Speaker #0Salut, c'est Hachoum, le podcast des allergies qui répond à tes souhaits. Je m'appelle Philippe, je suis médecin allergologue et je t'emmène avec moi dans le blog passionnant des allergies. Aujourd'hui, nous allons parler de l'eczéma de contact. L'eczéma de contact ou quand la peau a de la mémoire. Aujourd'hui, nous parlons d'une allergie particulière. Elle ne passe pas par les anticorps, mais par des cellules. Elle ne déclenche pas ses symptômes en quelques secondes, comme l'urticaire ou l'anaphylaxie, non, elle prend son temps. Elle fixe, capte, signale et attend les renforts. Une réaction lente sur plusieurs heures, plusieurs jours, un peu comme si votre peau organisait sa riposte, l'eczéma de contact allergique. Imaginez la scène, vous achetez un joli bracelet en métal, le premier jour rien à signaler, le deuxième c'est un peu irrité, puis le lendemain les choses se gâtent, la peau rougit, gratte, se couvre de minuscules vésicules qui démangent au point de vous réveiller la nuit. Ce n'est pas un hasard, votre peau se souvient de ce qu'elle a déjà rencontré et elle est décidée de ne pas se laisser faire. À mon arrivée à Belfort, une dame est venue me consulter pour un problème d'éruption. Elle présentait depuis un peu plus d'un an de l'eczéma du visage, d'abord confondu avec une dermite séborique, qui devenait de plus en plus intense. Cet eczéma survenait en fin de week-end, guérissait dans la semaine et recommençait le week-end d'après. Des patch-tests ont mis en évidence une allergie à la méthylisothiazolinone. Mais après vérification de ses produits du ménage et de cosmétiques, elle l'avait déjà éliminée en simplifiant son environnement chimique. J'ai interrogé davantage cette dame. Je me suis arrêté sur son mari. Ce dernier était peintre en bâtiment et rentrait le week-end avec ses habits de travail. Elle ne m'en avait pas parlé, me dit-elle, mais le week-end, elle tousse aussi. Elle est gênée pour respirer. L'isothiazolinone, abrégé en « mythe » pour « méthyl isothiazolinone » , est un conservateur fréquent des peintures et des vernis. C'était bien la source de ces problèmes. Alors, j'avoue que quand j'avais parlé d'éviction, je ne pensais pas à l'éviction du mari, mais bon, elle ne pouvait plus le voir en peinture. C'est la vie. Elle respire bien mieux. C'est quoi un eczéma de contact ? L'eczéma de contact allergique, que l'on appelle aussi dermatite de contact allergique, c'est une réaction inflammatoire de la peau déclenchée par un contact direct avec une substance à laquelle vous êtes devenu allergique. Contrairement à une brûlure chimique ou à une irritation, il s'agit d'une véritable réponse immunitaire retardée, classée de type 4 de la fameuse classification de Gellekoums. Je vous renvoie au premier épisode sur l'allergie de ce podcast si vous voulez en savoir plus. Ce n'est pas le produit qui vous agresse, c'est vous qui le considérez par erreur comme un ennemi. Cette maladie ne se limite pas à quelques cas isolés, elle est fréquente dans la population générale et elle pèse très lourd dans le monde du travail, représentant jusqu'à un tiers des maladies professionnelles déclarées. Vous fabriquez vous-même vos allergènes. Commence avec la rencontre entre votre peau et un aptène. Ces petites molécules, légères comme une poussière de pollen mais trop petites pour être détectées seules par votre système immunitaire, se lient à une protéine. Ce duo aptène-protéine forme l'allergène. Il devient alors visible aux yeux de vos cellules de défense, dans la peau ce sont les cellules de l'enguérance, un peu comme si l'intrus avait enfilé un uniforme ennemi. Vos cellules alertent les lymphocytes T helper de type 1. Ceux-ci convoquent des lymphocytes T CD8+, qui iront se stocker dans les ganglions, où ils garderont mémoire de cette association aptène-protéine comme étant un ennemi. Cette sensibilisation nécessite plusieurs semaines. Certaines particules, inoffensives au départ, ne deviennent allergisantes qu'après transformation enzymatique dans la peau. On les appelle des pro-aptènes. D'autres changent de nature au contact de l'air ou de la lumière, sans intervention enzymatique. On les appelle des pré-apthènes. Beaucoup de parfums agissent ainsi, devenant plus agressifs après oxydation. Une fois sensibilisé, votre système immunitaire garde en réserve une garnison de lymphocytes T-mémoire, directement implantée dans la zone de peau concernée. Ce sont eux qui orchestrent la réaction rapide lors d'un nouveau contact, même après des années de tranquillité. Mais rapide, c'est un bien grand mot ici, car la réaction se met en place sur 24-72 heures, et la guérison complète peut demander une à trois semaines après l'arrêt du contact. Les allergènes les plus fréquents Parmi les allergènes qui déclenchent le plus souvent un eczéma de contact, les métaux tiennent le haut du pavé. Il y a le nickel bien sûr, omniprésent dans les bijoux fantaisie, les montres, les boutons de jean, les fermetures éclairs et certaines pièces de monnaie. C'est un grand classique. Au moins une femme sur quatre en France y est allergique. Le chrome, surtout sous sa forme hexavalente, se retrouve dans le ciment, dans certaines teintures et dans le cuir. Le cobalt, quant à lui, se cache dans certains alliages métalliques, les pigments bleus et verts utilisés en peinture ou encore dans des huiles de coupe et de polissage. Les parfums constituent une autre grande famille de coupables. On ne parle pas seulement du flacon de parfumeur, non, c'est surtout les parfums intégrés aux lessives, aux adoucissants, aux savons, aux gels douche, les huiles essentielles diffusées dans l'air, comme le lavandin, l'eucalyptus, la citronnelle, qui contiennent des molécules hautement allergisantes. Être naturel ne protège pas du tout des allergies, bien au contraire. Le mélange fragrance-mix utilisé dans les tests cutanés regroupe plusieurs de ces composants, dont certains changent de structure au contact de l'air pour devenir de redoutables allergènes. L'allergie au parfum, c'est plus de 10% de la population. Alors pensez un peu à leur calvaire avec les parvins d'ambiance, la mode des diffuseurs et les produits de nettoyage parfumés en spray. Enfin, les conservateurs sont de véritables champions de l'eczéma de contact moderne. Les isothiazolinones, on l'a vu, se nichent dans les shampoings, les savons liquides, les produits d'entretien, les peintures en phase aqueuse, et il y en a même eu autrefois dans des lingettes pour bébés. Le formaldéhyde, bien que de moins en moins utilisé, reste présent dans certains cosmétiques et textiles traités pour être infroissables, et on le retrouve aujourd'hui plutôt libéré par d'autres conservateurs comme le quaternium-15. Quant au phénoxyéthanol, souvent associé à d'autres conservateurs comme le méthyl-dibromoglutaronitrile, On le retrouve dans des crèmes hydratantes, des fonds de teint et des soins pour enfants. Ce sont les trois principales familles, mais il y en a de nombreuses autres possibles. Et rappelez-vous qu'un produit naturel ou bio n'est pas meilleur qu'un produit de synthèse pour les risques allergiques. Si vous voulez limiter les risques allergiques, limitez le nombre d'ingrédients. L'allergie au boulot n'est pas une question de pollen. Sur le terrain professionnel, l'eczéma de contact est un acteur majeur. Les coiffeurs au contact quotidien des teintures, shampoings et gants figurent parmi les plus touchés. Les maçons affrontent le chrome du ciment, souvent associé au cobalt et au nickel. Les soignants manipulent gants, désinfectants et solutions parfumées à longueur de journée. On le retrouve aussi dans l'industrie du bois, la mécanique, le cuir ou la métallurgie. Un signe révélateur ne trompe pas, les lésions qui s'améliorent pendant les week-ends ou les vacances reprennent dès le retour au travail. Quand la peau suit votre emploi du temps en décalé, il est judicieux de se poser la question. Vous en prenez plein les yeux ? La localisation des lésions donne aussi des indices précieux. Les mains, premières à toucher l'allergène, sont le siège le plus fréquent. Les paupières, pourtant rarement en contact direct, réagissent souvent à cause des transferts par les mains ou à cause du caractère volatile des allergènes comme certains vernis ou parfums. Les pieds peuvent souffrir des composants du cuir, du caoutchouc des semelles ou des cols utilisés dans les chaussures. Le visage et le cou réagissent volontiers aux parfums et sprays cosmétiques ou encore aux bijoux. Et ça se traite comment un eczéma de contact ? La pierre angulaire du traitement, c'est l'éviction. Identifier l'allergène grâce au patch test réalisé par un allergologue, puis supprimer ou remplacer le produit en cause est indispensable. Quand le contact est accidentel, un rinçage rapide peut limiter les dégâts. La bombe d'eau thermale vaporisée, suivie d'un tamponnage doux de la peau avec un linge propre, élimine l'allergène qui vient de se déposer. Le port de gants adapté, l'usage de crème barrière et le choix de vêtements protecteurs font partie des gestes à intégrer. Sur le plan médical, les corticoïdes locaux restent le traitement de choix, à condition de vérifier l'absence d'allergies à la molécule utilisée, car oui, il existe aussi de l'allergie aux crèmes corticoïdes, qui probablement peuvent expliquer des résistances au traitement corticoïde inhalé. Les inhibiteurs de la calcineurine, comme le tacrolimus ou le pimécrolimus, peuvent être proposés, tout comme les soins héméliants, en relais pour restaurer la barrière hercétanée. Dans les formes sévères, il y a également accès à des immunosuppresseurs plus forts, mais bien évidemment, ceux-ci ne font pas qu'améliorer vos lésions, ils altèrent votre capacité à vous défendre contre d'autres maladies. Et je ne peux pas juste rien faire et attendre que ça guérisse ? Alors, laisser traîner un eczéma de contact, c'est ouvrir la porte à d'autres problèmes. Une peau abîmée laisse passer plus facilement de nouveaux allergèles. Elle entraîne parfois une succession de sensibilisations. Elle devient aussi plus perméable aux allergènes d'allergies immédiates à anticorps de l'allergie, comme les pollens ou les acariens, qui peuvent provoquer des réactions locales médiées par l'histamine. Le cercle vicieux est alors difficile à briser. Ok, alors il va m'aider en quoi l'allergologue dans cette histoire ? Eh bien, l'allergologue va commencer par un interrogatoire précis, explorant votre travail, vos loisirs, vos produits habituels. Il réalisera des patch-tests, les standards européens sont appelés EECDRG, complétés si besoin par des tests spécifiques avec vos produits. Ils permettent bien souvent d'identifier l'allergène. Les lectures se font à 48 et 72 heures, parfois à 96 heures pour certains allergènes lents. N'hésitez pas à prendre en photo des réactions tardives et à les envoyer à votre médecin. Le résultat ? Une fiche d'éviction personnalisée, véritable feuille de route pour éviter la rechute. Une réadaptation de votre environnement est souvent nécessaire. Elle peut être très simple, comme cette dame allergique au textile d'ail qui, en remplaçant son foulard bleu qu'elle portait depuis des années par un beige, a vu son eczéma guérir, ou plus compliqué, comme cette coiffeuse allergique au parfum qui s'était déjà reconvertie dans son métier d'esthéticienne. à cause d'une allergie à la colophane qu'elle a rencontrée dans ses cires dépiliatoires. En conclusion, l'eczéma de contact, c'est la preuve que la peau est de la mémoire et qu'elle sait s'en servir. Pour s'en sortir, il faut identifier l'allergène en cause, éviter toute nouvelle exposition, réparer la barrière cutanée et prévenir les récidives. Et pour ne pas en souffrir, il faut simplifier son environnement chimique, Prendre soin de sa peau en soignant rapidement les lésions cutanées. Éviter les irritants sur la peau, car il déclenche le signal de danger qui sera responsable de la sensibilisation. Et la bonne nouvelle, c'est qu'une fois l'allergène trouvé et banni, la peau retrouve souvent son calme. Et si vos démangeaisons disparaissent en vacances, souvenez-vous, ce n'est peut-être pas la mer qui vous guérit, mais votre quotidien que vous fuyez. Lors du prochain épisode, nous parlerons des mythes et légendes en allergologie. Bonne journée à vous les amis, à bientôt !