- Speaker #0
Musique Musique Musique Bienvenue sur Arty Time, ta dose d'humour culturel Je te parle d'artistes morts ou vivants ou morts vivants De lieux culturels à absolument visiter et les autres à absolument Musique Absolument éviter. Je te fais des résumés, des expositions, si tu as la flemme d'y aller. Et que tu veux briller à la machine à café ou le dimanche midi chez ta belle-mère. Ne me remercie pas, c'est gratuit. Enfin, tu peux quand même lâcher un petit commentaire, ça serait sympa. Allez, bonne écoute. Coucou mes petits curieux, installez-vous confortablement dans votre fauteuil de métro. ou sur votre Swiss Bowl, si vous êtes à votre bureau. C'est parti pour ce 51e épisode. Je suis toujours Célia Rastoin, l'heureuse propriétaire de ce podcast. Je suis surtout consultante en communication et ça m'arrive même de faire des podcasts pour les entreprises. Mais on n'est pas là pour parler de ça. Cet été, entre deux saucisses à l'Igo et la limonade à la gentiane, j'ai enfin visité le musée Soulages de Rodez. De Soulages, je connaissais ses tableaux noirs et j'avais hâte de rencontrer son univers chez lui. Et cette rentrée 2025 m'offre un dessert de choix, puisqu'il est également à l'honneur au musée du Luxembourg depuis le 17 septembre.
- Speaker #1
Mais pour commencer, qui est Pierre Soulages ?
- Speaker #0
Pierre Soulages, c'est ce monsieur né en 1919, à Rodez, au fin fond de l'Aveyron, là où les vaches connaissent ton prénom, mais pas forcément des artistes d'ordre abstrait. Pourtant, il s'est rapidement fait une belle place dans le cocon un peu figé de l'art français. A sa vingtaine, il a été admis à l'école des Beaux-Arts de Paris. Mais il a préféré faire celle de Montpellier pour mieux revenir sur Paris juste après. Avec sa femme, il s'installe à Courbevoie après ses études. Alors pour la petite histoire, c'est à deux rues de chez moi. Mais on s'en fout. Pardon, excès d'enthousiasme. Niveau artistique, il a toujours préféré taquiner la lumière plutôt que de copier les montagnes ou les fleurs. Bien trop classique pour lui. Inspiré par les vitraux médiévaux et les textures que la lumière crée sur les surfaces, Soulages a décidé que sa peinture ne serait pas une fenêtre sur le monde, mais une invitation. à regarder le noir, mais pas n'importe quel noir. Ça va être tout noir ! Il a créé sa propre palette et sa propre appellation, le noir-lumière, qu'il nommera l'outre-noir. Il crée son propre style, bourré d'audace et de caractère. Très tôt, il trempe dans le monde culturel parisien et fréquente le salon des sur-indépendants, où il rencontre Picabia, entre autres. À 30 ans, il a sa propre expo à Paris. Il expose avec d'autres artistes à New York, Londres, Copenhague, l'occasion d'y rencontrer tout le gratin artistique de l'époque. Il y a même l'État français qui lui achète une œuvre. Et il est même le premier peintre français vivant à exposer au musée de l'Hermitage à Saint-Pétersbourg. Bref, le noir soulage a fait le tour du globe et notre Pierre ne s'est pas contenté de la peinture puisqu'il a carrément habillé des vitraux de la cathédrale de Conques près de Rodez. C'est d'ailleurs là, dans cette cathédrale, où tout jeune, il avait eu sa révélation.
- Speaker #1
Je serai artiste.
- Speaker #0
Dans cette cathédrale, il y a passé sept années. de 1986 à 1994, il a créé 104 vitraux, un chantier monstre. L'idée, pas de couleur vive à la manière habituelle, mais un verre spécialement inventé, translucide et incolore, avec une texture irrégulière qui diffuse la lumière de façon unique. Après des centaines d'essais, Soulages a mis au point ce verre spécial avec un maître verrier. Il a dessiné ses cartons, des modèles grandeur nature, en associant peinture, ruban adhésif, noir, pour créer un réseau de lignes fluides, évitant les formes trop rigides pour laisser passer la lumière et la laisser respirer. Le résultat, c'est une harmonie parfaite entre architecture romane et lumière moderne. Les vitraux ne refaitent pas seulement la lumière, ils la transforment, bousculent la perception habituelle et font vibrer l'espace sacré d'une façon nouvelle et poétique. C'est une vraie collaboration avec la lumière. Mais alors, c'est quoi ce fameux outre-noir dont on parle tout le temps quand on évoque Soulages ? Imaginez un tableau entièrement noir. Oui, noir. Vous pourriez vous dire,
- Speaker #1
bof, un truc tout noir c'est facile.
- Speaker #0
Mais en réalité, ce noir-là, c'est pas juste une couleur morte, c'est une matière vivante. L'outre-noir, c'est du noir qui réfléchit la lumière en milliers de façons, grâce aux rainures, aux griffures que Soulages crée dans la matière. Et le résultat, quand vous regardez l'une de ces toiles, vous ne voyez pas juste un mur noir, vous captez un spectacle changeant, presque hypnotique. Et ce noir-là est un acteur principal. Il brille, il bouge, il vous fait tourner la tête, il fait pétiller le noir. Le musée Soulages à Rodez, sa ville natale, est son port d'attache, sa base, son petit coin de campagne où il a grandi et qu'il n'a jamais vraiment quitté du regard. Le musée, que j'ai eu la chance de visiter cet été, c'est un bâtiment plutôt moderne. Dedans, vous plongez dans un univers où la lumière joue à cache-cache avec le noir. Et chaque tableau vous entraîne dans une expérience sensorielle unique. Au menu, vous avez une belle collection de ses œuvres emblématiques, notamment celle de l'Outre-Noir. mais aussi des pièces qui retracent son évolution artistique. Visiter ce musée, ce n'est donc juste pas regarder des toiles, c'est presque comme entrer dans la tête de Soulages, où le noir n'est jamais triste, et où chaque reflet raconte une histoire. A Rodez, vous y verrez également un joli film signé d'Agnès Varda. Mais si, Agnès Varda, j'en parlais avec la comédienne Baya Reaz dans mon épisode avec elle. Bon, vous l'écouterez juste après. Donc dans ce film, on y découvre la jolie maison de Pierre Soulages et sa femme Colette sur les hauteurs de 7. Et la délicieuse façon pour Pierre d'être tranquille. Lorsqu'il voulait être peinard, il déposait un caillou devant sa porte. Bon, moi perso, j'aurais plutôt placé un piège à lièvre, mais chacun ses techniques. Je vous l'ai dit en intro, Soulages est à l'honneur en cette rentrée 2025 au musée du Luxembourg. Et j'ai pu la visiter dès son ouverture.
- Speaker #1
Encore une expo que t'as faite sans moi ! Vas-y, raconte !
- Speaker #0
C'est la première exposition jamais organisée dans un musée parisien consacré à l'œuvre sur papier de Pierre Soulages. Et oui, parce que avant même de jouer au décorateur de cathédrale, ou encore au peintre qui envoie du pâté tout noir sur les toiles, Soulages a énormément dessiné sur papier. C'est d'ailleurs sur ce support que son œuvre entière s'enracine. Il n'aura de cesse de l'explorer tout au long de sa carrière. C'est à partir de 1947 que Soulages utilise le brou de noix.
- Speaker #1
C'est quoi ce truc-là ?
- Speaker #0
C'est un colorant naturel, extrait de la partie charnue d'une partie du noyer commun. Il sert pour la peinture du bois et il s'emploie comme... une encre brune très prisée des ébénistes. Cette matière lui permet de radicalement simplifier sa peinture. Faut dire qu'il en a ras-le-bol, des petits pinceaux luxueux réservés aux artistes peintres. Ni une ni deux, notre Pierrot achète chez son marchand de couleurs des brosses de peintre en bâtiment en soie, tout ce qu'il y a de plus classique. Très large et zou comme un peintre en bâtiment, il se met à maroufler. L'idée que ce soit une matière banale et bon marché lui plaisait bien. Et c'est bien ça tout l'esprit de Soulages, un mec simple qui révolutionne l'art du XXe siècle, avec élégance et une simplicité déconcertante. Et c'est bien l'esprit de cette nouvelle expo. Luxe, calme et volupté. Près de 130 peintures sur papier y sont présentées, réalisées dans les années 1940 et le début des années 2000. Longtemps conservées dans l'atelier de l'artiste, qui témoigne de la constance et de la liberté avec lesquelles Soulages aborde ce support. En 1948, alors qu'il commence à exposer, il est invité dans une manifestation itinérante sur la peinture abstraite française dans les musées allemands, en compagnie de beaucoup d'autres artistes beaucoup plus âgés. Et c'est l'une de ces peintures qui sera choisie pour l'affiche. C'est ce qui va clairement lancer sa carrière. Donc si l'envie vous prend de visiter cette expo, j'ai quand même envie de vous déconseiller un petit truc, l'attraction en réalité virtuelle proposée dans l'une des salles de musée. Je ne sais pas si je suis mal tombée, mais la technique a été pas au top. Et puis beaucoup trop de propos légèrement trop vaporés à mon goût. Mais surtout, quel dommage de mettre un écran entre l'art et nos yeux quand on a la chance d'habiter et de visiter l'un des plus prestigieux microcosmes culturels. Voilà, fin de cet épisode soulagé. qui vous aura, je l'espère, donné envie d'aller au musée, celui-ci ou ailleurs, de vous émerveiller, à votre tour et dans lequel vous aurez un peu plus compris l'esprit créatif de cet artiste et des autres. On se retrouve très vite pour de nouvelles visites. A bientôt mes petits curieux ! Ça t'a plu ? Laisse-moi un gentil commentaire, ça aidera mes amis les algorithmes à propulser ce podcast. Et parle-en autour de toi, à la machine à café, dans le métro... Bah tiens oui, si là t'es dans le métro, en ce moment, parle-en à ton voisin. Tu peux aussi lui parler de la page Instagram d'Arty Time. Merci, allez, bisous bisous !