations et cités-états, depuis les montagnes du Caucase au nord jusqu'à l'Égypte, l'Arabie et la Nubie au sud. Pourtant, le pouvoir assyrien est loin de faire l'unanimité.

  • Aline Tenu

    Les Assyriens sont réputés pour leur cruauté et leur violence. Ça n'est pas du tout une réputation usurpée. Ils ne se sont plus à raconter tous les massacres épouvantables qu'ils commettaient lors des prises des villes.

  • Martin Quenehen

    Je bâti un pilier devant la porte de la ville. J'écorchais tous les chefs qui s'étaient révoltés contre moi. Et j'étalais leur peau sur le pilier. Je brûlais beaucoup de prisonniers parmi eux. Je capturais beaucoup de soldats vivants. De certains, je coupais les bras ou les mains. D'autres, je coupais le nez, les oreilles ou les extrémités. Je fis une pile de vivants et une autre de têtes. Le reste, le feu les consuma, à cause de la soif dont ils souffrirent dans le désert.

  • Aline Tenu

    La violence entre les Assyriens et leurs ennemis de l'époque, nous on en a retrouvé les traces archéologiques.

  • Martin Quenehen

    En 612 avant notre ère, une rébellion contre les Assyriens fait chanceler l'Empire. L'armée alliée, qui combinait les forces des Mèdes et des Babyloniens, assiège Ninive, une des principales villes assyriennes. La bataille est féroce, pour ne pas dire atroce.

  • Aline Tenu

    Ninive, c'est très impressionnant. Ninive, c'est une très grande ville. C'est une des plus grandes villes de la Mésopotamie ancienne. Et là, on a même trouvé les traces de l'assaut avec les squelettes laissés en place à une des portes de la ville. Les morts sur le champ de bataille sont restés en place jusqu'à ce qu'ils soient découverts par les archéologues au XXe siècle.

  • Martin Quenehen

    Après trois mois de siège, Ninive tombe, le 10 juillet 612, et le roi assyrien Sin-shar-ishkun meurt dans les combats. Le sort de l'Empire est scellé.

  • Aline Tenu

    On sait que la ville de Nimrud, dans laquelle le temple a été bâti, a été détruite. Au VIIe siècle, donc il y a 2700 ans, et là on a les traces de destruction.

  • Martin Quenehen

    Une couche de 80 cm de cendres est découverte dans la salle du trône du roi de Nimrud. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Des habitants revarent s'installer dans les ruines des bâtiments dont ils endommagent souvent les maçonneries, les sols et dont ils pillent le matériel. C'est à cette époque qu'est partiellement détruite la bibliothèque du temple, recouverte de terre, effondrée. Le temple est redécouvert au milieu du XIXe siècle. S'en suivent plusieurs décennies de fouilles, jusqu'à ce que se mette en place le projet de reconstitution 3D du temple de Nabu, à Nimrud, en 2017. C'est une seconde vie qui s'ouvre alors pour le temple, et une nouvelle façon d'envisager l'archéologie.

  • Aline Tenu

    Moi, j'ai eu la chance de visiter Nimrud, l'ancienne Kalhu, la ville où se trouve le bâtiment. J'ai eu la chance de le visiter en 2002, donc vous voyez, ça fait longtemps. Et c'est une expérience qui est complètement différente entre les bâtiments tels qui sont conservés maintenant et les reconstitutions. Ce sont deux expériences qui sont très complémentaires, parce que sur le terrain, et pourtant le bâtiment est bien conservé, enfin bien conservé pour un archéologue, c'est-à-dire qu'on voit quelque chose, on n'a pas du tout la sensation. Du bâtiment proprement dit, c'est un autre sentiment. Mais on manque, par exemple, l'élévation, l'ombre et la lumière. Ce sont des sensations qui manquent quand on est sur le terrain.

  • Martin Quenehen

    Le projet de modélisation virtuelle du temple de Nabu s'inscrit dans une longue tradition de restitution visuelle des vestiges mis au jour en Assyrie. Elle fait partie du programme Nimrod d'études des bibliothèques antiques du Labex, les passés dans le présent. réalisé en partenariat avec le Centre interdisciplinaire de recherche virtuelle, le CIREV, de l'Université de Caen. L'expérience 3D est saisissante.

  • Aline Tenu

    L'utilité de cette reconstitution 3D qu'on a proposée en accord avec le CIREV de Caen, c'est de se replonger, de pouvoir visiter le temple comme les Mésopotamiens l'ont vu. C'est un temple qui a 3000 ans à peu près, donc c'est absolument unique de pouvoir rentrer à nouveau dans un bâtiment comme celui-là. Quand je fais cette visite pour la première fois, c'est un mélange de sensations. A la fois, bien sûr, il y a l'excitation. Je sais que je rentre dans un bâtiment dans lequel, virtuellement bien sûr, mais dans lequel personne n'est rentré depuis très longtemps, depuis sa destruction au VIIe siècle avant Jésus-Christ, donc il y a 2700 ans.

  • Martin Quenehen

    Aussi émouvante soit-elle, la modélisation en trois dimensions du temple obéit surtout à un objectif de recherche. Et elle vise à une connaissance sensible de l'usage qui était fait de ces lieux.

  • Aline Tenu

    La première chose qui m'a frappée quand je suis rentrée dans le temple, la première fois, c'est de passer sans cesse de l'ombre à la lumière. En effet, le bâtiment est construit autour de plusieurs grandes cours qui sont séparées par des halls qui, eux, sont dans l'obscurité. Donc, quand je suis rentrée la première fois, je commence par un endroit qui est très éclairé, qui est une très grande cour, et ensuite, dès que je veux me rapprocher des points les plus importants du sanctuaire, c'est-à-dire... l'endroit précis où il y a la chapelle du dieu, je passe d'abord par une zone de soleil et ensuite par une zone d'ombre. Et forcément, je ne peux pas m'empêcher de me dire que les anciens Mésopotamiens avaient cette même sensation quand ils rentraient dans le bâtiment. Comme moi, ils passaient de l'ombre à la lumière. Et surtout, il faut imaginer, on est en Irak, donc la lumière est très vive. Ils devaient être complètement éblouis. Et je suis à peu près persuadée que ça faisait partie intégrante de la pratique religieuse à cette époque.

  • Martin Quenehen

    Une manière d'être au plus près de la vie des gens de l'époque, les habitants de Nimrud, à l'âge de son apogée. Une nouvelle façon de concevoir son métier, surtout.

  • Aline Tenu

    Être archéologue, c'est effectivement souvent chercher à remonter le temps. Alors, il y a des aspects qui sont très techniques et très matériels dans le métier d'archéologue. On fait des plans, on fait des relevés, donc il y a un aspect qui est très matériel. Mais la finalité de tout ça, c'est comprendre comment les gens vivaient. Donc dans les aspects... Vraiment du jour le jour, mais aussi la relation au sacré, sur laquelle on a travaillé pour ce temple, la relation au pouvoir, la relation à la vie, donc des questions qui sont plus philosophiques. Alors bien sûr, il y a beaucoup de questions qui sont sans réponse, mais ce qui est intéressant, c'est essayer de se projeter dans ce que eux vivaient. Et ça, c'est le plaisir de la recherche.

  • Martin Quenehen

    En 2015, les terroristes de l'État islamique arrivaient au pouvoir en Irak. ont entrepris la démolition à la dynamite et au bulldozer du site de Nimrud. Le temple de Nabu et ses statues monumentales vieilles de 3000 ans ont définitivement été détruites. Espérons que la modélisation 3D de ce temple nous permette d'en garder mémoire pour les 3000 ans à venir. ARCHEO, l'Archéologie par tous les temps. Un podcast écrit et réalisé par Aram Kebabjian et Martin Quenehen. Cet épisode est produit par la Mission du Patrimoine Mondial. de la Direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la Culture.

Share

Embed

You may also like