Speaker #0Salut, c'est Hachoum, le podcast des allergies qui répond à tes souhaits. Je m'appelle Philippe, je suis médecin-ergologue et je t'emmène avec moi dans le monde passionnant des allergies. Aujourd'hui, nous allons parler de l'allergie à l'œuf. L'allergie alimentaire est une maladie en pleine expansion qui touche jusqu'à 10% des enfants dans les pays industrialisés. Elle résulte d'une réponse immunitaire inappropriée à des protéines normalement inoffensives. Parmi les allergènes les plus fréquemment en cause, on retrouve le lait de vache, nous en avons déjà parlé, l'arachide, la cacahuète, dont nous avons également parlé dans un épisode précédent, les autres fruits à coque et surtout l'œuf. C'est de lui que nous allons parler aujourd'hui. L'œuf de poule, qui est pourtant un aliment de base dans de très nombreuses cultures, est la deuxième cause d'allergie alimentaire du nourrisson après le lait. Dans une cohorte australienne, près de 10% des nourrissons de 1 an présentaient une allergie à l'œuf prouvée par test de provocation orale. L'allergie à l'œuf de poule, c'est la cause la plus fréquente d'allergie alimentaire chez l'enfant, tout âge mélangé. 28,7% des cas avant l'âge de 15 ans dans les statistiques du réseau d'allergogilance. Son aspect transitoire est une autre caractéristique de cette allergie, laquelle passe au 7e rang après 15 ans, avec seulement 3,1% des cas. L'allergie à l'œuf selon l'âge, c'est une allergie de la petite enfance. Les caractéristiques particulières de l'allergie à l'œuf ne se limitent pas à une phase de tolérance fréquente qui a tendance à en faire banaliser l'importance. Non, une autre caractéristique de l'allergie à l'œuf, c'est que de nombreuses séries ont montré qu'une réactivité, au moins dans le sérum, pouvait apparaître chez le nourrisson avant tout contact alimentaire connu avec l'œuf. Cette sensibilisation marque une susceptibilité individuelle, mais elle pourrait être déclenchée par le passage de protéines d'œufs dans le lait maternel, alors même que l'allaitement est un bon moyen de prévention globale de l'allergie alimentaire. L'allergie à l'œuf débute généralement dès les premiers mois de la diversification alimentaire, vers 6 mois. Elle concerne un nourrisson sur 10 à l'âge de 1 an et disparaît dans 60 à 75 % des cas avant l'adolescence. Certains enfants conservent une allergie persistante, qui est souvent associée à des taux élevés d'IGE spécifiques, en particulier contre l'oromucoïde, GALDEA, une protéine thermostable. Cette allergie persistante est un facteur de risque connu d'asthme ultérieur. Concernant l'œuf de poule, 70 à 80 % des enfants allergiques à l'œuf tolèrent les produits cuits au four. Les 20 à 30 % restants sont le plus souvent allergiques à l'ovomucloïde. Parlons des allergènes de l'œuf. L'œuf est un cocktail de protéines potentiellement allergisantes réparties dans le blanc et le jaune. Les principales protéines impliquées sont Galdé 1, l'ovomuccoïde. Elle représente 11% du blanc d'œuf. Elle est thermostable et résistante à la digestion. C'est l'allergène principalement responsable des allergies qui durent. Galdé 2, c'est l'ovalbumine, 54%. Elle est altérée par la chaleur et impliquée dans les formes transitoires. Galdé 3, l'ovotransférine, 12%, qui est également sensible à la chaleur. Galdé 4, le lysosime, représente 3% des allergènes. Il est utilisé comme additif dans certains fromages ou préparations laitières. Sa présence est parfois signalée sous la forme du nom de l'additif E1105. Ce qui, je vous l'accorde, n'est pas très parlant. Il y a également Galdé5, l'alpha-livétine, ou sérum albumine de poule, qui est présente dans le jaune d'œuf. Cette molécule a une implication majeure dans le syndrome oiseau-œuf. Il y a une réactivité croisée avec les plumes des oiseaux qui contiennent une livétine assez proche. Donc c'est le syndrome œuf-poulet, œuf-oiseau ou oiseau-œuf. Et enfin, Galdé6, une protéine mineure du jaune d'œuf. Un allergène, c'est une molécule allergisante. C'est une forme géométrique qui emboîtera les anticorps de l'allergie de manière efficace. Ces anticorps se fixent sur des lieux particuliers de l'allergène appelés épitopes. Les études de microarrêt peptidique, PMA, ont permis d'identifier les épitopes dits géodominants de Galdéa. Cette protéine, qui est stabilisée par des ponts dissulfures, présente des épitopes conformationnels, c'est-à-dire des acides aminés bis bout à bout par des replis de la molécule, qui sont résistants à la cuisson. C'est d'habitude plutôt le cas des épitopes linéaires, où les acides aminés sont à la queue leu-leu, et c'est ce qui la rend si problématique dans les allergies persistantes. Les réactions croisées les plus notables sont avec les protéines du jaune d'œuf et les plumes, on en a parlé, c'est le syndrome oiseau-œuf via GALD5, qui est impliqué dans des tableaux de rhinite et d'asthme après exposition aux oiseaux et apparition secondaire d'une allergie alimentaire à l'œuf. L'œuf de poule semble aussi croisé avec les autres œufs de canard, de caille, mais ce n'est pas encore très bien documenté. Et il existe également une réaction croisée avec de la viande, de la volaille, qui est plutôt rare, sauf chez les professionnels qui sont exposés à la dinde ou au poulet cru, comme les cuisiniers ou les bouchers. L'œuf et la viande de poulet sont également des responsables fréquents des CIPA, des syndromes d'antérocolite aux protéines alimentaires. Ce syndrome se traduit par des douleurs abdominales violentes, des vomissements, une léthargie, fatigue, quelques heures après la consommation de l'aliment. C'est une forme particulière et encore mal connue d'allergie, qui ne dépend pas des anticorps IGE. L'éviction de l'œuf, entre rigueur et éducation alimentaire. La prise en charge de l'allergie alimentaire repose sur l'éviction stricte quand l'allergie est sévère, moins stricte si celle-ci est minime. Tout dépend donc des molécules en cause et de la violence de la réactivité. Chaque allergie qui aura une prise en charge adaptée à ses risques c'est le boulot de votre allergologue de faire des bons choix. L'œuf fait partie des allergènes à déclaration obligatoire, les fameux ados. Il peut cependant se cacher sous des dominations variées qui sont moins parlantes. Albumine, lysosime, avec le nom de code E1105 comme nous l'avons vu plus tôt, ovomucloïdes, etc. Il va vous falloir apprendre à faire une lecture attentive des étiquettes, y compris les mentions traces qui ne sont pas réglementées. intégrer si votre enfant peut manger des protéines d'œufs uniquement très cuites ou peu cuites, voire crues, en faible quantité, à être vigilant en restauration collective ou à l'étranger, et à sensibiliser l'entourage, école, crèche, famille, avec le plus souvent la mise en place d'un PAI, projet d'accueil individualisé, pour que les risques soient bien gérés en collectivité. Un document d'aide à l'éviction est proposé par le groupe des diététiciens et diététiciennes AllergoDiet que vous pouvez télécharger sur le site AllergoDiet. Prévenir l'allergie à l'œuf. Depuis 2016, les recommandations ont évolué. Introduire l'œuf dur entre 4 et 6 mois chez les nourrissons, y compris ceux à risque, eczéma modéré assez vert, atopie familiale, réduit significativement le risque d'allergie. Une étude australienne montre une réduction de 40% du risque d'allergie chez les enfants qui ont consommé de l'œuf cuit dur très tôt. Ensuite, vous pouvez diminuer l'intensité de la cuisson avec des gâteaux maison très cuits, puis des crêpes, des quiches, pour finir par une omelette plus ou moins baveuse. Si vous êtes allergique et que de ne pas manger d'œuf vous est difficile, il existe des substituts d'œufs qui peuvent vous aider à atteindre la tolérance. L'immunothérapie orale est une solution pour les allergies persistantes. Plusieurs études ont démontré l'efficacité de la désensibilisation par voie orale, OIT. Elle consiste à administrer de manière progressive de petites quantités d'œufs sous contrôle médical. Mais cette approche n'est pas dénuée de risque. 90% des enfants qui font une OIT présentent des réactions. Plus ou moins fortes, mais 22% tout de même de grade 4, c'est-à-dire avec des gènes respiratoires. L'indication repose sur le profil des IGE, un taux clinique inférieur à 8,8 kU par litre pour Galdéa, prédit une bonne tolérance à l'OIT, tandis qu'un taux élevé ou la présence d'un asthme contraindiquent souvent cette approche. Mais encore une fois, ce n'est pas une règle absolue. Faites confiance à votre allergologue. L'OIT ne doit être proposée qu'en milieu spécialisé, après évaluation fine du profil de sensibilisation moléculaire. En conclusion, l'allergie à l'œuf est fréquente chez le jeune enfant, avec un fort potentiel de résolution spontanée. L'ovomucoïde galdéen, c'est l'allergène centrale des formes persistantes et sévères. L'introduction précoce avant 6 mois de l'œuf dur est bénéfique pour prévenir cette allergie. L'OIT est prometteuse, mais elle est réservée à des profils sélectionnés. L'édiction plus ou moins stricte est la règle dans les cas symptomatiques, avec une attention particulière à la lecture des étiquettes et à l'environnement alimentaire. Dans le prochain épisode, nous parlerons de la rhinite allergique. Bonne journée à vous les amis, prenez soin de vous !